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Informe provisional - Informe núm. 353, Marzo 2009

Caso núm. 2516 (Etiopía) - Fecha de presentación de la queja:: 11-SEP-06 - Cerrado

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  1. 968. Le comité a examiné ce cas à sa session de novembre 2007. [Voir 348e rapport, paragr. 629-695.] L’Association des enseignants éthiopiens (ETA) et l’Internationale de l’éducation (IE) ont adressé de nouvelles allégations dans des communications datées du 10 décembre 2007 et du 9 juin 2008. Dans une communication en date du 27 janvier 2009, la Confédération syndicale internationale (CSI) a fourni des informations additionnelles au nom de l’IE.
  2. 969. Le gouvernement a adressé ses observations dans des communications en date du 4 février et du 2 juillet 2008, et du 19 février 2009.
  3. 970. L’Ethiopie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

A. Dernier examen du cas

A. Dernier examen du cas
  1. 971. A sa session de novembre 2007, le comité a estimé nécessaire d’attirer l’attention du Conseil d’administration sur ce cas en raison de l’extrême gravité et de l’urgence des problèmes posés et a formulé les recommandations suivantes [voir 348e rapport, paragr. 4 et 695]:
    • a) Le comité lance un appel au gouvernement pour qu’il respecte pleinement le droit de l’ETA à organiser son administration interne sans aucune ingérence des autorités, et pour qu’il réponde de façon complète et détaillée aux nombreuses et graves allégations présentées dans ce cas d’ingérence répétée du gouvernement, de harcèlement, d’arrestations, de détention et de torture des membres de l’ETA depuis plus d’une décennie.
    • b) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour que le droit à la liberté syndicale soit respecté pour les fonctionnaires, et notamment pour les enseignants du secteur public conformément à la convention no 87, ratifiée par l’Ethiopie. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de cette question.
    • c) Concernant les allégations relatives à l’ingérence dans les activités de l’ETA et la confiscation de son matériel et de ses documents, le comité observe que le gouvernement n’a pas donné de réponse au sujet de ces allégations très graves d’infraction aux droits syndicaux et lui demande de le faire dans les plus brefs délais, afin de pouvoir examiner cette question en toute connaissance de cause. Entre-temps, il demande au gouvernement de veiller au respect des droits syndicaux et de rendre tout matériel confisqué sans mandat spécifique ou qui n’aurait pas de lien avec tout chef d’accusation en suspens.
    • d) Le comité demande au gouvernement de diligenter une enquête indépendante approfondie sur toutes les allégations qui ont été présentées dans ce cas et dans le cas précédent no 1888 concernant les mesures prises par le gouvernement pour soutenir le groupe ETA rival et remettre en cause l’organisation plaignante, et de fournir un rapport détaillé sur les progrès réalisés sur cette question et les conclusions qui en ressortiront. Entre-temps, le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que l’ETA puisse mener ses activités sans subir la répression du gouvernement. Le comité demande en outre au gouvernement de fournir des informations sur toute mesure ou action entreprise à la suite de l’arrêt du 21 juin 2007 de la Haute Cour fédérale.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que tous les membres de l’ETA qui sont encore en détention soient libérés ou présentés dans les plus brefs délais devant une autorité judiciaire indépendante et impartiale, et jouissent de toutes les garanties nécessaires pour assurer leur défense. De plus, le comité demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce qu’à l’avenir les travailleurs ne fassent plus l’objet de harcèlement ni de détention en raison de leur appartenance à un syndicat ou de leurs activités syndicales. Le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir dans les plus brefs délais ses observations sur les allégations relatives à l’arrestation, la détention ou la disparition des personnes suivantes: Abate Angore, Teferi Gessesse, Tesfaye Yirga, Tamirat Testfaye, Dibaba Ouma, Ocha Wolelo, Bekele Gagie, Serkaalem Kebede, Mulunesh Ababayehu Teklewold et Tilahun Ayalew, ainsi que sur la liste des 68 enseignants arrêtés présentée par les organisations plaignantes (voir l’annexe). Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de toute décision rendue par les tribunaux concernant ces membres de l’ETA, et de prendre des mesures pour assurer la libération immédiate de tous ces membres et dirigeants syndicaux qui seraient encore en détention en raison de leurs activités syndicales et leur appartenance à un syndicat, et de prendre des mesures pour qu’ils perçoivent une compensation appropriée pour les préjudices subis.
    • f) Etant donné la gravité des accusations de torture à l’encontre de MM. Getnet et Mengistu au cours de leur détention pour leur faire avouer leur appartenance à une organisation illégale, la longueur de leur détention, la nature vague des charges pesant sur eux, leur libération à plusieurs reprises sans explications quant aux raisons de leur détention pour qu’ils soient ensuite de nouveau arrêtés, le comité prie instamment le gouvernement de diligenter dans les plus brefs délais une enquête indépendante, sous la direction d’une personne qui bénéficierait de la confiance de toutes les parties concernées, afin de faire toute la lumière sur les circonstances de leurs arrestations et de leurs détentions successives, déterminer les responsabilités s’il apparaissait qu’ils ont fait l’objet de mauvais traitements, et punir les responsables. S’il s’avérait qu’ils ont été détenus pour des raisons syndicales, le comité demande au gouvernement de prendre des mesures en vue de leur libération immédiate et pour qu’il leur soit versé une indemnité appropriée pour le préjudice subi. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des résultats de cette enquête.
    • g) Le comité prie fermement et instamment le gouvernement d’accepter très prochainement la mission de contacts directs demandée par la Commission de l’application des normes de la Conférence et espère que cette dernière inclura l’examen de toutes les questions soulevées dans la présente plainte.

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes

B. Nouvelles allégations des organisations plaignantes
  1. 972. Dans leurs communications en date du 10 décembre 2007 et du 9 juin 2008, l’ETA et l’IE indiquent que, le 29 octobre 2007, la Cour suprême fédérale a décidé de libérer 47 détenus sous caution, parmi eux Anteneh Getnet, membre du Comité régional d’Addis-Abeba; Berhanu Aba-Debissa, membre de l’ETA enseignant à Wolaita Sodo; Woldie Dana, membre de l’ETA enseignant à Bodity, et son épouse Wibit Ligamo. Selon les informations reçues, tous ces détenus pouvaient être libérés contre une caution de 2 000 birr éthiopiens (150 euros). A l’ouverture de la procédure de libération sous caution, la caution était passée à 5 000 birr éthiopiens (375 euros) par personne. Seule la famille d’Anteneh Getnet a été capable de verser les 5 000 birr demandés pour sa libération. Les autres, Berhanu Aba-Debissa, Woldie Dana et son épouse, sont restés incarcérés à la prison de Kality jusqu’au 17 décembre 2007. On a signalé le harcèlement des proches et des amis qui rassemblaient l’argent des cautions par les fonctionnaires de la région. Contrairement à ses collègues syndicalistes, Meqcha Mengistu, qui est le président du Comité exécutif de l’ETA de la zone de Gojam Est et un des membres du comité de l’ETA ayant bénéficié d’une formation pour mettre en œuvre le programme IE/ETA d’Education pour tous/SIDA (EPT/SIDA), s’est vu privé du droit d’être libéré sous caution et il reste en prison.
