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Informe en el que el Comité pide que se le mantenga informado de la evolución de la situación - Informe núm. 346, Junio 2007

Caso núm. 2488 (Filipinas) - Fecha de presentación de la queja:: 31-MAY-06 - Cerrado

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  1. 1271. La plainte figure dans les communications de la Fédération des travailleurs libres (FFW) – Conseil des Visayas du mois de mai, du 27 juillet, du 7 octobre et du 21 novembre 2006.
  2. 1272. Le gouvernement a répondu dans les communications du 1er septembre, du 6 novembre et du 26 décembre 2006.
  3. 1273. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Allégations de l’organisation plaignante

A. Allégations de l’organisation plaignante
  1. 1274. Dans sa communication de mai 2006, l’organisation plaignante indique que l’Union des employés de l’Université de San Agustin – FFW (USAEU) est l’organisation accréditée en tant que négociateur exclusif regroupant le personnel académique, non académique et le personnel d’entretien de l’Université de San Agustin (l’université) dans la ville de Lloilo aux Philippines. Il s’agit d’un établissement à but non lucratif, chargé d’enseigner aux jeunes du pays les matières scientifiques, tout en leur donnant une éducation catholique.
  2. 1275. L’organisation plaignante allègue que le 2 avril 2003 l’USAEU a présenté à la direction de l’université ses propositions de convention collective du travail relatives aux allocations et indemnités destinées aux travailleurs. L’université a présenté ses contre-propositions à l’USAEU le 10 avril 2003 (voir les documents joints). Le 20 mai 2003, les deux parties – l’université et le syndicat – ont entamé une série de réunions pour trouver un terrain d’entente sur les divergences existant entre les propositions et les contre-propositions. L’université a augmenté les frais de scolarité de 10 pour cent pour l’année scolaire 2003-04. D’après la loi no 6728 de la République des Philippines, au moins 70 pour cent de l’augmentation des frais de scolarité ou des recettes supplémentaires provenant des frais de scolarité devaient être affectés à l’augmentation des salaires ou des autres avantages économiques perçus par les employés de l’université (dans la convention collective existante de l’université, ce taux était de 80 pour cent). Pratiquement toutes les propositions de l’USAEU ont été rejetées par l’université, notamment la proposition visant à appliquer l’augmentation aux avantages sociaux non imposables plutôt qu’à une augmentation des salaires. L’USAEU avait choisi l’augmentation des avantages sociaux non imposables afin que les travailleurs voient leur pouvoir d’achat augmenter. Cette proposition comportait également des avantages pour l’université dans la mesure où elle n’entraînait pas d’augmentation de la part patronale des cotisations sociales des travailleurs. L’université pouvait également placer l’argent des primes et en tirer des intérêts puisque ces dernières n’étaient pas versées mensuellement. Bien que cette proposition soit avantageuse pour les deux parties, la direction l’a rejetée.
  3. 1276. Pire encore, au dire de l’organisation plaignante, l’université avait proposé une augmentation de salaire de 3 000 pesos par mois pour les enseignants titulaires d’une maîtrise, et de 300 pesos seulement pour les professeurs non titulaires d’une maîtrise et pour le reste des employés de l’université. Pratiquement 70 pour cent des enseignants de l’université n’étaient pas titulaires d’une maîtrise, sans compter le personnel non enseignant et le personnel d’entretien. Il existait déjà une différence substantielle entre les salaires mensuels des enseignants titulaires d’une maîtrise et ceux des enseignants qui n’avaient pas ce diplôme. En fait, la convention collective existante prévoyait une augmentation générale des salaires de tous les employés de l’université. Pourtant l’université a adopté une position intransigeante, comme d’habitude. Ses contre-propositions ne favorisaient à l’évidence que les personnes occupant des positions de direction ou de supervision, comme les chefs de service ou les doyens des différentes facultés. Si les propositions de l’université avaient été appliquées, l’écart entre les salaires des chefs de service et des doyens et ceux des simples travailleurs se serait encore creusé, se traduisant au bout du compte par des distorsions de salaires, du ressentiment et un manque de productivité. Les négociations ont abouti à une impasse.
  4. 1277. L’article 263(c) du Code du travail des Philippines prévoit qu’«en cas de blocage des négociations, l’organisation dûment agréée ou accréditée pour mener les négociations peut déposer un préavis de grève ou l’employeur peut déposer un préavis de lock-out au service du travail et de l’emploi au moins 30 jours avant la date prévue». Dans un effort pour trouver une solution amiable, l’USAEU, au lieu de déposer un préavis de grève, a déposé une demande de médiation préventive au bureau régional du Conseil de conciliation et de médiation national (NCMB) de la région des Visayas occidentales. Le NCMB est une agence dépendant du ministère du Travail et de l’Emploi (DOLE) chargée de médiation et de conciliation en cas de conflit entre direction et travailleurs. C’était le directeur régional du NCMB lui-même qui avait dirigé la procédure de médiation, et il n’avait pas ménagé ses efforts pour débloquer la situation. Au cours de cette procédure de conciliation, l’université avait fait appel à un nouveau porte-parole, un juriste venu de Manille. Ce dernier avait immédiatement présenté une nouvelle formule pour le calcul de la part de l’augmentation des frais de scolarité ou des recettes supplémentaires provenant des frais de scolarité qui devait revenir aux employés. Du coup la question de savoir si l’augmentation serait affectée à une augmentation de salaire ou aux primes non imposables avait été laissée de côté. L’USAEU souhaitait maintenir la formule de calcul traditionnellement utilisée par l’université depuis l’adoption de la loi no 6728 de juin 1988. D’après cette formule, la part de l’augmentation des frais de scolarité aux employés aurait été d’environ 12 millions de pesos, alors qu’avec la nouvelle formule du juriste de l’université elle aurait été inférieure à 4 millions de pesos. L’USAEU avait proposé de réduire la part des travailleurs à 10 millions de pesos. Cependant, l’université, adoptant une fois de plus une position intransigeante, avait insisté pour maintenir sa nouvelle formule. (Il convient d’observer que la Cour suprême, dans le cas de l’Institut supérieur Saint-Joseph, G.R. no 155609, qui portait sur la question de la formule à utiliser, avait définitivement tranché en faveur de la formule du syndicat.)
  5. 1278. Devant la position de plus en plus dure adoptée par l’université, l’USAEU avait déposé un préavis de grève devant le NCMB, un délai de réflexion de 30 jours devant être observé, comme l’exigeait la loi. Les efforts de conciliation qui s’étaient poursuivis pendant le délai de réflexion avaient échoué. En conséquence, après avoir respecté toutes les prescriptions légales, l’USAEU a décidé de se mettre en grève le 19 septembre 2003. L’université a pour sa part demandé au ministre du Travail et de l’Emploi de se déclarer compétent pour connaître du conflit. Le 19 septembre 2003, à 7 h 30 du matin, les militants de l’USAEU se sont installés devant les murs de l’université pour faire la grève. Ils ont installé des banderoles, des affiches, des tentes, un système de haut-parleurs et les autres dispositifs nécessaires à la grève. Le président de l’USAEU, Theodore Neil Lasola, est passé à la radio pour annoncer le début de la grève à tous les militants et au public intéressé. Il a ensuite été interviewé sur différentes radios. Il fallait que le président de l’USAEU annonce la grève sur différentes radios parce qu’elle se déroulait sur trois sites différents: le premier à la porte principale de l’université, le deuxième à une porte latérale située dans une rue adjacente longeant l’université, et le dernier à l’annexe du campus universitaire situé à 15 minutes en voiture du campus principal.
  6. 1279. Vers 8 h 45, deux shérifs de Manille flanqués du directeur de l’université se sont présentés à la porte principale pour signifier le décret ministériel attribuant la juridiction au ministre du Travail et de l’Emploi. Il a été déclaré aux shérifs que seul le président de l’USAEU était habilité à recevoir ce décret. Une résolution du bureau du syndicat a été adoptée dans ce sens afin de prémunir les membres contre des instructions non autorisées qui auraient pu mettre en péril le côté pacifique et légal de la grève. Les shérifs, sans faire aucun effort pour localiser le président de l’USAEU ou l’attendre pour lui notifier le décret ministériel, se sont contentés d’en afficher immédiatement une copie sur le mur près de la porte principale de l’université, et sont partis. Entre-temps, après avoir été interviewé sur les différentes radios, le président de l’USAEU s’est rendu à l’annexe du campus pour y contrôler la grève. Vers 11 heures, le président de l’USAEU a également constaté que la grève se déroulait de façon tout à fait pacifique aux alentours de la porte principale de l’université, ainsi qu’à la porte latérale. Il n’a vu alors aucun shérif, et ne les a pas vus non plus lorsqu’il est revenu à la porte principale vers 15 heures. Il s’est de nouveau rendu à la porte principale vers 17 h 25. Cette fois-là, les shérifs l’y attendaient pour lui signifier le décret ministériel.
  7. 1280. De nombreux témoins ont alors pu entendre un homme, qui s’est révélé ensuite être le nouveau conseiller juridique de l’université, le fils du porte-parole de l’université, ordonnant aux shérifs d’inscrire sur leur copie du décret qu’il fallait considérer que ce dernier avait été signifié à 8 h 45 et non pas à 17 h 25. C’était seulement à ce moment-là que les shérifs ont indiqué aux membres du syndicat qu’ils considéraient que le décret avait été signifié depuis 8 h 45. Aucun des membres de l’USAEU ne connaissait le nouveau conseiller juridique de l’université qui venait de Manille. Lorsque le conseiller juridique du syndicat lui a demandé s’il appartenait au NCMB, il a répondu «oui» sans hésiter.
  8. 1281. Dix minutes après avoir reçu le décret ministériel, le président de l’USAEU a annoncé par haut-parleurs que la grève était suspendue et a donné aux membres des instructions sur ce qu’ils devaient faire pour respecter le décret ministériel. Les militants du syndicat se sont alors mis à ranger tout leur attirail et à retirer le système de sonorisation pour les mettre en lieu sûr. Ceux qui avaient des cours dans la soirée sont allés les donner. Dans tous les cas de grève aux Philippines, le ministre du Travail et de l’Emploi accorde toujours un délai de 24 heures aux travailleurs, délai raisonnable pour reprendre le travail. Dans cette affaire, les militants de l’USAEU avaient été en mesure de reprendre le travail le jour où la grève avait démarré. Donc la grève, qui a commencé le 19 septembre 2003, a pris fin le jour même. Le lendemain, un samedi, l’université a publié dans le journal local une déclaration officielle accordant aux travailleurs jusqu’au lundi 22 septembre 2003 pour reprendre le travail, faute de quoi l’université les déclarerait déchus de leur statut d’employés. Cette prescription a été largement respectée, puisque les grévistes ont pu reprendre le travail bien avant le délai imparti par l’université dans la déclaration qui a été publiée.
  9. 1282. Conformément au décret ministériel, l’USAEU et l’université ont présenté au ministre du Travail et de l’Emploi leur position dans des documents, afin que ce dernier puisse rendre sa décision. Cependant, alors que le décret ministériel avait été respecté tout comme la date de reprise du travail fixée par l’université, la direction de l’université s’est acharnée sur les grévistes. Le 24 septembre 2003, l’université a déposé une requête auprès des bureaux régionaux de la Commission nationale chargée des relations au travail de la ville de Lloilo afin que cette dernière déclare illégale la grève du 19 septembre 2003, et déchoie de leur statut d’employés tous les militants et les responsables de l’USAEU grévistes. Cette requête a ensuite été ajoutée sur demande de l’université aux questions sur lesquelles le ministre du Travail et de l’Emploi devait se prononcer. Les poursuites de l’université à l’encontre des grévistes ont semé la terreur parmi les membres du syndicat, qui ont soudain eu peur de participer ouvertement aux activités du syndicat.
  10. 1283. L’organisation plaignante ajoute que le mois suivant, en octobre 2003, quatre professeurs de théologie qui avaient participé à la grève et étaient considérés comme des proches du président du syndicat ont été licenciés sous le prétexte qu’ils n’étaient pas titulaires d’une maîtrise. Il s’agissait de John Mirasol (un responsable du syndicat), Benonie Dela Cruz, Alexander Sardon et Victoria Callanga. Il semble évident que c’est à cause de leurs activités syndicales que ces quatre personnes ont été licenciées. Ces dernières ont déposé un recours auprès de la Commission nationale chargée des relations au travail pour lui demander de déclarer leur licenciement illégal, mais malheureusement dans un jugement favorisant ouvertement la direction de l’université la commission s’est prononcée en faveur de l’université. Deux mois plus tard, en décembre 2003, alors que l’USAEU était censée tenir son assemblée générale (depuis plusieurs années, l’USAEU était autorisée à tenir deux réunions par semestre pendant les jours de classe, conformément à la convention collective existante), l’université n’a pas autorisé le syndicat à tenir ses réunions pendant les jours de classe. En réalité, de nombreux membres ne participaient plus à l’assemblée générale de peur d’être reconnus et de subir des représailles de la direction de l’université.
  11. 1284. Un autre syndicaliste, Melvin Garrido, appartenant au personnel d’entretien et chargé de l’entretien de la pompe à eau de l’université, a été accusé d’avoir volé deux sacs de chlore et a été licencié. M. Garrido a nié avec véhémence cette accusation. Il faisait partie des grévistes. La principale témoin de l’université a déclaré dans sa déposition au cours de l’enquête menée par l’université que le chef du personnel d’entretien lui a demandé de faire cette déclaration sous serment à l’encontre M. Garrido, sans qu’elle se rende compte de sa gravité. Une nouvelle requête a été déposée auprès de la Commission nationale chargée des relations au travail afin qu’elle déclare illégal le licenciement de M. Garrido, et malheureusement cette fois encore la commission s’est prononcée en faveur de l’université.
