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- 533. Le comité a examiné ce cas pour la dernière fois à sa session de mai-juin 2006. [Voir 342e rapport, paragr. 412-436.] L’Union djiboutienne du travail (UDT) a envoyé des informations complémentaires par communication du 17 juin 2006 et de nouvelles allégations par communication du 3 octobre 2006.
- 534. Le gouvernement a envoyé ses observations par communication du 27 mars 2007.
- 535. Djibouti a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 536. Lors de son examen antérieur de ce cas, le comité a formulé les recommandations suivantes [voir 342e rapport, paragr. 436]:
- a) En ce qui concerne l’allégation du refus de réintégrer les travailleurs licenciés, à la suite d’une grève, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la situation des syndicalistes devant être réintégrés aux termes de l’accord du 8 juillet 2002, à savoir: Abdoulfatah Hassan Ibrahim; Hachim Adawe Ladieh; Houssein Dirieh Gouled; Moussa Wais Ibrahim; Abdillahi Aden Ali; Habib Ahmed Doualeh et Bouha Daoud Ahmed. Le comité demande au gouvernement de s’assurer que tous les travailleurs souhaitant leur réintégration puissent l’obtenir, sans perte de salaire ni de bénéfices, et que ceux qui ne souhaitaient pas une réintégration puissent recevoir une compensation adéquate.
- b) Concernant les allégations de harcèlement et licenciements abusifs envers les dirigeants syndicaux, le comité demande au gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les allégations de harcèlement et de licenciements de dirigeants syndicaux, ainsi que sur les pressions dont serait victime leur entourage et, dans le cas où elles s’avèrent fondées, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin à ces actes de discrimination et de harcèlement, et de punir les personnes responsables.
- c) Concernant l’allégation de l’adoption d’un nouveau Code du travail «antisocial», contraire aux conventions internationales et à la Constitution nationale, le comité demande au gouvernement de bien vouloir lui fournir le texte en question.
- d) Déplorant les informations relatives à l’arrestation d’un fonctionnaire du BIT, le comité considère qu’il s’agit d’un cas grave et sérieux et demande instamment au gouvernement de répondre rapidement aux graves allégations formulées par la CISL dans sa dernière communication concernant l’ingérence du gouvernement dans les grèves et les élections syndicales, les arrestations et la détention de membres et dirigeants syndicaux, ainsi que le refoulement d’une mission de solidarité syndicale internationale, et l’arrestation et l’interrogatoire subséquents du seul membre de la mission autorisé à pénétrer dans le pays – un fonctionnaire du BIT – afin de pouvoir examiner ce cas en pleine connaissance de cause.
- e) Le comité prie le gouvernement d’accepter une mission de contacts directs.
- B. Nouvelles allégations
- 537. Dans sa communication du 17 juin 2006, l’UDT estime que le Code du travail, promulgué par la loi no 133/AN/05/5ème L du 28 janvier 2006, est une régression par rapport au code précédent et viole les conventions nos 87 et 98 en imposant des restrictions à l’exercice du droit syndical. En outre, l’affirmation du gouvernement selon laquelle le code a été élaboré avec la collaboration et l’aval du Bureau international du Travail (BIT) est fausse. Le BIT et les partenaires sociaux nationaux n’ont pas été associés au processus d’adoption du code.
- 538. Certaines dispositions du Code du travail sont de nature à menacer le syndicalisme libre et indépendant. Les articles 41 à 43 sur la suspension du contrat de travail pendant la période d’exercice d’un mandat syndical pourraient amener à considérer l’exercice d’un mandat syndical comme une faute lourde permettant à l’employeur de recourir au principe de modification substantielle du contrat et au licenciement.
- 539. Par ailleurs, l’article 214 prévoit qu’une personne condamnée par quelque juridiction que ce soit se voit interdite toute fonction de direction d’un syndicat. Dans le contexte du pays, où une personne peut se faire arrêter, détenir et condamner pour des raisons fallacieuses et fabriquées, cette disposition du Code du travail représente une menace pour l’exercice de la liberté syndicale et du droit de négociation collective. L’organisation plaignante présente à l’appui deux exemples d’arrestations et de condamnations considérées comme arbitraires.
