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- 396. La présente plainte figure dans une communication du 9 février 2006 présentée par l’Association syndicale des travailleurs et agents publics de la santé (ASDESALUD). Le Syndicat des agents publics de l’Hôpital universitaire del Valle «Evaristo García» ESE (SINSPUBLIC HUV) et la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) ont présenté de nouvelles allégations dans des communications des 3 et 4 avril 2006, respectivement. La CUT et l’ASDESALUD ont adressé un complément d’information dans des communications des 27 avril et 5 mai, respectivement. Enfin, l’ASDESALUD a adressé des informations additionnelles dans une communication du 17 juillet 2006.
- 397. Le gouvernement a adressé ses observations dans une communication du 27 juin 2006.
- 398. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des plaignants
A. Allégations des plaignants- 399. Dans ses communications des 9 février, 5 mai et 17 juillet 2006, l’ASDESALUD indique qu’en vertu du décret no 1750 de 2003 l’Institut de la sécurité sociale (ISS) a été scindé en sept entreprises sociales de l’Etat, parmi lesquelles l’entreprise Rafael Uribe et Uribe. Cette scission implique que les travailleurs de l’institut, qui avaient la qualité de travailleurs officiels, sont devenus employés publics. Ils ne bénéficient donc plus du droit de négociation collective et ne sont plus couverts par la convention collective qui avait été conclue.
- 400. L’ASDESALUD a été fondée le 3 juillet 2003 pour faire face aux effets préjudiciables de la nouvelle situation, et est affiliée à l’Union nationale des travailleurs de l’Etat et des services publics (UNTE) et à la Confédération générale des travailleurs (CGT).
- 401. Etant donné la situation arbitraire qui découle du décret no 1750 de 2003 et qui fait que des travailleurs ont cessé d’être couverts par la convention collective en vigueur, ce décret a fait l’objet d’un recours en inconstitutionnalité. Dans sa décision C-314 de 2004, la Cour constitutionnelle a jugé licite la possibilité de modifier sur le plan juridique la relation de travail des travailleurs de l’Institut de la sécurité sociale (ISS) en passant d’une entreprise sectorielle et commerciale de l’Etat à une entreprise sociale de l’Etat, c’est-à-dire en les faisant passer du statut de travailleurs officiels à celui d’employés publics. Toutefois, la cour a signalé par ailleurs que la convention collective du travail a force de loi pour les parties et que, en ce qui concerne les travailleurs qu’elle couvre, la convention est une source de droits acquis, au moins pendant la période où elle restera en vigueur. Par conséquent, la convention collective doit continuer de s’appliquer aux employés publics des entreprises sociales de l’Etat qu’elle couvrait lorsqu’ils étaient occupés dans l’ISS, au moins tant que la convention collective restera en vigueur.
- 402. L’organisation plaignante affirme que, malgré cela, les entreprises sociales de l’Etat refusent d’appliquer la convention collective au motif que, lorsque la convention collective a été conclue, elles n’existaient pas encore – elles ont été créées en vertu du décret no 1750 de 2003 – et que, par conséquent, elles n’étaient ni ne sont parties à la convention collective.
- 403. Par ailleurs, l’organisation plaignante ajoute que, en vertu du décret no 2813 de 2000, l’article 13 de la loi no 584 de 2000, qui porte sur les congés syndicaux des représentants des fonctionnaires, a été réglementé. Il établit le droit des représentants d’obtenir les congés syndicaux payés nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions. En dépit de cette disposition, le représentant juridique de l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe a émis la circulaire no 0005 de 2005 sur les congés syndicaux, qui les limite à 20 heures par mois et qui, de plus, entrave l’obtention de ces congés en établissant une procédure compliquée. L’ASDESALUD souligne que la limitation des congés syndicaux à 20 heures par mois ne lui permet pas de réaliser ses buts (réunions de comités directeurs aux niveaux national et des sections, participation à des congrès, couverture des différents sièges et entreprises du secteur de la santé), en particulier si l’on tient compte du fait qu’elle est un syndicat sectoriel de portée nationale. L’organisation ajoute que, au motif qu’elles ont utilisé les congés syndicaux, Mmes María Nubia Henao Castrillón, Luz Elena Tejada Holguín et Olga Araque Jaramillo font l’objet de procédures disciplinaires.