  12. 1285. L’organisation plaignante déclare que les actes de l’université susmentionnés ainsi que les décisions de la Commission nationale chargée des relations au travail sont clairement des violations de l’article 1 de la convention no 98. Selon elle, même l’habitude du ministre du Travail et de l’Emploi de se déclarer compétent à chaque fois qu’il y a une menace de grève est devenue une entrave à l’exercice des droits constitutionnels fondamentaux des travailleurs d’organiser des actions concertées afin de promouvoir leurs avantages économiques et pour leur protection mutuelle.
  13. 1286. L’organisation plaignante précise que l’article 263(g) du Code du travail des Philippines déclare:
  14. A chaque fois qu’il estime qu’un conflit du travail occasionne ou est susceptible d’occasionner une grève ou un lock-out dans une branche d’activité indispensable à l’intérêt national, le ministre du Travail et de l’Emploi peut se déclarer compétent pour connaître du conflit et rendre les décisions à son égard, ou le soumettre à une procédure d’arbitrage obligatoire. Cette déclaration de compétence ou cette obligation d’arbitrage aura pour effet d’ordonner automatiquement l’arrêt de la grève ou du lock-out annoncés ou imminents, ainsi que précisé dans le décret ministériel attribuant au ministre la compétence ou ordonnant l’arbitrage.
  15. Le décret ministériel a été adopté le 18 septembre 2003, la veille de la grève, même s’il n’a été signifié à l’USAEU que le jour de la grève. La raison pour laquelle le ministre du Travail et de l’Emploi a considéré l’université de la ville de Lloilo comme une branche d’activité indispensable à l’intérêt national dépasse l’entendement des membres de l’USAEU. Il existe dans la ville de Lloilo six universités, sans compter les neuf établissements d’enseignement supérieur privés.
  16. 1287. L’organisation plaignante ajoute qu’en réalité, à chaque fois qu’une grève est imminente, les branches d’activité concernées ont toujours été considérées par le ministère comme indispensables à l’intérêt national. Le ministère du Travail et de l’Emploi prend immédiatement un décret pour s’attribuer la juridiction, avant même le début de la grève. Pour cette raison, même si l’organisation plaignante exprime sa reconnaissance au ministre du Travail et de l’Emploi pour sa décision favorable dans le cas présent, elle estime que cette pratique de s’attribuer la juridiction à chaque fois qu’une grève est imminente est devenue une entrave pour toutes les organisations syndicales. Cette pratique met en effet le syndicat à la merci de l’employeur qui ne négocie pas de bonne foi et qui peut toujours s’en sortir grâce à une simple demande au bureau du ministre du Travail et de l’Emploi pour qu’il se déclare compétent si le syndicat dépose un préavis de grève. Le syndicat se retrouve alors en position défavorable et n’a d’autre choix que de se soumettre au décret ministériel, et de se lancer dans une bataille juridique atrocement longue. A cela s’ajoutent les nombreuses prescriptions légales imposées dans le Code du travail pour qu’une grève soit légale. Pire encore, lorsqu’une grève est déclarée illégale par l’autorité compétente, tous les responsables syndicaux peuvent être déchus de leur statut d’employés par leur employeur (article 264, paragraphe 3, du Code du travail). Le fait que le ministre se déclare compétent avant même qu’une grève ne commence, quelle que soit la branche d’activité, est une violation claire des articles 3 (2) et 8 (2) de la convention no 87.
  17. 1288. L’organisation plaignante poursuit en alléguant que le ministre du Travail et de l’Emploi a rendu sa décision le 6 avril 2004 (décision annexée à la plainte). Une fois encore, le ministre a choisi, sur la base de l’article 263(g) du Code du travail des Philippines, de se prononcer sur ce cas. Sur la question de la légalité de la grève, le ministre a décidé que l’USAEU avait été en mesure de respecter son décret, ainsi que les prescriptions légales obligatoires, et que la grève était donc légale. Sur la question des avantages sociaux, le ministre a déclaré que la formule à utiliser pour le calcul des 70 pour cent du montant des frais de scolarité revenant aux travailleurs (80 pour cent dans le cas de l’université) était celle que l’université utilisait traditionnellement. C’était la position du syndicat. Il faut remarquer que l’augmentation des salaires et autres avantages proviennent de 70 pour cent du montant supplémentaire des droits de scolarité. Voici l’attendu de la décision du ministre relatif à cette question:
  18. Pour cette raison, il est ordonné aux parties de conclure un mémorandum d’accord reprenant les dispositions citées, qui sera annexé à la convention collective en vigueur. La requête demandant que la grève soit déclarée illégale est par conséquent REJETÉE en raison de l’absence de base juridique et factuelle. Il n’y a donc aucune base permettant de déclarer la perte du statut d’employé à l’égard d’aucun membre du syndicat gréviste.
  19. Normalement, le syndicat et la direction doivent procéder à la signature d’une nouvelle convention collective sur la base de la décision du ministre. Cependant, l’université n’a pas mis en œuvre cette décision, alors que l’article 263(i) du Code du travail prévoit que la décision du ministre est définitive et exécutoire. Le ministre ayant rejeté la requête lui demandant de reconsidérer sa décision, l’université a saisi la Cour d’appel de cette décision au motif que le ministre du Travail et de l’Emploi a gravement abusé de son pouvoir de décision.
  20. 1289. Le 15 mars 2005, l’USAEU a reçu une copie de la décision de la Cour d’appel, datée du 4 mars 2005 (cette décision est annexée à la plainte). Sur la question de la légalité de la grève, la Cour d’appel a annulé la décision du ministre et a déclaré la grève illégale. Elle a déclaré que l’USAEU avait défié le décret ministériel en poursuivant la grève jusque dans l’après-midi. Elle a déclaré ensuite que l’USAEU était de mauvaise foi parce que son bureau avait adopté une résolution habilitant uniquement le président du syndicat à recevoir le décret ministériel. Sur la question des avantages sociaux, la Cour d’appel a confirmé la décision du ministre du Travail et de l’Emploi. Le 28 mars 2005, le syndicat a déposé un recours en révision partielle de la décision relative à l’illégalité de la grève (recours annexé à la plainte). De son côté, l’université a également déposé un recours en révision partielle de la question des avantages sociaux (recours annexé à la plainte).
  21. 1290. L’organisation plaignante allègue que l’obsession du président de l’université de détruire définitivement l’USAEU et sa hâte étaient telles que, en violation flagrante des lois existantes, il a licencié tous les responsables du syndicat, avec effet dès réception de la lettre de licenciement, jetant ainsi 15 familles dans un désarroi total et de graves difficultés financières (les lettres de licenciement sont annexées à la plainte). Le président de l’université n’a même pas donné aux responsables syndicaux une journée pour se préparer. Il savait que la décision n’était pas encore définitive ni exécutoire, mais il l’a appliquée. Il avait connaissance du recours en révision partielle déposé dans les délais par le syndicat. Il avait lui-même déposé un recours en révision. Avec une mauvaise foi sans égale, l’université a appliqué une partie de la décision, celle qui déclarait la grève «illégale» en licenciant tous les responsables syndicaux, avec effet dès réception de la lettre de licenciement, mais elle a refusé d’appliquer la partie de la décision de la Cour d’appel relative aux avantages sociaux. L’université a argumenté qu’elle avait déposé un recours en révision, et qu’en cas de refus elle saisirait la Cour suprême. Cependant, le syndicat avait également déposé un recours en révision et prévoyait de saisir la Cour suprême. Il n’y avait donc aucune justification au fait que l’université applique seulement une partie de l’arrêt de la Cour d’appel en licenciant tous les responsables syndicaux, sans mettre en œuvre l’autre partie relative aux avantages sociaux. L’organisation plaignante souligne que la règle 52, section 4, du Règlement des tribunaux des Philippines prévoit que, dans le cas où un recours en révision déposé dans les délais est en attente, la décision ne peut pas être appliquée puisqu’elle n’est pas encore définitive ni exécutoire. Préjuger de la décision éventuelle d’un tribunal est un outrage au tribunal. L’objectif de la direction de l’université était évident: ils voulaient licencier les responsables syndicaux qui étaient une épine dans leur pied et démanteler ainsi le syndicalisme à l’université. Voilà le prix que les responsables syndicaux devaient payer pour connaître et exercer leurs droits, et pour avoir lutté pour défendre les droits de leurs camarades. Il était devenu très dangereux et ingrat d’être un responsable syndical. Pire, les membres du syndicat étaient de plus en plus effrayés.
  22. 1291. L’USAEU a écrit au président de l’université pour lui demander de réexaminer sa décision de licencier prématurément les responsables du syndicat. Dans sa réponse, le président a refusé, disant qu’il ne faisait qu’appliquer la décision de la Cour d’appel, et que cette action serait confirmée par la justice. L’USAEU a été de nouveau contrainte de déposer un préavis de grève pour cause de démantèlement de syndicat. Et, après avoir respecté toutes les prescriptions légales, le syndicat a entamé une grève le 25 avril 2005. Cette fois-ci, le ministère du Travail et de l’Emploi n’a envoyé aucun décret pour se déclarer compétent. Mais peu de membres du syndicat ont participé à la grève. Ils voulaient pour la plupart préserver leur emploi, et ont préféré fermer les yeux sur la punition suprême infligée aux responsables du syndicat qui les avaient défendus. La peur des représailles de la part de la direction a eu raison des membres du syndicat.
  23. 1292. La Cour d’appel a promulgué le 23 août 2005 une décision relative aux recours en révision partielle déposés à la fois par le syndicat et l’université. Sur la question de la grève, celle-ci a de nouveau été jugée illégale par la cour. Sur la question des avantages sociaux, la cour, dans un revirement étrange et au mépris évident de la jurisprudence existante selon laquelle toutes les questions relatives à un conflit du travail sont du ressort du ministre du Travail et de l’Emploi, a décidé de renvoyer l’affaire à un arbitrage volontaire pour décision (décision annexée à la plainte). La décision ne répondait pas à la question très importante du licenciement illégal de tous les responsables du syndicat, alors qu’elle avait été soulevée par l’USAEU qui dans son recours demandait que le président de l’université et l’université soient sanctionnés pour outrage à magistrat (recours annexé à la plainte).
  24. 1293. Les travailleurs ont saisi la Cour suprême d’une demande en réexamen (annexée à la plainte). Après plus de cinq mois de grève sans percevoir leurs salaires, les quelques militants de l’USAEU qui participaient à la grève ont repris le travail sur le conseil de leurs responsables syndicaux licenciés, afin de pouvoir de nouveau toucher leurs salaires. Entre-temps, les responsables syndicaux de l’USAEU qui avaient été licenciés, ainsi qu’un membre, M. Jerome Eslabra, qui avait décidé de ne pas reprendre son travail tant que les responsables syndicaux ne seraient pas réintégrés, ont poursuivi leur grève en attendant la décision de la Cour suprême. Plusieurs des responsables licenciés ont pâti de l’intervention invisible de l’université lorsqu’ils se sont portés candidats à des postes dans d’autres écoles. Leur dossier a d’abord été retenu en raison de leurs bonnes références, puis finalement rejeté pour des raisons inconnues. Ils ont demandé de l’aide aux dirigeants locaux du gouvernement et de l’église. Les dirigeants locaux de la province de Lloilo ont essayé d’intervenir (le gouverneur, le maire et le Conseil provincial de Lloilo, ainsi que l’archevêque de l’archevêché de Jaro). Cependant, les prêtres augustiniens se sont montrés intraitables et n’ont pas voulu réintégrer les responsables syndicaux puisque d’après eux ils avaient reçu de la Cour d’appel la «possibilité» d’«envoyer la lettre de licenciement». Au contraire, les augustiniens ont insulté les responsables syndicaux en les accusant de cupidité et leur ont dit qu’en raison de la grève de 2003 ils «trouveraient les moyens de licencier les responsables syndicaux», en présence du maire de la ville de Lloilo.
  25. 1294. Le 20 avril 2006, le syndicat a reçu copie d’un arrêt datant du 28 mars 2006 semblant venir de la Cour suprême et relatif à la demande en réexamen de l’USAEU (décision annexée à la plainte). La partie de l’arrêt de la Cour suprême disait ceci:
  26. Pour ces motifs, la requête est REFUSÉE. La décision partiellement amendée datée du 23 août 2005 de la Cour d’appel dans l’affaire G.R. SP no 85317 est CONFIRMÉE.
  27. En dehors de la confirmation de la décision de la Cour d’appel, la Cour suprême n’a pas tranché la question cruciale du licenciement illégal de tous les responsables syndicaux. Ces responsables avaient travaillé à l’université pendant 12, 18, 20 ou 25 ans et avaient des états de service excellents et irréprochables. Les responsables syndicaux licenciés ont placé tous leurs espoirs dans la plus haute cour du pays pour obtenir justice de leur long calvaire causé par leur licenciement injuste et illégal. A l’évidence, l’université s’était rendue coupable de licenciement abusif ayant pour conséquence le démantèlement du syndicat lorsqu’elle avait licencié tous les responsables syndicaux alors qu’un recours en révision avait été déposé dans les délais légaux par les deux parties. Cet acte de licenciement prématuré violait la règle relative au jugement définitif (règle 52, section 4, du Règlement des tribunaux des Philippines) et avait effectivement semé la panique parmi les membres du syndicat, et effectivement supprimé les activités syndicales à l’université.
