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- de licenciement et d’autres actes d’intimidation consécutifs à la constitution d’un syndicat
- au sein de l’entreprise Panamericana Televisión S.A. (actuellement dénommée
- Panam Contenidos S.A.)
- 1162 La plainte figure dans une communication de la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) en date du 17 septembre 2007.
- 1163 Le gouvernement a transmis ses observations par une communication en date du 3 mars 2008.
- 1164 Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 1165. Dans sa communication du 17 septembre 2007, la Centrale latino-américaine des travailleurs (CLAT) indique que sa plainte porte sur la violation de la convention no 87, que le Pérou a ratifiée, par l’entreprise Panamericana Televisión S.A. (actuellement dénommée Panam Contenidos S.A.). L’organisation indique plus précisément que, depuis la désignation en février 2003 de l’administrateur judiciaire de ce qui était à l’époque Panamericana Televisión S.A. (qui a aujourd’hui adopté la raison sociale de Panam Contenidos S.A.), les normes et la législation du travail ont été enfreintes du fait du non-paiement des salaires et de licenciements arbitraires. L’organisation plaignante allègue que l’arrivée de la nouvelle administration a coïncidé avec une politique antisyndicale et de harcèlement antisyndical et que c’est à partir de là qu’ont débuté les retards de paiement de salaires, la majorité du personnel n’ayant en moyenne pas perçu de traitement pendant cinq mois et demi, de même que six bonifications qui étaient dues jusqu’à 2005 et des congés en réalité annulés datant de l’année 2006, ainsi que les heures supplémentaires, les heures de travail effectuées pour couvrir des événements extraordinaires tels que les élections et les fêtes nationales. En outre, de nombreux travailleurs n’ont pas été affiliés au régime de sécurité sociale ni à l’AFP et n’ont jamais reçu de bulletin de paie; l’entreprise se contentait de leur faire signer un simple reçu, qui restait aux mains de l’administration, alors que leurs salaires étaient toujours amputés des déductions légales. L’organisation plaignante affirme que l’entreprise a reconnu, oralement, sa dette à l’égard des travailleurs et qu’elle a proposé de la convertir en produits, biens ou services et en prêts d’urgence, ce que finalement elle n’a pas fait.
- 1166. L’organisation plaignante indique qu’en 2005, face aux difficultés professionnelles qu’ils rencontraient, les travailleurs ont décidé de former un nouveau syndicat et ont demandé à Mmes María Vilca Peralta, Ana María Sihuay et Carmen Mora d’en prendre la direction. L’organisation plaignante fait valoir que la formation de ce syndicat n’a semble-t-il pas plu à l’entreprise de télévision et que cela a constitué le point de départ du licenciement de tous ceux qui avaient pris l’initiative de former ce syndicat. L’organisation plaignante indique qu’à partir du 27 avril 2006 les travailleuses concernées ont saisi le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi, qui a ordonné une inspection. Le sous-directeur de l’orientation ainsi que les inspecteurs désignés, au lieu de protéger les droits des travailleuses, ont mis en doute leurs témoignages et ont toujours fait preuve d’une attitude extrêmement passive et complaisante vis-à-vis de l’entreprise. En juillet 2006, une nouvelle inspection a eu lieu dans l’entreprise Panamericana Televisión S.A. Selon les allégations de travailleurs, les avocats de l’entreprise auraient menacé de licencier tous ceux qui attireraient l’attention des inspecteurs sur une quelconque irrégularité. Certains membres du personnel, de peur d’être licenciés, n’ont pas divulgué ce qui se passait effectivement dans l’entreprise. Le temps a passé et rien ne s’est produit. Plus d’une année s’est écoulée et nul ne connaît les résultats de l’inspection diligentée par le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi. Aucune autorité dudit ministère ne s’est prononcée à ce sujet.
