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- 918. La plainte figure dans des communications de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) datées des 12 février, 2 et 4 mai, et 7 juillet 2004.
- 919. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans ses communications datées des 2 mai et 11 août 2004.
- 920. La République islamique d’Iran n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 921. Dans sa communication du 12 février 2004, la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) signale qu’au moins quatre travailleurs ont été tués et que 40 autres (voire davantage) ont été blessés par la police antiémeutes lors d’une grève, le 24 janvier 2004, dans le village de Khatoonabad et dans la ville de Shahr-e-Babak (province de Kerman, au sud-est de la République islamique d’Iran). Les noms des quatre travailleurs tués seraient Mahdavi, Javadi, Momeni et Riyahl. Des sources officieuses indiquent qu’il y aurait eu de sept à 15 morts et plus de 300 blessés.
- 922. Sur la base des informations qu’elle a pu recueillir, la CISL déclare que les travailleurs ayant pris part aux événements précités étaient des travailleurs non qualifiés, des travailleurs de la construction et des travailleurs qualifiés employés à la construction de la fonderie de cuivre du village de Khatoonabad. Leur employeur, un sous-traitant ayant construit la fonderie pour la Compagnie nationale iranienne des industries du cuivre, aurait promis des contrats permanents aux 1 500 travailleurs qui avaient participé à la construction de l’usine. Cependant, une fois la construction achevée, l’employeur n’a gardé que 250 travailleurs. C’est la raison pour laquelle ils ont lancé une grève et ont occupé l’usine jusqu’au 24 janvier 2004.
- 923. L’occupation du site a duré huit jours avant les violents affrontements. De nombreux travailleurs, ainsi que leurs familles, ont pris part au mouvement de protestation et ont bloqué la route d’accès à l’usine ainsi que l’entrée principale. Ils réclamaient des contrats de travail permanents et protestaient contre les propositions de contrats temporaires, les licenciements et le paiement différé des salaires et des avantages sociaux.
- 924. La CISL ajoute que, étant donné la prolongation du mouvement de protestation et de l’occupation de l’usine, le conseil de sécurité de la province, au sein duquel siègent le gouverneur de la province de Kerman et le gouverneur de la ville de Shahr-e-Babak, a décidé de déployer plus de forces de sécurité dans cette zone. Des unités spéciales de la police ont donc été conduites sur place en hélicoptère depuis Kerman.
- 925. Les témoignages concernant le début de la confrontation sont contradictoires. Selon l’agence de presse du gouvernement, les affrontements ont débuté lorsque 300 motards s’en sont pris à des propriétés publiques, des banques et autres établissements. Une explication similaire a également été fournie par le gouverneur Selfollah Shahad-Nejad, qui a soutenu que la confrontation avait débuté lorsque 100 à 150 motards ont profité des circonstances pour attaquer le domicile du gouverneur, des banques et des propriétés privées. Selon lui, ce sont ces événements qui ont poussé la police à ouvrir le feu. Le gouverneur a déclaré que certains protagonistes ont été blessés par les coups de matraque des unités antiémeutes et d’autres par des objets lancés par les travailleurs eux-mêmes.
- 926. M. Mansour Soleymani Meymandi, un membre réformiste représentant la ville de Shahr-e-Babak au parlement, a donné une autre version des faits. Selon lui, les autorités locales auraient envoyé des unités spéciales de police par hélicoptère afin de mettre un terme à la grève, et ces unités spéciales auraient attaqué les travailleurs dans le village de Khatoonabad. Les affrontements se sont ensuite étendus jusqu’à la ville de Shahr-e-Babak, où les quatre travailleurs ont été tués et des douzaines d’autres grièvement blessés. M. Meymandi a donné cette information lors d’une session du parlement, le 25 janvier 2004.
- 927. Des organisations iraniennes de travailleurs exilées confirment les dires de M. Meymandi. Cependant, elles ont affirmé que les travailleurs ont été tués devant l’usine et que les violents affrontements ont débuté dans la ville de Shahr-e-Babak à l’arrivée des unités spéciales de police.
- 928. Le secrétaire général de l’organisation de Téhéran «Worker’s House» (la maison du travailleur), M. Ali Reza Mahjoub, a également confirmé que la police avait attaqué les travailleurs alors qu’ils occupaient l’usine.
- 929. Dans une interview donnée le 25 janvier 2004, le gouverneur de la province de Kerman a confirmé que des forces spéciales avaient été envoyées pour stopper la grève et libérer l’accès à l’usine. Au vu des témoignages susmentionnés, cette déclaration conforte l’opinion de la CISL selon laquelle la confrontation a débuté lorsque la police a fait usage de la force publique pour mettre un terme à la grève. En outre, le responsable des forces de sécurité de la République islamique d’Iran, le général Mohammad Bagher Ghallbaf, a, quant à lui, confirmé que ce sont les tirs des policiers qui ont tué les grévistes.
- 930. La CISL fait savoir qu’elle a été informée que des blessés avaient été hospitalisés à Surcheshmeh et Shahr-e-Babak, où certains se trouvaient dans un état critique.
- 931. Suite aux affrontements, des rassemblements ont eu lieu devant le domicile des travailleurs tués pour que les responsables de ces morts rendent compte de leurs actions. Les mouvements de protestation et les affrontements avec les forces de police se seraient poursuivis les jours suivants, conduisant à l’arrestation de travailleurs et de membres de leurs familles. Selon l’une des organisations de travailleurs exilées, les forces de sécurité ont entrepris des recherches poussées dans les maisons du quartier. Une autre organisation a ajouté pour sa part que beaucoup de travailleurs arrêtés avaient été torturés.
- 932. Des sources officielles ont confirmé les arrestations. Le commandant des forces de sécurité de la province de Kerman, le général Isa Darayee, a révélé que 80 personnes avaient été arrêtées lors de cette grève et que 15 d’entre elles avaient subi un interrogatoire. Lors de la rédaction de sa plainte, la CISL n’avait aucune nouvelle de ces travailleurs.
- 933. Différentes autorités publiques auraient demandé l’ouverture d’enquêtes distinctes sur cet incident. Le Président de la République islamique d’Iran, Mohammad Khatami, a ordonné qu’une délégation de l’Administration présidentielle ouvre une enquête. Le ministère de l’Intérieur et le bureau général du gouverneur de Kerman auraient eux aussi demandé l’ouverture d’enquêtes par leurs services.
- 934. La CISL a présenté de nouvelles allégations dans sa communication du 2 mai 2004 sur les interventions de la police lors d’une manifestation à l’occasion de la Fête du travail. Le 1er mai 2004, des centaines de travailleurs et leurs familles ont organisé un rassemblement pacifique et ont défilé dans la ville de Saqez (province du Kurdistan) afin de fêter le 1er mai. Cet événement fut organisé par le «Conseil du 1er mai», une organisation de travailleurs de Saqez, regroupant des militants agissant indépendamment du gouvernement et des organisations que ce dernier contrôle.
- 935. A 17 heures environ, les manifestants ont été attaqués par les forces de sécurité du gouvernement, notamment des agents, en civil, du service de sécurité; plus de 40 participants auraient été arrêtés et incarcérés. Parmi eux, M. Mahmoud Salehi, un des dirigeants syndicaux arrêtés précédemment et incarcéré durant dix mois en 2001, M. Jalal Hosseini, un dirigeant syndical local, et M. Mohsen Hakimi, un militant bien connu, membre de l’Association des auteurs iraniens.
- 936. Les forces de sécurité se sont ensuite rendues au domicile de Mahmoud Salehi et ont saisi des documents et son ordinateur. Les familles des travailleurs arrêtés se seraient rassemblées devant le bureau de la sécurité pour demander la libération des détenus.
- 937. La CISL exprime son inquiétude quant au fait que MM. Salehi et Hakimi avaient rencontré, deux jours avant leur arrestation, des membres d’une mission de la CISL envoyée en République islamique d’Iran plus tôt dans la semaine. Cette mission avait été surveillée de près par les forces de sécurité. La CISL estime donc que la fouille du domicile de M. Salehi et la confiscation de son ordinateur sont directement liées aux relations qu’il entretenait avec elle.
- 938. La CISL a fourni de plus amples détails sur ces arrestations dans sa communication du 4 mai 2004. M. Mahmoud Salehi, arrêté le 1er mai 2004, est un dirigeant syndical bien connu, membre de l’«Association des boulangers de Saqez». Deux dirigeants syndicaux locaux, MM. Jalal Hosseini et Mohammad Abdlpoor, ainsi que M. Mohsen Hakimi et deux ou trois autres travailleurs ont également été arrêtés.
- 939. Les travailleurs s’étaient rassemblés pour des célébrations pacifiques du 1er mai et, bien qu’il ne s’agisse pas d’une réunion formelle et qu’aucun discours n’y ait été prononcé, la police a arrêté environ 50 personnes. D’après certaines sources, les six ou sept personnes mentionnées ci-dessus ont été transférées dans une prison de Sanandaj (capitale de la province du Kurdistan). Les familles ont dû payer une caution de 200 millions de tomans (soit environ 250 000 dollars E.-U.). Certaines personnes, membres des familles des détenus (en particulier Mme Manizheh Kazerani, la femme de M. Mohsen Hakimi), ont essayé en vain de contacter les autorités judiciaires et le service des renseignements de Saqez et de Sanandaj, et elles n’ont pu obtenir aucune information sur le sort des détenus.
- 940. La CISL a également rassemblé d’autres informations sur des entreprises au sein desquelles les travailleurs ne peuvent pas se syndiquer librement, par exemple le constructeur automobile Iran Khodro (le plus important du Moyen-Orient qui emploie plus de 34 000 personnes). Depuis juillet 2001, les travailleurs tentent en vain d’exercer leurs droits syndicaux, mais les dirigeants de l’entreprise et les fonctionnaires du ministère du Travail ont même empêché la création d’un conseil islamique du travail. Des employés de Khodro et de ses sous-traitants (par exemple la société Ehya-Gostar Sabz) ont été congédiés pour avoir organisé des mouvements de protestation, par exemple une grève récente pour non-paiement des salaires. D’autres cas ont été signalés, comme celui de la société Saman à Mashad, où les employés sont contraints de faire des heures supplémentaires (dans des équipes travaillant 14 heures par jour) ou encore les cas bien connus des travailleurs du pétrole qui n’ont pas le droit de constituer des syndicats.
- 941. Enfin, dans sa communication du 7 juillet 2004, la CISL a déclaré qu’aux environs du 30 juin 2004 quatre travailleurs, MM. Mahmoud Salehi, Jalal Hosseini, Borhan Divangar et Mohammad Abdlpoor, accusés de collaborer avec l’organisation politique gauchiste interdite «Komala» basée au Kurdistan, ont été cités à comparaître le 24 août.
- 942. Ces quatre dirigeants syndicaux faisaient partie des cinquante personnes arrêtées alors qu’elles fêtaient le 1er mai dans la ville de Saqez. La plupart ont été rapidement relâchés, mais ces quatre dirigeants ainsi que trois autres dirigeants syndicaux et militants (MM. Mohsen Hakimi, Esmail Khodgam et Hadi Tanom) n’ont été libérés sous caution que le 12 mai suite aux vives pressions internationales exercées, notamment celles du BIT.