  28. 1295. L’organisation plaignante a considéré qu’il était évident que la véritable intention de l’université, en licenciant les responsables syndicaux, alors que la décision n’était pas encore finale et exécutoire, était d’éradiquer toute résistance possible, en terrorisant par la même occasion ceux qui voulaient que les employés obtiennent une part équitable des frais de scolarité. Aucun des membres restants du syndicat de l’université n’a eu le courage de faire un procès pour demander sa part des frais de scolarité, de peur des représailles de la direction de l’université. Comment la Cour suprême ne s’en est-elle pas rendu compte? Il est évident que l’université avait agi de mauvaise foi et souhaitait supprimer le syndicalisme, et terroriser le personnel syndiqué pour le soumettre à ses quatre volontés. L’organisation plaignante a expliqué qu’après que les travailleurs et leurs familles aient campé plus d’un an devant les murs de l’université, endurant toutes sortes de difficultés, de problèmes financiers et de détresse émotionnelle, l’institution gouvernementale dans laquelle les travailleurs avaient placé leurs espoirs pour obtenir justice les a laissé tomber. Concernant l’arrêt de la Cour suprême relatif à la question des avantages sociaux en particulier, l’organisation plaignante déclare que la cour ne peut pas ignorer qu’elle a déjà tranché la question de la formule correcte à utiliser dans le calcul des recettes supplémentaires provenant des frais de scolarité dans l’affaire de l’Institut supérieur Saint-Joseph. C’est d’autant plus frustrant que, sur la question des avantages sociaux, la Cour suprême a décidé que l’arbitre volontaire décidera de nouveau sur ce qui a déjà fait l’objet d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi et de la Cour suprême elle-même.
  29. 1296. Pour toutes ces raisons, l’organisation plaignante estime que la décision de la Cour d’appel et, au bout du compte, celle de la Cour suprême des Philippines, dans les circonstances qui ont été décrites plus haut, contreviennent clairement aux articles 3 et 8 de la convention no 87 et de l’article 1 de la convention no 98. Les décisions des tribunaux qui ont déclaré que la grève, tout à fait pacifique, de l’USAEU du 13 septembre 2003 était illégale, alors que le syndicat avait respecté les nombreuses prescriptions légales, et le renvoi de la question relative aux avantages sociaux à un arbitrage volontaire alors que cette question avait déjà fait l’objet d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi et de la Cour suprême elle-même, ainsi que l’absence de décision de ces instances à propos de la question cruciale des licenciements abusifs de tous les responsables syndicaux sont des violations flagrantes des conventions nos 87 et 98.
  30. 1297. L’organisation plaignante souligne un certain nombre d’irrégularités dans l’arrêt de la Cour suprême. En particulier, l’affaire a d’abord été attribuée à la troisième chambre de la Cour suprême. Au cours du mois de janvier 2006, le syndicat a reçu copie de la deuxième attribution de l’affaire datée du 12 janvier 2006 adressée cette fois-ci au greffe de la deuxième chambre de la cour. Pour des raisons qui ne sont connues que de la Cour suprême, l’affaire a été transférée de la troisième chambre à la deuxième chambre de la Cour suprême. Le samedi 1er avril, de nombreux membres du syndicat de l’université ont reçu des messages similaires indiquant: «de Atty Padilla – l’arrêt de la Cour suprême est sur Internet. San Ag gagne sur tous les points.» Le lendemain, 2 avril 2006, le journal local Panay News a publié un communiqué de presse de l’Université de San Agustin sur l’arrêt de la Cour suprême. Le jour suivant, le 3 avril 2006, le conseiller juridique a organisé une conférence de presse au sujet de l’arrêt de la Cour suprême sur la base du compte rendu de l’affaire qui était sur le site officiel de la cour. Il a reconnu devant les médias que lui non plus n’avait pas encore reçu sa copie officielle de la Cour suprême. Une fois de plus, les journaux locaux ont publié un article sur cette conférence de presse, et ont consacré une page entière à la déclaration officielle de l’université relative à l’arrêt. L’université a publié sa déclaration officielle relative à l’arrêt avant même que les parties n’aient reçu leur copie officielle de l’arrêt. Le juriste de l’université, tout en reconnaissant qu’il n’avait pas reçu de copie officielle de l’arrêt, en possédait déjà une copie, qu’il prétendait avoir téléchargée sur Internet, et qui a été photocopiée et affichée en évidence à plusieurs endroits de l’université. Les membres du syndicat requérant ont vu des copies de cet arrêt sur les tableaux d’affichage de l’université comportant 21 pages. Le syndicat a été en mesure de télécharger l’arrêt du site officiel de la Cour suprême et d’en imprimer une copie. L’arrêt comportait 13 pages. Le 20 avril 2006, l’USAEU avait reçu l’arrêt (G.R. no 169632) par lettre recommandée qui semblait provenir de la Cour suprême. Il comportait 21 pages, comme celle qui a été photocopiée et affichée par la direction de l’université à différents endroits du campus.
  31. 1298. De plus, l’organisation plaignante allègue que la copie de l’arrêt reçu par l’USAEU qui semblait provenir de la Cour Suprême avait les caractéristiques suivantes:
  32. 1) une petite enveloppe brune collée sur le dessus d’une grande enveloppe brune a été envoyée. Sur le dessus de la petite enveloppe figuraient:
  33. a) l’étiquette de la plénière du tribunal sur le côté supérieur gauche de l’enveloppe. Pourtant, à l’intérieur de l’enveloppe, l’arrêt a été promulgué par la deuxième chambre seulement et signée par les cinq juges de la chambre;
  34. b) le numéro de l’affaire «G.R. no 169632» est écrit à la main; et
  35. c) le destinataire, le président de l’USAEU, et son adresse sont des photocopies d’une écriture manuelle extraites de l’avis de jugement et collées à l’endroit de l’enveloppe où doit figurer le destinataire sauf que le mot écrit à la main «(Reg)» situé après le mot «Pres» est coupé.
  36. L’organisation plaignante se demande pourquoi la Cour suprême a traité le syndicat d’une façon si informelle. Elle souligne également que:
  37. 2) les caractéristiques de l’avis de jugement sont les suivantes:
  38. a) l’avis de jugement a été imprimé sur un papier blanc de luxe. L’avis de jugement comporte un code de couleur selon l’habitude de la cour;
  39. b) l’avis de jugement est une photocopie, et non un original;
  40. c) le titre de l’affaire contient un ajout écrit à la main indiquant: c/«Cour d’appel»;
  41. d) la date de promulgation de la décision est aussi écrite à la main;
  42. e) le président de l’USAEU et son adresse sont écrits à la main à l’extrême gauche comme s’il s’agissait d’un destinataire supplémentaire qui devait recevoir une copie. Il s’agit exactement du même destinataire écrit à la main que sur le dessus de l’enveloppe brune, à part que le mot «(Reg)» écrit à la main se trouve derrière le mot «Pres»;
  43. f) il ne contient pas de copie de l’avis envoyée au défendeur, l’université; et
  44. g) le numéro de l’affaire «G.R. (CA) no 85317» est écrit à la main.
  45. Là encore, l’organisation plaignante s’interroge sur les raisons de ce manque de formalisme et de ces irrégularités dans des actes de la plus haute cour du pays et si c’est là le respect accordé à des citoyens qui ont fait l’objet d’un licenciement illégal et dont les familles ont été gravement touchées.
  46. 1299. L’organisation plaignante ajoute que le 5 mai 2006 l’USAEU a déposé devant la Cour suprême un recours en révision afin que la Cour suprême révoque sa décision du 28 mars 2006 (annexé à la plainte). L’organisation plaignante se déclare très alarmée par ce dernier arrêt, qui remet en question le droit des travailleurs à négocier collectivement, défendre efficacement leurs droits et se protéger mutuellement, ainsi que leur droit de grève en dernier recours. L’organisation plaignante est d’autant plus alarmée des conséquences de cette décision sur les associations de travailleurs de la province de Lloilo. Ce qui est arrivé à leurs camarades travaillant dans l’université religieuse a été observé par diverses associations de travailleurs ainsi que par d’autres entreprises dans toute la province de Lloilo et les provinces voisines. Les autres employeurs ont emboîté le pas à l’université – ils pouvaient tout simplement licencier les travailleurs et gagner à la Cour suprême. Aux Philippines, les arrêts de la Cour suprême sont définitifs et exécutoires et sont intégrés à la législation du pays et ont les mêmes effets que la législation.
  47. 1300. Ainsi, d’après l’organisation plaignante, des travailleurs d’Eon Philippines Industries Corporation ont été licenciés soi-disant au motif que l’entreprise «perdait de l’argent» et avait «trop de main-d’œuvre», sans présenter aucune preuve des pertes de la société (lettre de licenciement annexée à la plainte). Il s’agit d’un nouveau syndicat constitué par la FFW dans les Visayas. Après discussion avec les travailleurs, seuls les signataires d’une plainte contre la direction déposée auprès du ministère du Travail et de l’Emploi ont été licenciés. Sept des travailleurs licenciés étaient des responsables du syndicat. Ils avaient été informés qu’il y aurait une nouvelle série de licenciements. Il s’agit d’un cas évident de licenciement pour activités syndicales. Les raisons évoquées par l’entreprise ont été réfutées par le fait qu’elle continuait d’embaucher du personnel.
  48. 1301. En outre, d’après l’organisation plaignante, dans la ville de Roxas, la capitale de la province voisine de Capiz, une responsable syndicale du Syndicat des employés de l’hôpital Capiz Emmanuel (CEHEU) a été suspendue pour 30 jours avec effet dès réception de la lettre de suspension sur la base de preuves soudaines et falsifiées (lettre de suspension annexée à la plainte). Il était sûr qu’elle serait ensuite licenciée car l’administrateur de l’hôpital avait dit sans ménagement aux responsables syndicaux qu’ils subiraient le même sort que les responsables syndicaux de l’université. Les organisations syndicales de la région ont fait l’objet d’un véritable harcèlement très brutal. Le fait, très critiquable, que l’arrêt de la Cour suprême ait été publié sur le site officiel de la cour, alors même que les parties n’avaient pas encore reçu leurs copies officielles, ainsi que les communiqués de presse de l’université sur l’arrêt visible sur le site, n’a fait qu’empirer les choses. Le malencontreux arrêt de la Cour suprême dans l’affaire de l’USAEU a été reçu comme une douche froide. Avec cet arrêt, les employeurs de la région se sont brutalement lancés dans des actions visant à démanteler les syndicats et ont licencié les employés sans crainte de sanctions.
  49. 1302. Dans sa communication du 27 juillet 2006, l’organisation plaignante allègue qu’une nouvelle fournée de 15 membres du syndicat ont été licenciés par la direction d’Eon Philippines Industries Corporation, en plus des 12 premiers militants et responsables de ce nouveau syndicat qui avaient été licenciés et cités dans la plainte initiale. La responsable syndicale de l’hôpital Capiz Emmanuel de la ville de Roxas, Imelda Juridical, qui a d’abord fait l’objet d’une suspension de deux mois, a maintenant été licenciée. Il était clair qu’il y aurait d’autres licenciements, étant donné que l’administrateur de l’hôpital avait dit sans ménagement aux responsables syndicaux qu’ils subiraient le même sort que les responsables syndicaux de l’USAEU, ainsi que cela a été mentionné dans la plainte initiale.
  50. 1303. L’organisation plaignante (FFW) ajoute que le 5 juin 2006 elle a déposé une «requête en intervention» auprès de la Cour suprême, arguant entre autres choses que la décision représentait un précédent dangereux, étant donné qu’il n’y avait plus aucune distinction entre le respect de la loi ou son mépris dans l’organisation d’une grève, ce qui aurait des conséquences importantes sur tous les syndicats affiliés à la fédération, ainsi que sur toutes les organisations syndicales du pays tout entier. Entre-temps, la Cour suprême a statué sur le «recours en révision» de l’USAEU du 5 mai 2006. Dans son arrêt du 14 juin 2006 (annexé à la plainte) reçu par le syndicat le 24 juillet 2006, la Cour suprême a définitivement rejeté le recours en révision, au motif que les questions posées avaient déjà fait «l’objet d’un examen et d’une décision de la cour» dans son arrêt du 28 mars 2006 (arrêt annexé à la plainte).
  51. 1304. Cette décision a choqué le syndicat dans la mesure où il avait soulevé plusieurs problèmes graves dans son recours en révision (qui comportait 64 pages). Parmi ces problèmes figuraient: des erreurs graves dans l’énoncé des faits de la cour, et la constitutionnalité de son interprétation des dispositions du Code du travail relatives à la «reprise immédiate du travail» comme signifiant «instantanée» ou «automatique» (parce que c’était impossible à respecter); la violation du droit constitutionnel des travailleurs de bénéficier d’«un droit égal pour tous» (dans la mesure où un délai raisonnable leur avait toujours été octroyé dans tous les cas de grève, à l’exception de celle organisée par l’USAEU); le rapport des shérifs n’était pas une déclaration sous serment, contrairement aux «commentaires relatifs au rapport des shérifs» rédigés par l’USAEU qui étaient une déclaration sous serment (il convient de rappeler que la décision des tribunaux, de la Cour d’appel et de la Cour suprême ne repose que sur le rapport des shérifs); que l’USAEU a respecté le décret ministériel, comme le prouve la décision du ministre du Travail et de l’Emploi, qui a signé ce décret; que l’USAEU s’est conformée à toutes les prescriptions légales très strictes requises pour qu’une grève soit déclarée légale; que l’affirmation des shérifs selon laquelle ils avaient utilisé «la procédure habituelle» n’a pas de base juridique; que le président du syndicat a été interviewé sur différentes radios de la ville de Lloilo le matin de la grève, comme en témoignait le rapport des shérifs, et qu’il n’a pas évité de recevoir le décret; la décision erronée que l’impasse des négociations sur la convention collective provenait d’une «interprétation ou de la mise en œuvre de la convention collective» contraire à l’article 263(c) du Code du travail; la décision erronée que le ministre du Travail et de l’Emploi a gravement abusé de son pouvoir de décision lorsqu’il a statué sur le conflit, alors qu’il a simplement respecté les dispositions de l’article 263(g) du Code du travail; et le refus de la cour de statuer sur le licenciement prématuré et illégal de tous les responsables syndicaux alors que les recours en révision ont été déposés dans les délais par les deux parties et n’ont pas fait l’objet d’une décision, ce qui est contraire à la règle 52, section 4, du Règlement des tribunaux philippins et contraire à l’obligation d’un préavis de 30 jours. La cour n’a répondu sur aucune de ces questions dans son arrêt du 28 mars 2006. Ce qui est encore plus important, la cour n’a pas répondu sur la question de l’authenticité de son arrêt, ni sur les irrégularités constatées lors de sa promulgation. Son unique réponse a été que «la cour a déjà statué sur ces questions».