- 540. Enfin, l’organisation plaignante dénonce l’article 215 du Code du travail relatif aux formalités de contrôle de la légalité d’un syndicat. Cette disposition contient des mesures contraires aux principes de la liberté syndicale en prévoyant, entre autres, la légalisation d’un syndicat par la délivrance d’un récépissé par le ministre du Travail après avis de l’inspecteur du travail; le droit du Procureur de la République de dissoudre un syndicat; l’obligation de reprendre le processus de création du syndicat même lorsqu’un changement minime intervient dans l’administration du syndicat.
- 541. Toutes ces dispositions contreviennent non seulement aux conventions de l’OIT nos 87, 98, 135 et 158, mais aussi à des textes nationaux comme la Constitution ainsi que des traités régionaux et internationaux.
- 542. Dans sa communication du 3 octobre 2006, l’UDT revient sur la situation de M. Hassan Cher Hared, secrétaire aux relations internationales de l’UDT. L’UDT rappelle que M. Hassan Cher Hared a fait l’objet d’actes multiformes de discrimination et de harcèlement et dénonce son licenciement intervenu en septembre 2006 alors qu’il participait à une formation syndicale à l’étranger, au Centre international de formation de l’OIT à Turin. Selon l’UDT, le licenciement de M. Hassan Cher Hared, alors que sa demande de congé pour participer à la formation syndicale avait pourtant été acceptée, illustre la manière dont la mise en œuvre des articles 41 à 43 du Code du travail peut être utilisée pour sanctionner purement et simplement l’activité syndicale, comme une faute lourde, par un licenciement.
- C. Réponse du gouvernement
- 543. Par une communication datée du 27 mars 2007, le gouvernement a envoyé ses observations relatives à certains points soulevés dans les recommandations que le comité a formulées lors de son examen antérieur du cas.
- 544. Au sujet de l’adoption du Code du travail, le gouvernement affirme à nouveau que les partenaires sociaux ont été pleinement consultés à toutes les étapes du processus. Il précise que les travaux, qui ont duré près de dix ans, ont débuté fin 1996 pour se terminer en janvier 2006 avec la promulgation de la loi portant Code du travail par le Président de la République. Le gouvernement indique que des consultations ont eu lieu avec les partenaires sociaux durant les travaux préparatoires à la rédaction du code, entre 1996 et 1997, puis en septembre 1999 lorsque la première version «Etat» a été soumise aux partenaires sociaux. A cet égard, une nouvelle version proposée par l’Association des employeurs a été reçue par le gouvernement en janvier 2000. Dans une deuxième étape définie par le gouvernement, une commission ad hoc de relecture a été mise en place en novembre 2001 pour préparer une version du code qui tiendrait compte des observations des partenaires sociaux. Ces derniers ont été réunis entre février et mars 2002 pour discuter de la version préparée par la commission ad hoc. Mais, si des commentaires ont bien été reçus de l’Association des employeurs, les centrales syndicales (UDT et UGTD) n’ont pas fourni leurs commentaires au motif qu’elles ne disposaient pas des compétences techniques nécessaires pour l’exercice. En mai 2002, le ministère a proposé l’assistance de maître Mohamed Ali Foulie aux centrales syndicales. Cependant, selon le gouvernement, ce dernier s’est retiré faute d’avoir obtenu une pleine coopération des centrales syndicales. Après une relance du gouvernement auprès des centrales syndicales en juillet 2002, des commentaires sur le code ont été reçus de la part de l’Organisation arabe du travail (OAT) pour le compte de l’UGTD. Enfin, le BIT a fourni des commentaires sur le code en novembre 2002 suite à une requête des centrales syndicales. Le gouvernement déclare que tous ces éléments sont de nature à démontrer son attachement au principe de la négociation collective qu’il a pleinement mis en œuvre dans le cadre du processus d’adoption du Code du travail.