- 404. Dans ses communications des 4 et 27 avril 2006, la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) affirme que le gouvernement a refusé de négocier collectivement (alors que la Colombie a ratifié en 2000 les conventions nos 151 et 154) en ce qui concerne la loi no 909 du 23 septembre 2004 – en vertu de laquelle ont été émises des normes qui régissent l’emploi public et la carrière administrative – et ses décrets réglementaires (no 3232 du 5 octobre 2004, décrets nos 760, 765, 770, 775, 780 et 785 du 17 mars 2005) qui disposent que plus de 120 000 travailleurs de l’Etat qui occupaient leurs postes de travail à titre provisoire devront passer des concours ouverts pour être confirmés dans leurs fonctions. Selon les plaignants, les nouvelles dispositions exigent de passer ces concours qui portent non seulement sur les postes vacants, mais aussi sur les postes occupés par les personnes qui, alors qu’elles satisfaisaient aux exigences requises à ce moment-là pour obtenir leurs postes, n’ont pas été inscrites dans la carrière administrative en raison d’une omission de l’administration publique.
- 405. La CUT indique que le gouvernement a seulement permis que les organisations syndicales soumettent leurs vues, mais qu’il n’y a pas eu de négociation collective effective avec ces organisations concernant la nouvelle législation à adopter. La CUT ajoute que le nouveau système affectera indubitablement les organisations syndicales puisque les milliers de travailleurs touchés par la nouvelle législation sont affiliés à ces organisations.
- 406. Dans sa communication du 3 avril 2006, le Syndicat des agents publics de l’Hôpital universitaire del Valle «Evaristo García» ESE (SINSPUBLIC HUV) ajoute que, en ce qui le concerne, la législation susmentionnée a été adoptée en violation de la convention collective que l’organisation avait conclue avec l’administration publique en 2003. L’article 24 de cette convention dispose que, «conformément à la loi, l’Hôpital universitaire del Valle ‘Evaristo García’ continuera de respecter la modalité de la relation de travail à durée indéterminée de tous les employés publics qui, au moment de la conclusion de la convention collective, sont en possession du certificat réglementaire de leur nomination, et du certificat de leur prise de fonctions».
- B. Réponse du gouvernement
- 407. Dans sa communication du 27 juin 2006, le gouvernement indique que la scission de l’Institut de la sécurité sociale (ISS) est légale puisque la Cour constitutionnelle, dans ses décisions C-314 et C-349 de 2004, a jugé constitutionnel le décret no 1750 de 2003.
- 408. En ce qui concerne la convention collective, le gouvernement indique que celle-ci a été conclue le 31 octobre 2001 par l’ISS et le SINTRASEGURIDAD SOCIAL. Par conséquent, les entreprises sociales de l’Etat, qui ont été créées en vertu du décret no 1750 du 26 juin 2003, n’étaient ni ne sont parties à la convention puisque, lorsque celle-ci a été conclue (le 31 octobre 2001), elles n’avaient pas encore d’existence juridique. C’est la loi qui détermine la portée de l’application de la convention collective et, dans le cas présent, l’ISS a souscrit à la convention sans qu’il ne soit fait mention de la possibilité d’appliquer ladite convention à d’autres entreprises, dans ce cas aux entreprises sociales de l’Etat. Par conséquent, aucune disposition juridique n’oblige à appliquer une convention collective, ni en dehors de l’entreprise qui l’a conclue, ni aux travailleurs ou employeurs d’une autre entreprise.
- 409. Le gouvernement ajoute que l’article 3 de la convention collective dispose ce qui suit: «Sont couverts par la convention collective les travailleurs officiels qui font partie du personnel de l’Institut de la sécurité sociale, conformément aux dispositions juridiques en vigueur, ainsi que les personnes qui, en vertu de modifications ultérieures de ces dispositions, entreront dans cette catégorie, et qui sont affiliés au SINTRASEGURIDAD SOCIAL. Sont aussi couverts les travailleurs officiels qui font partie du personnel de l’ISS qui sont affiliés aux syndicats suivants: Sintraiss, Asmedas, Andec, Anec, Asteco, Asocolquifar, Acodin, Asincoltras, Asbas, Asdoas et Aciteq...» Le gouvernement souligne que le champ d’application de la convention collective est clairement défini puisqu’il indique catégoriquement que la convention s’applique aux travailleurs officiels qui font partie du personnel de l’ISS.
