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- 722. La plainte figure dans une communication datée du 20 août 2004, émanant de l’Association des gardiens de prison (POA).
- 723. Le gouvernement a répondu dans une communication datée du 1er novembre 2004.
- 724. Le Royaume-Uni a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, et la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978.
A. Allégations du plaignant
A. Allégations du plaignant - 725. Dans sa communication du 20 août 2004, le plaignant déclare que l’interdiction légale pour les gardiens de prison de mener des actions revendicatives, inscrite dans l’article 127 de la loi sur la justice pénale et l’ordre public de 1994 (loi de 1994 – voir en annexe), constitue une violation du droit de grève du fait que les gardiens de prison n’exercent pas des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et n’assurent pas des services essentiels au sens strict du terme, et qu’aucune mesure compensatoire n’est prévue pour permettre aux gardiens de prison ou à leur syndicat de défendre leurs intérêts en l’absence d’un droit de grève.
- 726. Le plaignant déclare que, alors qu’il avait pu mener des actions revendicatives pendant plus d’un demi-siècle, ce droit est restreint depuis 1993. Il l’a d’abord été par certaines décisions de justice, puis par l’article 127 de la loi de 1994. L’article 127 déclare illicite, quelles que soient les circonstances, un appel à une quelconque action revendicative des gardiens de prison. Un tel appel inciterait inévitablement un gardien de prison à délaisser son service ou à commettre un manquement à la discipline, de sorte que le syndicat s’exposerait à être poursuivi par le secrétaire d’Etat en vertu de l’article 127, paragraphe 3. Une telle procédure pourrait comprendre une action en dommages-intérêts ou une mise en demeure.
- 727. Le plaignant précise que, même s’il existe des propositions d’amendement de l’article 127, visant à ce que cet article ne s’applique plus en Angleterre, au pays de Galles et en Ecosse, ces propositions partent du principe qu’un accord obligatoire de non-recours à la grève a été conclu entre le plaignant et les employeurs du secteur public en Angleterre, au pays de Galles et en Ecosse. S’agissant de l’Irlande du Nord, où un tel accord n’existe pas, le gouvernement a réaffirmé son intention de maintenir l’article 127. En outre, comme il n’existe pas d’accord obligatoire de non-recours à la grève couvrant les gardiens de prison du secteur privé, on s’interroge désormais sur la question de savoir si les gardiens de prison du secteur privé seront inclus dans la proposition de dérogation à l’article 127 ou si, à l’instar des gardiens de prison d’Irlande du Nord, ils resteront assujettis à cet article. Le plaignant déclare que l’octroi du droit de grève ne devrait pas être fondé sur un accord de non-recours au droit de grève, la nature volontaire d’un tel accord étant minée par la menace de rétablir l’interdiction pénale au cas où cet accord serait résilié.
- L’exercice de fonctions d’autorité au nom de l’Etat
- 728. Le plaignant estime injustifié de restreindre le droit de grève du personnel pénitentiaire au motif que celui-ci exerce une fonction d’autorité au nom de l’Etat. Tout d’abord, les gardiens de prison qui sont employés par des sociétés privées sont liés par un devoir de loyauté envers leur employeur, dont ils reçoivent leurs instructions et agissent en son nom. Ils ne sont pas agents de la fonction publique et ne sont donc pas assujettis au code de discipline applicable aux gardiens de prison du secteur public, et ils n’ont pas non plus les pouvoirs d’un agent de police qui sont conférés aux gardiens de prison du secteur public.
- 729. Deuxièmement, les gardiens de prison du secteur public n’exercent pas leurs fonctions d’autorité au nom de l’Etat; tout d’abord, ils font le même travail que les gardiens de prison du secteur privé, et il serait anormal de traiter un groupe comme s’il exerçait des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, et pas l’autre; deuxièmement, ils ne sont pas en mesure de prendre des décisions au nom de l’Etat, mais exercent simplement des fonctions publiques. Les gardiens de prison sont assujettis à un code de discipline strict et sont sous les ordres du directeur de prison, mais n’exercent pas activement une fonction d’autorité au sens de prendre des décisions au nom de l’Etat.
- 730. Le plaignant souligne que le fait que l’article 8 de la loi sur les prisons de 1952 confère aux gardiens de prison les pouvoirs, l’autorité, la protection et les privilèges d’un agent de police ne change rien à cette assertion. Les pouvoirs dévolus par le common law d’arrêter et de procéder à une fouille, qui sont ceux d’un agent de police, sont désormais strictement encadrés par la loi et relèvent presque exclusivement de la police, de sorte que les gardiens de prison sont simplement habilités à appréhender un détenu en cavale. Même dans l’exercice de cette fonction, les gardiens de prison restent aux ordres du directeur de prison et sont liés par le code de discipline applicable aux personnels pénitentiaires. En outre, les gardiens de prison exerçant en Ecosse n’ont pas les pouvoirs d’un agent de police, de sorte qu’il serait anormal de considérer les gardiens de prison d’Angleterre, du pays de Galles et d’Irlande du Nord comme exerçant une fonction d’autorité au nom de l’Etat sur la base des pouvoirs conférés à un agent de police, alors que les gardiens de prison exerçant en Ecosse ne sont pas réputés exercer cette même fonction d’autorité.
- Prestation de services essentiels
- 731. Le plaignant considère que le service pénitentiaire n’est pas un service essentiel au sens strict du terme. L’interruption d’un tel service dans le cadre d’une action revendicative peut créer une situation inconfortable et des inconvénients pour les détenus en les obligeant à rester dans leurs cellules plus longtemps qu’ils n’auraient dû, ou en les privant temporairement de diverses activités au sein de la prison, mais cela ne met pas leur vie, leur sécurité ou leur santé en danger.
- 732. Le plaignant estime que, même si l’on considérait que les gardiens de prison sont des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et qu’il apparaîtrait donc justifié de restreindre leur droit de mener des actions revendicatives, la condition requise pour une telle restriction, à savoir l’octroi de garanties compensatoires adéquates, n’existe pas.