  52. 1305. L’organisation plaignante explique que la justice qu’obtient un simple travailleur de la part de la plus haute instance judiciaire du pays, qui s’est efforcé de respecter les lois en vigueur, est frustrante et dangereuse, et peut accroître le chaos et faire peser des menaces graves sur les relations déjà très instables entre les travailleurs et les employeurs. La décision est clairement en contradiction avec la législation nationale, et la jurisprudence antérieure, et en violation des conventions nos 87 et 98 de l’OIT. D’après les organisations plaignantes, on ne peut s’empêcher de penser que de grosses sommes d’argent et les connaissances bien placées du conseiller juridique de l’université ont influencé la décision. Le syndicat a poursuivi en disant qu’il déposerait devant la Cour suprême un recours en vue d’obtenir une décision en plénière et probablement un deuxième recours en révision. Cependant, ce serait encore la deuxième chambre de la Cour suprême qui déciderait de la recevabilité de la requête.
  53. 1306. Dans sa communication du 7 octobre 2006, l’organisation plaignante (FFW) allègue encore que son intervention auprès de la Cour suprême a été considérée comme «à classer sans suite» par la deuxième chambre de la Cour suprême. Toutes les suppliques ultérieures portaient simplement la mention «classée sans suite». Le seul recours de l’USAEU sur lequel la Cour suprême n’avait pas encore statué était celui qui demandait une décision en plénière. L’organisation plaignante a répété qu’elle était convaincue que la Cour suprême avait commis des erreurs graves lorsqu’elle avait statué sur ce cas, puisqu’elle est parvenue à un jugement qui viole les droits constitutionnels des travailleurs à l’action concertée pacifique et au droit à l’égalité devant la loi et s’écarte des jugements antérieurs de la Cour suprême relatifs au droit de grève. L’organisation plaignante a considéré que cette décision menaçait gravement l’ensemble du mouvement syndical dans le pays, puisqu’il n’y a plus aucune différence entre le respect et le mépris de la loi par les syndicats, et que les employeurs, tout particulièrement dans la région des Visayas, se livraient à une campagne de démantèlement des syndicats. Emboîtant le pas à la direction de l’université qui avait licencié les responsables syndicaux et gagné devant la Cour suprême, Eon Philippines Industries Corporation a impitoyablement licencié en septembre 2006 un troisième groupe de 12 syndicalistes, une fois de plus au motif que l’entreprise perdait de l’argent, alors qu’il y avait de nombreux travailleurs contractuels et temporaires dans cette entreprise. De plus, un autre membre du syndicat a fait l’objet d’une suspension à l’hôpital Capiz Emmanuel.
  54. 1307. Dans une communication du 21 novembre 2006, l’organisation plaignante allègue que, le 13 novembre 2006, le service juridique de l’USAEU a reçu la copie d’un arrêt daté du 4 octobre 2006 de la deuxième chambre de la Cour suprême, déclarant que le recours du syndicat demandant une décision en plénière avait été définitivement rejeté et qu’«aucune autre demande ne serait examinée» par la cour. En outre, les arrêts de la Cour suprême relatifs au dossier de l’USAEU (G.R. no 169632) datés du 14 juin 2006, 10 août 2006 et 4 octobre 2006 n’ont pas été mis sur le site officiel de la Cour suprême. Toutes les décisions et les arrêts jusqu’à la deuxième semaine de novembre ont été mis sur le site, à l’exception de ceux qui concernaient l’affaire de l’USAEU.
  55. B. Réponse du gouvernement
  56. 1308. Dans sa communication du 1er septembre 2006, le gouvernement a déclaré qu’en tant que signataire des conventions de l’OIT nos 87 et 98 il a scrupuleusement respecté le mandat desdites conventions. Dans ses efforts pour en respecter les dispositions, il applique strictement les dispositions du Code du travail sur l’organisation des travailleurs et la négociation collective. Il veille à ce que la protection des droits des travailleurs et des organisations syndicales ne soit pas utilisée pour détruire les employeurs. Ainsi, lorsque le gouvernement est appelé à intervenir dans des conflits du travail entre syndicats et patronat, il ne rend ses décisions que sur la base des éléments de preuve qui lui ont été présentés et dans l’intention de maintenir la paix sociale. La décision du ministre du Travail et de l’Emploi relative à l’affaire de l’USAEU atteste de cette politique de protection du gouvernement.
  57. 1309. Le gouvernement n’a jamais violé les droits syndicaux des travailleurs lorsqu’ils participent à des activités concertées contre leurs employeurs en vue d’obtenir réparation. Au contraire, il encourage l’activité syndicale et la libre négociation collective. Il a toujours reconnu et respecté les droits des travailleurs à engager des activités concertées en vue d’une négociation collective, que ce soit pour leurs avantages ou pour leur protection mutuelle, ainsi que les droits des organisations syndicales légitimes à faire la grève et mettre des piquets de grève, et le droit des employeurs au lock-out conformément à l’intérêt national. En réalité, l’organisation plaignante reconnaît elle-même qu’elle s’est mise en grève le 25 avril 2005, et que le ministère n’est pas intervenu. Les registres officiels font apparaître qu’il y a eu, entre 1996 et 2005, 559 autres grèves sans intervention du ministère. Ces dix dernières années, il y a eu au moins une nouvelle grève par semaine – une moyenne de 56 grèves par an – sans intervention de l’Etat. Voilà qui démontre que les travailleurs exercent librement leur droit d’association aux Philippines.
  58. 1310. Concernant les affaires devant les cours d’appel, le gouvernement a indiqué que, même si les deux dernières décisions des cours d’appel n’étaient pas satisfaisantes pour le syndicat, l’arbitrage volontaire ordonné par la Cour suprême ne pouvait pas être considéré comme une violation du droit des travailleurs de s’organiser ou de négocier collectivement.
  59. 1311. Le gouvernement a rappelé que, dans plusieurs communications relatives à d’autres affaires, le comité a été informé à plusieurs reprises que le ministre du Travail et de l’Emploi avait donné des instructions précises pour réviser et remanier le Code du travail dans sa totalité. En réponse à ces instructions, le ministère a entamé des consultations sur les amendements proposés. Concernant l’amendement de l’article 263(g) du Code du travail, le ministère a élargi le groupe d’experts participant aux discussions et aux délibérations sur les lois nos 1505 et 2728 présentées au Parlement, appelées «loi établissant le nouveau Code du travail et destinée à d’autres fins». La loi no 1505 du Parlement propose d’amender l’article 263(g) du Code du travail en limitant l’attribution des compétences au ministre du Travail et de l’Emploi en cas de conflit du travail aux entreprises fournissant des services essentiels comme les hôpitaux, les services d’approvisionnement en eau et en électricité, les services de communication et les transports. La loi no 1027 du Sénat propose également d’amender l’article 263(g) du Code du travail. Ces projets de loi font l’objet d’un examen et d’un débat au sein des commissions du travail du Sénat et du Parlement philippin, respectivement.
  60. 1312. Dans sa communication du 6 novembre 2006, le gouvernement résume les faits relatifs à cette affaire comme suit, suivant les constatations de la Cour suprême dans son arrêt du 28 mars 2006: le 27 juillet 2000, l’USAEU a conclu une convention collective avec l’université, un établissement d’enseignement à but non lucratif, pour une durée de cinq ans. La convention prévoyait des avantages économiques pour les travailleurs pendant les trois premières années, qui devaient être renégociés pour les deux années restantes. Elle comportait également une clause «pas de grève, pas de lock-out» et une procédure de règlement des différends qui se terminait par un arbitrage volontaire en cas de conflit entre les parties durant la durée de la convention.
  61. 1313. Au cours de la renégociation portant sur les années scolaires 2003-2005, les parties n’ont pas pu se mettre d’accord sur la méthode de calcul du montant découlant de l’augmentation des frais de scolarité, qui était fondamentale pour déterminer les avantages économiques pour les deux années scolaires. La médiation du Conseil de conciliation et de médiation national (NCMB) n’a pas réussi à mettre d’accord les deux parties. L’USAEU a alors déposé un préavis de grève, auquel l’université a opposé une procédure dénonçant l’action du syndicat comme une violation de la clause «pas de grève, pas de lock-out», et demandant le recours aux procédures de règlement des différends et à l’arbitrage volontaire prévus dans la convention. Les deux parties ont donc conjointement déposé une demande au ministre du Travail et de l’Emploi afin qu’il se déclare compétent pour connaître du conflit. Sur la base de cette requête conjointe, le ministre a promulgué le décret du 18 septembre 2003, notifiant aux deux parties que son secrétariat se déclarait compétent pour ce différend et qu’il ordonnait aux deux parties de s’abstenir de recourir à la grève ou au lock-out. Le 19 septembre 2003, le syndicat s’est mis en grève. A 6 h 45 ce jour-là, les shérifs du gouvernement ont signifié une copie du décret ministériel au vice-président de l’USAEU, qui se trouvait sur les lieux où se déroulait la grève, mais ce dernier a déclaré que seul le président était habilité à recevoir le décret et qu’il était absent. Les shérifs ont informé le vice-président du syndicat que le décret ministériel serait considéré comme ayant été signifié une fois qu’ils l’auraient affiché à la porte principale de l’université et à la porte du bureau du syndicat, ce qui fut fait à 8 h 45. Cela n’a pas arrêté la grève. A 17 h 25, le président de l’USAEU est arrivé et s’est vu signifier le décret par les shérifs. Le 24 septembre 2003, l’université a déposé une requête afin que la grève soit déclarée illégale. La requête a été ajoutée à l’affaire pour laquelle le ministre s’était déclaré compétent à la demande de l’université. Le 6 avril 2004, le ministre du Travail et de l’Emploi a rendu une décision sur la question des avantages économiques de la convention collective pour les années 2003-2005, et rejeté la requête visant à déclarer la grève illégale. L’université a contesté cette décision en saisissant la Cour d’appel. Le 4 mars 2005, la Cour d’appel a rendu sa décision en confirmant la décision du ministre du Travail et de l’Emploi relative aux avantages économiques, mais elle a déclaré la grève du 19 septembre 2003 illégale. L’USAEU et l’université ont déposé un recours en révision. Le 7 avril 2005, l’université a envoyé une lettre de licenciement aux responsables syndicaux pour lesquels la Cour d’appel avait considéré qu’ils avaient perdu leur statut d’employés puisque la grève était illégale. L’USAEU a riposté en déposant un nouveau préavis de grève. Le 22 avril 2005, les parties ont entamé des négociations pour une nouvelle convention collective. Elles ont très vite mené à une impasse. Le 25 avril 2005, le syndicat s’est de nouveau mis en grève, à la suite de quoi l’université a annoncé qu’elle se retirait des négociations. Le 23 août 2005, la Cour d’appel a rendu sa décision sur les recours en révision. Cette dernière a confirmé que la grève du 19 septembre 2003 était illégale, mais elle a annulé les décisions sur les questions économiques, en déclarant que «ces questions relevaient de la procédure de résolution des différends établie par les parties dans la convention collective». Elle a ordonné aux parties de soumettre ces questions à un arbitrage volontaire. Le 20 septembre 2005, l’USAEU et ses responsables licenciés ont saisi la Cour suprême d’une demande en réexamen. Deux questions essentielles ont été posées: la grève était-elle légale ou illégale, et le renvoi à un arbitrage volontaire. Le 28 mars 2006, la Cour suprême a rendu son arrêt en rejetant la requête et en confirmant la décision de la Cour d’appel du 23 août 2005. En résumé, la Cour suprême a déclaré que la Cour d’appel ne s’était pas trompée en décidant que la convention collective empêchait les deux parties de recourir à la grève ou au lock-out, et en renvoyant l’objet de leur différend à un arbitrage volontaire alors que la convention était toujours en vigueur. Le 5 mai 2006, l’USAEU a déposé un recours en révision.
  62. 1314. Le 29 mai 2006, l’USAEU a déposé une plainte contre le gouvernement des Philippines auprès de l’OIT. Le 14 juin 2006, la Cour suprême a définitivement rejeté le recours en révision du syndicat, «les questions essentielles qui y étaient posées ayant déjà fait l’objet d’un examen approfondi et d’une décision par la cour, et aucun nouvel argument substantiel n’a été apporté justifiant une révision».
  63. 1315. Concernant les allégations de licenciements (autres que les licenciements des responsables de l’USAEU) et d’intimidation (ingérence dans l’assemblée générale de l’USAEU), certaines de ces affaires ont été soumises à arbitrage devant la Commission nationale des relations au travail (NLRC), un organisme tripartite comportant un nombre identique de travailleurs, d’employeurs et de représentants du secteur public, qui a tranché en faveur de l’université; le syndicat n’a pas indiqué s’il a fait appel des décisions de la commission. Le syndicat n’a pas indiqué non plus les actions juridiques qu’il a éventuellement engagées au sujet des affaires d’Eon Philippines et de l’hôpital Capiz Emmanuel. Le gouvernement ne voit donc pas la nécessité d’apporter des commentaires à ce sujet.