- 410. Le décret no 1750 de 2003 portant scission de l’ISS et création des sept entreprises sociales de l’Etat dispose dans son article 16 ce qui suit: «A toutes fins juridiques, les agents des entreprises sociales de l’Etat créées en vertu du présent décret sont des employés publics…» L’article 18 du même décret définit le régime des salaires et des prestations comme suit: «Le régime des salaires et des prestations des employés publics des entreprises sociales de l’Etat créées en vertu du présent décret est celui des employés publics du secteur exécutif à l’échelle nationale.» Il est donc clair que le décret qui a scindé l’ISS comporte une modification de la nature juridique du lien qui unissait l’ISS à ses agents, lesquels, en devenant des membres des effectifs des entreprises sociales de l’Etat, sont devenus, d’une façon générale, en vertu de la loi, des employés publics et ne sont plus des travailleurs officiels. La modification du lien juridique qui existait entre ces personnes et l’Etat est devenue légalement effective le 26 juin 2003. Ainsi, les dispositions générales relatives aux employés publics s’appliquent aux personnes qui ont cessé d’être des travailleurs officiels pour devenir des employés publics.
- 411. Dans sa décision C-314 de 2004, la Cour constitutionnelle, déclarant que le décret no 1750 de 2003 était conforme à la Constitution, indique ce qui suit:
- On sait que les employés publics sont liés à l’administration par une relation juridique et réglementaire et que les travailleurs officiels le sont par des contrats de travail régis par des normes spécifiques. La conséquence de cette différence est que, dans la législation actuelle, les travailleurs officiels sont autorisés à négocier des conventions collectives du travail visant à améliorer les conditions minima prévues par la loi, alors que les employés publics n’ont pas ce droit. Toutefois, ces derniers sont autorisés à former des syndicats. Par conséquent, les agents publics en fonction dans les entreprises sociales de l’Etat qui ont rejoint la catégorie des employés publics n’appartiennent plus à celle des travailleurs officiels, et ont perdu le droit de présenter des cahiers de revendications et de négocier des conventions collectives du travail. Le fait de relever d’un régime du travail déterminé, qu’il s’agisse de celui des travailleurs officiels ou de celui des employés publics, ne constitue pas un droit acquis. La faculté de présenter des conventions collectives ne découle que du type de régime de travail. La cour estime qu’il est juste de considérer que, dans ce cas, ce qui est accessoire dépend du principal. Etant donné que le droit d’être employé public ou travailleur officiel n’existe pas, le droit de présenter des conventions collectives si le régime du travail a été modifié n’existe pas non plus. La situation absurde à laquelle conduirait une conclusion contraire impliquerait de reconnaître que certaines catégories d’employés publics, qui étaient autrefois des travailleurs officiels, ont le droit de présenter des conventions collectives du travail, contrairement à ceux qui n’ont jamais été travailleurs officiels, ce qui entraînerait la création d’une troisième catégorie d’agents publics, catégorie qui n’est pas prévue dans la loi et qui résulterait du passage d’un régime de travail à un autre. Ceci compromettrait le droit à l’égalité des employés publics qui n’ont jamais été des travailleurs officiels et qui n’auraient pas le droit d’améliorer au moyen de la négociation collective les conditions de travail liées à leurs fonctions. Il apparaît donc clairement à la cour que les employés publics qui font partie depuis le 26 juin 2003 du personnel des entreprises sociales de l’Etat n’ont pas le droit de négocier collectivement, pas plus qu’ils ne peuvent aspirer à bénéficier de conventions collectives, étant donné que la loi limite cette situation aux travailleurs officiels.