  2. 973. Les organisations plaignantes rappellent que ces six personnes ont été arrêtées et détenues des semaines durant sans être informées des charges pesant sur elles; qu’elles ont connu divers lieux de détention où elles ont reçu des coups et des blessures; et que, au cours de leur détention, il leur a été demandé de quitter l’ETA. L’IE et l’ETA pensent que leur détention est liée à leur appartenance à l’ETA.
  3. 974. L’ETA est également préoccupée par le sort de Tilahun Ayalew, président de l’ETA dans la zone Awi, disparu depuis le 28 mai 2007. L’ETA ne sait pas s’il est encore en vie. M. Anteneh Getnet est lui aussi porté disparu depuis avril 2008.
  4. 975. Les organisations plaignantes allèguent en outre d’actes de harcèlement commis entre septembre et novembre 2007 à l’encontre des personnes suivantes: Mmes Berhanework Zewdie, Aregash Abu, Elfinesh Demissie et M. Wasihun Melese, tous membres du Comité exécutif national de l’ETA, ainsi qu’à l’encontre de plus de 50 militants en vue de l’ETA à Addis-Abeba, à Nekemt (Wollega oriental) et à Jima (sud-ouest). Tous ont été emmenés au commissariat de police proche de leur école respective par des agents de la sécurité qui leur ont vivement conseillé de cesser leurs activités syndicales. Les collègues arrêtés à Nekemt et à Jima ont été maintenus en garde à vue policière pendant cinq à dix jours en septembre 2007.
  5. 976. Par ailleurs, Mme Elfinesh Demissie a été pénalisée de 36 jours de salaire en moins par le proviseur de son établissement, alors même que les membres de la commission de discipline avaient rejeté toutes les accusations portées contre elle. Mme Demissie est enseignante et syndiquée à l’ETA depuis 1974. Elle a été élue en août 2006 au Comité national de l’ETA. Mme Demissie est bien connue dans les milieux de l’éducation mais au-delà également en tant que militante éminente des droits des femmes ainsi que pour son engagement au sein du Conseil éthiopien des droits de l’homme dans lequel elle a siégé en qualité de membre du comité exécutif au cours de deux mandats (1994-2005). En 2006, le directeur de son ancienne école, l’école primaire de Misrak Goah à Addis-Abeba (depuis, elle a été transférée à sa demande dans un autre établissement), qui dénonçait régulièrement son militantisme syndical a finalement déposé une plainte contre elle pour absentéisme. Il a accusé Mme Demissie d’absentéisme parce que celle-ci avait pris un congé pour assister à l’assemblée générale de l’ETA du 30 août au 1er septembre 2006. Les membres de la commission de discipline ont rejeté à l’unanimité toutes les accusations portées contre Mme Demissie. Nonobstant cette décision, le directeur l’a sanctionnée en déduisant de son salaire 36 jours de travail, soit 1 572 birr (environ 120 euros). Depuis lors, la justice tarde à se saisir du dossier.
  6. 977. Les organisations plaignantes affirment en outre que les enseignants qui ont manifesté pour soutenir l’ETA ont été sévèrement tancés par leur hiérarchie sous la forme d’avertissements. Les moyens de communication contrôlés par l’Etat accordent une large couverture à l’élection professionnelle organisée pour la constitution de l’ETA en 1993. Les directeurs des établissements scolaires auraient été exhortés à faciliter la mise en œuvre du processus électoral à travers tout le pays, de la base jusqu’au niveau national.
  7. 978. Les organisations plaignantes affirment également que les professeurs qui ont refusé de prendre part aux opérations de recensement de la population dans la région éthiopienne de Somali en novembre 2007 avaient été suspendus de leurs fonctions. Elles expliquent qu’un recensement national avait eu lieu entre le 21 avril et le 22 mai 2007 dans tout le pays, à l’exception de deux régions: Afar (nord-est) et Somali (est). La Commission nationale de la statistique et le ministère de l’Education avaient convenu de confier aux seuls enseignants la tâche d’effectuer les opérations de recensement; des milliers d’enseignants, volontaires, étaient donc allés de maison en maison compter les résidents dans les zones urbaines et rurales. Cependant, lorsqu’il s’était agi d’effectuer le recensement dans la région éthiopienne de Somali en novembre 2007, les enseignants avaient été choisis à travers tout le pays de manière aléatoire par leur hiérarchie. Ceux qui avaient refusé de s’exécuter en raison de l’insécurité et de l’impunité qui règnent dans cette partie du pays avaient été limogés. Des centaines d’enseignants avaient été suspendus pour ce motif. D’après une information figurant dans une communication en date du 10 décembre 2007, certains d’entre eux ont été réintégrés et ont perçu leur salaire du mois de novembre. Les organisations plaignantes font de même valoir que, lorsque des enseignants sont contraints par leur hiérarchie d’organiser le recensement de la population, leurs tâches d’enseignement sont réparties entre les enseignants restants, qui sont surchargés, et la qualité de l’enseignement s’en ressent.
  8. 979. En matière de fait nouveau positif, les organisations plaignantes signalent qu’en 2007 l’ETA avait organisé avec succès des manifestations à l’occasion de la Journée mondiale des enseignants dans trois grandes villes: Addis-Abeba, Harar et Awasa. L’ETA a invité les éducateurs, les parents et les représentants des étudiants à célébrer la Journée mondiale des enseignants le samedi 6 octobre afin d’éviter les désagréments que subissent habituellement les enseignants de la part de certains directeurs d’école et des agents de sécurité lorsque les réunions se déroulent pendant la semaine. Les réunions ont été consacrées aux conditions de travail des enseignants. Les membres de l’ETA ont réitéré leur désir de travailler en collaboration avec les pouvoirs publics à l’amélioration des conditions de travail des enseignants suivant le principe que «de meilleures conditions de travail pour les enseignants signifient de meilleures conditions pour apprendre».
