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- 977. La plainte figure dans une communication de la Fédération des travailleurs de l’électricité du Pérou (FTLFP) en date du 15 avril 2008. Cette organisation a envoyé de nouvelles allégations dans une communication du 3 novembre 2008. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date du 24 février et du 20 octobre 2009.
- 978. Le Pérou a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ainsi que la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 979. Dans sa communication en date du 15 avril 2008, la Fédération des travailleurs de l’électricité du Pérou (FTLFP) explique que la négociation collective entre ses syndicats affiliés et les entreprises d’électricité publiques concernées relève du régime du travail privé et est donc régie par les principes d’autonomie des parties, de telle sorte que cette négociation devrait être exempte de toute ingérence ou intervention des pouvoirs publics. Cependant, depuis sa création en 1999, le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat (FONAFE) participe activement au processus de négociation collective. L’organisation plaignante allègue en particulier que, par voie de la circulaire no 009 du 27 février 2008, le FONAFE a établi des «lignes directrices concernant la négociation collective menée par les entreprises relevant du FONAFE», à savoir:
- – Le directeur ou l’administrateur de l’entreprise désigne dans le document pertinent les membres de la commission de négociation représentant l’entreprise (ci-après dénommée commission de négociation) et y indique les paramètres sur la base desquels il convient négocier avec la représentation syndicale. Ces paramètres doivent être strictement conformes au cadre juridique en vigueur.
- – Préalablement à la conclusion de la convention collective, les commissions de négociation remettent un rapport à la direction générale de l’entreprise dans lequel elles évaluent les propositions de la représentation syndicale. En se fondant sur ce rapport, les commissions de négociation établissent une proposition de négociation définitive, qui doit être approuvée par le comité directeur ou l’administrateur général de l’entreprise en vue de sa soumission à la représentation syndicale.
- – A l’issue de la négociation collective, le commission de négociation défend et justifie dans un rapport écrit la façon dont les paramètres fixés ont été respectés. Ce rapport doit être présenté à l’organe social qui les avait définis et qui en fera lui-même copie au FONAFE pour information.
- 980. Par ailleurs, le FONAFE, dans le cadre de son activité normative, met en place des dispositifs qui limitent le droit des travailleurs de négocier librement et qui ont également une incidence sur le contenu des négociations. C’est ainsi qu’il a établi, en vertu de la décision no 002-2003/DE-FONAFE de sa direction exécutive en date du 22 janvier 2003, des «politiques de rémunération» applicables à certaines entreprises d’Etat et notamment aux travailleurs des syndicats affiliés à la FTLFP des entreprises Egesur SA, EGEMSA, Seal SA, Electro Sur Este SAA et Electrosur SA. Il en va de même de la décision de la direction exécutive du Fonds no 047-2002/DE-FONAFE concernant l’entreprise de production d’électricité San Gabán SA qui a été prise et appliquée dans le même but, tout comme la décision de la direction exécutive du Fonds no 033-2002/DE-FONAFE concernant les entreprises EGECEN SA, Electro Ucayali SA, EGASA et Electro Oriente SA. Ces règles, établies en vertu d’un pouvoir inexistant du FONAFE, prévoient des plafonds applicables aux rémunérations des travailleurs visés par une négociation collective.
- 981. Par exemple, l’organisation plaignante ajoute que, dans le cadre de la négociation et de la conclusion des conventions collectives pour 2007, signées par ses syndicats de base avec les entreprises Sociedad Eléctrica del Sur Oeste SA (Seal SA) et Electro Sur SA, le plafonnement des rémunérations imposé par le FONAFE a été appliqué en vertu de la décision de sa direction exécutive no 002-2003/DE-FONAFE, ce qui constitue une violation du principe d’autonomie collective, a fortiori si les conventions collectives en question prévoient que les travailleurs assujettis à cette procédure ne bénéficieront pas d’augmentation de salaire pendant la période visée.
- 982. Dans sa communication en date du 3 novembre 2008, l’organisation plaignante cite le cas de l’entreprise Electro Sur Medios SAA, dans laquelle existent deux syndicats de base affiliés à l’organisation en question: le Syndicat unique des travailleurs et employés de l’entreprise Electrosur Medio SAA ICA-NASCA et ses filiales, et le Syndicat unique des travailleurs de l’entreprise Electricidad Regional del Sur Medio SAA Pisco-Chincha. Au moment de la soumission de la plainte, ces syndicats négociaient les cahiers de revendications pour les périodes 2007-08 et 2008-09. L’organisation plaignante indique que, le 22 septembre 2008, les syndicats susmentionnés ont informé l’entreprise Electro Sur Medio SAA ainsi que l’Autorité régionale du travail d’Ica de la décision de leurs membres d’entamer une grève nationale illimitée, décision adoptée majoritairement à la suite du refus de l’entreprise Electro Sur Medio SAA de parvenir à une solution concernant le cahier de revendications pour la période 2007-08.