- 943. Lors de leur arrestation, ils étaient principalement accusés de rassemblement illicite mais, lors de leur libération, aucune charge connue n’a été retenue contre eux. Le fait qu’ils aient été libérés sous caution laisse pourtant penser qu’ils étaient encore sous le coup de certaines accusations maintenues après leur libération. Les accusations actuelles d’activité politique illicite sont différentes de celles évoquées lors de leur arrestation, et il semblerait donc que ces arrestations ne soient qu’un moyen de punir les dirigeants syndicaux pour l’exercice de leurs activités et pour avoir tenté de fêter le jour du travail.
- 944. La CISL affirme que les quatre dirigeants syndicaux sont des militants indépendants et qu’ils n’ont, à sa connaissance, aucun lien avec les partis politiques. La CISL s’inquiète sérieusement du fait que les poursuites lancées contre eux sont directement liées aux contacts qu’ils ont eus avec les membres de sa mission le 29 avril 2004, deux jours seulement avant leur arrestation, cette mission ayant été étroitement surveillée par le service de sécurité iranien.
- 945. Dans une communication en date du 7 février 2005, l’organisation plaignante a fourni des informations complémentaires concernant les arrestations faisant suite aux célébrations de la Fête du travail à Saqez. En plus des quatre arrestations de dirigeants syndicaux mentionnées dans sa communication antérieure, l’organisation plaignante a déclaré avoir appris depuis que MM. Mohsen Hakimi, Esmail Khodkam et Hadi Tanoumand, également arrêtés alors qu’ils célébraient la Fête du travail, ont également été poursuivis par la suite pour collaboration avec l’organisation politique «infidèle» et interdite «Komala». L’organisation plaignante insiste sur le fait qu’au moment de leur arrestation on avait indiqué à ces dirigeants et militants syndicaux qu’ils étaient arrêtés pour avoir organisé un rassemblement sans autorisation légale et qu’ils n’avaient participé à aucune activité politique entre le moment de leur arrestation, le 1er mai, et celui où ils ont été accusés de ces autres faits aux environs du 30 juin 2004. L’organisation plaignante est donc convaincue que les poursuites engagées constituent tout simplement un moyen détourné de persécuter ces dirigeants en raison de leurs activités de défense des droits des travailleurs, et en particulier de leur initiative visant à célébrer la Fête du travail. Elle réaffirme que ces sept dirigeants syndicaux sont des militants indépendants et qu’ils n’ont à sa connaissance aucun lien avec des partis politiques.
- 946. L’organisation plaignante a fourni des informations détaillées sur les antécédents professionnels et syndicaux de chacun des dirigeants syndicaux arrêtés ainsi que sur leurs rôles actuels au sein du mouvement syndical. Elle a ajouté que Borhan Divangar et Mahmoud Salehi lui ont fait savoir qu’ils faisaient continuellement l’objet de mesures de harcèlement dans l’exercice de leurs activités syndicales. M. Salehi a précisé en outre que les accusations de sympathies avec l’organisation «Komala» retenues contre lui sont fondées sur des documents qui auraient été retrouvés dans son ordinateur saisi durant la perquisition de son domicile. M. Salehi a nié détenir aucun de ces documents et a fait savoir au juge qu’aucun de ceux-ci n’a été découvert en présence de son représentant légal. Il ne veut pas endosser une responsabilité pour des documents qui ont pu être introduits dans son ordinateur après sa saisie par les autorités.
- 947. Alors que les sept dirigeants syndicaux arrêtés devaient comparaître devant un tribunal le 24 août 2004, la première audience n’a pas eu lieu avant le 25 décembre 2004. Le premier cas concernait Borhan Divangar. Bien que le procès ait eu lieu à huis clos, l’organisation plaignante croit savoir que M. Divangar a été représenté par son avocate, Mme Mahshid Hadad, qui a requis l’abandon des poursuites. Durant l’audience, son avocate a fait état des mauvais traitements et des actes de torture endurés par M. Divangar durant sa détention de douze jours en mai 2004. Elle a également demandé qu’un représentant du ministère des Renseignements soit appelé à témoigner pour faire la lumière sur les accusations portées contre son client, mais le juge a rejeté la demande en indiquant que le service des renseignements ferait parvenir ses preuves par écrit. L’organisation plaignante n’a pas connaissance d’un verdict quelconque concernant ce cas.
- 948. M. Mohsen Kahimi a été jugé le 16 janvier 2005 à huis clos. Un garde révolutionnaire était toutefois présent à l’audience jusqu’à ce que le conseil de la défense, M. Sharif, ait formulé une objection à cet égard. Selon les informations fournies à l’organisation plaignante, M. Hakimi n’a même pas eu la possibilité de faire une dernière déclaration pour sa défense. L’organisation plaignante estime qu’il s’agit là d’une grave violation des règles de procédure qui soulève de sérieuses préoccupations au sujet de l’impartialité de ces procès.
- 949. M. Mahmoud Salehi a été jugé le 1er février 2005, également à huis clos. Ici encore, son avocat a rejeté les accusations lancées contre son client. Une soi-disant «preuve complémentaire» a été présentée contre M. Salehi, en particulier deux textes qu’il avait écrits en 2004, à savoir un article intitulé «Etablissement d’un indice du coût de la vie pour une famille de cinq personnes en Iran», et une déclaration condamnant le massacre de plusieurs grévistes par les forces de sécurité à Khatoonabad, en janvier 2004. M. Salehi a déclaré que non seulement ces deux textes étaient des documents publics et, en aucune manière, illégaux mais qu’il les avait aussi envoyés aux autorités intéressées au moment où ils ont été publiés. Par ailleurs, l’accusation a considéré les contacts de M. Salehi et une réunion qu’il a eue avec une mission de la CISL, le 29 avril 2004, comme une autre preuve de ses crimes allégués. L’accusation a soulevé les arrestations et des périodes de détention antérieures de M. Salehi, mais l’organisation plaignante insiste sur le fait que toutes ces arrestations sont directement liées à ses activités syndicales indépendantes comme, par exemple, sa participation à l’Association des travailleurs de la boulangerie de Saqez et l’organisation de manifestations indépendantes en rapport avec la Fête du travail. Il reste qu’il a été poursuivi dans chaque cas pour sympathies avec l’organisation «Komala», une accusation régulièrement lancée par les autorités judiciaires iraniennes contre les militants syndicaux, sociaux et des droits de l’homme.
- 950. L’audience concernant M. Mohammad Abdlpoor a eu lieu le 6 février 2005. Le juge a déclaré qu’elle était ouverte au public, mais seules ses avocates, Mmes Mahshid Hadad et Mohammadi, ont été autorisées à prendre place dans la salle du tribunal aux côtés de leur client. En plus des deux accusations portées contre les sept dirigeants syndicaux, M. Abdlpoor est accusé d’avoir contacté des membres du comité central du parti «Komala», d’avoir célébré l’anniversaire de ce parti et d’avoir recueilli des informations pour le compte de ce dernier. Il a contesté ces accusations en déclarant qu’elles ont été inventées pour justifier les arrestations par les autorités avant les célébrations de la Fête du travail en mai 2004. Ses avocates ont plaidé l’abandon des poursuites.
- 951. L’organisation plaignante a appris qu’une deuxième audience pour les sept militants était prévue après le Nouvel an iranien en avril. Tout en effectuant les formalités de visa pour pouvoir assister au procès toujours prévu, elle rappelle qu’elle n’a toujours pas reçu de réponse à ses demandes formelles antérieures présentées en août, septembre et décembre 2004 et janvier 2005.
- 952. L’organisation plaignante déclare que les procès sont devenus un symbole de la répression des travailleurs dans la République islamique d’Iran. Elle a invité les travailleurs de 17 usines ainsi qu’un groupe de travailleurs de Sanandaj à témoigner leur soutien aux sept militants syndicaux dans une déclaration ouverte publiée par le comité du travail des usines de production de Téhéran, le 10 septembre 2004, dénonçant les procès et appelant à un arrêt de travail de cinq minutes en signe de solidarité avec les sept militants de Saqez. La déclaration dénonce également l’absence de liberté d’organiser des manifestations à l’occasion de la Fête du travail, le recours extensif aux contrats de travail temporaires et les mauvaises conditions de vie des travailleurs du pays. Cette déclaration a été soutenue par les travailleurs de: Iran Khodro, Shahab Khodro (construction automobile), Gorohe Sanati Minoo (groupe industriel Minoo), Pars Metal, SaiPa, Kashi-Irana, Pump Industries of Tehran, Sazeh Gostare Saipa, Petoshimi Mahshahr (usine pétrochimique de Mahshahr), Khavar Press, Vitana, Follade Khuzestan (acier de Khuzestan), un groupe de travailleurs de Sanandaj, l’usine de fabrication de tracteurs de Tabriz, Bolberingsazi Tabriz, l’usine de sucre en morceaux de Miandoab, Iran Khodro Diesel Company et Vazneh.
- Arrestation d’enseignants
- 953. L’organisation plaignante présente de nouvelles allégations concernant l’arrestation d’enseignants. Elle indique que, selon des rapports de l’agence de presse officielle iranienne – l’Agence de presse de la République islamique (IRNA) –, le secrétaire général de l’Association des enseignants, M. Mahmoud Beheshti Langarudi, et son porte-parole, M. Ali-Ashgar Zati, ont été arrêtés le 12 juillet 2004. Selon les sources officielles, leur arrestation n’est pas liée à leurs activités syndicales, notamment l’organisation de grèves pour le non-paiement des salaires de mars 2004. Les syndicalistes estiment cependant qu’ils ont été arrêtés pour leurs activités syndicales et les grèves qu’ils ont organisées en juin 2004. L’organisation plaignante ajoute qu’elle a appris que l’Association des enseignants était liée à l’une des fractions du gouvernement qui aurait pris maintenant ses distances vis-à-vis de ce dernier.
- 954. L’organisation plaignante fait savoir qu’en mai 2004 M. Langarudi a été cité à comparaître devant un tribunal pour des faits liés aux grèves de mars 2004. Il a été accusé d’être entré illégalement dans une école, d’avoir quitté son poste pendant les heures de travail et d’avoir incité des enseignants «agitateurs» à faire grève; 200 000 personnes ont pris part à la grève du mois de mars, soit un tiers de l’ensemble des enseignants.
- 955. L’organisation plaignante croit savoir de l’IRNA que les arrestations du mois de juillet pourraient aboutir à des accusations de violation de la sécurité nationale et d’organisation de deux manifestations en juin. Les manifestants exigeaient des augmentations de salaires et des arriérés de salaires pour un montant de 5,2 milliards de rials (620 millions de dollars E.-U.). L’arrestation de MM. Langarudi et Ali-Asghar Zati a poussé les enseignants de Téhéran et d’ailleurs à se réunir dans une manifestation, le 19 juillet, devant l’entrée principale du Majles (le Parlement iranien) à Téhéran, pour protester contre leurs arrestations et les actes d’intimidation perpétrés à leur encontre par les forces de sécurité et le ministère de l’Education. Selon les sources de la CISL, l’Association des enseignants a fait l’objet d’actes d’intimidation tendant à le réduire au silence, raison pour laquelle il n’a publié aucune déclaration sur ces arrestations.
