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- 494. La plainte est contenue dans une communication du 2 août 2004, de l’«Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie- restauration, du tabac et des branches connexes» (UITA), déposée au nom de son organisation affiliée au Cambodge, la «Fédération cambodgienne des travailleurs du tourisme et des services» (CTSWF).
- 495. N’ayant pas reçu de réponse du gouvernement, le comité a lancé un appel pressant à l’occasion de sa réunion de juin 2005 [voir 337e rapport, paragr. 10], attirant l’attention du gouvernement sur le fait que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport approuvée par le Conseil d’administration, il pourra présenter un rapport sur le fond de l’affaire même si les informations ou observations du gouvernement n’étaient pas envoyées à temps.
- 496. Le Cambodge a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 497. Par communication datée du 2 août 2004, l’organisation plaignante indique que, à la suite d’une grève légale et pacifique conduite entre les 5 et 10 avril 2004, la direction des hôtels «Raffles» de Phnom Penh et Siem Reap a refusé aux travailleurs grévistes de reprendre leur travail dans ces deux hôtels, et en a finalement licencié quelque 293 (97 à Phnom Penh et 196 à Siem Reap) au motif de «faute professionnelle grave».
- 498. L’organisation plaignante explique que, bien que le Conseil d’arbitrage tripartite ait unanimement estimé les licenciements illégaux, la direction de l’hôtel a refusé d’accepter cette décision, considérant qu’elle «n’avait pas un caractère obligatoire». L’organisation plaignante ajoute que le Conseil d’arbitrage a également statué que «deux semaines après les licenciements injustifiés des 97 syndicalistes, y inclus les dirigeants syndicaux, l’hôtel Raffles – Le Royal a organisé une élection illégale de délégués des travailleurs et a conclu une convention collective avec ce groupe. Selon le Conseil d’arbitrage, ces actions révèlent de la part des propriétaires et de la direction de l’hôtel Le Royal une intention manifeste d’ignorer le syndicat qui avait le droit exclusif de représenter les travailleurs dans le processus de négociation collective. Dans la mise en œuvre de cette stratégie, l’employeur a montré un flagrant irrespect du droit de liberté syndicale et du droit à la négociation collective.»
- 499. L’organisation plaignante ajoute que le directeur général des hôtels «Raffles» a refusé de soumettre au Conseil d’arbitrage des documents concernant la prétendue élection d’un nouveau syndicat à l’hôtel «Raffles – Le Royal» et la convention collective conclue avec lui. Lors d’une intrusion de la direction dans le local du syndicat de l’hôtel «Raffles – Le Royal», le directeur du personnel de l’hôtel a délibérément déchiré puis détruit le certificat gouvernemental constatant la représentativité du syndicat.
- 500. Selon l’organisation plaignante, le gouvernement n’a pas assuré une protection efficace des droits fondamentaux de liberté syndicale et de négociation collective, garantis par la législation nationale et les conventions de l’Organisation internationale du Travail dans la mesure où l’employeur a décidé de ne pas accepter les conclusions du Conseil d’arbitrage. Les licenciements massifs décidés par la direction, ses encouragements au «syndicat maison», ainsi que la conclusion «d’une convention collective» qu’elle contrôle constituent une violation des droits syndicaux fondamentaux, dont la mise en œuvre ne devrait pas être confiée à un arbitrage présentant un caractère non contraignant. Les cours municipales, notoirement lentes et corrompues, n’offrent aucun recours juridique satisfaisant, ne laissant au syndicat légitime aucune autre option qu’une grève prolongée.
- 501. Selon l’organisation plaignante le ministère des Affaires sociales, du Travail, de la Formation professionnelle et de la Réinsertion de la jeunesse (MOSALVY), qui est chargé de l’application du Code du travail, n’a pas assumé les responsabilités que lui assigne la directive ministérielle no 305 «concernant la représentativité des organisations professionnelles de travailleurs au niveau de l’entreprise ou de l’établissement et le droit de négociation collective pour la conclusion de conventions collectives à ce niveau». Or cette loi prévoit la protection des représentants syndicaux face aux licenciements (art. 3 et 4), les critères de détermination des syndicats les plus représentatifs et l’interdiction d’ingérence des employeurs dans les affaires syndicales (art. 5 et 6). De surcroît, l’article 280 de la loi fondamentale du travail du Cambodge interdit spécifiquement l’ingérence du personnel de direction dans les affaires syndicales.