- 983. La décision de faire grève a été adoptée les 9 et 11 septembre aux assemblées convoquées et tenues par les comités directeurs des syndicats, et conformément aux règles figurant dans les statuts de ces organisations ainsi qu’à la loi sur les relations collectives de travail.
- 984. Nonobstant ce qui précède, en réponse au préavis de grève, l’entreprise Electro Sur Medio SAA, dans son courrier du 23 septembre 2008, a porté ouvertement atteinte à la liberté syndicale collective en indiquant ce qui suit: «Nous accusons réception de votre communication non datée par laquelle vous nous informez de votre décision d’entamer une grève générale illimitée à compter du 7 octobre prochain à minuit. Vous y joignez copie des procès-verbaux des assemblées tenues respectivement les 9 et 11 septembre et auxquelles vos membres auraient pris ladite décision. Or, ceux-ci n’avaient pas connaissance du fait que nous vous avions convoqués le 18 du mois à notre bureau principal pour vous faire savoir que nous acceptions votre dernière proposition d’ensemble relative aux rémunérations, à une exception près, à savoir que la durée de vos congés syndicaux soit limitée au délai prévu par la loi, ce qui semble raisonnable compte tenu des besoins de l’entreprise dans un contexte économique extrêmement difficile».
- 985. Ainsi, l’employeur accuse les deux syndicats d’avoir tenu des assemblées générales de travailleurs et adopté la décision de faire grève, sans avoir informé les travailleurs syndiqués de sa proposition d’augmentation salariale, qui prévoyait en outre la renonciation aux congés syndicaux permanents dont les dirigeants des syndicats participant à la négociation collective bénéficient conformément aux conventions collectives conclues avec cette entreprise. Cela constitue à l’évidence une ingérence manifeste dans l’activité syndicale, qui est protégée par l’article 2 de la convention no 98 de l’OIT. Cela est d’autant plus vrai si, comme exposé plus loin, l’entreprise Electro Sur Medio SAA entend subordonner l’accord sur le cahier de revendications pour la période 2007-08 négocié collectivement à la renonciation aux congés syndicaux permanents dont bénéficient actuellement les dirigeants syndicaux, ce qui là encore porte atteinte à la liberté syndicale.
- 986. L’organisation plaignante signale que, dans un autre paragraphe du même courrier, la fondée de pouvoir de l’entreprise Electro Sur Medio SAA énonce ce qui suit: «Etant donné que la décision a été prise aux assemblées tenues les 9 et 11 septembre 2008, il semble que les travailleurs ignoraient que votre dernière proposition d’augmentation salariale avait été acceptée par l’entreprise le 18 septembre dernier, et nous nous étonnons donc fortement que les travailleurs souhaitent faire une grève illimitée uniquement pour un avantage syndical qui ne compromet en rien le libre exercice des activités syndicales, que nous avons toujours respectées.»
- 987. Il convient de signaler sur ce point que, conformément à l’article 32 de la loi no 25593 sur les relations collectives de travail, qui fait dorénavant l’objet du texte unique codifié approuvé par le décret no 010-2003-TR, les congés syndicaux d’une durée supérieure au délai légal minimal de 30 jours ouvrables prévu dans la même loi doivent être respectés, sauf que dans le cas concret les parties ont accepté de modifier la convention collective à l’origine de ces congés dans l’entreprise Electro Sur Medio SAA. A cet égard, le refus des syndicats susmentionnés de négocier ou d’abandonner le droit aux congés syndicaux permanents que leur confèrent les conventions collectives conclues avec l’entreprise Electro Sur Medio SAA ne peut être invoqué pour donner à penser qu’il a constitué une condition et un obstacle à la conclusion d’un accord sur le cahier de revendications pour la période 2007-08. En particulier, l’entreprise Electro Sur Medio SAA propose d’accorder une augmentation de salaire et de trouver une issue au conflit, à condition que la durée des congés syndicaux permanents soit ramenée au nombre légal de jours de congé par an (30 jours), visé à l’article 32 de la loi sur les relations collectives de travail.