- 733. Le plaignant déclare qu’il n’existe pas de mécanisme compensatoire dans le secteur privé. L’organisme de révision des salaires (Pay Review Body) établi pour les gardiens de prison d’Angleterre et du pays de Galles ne s’occupe pas d’ajuster les traitements pour les neuf établissements pénitentiaires en gestion privée, et il n’existe pas de procédures de règlement des différends du travail ou de procédures de réclamation ou de représentation collective telles que celles prévues dans l’Accord sur les procédures établies en matière de relations professionnelles pour les prisons du secteur public d’Angleterre et du pays de Galles.
- 734. En outre, le plaignant note qu’en Angleterre et au pays de Galles deux types de mécanismes ont été institués pour fixer les conditions applicables au service pénitentiaire. La rémunération est fixée par l’organisme de révision des salaires (créé seulement en mars 2001, alors que la possibilité de le créer était déjà prévue dans la loi de 1994). Les autres litiges sont traités dans le cadre de l’Accord sur les procédures en matière de relations professionnelles (IRPA), connu aussi sous le nom d’Accord volontaire. En Irlande du Nord, l’organisme de révision des salaires (qui a été institué en février 2001 et a présenté son premier rapport en février 2003) a des pouvoirs de recommandation, et il n’existe pas de mécanisme pour régler les différends autres que salariaux.
- 735. En Ecosse, il n’y a pas d’organisme de révision des salaires. Il existe un accord sur les procédures de règlement des différends, ayant force obligatoire et similaire à celui d’Angleterre et du pays de Galles, qui porte sur une procédure préparatoire en matière de salaires. Il existe aussi un «accord de partenariat».
- 736. S’agissant de l’organisme de révision des salaires existant en Angleterre et au pays de Galles, le plaignant déclare que cet organe est mentionné à l’article 128 de la loi de 1994. Il a vocation à «examiner et faire rapport sur les questions relatives aux taux des salaires et prestations applicables au service pénitentiaire en Angleterre et au pays de Galles, ainsi qu’en Irlande du Nord, questions que lui soumet de temps à autres le secrétaire d’Etat» (règle 2 du service pénitentiaire [organisme de révision des salaires] Règlement, 2001). Ses recommandations et conseils sont fondés sur le principe d’un jugement indépendant, mais il doit donner aux organisations représentatives la possibilité de soumettre des éléments de preuve et des arguments (règle 5 du service pénitentiaire [organisme de révision des salaires] Règlement, 2001). Ces organisations incluent le service pénitentiaire, l’organisation plaignante en l’espèce (POA) et les personnels pénitentiaires. L’organisme de révision des salaires ne s’occupe pas d’ajuster les traitements pour les neuf établissements pénitentiaires en gestion privée.
- 737. De l’avis du plaignant, l’organisme de révision des salaires ne satisfait pas aux critères concernant les mesures compensatoires adéquates, et ce pour trois raisons. Premièrement, ses membres, y compris le président, sont nommés par le Premier ministre (annexe au Règlement applicable au service pénitentiaire (organisme de révision des salaires), 2001). Deuxièmement, cet organisme n’est pas habilité à décider des augmentations de salaire collectives ayant force obligatoire. Son mandat se limite à faire rapport et à formuler des recommandations. La règle 8 du service pénitentiaire (organisme de révision des salaires) Règlement, 2001, stipule que «lorsque, après renvoi d’une affaire devant l’organisme de révision des salaires, celui-ci a fait son rapport, le secrétaire d’Etat peut déterminer les taux des salaires et prestations applicables au service pénitentiaire d’Angleterre et du pays de Galles, ainsi que de l’Irlande du Nord, conformément aux recommandations de cet organisme ou bien en fonction des questions traitées dans le rapport, selon ce qu’il juge approprié». Troisièmement, le ministre n’est pas tenu de mettre immédiatement en œuvre l’augmentation de salaire collective, ni même de l’appliquer d’une manière générale. Le premier rapport de l’organisme de révision des salaires (présenté au Parlement en janvier 2002) a recommandé une augmentation générale du traitement de base, représentant un accroissement annuel de 4,8 pour cent, avec effet au 1er janvier 2002. Cependant, alors que ces recommandations ont été approuvées dans leur principe, il a été décidé que la recommandation concernant une augmentation générale serait appliquée en deux étapes. Ainsi, 3,5 pour cent seulement ont été accordés en janvier 2002, et le reste en janvier 2003 (organisme de révision des salaires) pour le service pénitentiaire, deuxième rapport sur l’Angleterre et le pays de Galles, 2003, paragraphe 1, 3) et 4).
- 738. Le plaignant ajoute également qu’en Angleterre et au pays de Galles les litiges autres que salariaux sont traités dans le cadre de l’Accord volontaire conclu le 11 avril 2001 entre le service pénitentiaire, agissant au nom du secrétaire d’Etat du ministère de l’Intérieur, et le plaignant. Le but de l’accord est d’établir des procédures de règlement de tous différends collectifs, à l’exception des litiges salariaux, des réclamations individuelles et des mesures disciplinaires. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre à l’amiable, l’affaire est renvoyée au Service de consultation, de conciliation et d’arbitrage (ACAS). Si la procédure de conciliation n’aboutit à aucun accord, l’une ou l’autre partie peut renvoyer l’affaire au directeur général du service pénitentiaire et au secrétaire général de la POA, qui devront décider s’il y a lieu de soumettre l’affaire à l’arbitrage. L’arbitre est nommé par l’ACAS. Cependant, la sentence arbitrale n’est pas pleinement contraignante pour le secrétaire d’Etat. Le paragraphe 14 de l’annexe à l’Accord volontaire autorise le secrétaire d’Etat à infirmer la sentence arbitrale pour des motifs touchant à la sécurité nationale ou à l’intérêt public. Pour exercer ce pouvoir, le secrétaire d’Etat doit fournir une explication motivée à la Chambre des communes ou au Premier ministre. Si le secrétaire d’Etat n’use pas de son pouvoir d’annuler la sentence arbitrale, celle-ci est appliquée.