  9. 980. Dans une communication en date du 27 janvier 2009, la Confédération syndicale internationale (CSI) indique qu’elle fournit, à la demande de l’IE, les informations additionnelles suivantes relatives au présent cas qui concerne des plaintes présentées par l’ETA et l’IE en septembre 2006. La CSI souligne que l’IE continue d’avoir une organisation affiliée en Ethiopie, qui tente d’obtenir son enregistrement sous un nom différent suite à la décision du 7 février 2008 de la Cour suprême qui a dissous l’association précédemment connue sous le nom d’ETA. La CSI considère que l’IE et l’ancienne ETA conservent le droit fondamental de soumettre des informations additionnelles dans le présent cas, malgré l’absence d’une reconnaissance formelle par le gouvernement.
  10. 981. La CSI indique, en particulier, qu’à la date du 7 février 2008 (après trois ajournements les 14 décembre 2007, 31 décembre 2007 et 2 janvier 2008) la Cour suprême fédérale a ordonné à l’Association des enseignants éthiopiens constituée en 1949 (ci-après ETA 1949) de transférer ses biens et autres avoirs ainsi que son nom à l’Association des enseignants éthiopiens formée en 1993 (ci-après ETA 1993). Le 21 février 2008, l’ETA 1949 a introduit un recours devant la Cour de cassation. Le 26 juin 2008 (après trois ajournements les 7 avril, 18 avril et 11 juin 2008), la Cour de cassation a confirmé les décisions de la Haute Cour fédérale et de la Cour suprême fédérale. Le 28 juin 2008, un représentant de l’ETA 1993, accompagné par un huissier et des agents de sécurité, s’est rendu dans les locaux de l’ETA pour en réclamer la remise. Depuis cette date, les enseignants membres de l’ETA 1949 éprouvent de grandes difficultés à demeurer en contact et a fortiori à participer à des réunions d’enseignants et à des activités syndicales. Les membres de l’ETA 1949 sont très frustrés devant cette situation. Le programme d’Education pour tous/SIDA de l’IE, mis en œuvre par l’ETA 1949, a été suspendu en 2008. Ceci a empêché les enseignants éthiopiens de bénéficier de formations professionnelles et d’activités d’une grande pertinence.
  11. 982. La CSI indique par ailleurs que le 21 juillet 2008 un groupe de dix enseignants a déposé une demande d’immatriculation de l’Association nationale des enseignants éthiopiens (ETNA). Le 4 août 2008, un officiel du ministère de la Justice leur a conseillé de changer le nom de la nouvelle association car celui proposé par les membres fondateurs comme le nom alternatif, à savoir «Teachers’ National Association» (Association nationale des enseignants), n’était pas acceptable en raison de la similitude avec le nom précédent d’Association des enseignants éthiopiens (ETA). Enfin, le 12 août 2008, le ministère de la Justice a admis le nom proposé de «National Teachers’ Association (NTA)» (Association nationale des enseignants). Dans sa communication en date du 15 août 2008 adressée aux fondateurs de la NTA, le bureau d’immatriculation du ministère de la Justice a indiqué que le nom NTA était trop proche de celui d’ETA déjà enregistré et devait par conséquent être modifié. La lettre indiquait par ailleurs que, dans la mesure où les fondateurs de la NTA étaient également membres de l’ETA, cette dernière organisation devait soutenir la constitution d’une nouvelle organisation. Les organisations plaignantes soulignent que la législation ne requiert pas une acceptation préalable d’une partie tierce dans la constitution d’une association, de même qu’il n’y a aucune restriction quant à l’adhésion à plus d’une organisation. Le 1er septembre 2008, les membres fondateurs de la NTA ont adressé une plainte au ministère de la Justice pour obstruction dans le processus d’immatriculation de l’association d’enseignants. Le 8 septembre 2008, le ministère de la Justice a soumis la demande d’immatriculation de la NTA au ministère de l’Education pour avis sur la procédure d’immatriculation. Dans ses échanges avec le ministère de la Justice, le ministère de l’Education a indiqué que la NTA avait l’intention d’organiser des enseignants dans certaines régions. Néanmoins, dans la mesure où l’ETA a été formée par la volonté de tous les enseignants, le ministère ne pouvait recommander la constitution d’une nouvelle association. Le 15 décembre 2008, le ministère de la Justice a notifié aux membres fondateurs de la NTA le rejet de leur demande d’immatriculation au motif que le ministère de l’Education, employeur des enseignants, n’a pas donné un avis favorable à l’immatriculation de la NTA.
  12. 983. Les membres fondateurs de la NTA ont saisi le nouveau ministre de la Justice le 25 décembre 2008 ainsi que l’Institution de l’Ombudsman le 29 décembre 2008 pour déplorer la décision du ministère de la Justice qui, selon eux, restreint les droits constitutionnels d’existence d’une association indépendante d’enseignants en plus de l’ETA 1993.
  13. 984. Dans sa communication, la CSI indique également que le 23 octobre 2008 la deuxième Chambre criminelle de la Haute Cour fédérale a instruit le cas de 55 personnes, incluant six membres de l’ETA 1949, suspectées de participation dans une organisation illégale. Trente-trois personnes étaient présentes à l’audience (trois personnes sont mortes en prison, une personne a été libérée et dix-huit personnes étaient absentes). La Haute Cour a décidé que les personnes présentes devaient se défendre elles-mêmes mais que les verdicts seraient prononcés par contumace pour celles absentes. Ainsi, deux anciens membres de l’ETA 1949, Tilahun Ayalew et Anteneh Getnet, qui sont toujours portés disparus, ont été condamnés par contumace à plusieurs années d’emprisonnement en novembre 2008. Meqcha Mengistu demeure en détention. Woldie Dana et Berhanu Aba-Debissa se sont vu dénier le droit de réintégrer l’enseignement malgré leur libération sous caution. Plusieurs audiences devant la Haute Cour concernant leur cas ont ainsi été ajournées. La dernière audience s’est tenue le 16 janvier 2009 et a été ajournée au 28 janvier 2009. La cour a toujours indiqué qu’elle se prononcerait à sa prochaine audience, sans l’avoir fait à ce jour.