- 412. Le gouvernement ajoute que, dans sa décision C-314, la Cour constitutionnelle indique ce qui suit: «La cour estime que cette harmonisation est possible puisque la faculté des autorités de fixer unilatéralement les conditions de travail et les émoluments des employés publics n’exclut en aucune façon la possibilité de recourir à des procédures de consultation sur ce sujet entre les autorités et les travailleurs, ni celle de rechercher – en cas de différend – dans la mesure du possible des solutions concertées, comme l’établit l’article 55 de la présente décision. Ainsi, rien dans la charte ne s’oppose à ce que les employés publics soumettent des revendications aux autorités au sujet de leurs conditions d’emploi, et en débattent avec elles afin de parvenir à un accord, ce qui implique qu’il n’y a pas lieu de considérer que le droit de négociation collective est annulé. Toutefois, à la différence du cas des travailleurs officiels, qui jouissent pleinement du droit de négociation, la recherche de solutions concertées et négociées ne peut compromettre la faculté que la charte donne aux autorités de fixer unilatéralement les conditions d’emploi. Par conséquent, la création de mécanismes permettant aux employés publics, ou à leurs représentants, de participer à la détermination de leurs conditions d’emploi est possible, étant entendu qu’en dernier ressort la décision finale appartiendra aux autorités désignées dans la Constitution: le Congrès et le Président à l’échelle nationale; les assemblées, les conseils, les gouverneurs et les maires dans les différentes entités territoriales, qui agissent à cet effet de façon autonome. Il est également légitime de mettre en place des instances
- – avec cette même restriction – pour parvenir à une solution négociée et concertée entre les parties en cas de différend entre les employés publics et les autorités. Néanmoins, les précisions précédentes n’impliquent aucunement que la cour doit assortir de conditions la portée des articles 7 et 8 de la convention en ce qui concerne les employés publics, étant donné que ces normes autorisent à prendre en compte les spécificités des diverses situations à l’échelle nationale. Ainsi, l’article 7 ne consacre pas le plein droit de négociation collective pour l’ensemble des agents publics mais établit que les Etats doivent prendre des «mesures adaptées aux diverses situations à l’échelle nationale» afin de stimuler la négociation entre les autorités publiques et les organisations d’agents publics, ce qui est compatible avec la charte. De plus, cette disposition prévoit la possibilité d’établir «d’autres méthodes» permettant aux représentants des agents publics de «participer à la détermination de ces conditions», ce qui est compatible avec la possibilité de mener des consultations entre les employés publics et les autorités, et avec la possibilité pour les employés publics de soumettre des revendications aux autorités, sans préjudice des compétences constitutionnelles qu’ont certains organes de fixer unilatéralement le salaire et les conditions de travail de ces employés. De même, l’article 8 reconnaît que les procédures de conciliation qui visent à résoudre les différends doivent être adaptées aux diverses situations à l’échelle nationale. Par conséquent, la cour estime que cette disposition est conforme à la charte car elle prend en compte la faculté qu’ont les autorités, une fois ces initiatives de concertation épuisées, de prendre unilatéralement les mesures juridiques fixant les fonctions et les émoluments des employés publics (…).»