- 739. Le plaignant ajoute que l’Accord volontaire est le seul instrument britannique régissant les relations professionnelles qui ait force obligatoire (paragr. 4, 1)). Cependant, les recours ne sont pas symétriques. En effet, en cas d’infraction de la part du plaignant, le service pénitentiaire peut demander une mise en demeure. En cas d’infraction de la part du service pénitentiaire, le plaignant peut seulement demander une ordonnance déclaratoire (paragr. 4, 10)). L’asymétrie de l’Accord volontaire est accentuée par l’inclusion d’un engagement général de la part du plaignant de ne pas recourir à la grève. En vertu du paragraphe 4, 11), le plaignant accepte de ne pas déclencher, autoriser ou soutenir quelque action revendicative que ce soit, engagée par l’un quelconque de ses membres en rapport avec un différend, quelle qu’en soit la nature, qu’il soit ou non couvert par un accord, quand une telle action aurait pour effet de perturber le fonctionnement du service pénitentiaire. Le paragraphe 4, 13), dispose que, en cas de divergence sur la question de savoir si ladite action aurait pour effet de perturber le fonctionnement du service pénitentiaire, il appartient au secrétaire d’Etat de trancher, sa décision étant définitive. La clause de non-recours à la grève est d’une plus vaste portée que celle de l’article 127 de la loi de 1994. En effet, cette dernière s’applique uniquement aux incitations faites à un gardien de prison à délaisser son service ou à commettre un manquement à la discipline, alors que la clause du paragraphe 4 se réfère à toute perturbation du fonctionnement du service pénitentiaire. Il en découle que, en contrepartie d’une renonciation complète au droit de grève, le seul recours dont dispose le plaignant est une mesure de redressement déclaratoire du tribunal en cas d’infraction commise par le service pénitentiaire.
- 740. Le plaignant indique avoir adhéré à l’Accord volontaire à un moment où il se trouvait en position de faiblesse, alors que son pouvoir de négociation n’était pas comparable à celui du service pénitentiaire (notamment à cause de l’interdiction légale d’actions revendicatives). Il a envisagé (et pourrait envisager à nouveau) de donner un préavis de résiliation de l’Accord volontaire au motif qu’il est déséquilibré dans les aspects exposés ci-dessus. Jusqu’à l’expiration d’un tel préavis, s’il était effectivement donné, la POA est tenue de se conformer aux dispositions de l’Accord volontaire. Cependant, compte tenu de l’interdiction légale d’actions revendicatives, inscrite dans l’article 127, le plaignant reste privé d’un moyen essentiel d’exercer des pressions professionnelles pour négocier un meilleur accord, voire de remplacer l’accord existant par un autre.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement - 741. Dans une communication datée du 1er novembre 2004, le gouvernement déclare, en bref, que les gardiens de prison sont des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et/ou assurent des services essentiels. Il est donc permis, en vertu des conventions nos 87 et 98, de leur interdire de faire grève. De toute façon, des mesures adéquates ont été prises en compensation de cette restriction de leur liberté syndicale.
- 742. Le gouvernement explique les circonstances à l’origine de la promulgation des articles 126 à 128 de la loi de 1994 sur la justice pénale et l’ordre public (loi de 1994), soit des actions revendicatives menées dans un certain nombre de prisons dans l’ensemble du Royaume Uni à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, avec des conséquences particulièrement néfastes tant pour les détenus que pour l’administration de la justice. L’article 126 de la loi de 1994 spécifie que les gardiens de prison sont des «travailleurs» et que, par conséquent, le plaignant (POA) est «une organisation de travailleurs» et, à ce titre, un syndicat au sens de l’article 1er de la loi (de synthèse) de 1992 sur les syndicats et les relations de travail (loi de 1992). Ainsi, la POA et ses membres jouissent de la même liberté syndicale que tout autre travailleur assujetti à la loi du Royaume-Uni. L’article 127 de la loi de 1994 crée l’obligation légale, envers le ministre ou les ministres compétents, de ne pas inciter les gardiens de prison à délaisser leur service ou à commettre un manquement à la discipline. Cet article institue donc une obligation légale de s’abstenir de toute action revendicative dans le service pénitentiaire. D’où l’impossibilité pour les gardiens de prison, qu’ils soient employés par l’Etat ou par des sociétés privées auxquelles ont été confiées en sous-traitance certaines fonctions du service pénitentiaire, d’organiser des grèves. Cette interdiction s’applique également à toutes les entités [territoriales] constitutives du Royaume-Uni. Enfin, l’article 128 de la loi de 1994 a ouvert la voie à la création de l’organisme de révision des salaires pour le service pénitentiaire (Prison Service Pay Review Body).
- 743. Le gouvernement ajoute qu’en Angleterre, au pays de Galles et en Ecosse, le maintien de l’article 127 a permis, jusqu’à ces derniers mois, d’améliorer de manière significative les relations entre le gouvernement et le plaignant et de stabiliser l’environnement des relations sociales. Ces bonnes relations ont permis, en Angleterre, au pays de Galles et en Ecosse, de conclure des accords volontaires dont une disposition interdit aux gardiens de prison de mener des actions revendicatives, ainsi que des accords sur les procédures de règlement des conflits du travail (en Angleterre et au pays de Galles: l’Accord sur les procédures en matière de relations professionnelles (IRPA); et en Ecosse: l’Accord volontaire sur les relations professionnelles (VIRA)). Le gouvernement a ensuite créé un organisme de révision des salaires en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord, indissociablement lié à l’introduction des accords volontaires, le service pénitentiaire renonçant au droit de fixer des augmentations de salaires en échange de l’engagement du plaignant de s’abstenir de toute action revendicative.
- 744. Le gouvernement précise que, le 27 janvier 2004, le plaignant a donné le préavis d’une année requis pour se retirer de l’Accord volontaire couvrant l’Angleterre et le pays de Galles. Les membres du plaignant se sont prononcés par voie de scrutin en faveur du nouvel accord volontaire, qui sera connu sous le nom d’Accord commun sur les procédures en matière de relations professionnelles (JIRPA), mais qui doit encore être paraphé par les deux signataires. Ces derniers mois, le plaignant a manifesté l’intention de mener des actions revendicatives (à l’encontre des principes de l’Accord volontaire en vigueur et du futur JIRPA) sur des questions telles que la santé et la sécurité de ses membres dans le service pénitentiaire d’Irlande du Nord, et a indiqué plus récemment procéder à des tests de marché.