- 956. MM. Mahmoud Beheshti Langarudi et Ali-Asghar Zati n’ont été libérés sous caution qu’à la mi-août. M. Zati a dû payer une caution de 70 millions de tomans et M. Beheshti de 50 millions. Toutefois, d’autres membres de la même association auraient été arrêtés dans le nord de la province de Mazandaran.
- Restrictions à l’application de la législation du travail
- 957. La CISL a appris que le Parlement de la République islamique d’Iran a adopté et est également en train d’adopter différents textes législatifs qui priveraient divers groupes de travailleurs de la protection accordée par la législation du travail et qui priveraient, notamment, la plupart des travailleurs du droit de créer des organisations de travailleurs, y compris des syndicats. En 2004, le parlement a adopté une législation excluant les travailleurs des ateliers de moins de dix salariés du champ de la législation du travail. Cette législation exclurait les travailleurs de la plupart des ateliers de tissage de tapis de la protection accordée par la législation du travail en vigueur et les priverait ainsi du droit d’organisation. Par ailleurs, un projet de loi excluant les travailleurs temporaires du champ de la législation du travail devait être examiné par le parlement en novembre 2004. Cette législation exclurait environ 90 pour cent des travailleurs de la République islamique d’Iran de la protection accordée par la législation du travail, y compris du droit d’organisation, aux congés annuels, aux augmentations de salaires, de bénéficier de jours fériés, aux indemnités de chômage et aux prestations médicales et sociales.
- Usine de textile Kurdistan à Sanandaj
- (province du Kurdistan)
- 958. Selon des informations reçues par la CISL, l’usine de textile Kurdistan a été encerclée par les forces de sécurité pour en couper l’accès durant une grève avec occupation commencée le dimanche 31 octobre 2004. Les soixante-quinze travailleurs de cette usine ont commencé leur grève pour protester contre les licenciements collectifs annoncés par la direction. Le 1er novembre, des travailleurs de toutes les sections de l’usine se sont ralliés aux grévistes jusqu’à ce que l’ensemble des travailleurs de l’usine fasse de même, et des centaines de travailleurs ont occupé l’entreprise. Les travailleurs de deux autres usines de textile de la ville (Shaho et Shinbaf), du Syndicat des travailleurs de la boulangerie et d’autres syndicats ont déclaré leur soutien à la grève. D’autres travailleurs de l’industrie du textile, de l’aluminium, des produits laitiers, de la boulangerie, du plastique et des étudiants auraient manifesté leur soutien aux travailleurs. Dans toute la ville de Sanandaj, de nombreuses personnes ont signé une pétition pour soutenir les grévistes, et un fonds alimenté par des collectes a été mis sur pied. Des travailleurs de Saqez ont également apporté leur soutien à la grève.
- 959. Le 2 novembre, le ministère du Travail aurait appelé le gouverneur du Kurdistan, l’armée et la direction à mettre un terme à la «rébellion». La grève s’est terminée le 3 novembre lorsque l’employeur et les autorités gouvernementales ont accepté d’augmenter les indemnités de licenciement. L’accord a été négocié alors que l’usine était encore encerclée par les forces armées. Celui-ci prévoit une indemnité de quatre mois et demi de salaire par année d’emploi et deux années d’indemnités de chômage pour les soixante-quinze travailleurs collectivement licenciés. Par ailleurs, la direction a accepté de réintégrer six travailleurs qui avaient été renvoyés et de rémunérer intégralement les jours de grève pour l’ensemble des travailleurs. Elle ne s’est toutefois pas engagée à ne pas procéder à d’autres licenciements. Les négociations ont été suivies par le sergent Doosty, qui serait le chef local des services de sécurité. Selon d’autres sources, M. Doosty aurait été vu brandissant un imprimé, criant et menaçant des représentants des travailleurs.
- 960. Selon l’Agence de presse iranienne pour les questions du travail (ILNA), la direction a refusé par la suite d’augmenter les indemnités de licenciement. Cette situation a conduit à de nouvelles manifestations de protestation de la part des travailleurs également mécontents de la perspective d’une privatisation. Des plans seraient prévus de privatiser l’ensemble, sinon une grande partie, de l’industrie du textile. Ce plan impliquerait également une diminution des effectifs. Les représentants des travailleurs de l’usine ont appris plus tard à l’organisation plaignante que les promesses faites durant l’accord n’ont pas été tenues.
- 961. L’organisation plaignante a appris que de nouvelles grèves ont éclaté le 22 décembre 2004 et que les travailleurs de l’usine s’étaient précédemment mis en grève à deux reprises durant les mois de novembre et de décembre. La grève du 22 décembre a commencé après que l’employeur eut décidé de licencier cinq travailleurs nommément désignés: MM. Yadullah Jafari, Ali Kheirabadi, Zahed Nasiri, Shahram Chenareh et Mohammad Kali. La grève a été suivie par 350 travailleurs. Ces derniers ont demandé à l’employeur de revenir sur sa décision, sans succès. La situation a abouti à une grève au cours de laquelle les travailleurs ont protesté contre les plans de la direction de licencier les travailleurs les plus militants et âgés pour les remplacer par des travailleurs temporaires à court terme non protégés par la législation du travail.
- 962. Les travailleurs exigeaient:
- – la reconnaissance de leur droit à faire grève;
- – le paiement de l’intégralité de leur salaire sans déduction pour les jours de grève;
- – la réintégration des travailleurs licenciés;
- – la cessation de la politique des contrats temporaires;
- – la fin des menaces contre les travailleurs par les agents de la direction et du gouvernement;
- – l’annulation des règles établies par le «comité disciplinaire»;
- – la mise en œuvre complète d’un plan de classification des emplois existants;
- – le respect de la dignité et des droits des travailleurs sur le lieu de travail;
- – la création d’une cantine en libre-service servant un plat chaud par jour;
- – un milieu de travail sain et salubre, et en particulier le remplacement du système de ventilation défectueux à l’origine de nombreuses affections chez les travailleurs;
- – enfin, des traitements médicaux pour près de 100 travailleurs tombés malades à cause d’un milieu de travail hautement pollué et insalubre.
- 963. La CISL a appris que les travailleurs craignaient que les forces de sécurité ne se redéploient devant l’usine comme elles l’ont fait en novembre. Selon les informations qu’elle a reçues, les travailleurs ont élu un comité des travailleurs pour défendre leurs droits. Les forces de sécurité et l’employeur ont alors exercé des pressions sur les membres du comité, et en particulier sur son président, M. Shis Amani, pour mettre un terme à la grève. Il a été interrogé et menacé à plusieurs reprises, et ce n’est que grâce au soutien des travailleurs qu’il a évité la détention. D’autres représentants des travailleurs (MM. Hadi Zarei, Iqbal Moradi, Hassan Hariati, Farshid Beheshti Zad et Ahmad Fatehi) ont également été menacés de licenciement et d’arrestation. De nombreux travailleurs auraient été renvoyés et des militants soumis à d’«immenses pressions». Le comité a néanmoins réussi à constituer un fonds pour la grève et un comité de crise au cas où des mesures seraient prises à l’encontre du comité des travailleurs.
- 964. Le 2 janvier, alors que la grève était encore en cours, le comité de soutien aux grévistes a fait savoir à la CISL qu’une commission avait été créée par le Département du travail, comprenant des représentants des forces de sécurité, du Département du travail, de la direction et du ministère de l’Information (sécurité publique). Le 1er janvier, la commission avait menacé des grévistes de renvoi. Cependant, le 6 janvier, la commission a négocié pendant plus de cinq heures avec les représentants des travailleurs et est parvenue à un accord. Les négociations se sont déroulées en présence d’un agent du ministère de l’Information qui a refusé de décliner son identité.
- 965. Selon des informations transmises à l’organisation plaignante, les grévistes ont accepté de reprendre le travail à la condition que l’employeur et les autorités gouvernementales respectent et commencent à mettre en œuvre l’accord dans un délai d’un mois. Une déclaration publiée par le comité de soutien aux grévistes précise les termes de l’accord:
- 1) Tous les licenciements prononcés par l’employeur doivent être stoppés. Ils devront être approuvés par une commission composée de représentants de la direction, du gouverneur de la province, du ministère du Travail et du Comité pour le règlement des différends, et de représentants des travailleurs.
- 2) Les contrats de travail temporaires seront conclus sur une base de six mois au lieu de trois mois actuellement.
- 3) Les conditions de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail feront l’objet d’un examen.
- 4) Les arriérés de salaires seront immédiatement payés aux travailleurs, y compris ceux afférents aux seize jours de grève. Cette promesse aurait été faite par le ministre du Travail.
- 5) A la place d’une cantine en self service proposant un plat chaud, les travailleurs recevront 30 000 rials au lieu des 15 000 précédemment accordés pour leur repas quotidien et auront droit à du lait et à des gâteaux quotidiennement.
- 6) La demande de réintégration des six travailleurs renvoyés a été rejetée, mais il est convenu qu’ils recevront une indemnité de licenciement équivalant à trois mois de salaire par année de service passée à l’usine, plus des indemnités.
- 7) Un comité de mise en œuvre d’un plan de classification des emplois sera mis sur pied et les travailleurs au bénéfice de contrats de travail temporaires seraient inclus dans le plan. Les travailleurs sous-payés pendant les années antérieures recevraient une compensation.
- Conséquences de la grève
- 966. La CISL a fait savoir qu’elle a appris, depuis lors, que des représentants des travailleurs de l’usine de textile Kurdistan ont fait l’objet de mesures de harcèlement et ont été soumis à un interrogatoire, le 19 janvier, par le ministère des Renseignements consécutivement à l’accord conclu le 6 janvier. M. Shis Amani, président du Comité de soutien aux grévistes, et M. Hadi Zarei ont tous deux été menacés. M. Fashid Beheshti Zad a été menacé et accusé d’entretenir des liens avec des partis politiques de l’opposition. Vers la même période, M. Amani a également été accusé d’entretenir des liens avec des partis politiques. L’organisation plaignante a également appris que les autorités et l’employeur étaient en train de chercher des excuses pour ne pas respecter l’accord.
- B. Réponses du gouvernement
- 967. Dans sa communication du 2 mai 2004, le gouvernement indique que certains points de la plainte concernant les incidents survenus dans le village de Khatoonabad et dans la ville de Shahr-e-Babak devaient être clarifiés. Etant donné la sensibilité du cas, une enquête indépendante a été ouverte sous mandat du Président Khatami, enquête dont les résultats lui seront directement communiqués.
- 968. Dans sa communication du 11 août 2004, le gouvernement a fourni de plus amples informations sur le contexte des incidents de Shahr-e-Babak et de Saqez, ainsi que sur ses efforts pour renforcer la liberté syndicale et la négociation collective.