  14. 985. La CSI transmet également de nouvelles allégations relatives à la persistance de violations des droits syndicaux. La CSI se réfère en particulier au licenciement de trois dirigeants syndicaux nommément désignés: Nikodimos Aramdie, Wondewosen Beyene et Kinfe Abate, en septembre 2007, décembre 2004 et décembre 1995 respectivement. Elle allègue aussi la détention au poste de police pour interrogatoire de cinq membres de l’ex-ETA, l’organisation plaignante dans le présent cas, le 19 février 2008, Tesfaye Yirga, Bekele Gagie, Mekonnen Tsega, Meftihie Biaznlign et Elfinesh Demissie, qui ont été relâchés mais avertis que la prochaine fois les mesures prises à leur encontre seraient beaucoup plus sévères. Un autre membre du syndicat, Abera Zemedkun, a été arrêté et gardé en détention du 13 mai au 30 août 2008. Bien qu’il ait été réintégré dans son emploi après sa libération, il n’a pas reçu de salaire pour les mois de juin, juillet et août 2008. Morges Kiflie, membre de l’association des enseignants à la retraite affiliée à l’ETA, a été conduit au poste de police pour interrogatoire. De fortes pressions ont été exercées sur ces syndicalistes pour qu’ils quittent leurs activités au sein de l’ETA.

C. Réponse du gouvernement

C. Réponse du gouvernement
  1. 986. Dans ses communications du 4 février et du 2 juillet 2008, le gouvernement déclare qu’il a, à plusieurs reprises, donné la preuve de sa détermination inébranlable à coopérer avec les mécanismes de contrôle de l’Organisation internationale du Travail. C’est dans cet esprit que le gouvernement continue de répondre aux questions posées par le comité sur ce cas. Le gouvernement réaffirme qu’il convient de laisser les tribunaux éthiopiens s’occuper des questions juridiques en suspens relatives à l’ETA. A plusieurs occasions, la Haute Cour fédérale et la Cour suprême fédérale ont toutes deux rendu une décision sur divers aspects concernant cette affaire. Le 21 juin 2007, la Haute Cour fédérale a dans son arrêt, entre autres choses, clarifié le statut juridique de l’ETA, celui des comités exécutifs rivaux (dont un est plaignant dans le présent cas) ainsi que la question de la restitution des biens appartenant à l’ETA. Les allégations des organisations plaignantes selon lesquelles le gouvernement pratique un favoritisme au détriment de certains syndicats et viole les droits des enseignants ne sauraient être plus loin de la vérité. Les membres de l’ETA exercent leurs droits constitutionnels librement et sans ingérence d’aucune sorte. Les enseignants, comme les autres travailleurs éthiopiens, jouissent du droit constitutionnel de fonder des associations professionnelles en vue de promouvoir leurs intérêts. Grâce au climat politique et économique favorable qui règne dans le pays, les enseignants peuvent bénéficier du programme de développement du secteur éducatif qui, entre autres, encourage leur participation active dans la planification et l’exécution des politiques et des programmes éducatifs. Le gouvernement et ses institutions éducatives œuvrent avec toutes les organisations, quelles qu’elles soient, fondées par les enseignants. Il n’a jamais pratiqué de favoritisme syndical ni pris de mesure destinée à museler la liberté syndicale des enseignants.
  2. 987. Le gouvernement nie les allégations de l’IE selon lesquelles des membres du Comité exécutif national de l’ETA, ainsi que des membres de l’ETA d’Addis-Abeba, auraient été harcelés et brièvement maintenus en garde à vue par les forces de police et déclare que personne n’a été arrêté du fait de son appartenance à l’ETA. L’incarcération légitime de plusieurs enseignants n’a rien à voir avec le fait que ces derniers exercent leurs droits de membres syndiqués de l’ETA ni avec leurs activités syndicales. A ce sujet, le gouvernement renvoie aux conclusions formulées par le comité dans d’autres cas et, en particulier, à l’observation de celui-ci selon laquelle l’«exercice d’activités syndicales ne confère pas d’immunité à l’égard de la législation pénale ordinaire». A la suite des émeutes dans la rue et des infractions pénales commises par l’aile extrémiste des partis d’opposition après les élections en mai 2005, plusieurs individus ont été mis en examen et traduits devant les tribunaux pour leur participation directe à des activités ayant causé la perte de vies humaines et la destruction gratuite de biens publics. D’autres personnes ont également été arrêtées puis détenues en 2006 et en 2007 pour leur implication dans une opération clandestine financée et menée par des groupements armés illégaux basés en Erythrée et dont l’objectif déclaré est de renverser par la force l’ordre constitutionnel en place en Ethiopie. Se sachant recherchés par les forces de maintien de l’ordre, certains individus se cachent. Tel est le cas de M. Tilahun Ayalew «porté disparu» selon l’IE. Le gouvernement considère, pour sa part, que ce dernier est en fuite devant la justice. Quant aux autres individus libérés sous caution, le gouvernement explique que le tribunal avait ordonné leur libération non pas parce que les accusés étaient membres de l’ETA mais simplement parce que le chef d’accusation retenu contre eux autorisait leur libération sous caution.
  3. 988. Pour l’heure, la deuxième Chambre criminelle de la Haute Cour fédérale est saisie d’une affaire au pénal impliquant Meqcha Mengistu, Anteneh Getnet, Tilahun Ayalew, Woldie Dana et Berhanu Aba-Debissa dans une opération clandestine financée et menée par des groupements armés illégaux basés en Erythrée avec pour objectif déclaré de renverser par la force l’ordre constitutionnel en place en Ethiopie. Ces chefs d’accusation se fondent sur les articles 32, 38 et 240 du Code pénal fédéral éthiopien.
  4. 989. Le gouvernement se déclare consterné de constater que l’IE continue de faire si peu de cas des organes judicaires d’un Etat souverain Membre de l’OIT; qu’il traite les institutions et les fonctionnaires éthiopiens avec le plus grand mépris et dans l’irrespect le plus total, et qu’il poursuit une campagne agressive motivée par des considérations politiques. Dans une situation (actuellement l’objet d’une procédure juridique) où deux groupes se prétendent l’entité exécutive légitime de l’organisation des enseignants, l’IE a non seulement choisi de se ranger dans un camp et de poursuivre le gouvernement au nom du groupe qu’elle a pris sous son aile, mais continue imperturbablement de porter des accusations infondées et fausses contre le gouvernement. Ce dernier renvoie à la pratique du comité de tenir dûment compte de la procédure judiciaire nationale dans le règlement des litiges.