- 745. Le gouvernement considère que le travail des gardiens de prison et les conditions dans lesquelles il est accompli sont tels que des actions revendicatives dans le service de pénitentiaire ne sont pas appropriées, compte tenu notamment des autres moyens disponibles pour régler les différends. Toutefois, préférant atteindre cet objectif par des moyens volontaires, il a donc indiqué être prêt à abroger l’article 127 pour les parties du service pénitentiaire couvertes par un accord volontaire en vertu duquel le plaignant s’engage à s’abstenir de toute action revendicative. Cependant, des difficultés sont survenues du fait que le plaignant a donné un préavis de résiliation de l’Accord volontaire en vigueur en Angleterre et au pays de Galles, alors même que le JIRPA n’a pas encore été signé. Il n’y a pas d’accord volontaire en vigueur en Irlande du Nord, de sorte qu’il n’est pas proposé d’abroger l’article 127 pour cette entité territoriale. En l’absence d’accord volontaire applicable, l’article 127 continuera de s’appliquer là où certaines fonctions du service pénitentiaire ont été confiées en sous-traitance à des sociétés privées.
- L’exercice de fonctions d’autorité au nom de l’Etat
- 746. Le gouvernement considère que les gardiens de prison entrent, sans aucun doute, dans la catégorie des fonctionnaires exerçant une fonction d’autorité au nom de l’Etat, tant par les fonctions qu’ils exercent que par les pouvoirs spéciaux et la protection particulière qui leur sont conférés aux fins de l’accomplissement de leur devoir. En outre, il n’est établi aucune distinction substantielle à cet égard entre les gardiens de prison au service de la Couronne et les gardiens de prison employés par des sociétés privées auxquelles certaines fonctions du service pénitentiaire ont été confiées en sous-traitance.
- 747. S’agissant des fonctions exercées par les gardiens de prison des secteurs public et privé, le gouvernement considère que ce sont des agents par l’intermédiaire desquels l’Etat prive de liberté des sujets en attente de procès ou condamnés au pénal, tout en veillant à leur bien-être. Les gardiens de prison des deux secteurs apportent leur concours à l’application des décisions de justice en vertu desquelles des individus doivent être détenus. Dans le contexte pénitentiaire, il leur appartient de veiller à ce que les détenus ne se blessent pas eux-mêmes ou mutuellement, ou ne blessent pas le personnel pénitentiaire ou les visiteurs. Ils exercent également des pouvoirs sur ces derniers en rapport avec leurs activités quotidiennes, le degré de liberté dont ils jouissent à intérieur de la prison, leurs privilèges et leurs droits. Les gardiens de prison du secteur privé jouent un rôle important qui consiste à accompagner les détenus, à l’aller et au retour, lors de leurs déplacements aux postes de police et aux tribunaux, et ils ont à charge d’empêcher les détenus de s’échapper ou de blesser des membres du public, du tribunal ou du service judiciaire. Le gouvernement en conclut que les gardiens de prison des services public et privé jouent un rôle central dans l’administration de la justice et qu’ils exercent, à ce titre, des fonctions d’autorité au nom de l’Etat.
- 748. Le gouvernement ajoute que les gardiens de prison du service public détiennent des pouvoirs spéciaux aux fins de l’accomplissement de leur devoir. Dans le cas des gardiens de prison employés par la Couronne, ils détiennent, pour l’exercice de leurs fonctions, les pouvoirs d’un agent de police, y compris les pouvoirs d’arrestation et de fouille prévus par la common law. Ils jouissent également des protections accordées à un agent de police. Une agression sur un gardien de prison du service public équivaut à une agression sur un agent de police dans l’exercice de ses fonctions et appelle, de ce fait, une sanction pénale. S’agissant des gardiens de prison du service privé, la loi de 1991 sur la justice pénale leur confère des pouvoirs spéciaux. Ils doivent être agréés, certificat à l’appui, par le secrétaire d’Etat pour les fonctions de garde et d’escorte. Leurs pouvoirs comprennent notamment celui de fouiller le détenu, de l’empêcher de s’évader d’une détention/garde à vue légale, de veiller à ce qu’ils respectent l’ordre et la discipline et d’appliquer toutes les instructions du tribunal relatives au traitement d’un détenu. Il est également dans leurs attributions d’empêcher les détenus de commettre un délit ou de découvrir les délits qu’ils ont commis, et de veiller à leur bien-être. Les gardiens de prison du service privé ont le droit, le cas échéant, de faire un usage raisonnable de la force lorsque le Code pénal leur confère une protection particulière contre toute agression par des détenus et contre une obstruction volontaire. Aussi le gouvernement conclut-il que les gardiens de prison des services public et privé exercent une fonction d’autorité au nom de l’Etat et détiennent à cette fin des pouvoirs spéciaux et des protections spéciales qui leur sont conférés par la loi. Il est patent que les gardiens de prison prennent des «décisions au nom de l’Etat» – critère utilisé par le plaignant dans son argumentaire –, puisqu’il leur appartient de prendre toutes décisions concernant les activités, la liberté et autres droits et privilèges des détenus, y compris les décisions concernant la discipline.
- 749. En outre, d’après le gouvernement, le fait que les gardiens de prison aient un droit d’organisation n’implique pas qu’ils doivent également avoir le droit de grève. Il n’y a là aucun illogisme, et il est en fait conforme aux principes de la liberté syndicale de considérer que les gardiens de prison ont le droit de créer des syndicats, d’y adhérer et de mener des activités syndicales, ainsi que le prévoit la loi en vigueur au Royaume-Uni, tout en considérant qu’ils n’ont pas le droit de faire grève.
- 750. En ce qui concerne la situation en Ecosse, le gouvernement indique que, même si les gardiens de prison n’ont pas les mêmes pouvoirs qu’un agent de police, ils exercent les mêmes fonctions que les gardiens de prison d’Angleterre et du pays de Galles, et la loi leur confère à cette fin des droits similaires.