- 1167. L’organisation plaignante indique que les travailleurs ont en outre engagé plusieurs procédures judiciaires pour obtenir le paiement de leurs émoluments et le respect d’autres obligations contractuelles. Selon l’organisation plaignante, afin qu’aucun paiement ne puisse être effectué, l’administrateur judiciaire de Panamericana Televisión S.A., suite à un accord signé avec Panam Contenidos S.A., a confié à cette dernière la gestion des flux financiers entre les deux entreprises, ce qui a eu pour conséquence que les sommes dues aux travailleurs de Panamericana Televisión S.A. ne pouvaient pas être honorées dans la mesure où Panam Contenidos S.A. était désormais mandatée pour la gestion comptable. En créant de nouveaux comptes dans le système bancaire, Panamericana Televisión S.A. n’avait plus de ressources propres.
- 1168. L’organisation plaignante affirme que, le vendredi 23 décembre 2005, les travailleurs ont organisé un piquet de grève pacifique au siège de l’entreprise. Afin d’identifier les organisateurs de la protestation, l’administration de la chaîne a surveillé les courriers électroniques, mis les conversations téléphoniques sur écoute et interrogé le personnel. Cette politique se poursuivant, les journalistes ont organisé, le 26 avril 2006, un nouveau piquet de grève pacifique aux alentours de la chaîne. L’administration a réagi en accusant 16 employés, dont plus de la moitié faisaient partie du personnel permanent, d’être les instigateurs et les organisateurs du mouvement hostile à l’entreprise et à l’origine du projet de création du syndicat. Le lendemain, l’entreprise a décidé, en représailles, de les intimider en les obligeant à prendre des vacances forcées. L’ambiance n’a plus jamais été la même, le chef des ressources humaines les ayant oralement qualifiés, en présence de policiers, de «terroristes et de syndicalistes» et menacé de les assigner en justice devant le tribunal de Cono Norte.
- 1169. L’organisation plaignante ajoute que le directeur a interdit aux travailleuses susmentionnées de revenir dans les locaux de l’avenue Arequipa et à tout le personnel de leur adresser la parole sous peine de suspension sans traitement (ce qui s’est effectivement produit dans un cas). Finalement, il a supprimé leurs noms de la liste des journalistes alors que l’entreprise continuait de prétendre qu’elles étaient simplement parties en vacances. Leurs salaires n’ayant toujours pas été versés, c’est à partir de ce moment-là que plus personne n’a reçu l’instruction de verser les salaires dus aux travailleuses concernées puisque de toute évidence elles ne figuraient plus sur la liste du personnel. Sans aucun motif légal, elles ont été licenciées sans aucune indemnité.
- 1170. L’organisation plaignante affirme que, le 5 juin 2006, l’entreprise a licencié arbitrairement, sans fournir d’explication, Mmes María Vilca Peralta (productrice de Buenos Días Perú), Fanny Quino (éditrice de 24 Horas), Liliana Sierra (responsable du site Internet), M. Guillermo Noriega (coordonnateur de Buenos Días Perú), Mmes Eveling Kahn (présentatrice des informations) et Laura Chahud (reporter du service de l’information). Parallèlement, Mmes Carmen Mora (productrice de 24 Horas Mediodía), Ana María Sihuay (éditrice de 24 Horas Mediodía), MM. Enrique Canturin (technicien radio), Carlos Mego (caméraman du JT) et Rafael Saavedra (chef des archives) ont été «transférés» à des départements complètement étrangers à leur profession, ce qui constitue une maltraitance psychologique et morale.
- 1171. L’organisation plaignante ajoute que, dans l’espoir de trouver une solution à l’antagonisme de l’administration, les dirigeantes syndicales ont adressé un courrier au président de la Cour supérieure de Lima Norte le 31 janvier 2007, lui demandant d’exiger un rapport détaillé sur la gestion des plaintes formées contre Panamericana Televisión S.A. et diligenter une enquête sur les dizaines de recours intentés à l’échelle du pays contre les licenciements arbitraires prononcés par l’administration actuelle de la chaîne. En outre, plusieurs courriers ont été envoyés par l’intermédiaire du Bureau présidentiel, le 20 février 2007, à la présidence du Congrès de la République, au président de la Commission du travail du Congrès, au président de la Commission de la justice et des droits de l’homme du Congrès ainsi qu’à d’autres instances, sans qu’aucune réponse n’ait été reçue à ce jour.