- B. Réponse du gouvernement
- 988. Dans sa communication en date du 24 février 2009, le gouvernement transmet les observations ciaprès formulées par le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat (FONAFE) au sujet de la plainte.
- 989. En premier lieu, l’organisation plaignante indique que les entreprises publiques relèvent du régime du travail privé et que, par conséquent, elles doivent être exemptes de toute intervention de l’Etat, même lorsque celui-ci en est l’actionnaire majoritaire. Or l’Etat non seulement détient le capital des entreprises publiques, mais il fait également fonction d’employeur et jouit à ce titre des mêmes prérogatives que tout employeur privé qui définit ses stratégies de négociation de façon autonome et libre, dans les limites que lui imposent les règles générales d’ordre public et le budget de l’entreprise considérée. En outre, il convient de souligner que, conformément à l’article premier du texte unique codifié de la loi sur les relations collectives de travail – décret no 010-2003-TR –, les travailleurs employés par des entités étatiques et des entreprises relevant de l’activité économique de l’Etat sont régis par ladite législation pour autant que ses dispositions ne soient pas contraires à des règles spéciales limitant les avantages qu’elle prévoit. Autrement dit, il est proposé d’appliquer ladite législation de façon supplétive dès lors qu’il existe des règles particulières susceptibles de limiter certains droits qu’elle prévoit, comme la négociation collective. C’est ainsi que la loi no 27170 sur le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat (ci-après dénommée loi du FONAFE) et la loi générale no 28411 sur le système budgétaire national constituent des règles spéciales qui restreignent le champ d’application du texte unique codifié de la loi sur les relations collectives de travail, comme nous l’expliquons plus loin.
- 990. En deuxième lieu, l’organisation plaignante indique que les attributions du FONAFE ont uniquement trait à la gestion des entreprises publiques, autrement dit à l’approbation des budgets et des règles de gestion. Elle indique en outre que le FONAFE n’est pas habilité à intervenir dans les procédures de négociation collective qui se déroulent au sein de chacune de ces entreprises ni à en diriger le processus. Sur ce point, il convient de préciser que le FONAFE ne se borne pas à être le simple détenteur ou titulaire d’actions représentant le capital social des entreprises d’Etat et que, bien au contraire, il joue un rôle positif et essentiel dans l’ensemble du processus budgétaire de ces entreprises, en exerçant les pouvoirs de réglementation et d’approbation qui lui sont conférés par la loi. Cet organisme fait donc fonction de régulateur de l’activité économique de l’Etat, et ce conformément au chapitre VI de la loi générale no 28411 sur le système budgétaire national, qui dispose ce qui suit à l’alinéa 52.4:
- 52.4.?Le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat – FONAFE – et les entreprises qui en relèvent programment et formulent leur budget en se fondant sur les directives émises par ladite entité, dans le cadre des règles de stabilité fondées sur les projections macroéconomiques visées à l’article 4 de la loi sur la responsabilité et la transparence fiscale (…)
- 991. En outre, la quatrième disposition transitoire de la loi générale no 28411 sur le système budgétaire national énonce ce qui suit:
- 3.?Le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat – FONAFE –, en vertu de l’accord de son comité directeur, approuve son barème des traitements et ceux de ses entreprises et réglemente, dans les limites de son domaine de compétence, les questions touchant aux salaires et autres avantages sociaux. Dans les entreprises qui participent à l’activité économique de l’Etat mais qui ne relèvent pas du FONAFE, les augmentations ou les ajustements de salaire ou encore l’octroi de nouvelles prestations sont approuvés par décret suprême ratifié par le ministre de l’Economie et des Finances.
- 992. Ainsi, conformément à l’article premier du texte unique codifié de la loi sur les relations collectives de travail et aux lois mentionnées dans les présentes observations, le FONAFE peut et doit intervenir dans la politique de rémunération appliquée par ces entreprises en établissant des limites et des lignes directrices, sans que cela puisse se être assimilé à une ingérence dans la négociation collective.
- 993. Il ne faut pas non plus négliger le fait que les compétences dont jouit légalement le FONAFE en sa qualité d’organe chargé de la supervision de la politique budgétaire des entreprises publiques, et plus précisément les pouvoirs réglementaires qui lui sont conférés en ce qui concerne les barèmes et la structure des rémunérations perçues par les travailleurs de ces entreprises, ne procèdent pas d’une volonté d’asseoir la position de force de l’Etat. En effet, d’après la doctrine en matière d’activité économique de l’Etat, la raison en est toute autre:
- Contrairement aux particuliers, qui exploitent les entreprises d’Etat ou les entreprises industrielles à des fins lucratives, l’Administration publique le fait dans le but de servir l’intérêt public. Les biens dont dispose l’entreprise ne lui appartiennent pas, mais font simplement partie du patrimoine «affecté» à l’accomplissement des finalités de cette entité qu’est l’Etat.