- Prestation de services essentiels
- 751. Le gouvernement déclare qu’il va de soi que l’interruption du service assuré par les gardiens de prison des secteurs public et privé mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé d’une partie de la population, essentiellement de la population carcérale, mais aussi du grand public. Il est évident que la population carcérale est composée en grande partie d’individus représentant un danger pour les autres. Une part importante du rôle du gardien de prison consiste, par exemple: à empêcher les détenus de blesser leurs codétenus ou d’autres personnes présentes dans la prison, à les empêcher de s’évader (pour protéger la vie et la sécurité d’au moins une partie de la population); à veiller à la santé et à la sécurité des détenus (notamment en les empêchant de se faire du mal ou de commettre un suicide, ou en empêchant le trafic et la consommation illicites de drogue et d’alcool; à veiller à ce que les détenus aient accès à des activités propres à assurer leur bien-être général dans des conditions garantissant leur sécurité, leur santé, leur adaptation et, finalement, leur réinsertion au sein de la communauté; à ce qu’ils soient bien nourris et reçoivent un traitement médical, une éducation et une formation appropriés; et à ce qu’ils puissent faire de l’exercice et recevoir la visite de leur famille.
- 752. Le gouvernement estime que des mesures compensatoires adéquates sont en place. En Angleterre et au pays de Galles, l’Accord conclu entre le service pénitentiaire de Sa Majesté et le plaignant, qui englobe aussi l’IRPA, régit tous les aspects concernant les différends autres que salariaux, les procédures de réclamation individuelle ou les questions disciplinaires. La rémunération est une question relevant de l’organisme de révision des salaires, alors que les procédures de réclamation ou représentation individuelle ou les questions disciplinaires sont des aspects de procédure définis dans le manuel du personnel. En Ecosse, le salaire est négocié sur la base de conventions collectives, et le mécanisme connu sous le nom d’organisme de révision des salaires n’intervient pas. Les différends peuvent être soumis au Service de consultation, de conciliation et d’arbitrage (ACAS) et faire l’objet d’un arbitrage ayant force obligatoire, rendu par le VIRA (le mécanisme de règlement des différends).
- 753. En ce qui concerne les critiques du plaignant à l’égard de l’IRPA, le gouvernement considère qu’elles ne sont guère pertinentes. La sentence arbitrale est contraignante pour le secrétaire d’Etat, qui ne peut l’infirmer que pour des motifs touchant à la sécurité nationale ou à l’intérêt public. Cette faculté n’a jamais été invoquée dans la pratique, et il est difficile d’imaginer des circonstances où elle pourrait l’être étant donné que l’arbitre est nommé par l’ACAS et qu’il est fort peu probable qu’une sentence arbitrale soit de nature à compromettre la sécurité nationale ou soit contraire à l’intérêt public. En fait, cela n’est pas arrivé une seule fois lors des 31 arbitrages rendus au titre de cette disposition.
- 754. Quant à l’argument selon lequel le plaignant peut seulement demander une ordonnance déclaratoire, par opposition à la mise en demeure, le gouvernement estime que cette position résulte d’une méprise et est infondée. Premièrement, le paragraphe 4, 10), de l’IRPA dispose que les recours ouverts au plaignant incluent la demande d’une ordonnance déclaratoire. Ce paragraphe ne limite pas le recours pouvant être exercé et, de toute façon, il appartient au tribunal de déterminer le recours susceptible de l’être. Deuxièmement, une ordonnance déclaratoire a un caractère contraignant en ce qui concerne les droits des parties, et il est inconcevable que le gouvernement agisse à l’encontre d’une telle ordonnance. Il n’y a donc pas de différence substantielle entre une telle ordonnance et une mise en demeure.
- 755. Le fait que les membres de l’organisme de révision des salaires soient nommés par le Premier ministre ne limite en rien leur indépendance et ne crée aucun risque de parti pris. Il est arrivé fréquemment que les membres d’organes d’arbitrage soient nommés par un corps de l’Etat, et que ces membres aient dû arbitrer des différends auxquels était partie un autre corps de l’Etat. Dans toutes ces situations, l’organe en question a fait son travail de manière équitable et impartiale. Même si les recommandations de l’organisme de révision des salaires n’ont pas force obligatoire, il n’est possible d’y passer outre, dans la pratique, que dans des cas exceptionnels. La pratique et la procédure de l’organisme de révision des salaires sont telles qu’une tentative de conciliation peut être menée de manière appropriée, impartiale et expéditive, et cela a effectivement été le cas, à la satisfaction des deux parties. En ce qui concerne la déclaration du plaignant selon laquelle le ministre n’est pas tenu d’appliquer rapidement la sentence arbitrale, ni même de l’appliquer d’une manière générale, le gouvernement déclare que, même si les recommandations de l’organisme de révision des salaires n’ont pas force obligatoire, elles n’en sont pas moins suivies d’effet dans la pratique. Quant à la décision de mettre en œuvre la recommandation de 2002 en deux étapes, à laquelle le plaignant fait référence, le gouvernement fait remarquer que le secrétaire d’Etat a appliqué la recommandation quant au fond, dans son principe et dans la pratique. Le fait que le pouvoir législatif continue, par nécessité, de détenir les pouvoirs budgétaires a entraîné une altération des modalités pratiques de la recommandation, mais finalement sans empêcher que soient respectés les termes de la décision arbitrale de l’organisme de révision des salaires.
- 756. Le gouvernement conclut en rappelant que les articles 126 à 128 de la loi de 1994 sont liés et ne peuvent être lus séparément. L’organisme de révision des salaires retire au service pénitentiaire la faculté de déterminer le pourcentage d’augmentation des salaires et a depuis toujours considéré que les augmentations salariales collectives dans le service pénitentiaire devaient être supérieures au taux de l’inflation. Aussi le gouvernement considère-t-il que les mesures compensatoires en place sont suffisantes pour justifier l’interdiction de recourir à la grève, inscrite dans l’article 127 de la loi de 1994.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité - 757. Le comité note que le présent cas concerne des allégations selon lesquelles l’article 127 de la loi sur la justice pénale et l’ordre public de 1994 prive les gardiens de prison du droit de mener des actions revendicatives et que, en l’absence du droit de grève, ceux-ci ne bénéficient pas de garanties compensatoires adéquates pour protéger leurs intérêts.