- 545. S’agissant de la teneur du Code du travail qui, selon les organisations plaignantes, limiterait le droit d’association des travailleurs et ne permettrait pas la négociation collective en droit comme en pratique, le gouvernement déclare qu’un des grands principes contenus dans la nouvelle loi est que l’Etat ne doit pas tout faire et doit laisser le champ libre à la négociation entre les parties. C’est dans ce sens que le code reconnaît le droit d’association et l’importance de la négociation collective dans ses articles 212, 214, 216, 258 et 259 que le gouvernement reprend en détail.
- 546. Enfin, en ce qui concerne la réintégration des travailleurs licenciés en 1995, le gouvernement déclare que cette question n’a plus lieu d’être posée car les travailleurs concernés soit ont été réintégrés, soit ont refusé de l’être, soit ne vivent plus sur le territoire national. A l’appui de sa déclaration, le gouvernement donne l’exemple de M. Aden Mohamed Abdou et de M. Kamil Diraneh Hared qui ont tous deux refusé les offres qui leur avaient été faites. Concernant M. Hassan Cher Hared, le gouvernement affirme qu’il a été réintégré dès août 2005.
D. Conclusions du comité
D. Conclusions du comité- 547. Le comité prend note des nouvelles allégations présentées par l’Union djiboutienne du travail (UDT). Il rappelle que la présente plainte a trait: 1) au refus du gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour réintégrer, en 1995, des syndicalistes licenciés à la suite d’une grève de protestation contre les conséquences d’un programme d’ajustement structurel lancé par le FMI, et ce malgré un engagement en ce sens du gouvernement, en 2002; 2) au harcèlement répété de syndicalistes, aux arrestations et licenciements de dirigeants syndicaux et à la passivité de l’appareil judiciaire devant les plaintes des syndicalistes; 3) à l’adoption d’un nouveau Code du travail menant à la disparition d’un syndicalisme libre et indépendant; 4) au refoulement d’une mission internationale de solidarité syndicale, malgré les assurances formelles données par le ministre de l’Intérieur qu’il laisserait entrer librement la mission à Djibouti; et à l’arrestation et l’interrogatoire subséquents du seul membre de la mission autorisé à pénétrer dans le pays – un fonctionnaire du BIT.
- Eléments de faits
- 548. S’agissant des allégations relatives au refus de réintégrer les travailleurs licenciés suite à une grève, le comité avait noté que, selon les termes de l’accord conclu le 8 juillet 2002 entre la Direction du travail et des relations avec les partenaires sociaux et les dirigeants syndicalistes licenciés, le gouvernement s’était engagé à réintégrer les syndicalistes licenciés. Tout en demandant au gouvernement de s’assurer que tous les travailleurs souhaitant leur réintégration puissent l’obtenir, sans perte de salaire ni de bénéfices, et que ceux qui ne souhaitaient pas une réintégration puissent recevoir une compensation adéquate, le comité avait alors prié le gouvernement de lui fournir un complément d’information sur la situation de sept d’entre eux, à savoir: Abdoulfatah Hassan Ibrahim; Hachim Adawe Ladieh; Houssein Dirieh Gouled; Moussa Wais Ibrahim; Abdillahi Aden Ali; Habib Ahmed Doualeh et Bouha Daoud Ahmed. A cet égard, tout en prenant note des informations fournies par le gouvernement sur la situation d’Aden Mohamed Abdou et de Kamil Diraneh Hared qui auraient refusé les offres de réintégrations qui leur avaient été faites, le comité regrette de constater que le gouvernement ne fournit aucune réponse et le prie instamment de le faire.
- 549. S’agissant des points qu’il abordait à l’alinéa b) de ses recommandations, le comité note avec regret que le gouvernement n’a pas répondu aux allégations de harcèlement et de licenciements abusifs dont sont victimes les dirigeants syndicaux. Le comité demande instamment au gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur les allégations de harcèlement et de licenciements de dirigeants syndicaux ainsi que sur les pressions dont serait victime leur entourage et, si elles s’avèrent fondées, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin à ces actes de discrimination et de harcèlement, et de sanctionner les personnes responsables.