- 994. Par conséquent, par le biais de ses lignes directrices, le FONAFE ne fait rien d’autre que de plafonner les rémunérations en fonction du budget alloué aux entreprises d’Etat, le but étant de parvenir au développement du pays grâce à une politique d’austérité. Il s’agit en effet de fixer des salaires raisonnables qui soient à la mesure de l’activité exercée par chaque travailleur et bien évidemment fondés sur le budget de l’entreprise publique (lequel est aligné sur les plans opérationnel et stratégique de l’entreprise).
- 995. En troisième lieu, l’organisation plaignante allègue que le FONAFE est intervenu illégalement dans la négociation collective, de la façon suivante:
- – Constitution de la commission de négociation représentant la direction; cela n’est pas avéré, car chaque entreprise nomme son personnel et c’est avec elle que l’employé entretient une relation de travail et non avec le FONAFE. Celui-ci ne participe pas à cette nomination.
- – Elaboration de la proposition budgétaire; le FONAFE n’y participe pas. En effet, il se borne à approuver le budget consolidé des entreprises qui relèvent de son domaine de compétence, conformément aux directives publiées à cette fin (disponibles sur le site www.fonafe.gob.pe). Ce faisant, il s’attache à établir les grandes rubriques ou la portée générale d’un budget, en fixant des plafonds généraux en matière de rémunération applicables aux dépenses globales de l’entreprise (y compris les dépenses générales de personnel); mais chaque entreprise peut pleinement exercer ses compétences et son pouvoir discrétionnaire pour décider des modalités de mise en œuvre de sa politique de rémunération interne et de gestion des risques professionnels. Par conséquent, il appartient à l’entreprise d’établir son budget spécifique pour chaque travailleur, ce qui inclut les risques professionnels auxquels elle doit faire face.
- 996. En ce sens, le FONAFE, en sa qualité d’organe régulateur de l’activité économique de l’Etat, agit conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés par la loi lorsqu’il donne des orientations non pas particulières mais complémentaires aux fins de la négociation entre les entreprises relevant de son domaine de compétence et leurs travailleurs. Comme cela a été mentionné précédemment, l’Etat, à l’instar de tout autre employeur, est habilité à indiquer aux membres des commissions de négociation représentant l’entreprise, par le biais de directives ou de communications du FONAFE, les paramètres sur lesquels ils doivent se fonder pour ébaucher les propositions de négociation collective, lesquelles ne doivent pas dépasser les limites budgétaires fixées par la loi.
- 997. D’après l’organisation plaignante, le FONAFE s’est immiscé dans la négociation collective en publiant la circulaire no 009-2008/DE-FONAFE; et a également violé le droit de libre négociation par le biais de la décision de sa direction no 002-2003/DE-FONAFE du 22 janvier 2003, qui a eu de plus une incidence sur le contenu de la négociation. Sur ce point, le FONAFE nie catégoriquement toute intervention de sa part dans la négociation collective par le biais de la circulaire susmentionnée, dont l’unique objet est de rappeler les règles générales en vigueur et d’indiquer une marche à suivre globale concernant l’organisation des représentants de l’employeur, et il estime qu’à aucun moment il n’est dit ou laissé entendre que le FONAFE intervient dans la relation avec les travailleurs ou dans la négociation collective concernée. Enfin, le FONAFE demande uniquement à être tenu informé des résultats de la négociation collective. En outre, il indique expressément dans cette même circulaire ce qui suit:
- … il convient de souligner que, en aucune circonstance, le FONAFE n’interviendra ni ne participera aux négociations collectives que les entreprises relevant de son domaine de compétence mènent avec leurs syndicats respectifs.
- 998. Sur ce point précis, l’article 2, paragraphe 2, de la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, dispose ce qui suit:
- Sont notamment assimilées à des actes d’ingérence au sens du présent article des mesures tendant à provoquer la création d’organisations de travailleurs dominées par un employeur ou une organisation d’employeurs, ou à soutenir des organisations de travailleurs par des moyens financiers ou autrement, dans le dessein de placer ces organisations sous le contrôle d’un employeur ou d’une organisation d’employeurs.