- 758. Le comité note que le plaignant soutient – ce à quoi souscrit le gouvernement – que l’article 127 de la loi de 1994 qualifie de délit en toutes circonstances le fait que les gardiens de prison appellent à une grève ou à un autre type d’action revendicative. Un tel appel conduirait inévitablement le gardien de prison à délaisser son service ou à commettre un manquement à la discipline et exposerait le syndicat à des poursuites de la part du secrétaire d’Etat, voire à une action en dommages-intérêts ou à une mise en demeure. L’article 127 s’applique aussi bien aux gardiens de prison du service public qu’aux gardiens de prison employés par des sociétés privées auxquelles ont été confiées en sous-traitance certaines fonctions du service pénitentiaire. Le comité note que le gouvernement envisage actuellement d’amender l’article 127 en partant du principe que des accords volontaires de non-recours à la grève ont été conclus en Angleterre, au pays de Galles et en Ecosse entre le plaignant et l’administration pénitentiaire. Cependant, comme de tels accords n’existent ni en Irlande du Nord ni pour les neuf établissements pénitentiaires pour lesquels certaines fonctions ont été confiées en sous-traitance à des sociétés privées, le gouvernement entend maintenir l’interdiction inscrite à l’article 127.
- 759. Le comité rappelle que le droit de grève peut être restreint, voire interdit: 1) dans la fonction publique, uniquement pour les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat; ou 2) dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption mettrait en danger, dans l’ensemble ou dans une partie de la population, la vie, la sécurité ou la santé de la personne. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, quatrième édition, 1996, paragr. 526.]
- 760. Le comité note que, d’après le plaignant, le droit de grève des gardiens de prison ne devrait pas être restreint puisqu’ils n’exercent pas de fonctions d’autorité au nom de l’Etat et n’assurent pas de services essentiels au sens strict du terme. Par ailleurs, même si les restrictions du droit de grève des gardiens de prison sont justifiées, il n’existe pas de garanties compensatoires adéquates à cet égard. Le comité note également que le gouvernement réfute ces allégations et considère que les gardiens de prison exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et assurent des services essentiels au sens strict du terme et que, par ailleurs, il existe des garanties compensatoires adéquates pour cette restriction de leur droit de grève.
- L’exercice de fonctions d’autorité au nom de l’Etat
- 761. Le comité note que, selon le plaignant, les gardiens de prison employés par l’Etat et ceux employés par des sociétés du secteur privé n’exercent pas des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. En ce qui concerne les gardiens de prison employés par des sociétés privées auxquelles certaines fonctions du service pénitentiaire ont été confiées en sous-traitance, le plaignant fait remarquer qu’ils sont tenus par un devoir de loyauté envers leur employeur (privé), ne sont pas assujettis au code de discipline applicable aux gardiens de prison du secteur public et n’ont pas les pouvoirs d’un agent de police. S’agissant des gardiens de prison du secteur public, le plaignant fait observer qu’ils font le même travail que ceux du secteur privé, de sorte qu’il serait anormal de traiter un groupe comme s’il exerçait des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, et pas l’autre. Par ailleurs, ils ne sont pas en mesure de prendre des décisions au nom de l’Etat, mais exercent simplement des fonctions publiques. En ce qui concerne leurs pouvoirs d’agent de police, le plaignant considère que ces pouvoirs sont aujourd’hui strictement réglementés par la loi et relèvent presque exclusivement des services de police, les gardiens de prison étant seulement habilités à appréhender légalement un détenu en cavale. Enfin, les gardiens de prison exerçant en Ecosse n’ont pas les pouvoirs d’un agent de police, de sorte qu’il serait anormal de traiter les gardiens de prison comme s’ils exerçaient des fonctions d’autorité au nom de l’Etat en raison de leurs pouvoirs d’agent de police alors que les gardiens de prison exerçant en Ecosse ne sont pas réputés exercer une telle fonction d’autorité.
- 762. Le comité note que, de l’avis du gouvernement, les gardiens de prison entrent dans la catégorie des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat (sans distinction substantielle entre les gardiens de prison employés par l’Etat et ceux employés par des sociétés du secteur privé auxquelles certaines fonctions du service pénitentiaire ont été confiées en sous-traitance, et qu’ils sont les agents par l’intermédiaire desquels l’Etat prive de liberté des sujets en attente de procès ou condamnés au pénal. A ce titre, ils jouent un rôle central dans l’administration de la justice. En outre, pour leur permettre d’accomplir leur devoir, les pouvoirs d’un agent de police leur sont conférés. Par ailleurs, la loi confère des pouvoirs spéciaux aux gardiens de prison exerçant en Ecosse et aux gardiens de prison employés par des sociétés privées auxquelles ont été confiées en sous-traitance certaines fonctions du service pénitentiaire. Ainsi, tous les gardiens de prison, qu’ils soient du secteur public ou privé, sont investis de la responsabilité de prendre des décisions concernant les activités, la liberté et autres droits et privilèges des détenus, y compris des décisions en matière de discipline; et, dans ce sens, ils exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat. Enfin, le gouvernement considère que le fait que les gardiens de prison jouissent du droit d’organisation n’implique pas qu’ils doivent également avoir le droit de grève.
- 763. Le comité a estimé que les fonctionnaires servant l’administration de la justice sont des agents exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et dont le droit de grève peut faire l’objet de restrictions, voire d’interdictions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 537.] Le comité estime que, dans la mesure où les gardiens de prison des services public et privé exercent une fonction d’autorité au nom de l’Etat, leur droit de grève peut être restreint voire interdit.
- Prestation de services essentiels
- 764. Le comité note que, d’après le plaignant, le service pénitentiaire n’est pas un service essentiel au sens strict du terme, étant donné que l’interruption de ce service par une action revendicative n’a pas mis en danger la vie, la sécurité ou la santé des détenus, même si elle a créé une situation inconfortable et embarrassante.
- 765. Le comité note que le gouvernement énumère une série de fonctions exercées par les gardiens de prison des secteurs public et privé et soutient qu’il est évident que l’interruption de ce service mettrait en danger la vie, la sécurité ou la santé d’une partie de la population, essentiellement de la population carcérale, mais aussi du grand public.
- 766. Le comité rappelle que, pour déterminer les cas dans lesquels une grève pourrait être interdite, le critère à retenir est l’existence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 540.] Le comité considère que le service pénitentiaire est, de toute évidence, un service dont l’interruption pourrait engendrer une menace imminente pour la vie, la sécurité et la santé de tout ou partie de la population, notamment de la population carcérale et du grand public.