  5. 990. En ce qui concerne l’arrêt du 21 juin 2007 rendu par la Haute Cour fédérale, le gouvernement indique que la partie défenderesse avait interjeté appel auprès de la Cour suprême fédérale le 11 juillet 2007. La Cour suprême, sans convoquer la partie défenderesse, avait confirmé la décision de la Haute Cour et débouté la demande en appel. Dans ses motifs, la Cour suprême estimait avec la Haute Cour que l’assemblée est seule, et elle seule, habilitée à élire les membres du comité exécutif. Elle a mentionné à l’appui plusieurs éléments portés à son attention, y compris le procès-verbal de la réunion de l’assemblée et un certificat du ministère de la Justice établissant qu’un scrutin avait eu lieu pour l’élection de nouveaux membres au comité exécutif. La cour avait fait observer que les auteurs du recours avaient avancé peu d’arguments permettant d’établir s’ils représentaient une institution distincte, s’ils avaient été choisis par l’assemblée de l’ETA et, s’il y avait eu des élections, si celles-ci s’étaient déroulées en conformité avec les articles des statuts de l’association ou de statuts pertinents. La décision rendue par la plus haute autorité judiciaire est importante parce qu’elle met fin à une longue bataille juridique opposant deux fractions se prétendant toutes deux les représentantes légitimes du comité exécutif. Le gouvernement respecte l’arrêt qui a été rendu.
  6. 991. Le gouvernement regrette que les organisations plaignantes soumettent à l’attention du comité des questions étrangères à l’affaire. Par exemple, alors qu’elles savent parfaitement que l’affaire du recensement de la population dans l’Etat régional éthiopien de Somali n’a pas le moindre lien avec les questions syndicales, les organisations plaignantes tentent de suggérer que des enseignants ont été empêchés de participer au recensement effectué dans la région en novembre 2007. Le gouvernement explique que le recensement éthiopien en 2007 avait été différé de quelques mois dans les régions de Somali et d’Afar non pour des raisons de sécurité mais pour veiller à ce qu’il se déroule pendant la période de l’année la plus propice au mode de vie pastoral et aux conditions climatiques qui règnent dans cette région. Par ailleurs, tous les enseignants n’avaient pas participé à ce recensement. Le gouvernement n’a ni contraint les enseignants à prendre part à une quelconque activité de recensement ni menacé ceux-ci de recourir à la contrainte.
  7. 992. Le gouvernement réitère son engagement de coopérer avec l’OIT et les organes de contrôle de l’Organisation, notamment avec le Comité de la liberté syndicale. Le gouvernement estime en avoir déjà donné des preuves dans les réponses qu’il a fournies au comité et aux autres organes de l’OIT sur les questions soulevées dans le cadre de la mise en œuvre des conventions de l’OIT ratifiées par l’Ethiopie. A ce propos, le gouvernement signale qu’il a décidé d’accepter la mission de contacts directs recommandée par la Commission de l’application des normes en 2007, en raison de la longue tradition de coopération qui le lie avec l’OIT et les organes de contrôle de l’Organisation. La délégation de haut niveau conduite par le ministre du Travail et des Affaires sociales avait tenu des consultations pendant la 97e session de la Conférence internationale du Travail sur les modalités d’opération de la mission de contacts directs. Il avait été convenu que la mission se déroulerait en octobre 2008.
  8. 993. Dans une communication en date du 19 février 2009, le gouvernement indique que les éléments de fond concernant ce cas ont été examinés en détail par le comité, la mission de contacts directs et les tribunaux nationaux. Le gouvernement estime que la dernière communication de la CSI ne contient pas d’information supplémentaire car elle n’est étayée par aucune preuve. Le gouvernement explique que le premier élément contenu dans la communication de la CSI se rapporte à la procédure légale concernant l’ETA, question qui a déjà été traitée par le comité et qui a fait l’objet d’une conclusion en application du système juridique éthiopien. A cet égard, le gouvernement regrette que la CSI ait transmis des allégations déjà examinées en détail par le comité et pour lesquelles le gouvernement avait déjà fourni les informations et observations pertinentes. Certaines des informations présentées comme nouvelles ou supplémentaires, notamment concernant le licenciement de trois dirigeants syndicaux, MM. Nikodimos Aramdie, Wondewosen Beyene et Kinfe Abate, se réfèrent à des événements qui remontent à décembre 1995. En outre, les allégations de harcèlement sont inexactes et non accompagnées d’éléments de preuve.
  9. 994. Le second faisceau d’allégations de la CSI se rapporte à une tentative d’enregistrement par une dizaine de personnes d’une nouvelle organisation, appelée Association nationale des enseignants (ANE), comme association professionnelle en Ethiopie. Le gouvernement considère que ce nouvel élément ne peut pas être examiné dans le cadre du cas no 2516, qui concerne des allégations de violation des droits syndicaux d’anciens membres de l’ETA. S’agissant de l’ANE, le gouvernement déclare que cette association tente actuellement, dans le cadre du système juridique et constitutionnel éthiopien, de se faire enregistrer. La Chambre des représentants du peuple a récemment adopté une Proclamation sur les œuvres charitables et les sociétés qui prévoit une procédure détaillée d’enregistrement des sociétés, y compris des associations professionnelles. Cette question sera traitée dans le cadre des dispositions de cette loi par l’Ombudsman auquel la plainte a été soumise. Tout examen antérieur par le comité serait prématuré.
  10. 995. Le gouvernement rappelle qu’en application de la recommandation de la Commission de l’application des normes de la Conférence de juin 2007 le gouvernement de l’Ethiopie a accepté la venue d’une mission de contacts directs. Les autorités et les fonctionnaires ont collaboré avec ladite mission dans un esprit de coopération avec les mécanismes de contrôle du BIT. Le rapport de cette mission a été communiqué au gouvernement. Celui-ci entend fournir à cet égard des informations détaillées en temps opportun et il espère que les consultations sur le suivi des remarques contenues dans le rapport seront fondées sur un dialogue constructif en vue de parvenir à mettre un point final à ce cas.

D. Conclusions du comité

D. Conclusions du comité
  1. 996. Le comité prend note des nouvelles allégations présentées par les organisations plaignantes dans le présent cas, l’ETA et l’IE, ainsi que de la communication en date du 27 janvier 2009 de la CSI, envoyée au nom de l’IE. S’agissant de cette dernière communication, le comité relève que l’IE continue d’avoir une organisation affiliée en Ethiopie, laquelle tente d’obtenir son immatriculation avec un nouveau nom, suite à la décision de la Cour suprême fédérale du 7 février 2008 de dissoudre l’ETA. Ainsi, l’IE continue à avoir un intérêt à agir dans le présent cas.