- 999. A aucun moment, le FONAFE n’a donc tenté de provoquer la création d’organisations d’employeurs ou de travailleurs dans l’intention de les contrôler. Il a simplement agi conformément aux pouvoirs qui lui sont conférés en vertu de la loi, afin de veiller à ce que les limites budgétaires applicables à la rémunération des travailleurs ne soient pas dépassées dans le cadre de la négociation collective, le but étant de faire primer l’intérêt général et non l’intérêt particulier.
- 1000. D’après les indications de l’organisation plaignante, le FONAFE plafonne les rémunérations et impose des lignes directrices en se prévalant d’un pouvoir qu’il n’a pas, outre le fait qu’il ne peut pas participer directement aux négociations collectives. A ce sujet, en vertu de la loi no 27170 portant création du FONAFE, celui-ci dirige, approuve, règlemente et supervise l’ensemble des questions touchant au budget et à la gestion efficace des entreprises relevant de son domaine de compétence. De ce fait, il est habilité à publier des directives et des communiqués en la matière, auxquels les entreprises doivent se conformer, ainsi que des communiqués visant uniquement à harmoniser les budgets de ces entreprises; on notera que ces communiqués énoncent des limites générales qui ne définissent pas en particulier ni ne reflètent les relations de travail existant au sein de chaque entreprise. De même, il convient d’avoir à l’esprit que l’objet de ces lignes directrices est de faire appliquer la politique budgétaire en matière de rémunération dans les entreprises d’Etat. Comme cela a été dit, il s’agit non pas d’accumuler des richesses au bénéfice de l’Etat, mais de servir l’intérêt général, d’éviter des dépenses excessives et de réinvestir les économies obtenues dans l’intérêt de la société.
- 1001. Le gouvernement transmet en outre, par une communication en date du 24 février 2009, un rapport du service juridique du ministère du Travail, approuvé par le directeur général du service en question, dans lequel est cité un éminent professeur, M. Neves, qui explique que les conventions collectives se situent à un degré inférieur à celui de la réglementation gouvernementale. Il ajoute toutefois que «l’autonomie collective étant garantie par la Constitution, la loi ne peut imposer des restrictions ayant pour effet de la dénaturer». Par conséquent, il y a lieu de déterminer au cas par cas les imitations de la négociation collective qui sont valables et celles qui ne le sont pas. Les règles de droit maximales établissent des plafonds qui ne peuvent pas être dépassés au titre de l’autonomie privée, tandis que les normes de droit absolues excluent totalement l’autonomie privée. Si l’on compare les données d’expérience au niveau national, on constate que ces deux types de règle ont été appliqués dans le cadre de programmes de stabilisation destinés à atténuer les effets inflationnistes de telle ou telle crise économique. En de tels cas, il y a conflit entre deux valeurs consacrées par la Constitution: la qualité de vie de la population, d’une part, et l’autonomie collective, d’autre part, d’où l’impossibilité de faire primer impérativement l’une de ces valeurs sur l’autre. Le rapport du service juridique du ministère du Travail reproduit ensuite les principes du Comité de la liberté syndicale en matière de négociation collective et ajoute que, s’agissant de l’intervention de l’Etat dans la négociation collective, la doctrine (Dolorier) soutient que le comité distingue deux cas de figure:
- – Dans une situation normale, les partenaires sociaux ont pleine liberté pour exercer leur droit de négociation collective. Dans l’intérêt général toutefois, ils peuvent volontairement revoir à la baisse leurs attentes dans le cadre de la négociation. A cette fin, le comité recommande que le gouvernement convoque les parties aux fins de la concertation, établisse des procédures de délibération institutionnalisées, voire conteste en justice des conventions collectives. Ces mesures sont destinées à prévenir les éventuels effets indésirables que pourraient avoir les conventions collectives sur l’économie nationale.
- – En cas de crise grave exigeant l’adoption de mesures rapides et efficaces, le comité considère que les Etats ont l’obligation d’intervenir pour résoudre la situation, même lorsque cela suppose la restriction totale du droit de négociation collective.
- 1002. Compte tenu de ce qui précède, le service juridique du ministère du Travail formule la conclusion suivante:
- – Dans le cas exposé par la Fédération des travailleurs de l’électricité du Pérou, une limite aurait été imposée aux questions salariales faisant l’objet de la négociation collective, ce qui porterait atteinte au fondement même de ce droit constitutionnel d’autant que, cette limite ayant été fixée de façon unilatérale et à titre permanent, il n’y aurait pas eu de consultation préalable avec les représentants des travailleurs ni d’explication avec eux concernant les considérations d’intérêt général en vue de parvenir à un quelconque accord.