  64. 1316. A cet égard, le gouvernement souligne que les travailleurs bénéficient grâce à la législation philippine d’une protection adéquate contre les licenciements injustes. Il cite les dispositions suivantes du Code du travail:
  65. Art. 279. Sécurité de l’emploi titulaire. – Dans les cas où l’emploi est régulier, l’employeur ne mettra pas fin aux services d’un employé sauf pour un motif juste, ou lorsque ce titre l’y autorise. Un employé injustement démis de ses fonctions aura droit à sa réintégration sans perte de son ancienneté ni de ses autres privilèges, et recevra l’intégralité de ses arriérés de salaires, y compris les indemnités et tous les autres avantages ou leur équivalent monétaire calculés à partir de la date où sa rémunération a été retenue jusqu’au moment où sa réintégration devient effective.
  66. Art. 280. Emploi régulier et temporaire. – Sauf dispositions contraires stipulées dans un accord écrit, et quels que soient les accords oraux passés entre les deux parties, un emploi sera considéré comme régulier lorsque l’employé a été engagé pour exercer des activités qui sont habituellement nécessaires ou souhaitables pour les activités usuelles de l’employeur, sauf si l’emploi a été lié à un projet spécifique ou une entreprise spécifique, dont le terme ou la fin a été déterminé au moment de l’engagement de l’employé ou si le travail ou le service à exécuter est de nature saisonnière et que la durée de l’emploi est celle de la saison.
  67. Art. 277. Dispositions diverses. (b) Sous réserve des droits constitutionnels des travailleurs à la sécurité de leur emploi en tant que titulaire, et de leur droit à être protégé contre tout licenciement sauf pour un motif juste et autorisé, et sans préjudice de l’obligation de préavis au titre de l’article 283 du présent code, l’employeur devra présenter au travailleur dont l’emploi va être supprimé un avis écrit comportant une déclaration des motifs de cessation de l’emploi, et devra lui donner des possibilités suffisantes d’être entendu et de se défendre avec l’assistance de son représentant s’il le souhaite, conformément aux règles de l’entreprise et des règlements publiés selon les directives du ministère du Travail et de l’Emploi. Toute décision de l’employeur sera prise sans préjudice du droit du travailleur à contester la validité ou la légalité de son licenciement en déposant une plainte auprès du bureau régional de la Commission nationale des relations du travail. La charge de la preuve que la cessation a été faite pour un motif valable ou autorisé incombera à l’employeur. Le ministre du Travail et de l’Emploi est autorisé à suspendre les effets de la suppression d’emploi dans l’attente de la résolution du conflit dans les cas où le responsable du ministère du Travail et de l’Emploi chargé du règlement du conflit constate prima facie que cette suppression d’emploi peut entraîner un conflit du travail grave, ou se fait dans le cadre d’un licenciement collectif.
  68. La législation est encore plus protectrice pour les responsables syndicaux:
  69. Art. 246. Non-restriction du droit à s’organiser. – Tout acte de restriction, de coercition, de discrimination, ou d’ingérence indue à l’égard des employés et des travailleurs dans l’exercice de leur droit à s’organiser est illégal. Ce droit inclut le droit de constituer un syndicat, de s’affilier à un syndicat ou d’assister un syndicat aux fins d’une négociation collective par le biais de représentants de leur choix et de mener des actions concertées légales dans ce même objectif pour leur aide et protection mutuelle, sous réserve des dispositions de l’article 264 du présent code.
  70. Art. 248. Pratiques déloyales de l’employeur dans le cadre du travail. – Il sera illégal pour un employeur de recourir aux pratiques illégales suivantes dans le cadre du travail:
  71. a) commettre tout acte d’ingérence, de restriction ou de coercition à l’égard des employés dans l’exercice de leur droit à s’organiser;
  72. b) subordonner l’emploi d’un travailleur à la condition qu’il ne s’affilie pas à un syndicat ou cesse de faire partie d’un syndicat;
  73. c) externaliser les services réalisés ou les fonctions occupées par un syndicaliste lorsque cette volonté est un acte d’ingérence, de restriction ou de coercition à l’égard d’employés dans l’exercice de leurs droits de s’organiser; …
  74. e) faire une discrimination concernant les salaires, les heures de travail ou d’autres termes et conditions d’emploi afin d’encourager ou de décourager l’affiliation à un syndicat.
  75. Art. 247. Concept de pratiques déloyales au travail et poursuites de ces pratiques. – Les pratiques déloyales au travail violent le droit constitutionnel des travailleurs et des employés à s’organiser, sont défavorables aux intérêts légitimes des travailleurs et de la direction, y compris leur droit de négocier collectivement et de conclure d’autres accords entre les deux parties dans un climat de liberté et de respect mutuel, perturbent la paix sociale et sont un obstacle à la promotion de relations saines et stables entre les travailleurs et la direction.
  76. Par conséquent, les pratiques déloyales au travail ne constituent pas seulement une violation des droits civils à la fois des travailleurs et de la direction, mais constituent également un délit contre l’Etat qui fera l’objet de poursuites et de sanctions indiquées ci-dessous.
  77. Art. 288. Sanctions. – Sauf disposition contraire du présent code, ou à moins que les actes faisant l’objet d’une plainte ne portent sur une question d’interprétation ou d’application de dispositions ambiguës d’une convention collective en vigueur, toute violation des dispositions du présent code déclarée illégale ou punissable par nature sera passible d’une amende de mille pesos (1 000 P) au moins, et de dix mille pesos (10 000 P) au plus ou d’une peine d’emprisonnement de trois mois au moins et de trois ans au plus, ou à la fois d’une amende et d’une peine d’emprisonnement à la discrétion du tribunal. …
  78. 1317. Ainsi, le gouvernement insiste sur le fait qu’il incombe à l’employeur, au titre de l’article 277 du Code du travail, de notifier au travailleur par écrit les raisons de son licenciement; le travailleur doit «contester la validité ou la légalité de son licenciement en déposant une plainte auprès du bureau régional de la Commission nationale des relations du travail» afin d’être réintégré. S’il dépose une plainte, la «charge de la preuve que le licenciement a été fait pour un motif valable ou autorisé incombera à l’employeur». Dans le cas contraire, le licenciement sera considéré comme valable. Un licenciement justifié ou qui n’a pas fait l’objet de contestation ne doit pas être considéré comme une violation par le gouvernement des conventions nos 87 et 98.
  79. 1318. Dans une communication du 26 décembre 2006, le gouvernement rappelle que le 5 mai 2006 l’USAEU a déposé un recours en révision de l’arrêt de la Cour suprême du 28 mars 2006. Le 31 mai 2006, le président du syndicat a écrit à la Cour suprême pour souligner les irrégularités qui ont, selon lui, jeté le doute sur l’authenticité de l’arrêt du 28 mars 2006. Le 1er juin 2006, la FFW a déposé une requête demandant la permission d’intervenir et priant la cour de révoquer son arrêt du 28 mars 2006. Le 14 juin 2006, la deuxième chambre de la Cour suprême a émis un arrêt décidant de «REJETER DÉFINITIVEMENT le recours (en révision du syndicat), les questions essentielles soulevées dans cette requête ayant fait l’objet d’un examen approfondi et d’une décision par la cour dans l’arrêt susmentionné, et aucun argument substantiel n’a été apporté justifiant une révision». Dans le même arrêt, la cour a pris note de la lettre du président du syndicat, et a déclaré «CLASSÉE SANS SUITE» la requête de la FFW demandant la permission d’intervenir.
  80. 1319. Le 27 juillet 2006, le syndicat a écrit à l’OIT une fois de plus pour se plaindre du fait que la cour avait rejeté sa requête en réexamen en soutenant le fait que le syndicat avait soulevé dans son recours en révision des questions «remettant en cause la décision, questions qui n’ont jamais été évoquées dans la requête en révision, et n’ont pas été définitivement tranchées par la Cour suprême». Apparemment, le syndicat a été mécontent de l’application de la règle traditionnellement appliquée aux Philippines, selon laquelle les cours d’appel ne peuvent trancher que sur des questions soulevées en appel dans la requête en révision – et non des nouvelles questions présentées pour la première fois dans un recours en révision.
  81. 1320. Le 31 juillet 2006, la FFW, appelant, a déposé un recours en révision pour que la décision du 28 mars 2006 soit annulée, et qu’il soit donné suite à son intervention du 1er juin 2006, qui avait été rejetée par la cour le 14 juin 2006. Le 3 août 2006, la Cour suprême a rendu son arrêt déclarant qu’elle classait sans suite les recours déposés le 13 juin et tout particulièrement le recours de la FFW en annulation de la décision de la cour. Le 4 octobre 2006, la Cour suprême a rendu un arrêt déclarant que le recours de l’USAEU en vue d’un arrêt de la cour en plénière était définitivement rejeté.
  82. 1321. Concernant la publication des décisions et des arrêts de la cour sur son site Internet, il convient de dire que la cour ne publie ses arrêts que dans les cas où ils revêtent une importance extrême. Il faut observer que l’authenticité de l’arrêt du 28 mars 2006 a été confirmée par la cour dans son arrêt du 14 juin 2006. Les actes du greffier, particulièrement le choix du papier qu’il utilise, du stylo et de l’enveloppe pour l’avis de jugement, ne portent pas atteinte à l’authenticité de la décision. L’avis ne fait pas partie intégrante de la décision. On ne saurait trop souligner que l’allégation selon laquelle la Cour suprême aurait reçu des pots de vin – présentée par le syndicat dans sa communication à l’OIT du 27 juillet 2006 – est mensongère et malveillante, et représente un outrage grave à la dignité de la cour et de l’OIT. De plus, l’insistance du syndicat pour que l’affaire soit renvoyée devant la cour en plénière – après que le syndicat ait déposé devant la deuxième chambre (qui était alors présidée par le juge qui préside actuellement la cour en plénière) un recours en révision de sa décision unanime et après qu’il ait demandé à l’OIT de peser de son poids sur la cour alors que l’affaire était encore en instance devant cette chambre, sans obtenir de jugement favorable – va à l’encontre de l’équité et de la justice. D’après la Constitution des Philippines, l’arrêt d’une chambre de la Cour suprême est considéré comme un arrêt de la Cour suprême.
  83. 1322. Le gouvernement indique finalement que l’arrêt de la Cour suprême du 28 mars 2006 est devenu définitif. Les règles de procédure, élaborées par la Cour suprême, en application desquelles le syndicat a déposé sa requête en réexamen, interdisent de déposer un deuxième recours en révision. L’insistance du syndicat pour que l’OIT s’ingère dans la décision finale de la cour n’est pas à porter au crédit du syndicalisme et met péril le fonctionnement sain de la négociation collective. Le droit à la liberté d’association et à la négociation collective est pleinement garanti par la Constitution des Philippines et la législation du travail – et est reconnu et respecté par les tribunaux. Toutefois, si un procès est inévitable, les syndicats doivent malgré tout présenter des éléments de preuve et des arguments solides à la cour et ne devraient pas seulement s’appuyer uniquement sur des menaces d’intervention par des organismes internationaux ou des organisations et sur l’éventualité de sanctions économiques et politiques. Une bonne loi ne peut s’appliquer sans éléments de preuve. Avec des preuves convaincantes, une bonne loi – même sans l’intervention d’organismes étrangers – prévaudra devant un tribunal et fera justice aux parties concernées.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 1323. Le comité note que dans le présent cas les allégations portent sur le licenciement par l’université de 15 responsables syndicaux de l’Union des employés de l’Université de San Agustin – FFW (USAEU) à titre de représailles pour avoir organisé une grève qui a initialement été considérée comme légale par le ministère du Travail et de l’Emploi et ensuite déclarée illégale par les tribunaux. L’organisation plaignante allègue également la partialité des autorités judiciaires, y compris de la Cour suprême, qui a entraîné des décisions qui sont alarmantes et dangereuses pour les droits des travailleurs de négocier collectivement, de faire grève et de bénéficier d’une protection contre la discrimination antisyndicale, encourageant de ce fait d’autres employeurs à mener des actions de discrimination antisyndicale.
  2. 1324. En particulier, le comité observe, d’après les allégations de l’organisation plaignante et la réponse du gouvernement, ainsi que d’après les nombreux documents judiciaires portés à son attention en annexe de la plainte, que les faits sont les suivants: l’université et l’USAEU ont conclu une convention collective pour une durée de cinq ans allant du 27 juillet 2000 au 27 juillet 2005. Les dispositions économiques de la convention portaient sur une durée de trois ans, jusqu’au 27 juillet 2003. La convention collective comportait également une clause de non-grève dans laquelle l’USAEU s’était engagée à ne pas recourir à la grève pendant la durée de la convention. Elle comportait aussi une procédure de règlement des différends se terminant par un arbitrage volontaire en cas de désaccord sur l’interprétation ou l’application de la convention (articles 5, 13 et 14 de la convention).
  3. 1325. Le comité note également que, peu avant la date d’expiration des dispositions économiques de la convention, les parties ont entamé des négociations sur les conditions de paiement pour la période 2003-2005. Cependant, les négociations ont abouti à une impasse, et la médiation du Conseil de conciliation et de médiation nationale (NCMB) a échoué. Le 14 août 2003, l’USAEU a déposé un préavis de grève. Le 12 septembre 2003, l’USAEU a présenté aux autorités le vote relatif à la grève, montrant qu’une majorité de travailleurs avait voté en faveur de la grève. Le 15 septembre 2003, au terme de la période de réflexion d’un mois, les derniers efforts de conciliation du NCMB ont échoué. Le même jour, l’université a déposé au NCMB un «recours visant à annuler le préavis de grève et demandant que le conflit soit renvoyé à un arbitrage volontaire» étant donné que l’USAEU violait la clause interdisant la grève et la procédure de règlement des différends prévue dans la convention collective. Le NCMB n’a pas réagi à ce recours. Le 18 septembre 2003, l’université a écrit au ministre du Travail et de l’Emploi lui demandant de se déclarer compétent pour connaître de ce conflit du travail. Le jour même, le ministre du Travail et de l’Emploi a promulgué un décret dans lequel il se déclare compétent pour connaître de ce conflit conformément à l’article 263(g) du Code du travail et ordonne l’arrêt de toute action de grève.