- 413. En ce qui concerne les congés syndicaux, le gouvernement indique que la circulaire no 0005 du 18 mai 2005, émanant de la Gérance générale de l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe, détermine la procédure à suivre pour octroyer les congés syndicaux. Il ne s’agit ni d’un droit automatique ni d’une obligation: pour obtenir ces congés, il faut satisfaire strictement aux conditions que prévoit la loi, la finalité étant de ne pas bouleverser ou affecter la prestation du service public de santé. A ce sujet, le service juridique du ministère de la Protection sociale, dans l’avis no 3821 du 23 mars 2004, a indiqué ce qui suit: «Nous estimons que les membres des comités directeurs des syndicats d’employés publics, ainsi que les membres des sous-comités directeurs, ont le droit, par le biais d’un acte administratif, après une demande de l’organisation syndicale, de bénéficier des congés nécessaires pour exercer leurs activités syndicales, de façon raisonnable et proportionnée à ce que dispose l’honorable Cour constitutionnelle, étant entendu que ces congés ne doivent pas affecter la prestation du service public qu’ils doivent assurer en tant que fonctionnaires publics, et conformément aux dispositions de l’article 2 du décret no 2813 de 2000.» Ce décret établit que les congés syndicaux doivent être réglementés par chaque entité, compte tenu des besoins de l’organisation syndicale qui justifient la demande de congé. De son côté, l’entité intéressée, en octroyant le congé, doit s’assurer que la prestation du service n’en sera pas affectée. Par le biais de la circulaire no 0005, on a cherché à satisfaire aux conditions requises par le décret susmentionné.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 414. Le comité observe que le présent cas porte sur les allégations suivantes: 1) déni du droit de négociation collective aux travailleurs de l’ancien Institut de la sécurité sociale qui, en vertu du décret no 1750 de 2003 a été scindé en sept entreprises sociales de l’Etat, et non-reconnaissance de la convention collective en vigueur dans l’institut; 2) limitation de l’octroi des congés syndicaux à 20 heures par mois par le biais de la circulaire no 0005 de 2005, et ouverture de procédures disciplinaires contre trois dirigeants syndicaux au motif qu’ils avaient utilisé ces congés; 3) selon la CUT, refus du gouvernement de la Colombie de négocier collectivement avec les organisations syndicales en ce qui concerne l’adoption de la loi no 909 du 23 septembre 2004 et ses décrets réglementaires, loi qui régit l’emploi public et la carrière administrative; et 4) violation par la législation susmentionnée de la convention conclue en 2003 entre l’administration publique et le SINSPUBLIC, en ce qui concerne la situation des travailleurs de l’Hôpital universitaire del Valle «Evaristo García».
- 415. Au sujet des allégations présentées par l’Association syndicale des travailleurs et agents publics de la santé (ASDESALUD) qui font état du déni du droit de négociation collective aux employés publics qui travaillent dans l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe, et de la non-application de la convention collective en vigueur, le comité note que, selon les allégations susmentionnées et la réponse du gouvernement, l’ancien Institut de la sécurité sociale a été scindé en sept entreprises sociales de l’Etat en vertu du décret no 1750 de 2003, que cette scission a fait que les travailleurs de l’institut ont cessé d’être des travailleurs officiels, lesquels ont le droit de négocier collectivement, et sont devenus des employés publics, lesquels ne jouissent pas de ce droit, et que la convention collective en vigueur dans l’institut ne s’applique pas aux nouvelles entreprises sociales de l’Etat qui ont succédé à l’institut, au motif qu’elles n’ont pas conclu la convention. Le comité note aussi que l’ASDESALUD a intenté une action en inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle (une copie de la décision de la cour est jointe) pour violation, entre autres, des droits acquis. La cour a estimé que la modification du statut juridique des travailleurs est conforme à la Constitution puisque «c’est le législateur qui est investi par la Constitution de la faculté de fixer le régime applicable aux personnes qui sont en poste dans les entités et les organes de l’Etat» et que «les agents publics, qui sont devenus des employés publics et ne sont plus des travailleurs officiels, ont perdu de ce fait le droit de présenter des cahiers de revendications et de négocier des conventions collectives du travail». Le comité note également que la Cour constitutionnelle a estimé néanmoins que la convention collective qui était en vigueur au moment de la scission de l’Institut de la sécurité sociale avait donné lieu à des droits acquis. Toutefois, malgré la décision de la cour, les entreprises sociales de l’Etat n’appliquent pas la convention au motif qu’elles n’ont pas participé à la négociation de la convention, puisqu’elles n’existaient pas à ce moment-là, et qu’il n’était pas prévu dans la convention collective qu’elle s’appliquerait à d’autres entreprises. A ce sujet, le comité estime qu’une disposition législative qui modifie unilatéralement la teneur d’une convention collective conclue antérieurement, ou qui contraint les parties à la renégocier, est contraire aux principes de la négociation collective ainsi qu’au principe des droits acquis des parties. [Voir 344e rapport, cas no 2434, paragr. 791.]