- 969. Le ministère du Travail et des Affaires sociales a confié les enquêtes à des organismes gouvernementaux afin de fournir à l’OIT un rapport complet et détaillé. Le résumé de leurs rapports figure ci-dessous.
- Incident de Shahr-e-Babak
- 970. Lors de la construction du complexe industriel de Khatoonabad (situé à des kilomètres de Shahr-e-Babak, dans le village de Khatoonabad), certains habitants du village étaient employés temporairement à la construction de la fonderie de cuivre. Les années passant, ils commencèrent à espérer obtenir des contrats de travail permanents au sein de l’usine une fois qu’elle serait opérationnelle.
- 971. Alors que la construction de l’usine s’achevait, et que les sous-traitants commençaient à quitter le site, les contrats temporaires touchaient également à leur fin. Les travailleurs en furent informés mais continuèrent à espérer obtenir des contrats permanents. Parallèlement à la construction, l’emploi des travailleurs qualifiés et spécialisés se poursuivaient et l’accès au complexe a été interdit aux habitants du village ayant travaillé à la construction de l’usine.
- 972. En réaction à cette mesure prise par la direction du complexe pour réduire les effectifs, de violents affrontements ont débuté. Ainsi, des noyaux préliminaires de protestation et d’opposition, constitués principalement d’habitants de Khatoonabad, furent formés. Ces habitants se regroupaient fréquemment devant le complexe pour protester contre la nouvelle politique d’embauche et bloquaient les accès au site, empêchant les employés d’y entrer ou d’en sortir. La direction du complexe a rencontré les manifestants et leur a demandé de porter le cas devant le conseil de règlement des différends.
- 973. Certains protestataires, qui n’avaient pas la patience d’attendre que le cas soit porté devant le conseil de règlement des différends, commencèrent à menacer de mettre le feu à l’usine. La police n’a eu d’autre choix que d’utiliser des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour les disperser. Au grand regret du gouvernement, certains manifestants ont été empoisonnés par le gaz et d’autres blessés; ils furent immédiatement transportés à l’hôpital.
- 974. Durant ces événements, et parallèlement aux actes de violence dans le complexe, des opportunistes ayant des visées politiques ont tenté de profiter de la situation pour la détourner sur le plan politique; ils ont attaqué le bureau du gouverneur à Shahr-e-Babak, cassé des fenêtres et démoli une partie des locaux.
- 975. Le chaos s’est ensuite étendu dans les rues principales de la ville où les émeutiers cassèrent les fenêtres de 12 banques, endommagèrent certains immeubles résidentiels, le commissariat de police et des voitures. Les manifestants se dirigèrent ensuite vers la station-service et menacèrent de l’incendier. Les forces de police ont alors dû intervenir pour défendre les biens publics et privés et pour protéger la vie des citoyens. Le chaos était tel que la police a dû utiliser des gaz lacrymogènes. Des citoyens furent blessés et furent plus tard transportés à l’hôpital. Quelques manifestants furent également arrêtés. Certains détenus furent relâchés suite aux enquêtes.
- 976. Rétrospectivement, en considérant de plus près les événements, il convient de distinguer les manifestations de travailleurs devant le complexe industriel de Khatoonabad (qui se situe à des kilomètres de Shahr-e-Babak) des émeutes et affrontements survenus dans la ville de Shahr-e-Babak. Ces derniers avaient en effet une nature politique et poursuivaient des objectifs antidémocratiques et non liés au travail.
- 977. Le gouvernement souligne qu’il doit résoudre les problèmes de chômage comme de nombreux pays développés et en voie de développement. Afin de pallier ce problème, il a donc tout mis en œuvre pour favoriser la création d’emplois: l’encouragement des investissements étrangers conjugués à une modification judicieuse de la législation en vigueur; l’encouragement des investissements nationaux; une plus grande facilité pour privatiser; la mise en œuvre de politiques incitant les employeurs à recruter davantage de personnel et d’autres mesures dont des politiques gouvernementales pour la création d’emplois et le soutien de la main-d’œuvre. Bien qu’il soit pleinement conscient des problèmes rencontrés par les travailleurs et qu’il mette tout en œuvre pour les régler, le gouvernement reste attentif à la politisation des mouvements défendant les droits des travailleurs.
- 978. Le gouvernement a toujours soutenu les mouvements légitimes de protestation des travailleurs et a demandé à la police de ne pas intervenir dans ce genre de manifestations. Malheureusement, ces dernières années, certains émeutiers ont laissé libre cours à leur colère et ont détruit des propriétés publiques. Ils ont même tenté de détourner les travailleurs de leurs griefs légitimes pour les rallier à leurs objectifs politiques. La police a donc dû intervenir pour empêcher la dégradation de la propriété publique.
- 979. Le gouvernement a considérablement renforcé le tripartisme au cours des dernières années, en mettant l’accent sur le dialogue social. A cet égard, la coopération technique avec l’OIT sur le dialogue social s’est concrétisée par des séminaires et des programmes de formation.
- 980. Le gouvernement n’a jamais considéré – et ne considérera jamais – les débrayages ou les grèves organisés pour revendiquer des droits syndicaux comme une situation de crise ou comme des perturbations de l’ordre public. En fait, le gouvernement est intervenu dans ce genre de situations pour aplanir les obstacles et régler pacifiquement les problèmes entre les travailleurs et leurs employeurs. Le principe fondamental du dialogue constructif a toujours été perçu par les autorités nationales comme la première étape du règlement des différends.
- 981. Soulignant qu’un groupe d’insurgés hostiles au régime s’est servi d’une grève comme prétexte pour détruire la propriété publique, le gouvernement déclare que les forces de sécurité ont décidé d’utiliser des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, calmer les esprits et éviter que la situation ne dégénère. Cependant, devant la résistance des insurgés armés, les forces de police n’ont pas eu d’autre choix que de recourir à la force et d’utiliser des armes à feu pour la protection de l’ordre et de la sécurité nationale.
- 982. Le gouvernement a fait savoir qu’il considère le droit aux rassemblements publics et aux manifestations comme un aspect important des droits syndicaux et veut assurer qu’il a prêté attention aux requêtes d’ordre social ou économique adressées par les travailleurs, et qu’il continuera de s’efforcer, équitablement, de rencontrer leurs exigences.
- 983. En outre, lors des événements de Shahr-e-Babak, quelques hooligans qui ont perturbé l’ordre public et ont provoqué des altercations avec les forces de sécurité ont été arrêtés. Il convient de souligner qu’aucune des personnes arrêtées alors ne faisait partie de la manifestation de travailleurs protestant contre le non-renouvellement de leurs contrats. Les individus arrêtés ne faisaient qu’inciter à la violence au nom d’idéaux politiques et n’avaient aucune visée sociale ou économique.
- 984. Le gouvernement a indiqué, entre outre, qu’il serait reconnaissant qu’on puisse lui fournir des informations établissant que les personnes arrêtées étaient de simples travailleurs revendiquant leurs droits légitimes. Si tel était le cas, une enquête serait immédiatement ouverte et les résultats communiqués au comité. Néanmoins, le gouvernement estime qu’il convient de distinguer les groupes défendant des idées politiques des travailleurs revendiquant des droits syndicaux. Les revendications économiques et sociales des travailleurs ne doivent pas devenir des revendications politiques, comme cela a été le cas à Shahr-e-Babak.
- Evénements de la ville de Saqez
- 985. En ce qui concerne les événements de Saqez, le gouvernement considère que le comité n’a pas été bien informé de tous les aspects spécifiques de cet incident. En réalité, le 1er mai 2004, des centaines de travailleurs et leurs familles se sont rassemblés et ont défilé pacifiquement dans la ville de Saqez pour célébrer la Fête du travail.
- 986. Cependant, selon le gouvernement, bien avant le 1er mai, un certain nombre de membres et de partisans de deux groupes politiques illicites non constitués démocratiquement (le parti «Komala» et le parti communiste, tous deux situés au Kurdistan, République islamique d’Iran, et qui se sont toujours opposés au régime en place) ont tenté de détourner la manifestation de la Fête du travail et ont incité les manifestants au désordre.
- 987. Le 1er mai, les membres des deux groupes mentionnés ci-dessus se sont joints au groupe de travailleurs qui défilaient et ont perturbé la manifestation. Il ne s’agissait plus dès lors d’une manifestation de travailleurs mais d’un mouvement de revendication politique.
- 988. Le gouvernement rappelle une nouvelle fois qu’il considère le droit d’organiser des rassemblements publics, a fortiori lors du 1er mai, comme une part importante des droits des travailleurs. Cependant, lors du rassemblement du 1er mai, les principaux membres et figures clés de ces organisations illicites ont cherché à provoquer un conflit et à détourner la manifestation pour servir leurs objectifs antirégime. Ils ont défilé dans la ville de Saqez et ont affronté les forces de police, ce qui a eu pour conséquence de provoquer des tensions et de perturber l’ordre public.
- 989. Devant la gravité de la situation, et afin de calmer les esprits, les forces de sécurité sont intervenues et ont arrêté les instigateurs de ces conflits. Tous les détenus furent toutefois libérés plusieurs jours après le rassemblement du 1er mai.
- 990. Le gouvernement affirme qu’il a toujours respecté le principe de la liberté syndicale et le droit d’organiser des rassemblements publics relatifs au travail. Il a fait de gros efforts pour améliorer la condition des travailleurs, que ce soit au niveau social ou économique. Comme lors des événements de Shahr-e-Babak, les forces de sécurité n’ont à aucun moment usé de la force à l’encontre des travailleurs rassemblés pour la marche du 1er mai. Si le moindre cas d’arrestation de travailleur manifestant pour le respect de ses droits fondamentaux est signalé au comité, une enquête sera ouverte et les résultats lui seront communiqués.
- 991. Le gouvernement croit fermement que la base pour une bonne gestion de toutes les questions relatives au travail est un système démocratique efficace qui assure le respect des droits de l’homme en général, notamment celui des libertés civiles fondamentales telles que le droit à un environnement où règnent la sécurité et l’intégrité et où les libertés collectives sont respectées, en particulier la liberté d’expression et d’organisation. Le gouvernement a déclaré avoir tout mis en œuvre pour faciliter le développement des organisations représentatives d’employeurs et de travailleurs et pour promouvoir le dialogue entre tous ses partenaires sociaux. Telles sont les conditions fondamentales pour le développement d’une société civile où cohabitent une pleine diversité d’opinions et d’intérêts.
- 992. Pour y parvenir, le gouvernement considère cependant qu’il est indispensable de créer un cadre juridique adéquat où les questions relatives au travail pourront être rapidement réglées. Afin de résoudre les litiges, le gouvernement aide les organisations d’employeurs et de travailleurs à renforcer leur rôle dans la promotion des relations de travail et des droits relatifs au travail. Dans cette optique, des ateliers tripartites et des séminaires ont été, en collaboration avec l’OIT, organisés à Téhéran et dans d’autres villes industrielles au cours des trois dernières années. En outre, le gouvernement a fait du renforcement des syndicats existants une de ses priorités et continue à s’efforcer de mettre la législation existante en pleine conformité avec les normes internationales du travail.