  4. 1326. Le comité observe que cette plainte comporte deux volets: premièrement, l’abus du recours à la section 263(g) du Code du travail – une disposition sur laquelle le comité a fait des commentaires dans des cas antérieurs; et, deuxièmement, la question de la légalité de la grève dans le cas d’espèce, et de l’imposition d’un arbitrage obligatoire pour déterminer l’augmentation de salaire à l’université.
  5. 1327. Le comité rappelle le contenu de l’article 263(g) du Code du travail:
  6. A chaque fois qu’il estime qu’un conflit social occasionne ou est susceptible d’occasionner une grève ou un lock-out dans une branche d’activité indispensable à l’intérêt national, le ministre du Travail et de l’Emploi peut se déclarer compétent pour connaître du conflit et rendre les décisions à son égard, ou le soumettre à une procédure d’arbitrage obligatoire. Cette déclaration de compétence ou ce renvoi aura pour effet d’ordonner automatiquement l’arrêt de la grève ou du lock-out annoncé ou imminent, ainsi que précisé dans la déclaration de compétence ou l’ordre de renvoi.
  7. 1328. Le comité rappelle les conclusions et recommandations qu’il a adoptées dans le cas no 2252 concernant les Philippines [voir 332e rapport, paragr. 848-890] au sujet de l’article 263(g) du Code du travail. Il rappelle en particulier que cet article est contraire aux principes de la liberté syndicale qui prévoient que, pour déterminer les cas dans lesquels une grève pourrait être interdite, le critère à retenir est l’existence d’une menace évidente et imminente pour la vie, la sécurité et la santé dans tout ou partie de la population, [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 581, et 332e rapport, paragr. 883.] Le comité rappelle par ailleurs que le gouvernement a indiqué dans ce cas précédent (dans une communication du 25 juin 2003 – une date proche des événements en cours d’examen, dans le cas présent) qu’il avait soumis une proposition d’amendement à l’article 263(g) aux commissions traitant des questions du travail, du Sénat et de la Chambre des représentants afin de limiter l’intervention du ministre du Travail et de l’Emploi aux litiges concernant les services essentiels. [Voir 332e rapport, paragr. 849 et 883.] Lors des communications ultérieures, le gouvernement a tenu le comité informé des progrès réalisés dans ce domaine. Le comité prend note du fait que le gouvernement, dans la réponse aux allégations sur le cas en cours d’examen, indique que la loi no 1505 du Parlement propose d’amender l’article 263(g) du Code du travail en limitant les compétences du ministre du Travail et de l’Emploi en cas de conflit du travail aux entreprises fournissant des services essentiels comme les hôpitaux, les services d’approvisionnement en eau et en électricité, les services de communication et les transports. La loi no 1027 du Sénat propose également d’amender l’article 263(g) du Code du travail. Ces projets de loi vont faire l’objet d’un examen et d’un débat au sein des commissions du travail du Sénat et du Parlement, respectivement.
  8. 1329. Le comité est tenu de faire deux observations au sujet de la loi no 1505 du Parlement et de la loi no 1027 du Sénat relatives à l’amendement de l’article 263(g) du Code du travail. Tout d’abord, le comité observe que le gouvernement a donné des informations sur le projet d’amendement de l’article 263(g) depuis juin 2003, et que cet amendement n’a toujours pas été examiné par le Sénat ni par la Chambre des représentants. Le comité observe que d’après les allégations de l’organisation plaignante: i) ce retard a des conséquences graves sur le climat social dans le pays, étant donné que la pratique alléguée du ministère du Travail et de l’Emploi de se déclarer compétent à chaque fois qu’une grève est imminente est devenue une entrave pour toutes les organisations syndicales (dans le cas d’espèce, il est difficile, d’après l’organisation plaignante, d’imaginer que l’université en question est une branche d’activité indispensable à l’intérêt national); ii) cette pratique met en effet le syndicat à la merci de l’employeur qui ne négocie pas de bonne foi et qui peut toujours s’en sortir grâce à une simple demande au bureau du ministre du Travail et de l’Emploi pour qu’il se déclare compétent si le syndicat dépose un préavis de grève; le syndicat se retrouve alors en position défavorable et n’a d’autre choix que de se soumettre à la décision du ministre, et de se lancer dans une longue bataille juridique; iii) à cela s’ajoutent les nombreuses prescriptions juridiques inscrites dans le Code du travail pour qu’une grève soit légale; iv) pire encore, lorsque la grève est déclarée illégale par l’autorité compétente, tous les responsables syndicaux peuvent être déchus de leur statut d’employés (article 264, paragraphe 3, du Code du travail).
  9. 1330. Tout en prenant note de la réponse du gouvernement qui indique que 559 grèves ont eu lieu de 1996 à 2005, sans que le ministère intervienne, et que par conséquent le droit de grève est respecté, le comité doit également faire remarquer que la simple possibilité que le ministre intervienne dans les grèves en dehors des secteurs de services essentiels au sens strict du terme, secteurs qui sont fermement ancrés dans la loi, ainsi que l’habitude d’intervenir dans des secteurs qui ne semblent pas, à première vue, indispensables à l’intérêt national, ajoutées aux nombreuses prescriptions à respecter pour qu’une grève soit déclarée légale et aux sanctions graves encourues en cas de grève illégale, ont inévitablement une incidence sur le cadre et le climat des négociations.
  10. 1331. Le comité rappelle que l’arbitrage obligatoire pour mettre fin à un conflit collectif du travail et une grève est acceptable s’il s’intervient à la demande des deux parties au conflit, ou dans les cas où la grève peut être limitée, voire interdite, à savoir dans les cas de conflit dans la fonction publique à l’égard des fonctionnaires exerçant des fonctions d’autorité au nom de l’Etat ou dans les services essentiels au sens strict du terme, c’est-à-dire les services dont l’interruption risquerait de mettre en danger, dans tout ou partie de la population, la vie, la santé ou la sécurité de la personne. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 564.] De plus, les conditions imposées par la législation pour qu’une grève soit considérée comme un acte licite doivent être raisonnables et, en tout cas, ne pas être telles qu’elles constituent une limitation importante aux possibilités d’action des organisations syndicales.[Voir Recueil, op. cit., paragr 547.] En dernier lieu, le recours à des mesures extrêmement graves comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève et le refus de les réembaucher impliquent de graves risques d’abus et constituent une violation de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 666.] Le comité exprime donc le ferme espoir que cet amendement de l’article 263(g), qui est envisagé depuis au moins quatre ans maintenant, sera adopté dans les plus brefs délais.
  11. 1332. Deuxièmement, le comité rappelle que le transport de voyageurs et de marchandises ne constitue pas un service essentiel au sens strict du terme; il s’agit toutefois d’un service public d’une importance primordiale où l’imposition d’un service minimum en cas de grève peut se justifier. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 621.] Le comité souligne donc que les transports ne devraient pas être inclus dans la liste des services essentiels sur lesquels le ministre du Travail et de l’Emploi peut exercer son pouvoir d’assumer la juridiction ou de renvoi à un arbitrage. Le comité demande instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’amendement de l’article 263(g) du Code du travail n’inclue pas les transports dans les services essentiels au sens strict du terme. Le comité attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
  12. 1333. Pour en revenir aux faits relatifs à ce cas, le comité observe que la grève de l’USAEU s’est déroulée le 19 septembre 2003. Concernant les conditions du déroulement de la grève, le comité note que, d’après les nombreux documents judiciaires qui ont été portés à son attention, le 19 septembre à 8 h 45, un shérif du ministère du Travail et de l’Emploi a tenté de signifier aux responsables de l’USAEU le décret ministériel qui avait été émis la veille. Les responsables ont refusé d’accuser réception de ce décret en se basant sur une résolution du syndicat datée du 17 septembre 2003 et habilitant le seul président du syndicat, Theodore Neil Lasola, à recevoir le décret ministériel. Les shérifs ont apposé ce dernier à la porte du bureau du syndicat et à l’entrée de l’université. Le shérif a finalement remis au président de l’USAEU, M. Lasola, une copie du décret à 17 h 25. Le shérif a informé le président du syndicat que le décret était considéré comme ayant été signifié et reçu par l’USAEU à 8 h 45. Le président a écrit à côté de sa signature «heure de réception effective: 17 h 25».
  13. 1334. Le comité note que, d’après l’organisation plaignante, la résolution du syndicat du 17 septembre 2003 habilitant exclusivement le président à recevoir le décret avait pour objectif de prémunir les membres du syndicat contre des instructions non autorisées qui pourraient mettre en péril le côté pacifique et légal de la grève. Les shérifs n’ont fait aucun effort pour localiser le président de l’USAEU ou l’attendre sur le site de la grève, où il était présent à 11 heures et à 15 heures, après avoir terminé ses interviews sur les différentes radios. Vers 17 h 25, le président de l’USAEU s’est de nouveau rendu à la porte principale et, cette fois-là, les shérifs l’y attendaient pour lui signifier de décret du ministre. Les shérifs ont indiqué qu’ils considéraient que le décret avait été signifié à 8 h 45 sur l’insistance du conseiller juridique de l’université, le fils du porte-parole de l’université, qui selon l’organisation plaignante avait dicté aux shérifs ce qu’ils devaient inscrire sur leur copie au sujet de l’heure. Dix minutes après avoir reçu le décret du ministre, le président de l’USAEU a annoncé par haut-parleurs que la grève était suspendue et a donné aux militants des instructions sur ce qu’ils devaient faire pour respecter le décret du ministre du Travail et de l’Emploi. Les membres du syndicat se sont alors mis à ranger tout leur attirail. Ceux qui avaient des cours dans la soirée sont allés les donner. L’organisation plaignante ajoute que sa position est que le décret lui a été signifié à 17 h 25; toutefois, même s’il avait été signifié à 8 h 45, la grève avait déjà commencé à ce moment-là et, dans ce cas, la pratique habituelle du ministre du Travail et de l’Emploi est de donner un délai raisonnable de 24 heures aux grévistes pour reprendre le travail; l’USAEU a respecté ce délai. En réalité, la grève a pris fin le jour où elle avait commencé, et les travailleurs ont repris le travail avant l’expiration du délai fixé par l’université elle-même dans une annonce publique parue le lendemain dans le journal local (le délai fixé par l’université était le lundi 22 septembre 2003).
  14. 1335. Le comité, d’après les documents qui lui ont été présentés, observe que le 18 septembre 2003 l’université a écrit au ministre du Travail et de l’Emploi pour lui demander de se déclarer compétent pour connaître de ce conflit du travail, ce qu’il a fait, en prenant un décret le jour même sur la base de l’article 263(g) du Code du travail. De plus, le 24 septembre 2003, l’université a déposé devant la Commission nationale des relations du travail une demande pour que la grève soit déclarée illégale et que tous les membres et responsables de l’USAEU qui avaient participé à la grève soient déchus de leur statut d’employés. Cette demande a ensuite été jointe, sur requête de l’université, aux questions devant faire l’objet d’une décision du ministre du Travail et de l’Emploi lui permettant ainsi de décider de tous les aspects du litige sur la base de l’article 263(g) du Code du travail.
  15. 1336. Le comité note en outre que la décision du ministre du Travail et de l’Emploi a été rendue le 6 avril 2004 et portait à la fois sur les aspects économiques et la légalité de la grève. Sur les aspects économiques du conflit, la décision du ministre était favorable à la position de l’USAEU, et le ministre avait enjoint aux parties d’amender la convention collective conformément à ses constatations. En outre, concernant la grève, le ministre du Travail et de l’Emploi a adopté la décision suivante:
  16. Partant de l’hypothèse, pour l’argumentation, qu’il y avait un vice technique vis-à-vis de la clause «pas de grève, pas de lock-out» de la convention collective entre les parties au niveau de la lettre, les faits attestent indubitablement de la bonne foi des grévistes. Puisqu’une loi sociale est impliquée, la loi sur la grève devrait être interprétée en fonction «non de la lettre, mais de l’esprit, car la lettre tue, mais l’esprit vivifie». En outre, il n’a pas été fait preuve d’arrogance manifeste au point de mériter le châtiment suprême que représente la perte de son emploi. Il faut être extrêmement prudent avant d’imposer la sanction du licenciement, car elle apporte d’innombrables souffrances aux employés et à leurs familles. Il va sans dire que l’emploi des grévistes est leur seul moyen de subsistance.
  17. L’affirmation par l’université que le syndicat aurait fait preuve de défi en refusant ou cherchant à éviter de se voir signifier le décret déclarant la compétence du ministre du Travail et de l’Emploi n’est pas avérée. Les documents attestent que c’est seulement à 17 h 25 que le président du syndicat a reçu le décret, et cela ne constitue pas un défi parce qu’après avoir reçu le décret le président du syndicat a ordonné aux responsables et aux militants grévistes d’arrêter la grève.