- 416. En ce qui concerne la reconnaissance du droit de négociation collective des employés publics, le comité rappelle que la Colombie a ratifié les conventions nos 98, 151 et 154 et qu’en conséquence les travailleurs du secteur public et de l’administration publique centrale doivent jouir du droit à la négociation collective. Le comité signale cependant qu’en vertu de la convention no 154 des modalités particulières d’application de ladite convention peuvent être fixées pour ce qui concerne la négociation collective au sein de la fonction publique. En effet, le comité, partageant le point de vue que la commission d’experts exprime dans son étude d’ensemble de 1994, rappelle que, si le principe de l’autonomie des partenaires à la négociation collective reste valable en ce qui concerne les fonctionnaires et les employés publics couverts par la convention no 151, les particularités de la fonction publique décrites ci-dessus appellent une certaine souplesse dans son application, mais que, parallèlement, les autorités devraient privilégier dans toute la mesure possible la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires. En ce sens, le comité estime que, dans le présent cas, comme il l’a fait dans d’autres cas relatifs à la Colombie [voir 337e rapport, cas no 2331, paragr. 594], la restriction imposée aux employés publics en ce qui concerne leurs possibilités de négociation collective n’est pas conforme aux dispositions des conventions mentionnées, étant donné que lesdits employés peuvent seulement présenter des «requêtes respectueuses» qui ne feront l’objet d’aucune négociation, en particulier sur les conditions d’emploi, dont la détermination relève de la compétence exclusive des autorités. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la législation, en concertation avec les organisations syndicales concernées, afin qu’elle soit conforme aux conventions ratifiées par la Colombie, et que les travailleurs concernés jouissent du droit à la négociation collective. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute mesure prise à ce sujet et lui rappelle qu’il peut bénéficier de l’assistance technique du Bureau.
- 417. Au sujet de l’application de la convention collective qui était en vigueur au moment de la scission de l’Institut de la sécurité sociale (ISS), le comité rappelle qu’il est important de respecter les décisions judiciaires et demande au gouvernement de faire le nécessaire pour garantir le respect des droits acquis en vertu de la convention collective de l’ISS pendant la période de son application dans l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe, conformément à la décision de la Cour constitutionnelle.
- 418. En ce qui concerne la limitation de l’octroi des congés syndicaux à 20 heures par mois (circulaire no 0005 de 2005), ce qui selon l’ASDESALUD entrave considérablement la réalisation de ses activités, puisque l’ASDESALUD est un syndicat sectoriel ayant une grande portée, le comité note que, d’après le gouvernement, cette circulaire, qui émane de la Gérance générale de l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe, détermine la procédure à suivre pour octroyer les congés syndicaux, et que l’octroi des congés n’est pas un droit automatique. Pour les obtenir, il faut satisfaire strictement aux conditions que la législation exige pour ne pas nuire à la prestation du service public. Le comité note que, selon le gouvernement, le décret no 2813 établit que les congés syndicaux doivent être réglementés par l’entité intéressée, compte tenu des besoins de l’organisation syndicale qui justifient la demande de congé, et qu’à son tour l’entité qui octroie le congé doit s’assurer que la prestation du service n’en sera pas affectée. Par conséquent, au moyen de la circulaire no 0005, on a cherché à satisfaire aux conditions fixées dans le décret susmentionné.