- 550. En ce qui concerne les allégations de l’UDT sur la situation de M. Hassan Cher Hared, le comité est préoccupé par les informations sur la mesure de licenciement intervenue en septembre 2006 alors que ce dernier participait à une formation syndicale à l’étranger, au Centre international de formation de l’OIT, à Turin. Le comité note que, selon l’UDT, la demande de congé faite par M. Hassan Cher Hared pour participer à la formation syndicale avait pourtant été acceptée. En notant l’information du gouvernement selon lequel ce dernier avait été réintégré dès août 2005, le comité regrette de constater que le gouvernement ne répond pas aux allégations sur la mesure de licenciement qui le touche de nouveau depuis septembre 2006. Déplorant ce nouveau licenciement de M. Hassan Cher Hared, et ce pendant son absence du pays, le comité demande instamment au gouvernement de rapidement diligenter une enquête sur son dernier licenciement et, s’il est avéré qu’il a été victime de licenciement en raison de ses activités syndicales, de procéder à la réintégration de M. Hassan Cher Hared avec le paiement de tout arriéré de salaire et de le tenir informé sur cette affaire.
- 551. Le comité note avec un profond regret que le gouvernement n’a pas répondu à l’alinéa d) de ses recommandations concernant l’ingérence du gouvernement dans les grèves et les élections syndicales, les arrestations et la détention de membres et dirigeants syndicaux, ainsi que le refoulement d’une mission de solidarité syndicale internationale, et l’arrestation et l’interrogatoire subséquents du seul membre de la mission autorisé à pénétrer dans le pays – un fonctionnaire du BIT. Le comité exhorte le gouvernement à fournir ses observations dans les meilleurs délais afin de pouvoir examiner ce cas en pleine connaissance de cause.
- Points de droit
- 552. Concernant l’adoption en janvier 2006 du nouveau Code du travail qui est présenté par les organisations plaignantes comme «antisocial», contraire aux conventions internationales et à la Constitution nationale, le comité a reçu copie du texte. Le comité prend note des allégations de l’UDT sur les articles 41, 42, 43, 214 et 215 du code. Il a aussi noté les observations du gouvernement.
- 553. S’agissant des articles 41 et 42 du Code du travail relatifs aux cas de suspension du contrat de travail, le comité note que l’article 41 prévoit que le contrat de travail est suspendu pendant la période de l’exercice par le travailleur d’un mandat régulier, politique ou syndical incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle rémunérée, pendant la durée du mandat (paragr. 8). L’article 42 dispose en outre que cette période de suspension du contrat de travail n’est pas considérée comme temps de service pour la détermination de l’ancienneté du travailleur dans l’entreprise. A cet égard, le comité considère que l’exercice d’une fonction syndicale n’est pas incompatible avec une vie professionnelle et qu’en conséquence tout travailleur exerçant un mandat syndical devrait pouvoir rester dans une relation d’emploi. Le comité rappelle que le paragraphe 10 (1), de la recommandation (no 143) concernant la protection des représentants des travailleurs, 1971, prévoit que, dans l’entreprise, ceux-ci devraient bénéficier, sans perte de salaire ni de prestations et avantages sociaux, du temps libre nécessaire pour pouvoir remplir leurs fonctions de représentant. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1110.]
- 554. Le comité considère que les articles 41 et 42 du Code du travail, en prévoyant une suspension quasi automatique du contrat de travail dès lors qu’un travailleur exerce un mandat syndical, sont de nature à porter préjudice aux droits de tout travailleur de former une organisation de son choix ou de s’y affilier, ou d’exercer une fonction syndicale. Le comité considère qu’il serait plus approprié de laisser la question de la continuité des fonctions du dirigeant syndical travailleur au sein de l’entreprise pendant l’exercice d’un mandat syndical à la négociation entre les parties concernées. Le comité demande donc au gouvernement de modifier le Code du travail en prévoyant que la possibilité de suspendre le contrat de travail lorsque l’exercice du mandat syndical est incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle relève de la négociation entre les parties concernées qui en détermineront les modalités mais, en tout état de cause, cette suspension ne peut être automatique. Le comité invite le gouvernement à le tenir informé de toute mesure prise à cet égard.