- 502. Par ailleurs, l’organisation plaignante déclare que, malgré les conclusions du Conseil d’arbitrage tripartite, le MOSALVY n’a pas seulement failli à sa mission d’exécution de la loi, mais le vice-directeur de l’inspection du travail a déclaré à la presse que le ministère reconnaissait les conventions collectives «illégales» conclues avec les syndicats «contrôlés par la direction» des deux hôtels. Le MOSALVY a refusé de répondre aux demandes de la CTSWF concernant sa position sur la reconnaissance syndicale à l’hôtel et l’enregistrement des conventions collectives.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 503. Le comité regrette profondément de n’avoir reçu aucune réponse du gouvernement aux allégations du plaignant, en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte, bien qu’il l’ait instamment prié à plusieurs reprises de lui faire parvenir ses informations ou observations, notamment par le biais d’un appel pressant lors de sa réunion de juin 2005. Dans ces conditions, et conformément à la procédure établie au paragraphe 17 du 127e rapport approuvée par le Conseil d’administration, le comité a déclaré qu’il présenterait un rapport quant au fond du dossier à sa prochaine session, même si les informations ou observations sollicitées n’étaient pas reçues en temps utile.
- 504. Le comité rappelle que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations de violation des droits syndicaux est de promouvoir le respect des libertés syndicales en droit comme en fait. Le comité demeure convaincu que, si cette procédure protège les gouvernements contre les accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l’importance qu’il y a à ce qu’ils présentent, en vue d’un examen objectif, des réponses bien détaillées aux accusations qui pourraient être dirigées contre eux.
- 505. Le comité note que les allégations, en l’espèce, concernent des actes de discrimination antisyndicale consécutifs aux licenciements de travailleurs grévistes; des actes d’ingérence de la direction lors de la constitution d’un syndicat à l’hôtel «Raffles» de Phnom Penh; et l’existence d’une procédure d’arbitrage non contraignante pour le traitement des plaintes susmentionnées.
- 506. Concernant le licenciement de travailleurs grévistes (97 à Phnom Penh, y compris tous les dirigeants syndicaux, et 196 à Siem Reap), le comité note sur la base des allégations que ces licenciements se sont produits à la suite d’une grève légale qui s’est déroulée pacifiquement au mois d’avril 2004. Le comité rappelle que le droit de grève est l’un des moyens essentiels par lequel les travailleurs et leurs organisations peuvent promouvoir et défendre leurs intérêts économiques et sociaux, et que le licenciement de travailleurs pour faits de grève légitime constitue une discrimination en matière d’emploi. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 475 et 704.] Le comité note également que les articles 3 et 4 de la directive ministérielle no 305 («concernant la représentativité des organisations professionnelles de travailleurs au niveau de l’entreprise ou de l’établissement et le droit de négociation collective pour la conclusion de conventions collectives à ce niveau») requièrent la protection des représentants syndicaux en cas de licenciement. Le comité souligne que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 724.] Rappelant que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent la discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes [voir Recueil, op. cit., paragr. 739], et au vu de la position prise par le Conseil d’arbitrage tripartite (organe établi par la loi), qui a conclu au caractère illégal des licenciements, le comité demande instamment au gouvernement de garantir, en coopération avec l’employeur, que les travailleurs licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes sont réintégrés rapidement et sans perte de salaire ou, si une instance judiciaire indépendante statue que la réintégration est impossible sous une forme ou sous une autre, qu’ils reçoivent une compensation satisfaisante et qu’une amende soit infligée à l’employeur conformément à la législation nationale applicable, de manière à représenter une sanction suffisamment dissuasive en regard de telles actions antisyndicales. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement à cet égard.
- 507. S’agissant des allégations relatives à l’ingérence du personnel de direction lors de la constitution d’un syndicat à l’hôtel «Raffles» de Phnom Penh, le comité note sur la base de l’information fournie par le plaignant que le Conseil d’arbitrage a conclu que dans les deux semaines suivant les licenciements des 97 syndicalistes, y inclus leurs dirigeants, l’hôtel Raffles – Le Royal a procédé à l’organisation d’élections illégales de travailleurs délégués et a conclu une convention collective avec eux. Selon le Conseil d’arbitrage, ces actions révèlent une intention délibérée des propriétaires et de la direction de l’hôtel «Le Royal» de contourner le syndicat; dans la mise en œuvre de cette stratégie, l’employeur a montré un irrespect flagrant pour les droits de liberté syndicale et de négociation collective.
- 508. Le comité note sur la base des allégations que le directeur général du «Raffles» aurait refusé de soumettre au Conseil d’arbitrage des documents concernant l’élection d’un nouveau syndicat à l’hôtel «Raffles – Le Royal» et la convention collective conclue avec ce syndicat; par ailleurs, durant une incursion de la direction dans le local syndical de l’hôtel «Raffles – Le Royal», le directeur du personnel de l’hôtel a délibérément déchiré et détruit le certificat gouvernemental établissant la CTSWF comme représentant syndical de ses employés. Le comité relève également les allégations selon lesquelles le MOSALVY a soutenu le nouveau syndicat au détriment de la CTSWF.