- 419. A ce sujet, le comité observe que l’ASDESALUD est un syndicat sectoriel qui doit développer de nombreuses activités, et que la limitation des congés syndicaux à 20 heures par mois pourrait entraver l’accomplissement de ses fonctions. Le comité rappelle que, s’il doit être tenu compte des caractéristiques du système de relations professionnelles prévalant dans un pays et si l’octroi de telles facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise, le paragraphe 10 (1) de la recommandation (nº 143) concernant la protection des représentants des travailleurs, 1971, prévoit que, dans l’entreprise, ceux-ci devraient bénéficier, sans perte de salaire ni de prestations et avantages sociaux, du temps libre nécessaire pour pouvoir remplir leurs fonctions de représentants. L’alinéa 2 du paragraphe 10 précise aussi que, si les représentants peuvent être tenus d’obtenir la permission de la direction avant de prendre ce temps libre, cette permission ne devrait pas être refusée de façon déraisonnable. Le comité rappelle également que l’octroi de facilités aux représentants des organisations d’agents publics, donc entre autres l’octroi de temps libre, a pour corollaire la garantie d’un fonctionnement efficace de l’administration ou du service intéressé. Un tel corollaire signifie qu’il peut y avoir un contrôle des demandes de temps libre pour des absences pendant les heures de travail par les autorités administratives compétentes seules responsables du fonctionnement efficace des services. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition (révisée), 2006, paragr. 1110 et 1111.] Le comité indique également au gouvernement que les congés syndicaux, leur durée et leurs conditions font aussi partie des points qui peuvent faire l’objet de négociations entre les parties intéressées. Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement, à la lumière du décret no 2813 selon lequel les congés doivent être réglementés en tenant compte des besoins de l’organisation syndicale, de prendre les mesures nécessaires, après consultation des organisations syndicales intéressées, pour revoir la circulaire no 0005 de 2005 qui limite à 20 heures par mois l’octroi de congés syndicaux, l’objectif de ces mesures étant de parvenir à une solution satisfaisante pour les parties.
- 420. Au sujet des procédures disciplinaires entamées contre Mmes María Nubia Henao Castrillón, Luz Elena Tejada Holguín et Olga Araque Jaramillo, au motif qu’elles ont utilisé les congés syndicaux, le comité observe que le gouvernement n’a pas adressé ses observations à ce sujet. Se référant au paragraphe précédent, il demande au gouvernement de veiller à ce que ces procédures soient laissées sans effet et que les travailleurs soient indemnisés pour les préjudices subis. Il demande également au gouvernement de veiller à ce que les dirigeants syndicaux qui travaillent dans l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe puissent utiliser les congés syndicaux, conformément aux principes énoncés, tenant compte des accords existants et des futurs accords.
- 421. En ce qui concerne les allégations présentées par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT), qui fait état du refus du gouvernement de la Colombie de négocier collectivement avec les organisations syndicales en ce qui concerne l’adoption de la loi no 909 du 23 septembre 2004 et ses décrets réglementaires – loi qui régit l’emploi public et la carrière administrative –, le comité note que, selon l’organisation plaignante, la nouvelle législation aura pour conséquence qu’environ 120 000 travailleurs de l’administration publique devront passer des concours pour être confirmés dans leurs postes de travail; pourtant, lorsqu’ils ont été engagés, ils remplissaient les conditions requises pour leur nomination mais, en raison d’une omission de l’administration publique, ils n’ont pas été inscrits dans la carrière administrative. Le comité note également que, selon la CUT, le gouvernement n’a pas négocié avec les organisations syndicales avant l’adoption de cette législation, mais s’est contenté de les consulter. Le comité note que, d’après l’organisation plaignante, le gouvernement n’est pas disposé à négocier collectivement avec les travailleurs de l’administration publique, ce qui va à l’encontre des conventions nos 98, 151 et 154 que la Colombie a ratifiées.
- 422. A ce sujet, le comité constate avec regret que le gouvernement n’a pas adressé ses observations. Il déplore que le gouvernement n’ait pas recouru à la négociation collective avant la promulgation de la loi no 909 du 23 septembre 2004 et de ses décrets réglementaires, législation qui compromet gravement les conditions d’emploi de milliers de travailleurs. Le comité observe que cela va à l’encontre des engagements que le gouvernement a pris en ratifiant les conventions nos 98, 151 et 154, et il attire son attention sur les principes énoncés dans les paragraphes précédents qui portent sur la négociation collective dans le secteur public. Le comité demande au gouvernement de se conformer à ces conventions et de négocier collectivement avec les organisations syndicales concernées.