- 555. S’agissant de l’article 214 du Code du travail qui prévoit qu’une personne condamnée «par quelque juridiction que ce soit» se voit interdite de toute fonction de direction d’un syndicat, le comité rappelle qu’une loi interdisant d’une manière générale l’accès aux fonctions syndicales pour toute sorte de condamnation est incompatible avec les principes de la liberté syndicale, dès lors que l’activité condamnée ne met pas en cause l’aptitude et l’intégrité nécessaires pour exercer de telles fonctions. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 421.] En l’espèce, le comité considère que l’article 214 du Code du travail, en considérant toute personne condamnée inapte à occuper des fonctions syndicales, est rédigé de manière trop large et permettrait de couvrir des situations dans lesquelles la condamnation n’est pas de nature à rendre inapte à occuper des fonctions syndicales. Le comité prie le gouvernement de procéder à la modification de l’article 214 du Code du travail, en consultation avec les partenaires sociaux de manière à ne retenir comme incompatibles avec l’accès aux fonctions syndicales que des condamnations pour des délits qui par leur nature mettrait en cause l’intégrité de l’intéressé pour l’exercice d’une telle fonction.
- 556. Concernant l’article 215 du Code du travail relatif aux formalités de dépôt et de contrôle de la légalité du syndicat, le comité note tout d’abord que les fondateurs de tout syndicat professionnel doivent déposer les statuts et la liste des personnes chargées de son administration et de sa direction. Dans un délai de trente jours suivant le dépôt, l’ampliation des statuts et la liste des membres chargés de l’administration et de la direction du syndicat sont communiquées par l’inspecteur du travail au ministre chargé du travail et au Procureur de la République. Les documents sont accompagnés d’un rapport d’enquête établi par l’inspecteur du travail sur les circonstances et les conditions de formation du syndicat, la date et le lieu du congrès constitutif ainsi que les origines professionnelles des membres. Ensuite, le ministre chargé du travail dispose d’un délai de quinze jours pour délivrer un récépissé portant reconnaissance légale du syndicat. Par ailleurs, le Procureur de la République dispose d’un délai de trente jours pour vérifier la régularité des statuts et la situation de chacun des membres chargés de l’administration ou de la direction du syndicat et notifier ses conclusions au ministre de l’intérieur, au ministre chargé du travail ainsi qu’aux dirigeants syndicaux intéressés. Enfin, toute modification apportée aux statuts et les changements survenus dans la composition de la direction ou de l’administration du syndicat doivent être portés à la connaissance des mêmes autorités et vérifiés dans les mêmes conditions.
- 557. Le comité rappelle que l’article 2 de la convention no 87 garantit le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations «sans autorisation préalable» des autorités publiques. Une législation nationale qui prévoit le dépôt des statuts des organisations est compatible avec cette disposition s’il s’agit d’une simple formalité ayant pour but d’assurer leur publicité. Néanmoins, des problèmes de compatibilité avec la convention no 87 peuvent se poser lorsque la procédure d’enregistrement est longue ou compliquée, ou lorsque l’application des règles d’enregistrement est détournée de son objectif et que les autorités administratives compétentes en matière d’enregistrement font un usage excessif de leur marge d’appréciation, des textes peu précis favorisant de telles interprétations. En l’espèce, il ressort des dispositions de l’article 215 du Code du travail, qui subordonne la décision du ministre chargé du travail non seulement au dépôt des documents adéquats par les fondateurs du syndicat, mais aussi à un rapport d’enquête circonstancié de l’inspecteur du travail, que l’administration se verrait attribuée un pouvoir plus ou moins discrétionnaire pour décider si une organisation réunit ou non les conditions voulues pour se faire enregistrer. La situation ainsi créée serait analogue à celle dans laquelle une autorisation préalable est nécessaire. Cette situation est de nature à entraver gravement la création d’organisations et peut revenir dans la pratique à nier le droit des travailleurs et des employeurs de constituer des organisations sans autorisation préalable, en violation de l’article 2 de la convention no 87. En conséquence, le comité prie le gouvernement de procéder, en consultation avec les partenaires sociaux, à la modification de l’article 215 du Code du travail de manière à garantir le droit de constituer des organisations de travailleurs et d’employeurs sans autorisation préalable, à supprimer les dispositions qui attribuent de facto un pouvoir discrétionnaire à l’administration et à prévoir une procédure de simple formalité.