- 1172. Enfin, l’organisation plaignante indique que, confrontés à des manœuvres diverses, les travailleurs ont dû de nouveau exercer des pressions pour obtenir le paiement de leurs salaires. Ils ont ainsi organisé un mouvement de grève qui a empêché la diffusion des émissions d’information les plus importantes, à savoir 24 Horas et Buenos Días Perú. Cette grève a eu lieu récemment, le jeudi 23 août 2007, précisément un an et quatre mois après les licenciements arbitraires du 26 avril 2006. A l’occasion de cette grève, le directeur de Canal 5 a reconnu que les travailleurs devaient être payés et a jugé compréhensible et juste qu’ils exigent que les sommes dues leur soient versées.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 1173. Dans sa communication en date du 3 mars 2008, le gouvernement déclare que la Direction régionale du travail du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a indiqué qu’à ce jour 69 inspections étaient programmées dans les locaux de l’entreprise visée, à savoir Panam Contenidos S.A., mais qu’elles n’ont pu être effectuées en raison de l’obstruction de la direction. La Direction du travail n’a eu d’autre choix que de demander à la Direction nationale des inspections d’être assistée par les forces de l’ordre, conformément à la législation en vigueur.
- 1174. Le gouvernement ajoute que, nonobstant cette précision, l’article 46 du décret suprême no 019-2006-TR, portant règlement de la loi générale d’inspection du travail, qualifie d’infraction très grave le fait de s’opposer de manière injustifiée à l’entrée ou au stationnement d’inspecteurs du travail et de leurs supérieurs, d’inspecteurs auxiliaires ou de techniciens officiellement agréés dans un lieu de travail ou dans des zones déterminées de celui-ci aux fins d’inspection. Le gouvernement ajoute que c’est pourquoi de nombreuses amendes ont été infligées à l’entreprise Panam Contenidos S.A., qui s’est rendue coupable d’infractions graves à la législation. Parallèlement, huit procédures sont en cours pour faire appliquer les mesures protectrices interjetées par la Direction régionale du travail dans le cadre de son mandat conjoint de recouvrement actif des amendes impayées.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1175. Le comité note que, dans le présent cas, l’organisation plaignante indique que, depuis la désignation en février 2003 de l’administrateur judiciaire de Panam Contenidos S.A. (précédemment Panamericana Televisión S.A.), la nouvelle administration a exercé une politique antisyndicale et de harcèlement antisyndical et que, face au nombre de problèmes d’ordre professionnel auxquels ils étaient confrontés, les travailleurs et les travailleuses ont décidé, en 2005, de former un syndicat et demandé à Mmes María Vilca Peralta, Ana María Sihuay et Carmen Mora d’en prendre la direction. L’organisation plaignante allègue que dans ce cadre: 1) en décembre 2005 et en avril 2006, les travailleurs ont organisé des manifestations pacifiques au siège de la chaîne et dans ses alentours. Dans le but d’identifier les organisateurs de la protestation, la direction de l’entreprise a surveillé les courriers électroniques et placé les conversations téléphoniques sur écoute, à la suite de quoi les 16 travailleurs considérés comme les instigateurs du projet ont fait l’objet de plusieurs mesures d’intimidation; 2) parce qu’ils avaient constitué un syndicat, l’entreprise a licencié Mmes María Vilca Peralta, Fanny Quino, Liliana Sierra, Laura Chahud et M. Guillermo Noriega, et a transféré à des départements complètement étrangers à leur profession Mmes Carmen Mora, Ana María Sihuay, MM. Enrique Canturin, Carlos Mego et Rafael Saavedra; et 3) à la demande des travailleurs, le ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a mené une inspection dans l’entreprise, mais les inspecteurs désignés ont fait preuve d’une attitude passive et complaisante vis-à-vis de l’entreprise; en outre, avant une autre inspection menée en juillet 2006, les travailleurs ont été avertis qu’ils seraient licenciés s’ils informaient les inspecteurs d’une quelconque irrégularité.