  2. 997. S’agissant de l’assertion du gouvernement selon laquelle les allégations concernant le refus d’enregistrement d’une nouvelle organisation d’enseignants ne pourraient pas être examinées dans le cadre du présent cas, le comité rappelle qu’il lui appartient de décider si une information soumise par les plaignants est ou non recevable dans le cadre d’un cas particulier. Il note que la nouvelle organisation a été créée par des membres de l’ancienne ETA, organisation plaignante dans cette affaire, à la suite de la décision finale de la Haute Cour relative à l’ETA. Au sujet de l’objection du gouvernement, selon laquelle il serait prématuré d’examiner les allégations de refus d’enregistrement de la nouvelle organisation d’enseignants, étant donné que la question est en cours d’examen par l’Ombudsman et qu’elle sera examinée dans le cadre du système juridique éthiopien, le comité rappelle qu’il a toujours estimé, étant donné la nature de ses responsabilités, que sa compétence pour examiner les allégations n’est pas subordonnée à l’épuisement des procédures nationales de recours. Le comité estime que les informations soumises dans la dernière communication de la CSI relèvent de la présente affaire, et il déclare qu’il les examinera en tenant compte des informations qui seront fournies tant par les plaignants que par le gouvernement.
  3. 998. Le comité observe que le litige opposant de longue date les deux groupes qui tous deux prétendaient avoir des droits sur l’ETA avait trouvé un règlement dans le cadre du système judiciaire éthiopien. La Cour suprême fédérale a confirmé en appel l’arrêt rendu par la Haute Cour fédérale le 21 juin 2007, selon lequel le statut juridique de la nouvelle ETA habilite cette dernière à entrer en possession des biens de l’ETA précédemment reconnue.
  4. 999. Le comité accueille favorablement le fait que le gouvernement a accepté la mission de contacts directs, qui s’est rendue dans le pays en octobre 2008, et apprécie les efforts qui ont été déployés pour fournir à la mission toutes les informations disponibles sur cette affaire. Le comité note qu’il apparaît à la lecture du présent rapport que l’organisation plaignante avait décidé d’accepter le verdict final de la Cour suprême, de remettre les avoirs de l’ETA aux personnes récemment élues pour siéger au sein de l’ETA officiellement reconnue et qu’un certain nombre d’enseignants avaient par la suite exprimé le désir de fonder une nouvelle association. En particulier, le comité note que, à la suite de la décision rendue par la Cour suprême en août 2008, un groupe d’enseignants a déposé auprès du ministère de la Justice une requête d’immatriculation sous le nom d’Association nationale des enseignants éthiopiens. Le comité note que, par sa communication du 15 décembre 2008, le ministère de la Justice a rejeté la demande d’immatriculation. Selon ladite communication, le refus du ministère à différents niveaux de la procédure est basé sur les motifs suivants: 1) le nom NTA est similaire à celui de l’association déjà immatriculée, nommément l’ETA; 2) en tant que membres de l’ETA, les membres fondateurs de la NTA n’ont pas produit de lettre de l’ETA soutenant la constitution d’une nouvelle organisation d’enseignants; et 3) l’avis défavorable du ministère de l’Education concernant l’immatriculation de la NTA. Le comité note que selon le ministère de l’Education, dans la mesure où l’intention de la NTA est d’organiser des enseignants dans certaines régions mais que l’ETA a été formée par la volonté de tous les enseignants, le ministère ne pouvait recommander la constitution d’une nouvelle association. Compte tenu du fait que le ministère de la Justice a demandé l’avis du ministère de l’Education sur la question de savoir s’il convenait d’immatriculer la nouvelle association d’enseignants, le comité considère que solliciter l’avis du ministère de l’Education qui, en l’espèce, est l’employeur sur le fait de savoir s’il est approprié ou non d’enregistrer une association d’enseignants est contraire au droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix, sans autorisation préalable, et de s’affilier à celles-ci. Le comité est particulièrement préoccupé et regrette que le refus d’immatriculation intervienne dans le contexte d’allégations persistantes de graves violations des droits syndicaux des enseignants, y compris une ingérence permanente sous forme de menaces, licenciements, arrestations, détentions et mauvais traitements à l’égard des membres de l’organisation plaignante originelle. En ce qui concerne la nécessité de recueillir le soutien de l’ETA dans la constitution de la NTA. Le comité souhaite souligner que le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix implique notamment la possibilité de créer, dans un climat de pleine sécurité, des organisations indépendantes de celles qui existent déjà et de tout parti politique. En conséquence, le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’Association nationale des enseignants éthiopiens soit enregistrée sans délai supplémentaire, de sorte que tous les enseignants puissent exercer pleinement leur droit de constituer des organisations aux fins de la promotion et de la défense des intérêts professionnels des enseignants sans plus de retard. Il demande au gouvernement de le tenir informé des progrès faits en ce sens.
  5. 1000. Le comité regrette l’absence de toute information de la part du gouvernement sur les mesures prises pour garantir le droit à la liberté syndicale pour les fonctionnaires, et notamment pour les enseignants du secteur public, conformément à la convention no 87, ratifiée par l’Ethiopie. Le comité rappelle qu’il avait précédemment noté l’indication donnée par le gouvernement selon laquelle ce dernier était dans le processus de révision de la proclamation relative aux fonctionnaires, qui protégerait et garantirait le droit des fonctionnaires, y compris des enseignants dans les écoles publiques, de constituer des syndicats et de s’y affilier. Le comité regrette de constater que, à la lecture du rapport de la mission, il ressort qu’il n’y a pas eu de progrès concret à cet égard et qu’il ne paraît pas y avoir à ce jour de plan en vue d’adopter une loi en ce sens. En conséquence, il prie instamment une nouvelle fois le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les libertés syndicales des fonctionnaires, y compris des enseignants du secteur public, soient pleinement garanties. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard.
  6. 1001. En ce qui concerne les nombreux cas d’arrestation et de détention de membres de l’organisation plaignante originelle, le comité note que le gouvernement réitère son affirmation précédente selon laquelle les arrestations et détentions ne sont pas liées au fait qu’ils soient syndiqués à l’ETA mais à l’implication de certains d’entre eux dans des infractions pénales commises par l’aile extrémiste des partis de l’opposition après les élections en mai 2005 qui ont causé la perte de vies humaines, tandis que d’autres ont été arrêtés et détenus en 2006 et 2007 pour avoir participé à des opérations clandestines financées et menées par des groupements armés illégaux basés en Erythrée. Le comité regrette que le gouvernement réponde en niant en bloc tout lien entre les arrestations et les détentions avec les activités syndicales et en invoquant pour simple motif les activités subversives tombant sous le coup des délits de droit commun. Le comité a toujours suivi la règle selon laquelle, dans pareils cas, il convient que le gouvernement concerné communique des informations supplémentaires aussi précises que possible permettant au comité de conclure qu’il n’y a pas de lien avec l’exercice d’activités syndicales. Le comité est profondément préoccupé par le fait que le gouvernement n’ait pas diligenté d’enquête indépendante approfondie sur les allégations concernant les arrestations et les détentions de syndicalistes, surtout compte tenu du temps écoulé depuis leur arrestation sans qu’un tribunal ne se soit jusqu’ici prononcé sur ces cas et compte tenu du fait que les enseignants qui avaient été précédemment arrêtés sur des chefs d’accusation identiques ont finalement été relâchés au bénéficie d’un non-lieu par la Haute Cour fédérale.