- 993. Malgré ses efforts et les progrès réalisés, le gouvernement reconnaît qu’il reste beaucoup à faire dans ce domaine, par exemple mener à bien des projets en collaboration avec l’OIT. A ce propos, le gouvernement rappelle que, au cours des dernières années, il a prouvé sa volonté d’établir avec l’OIT de bonnes relations basées sur le respect et la compréhension mutuels. Il mentionne les visites passées et futures des représentants du Secteur des normes et des principes et droits fondamentaux au travail, et assure le comité qu’au cours des dernières années le gouvernement a tout mis en œuvre pour faire respecter tous les droits des travailleurs et qu’il poursuivra ses efforts dans cette voie. C’est le résultat de son engagement à faire respecter les lois et l’ensemble des libertés civiles, y compris la liberté syndicale et la liberté d’expression.
- 994. Pour conclure, et alors qu’il se réjouit de la coopération en cours avec les organes de l’OIT, le gouvernement souhaite souligner une fois encore que toute aide que pourrait apporter l’OIT pour améliorer la mise en œuvre des principes fondamentaux et des droits des travailleurs, y compris celle de la liberté syndicale, est la bienvenue et grandement appréciée.
- 995. Dans une communication datée du 24 octobre 2004, le gouvernement reprend la plupart des informations fournies dans sa communication précédente et fournit certaines précisions supplémentaires. Dans cette communication, le gouvernement souligne que les incidents survenus dans chacun de ces villages sont de nature très différente et sont, en conséquence, traités séparément.
- 996. En ce qui concerne Khatoonabad, le gouvernement rappelle le contexte de ce différend et les difficultés ayant découlé du caractère temporaire des activités proposées par le premier entrepreneur, Consersium Contracting Company, qui avait recruté des travailleurs du bâtiment non qualifiés sur la base de contrats de travail temporaires à durée déterminée ayant fait l’objet d’un accord entre l’employeur et les travailleurs concernés.
- 997. Le gouvernement déclare que c’est à partir de 2000 que ces travailleurs occasionnels ont lancé une action revendicative en vue d’obtenir la conversion de leurs contrats temporaires en contrats permanents. Des mesures de conciliation ont été proposées à ces travailleurs occasionnels, notamment des allocations de chômage et la possibilité d’être réembauchés pendant d’autres phases du projet. Malgré ces mesures envisagées, l’employeur a, en toute légalité, résilié leurs contrats en 2003 au terme de la construction de l’usine. Le gouvernement soutient que l’action menée par l’employeur n’enfreint en aucune manière le droit du travail iranien ou les normes internationales du travail et qu’il aurait été totalement inacceptable de contraindre l’employeur à réembaucher ces travailleurs.
- 998. Bien qu’ils aient obtenu tout ce à quoi ils avaient droit, les travailleurs occasionnels non qualifiés ont occupé l’usine à plusieurs reprises et organisé des débrayages pendant plusieurs jours, bloquant les principales voies d’accès au site et empêchant le personnel d’y accéder. Bien que les travailleurs protestataires aient été invités à discuter pacifiquement de leurs revendications, ils n’ont pas tenu compte de cet appel et ont continué à bloquer voies d’accès et entrées principales de l’usine en menaçant, en outre, d’incendier le complexe industriel. Il en a résulté une situation d’une exceptionnelle gravité d’autant qu’aucune sécurité ne pouvait plus être assurée.
- 999. Le gouvernement déclare que la gravité et l’urgence de la situation ont conduit les forces de l’ordre à intervenir dans le conflit qui s’est étendu du village de Khatoonabad, à la ville de Shahr-e- Babak. Le gouvernement affirme que la manifestation liée à des revendications d’ordre professionnel a, sans avoir fait l’objet de provocations, dégénéré en une manifestation violente à caractère politique. L’incitation à la destruction et à la désorganisation des services publics et privés mettant en difficulté les citoyens ordinaires ou leur portant préjudice, ne peut aucunement se justifier, qu’elle soit de nature sociale, politique ou économique. La grève est devenue violente quand les tensions ont excédé le champ des revendications professionnelles et a été détournée à des fins politiques par certains individus n’appartenant pas au monde du travail. Ceux-ci, exploitant le malaise existant et attisant le mécontentement des travailleurs, ont incité ces derniers à recourir à des manœuvres immorales ainsi qu’à la violence.
- 1000. S’agissant de la ville de Shahr-e-Babak, le bureau du gouverneur a été attaqué et ses fenêtres brisées. Le chaos s’est étendu jusqu’aux avenues principales de la ville où les émeutiers ont brisé les devantures de 12 banques et sérieusement endommagé certains immeubles résidentiels, le commissariat de police ainsi que des voitures. Ils se sont ensuite dirigés vers la station d’essence et ont menacé de l’incendier. La police a alors dû intervenir pour défendre les biens publics et privés et protéger les citoyens. Etant donné la forte résistance d’un groupe composé de travailleurs et d’«intrus», les forces de l’ordre se sont vues dans l’obligation d’entrer en scène et de faire usage de la force pour calmer les esprits et mettre fin au désordre, mais uniquement dans la mesure où l’ordre public et l’intérêt général étaient gravement menacés.
- 1001. Le gouvernement précise que, bien que le regrettable incident survenu dans la ville de Shahr-e-Babak – alors en proie à la violence – ait provoqué quatre décès, aucun travailleur recruté pour la construction de l’usine ne figurait parmi les victimes. Selon le gouvernement, ces faits démontrent une fois encore que cet incident est bel et bien le fruit de manœuvres politiques préalablement orchestrées sans rapport avec des préoccupations économiques et sociales.
- 1002. En outre, le gouvernement évoque les résultats de l’enquête qui démontrent que l’émeute découle en grande partie de l’existence de rivalités ethniques et locales au sein de la population des villes de Khatoonabad et de Shahr-e-Babak. Tout en reconnaissant que les préoccupations des travailleurs employés à la construction de l’usine étaient à l’origine incontestablement d’ordre social et économique, le gouvernement soutient que la manifestation a dégénéré en un conflit ethnique et qu’un grand nombre de fauteurs de troubles obéissaient à des motivations politiques. Par ailleurs, le gouvernement déclare que ce mouvement de protestation ainsi que les débordements qui en ont résulté ont coïncidé avec la campagne électorale pour le Parlement iranien, qui a été touchée et influencée par les rivalités ethniques locales et l’atmosphère politique générale du pays.
- 1003. Pour ce qui est de la détention de sept individus ayant participé au rassemblement de Saquez à l’occasion du 1er mai, le gouvernement répète que ni la dispersion de la manifestation ni les arrestations qui en ont résulté n’étaient dirigées contre les syndicats, mais qu’elles découlaient de la nécessité de mettre fin à de graves débordements plongeant la ville dans le chaos. A cet égard, le gouvernement insiste sur le fait que des milliers de travailleurs iraniens accompagnés de leurs familles ont participé, le 1er mai, à des rassemblements pacifiques dans plusieurs grandes villes sans être aucunement inquiétés.
- 1004. Le gouvernement tient également à rappeler certaines particularités propres à la ville de Saquez, à savoir qu’elle est située dans la province du Kurdistan, région où cohabitent plusieurs tribus et minorités religieuses aux langues, religions et origines ethniques diverses. Ces fortes rivalités ethniques et tribales constituent un terreau on ne peut plus favorable aux troubles sociaux. En outre, l’organisation du rassemblement du 1er mai a été orchestrée de longue date par un groupe non élu, qui se fait appeler «Conseil des travailleurs pour le 1er mai». Les manœuvres et les atrocités qui ont marqué ce rassemblement sont autant d’actes destinés à provoquer le gouvernement et sont révélatrices de la démarche politique des activistes en question. Se fondant sur certains éléments qui leur ont permis de déterminer à quel type de rassemblement ils étaient confrontés, les services de renseignements iraniens ont constaté que la manifestation servait de prétexte à des agissements de nature politique.
- 1005. Les services de renseignement ont également découvert que de nombreux membres de ce conseil des travailleurs appartenaient à des partis interdits (parti «Komala» et parti communiste), qui ont une longue histoire d’opposition face à la République islamique et ont sans cesse tenté de semer la discorde depuis le début de la période postrévolutionnaire. En exploitant les difficultés sociales de la population et les inquiétudes qu’elles suscitent, les principaux meneurs du conseil des travailleurs se sont attachés à convaincre la population, notamment les travailleurs, de participer à des manifestations à caractère politique.
- 1006. Le 1er mai 2004, les manifestations de Saqez se sont déroulées pacifiquement jusqu’à ce qu’un certain nombre de figures politiques de l’opposition tiennent une réunion politique en public et commencent à lancer des slogans antirégime n’ayant aucun rapport avec des revendications socioprofessionnelles. C’est alors que la manifestation a dégénéré et a sombré dans la violence. Le gouvernement souligne que les questions socio-économiques doivent être tenues à l’écart de toute politisation. C’est justement ce principe que ni le conseil des travailleurs ni les deux partis politiques interdits, n’ont mis en application jusqu’à présent.
- 1007. En outre, bien que la loi iranienne exige qu’une manifestation politique soit au préalable autorisée par les autorités compétentes, le conseil des travailleurs a négligé de demander l’accord de ces dernières. Les forces de l’ordre ont été contraintes d’intervenir et, suite aux violentes altercations qui les ont opposées aux groupes politiques d’opposition, elles ont procédé à l’arrestation de 40 individus dont la plupart a été libérée le jour même. Aucun travailleur ordinaire ni membre de leurs familles ne figurent parmi les personnes encore détenues. Les sept individus mentionnés par l’organisation plaignante ont été maintenus en détention pour avoir clairement contribué à exacerber les tensions et à instaurer un climat d’insécurité. Ces personnes ont été incarcérées pour des raisons politiques et non pas en vertu d’une volonté de répression sociale ou antisyndicale. Par ailleurs, quatre de ces détenus ont été reconnus par les services de renseignement iraniens comme étant des activistes clandestins appartenant à des partis politiques interdits. La justice a été saisie et l’enquête est en cours. Les droits des inculpés seront respectés durant le procès et le verdict du tribunal sera communiqué en temps opportun.
- 1008. En conclusion, le gouvernement prend l’engagement de respecter les principes de démocratie, de liberté d’expression et de liberté syndicale mais précise que le recours à des manœuvres irrationnelles et déraisonnables à des fins d’expression politique contrevient aux lois iraniennes, ainsi qu’aux normes internationales du travail, et doit être condamné. S’il est vrai que le gouvernement tient en haute estime la Fête du travail, qui est une des composantes fondamentales des droits de l’homme au travail, personne ne doit être autorisé à exploiter ce type de célébration à des fins politiques.
- 1009. Bien que le gouvernement n’ait pas ratifié les conventions nos 87 et 98, il s’engage avec détermination à respecter et à promouvoir les principes et les droits fondamentaux au travail. A cet effet, le plein alignement de la législation iranienne concernée sur les normes internationales du travail est une priorité absolue pour le ministère du Travail. Le gouvernement entretient des contacts réguliers avec le Bureau pour étudier les mesures qui s’imposent à cet égard.