- 1176. Le comité note les indications du gouvernement selon lesquelles: 1) la Direction régionale du travail du ministère du Travail et de la Promotion de l’emploi a indiqué qu’à ce jour 69 inspections étaient programmées dans les locaux de l’entreprise visée mais que, l’employeur s’y étant plusieurs fois opposé, la Direction du travail s’est vue dans l’obligation de demander à la Direction nationale des inspections de lui prêter le soutien des forces de l’ordre, conformément à la législation en vigueur; 2) l’article 46 du décret suprême no 019-2006-TR, portant règlement de la loi générale d’inspection du travail, qualifie d’infraction très grave le fait de s’opposer de manière injustifiée à l’entrée ou au stationnement d’inspecteurs du travail et de leurs supérieurs, d’inspecteurs auxiliaires ou de techniciens officiellement agréés, dans un lieu de travail ou dans des zones déterminées de celui-ci aux fins d’inspection et que c’est la raison pour laquelle des amendes ont été infligées à l’entreprise Panam Contenidos S.A. pour des infractions très graves à la législation; et 3) huit procédures en application de mesures protectrices sont en instance contre l’entreprise, interjetées par la Direction régionale du travail dans le cadre de son mandat conjoint de recouvrement actif des amendes impayées.
- 1177. A cet égard, le comité observe que le gouvernement n’a pas communiqué d’observations concernant les allégations de licenciements et de transferts antisyndicaux motivés par la création d’un syndicat au sein de l’entreprise Panam Contenidos S.A. et qu’il s’est contenté de présenter des informations sur les difficultés rencontrées pour mener à bien des inspections dans l’entreprise en question. Le comité rappelle que «la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats» et que «nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et [qu’]il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique». [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 769 et 771.]
- 1178. Le comité regrette que tant de temps se soit écoulé depuis la date de ces licenciements et des transferts qui ont eu lieu sans qu’il ait été apparemment possible d’enquêter sur la véracité de ces allégations ou d’adopter des mesures de réparation, le cas échéant. Le comité regrette en outre l’attitude peu coopérative de l’entreprise qui, selon le gouvernement, a fait obstacle aux inspections du travail. Dans ces conditions, le comité demande instamment au gouvernement de prendre, sans tarder, des mesures pour que soit diligentée une enquête dans l’entreprise au sujet des allégations de licenciements et de transferts de personnel et d’autres actions antisyndicales qui résulteraient de la création d’un syndicat, et de le tenir informé des résultats de cette enquête. Parallèlement, le comité prie le gouvernement, au cas où ces allégations s’avéreraient fondées, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les travailleurs et les travailleuses licencié(e)s ou transféré(e)s pour des raisons antisyndicales soient réintégré(e)s à leur poste de travail et que tous les salaires et autres avantages qui leur sont dus soient payés.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1179. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver la recommandation suivante:
- Le comité demande instamment au gouvernement de prendre, sans tarder, des mesures pour que soit diligentée une enquête dans l’entreprise Panam Contenidos S.A. au sujet des allégations de licenciements et de transferts de personnel et d’autres actions antisyndicales qui résulteraient de la création d’un syndicat, et de le tenir informé des résultats de cette enquête. Parallèlement, le comité prie le gouvernement, au cas où ces allégations s’avéreraient fondées, de prendre toutes les mesures nécessaires pour que les travailleurs et les travailleuses licencié(e)s ou transféré(e)s pour des raisons antisyndicales soient réintégré(e)s à leur poste de travail et que tous les salaires et autres avantages qui leur sont dus soient payés.