  7. 1002. Le comité comprend à la lecture des informations fournies par les organisations plaignantes qui figurent dans le rapport de la mission que, exception faite de M. Meqcha Mengistu, tous les enseignants dont les noms figurent dans la plainte originale avaient été libérés sous caution à la fin de décembre 2007 et que, le 8 octobre 2008, leur audience devant la Haute Cour fédérale avait été reportée au 23 octobre 2008. Il prend également note de l’information fournie par le gouvernement et la CSI suivant laquelle la Haute Cour fédérale, deuxième Chambre pénale, est saisie d’une affaire impliquant Meqcha Mengistu, Anteneh Getnet, Tilahun Ayalew, Woldie Dana, Berhanu Aba-Debissa dans une opération clandestine financée et menée par des groupements armés illégaux basés en Erythrée avec pour objectif déclaré de renverser par la force l’ordre constitutionnel en place en Ethiopie. Le comité note que le 23 octobre 2008 la deuxième Chambre criminelle de la Haute Cour fédérale a instruit le cas de six membres de l’ETA 1949 suspectés de participation dans une organisation illégale. La Haute Cour a décidé que les personnes présentes devaient se défendre elles-mêmes mais que les verdicts seraient prononcés par contumace pour celles absentes. Ainsi, deux anciens membres de l’ETA 1949, Tilahun Ayalew et Anteneh Getnet, qui sont toujours portés disparus, ont été condamnés par contumace à plusieurs années d’emprisonnement en novembre 2008. Meqcha Mengistu demeure en détention. Woldie Dana et Berhanu Aba-Debissa se sont vu dénier le droit de réintégrer l’enseignement malgré leur libération sous caution. Plusieurs audiences concernant leur cas devant la Haute Cour ont ainsi été ajournées. La dernière audience s’est tenue le 16 janvier 2009 et a été ajournée au 28 janvier 2009. La cour a toujours indiqué qu’elle se prononcerait à sa prochaine audience, sans l’avoir fait à ce jour. Le comité insiste sur l’importance qu’il a toujours attachée à ce que, dans tous les cas, y compris lorsque des syndicalistes sont accusés de délits politiques ou de droit commun, les personnes en question soient jugées promptement par une autorité judiciaire impartiale et indépendante. Il rappelle à cet égard que, là où des personnes sont condamnées pour des raisons sans rapport avec l’exercice des droits syndicaux, la question échappe à sa compétence. Il souligne, cependant, que le point de savoir si une telle question relève du droit pénal ou de l’exercice des droits syndicaux ne peut être tranché unilatéralement par le gouvernement intéressé, mais que c’est au comité qu’il appartient de se prononcer à ce sujet, après examen de toutes les informations disponibles et, surtout, du texte du jugement. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 109 et 114.] En conséquence, le comité veut croire que les décisions concernant les membres de l’ETA (l’organisation plaignante) mentionnés dans la plainte seront prises par les instances juridictionnelles sans délai supplémentaire. Il demande au gouvernement de communiquer l’intégralité des décisions dès qu’elles seront rendues.
  8. 1003. Par ailleurs, le comité note que M. Mengistu est toujours en détention et dans l’attente du jugement de la Haute Cour fédérale. Il déplore la longueur de cette détention et la nature vague des charges dont il fait l’objet. Il relève avec une profonde préoccupation que, lors de l’examen précédent du présent cas, M. Mengistu avait été libéré à plusieurs reprises sans explications quant aux raisons de sa détention pour être ensuite de nouveau arrêté. Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que M. Mengistu soit libéré ou présenté dans les plus brefs délais devant une autorité judiciaire indépendante et impartiale.
  9. 1004. Le comité regrette que le gouvernement ne fournisse aucune réponse aux graves allégations selon lesquelles des membres de l’ETA, notamment MM. Getnet et Mengistu, ont été torturés au cours de leur détention pour leur faire avouer leur appartenance à une organisation illégale. Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter dans les plus brefs délais une enquête indépendante sur ces allégations, sous la direction d’une personne qui bénéficierait de la confiance de toutes les parties concernées et, s’il était avéré qu’ils ont fait l’objet de mauvais traitements, de punir les responsables et de veiller à ce qu’ils perçoivent une compensation appropriée pour les préjudices subis. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des démarches entreprises en ce sens et des résultats de l’enquête. Le comité souligne qu’il est essentiel de procéder à cette enquête au vu des allégations du recours à la torture pour extorquer des aveux qui seront ensuite utilisés à l’audience contre les accusés. Le comité veut croire que tous les syndicalistes traduits devant la justice dans le présent cas jouissent des garanties d’une procédure régulière nécessaires pour assurer leur défense.