- 1010. Dans une communication en date du 16 février 2005, le gouvernement fait savoir qu’il a contacté le bureau du procureur et la police nationale en décembre 2004 pour obtenir des informations complémentaires sur l’incident de Saqez et sur l’état des investigations. Il a également demandé au bureau du procureur de veiller à ce qu’une enquête indépendante et complète soit menée au sujet des allégations concernant la suppression de la manifestation et la détention de manifestants en mai 2004.
- 1011. Le bureau du procureur et la police nationale ont fourni des informations complémentaires relatives à l’incident. Selon l’autorité judiciaire, le 1er mai 2004, 50 personnes ont été arrêtées pour avoir lancé des manifestations illégales et violentes contre le régime. La loi applicable prévoit que les manifestations et les rassemblements doivent obtenir une autorisation préalable du ministère de l’Intérieur. Quarante-trois des personnes arrêtées ont été relâchées par les enquêteurs après interrogatoire. Sept personnes suspectées de se livrer à des activités interdites sont restées en détention. Le bureau du procureur a indiqué que l’engagement des sept personnes concernées était fondé sur des motivations politiques, organisées et sournoises.
- 1012. Selon l’autorité judiciaire, l’enquête préliminaire a montré que ces personnes étaient suspectées de faire partie de l’organisation politique interdite «Komala», une secte prohibée réunissant des groupements violents d’extrême gauche dans la République islamique d’Iran, qui ont fomenté de nombreux troubles sociaux et incidents par le passé. L’organisation «Komala» est maintenant affiliée au parti communiste interdit.
- 1013. L’organe chargé de l’instruction est convaincu, sur la base d’enquêtes menées antérieurement sur le parti «Komala», que les sept suspects du présent cas ont utilisé la manifestation comme prétexte pour continuer leurs activités politiques. Ils ont tiré prétexte de la Fête du travail pour organiser une réunion à Saqez, le 1er mai 2004, dans le seul but de protester contre le régime en vue de discréditer les institutions du pouvoir. L’organe chargé de l’instruction a rappelé que la manifestation organisée à des fins politiques s’est déroulée en violation de la loi, car une autorisation préalable aurait due être obtenue.
- 1014. L’autorité judiciaire s’est référée par la suite à la convention no 87 qui énonce que, «dans l’exercice des droits qui leur sont reconnus par la présente convention, les travailleurs, les employeurs et leurs organisations respectives sont tenus, à l’instar des autres personnes ou collectivités organisées, de respecter la légalité». L’autorité judiciaire a rejeté l’assertion de l’organisation plaignante selon laquelle l’arrestation des défendeurs était illégale ou injuste, celle-ci ayant été opérée conformément aux dispositions de la loi et sur la base de preuves objectives démontrant qu’il y avait un motif raisonnable de suspecter que les actes des défendeurs constituaient une atteinte à l’ordre public. L’autorité judiciaire a notamment appelé l’attention sur le fait que les suspects n’ont pas été arrêtés pour l’exercice d’activités syndicales mais pour avoir organisé des assemblées violentes. Ils sont accusés d’avoir agi contre le système islamique et de l’avoir offensé. Leurs antécédents montrent également qu’ils ont agi de manière répétée contre le gouvernement et ses mesures. Selon l’autorité judiciaire, les sept demandeurs ont été libérés sous caution et sont maintenant libres. Leur procès est en cours dans un tribunal local de Saqez.
- 1015. Selon la police nationale, les mesures de détention ont été justifiées par le comportement déraisonnable et violent des sept individus qui avaient pour intention d’étendre les manifestations à l’échelon national, en particulier en montant des barricades et en bloquant des routes pour provoquer le chaos et des troubles sociaux. Le rapport de police sur ces événements signale que les individus en question, associés au parti «Komala», ont commis des actes violents contraires à l’ordre public. Il précise que la police est intervenue opportunément et a pris les mesures nécessaires pour faire respecter l’ordre public.
- 1016. Tant l’autorité judiciaire que la police ont établi que les allégations de mauvaise conduite de leur part sont fausses et sans fondement. Les autorités chargées de l’enquête souhaitent appeler l’attention du gouvernement ainsi que de l’OIT sur les aspects politiques du cas. D’autres informations sont également parvenues de la Centrale de haut niveau des conseils islamiques du travail au sujet de la détention des sept personnes qui confirment les rapports de l’autorité judiciaire et de la police nationale.
- 1017. En ce qui concerne la perquisition menée au domicile de l’un des défendeurs (M. Mahmoud Salehi) et la confiscation d’articles et de documents mentionnés par l’organisation plaignante, l’autorité chargée de l’enquête a reconnu avoir mené des perquisitions dans certains endroits, y compris le domicile du suspect, dans le cadre de l’enquête relative au présent cas et déclaré que chaque lieu perquisitionné l’a été dans le but de retrouver des preuves matérielles supposées s’y trouver. Tous les lieux fouillés ont été inventoriés dans le mandat de perquisition. L’autorité chargée de l’enquête a reconnu avoir saisi un ordinateur et des documents durant les perquisitions susmentionnées et a ajouté que chaque article saisi était inscrit sur le mandat de perquisition, chacun de ces articles étant supposé avoir un lien avec l’affaire.
- 1018. Par ailleurs, l’autorité chargée de l’enquête a déclaré que, eu égard au fait que les saisies entraînent inévitablement des conséquences sur les biens, elle a accordé l’attention requise aux droits de la personne concernée dans le présent cas. Ainsi, l’autorité chargée de l’enquête a réitéré qu’elle n’a jamais saisi de biens ou de documents non nécessaires. Selon l’autorité judiciaire, toutes les perquisitions et les saisies ont été effectuées dans les règles et la légalité. En conséquence, l’autorité chargée de l’enquête a rejeté l’assertion de la plainte des défendeurs selon laquelle ils étaient poursuivis pour leur simple participation au rassemblement du 1er mai.
- 1019. Compte tenu de leurs activités antérieures, les personnes en question sont raisonnablement et fortement suspectées d’avoir été et d’être engagées dans des activités antigouvernementales illégales et de continuer à l’être, et d’être liées à l’organisation politique interdite «Komala». L’autorité chargée de l’enquête a fait savoir que les autorités judiciaires étaient en train d’examiner le cas des sept défendeurs et a assuré que le procès serait mené de manière équitable et impartiale.
- 1020. M. Mohsen Hakimi est accusé d’être lié au parti illégal «Komala». Il entretient également des liens avec les dirigeants du parti communiste interdit et a pris part à un rassemblement illégal avec des visées politiques. Son cas devait être examiné en octobre 2004 par un tribunal local et a été reporté pour pouvoir étudier tous les autres aspects des allégations. L’audition de M. Mohsen Hakimi s’est tenue le 17 janvier 2005 devant le tribunal de la première circonscription de Saqez dans la province du Kurdistan. A ce jour, aucune décision définitive n’a été prise par le tribunal.
- 1021. L’organe chargé de l’instruction a réaffirmé que personne ne ferait l’objet de sanctions pour le simple fait d’avoir organisé la commémoration du 1er mai ou d’y avoir participé. En fait, le même jour, d’autres rassemblements et manifestations officiels et non officiels se sont déroulés dans diverses parties du pays pour commémorer la Fête du travail, qui ne font l’objet d’aucune restriction ou sanction.
- 1022. La République islamique d’Iran n’a ratifié ni la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949; néanmoins, il convient de noter que le gouvernement est en train de mener les consultations nécessaires avec les organisations d’employeurs et de travailleurs pour élaborer et adopter une législation pertinente du travail (par exemple la modification du chapitre 6 de la loi sur le travail). Le gouvernement a rappelé qu’au cours des récentes années des efforts ont été déployés pour renforcer le mouvement syndical et que le pluralisme syndical est de plus en plus respecté. Le gouvernement conclut en déclarant qu’il suivrait cette question et ferait part de tout nouveau développement concernant le cas que lui transmettraient les autorités chargées de l’enquête.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1023. Le comité note que les allégations dans le présent cas concernent deux affrontements distincts avec les forces de sécurité. Le premier s’est produit le 24 janvier 2004 dans le contexte d’un mouvement de grève qui a débuté à Khatoonabad et s’est étendu jusqu’à Shahr-e-Babak. Plusieurs travailleurs ont été arrêtés, quatre au moins ont trouvé la mort pendant les affrontements et de nombreux autres ont été grièvement blessés. Les secondes allégations concernent un rassemblement pacifique à l’occasion du 1er mai à Saqez, à la suite duquel 50 personnes ont été arrêtées et placées en détention. L’organisation plaignante a soumis de nouvelles allégations concernant l’arrestation de militants syndicaux de l’Association des enseignants et des interventions durant une grève à l’usine de textile du Kurdistan à Sanandaj. Enfin, l’organisation plaignante allègue que différents textes législatifs ont été adoptés ou sont en cours d’adoption qui restreindraient les droits syndicaux pour un grand nombre de travailleurs.
- Khatoonabad et Shahr-e-Babak
- 1024. Le comité relève que, dans l’ensemble, les allégations de l’organisation plaignante et la réponse du gouvernement concordent sur les circonstances de la grève des travailleurs à la fonderie de cuivre de Khatoonabad avant l’intervention de la police ainsi que sur la teneur sociale des revendications des travailleurs. L’organisation plaignante allègue ensuite que, devant la prolongation de l’occupation de l’usine, le conseil de sécurité de la province a décidé de faire intervenir des forces spéciales de police. L’organisation plaignante ajoute que, selon certaines sources, ces forces de police avaient été envoyées pour briser la grève et qu’elles avaient attaqué les travailleurs à Khatoonabad. Les affrontements se sont ensuite étendus jusqu’à Shahr-e-Babak où quatre travailleurs ont été tués et certains autres blessés. L’organisation plaignante évoque aussi d’autres témoignages recueillis auprès des organisations iraniennes de travailleurs exilées, qui auraient déclaré que les travailleurs ont été tués devant l’usine de Khatoonabad.
- 1025. Le comité note que, selon l’organisation plaignante, il existe suffisamment d’éléments pour conclure que le conflit a commencé lorsque la police a fait usage de la force pour briser la grève. En outre, l’organisation plaignante rappelle que les manifestations qui ont eu lieu pour protester contre cette violence ont débouché sur de nouvelles arrestations; 80 personnes auraient été arrêtées, dont 15 placées en détention pour être interrogées.
- 1026. Pour ce qui est des incidents à Khatoonabad, le gouvernement rappelle en premier lieu que les travailleurs occasionnels de Khatoonabad exigeaient que leurs contrats temporaires soient transformés en contrats permanents. Le gouvernement soutient que l’employeur a légalement résilié les contrats en question au terme de la construction de l’usine et n’a, ce faisant, pas enfreint le droit national ou international. Il affirme également que la situation est devenue sérieuse quand certains manifestants, qui bloquaient les routes d’accès au complexe, ont empêché les employés d’entrer dans le site et d’en sortir et ont commencé à menacer d’incendier le complexe. C’est pour cette raison, selon le gouvernement, que la police a dû utiliser des gaz lacrymogènes et des canons à eau. Le gouvernement déplore que certains manifestants aient été blessés et affirme qu’ils ont été immédiatement transportés à l’hôpital.