- 767. Considérant que le service pénitentiaire constitue un service essentiel au sens strict du terme et que les gardiens de prison des services public et privé, dans la mesure où ils font le même travail, exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat, le comité est d’avis qu’il est conforme aux principes de la liberté syndicale de restreindre, voire d’interdire, le droit de mener des actions revendicatives dans le service pénitentiaire.
- 768. Le comité note que, d’après le plaignant, même si l’on considère que la restriction du droit de mener des actions revendicatives est justifiée, la condition requise à cet effet, à savoir l’octroi de garanties compensatoires adéquates, n’existe pas.
- 769. S’agissant des gardiens de prison employés par des sociétés du secteur privé auxquelles ont été confiées en sous-traitance certaines fonctions du service pénitentiaire, le plaignant déclare qu’il n’existe pas de mécanisme pour compenser la restriction imposée au droit de grève. Le comité note que le gouvernement ne fournit pas d’information à cet égard. Il rappelle que, lorsque le droit de grève est restreint ou supprimé dans certaines entreprises ou services considérés comme essentiels, les travailleurs devraient bénéficier d’une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur liberté d’action pendant les différends survenus dans lesdites entreprises ou lesdits services. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 546.] Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de la création de mécanismes appropriés pour les gardiens de prison des sociétés privées auxquelles sont confiées en sous-traitance certaines fonctions du service pénitentiaire, de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur droit de grève, et de le tenir informé à cet égard.
- 770. S’agissant de l’Angleterre et du pays de Galles, le plaignant déclare que deux types de mécanisme ont été mis en place pour fixer les conditions d’emploi dans le service pénitentiaire. La rémunération est fixée par l’organisme de révision des salaires (également institué pour l’Irlande du Nord) et les différends de nature autre que salariale sont traités sur la base de l’Accord sur les procédures en matière de relations professionnelles (IRPA) connu également sous le nom d’Accord volontaire.
- 771. En ce qui concerne l’organisme de révision des salaires, le plaignant déclare que ses recommandations et conseils reposent sur le principe d’indépendance de jugement, mais qu’il est du devoir de cet organisme d’offrir aux organisations représentatives la possibilité de présenter des preuves et des représentations. D’après le plaignant, cet organisme ne respecte pas les critères concernant les mesures compensatoires adéquates, et ce pour trois raisons principales: 1) tous les membres de l’organisme de révision des salaires, y compris le président, sont nommés par le Premier ministre; 2) l’organisme de révision des salaires n’est pas habilité à rendre des arbitrages ayant force obligatoire; 3) le ministre n’est pas tenu d’appliquer rapidement la décision arbitrale, ni même de l’appliquer d’une manière générale (la première recommandation générale formulée par l’organisme de révision des salaires en vue d’une augmentation salariale, qui a été présentée au Parlement en 2002, a été appliquée, selon le plaignant, sous forme de paiement en deux tranches au lieu d’une).
- 772. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle: 1) le fait que les membres de l’organisme de révision des salaires soient nommés par le Premier ministre ne limite en rien leur indépendance et ne crée aucun risque de parti pris, étant donné qu’il est courant que des organismes d’arbitrage dont les membres sont nommés par un corps de l’Etat soient appelés à arbitrer des différends auxquels est partie un autre corps de l’Etat; 2) même si les recommandations de l’organisme de révision des salaires n’ont pas force obligatoire, il n’est possible, dans la pratique, de passer outre que dans des cas exceptionnels; 3) s’agissant de l’application en deux étapes de la recommandation de 2002, le fait que le pouvoir législatif continue, par nécessité, de détenir les pouvoirs budgétaires a entraîné une altération des modalités pratiques de la recommandation, mais finalement sans empêcher que soient respectés les termes de la décision arbitrale rendue par l’organisme de révision des salaires.
- 773. Quant au point 1) abordé ci-dessus, le comité note que le gouvernement ne spécifie pas la méthode (avec les directives pratiques ou critères pertinents) selon laquelle sont nommés les membres de l’organisme de révision des salaires, et rappelle que, dans les procédures de médiation et d’arbitrage, l’essentiel réside dans le fait que tous les membres des organes chargés de telles fonctions doivent non seulement être strictement impartiaux, mais doivent aussi paraître comme tels aussi bien aux employeurs qu’aux travailleurs, afin que la confiance dont ils jouissent de la part des deux parties et dont dépend le succès de l’action, même s’il s’agit d’arbitrage obligatoire, soit maintenue. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 549.] S’agissant du point 2) ci-dessus, le comité note que le gouvernement ne spécifie pas les cas exceptionnels dans lesquels il est justifié de passer outre les recommandations de l’organisme de révision des salaires. Le comité observe également que le libellé de la règle 8 du service pénitentiaire (organisme de révision des salaires) Règlement, 2001, semble laisser à l’entière discrétion du secrétaire d’Etat l’application des recommandations de l’organisme de révision des salaires, en disposant que «lorsque, après renvoi d’une affaire devant l’organisme de révision des salaires, celui-ci a fait son rapport, le secrétaire d’Etat peut déterminer les taux des salaires et prestations applicables au service pénitentiaire de l’Angleterre et du pays de Galles, ainsi que de l’Irlande du Nord, conformément aux recommandations de cet organisme ou bien en fonction des questions traitées dans le rapport, selon ce qu’il juge approprié». Le comité rappelle que, en ce qui concerne la nature des garanties appropriées en cas de restriction de la grève dans les services essentiels et dans la fonction publique, la limitation du droit de grève devrait s’accompagner de procédures de conciliation et d’arbitrage appropriées, impartiales et expéditives, aux diverses étapes desquelles les intéressés devraient pouvoir participer et dans lesquelles les sentences rendues devraient être appliquées entièrement et rapidement. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 547.] Le comité demande au gouvernement d’engager des consultations avec le plaignant et le service pénitentiaire afin d’améliorer l’actuel mécanisme chargé de fixer les rémunérations des gardiens de prison en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord. En particulier, le comité demande au gouvernement de continuer à veiller à ce que: i) les sentences arbitrales de l’organisme de révision des salaires du service pénitentiaire soient contraignantes pour les parties et qu’elles ne puissent être ignorées que dans des cas exceptionnels; et ii) les membres de l’organisme de révision des salaires pour le service pénitentiaire soient indépendants et impartiaux, soient nommés sur la base de directives ou de critères spécifiques et aient la confiance de toutes les parties intéressées. Le comité demande à être informé à cet égard.