- 558. Le comité souhaite rappeler qu’il devrait exister un droit de recours auprès des tribunaux contre toute décision administrative en matière d’enregistrement d’une organisation syndicale. Il prie le gouvernement de préciser les recours prévus en cas de refus du ministre chargé du travail de délivrer le récépissé ou en cas de demande de dissolution du Procureur de la République prévus à l’article 215 du Code du travail. Si un tel recours n’est pas prévu dans la réglementation nationale, le comité invite le gouvernement à en prévoir un.
- Assistance technique du BIT
- 559. Le comité a pris note des discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la 96e session de la Conférence internationale du Travail concernant l’application par Djibouti de la convention no 87. Le comité note que le gouvernement a accepté une mission de contacts directs afin de clarifier la situation sur toutes les questions soulevées. [Voir CIT 96e session, 2007, Compte rendu provisoire no 22, deuxième partie, p. 31.] A cet égard, le comité espère que toutes les questions soulevées dans le présent cas pourront également être abordées à l’occasion de cette mission de contacts directs compte tenu des informations contradictoires contenues dans les communications des organisations plaignantes et du gouvernement. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant la conduite d’une mission de contacts directs sur place et les mesures prises à sa suite pour donner effet aux recommandations.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 560. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) En ce qui concerne l’allégation du refus de réintégrer les travailleurs licenciés, à la suite d’une grève, le comité demande au gouvernement de le tenir informé de la situation des syndicalistes devant être réintégrés aux termes de l’accord du 8 juillet 2002, à savoir: Abdoulfatah Hassan Ibrahim; Hachim Adawe Ladieh; Houssein Dirieh Gouled; Moussa Wais Ibrahim; Abdillahi Aden Ali; Habib Ahmed Doualeh et Bouha Daoud Ahmed. Le comité demande au gouvernement de s’assurer que tous les travailleurs souhaitant leur réintégration puissent l’obtenir, sans perte de salaire ni de bénéfices, et que ceux qui ne souhaitaient pas une réintégration puissent recevoir une compensation adéquate.
- b) Concernant les allégations de harcèlement et licenciements abusifs envers les dirigeants syndicaux, le comité demande au gouvernement de diligenter rapidement une enquête indépendante sur ces allégations ainsi que sur les pressions dont serait victime leur entourage et, dans le cas où elles s’avèrent fondées, de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour mettre fin à ces actes de discrimination et de harcèlement, et de punir les personnes responsables. Compte tenu des allégations concernant le licenciement de M. Hassan Cher Hared intervenu en septembre 2006, le comité considère qu’il s’agit d’un cas sérieux et demande instamment au gouvernement de rapidement diligenter une enquête sur son dernier licenciement et, s’il est avéré qu’il a été victime de licenciement en raison de ses activités syndicales, de procéder à la réintégration de M. Hassan Cher Hared avec le paiement de tout arriéré de salaire et de le tenir informé sur cette affaire.
- c) Concernant l’ingérence du gouvernement dans les grèves et les élections syndicales, les arrestations et la détention de membres et dirigeants syndicaux, ainsi que le refoulement d’une mission de solidarité syndicale internationale, et l’arrestation et l’interrogatoire subséquents du seul membre de la mission autorisé à pénétrer dans le pays – un fonctionnaire du BIT –, le comité exhorte le gouvernement à répondre rapidement aux graves allégations formulées par la CISL.
- d) Concernant l’allégation de l’adoption d’un nouveau Code du travail «antisocial», contraire aux conventions internationales et à la Constitution nationale, le comité demande au gouvernement de modifier les articles 41, 42, 214 et 215 du Code du travail et de le tenir informé de toute mesure engagée dans ce sens.
- e) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout fait nouveau concernant la conduite d’une mission de contacts directs sur place et les mesures prises à sa suite pour donner effet aux recommandations.