- 1027. Le gouvernement ajoute cependant que les personnes à l’origine des affrontements qui se sont déroulés à Shahr-e-Babak, et qui doivent être distingués des manifestations à caractère socioprofessionnel de Khatoonabad, sont des opportunistes ayant des visées politiques. Ce sont eux qui ont dégradé la propriété publique en ville. Etant donné l’ampleur des dégâts et les menaces d’incendie de la station-service, les forces de police ont dû faire le nécessaire pour protéger les citoyens et n’ont eu d’autre choix que d’utiliser des gaz lacrymogènes. Selon le gouvernement, devant la résistance armée des insurgés, les forces de l’ordre ont dû recourir à la force et user d’armes à feu pour calmer les esprits et rétablir l’ordre. Elles ne sont cependant intervenues que dans la mesure où l’ordre public et l’intérêt général étaient sérieusement menacés. Des citoyens ont été blessés. Des émeutiers ont été arrêtés dont certains furent relâchés suite à l’enquête.
- 1028. Le gouvernement insiste sur le fait que les événements qui se sont déroulés à l’usine de cuivre et ensuite à Shahr-e-Babak doivent être considérés séparément, puisque ceux de Shahr-e-Babak avaient une origine politique. Il souligne également qu’aucun des travailleurs ayant pris part à la manifestation ne figurait parmi les personnes détenues et que les individus arrêtés étaient des activistes politiques responsables, au premier chef, des débordements de violence. Bien que le gouvernement admette que le regrettable incident de Shahr-e-Babak ait fait quatre morts, il soutient qu’aucun travailleur employé à la construction de l’usine ne figurait parmi ces derniers. Preuve en est, selon le gouvernement, que cet incident est bel et bien le fruit de manœuvres politiques préalablement orchestrées sans rapport avec des préoccupations économiques et sociales.
- 1029. Tout en prenant dûment note de la réponse du gouvernement et de la distinction qu’il fait entre les événements de l’usine de cuivre et ceux de Shahr-e-Babak, le comité regrette de ne pas posséder suffisamment d’éléments pour reconstituer exactement le déroulement de ces événements. S’agissant plus particulièrement des affrontements à la fonderie de cuivre de Khatoonabad ayant, tel que l’a confirmé le gouvernement, pour origine un différend du travail, le comité relève que la police a eu recours aux gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Le comité rappelle que, dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques par la police entraîne la perte de vies humaines ou des blessures graves, il attache une importance spéciale à ce qu’on procède immédiatement à une enquête impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer le bien-fondé de l’action entreprise par la police et pour déterminer les responsabilités. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 148.] Tout en notant avec intérêt que le gouvernement a ouvert une enquête sur le cas, le comité déplore que les informations fournies dans sa réponse n’évoquent que d’une manière très vague les menaces d’incendie volontaire et ne donnent aucun détail sur les auteurs de ces menaces ni sur les mesures alternatives initialement mises en œuvre pour reprendre le contrôle de la situation. Le gouvernement ne précise pas non plus quelles ont été les charges retenues contre les auteurs d’actes criminels ni les décisions rendues par les tribunaux dans ces cas. Malheureusement, le comité ne dispose donc pas d’informations suffisantes pour déterminer si le recours à la force publique à l’encontre des travailleurs sur le site de la fonderie de cuivre était justifié et demande au gouvernement de fournir des informations complémentaires concernant les charges retenues et les jugements rendus dans les affaires concernant les menaces de violences et d’incendie criminel à Khatoonabad.
- 1030. En ce qui concerne les quatre personnes tuées pendant ces affrontements, le comité constate que l’organisation plaignante et le gouvernement fournissent des informations contradictoires. Pour les organisations, ces personnes étaient des travailleurs manifestant pour défendre leurs intérêts socioprofessionnels alors que, pour le gouvernement, il s’agissait d’individus participant à une manifestation politique. Vu l’absence de précisions sur les circonstances de ces décès regrettables, le comité rappelle que, dans les cas où la dispersion d’assemblées publiques ou de manifestations par la police a entraîné la perte de vies humaines ou des blessures graves, il attache une importance particulière à ce qu’on procède immédiatement à une enquête impartiale et approfondie des circonstances et à ce qu’une procédure légale régulière soit suivie pour déterminer le bien-fondé de l’action prise par la police et pour déterminer les responsabilités. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 52.] Relevant que le gouvernement a mené son enquête, le comité lui demande de fournir des précisions supplémentaires sur les circonstances dans lesquelles ces quatre personnes ont été tuées ainsi que les raisons supposées de leur participation à ces manifestations.
- 1031. Il souhaite, en outre, attirer l’attention du gouvernement sur le principe général selon lequel les autorités ne devraient avoir recours à la force publique que dans des situations où l’ordre public serait sérieusement menacé. L’intervention de la force publique devrait rester proportionnée à la menace pour l’ordre public qu’il convient de contrôler, et les gouvernements devraient prendre des dispositions pour que les autorités compétentes reçoivent des instructions appropriées en vue d’éliminer le danger qu’impliquent les excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations qui pourraient troubler l’ordre public. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 137.] Le comité veut croire que toutes les mesures nécessaires seront prises à l’avenir pour garantir qu’il n’y ait plus d’excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations.
- 1032. En ce qui concerne les événements de Shahr-e-Babak, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle, obéissant à des motifs politiques et ayant conduit à des dégradations de la propriété publique, les manifestations qui s’y sont déroulées n’avaient aucun rapport avec celles qui ont eu lieu parallèlement dans le complexe industriel. En fait, tout en confirmant que les revendications des travailleurs employés pour la construction de l’usine étaient indéniablement d’ordre socioprofessionnel, le gouvernement précise que la manifestation a dégénéré en un conflit ethnique et qu’un grand nombre d’actes de violence ont été commis par des activistes politiques.
- 1033. Compte tenu des sources d’information mentionnées par l’organisation plaignante selon lesquelles, suite à des mouvements de protestation contre l’intervention de la police, 80 personnes environ auraient été arrêtées dont 15 gardées en détention pour interrogatoire, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur cette affaire et de lui faire savoir si les personnes arrêtées lors des incidents de Khatoonabad et de Shahr-e-Babak sont encore détenues et, le cas échéant, quelles sont les charges retenues contre elles. Le comité demande également à l’organisation plaignante de fournir toutes les informations relatives au lien qui pourrait exister entre les événements de Shahr-e-Babak et les actions de protestation des travailleurs.
- Saqez
- 1034. Le comité relève que les allégations de l’organisation plaignante concernent l’arrestation et la détention de 50 participants à un rassemblement pacifique pour la célébration du 1er mai à Saqez. L’organisation plaignante mentionne en particulier les cas de M. Mahmoud Salehi, dirigeant syndical de l’Association des boulangers de Saqez, et de M. Hakimi, membre bien connu de l’Association des écrivains iraniens, qui ont rencontré des représentants de l’organisation plaignante deux jours seulement avant leur arrestation.
- 1035. Après leur arrestation, le 1er mai, MM. Salehi, Jalal Hosseini, Borhan Divangar et Mohammad Abdlpoor et trois autres dirigeants syndicaux ne furent relâchés que le 12 mai après que de vives pressions internationales eurent été exercées. L’organisation plaignante a déclaré qu’ils étaient alors principalement accusés d’être à l’origine d’un rassemblement illégal. Bien qu’ils aient été libérés sous caution, aucune charge connue ne pesait contre eux. Le 30 juin 2004, MM. Salehi, Hosseini, Divangar et Abdlpoor furent assignés à comparaître pour répondre aux accusations de collaboration avec l’organisation politique gauchiste interdite «Komala», basée au Kurdistan, dans la République islamique d’Iran. MM. Mohsen Hakimi, Esmail Khodam et Hadi Tanoumand ont également été assignés à comparaître pour répondre des mêmes chefs d’accusation; ils ont été arrêtés alors qu’ils célébraient le 1er mai. L’organisation plaignante affirme que, à sa connaissance, ces sept dirigeants syndicaux et militants indépendants des droits du travail n’ont aucun lien avec des partis politiques. L’organisation plaignante ajoute qu’elle est très inquiète à l’idée que ces accusations soient liées aux contacts que ces personnes ont eus avec ses représentants.
- 1036. Selon l’organisation plaignante, les charges retenues contre ces sept dirigeants syndicaux constituent tout simplement un moyen indirect de les punir pour leur militantisme en faveur des droits des travailleurs. L’accusation de sympathies avec le parti «Komala» est couramment utilisée par l’autorité judiciaire contre les militants progressistes soutenant les droits du travail, sociaux et humains. Le comité prend note des informations détaillées fournies par l’organisation plaignante concernant les antécédents professionnels et syndicaux des dirigeants syndicaux arrêtés ainsi que leur rôle actuel au sein du mouvement syndical. Il prend note par ailleurs de l’allégation par l’organisation plaignante selon laquelle ces syndicats ont continuellement fait l’objet de mesures de harcèlement dans l’exercice de leurs activités syndicales.
- 1037. Pour sa part, Le gouvernement reconnaît que des centaines de travailleurs et leurs familles participaient à un rassemblement pacifique et ont défilé dans la ville de Saqez le 1er mai. Il ajoute cependant que l’organisation du rassemblement du 1er mai a été orchestrée de longue date par un groupe non élu qui se fait appeler le «Conseil des travailleurs pour le 1er mai». Les services de renseignement iranien ont découvert que l’on avait pris prétexte de ce rassemblement pour organiser une manifestation politique. Le gouvernement a souligné que ces événements doivent également être appréhendés en tenant compte du contexte local, travaillé par de fortes rivalités ethniques et, de ce fait, socialement très instable. En outre, le gouvernement déclare que les services de renseignement iraniens ont également révélé l’appartenance de nombreux membres du Conseil des travailleurs au parti «Komala» et au parti communiste, partis interdits et opposants de longue date à la République islamique d’Iran. Les membres et les partisans de deux groupes antidémocratiques et interdits (le parti «Komala» et le parti communiste) ont rejoint la manifestation et ont perturbé son bon déroulement. Ils l’ont détournée à des fins politiques et non plus syndicales. Selon le gouvernement, afin de calmer les esprits, les forces de sécurité sont intervenues et ont arrêté des individus identifiés comme étant les instigateurs des affrontements. Le gouvernement ajoute que tous les détenus ont été relâchés quelques jours plus tard.
- 1038. Le comité note en outre que le gouvernement a contacté le bureau du procureur et la police nationale en décembre 2004 pour obtenir des informations supplémentaires sur l’incident de Saqez et sur l’état des investigations. Selon l’autorité judiciaire, le 1er mai 2004, 50 personnes ont été arrêtées pour avoir incité à des manifestations illégales et violentes contre le régime; 43 personnes ont été relâchées, mais les sept personnes susmentionnées ont été suspectées d’être impliquées dans des activités interdites, tirant prétexte du rassemblement pour mener leurs activités politiques.