- 774. En ce qui concerne l’Accord volontaire qui régit les différends autres que salariaux en Angleterre et au pays de Galles, le plaignant déclare que: 1) l’arbitrage prévu dans l’Accord n’a pas force obligatoire (le paragraphe 14 de l’annexe à l’Accord volontaire confère au secrétaire d’Etat le pouvoir d’infirmer la sentence pour des raisons touchant à la sécurité nationale ou à l’intérêt public; pour exercer ce pouvoir, le secrétaire d’Etat doit fournir une explication motivée à la Chambre des communes ou au Premier ministre); 2) même si l’Accord volontaire est exécutoire, les recours ne sont pas symétriques: en cas d’infraction de la part du plaignant, le service pénitentiaire peut demander une mise en demeure, alors qu’en cas d’infraction de la part du service pénitentiaire le plaignant ne peut demander qu’une ordonnance déclaratoire. Cette asymétrie est encore accentuée, d’après le plaignant, par l’inclusion dans l’accord d’un engagement général de ne pas recourir à la grève.
- 775. Le comité note que, selon le gouvernement: 1) la sentence arbitrale est contraignante pour le secrétaire d’Etat, qui n’a la faculté de l’infirmer que pour des motifs touchant à la sécurité nationale ou à l’intérêt public; cette faculté n’a jamais été invoquée dans la pratique, et il est difficile d’envisager une situation où elle pourrait l’être; 2) le recours pouvant être exercé n’est, de toute façon, pas limité à une ordonnance déclaratoire et, en cas d’infraction, il appartient au tribunal de déterminer le recours susceptible de l’être. Deuxièmement, une ordonnance déclaratoire a en tout cas un caractère contraignant pour ce qui concerne les droits des parties, et il est inconcevable que le gouvernement agisse à l’encontre d’une telle ordonnance. Le comité prend note de cette information, et s’attend à ce que le gouvernement continuera à agir conformément à toute ordonnance déclaratoire.
- 776. En ce qui concerne l’Ecosse, le plaignant déclare qu’il existe un accord ayant force obligatoire sur les procédures de règlement des différends qui porte sur les procédures préparatoires en matière de salaires, ainsi qu’un accord de partenariat. A cet égard, le gouvernement indique qu’en Ecosse les salaires sont négociés dans le cadre des accords de négociation collective, et que les différends peuvent être soumis au Service de consultation, de conciliation et d’arbitrage (ACAS) et, finalement, à un arbitrage ayant force obligatoire et faisant intervenir des mécanismes de règlement des différends mettant en œuvre l’Accord volontaire en matière de relations professionnelles. Le comité prend note avec satisfaction de cette information.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 777. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Notant que le service pénitentiaire est un service essentiel au sens strict du terme pour lequel le droit de grève peut être restreint voire interdit, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires en vue de créer les mécanismes appropriés pour les gardiens de prison des sociétés du secteur privé auxquelles ont été confiées en sous-traitance certaines fonctions du service pénitentiaire, de manière à compenser les restrictions imposées à leur droit de grève.
- b) Le comité demande au gouvernement d’engager des consultations avec le plaignant et le service pénitentiaire en vue d’améliorer le mécanisme actuel chargé de déterminer les salaires des gardiens de prison en Angleterre, au pays de Galles et en Irlande du Nord. En particulier, le comité demande au gouvernement de continuer à veiller à ce que:
- i) les sentences arbitrales de l’organisme de révision des salaires du service pénitentiaire lient les parties, et à ce qu’il ne soit possible de passer outre ces sentences que dans des cas exceptionnels;
- ii) les membres de l’organisme de révision des salaires du service pénitentiaire soient indépendants et impartiaux, soient nommés sur la base de directives ou de critères spécifiques et jouissent de la confiance des parties intéressées.
- c) Le comité demande à être tenu informé de l’évolution de la situation à l’égard de ce qui précède.
Z. Annexe
Z. Annexe - Article 127 de la loi sur la justice pénale et l’ordre public de 1994
- «1) Une personne contrevient à ce paragraphe si elle incite un gardien de prison: a) à délaisser les devoirs de sa charge; ou b) à commettre un manquement à la discipline.
- 2) L’obligation de ne pas contrevenir au paragraphe 1) correspond à un engagement pris envers le secrétaire d’Etat …
- 3) Sans préjuger du droit du secrétaire d’Etat … en vertu de la disposition précédente du présent article, d’engager une procédure civile en cas d’infraction présumée au paragraphe 1) ci-dessus, toute fonction visée au paragraphe 2 ci-dessus, qui [aura été exercée de manière à] porter préjudice au secrétaire d’Etat, justifiera des poursuites contre l’auteur de l’infraction.
- 4) Dans le présent article, le terme «gardien de prison» s’entend de tout individu qui:
- a) occupe un poste, autre que celui d’aumônier, d’assistant aumônier ou de médecin de santé publique, auquel il a été nommé aux fins de l’article 7 de la loi sur les prisons [1952 c.52] de 1952 ou de l’article 2, paragraphe 2, de la loi sur les prisons [1953 c.18 (N.I.)] (Irlande du Nord) de 1953 (nomination des personnels pénitentiaires);
- b) occupe un poste, autre que celui de médecin de santé publique, auquel il a été nommé en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de la loi sur les prisons (Ecosse) de 1989;
- c) est gardien de prison au sens de la partie I de la présente loi, ou gardien de prison au sens de la partie IV de la loi sur la justice pénale de 1991 ou au sens des chapitres II ou III de la présente partie.
- 5) Le manquement à la discipline (visé au paragraphe 1) ci-dessus) s’entend d’un manquement commis par un gardien de prison dans l’exercice d’une quelconque fonction qui lui est assignée par le règlement applicable aux établissements pénitentiaires ou par tout code de discipline applicable en vertu de ce règlement, ou de toute autre infraction à ce règlement commise par un gardien de prison.»