  18. Partant de l’hypothèse que la nouvelle avait été effectivement signifiée aux grévistes du fait que le décret avait été apposé par le shérif sur le tableau d’affichage du syndicat dès le matin, les documents prouvent indubitablement que le syndicat a respecté la période qui avait été fixée par nos services pour la reprise du travail. L’université devrait tenir compte de l’ensemble du comportement des grévistes et se rendre compte qu’ils n’ont pas été récalcitrants de façon flagrante ni fait preuve de mauvaise foi vis-à-vis de l’université. Dans un esprit de charité chrétienne (nota bene: l’université est dirigée par des prêtres chrétiens) et de compassion, la direction devrait comprendre que la perte du statut d’employé est une sanction trop dure, étant donné que les grévistes ont respecté la légalité au niveau du fond. Pour toutes ces raisons, ce bureau déclare que les éléments de preuve ne permettent pas de déclarer la grève illégale, encore moins la perte du statut d’employé pour les grévistes.
  19. ...
  20. Les grévistes, sur la base des éléments de preuve, n’ont pas contrevenu à une politique publique ni présenté de conduite désordonnée, encore moins agi en contravention avec l’intérêt national. Au contraire, les membres du syndicat ont dans ce cas spontanément obéi au décret de nos services et ne se sont pas montrés récalcitrants. Par conséquent, la loi et la jurisprudence rendent impératif de ne pas accéder à la demande visant à déclarer la grève illégale.
  21. Il n’y a donc aucune base permettant de déclarer la perte du statut d’employé pour aucun des membres grévistes du syndicat.
  22. 1337. D’après les allégations de l’organisation plaignante, le comité note que, en dépit du fait que la décision du ministre du Travail et de l’Emploi était définitive et exécutoire en application de l’article 263(i) du Code du travail, l’université a saisi la Cour d’appel de cette décision au motif que le ministre avait gravement abusé de son pouvoir de décision. Entre-temps, d’après l’organisation plaignante, l’université aurait procédé au licenciement de cinq travailleurs (John Mirasol, responsable de l’USAEU, Benonie Dela Cruz, Alexander Sardon, Victoria Callanga, Melvin Garrido) sous différents prétextes, alors qu’en réalité c’était en raison de leurs activités syndicales car ils étaient des proches du président du syndicat et avaient participé à la grève. Les licenciements ont fait l’objet d’un recours devant la Commission nationale des relations du travail, qui a rendu, d’après l’organisation plaignante, des jugements en faveur de la direction et rejeté les recours. En dernier lieu, au dire de l’organisation plaignante, en décembre 2003, l’université a interdit à l’USAEU de tenir son assemblée générale pendant les jours de classe, comme c’était l’habitude depuis de nombreuses années et inscrit dans la convention collective. A ce moment-là, la plupart des membres de l’USAEU avaient rapporté être l’objet de mesures d’intimidation de la part de la direction et n’avaient pas participé à l’assemblée générale.
  23. 1338. Le comité note également que la Cour d’appel a rendu le 4 mars 2005 sa décision relative à l’appel déposé par l’université contre la décision du ministre du Travail et de l’Emploi. Sur la question des avantages sociaux, la Cour d’appel a confirmé la décision du ministre du Travail et de l’Emploi. Sur la question de la légalité de la grève, la Cour d’appel a annulé la décision antérieure et a déclaré la grève illégale parce que l’USAEU avait défié le décret ministériel en poursuivant la grève jusque dans l’après-midi du 19 septembre 2003. En particulier:
  24. [Le ministre du Travail et de l’Emploi] a gravement abusé de son pouvoir de décision en écartant le rapport des shérifs déclarant que le décret ministériel était considéré comme signifié à 8 h 45 le 19 septembre 2003. Il en résulte que la grève menée par le syndicat qui a duré jusqu’à ce que le président du syndicat se voit signifier le décret à 17 h 25 était clairement illégale…
  25. Une lecture rapide de [l’article 263(g) du Code du travail] montre que, lorsque le ministre du Travail se déclare compétent pour connaître d’un conflit du travail dans une branche d’activité indispensable à l’intérêt national, ou renvoie ce conflit devant la Commission nationale des relations du travail pour un arbitrage obligatoire, cette déclaration de compétence ou cette obligation d’arbitrage aura pour effet d’ordonner automatiquement l’arrêt de la grève ou du lock-out annoncé ou imminent. De plus, si la grève ou le lock-out a déjà commencé, tous les travailleurs grévistes doivent immédiatement reprendre le travail.
  26. Une fois que le ministre a pris un décret pour se déclarer compétent, les grèves sont interdites et, si une grève a déjà commencé, tous les grévistes doivent immédiatement reprendre leur travail. La déclaration de compétence du ministre et/ou le renvoi à un arbitrage obligatoire se traduisent automatiquement par la reprise du travail de tous les travailleurs grévistes…
  27. En conséquence, les responsables du syndicat ont perdu leur statut d’employés pour avoir participé en toute connaissance de cause à un acte illégal. L’[université] peut choisir de leur envoyer un préavis mettant fin à leur emploi. Cependant, les travailleurs grévistes normaux ne peuvent pas être licenciés au seul motif qu’ils ont participé à une grève illégale. Il faut apporter la preuve qu’ils ont commis des actes répréhensibles au cours de la grève [souligné dans les pages 7, 9 et 10].
  28. 1339. Le comité note également que, d’après l’organisation plaignante, l’université, à la suite de cette décision, a déposé un recours en révision partielle sur la partie de la décision qui confirmait les constatations du ministre du Travail et de l’Emploi à propos des avantages économiques des travailleurs, alors que le syndicat a déposé un recours en révision partielle de la partie de la décision relative à l’illégalité de la grève et la perte du statut d’employé des responsables syndicaux. En dépit de ce fait et au total mépris du fait que la décision n’était pas définitive ni exécutoire en raison des appels déposés par les deux parties, l’université a immédiatement procédé au licenciement de tous les responsables syndicaux (Theodore Neil Lasola, Merlyn Jara, Julius Mario, Flaviano Manalo, Rene Cabalum, Herminigildo Calzado, Luz Cazaldo, Ray Anthony Zuñiga, Rizalene Villanueva, Rudante Dolar, Rover John Tavarro, Rena Lete, Alfredo Goriona, Ramon Vacante et Maximo Montero).
  29. 1340. Le comité observe que la Cour d’appel dans sa décision du 23 août 2005 n’a pas apporté de commentaires sur la façon dont l’université avait procédé pour licencier les travailleurs, mais elle s’est contentée de rejeter l’appel déposé par l’USAEU, confirmant la décision antérieure prise par la cour en la matière. Cependant, sur la question des avantages économiques, objet du recours déposé par l’université, la cour a déclaré que le ministre du Travail et de l’Emploi «avait abusé de son pouvoir de décision» en statuant sur cette question, qui devait être renvoyée une fois de plus à un arbitrage volontaire. Le comité note que d’après la décision de la cour:
  30. … [l’objet du litige] porte sur l’interprétation ou l’application de la convention collective et sur l’interprétation ou la mise en œuvre des politiques de l’entreprise en matière de ressources humaines. Par conséquent, il s’agit d’une question relevant de la procédure de règlement des différends prévue dans la convention collective. Il faut rappeler que la convention collective représente le droit entre les parties. Il s’agit d’un accord qu’ils ont souscrit librement et volontairement. Tous les termes et toutes les conditions qui y figurent doivent être respectés. Les parties ont en outre décidé que, au cas où le mécanisme de règlement des différends prévu dans la convention collective ne permettait pas de régler le litige, ce dernier serait renvoyé à un arbitrage volontaire pour arbitrage et résolution définitive.
  31. Il en découle clairement que la question des avantages économiques de la convention collective doit être réglée par le biais de la procédure de règlement des différends décidée par les deux parties. Comme cela a toujours été le cas, l’arbitrage volontaire prévaut sur les autres procédures de règlement des différends [pp. 11 et 12].
  32. 1341. Le comité note également que l’USAEU a déposé une requête en réexamen de cette décision devant la Cour suprême, en argumentant que le ministre du Travail et de l’Emploi n’avait pas gravement abusé de son pouvoir de décision, mais qu’il avait simplement appliqué l’article 263(g) du Code du travail qui lui permettait de se déclarer compétent pour connaître du conflit; de plus, sa décision reflétait la jurisprudence établie par la Cour suprême qui avait déjà tranché la question des avantages économiques de façon définitive dans le cas de l’Institut supérieur Saint-Joseph. Cependant, dans son arrêt du 28 mars 2006, la Cour suprême a confirmé la décision de la Cour d’appel.
  33. 1342. Le comité note que la Cour suprême n’a pas porté de jugement sur la question des licenciements des responsables syndicaux, effectués en application d’une décision qui n’était ni définitive ni exécutoire. Le comité note donc que, d’après l’organisation plaignante, les responsables syndicaux ont été congédiés en dépit de 12, 18, 20 et 25 ans d’ancienneté et d’états de service excellents et irréprochables. Selon l’organisation plaignante, les actes de l’université avaient pour but le démantèlement du syndicat étant donné que ces licenciements prématurés avaient effectivement semé la panique parmi les membres du syndicat et supprimé également les activités syndicales à l’université, en «terrorisant» ceux qui voulaient négocier de meilleures conditions d’emploi; aucun des membres restants de l’USAEU n’avait le courage de faire un procès pour demander leur part des avantages sociaux, de peur des représailles de la direction de l’université.
  34. 1343. Le comité note que la Cour suprême a tranché, entre autres choses, des questions suivantes: i) la grève était illégale parce que les responsables syndicaux auraient dû «immédiatement» reprendre le travail après que le décret ministériel leur a été signifié par voie d’affichage au lieu de contourner la procédure juridique habituelle (selon laquelle un décret est considéré comme signifié lorsqu’il est affiché); la pratique apparemment bien établie du ministère du Travail et de l’Emploi d’accorder un délai de 24 heures pour la reprise du travail n’avait aucune base juridique et ne faisait pas partie de la jurisprudence; les tribunaux n’avaient jamais interprété les mots «immédiatement reprendre le travail» que l’on trouvait dans l’article 263(g) comme signifiant «dans les 24 heures»; au contraire, ces mots signifiaient «que le travailleur doit pratiquement instantanément ou automatiquement reprendre le travail dès que le décret ministériel a été dûment signifié»; ii) le ministre du Travail et de l’Emploi n’aurait pas dû exercer le pouvoir de décision dont il disposait au titre de l’article 263(g) du Code du travail et se déclarer compétent pour ce conflit étant donné que l’objet du litige relevait de la procédure de règlement des différends inscrite dans la convention collective car il s’agissait de problèmes d’interprétation ou d’application de la convention collective ou des politiques de l’entreprise en matière de ressources humaines; iii) il en résultait que le ministère du Travail et de l’Emploi n’était pas l’organe approprié pour rendre un arbitrage, et le fait que l’employeur avait déjà donné son accord à cet arbitrage n’était pas pertinent; l’université ne l’avait fait que parce que le Conseil de conciliation et de médiation national (NCMB) n’était pas parvenu auparavant à accorder à l’université la protection juridique qu’elle aurait dû recevoir, en autorisant à tort le syndicat à mener une grève le 19 septembre 2003; de ce fait, privée de recours contre la grève, l’université n’avait pas eu d’autres recours que d’en référer au ministère du Travail et de l’Emploi; iv) en conséquence, la Cour suprême avait décidé de soumettre le conflit à un arbitrage une fois de plus à titre d’exception à la règle générale accordant au ministre du Travail et de l’Emploi la juridiction sur tous les aspects d’un conflit du travail. La Cour suprême ajoute:
  35. Nous n’oublions pas … que la compétence du ministre du Travail et de l’Emploi pour tous les conflits du travail doit inclure et s’étendre à toutes les questions et controverses découlant de ce conflit, y compris les cas relevant de la compétence exclusive de l’arbitre du travail. Cependant, nous sommes enclins à faire du cas présent une exception à cette jurisprudence. En effet, le fait que le NCMB n’ait pas donné suite à la requête de l’université pour que le conflit soit soumis à un arbitrage volontaire a véritablement forcé l’université à rechercher et ensuite à se soumettre à la juridiction du [ministre du Travail et de l’Emploi].
  36. En résumé, les faits particuliers du cas d’espèce montrent que l’université s’est vue privée d’un recours qui aurait interdit la grève, et elle n’a eu d’autre recours que de demander au [ministre du Travail et de l’Emploi] de se déclarer compétent [pp. 15-17, 19].
  37. 1344. Le comité note en outre que, le 5 mai 2006, l’USAEU a déposé auprès de la Cour suprême un recours en révision attirant l’attention de la cour sur diverses objections, parmi lesquelles figuraient certaines irrégularités supposées de sa décision. Le 5 juin 2006, l’organisation plaignante dans ce cas (la FFW) a déposé une «requête en intervention» auprès de la Cour suprême, arguant entre autres choses que la décision représentait un précédent dangereux, étant donné qu’il n’y avait plus aucune distinction entre le respect et le mépris des prescriptions juridiques avant de lancer une action de grève. La cour, dans son arrêt du 14 juin 2006, a rejeté «définitivement» le recours de l’USAEU, «les questions essentielles qui y étaient posées avaient déjà fait l’objet d’un examen et d’une décision par la cour dans l’arrêt mentionné, et aucun nouvel argument substantiel n’avait été apporté justifiant la révision demandée». L’intervention demandée par la FFW a simplement été «classée sans suite». Le comité note que l’organisation plaignante s’est montrée choquée de ne pas avoir reçu de réponse aux objections soulevées dans son recours de 64 pages. L’USAEU a alors déposé un recours en vue d’obtenir une décision en plénière. Le 4 octobre 2006, la deuxième chambre de la Cour suprême a rendu un arrêt rejetant le recours de façon définitive et déclarant qu’«aucune autre demande ne serait admise» par la cour.