  10. 1005. Le comité prend note des allégations de harcèlement commis entre septembre et novembre 2007 à l’encontre de Mmes Berhanework Zewdie, Aregash Abu, Elfinesh Demissie et de M. Wasihun Melese, tous membres du Comité exécutif national de l’organisation plaignante, ainsi qu’à l’encontre de plus de 50 de ses militants en vue. Selon les organisations plaignantes, ils ont été emmenés au commissariat de police proche de leur école respective par des agents de la sécurité qui leur ont vivement conseillé de cesser leurs activités syndicales. Certains ont été maintenus en garde à vue pendant cinq à dix jours en septembre 2007. Le comité regrette l’absence de toute information à ce sujet de la part du gouvernement. En conséquence, il prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante approfondie sur ces allégations en vue de déterminer les responsabilités, de punir les parties coupables et d’empêcher que des actes similaires ne se reproduisent. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  11. 1006. En ce qui concerne Mme Demissie, le comité note que les organisations plaignantes allèguent que celle-ci a été sanctionnée par le directeur, en raison de ses activités syndicales, et privée de 36 journées de salaire (environ 120 euros) malgré le fait que les membres de la commission de discipline saisie par le directeur d’une plainte pour absentéisme avaient rejeté à l’unanimité toutes les accusations. Dans ces conditions, le comité est amené à conclure que Mme Demissie a été en fait sanctionnée en raison de ses activités syndicales. En conséquence, le comité demande au gouvernement de prendre dans les plus brefs délais toutes mesures nécessaires pour assurer le versement des salaires dus à Mme Demissie, assorti d’indemnités appropriées ou de pénalités, constituant une sanction suffisante propre à décourager tout autre acte de discrimination syndicale. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  12. 1007. Le comité note les allégations selon lesquelles des enseignants ont été suspendus de leurs fonctions pour avoir refusé de participer aux opérations du recensement de la population conduites dans la région éthiopienne de Somali en novembre 2007. L’organisation plaignante explique que, alors que dans le reste du pays les enseignants pouvaient se porter volontaires pour participer aux opérations de recensement, pour la région Somali ils avaient été désignés de manière aléatoire. Par ailleurs, cette participation forcée avait alourdi la charge de travail des collègues restés dans les écoles. D’après la communication en date du 10 décembre 2007 des organisations plaignantes, certains enseignants avaient été réintégrés dans leurs fonctions et avaient perçu leur salaire du mois de novembre. Le gouvernement, de son côté, affirme que cette allégation est étrangère aux questions syndicales et explique qu’il n’a ni menacé ni contraint les enseignants à participer aux opérations de recensement décidées par la Commission nationale de la statistique et le ministère de l’Education. Le comité note que les modalités du recensement de la population qui devait être exclusivement effectué par les enseignants semblent avoir été décidées sans la moindre consultation avec les organisations des intéressés. Le comité demande aux organisations plaignantes d’indiquer comment la décision du gouvernement concernant l’opération du recensement dans la région Somali a affecté les droits syndicaux des professeurs impliqués.
  13. 1008. S’agissant des allégations de licenciement de trois dirigeants syndicaux en 1995, 2004 et 2007 respectivement, contenues dans la communication du 27 janvier 2009 de la CSI, le comité prend note de la réponse du gouvernement selon laquelle les allégations de licenciement remontent à 1995 et qu’elles ne peuvent pas être présentées comme de nouvelles informations complémentaires. Même si aucun délai de prescription n’a été fixé pour l’examen des plaintes, il peut être très difficile, voire impossible, à un gouvernement de répondre de manière détaillée à des événements qui remontent loin dans le passé. Dans le présent cas, le comité note qu’une seule des allégations remonte à 1995; les deux autres affaires alléguées remontent à 2004 et 2007. Il demande donc au gouvernement de répondre sur le fond aux allégations et, pour ce qui est du licenciement en 1995 de Kinfe Abate, il demande aux plaignants de communiquer des informations détaillées au sujet de ce licenciement et d’indiquer la raison pour laquelle ils n’ont pas fourni ces informations auparavant.
  14. 1009. Le comité prend note des allégations de harcèlement de sept militants syndicaux entre février et août 2008 présentées par la CSI. Tout en notant que le gouvernement déclare que les assertions de la CSI sont fausses, le comité prie instamment le gouvernement de faire procéder à une enquête indépendante sur ces allégations de harcèlement et de fournir une réponse détaillée sur son issue.

Recommandation du comité

Recommandation du comité
  1. 1010. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour veiller à ce que l’Association nationale des enseignants éthiopiens soit enregistrée sans délai de sorte que les enseignants puissent exercer pleinement leur droit de constituer des organisations aux fins de la promotion et de la défense des intérêts professionnels des enseignants sans délai supplémentaire. Il demande au gouvernement de le tenir informé des progrès faits en ce sens.
    • b) Le comité prie une nouvelle fois instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les droits à la liberté syndicale soient pleinement garantis pour les fonctionnaires, et notamment pour les enseignants du secteur public. Il demande au gouvernement de le tenir informé de tout progrès réalisé à cet égard.
    • c) Le comité veut croire que les décisions concernant les membres de l’ETA (l’organisation plaignante) mentionnés dans la plainte seront prises par les instances juridictionnelles sans délai supplémentaire. Il demande au gouvernement de communiquer l’intégralité des décisions dès qu’elles seront rendues.
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de veiller à ce que M. Mengistu soit libéré ou présenté dans les plus brefs délais devant une autorité judiciaire indépendante et impartiale.
    • e) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter dans les plus brefs délais une enquête indépendante sur les allégations de torture et de mauvais traitements des personnes détenues, sous la direction d’une personne qui bénéficierait de la confiance de toutes les parties concernées et, s’il était avéré qu’elles ont fait l’objet de mauvais traitements, de punir les responsables et de veiller à ce qu’elles perçoivent une compensation appropriée pour les préjudices subis. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des démarches entreprises en ce sens et des résultats de l’enquête.
    • f) Le comité veut croire que tous les syndicalistes traduits devant les tribunaux jouissent des garanties d’une procédure régulière nécessaires pour assurer leur défense.
    • g) Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante approfondie sur les allégations de harcèlement commis entre septembre et novembre 2007 à l’encontre de Mmes Berhanework Zewdie, Aregash Abu, Elfinesh Demissie et de M. Wasihun Melese, tous membres du Comité exécutif national de l’organisation plaignante, ainsi qu’à l’encontre de plus de 50 de ses militants en vue afin de déterminer les responsabilités, de punir les parties coupables et d’empêcher que des actes similaires ne se reproduisent. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • h) Le comité demande au gouvernement de prendre dans les plus brefs délais toutes mesures nécessaires pour assurer le versement des salaires dus à Mme Demissie, assorti d’indemnités appropriées ou de pénalités, constituant une sanction suffisante propre à décourager tout autre acte de discrimination syndicale. Il demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • i) Le comité demande aux organisations plaignantes d’indiquer comment la décision du gouvernement concernant l’opération du recensement dans la région Somali a affecté les droits syndicaux des professeurs impliqués.
    • j) Le comité demande au gouvernement de fournir une réponse sur le fond aux allégations relatives au licenciement des deux dirigeants syndicaux Nikodimos Aramdie et Wondewosen Beyene et, s’agissant du licenciement en 1995 de Kinfe Abate, il demande aux plaignants de communiquer des informations détaillées à cet égard et d’indiquer la raison pour laquelle ils ne les ont pas fournies précédemment.
    • k) Le comité demande au gouvernement de faire procéder à une enquête indépendante au sujet des allégations de harcèlement de sept militants syndicaux et de fournir une réponse détaillée sur son issue.
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