- 423. Au sujet des allégations présentées par le Syndicat des agents publics de l’Hôpital universitaire del Valle «Evaristo García» ESE (SINSPUBLIC) selon lesquelles la loi no 909 du 23 septembre 2004 et ses décrets réglementaires vont à l’encontre de la convention collective conclue en 2003 entre l’administration publique et l’organisation syndicale, le comité note que l’article 24 de la convention collective indique ce qui suit: «Conformément à la loi, l’Hôpital universitaire del Valle ‘Evaristo García’ continuera de respecter la modalité de la relation de travail à durée indéterminée de tous les employés publics qui, au moment de la conclusion de la convention collective, sont en possession du certificat réglementaire de leur nomination et du certificat de leur prise de fonctions.» Le comité constate avec regret que le gouvernement n’a pas adressé ses observations à ce sujet et rappelle que les accords doivent être obligatoires pour les parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 939.] Dans ces conditions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la convention collective conclue entre l’administration publique et SINSPUBLIC soit dûment appliquée. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à ce sujet.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 424. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Au sujet des allégations présentées par l’Association syndicale des travailleurs et agents publics de la santé (ASDESALUD), qui fait état du déni du droit de négociation collective aux employés publics qui travaillent dans l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe et de la non-application en vertu du décret no 1750 de 2003 de la convention collective en vigueur, le comité demande au gouvernement:
- i) de prendre les mesures nécessaires, après consultation des organisations syndicales intéressées, pour modifier la législation et la mettre en conformité avec les conventions que la Colombie a ratifiées, afin que les employés publics en question jouissent du droit de négociation collective. Le comité demande aussi au gouvernement de le tenir informé des mesures adoptées à ce sujet et lui rappelle qu’il peut recourir à l’assistance technique du Bureau;
- ii) en ce qui concerne l’application de la convention collective qui était en vigueur au moment de la scission de l’Institut de la sécurité sociale, le comité, rappelant qu’il est important de respecter les décisions judiciaires, demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir le respect des droits acquis en vertu de la convention collective de l’Institut de la sécurité sociale pendant la période de son application dans l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe, conformément à la décision de la Cour constitutionnelle.
- b) Au sujet des allégations de l’ASDESALUD selon lesquelles la limitation de l’octroi de congés syndicaux à 20 heures par mois, par la circulaire no 0005 de 2005, entrave considérablement la réalisation normale des activités de cette organisation, qui est un syndicat sectoriel à grande portée, le comité demande au gouvernement, à la lumière du décret no 2813 en vertu duquel les congés doivent être réglementés en tenant compte des besoins de l’organisation syndicale, de prendre les mesures nécessaires pour revoir la circulaire no 0005 de 2005, après consultation des organisations syndicales concernées, l’objectif de ces mesures étant de parvenir à une solution satisfaisante pour les parties.
- c) Au sujet des procédures disciplinaires entamées contre Mmes María Nubia Henao Castrillón, Luz Elena Tejada Holguín et Olga Araque Jaramillo au motif qu’elles ont utilisé les congés syndicaux, le comité demande au gouvernement de veiller à ce que ces procédures soient laissées sans effet et que les travailleurs soient indemnisés pour les préjudices subis. Il demande également au gouvernement de veiller à ce que les dirigeants syndicaux qui travaillent dans l’entreprise sociale de l’Etat Rafael Uribe et Uribe puissent utiliser les congés syndicaux.
- d) En ce qui concerne les allégations présentées par la Centrale unitaire des travailleurs (CUT) qui font état du refus du gouvernement de la Colombie de négocier collectivement avec les organisations syndicales en ce qui concerne l’adoption de la loi no 909 du 23 septembre 2004 et ses décrets réglementaires – loi qui régit l’emploi public et la carrière administrative –, le comité observe que cela va à l’encontre des engagements que la Colombie a pris en ratifiant les conventions nos 98, 151 et 154, et se réfère aux principes énoncés à l’alinéa a) des présentes recommandations. Le comité demande au gouvernement de se conformer à ces conventions et de négocier collectivement avec les organisations syndicales concernées.
- e) Pour ce qui est des allégations présentées par le Syndicat des agents publics de l’Hôpital universitaire del Valle «Evaristo García» ESE (SINSPUBLIC) selon lesquelles la loi no 909 du 23 septembre 2004 et ses décrets réglementaires vont à l’encontre de la convention collective conclue en 2003 entre l’administration publique et l’organisation syndicale, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la convention collective soit dûment appliquée, et de le tenir informé à ce sujet.