  38. 1345. Finalement, le comité observe que, d’après l’organisation plaignante, l’USAEU entre-temps a organisé une grève contre le démantèlement du syndicat. Cette fois-là cependant, peu de membres du syndicat ont participé à la grève, et le ministère du Travail et de l’Emploi n’a envoyé aucun décret pour se déclarer compétent. D’après l’organisation plaignante, la peur des représailles de la part de la direction avait eu raison des membres de l’USAEU. Après plus de cinq mois de grève, les quelques membres qui participaient à la grève ont repris le travail. Entre-temps, d’après les allégations du plaignant, plusieurs des responsables syndicaux licenciés ont eu à pâtir de l’intervention invisible de l’université lorsqu’ils se sont portés candidats à des postes dans d’autres écoles, leur dossier étant d’abord retenu en raison de leurs bonnes références, puis finalement rejeté pour des raisons inconnues.
  39. 1346. Le comité note que le gouvernement a répondu aux allégations susmentionnées en déclarant qu’apparemment le syndicat avait été mécontent de l’application de la règle traditionnelle, selon laquelle les cours d’appel ne peuvent décider que des questions soulevées en appel dans la requête en réexamen – et non des nouvelles questions présentées pour la première fois dans un recours en révision. De plus, les communications successives de l’organisation plaignante à l’OIT et l’insistance de l’USAEU pour que l’affaire soit renvoyée devant la cour en plénière – après que le syndicat a déposé devant la deuxième chambre (qui était alors présidée par le juge qui préside actuellement la cour en plénière) un recours en révision de sa décision unanime et après qu’il a demandé à l’OIT de peser de son poids sur la cour alors que l’affaire était encore en instance devant cette chambre, sans obtenir de jugement favorable – vont à l’encontre de l’équité et de la justice. L’arrêt de la Cour suprême du 28 mars 2006 est devenu définitif, et l’insistance de l’organisation plaignante pour que l’OIT s’ingère dans la décision finale de la cour n’est pas à porter au crédit du syndicalisme et met en péril le fonctionnement sain de la négociation collective. Le droit à la liberté d’association et à la négociation collective est pleinement garanti par la Constitution des Philippines et la législation du travail – et est reconnu et respecté par les tribunaux. Toutefois, si un procès est inévitable, les syndicats doivent malgré tout présenter des éléments de preuve et des arguments solides à la cour et ne devraient pas seulement s’appuyer sur des menaces d’intervention par des organismes internationaux ou des organisations et l’éventualité de sanctions économiques et politiques. Une bonne loi ne peut s’appliquer sans éléments de preuves. Avec des preuves solides, une bonne loi – même sans l’intervention d’organismes étrangers – prévaudra devant un tribunal et fera justice aux parties concernées.
  40. 1347. Finalement, le comité note que, au sujet des allégations relatives aux cinq premiers licenciements de travailleurs et de l’ingérence dans l’assemblée générale de l’USAEU, le gouvernement renvoie aux dispositions juridiques qui accordent une protection contre les actes de discrimination antisyndicaux et rappelle que certaines de ces affaires ont été soumises à l’arbitrage de la Commission nationale des relations au travail (NLRC), un organisme tripartite comportant un nombre identique de travailleurs, d’employeurs et de représentants du secteur public, qui a tranché en faveur de l’employeur. Le gouvernement ne voyait donc pas la nécessité d’apporter des commentaires à ce sujet.
  41. 1348. Concernant les décisions de la Cour d’appel et de la Cour suprême qui ont déclaré que la grève du 19 septembre 2003 était illégale et que les travailleurs avaient «automatiquement» perdu leur statut d’employés, le comité note le peu de considération qui a été apportée: i) au fait que les travailleurs se sont mis en grève avec la conviction qu’ils avaient respecté toutes les dispositions juridiques très contraignantes relatives aux grèves, comme le prouvait le fait que le Conseil de conciliation et de médiation national (NCMB) n’avait pas donné suite au recours de l’université du 15 septembre 2003 visant à empêcher la grève; et ii) au fait que le ministre du Travail et de l’Emploi, compétent en application de l’article 263(g)et (i) pour rendre une décision définitive sur ces questions, avait constaté qu’il n’y avait aucune raison de déclarer que les quinze responsables syndicaux avaient perdu leur statut d’employés, étant donné que la grève avait été suspendue dans les délais légaux et que les actes des responsables syndicaux une fois que le décret avait été officiellement signifié à leur président attestaient de leur bonne foi.
  42. 1349. Tout en prenant dûment note de la clause inscrite dans la convention collective en vigueur interdisant la grève, le comité observe également que les dispositions économiques de cette convention venaient à échéance deux ans avant l’expiration de la convention dans son ensemble, et que cette disposition pouvait certainement donner lieu – c’était le moins qu’on pouvait dire – à une ambiguïté sur la façon de renégocier les nouvelles conditions économiques. Le comité observe que les avis divergent quant à l’applicabilité de ces dispositions, y compris de celles relatives à la procédure de règlement des différends, dans le cas d’espèce. Toutefois, le comité, à la lumière des faits et de la position adoptée par le ministre du Travail et de l’Emploi, estime que les cours auraient pu faire preuve de plus de considération pour: i) la nécessité de veiller à la proportionnalité entre la sanction imposée, c’est-à-dire la perte automatique du statut d’employé de 15 responsables syndicaux (la totalité du bureau du syndicat), et la gravité du délit commis en organisant une grève pacifique qui a duré moins de neuf heures et a été suspendue avant le délai fixé par l’employeur; ii) l’impact que les licenciements de la totalité du bureau du syndicat étaient susceptibles d’avoir sur l’existence de ce syndicat au sein de l’université ainsi que sur les négociations en cours entre l’université et l’USAEU; iii) le fait que ces licenciements aient été prononcés avant que la décision de la cour devienne définitive et exécutoire, et qu’en même temps il soit refusé de mettre en œuvre la partie de la décision qui était favorable aux travailleurs, ainsi que l’effet d’intimidation que ces faits pouvaient avoir sur les responsables et les membres du syndicat mis devant le fait accompli.
  43. 1350. Le comité rappelle que le recours à des mesures extrêmement graves comme le licenciement de travailleurs du fait de leur participation à une grève et le refus de les réembaucher impliquent de graves risques d’abus et constituent une violation de la liberté syndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 666.]
  44. 1351. Le comité rappelle que, dans les circonstances du cas d’espèce, l’USAEU n’a pas été en mesure de faire examiner par les tribunaux ses allégations de discrimination antisyndicale et d’ingérence, étant donné que la cour a estimé que ces allégations étaient des faits nouveaux présentés pour la première fois à propos de ce cas, et a rejeté leur examen en appel.
  45. 1352. Dans ces circonstances, le comité demande au gouvernement de réexaminer la question des quinze responsables syndicaux licenciés et de s’assurer de l’organisation d’un processus de conciliation avec l’université concernant leur réintégration, et lui demande de le tenir informé à ce sujet.
  46. 1353. Concernant les décisions des cours relatives aux avantages économiques des travailleurs, le comité rappelle que la fixation des salaires, y compris les allocations et indemnités, est sujette à négociation collective dans un cadre libre et volontaire. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 913.] Le comité rappelle que l’article 4 de la convention no 98, ratifiée par les Philippines, exige de promouvoir la négociation collective. Le droit de négocier librement avec les employeurs au sujet des conditions de travail constitue un élément essentiel de la liberté syndicale, et les syndicats devraient avoir le droit, par le moyen des négociations collectives ou par tout autre moyen légal, de chercher à améliorer les conditions de vie et de travail de ceux qu’ils représentent. Les autorités publiques devraient s’abstenir de toute intervention de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. Toute intervention de ce genre semblerait une violation du principe selon lequel les organisations de travailleurs et d’employeurs ont le droit d’organiser leur gestion et leur activité et de formuler leur programme d’action. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 881.]
  47. 1354. A la lumière de ce qui précède, le comité estime que le recours à l’article 263(g) du Code du travail pour obtenir un arbitrage obligatoire n’était pas approprié, et il demande au gouvernement de l’informer du résultat de l’arbitrage volontaire ordonné par la cour sur les conditions d’emploi des travailleurs de l’université pour la période 2003-2005. Il demande également au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour organiser dans les plus brefs délais des consultations entre l’université et l’USAEU afin de promouvoir des négociations de bonne foi entre les parties dans le but de fixer les futures conditions d’emploi des travailleurs au moyen d’une convention collective. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.
  48. 1355. Quant aux allégations de listes noires, le comité, tout en remarquant avec regret que le gouvernement ne donne aucune réponse à ce sujet, rappelle que la pratique consistant à établir des listes noires de dirigeants et militants syndicaux met gravement en péril le libre exercice des droits syndicaux, et, d’une manière générale, les gouvernements devraient prendre des mesures sévères à l’égard de telles pratiques. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 803.]
  49. 1356. Concernant les allégations selon lesquelles le conseiller juridique de l’université aurait abusé de son influence sur la Cour suprême, le comité déplore que le conflit à l’examen ait suscité autant d’amertume, et observe que l’employeur a également proféré des accusations de corruption à l’encontre du ministère du Travail et de l’Emploi en raison de sa décision du 6 avril 2004 qui était favorable au syndicat (voir le recours en révision partielle du 6 avril 2005, paragraphe 17). Il considère qu’il n’est pas en mesure de se pencher sur ces questions.
  50. 1357. Le comité note également que, d’après l’organisation plaignante, les décisions susmentionnées, tout particulièrement celle de la Cour suprême qui fait automatiquement partie de la législation nationale, ont incité les employeurs de la région des Visayas à se lancer brutalement dans des actions visant à démanteler les syndicats et à licencier les employés sans crainte de sanctions. Ainsi, l’organisation plaignante allègue que 39 responsables syndicaux d’Eon Philippines Industries Corporation ont été licenciés au motif que l’entreprise «perdait de l’argent» et avait «trop de personnel», sans que l’entreprise ne présente aucune preuve dans ce sens (l’entreprise continuait d’engager du personnel). Il s’agissait simplement d’un syndicat qui venait d’être constitué par la Fédération des travailleurs libres (FFW) dans les Visayas. Seuls les signataires d’une plainte déposée contre la direction auprès du ministère du Travail et de l’Emploi ont été licenciés. Sept des militants licenciés étaient des responsables du syndicat. En outre, la responsable syndicale de l’hôpital Capiz Emmanuel de la ville de Roxas a été licenciée sur la base de fausses accusations (mauvaise gestion financière), alors que l’administrateur de l’hôpital avait dit sans ménagement aux autres responsables syndicaux qu’ils subiraient le même sort que les responsables syndicaux de l’USAEU.
  51. 1358. Le comité note qu’en réponse à ces allégations le gouvernement se contente de remarquer que l’organisation plaignante n’avait pas mentionné que des recours juridiques avaient été engagés contre ces actes.
  52. 1359. Le comité observe que les lettres de licenciement qui lui ont été présentées informent simplement les responsables syndicaux et les militants que leur emploi a pris fin suite à une mesure de réduction du personnel, sans que soient mentionnées les raisons pour lesquelles ces travailleurs spécifiques avaient été sélectionnés pour être licenciés ni mentionnée de consultation préalable du syndicat. Le comité rappelle que l’application des programmes de réduction de personnel ne doit pas être utilisée pour procéder à des actes de discrimination antisyndicale. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 796.] Dans un cas concernant un grand nombre de licenciements de dirigeants syndicaux et d’autres syndicalistes, le comité a estimé qu’il serait particulièrement approprié qu’une enquête soit menée par le gouvernement en vue d’établir les véritables raisons des mesures prises. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 812.] Le comité demande donc au gouvernement de diligenter immédiatement une enquête indépendante à propos des allégations de discrimination antisyndicale à Eon Philippines Industries Corporation et à l’hôpital Capiz Emmanuel de la ville de Roxas et, si les actes de discrimination antisyndicale sont confirmés, de veiller à ce que les travailleurs concernés soient réintégrés dans leurs postes sans perte de salaire. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1360. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité demande instamment au gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour assurer que l’amendement de l’article 263(g) du Code du travail, qui est envisagé depuis au moins quatre ans, soit adopté dans les plus brefs délais. Il lui demande instamment aussi de veiller à ce que cet amendement n’inclue pas les transports dans les services essentiels au sens strict du terme et attire l’attention de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations sur les aspects législatifs de ce cas.
    • b) Le comité demande au gouvernement de réexaminer le licenciement de la totalité du bureau de l’USAEU (Theodore Neil Lasola, Merlyn Jara, Julius Mario, Flaviano Manalo, Rene Cabalum, Herminigildo Calzado, Luz Cazaldo, Ray Anthony Zuñiga, Rizalene Villanueva, Rudante Dolar, Rover John Tavarro, Rena Lete, Alfredo Goriona, Ramon Vacante et Maximo Montero) et de garantir l’organisation d’un processus de conciliation avec l’université concernant leur réintégration, et lui demande de le tenir informé à ce sujet.
    • c) Le comité demande au gouvernement de l’informer du résultat de l’arbitrage volontaire ordonné par la cour sur les conditions d’emploi des travailleurs de l’université San Agustin pour la période 2003-2005. Il demande également au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour organiser dans les plus brefs délais des consultations entre l’université et l’USAEU afin de promouvoir des négociations entre les parties dans le but de fixer les futures conditions d’emploi des travailleurs au moyen d’une convention collective. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.
    • d) Le comité demande au gouvernement de diligenter immédiatement une enquête indépendante à propos des allégations de discrimination antisyndicale à Eon Philippines Industries Corporation et à l’hôpital Capiz Emmanuel de la ville de Roxas et, si les actes de discrimination antisyndicale sont confirmés, de veiller à ce que les travailleurs concernés soient réintégrés dans leurs postes sans perte de salaire. Le comité demande à être tenu informé à ce sujet.
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