- 1039. Le comité note que le gouvernement n’a donné que de très vagues indications sur la manifestation visant à célébrer la Fête du travail et qui a dégénéré en un mouvement de protestations politiques. Le gouvernement n’a donné aucune indication précise sur la manière dont cette réunion pacifique a sombré dans la violence ni sur la nécessité proprement dite de faire intervenir les forces de l’ordre. Aucun détail n’a été fourni sur la nature violente de ces manifestations. Pour ce qui est de l’illégalité, le comité note que le gouvernement se réfère à la loi qui prévoit qu’une autorisation préalable du ministère de l’Intérieur est nécessaire pour la tenue de manifestations et de rassemblements, et que l’autorité judiciaire déclare, d’une manière générale, que la manifestation était un prétexte pour protester contre le régime. Concernant les déclarations générales du gouvernement, selon lesquelles ces manifestations avaient un mobile politique et non pas socio-économique, le comité rappelle que les organisations chargées de défendre les intérêts socio-économiques des travailleurs devraient en principe pouvoir utiliser la grève pour appuyer leur position dans la recherche de solutions aux problèmes posés par les grandes orientations de politique économique et sociale, qui ont des répercussions immédiates pour leurs membres, et plus généralement pour les travailleurs, notamment en matière d’emploi, de protection sociale et de niveau de vie. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 480.] Bien que le comité ne dispose pas d’informations suffisantes pour déterminer si le rassemblement du 1er mai à Saqez a réellement dégénéré en une manifestation purement politique qui, le cas échéant, ne relèverait pas de ses compétences, comme l’a affirmé le gouvernement, le comité souhaite rappeler l’importance qu’il attache au principe selon lequel le droit d’organiser des réunions publiques et des cortèges à l’occasion du 1er mai constitue un aspect important des droits syndicaux [voir Recueil, op. cit., paragr. 134], et veut croire que le gouvernement veillera au plein respect de ce principe à l’avenir.
- 1040. En ce qui concerne les accusations de collaboration avec une organisation politique interdite qui ont été portées contre MM. Salehi, Hosseini, Divangar, Abdlpoor, Hakimi, Khodkam et Tanoumand – qui avaient tous participé au rassemblement du 1er mai et avaient été arrêtés au moment des faits –, le comité prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle les sept individus mentionnés par l’organisation plaignante ont été maintenus en détention pour avoir contribué à créer un climat d’insécurité et de tension et avoir été clairement reconnus coupables des faits en question. Selon le gouvernement, ces personnes sont détenues pour des raisons politiques et non pas en raison de leurs activités sociales ou syndicales. Le gouvernement déclare qu’il fonde cette affirmation sur le fait que les services de renseignement iraniens ont découvert que les détenus sont des militants clandestins de formations politiques interdites. Le gouvernement ajoute que ces détenus sont en instance de jugement, que l’enquête est en cours, que les droits des inculpés seront respectés durant le procès et que le verdict sera communiqué en temps opportun.
- 1041. Le comité prend note néanmoins des allégations de l’organisation plaignante concernant la tenue des procès à huit clos et les graves atteintes commises aux droits de la défense. Le comité rappelle que l’absence des garanties d’une procédure judiciaire régulière risque de conduire à des abus et de permettre que des dirigeants syndicaux soient victimes de décisions non fondées. Elle peut en outre créer un climat d’insécurité et de crainte susceptible d’influer sur l’exercice des droits syndicaux. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 106.] Le comité demande au gouvernement de répondre aux allégations de l’organisation plaignante à cet égard et de veiller à ce qu’une procédure régulière soit pleinement garantie durant ces procès.
- 1042. Plus précisément, en ce qui concerne les allégations de perquisition et de saisie de documents au domicile de M. Salehi, le comité prend note des préoccupations soulevées par l’organisation plaignante selon lesquelles cette perquisition peut avoir un lien avec son déplacement effectué quelques jours auparavant au domicile de M. Salehi. Le comité note par ailleurs que, selon le gouvernement, la perquisition effectuée au domicile de M. Salehi et la saisie des documents sont menées en pleine conformité avec le mandat de perquisition. Le comité note néanmoins avec préoccupation que, selon l’organisation plaignante, deux des documents utilisés comme preuve contre M. Salehi comprennent un article qu’il avait écrit sur l’établissement d’un indice du coût de la vie et une déclaration qu’il avait faite condamnant le massacre de plusieurs grévistes à Khatoonabad, en janvier 2005, qui entrent dans les deux cas dans le cadre de l’exercice d’activités syndicales légitime. Le comité prend note en outre, avec une grave préoccupation, des allégations selon lesquelles l’accusation considère les contacts et la réunion qu’il a eus avec une mission de la CISL comme une autre preuve de ses crimes allégués, ainsi que des autres craintes plus générales de l’organisation plaignante que l’arrestation de ces personnes puisse être liée à leurs contacts avec les représentants de l’organisation plaignante lorsqu’ils étaient dans le pays.
- 1043. Tout en prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle MM. Salehi, Hosseini, Divangar, Abdlpoor, Hakimi. Khodkam et Tanoumand étaient poursuivis pour leurs activités au sein d’une organisation politique interdite, le comité observe cependant que le gouvernement se réfère également à des questions directement liées à la manifestation de la Fête du travail, et en particulier à la non-obtention de l’autorisation requise auprès du ministère de l’Intérieur pour la tenue de cette manifestation. Dans ces conditions et étant donné que, dans le paragraphe susmentionné, certaines des preuves utilisées pour certains de ces procès sont clairement liées à l’exercice d’activités syndicales légitime, le comité ne peut pas conclure que les arrestations de MM. Salehi, Hosseini, Divangar, Abdlpoor, Hakimi, Khodkam et Tanoumand et les procès en cours ne sont absolument pas liés à leurs activités syndicales. A cet égard, et rappelant que les travailleurs doivent pouvoir jouir du droit de manifestation pacifique pour défendre leurs intérêts professionnels [voir Recueil op. cit., paragr. 132], le comité demande au gouvernement de veiller à ce que toutes les poursuites liées à l’organisation de la marche de la Fête du travail et à la participation pacifique à cette marche, même si elle a eu lieu sans autorisation préalable, soient immédiatement abandonnées.
- 1044. Enfin, en ce qui concerne l’indication du gouvernement selon laquelle ces personnes sont accusées d’être associées à une organisation politique interdite et l’affirmation de l’organisation plaignante selon laquelle ces accusations sont un simple prétexte pour punir des militants du droit des travailleurs, le comité souligne que, dans de nombreux cas où les plaignants alléguaient que des travailleurs ou des dirigeants syndicaux avaient été arrêtés en raison de leurs activités syndicales et où les réponses des gouvernements se bornaient à réfuter semblables allégations ou à indiquer que les arrestations avaient été opérées en raison d’activités subversives, pour des raisons de sécurité intérieure ou pour des crimes de droit commun, le comité s’est fait une règle de demander aux gouvernements en question des informations aussi précises que possible sur les allégations incriminées, en particulier en ce qui concerne les actions judiciaires entreprises et le résultat de ces actions, pour lui permettre de procéder en connaissance de cause à l’examen des allégations. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 98.] Tout en notant que le gouvernement a déployé des efforts pour obtenir des informations auprès des autorités judiciaires et de la police au sujet des incidents concernés dans le présent cas, le comité ne peut que constater que les indications fournies restent tout à fait générales. Au vu de la contradiction entre les déclarations du gouvernement et l’organisation plaignante pour ce qui est des vraies raisons de ces arrestations et de leur éventuel lien avec des activités syndicales, le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations précises et détaillées sur les charges précises retenues contre MM. Salehi, Hosseini, Divangar, Abdlpoor, Hakimi, Khodkam et Tanoumand, et en particulier de transmettre des copies des jugements sur leur cas dès qu’ils seront rendus.
- 1045. Le comité demande en outre au gouvernement de lui fournir des informations en réponse aux allégations supplémentaires formulées par l’organisation plaignante dans sa communication en date du 7 février 2005 concernant l’arrestation de dirigeants syndicaux de l’Association des enseignants, des interventions au cours d’une grève dans l’usine de textile du Kurdistan et des actes de harcèlement qui ont suivi contre des représentants des travailleurs, ainsi que différents textes législatifs adoptés et en cours d’adoption qui restreindraient les droits syndicaux d’un grand nombre de travailleurs.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1046. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Regrettant de ne pas posséder suffisamment d’éléments pour déterminer si le recours à la force publique à l’encontre des travailleurs sur le site de la fonderie de cuivre de Khatoonabad était justifié, le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations complémentaires concernant les charges retenues et les jugements rendus dans les affaires concernant les menaces de violence et d’incendie criminel à Khatoonabad. Il veut croire, par ailleurs, que toutes les mesures nécessaires seront prises à l’avenir pour qu’il n’y ait plus d’excès de violence lorsqu’il s’agit de contrôler des manifestations.
- b) Notant que l’organisation plaignante a fait état de 80 personnes environ arrêtées et de 15 gardées en détention pour interrogatoire suite à des mouvements de protestation contre l’intervention de la police à Khatoonabad et à Shahr-e-Babak, le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante sur cette affaire et de lui communiquer de nouvelles informations pour lui faire savoir si les personnes arrêtées sont encore détenues et, le cas échéant, quelles sont les charges retenues contre elles dans le cadre de ces deux incidents et de fournir des détails à cet égard. Le comité demande par ailleurs à l’organisation plaignante de lui fournir toutes les informations relatives au lien qui pourrait exister entre les événements de Shahr-e-Babak et les actions de protestation des travailleurs concernant les mesures sociales et économiques.
- c) Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations détaillées concernant les circonstances dans lesquelles quatre personnes ont été tuées durant les incidents à Shahr-e-Babak.
- d) Le comité demande au gouvernement de répondre aux allégations de l’organisation plaignante concernant de graves atteintes à la régularité de la procédure et lui demande de veiller à ce qu’une procédure régulière soit garantie durant ces procès.
- e) Le comité demande au gouvernement de veiller à ce que toutes les poursuites lancées contre MM. Salehi, Hosseini, Divangar, Abdlpoor, Hakimi, Khodkam et Tanoumand, liées à l’organisation de la marche de la Fête du travail et à la participation pacifique à cette marche, même si elle a eu lieu sans autorisation préalable, soient abandonnées.
- f) Le comité demande au gouvernement de lui fournir des informations précises et détaillées sur les charges retenues contre MM. Salehi, Hosseini, Divangar, Abdlpoor, Hakimi, Khodkam et Tanoumand, et en particulier de lui transmettre des copies des jugements concernant leur cas dès qu’ils seront rendus.
- g) Le comité demande par ailleurs au gouvernement de fournir des informations en réponse aux allégations supplémentaires formulées par l’organisation plaignante dans sa communication en date du 7 février 2005 concernant l’arrestation de dirigeants de l’Association des enseignants, des interventions au cours d’une grève à l’usine de textile du Kurdistan et des actes de harcèlement qui ont suivi contre des représentants des travailleurs, ainsi que différents textes législatifs adoptés et en cours d’adoption qui restreindraient les droits syndicaux d’un grand nombre de travailleurs.