- 509. Le comité rappelle que l’article 2 de la convention no 98 établit l’indépendance totale des organisations de travailleurs dans l’exercice de leurs activités et que ces organisations doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes d’ingérence des employeurs dans leur formation, leur fonctionnement et leur administration. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 759.] Le comité observe à cet égard que les articles 5 et 6 de la directive no 305 («concernant la représentativité des organisations professionnelles de travailleurs au niveau de l’entreprise ou de l’établissement et le droit de négociation collective pour la conclusion des conventions collectives à ce niveau») prévoient les critères de détermination des syndicats les plus représentatifs, et interdisent l’ingérence des employeurs dans les affaires syndicales. Il observe également que l’article 280 du Code du travail interdit de façon spécifique les pressions exercées par les directions dans les affaires syndicales. Le comité rappelle à nouveau que les règles de fond existant dans la législation nationale qui interdisent les actes de discrimination antisyndicale ne sont pas suffisantes si elles ne sont pas accompagnées de procédures efficaces assurant une protection adéquate contre de tels actes. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 739.] Concernant l’allégation relative au soutien du MOSALVY au nouveau syndicat, le comité a statué à plusieurs reprises qu’une attitude des autorités publiques consistant à favoriser une ou plusieurs organisations syndicales ou à exercer de la discrimination contre elles, par exemple par le biais de déclarations publiques ou par le refus de reconnaître les dirigeants de certaines organisations dans leurs activités légitimes, met en cause le droit des travailleurs, consacré par l’article 2 de la convention no 87, de créer des organisations de leur choix et de s’y affilier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 306.] Compte tenu des éléments précités et soulignant que, conformément aux principes de liberté syndicale, les autorités et les employeurs devraient s’abstenir de toute discrimination entre les organisations syndicales [voir Recueil, op. cit., paragr. 307], le comité demande instamment au gouvernement d’adopter toutes les mesures nécessaires, conformément aux conclusions du Conseil d’arbitrage tripartite, pour mettre un terme aux actes de discrimination antisyndicale et d’ingérence dans cette affaire. Le comité demande à être tenu informé des suites données à cet égard.
- 510. Finalement, en ce qui concerne les allégations selon lesquelles l’application des droits syndicaux n’est pas assurée par une procédure d’arbitrage contraignante, le comité note que, selon les allégations, l’employeur a rejeté les conclusions du Conseil d’arbitrage. Le comité rappelle la nécessité de garantir par des dispositions spécifiques, accompagnées de recours civils et de sanctions pénales, la protection des travailleurs contre les actes de discrimination antisyndicale par les employeurs. Le comité souligne également que nul ne doit être licencié ni subir de préjudice dans son emploi en raison d’une affiliation syndicale ou d’activités syndicales légitimes et qu’il est important d’interdire et de pénaliser en pratique tout acte de discrimination antisyndicale en matière d’emploi. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 746-748.] Le comité considère que la protection des droits des syndicats de travailleurs doit être assurée par des procédures efficaces et applicables. Il demande au gouvernement de garantir aux travailleurs qui ont à souffrir d’actes de discrimination antisyndicale l’accès à des procédures donnant lieu à des décisions finales et contraignantes. Le comité prie instamment le gouvernement d’adopter d’urgence toutes les mesures nécessaires afin que les droits des travailleurs et des dirigeants syndicaux soient pleinement protégés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 511. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette profondément que le gouvernement n’ait répondu à aucune des allégations, bien qu’il ait été invité à le faire à plusieurs reprises, notamment par le biais d’un appel pressant, et lui demande instamment de répondre rapidement auxdites allégations.
- b) Le comité demande instamment au gouvernement de garantir, en coopération avec l’employeur, que les travailleurs licenciés en raison de leurs activités syndicales légitimes soient rapidement réintégrés sans perte de salaire ou, si une instance judiciaire indépendante concluait qu’une réintégration est impossible sous une forme ou sous une autre, qu’ils perçoivent une indemnisation satisfaisante et qu’une amende soit infligée à l’employeur conformément à la législation nationale applicable, de manière à représenter une sanction suffisamment dissuasive pour de telles actions antisyndicales. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout développement à cet égard.
- c) Concernant l’allégation d’ingérence de la direction lors de la constitution d’un syndicat à l’hôtel «Raffles» de Phnom Penh, le comité demande instamment au gouvernement d’adopter toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à tout acte de discrimination antisyndicale et d’ingérence. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation à cet égard.
- d) Concernant les allégations selon lesquelles l’application des droits syndicaux n’est pas assurée par une procédure d’arbitrage contraignante, le comité considère que la protection des droits des syndicats de travailleurs doit être assurée par des procédures efficaces et applicables dans la pratique, et demande au gouvernement de garantir à tous les travailleurs qui souffrent d’actes de discrimination antisyndicale l’accès à des procédures conduisant à des décisions finales et contraignantes. Le comité prie le gouvernement d’adopter rapidement toutes les mesures nécessaires pour garantir que les droits des travailleurs et des dirigeants syndicaux concernés sont effectivement protégés.