- 1003. Par conséquent, dans une communication en date du 30 octobre 2009, le gouvernement indique avoir transmis au FONAFE les allégations relatives au plafonnement des salaires dans les entreprises publiques ainsi que les nouvelles allégations de la Fédération des travailleurs de l’électricité du Pérou du 3 novembre 2008 selon lesquelles la direction aurait commis des actes d’ingérence en rapport avec les congés syndicaux permanents dont bénéficient certains dirigeants syndicaux. Le gouvernement ajoute avoir demandé à l’inspection du travail des informations en relation avec le thème des licenciements syndicaux.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 1004. Le comité note que, dans la présente plainte, l’organisation plaignante allègue que le Fonds national de financement de l’activité économique de l’Etat (FONAFE) s’immisce dans les processus de négociation collective des entreprises d’Etat, comme le donnent à penser la circulaire no 009-2008 publiée par le Fonds le 27 février 2008 et la décision de sa direction no 002-2003 qui fixent des plafonds applicables aux rémunérations faisant l’objet de la négociation collective pour 2007 et prévoient aussi qu’aucune augmentation de salaire ne sera accordée aux travailleurs concernés durant cette période. Par ailleurs, ces dispositions établissent que les commissions de négociation désignées par le directeur ou l’administrateur de l’entreprise doivent élaborer un rapport d’évaluation sur les propositions syndicales et que le directeur ou l’administrateur général de l’entreprise doit approuver la proposition de négociation définitive présentée par la commission de négociation (représentant l’entreprise). De même, à l’issue de la négociation collective, cette commission doit justifier par écrit la façon dont les paramètres fixés ont été respectés.
- 1005. Le comité prend note de la position du FONAFE (exposée en annexe de la réponse du gouvernement), qui nie catégoriquement avoir pris des dispositions à l’effet d’intervenir dans la négociation collective ou d’influencer et d’orienter les procédures de négociation collective au sein de chaque entreprise d’Etat; toutefois, en sa qualité d’organisme régulateur de l’activité économique de l’Etat, le FONAFE fixe au moyen de lignes directrices un plafond applicable aux rémunérations en fonction du budget alloué aux entreprises d’Etat et du budget de l’entreprise concernée, qui est aligné sur les plans opérationnel et stratégique de celle-ci; le FONAFE ne participe pas à l’élaboration de la proposition budgétaire (des représentants de l’entreprise dans le cadre de la négociation collective), mais approuve le budget consolidé des entreprises d’Etat, ce qui consiste à établir les grandes rubriques ou la portée générale d’un budget en fixant des plafonds généraux en matière de rémunération applicables aux dépenses globales de l’entreprise (y compris les dépenses générales de personnel); mais les entreprises concernées peuvent pleinement exercer leurs compétences et leur pouvoir discrétionnaire pour décider des modalités de mise en œuvre de leur politique de rémunération interne et de gestion des risques professionnels. En d’autres termes, l’entreprise a le droit d’indiquer aux membres de sa commission de négociation les paramètres sur lesquels se fonder pour ébaucher les propositions de négociation collective, propositions qui ne doivent pas dépasser les limites budgétaires imposées par la loi aux rémunérations des travailleurs, et ce afin d’éviter des dépenses excessives et de réinvestir les économies ainsi obtenues pour le bien de la société et dans l’intérêt général, étant donné que les entreprises d’Etat n’ont pas de but lucratif.
- 1006. Le comité prend note des observations du gouvernement (figurant dans le rapport signé par le directeur général du service juridique), dans lesquelles, après avoir fait référence aux principes du Comité de la liberté syndicale, il conclut que dans les cas visés par la plainte une limite aurait été imposée aux salaires faisant l’objet de la négociation collective, ce qui porterait atteinte au fondement même de ce droit constitutionnel, étant donné que cette limite aurait été fixée de façon unilatérale et à titre permanent, sans qu’il y ait eu de consultation préalable avec les représentants des travailleurs ni d’explication concernant les considérations d’intérêt général en vue de parvenir à un quelconque accord.
- 1007. Le comité observe que la circulaire no 009-2008 du FONAFE (lignes directrices concernant la négociation collective dans les entreprises relevant du domaine de compétence du FONAFE) établit notamment ce qui suit:
- – Le directeur ou l’administrateur général de l’entreprise désigne dans le document pertinent les membres de la commission de négociation représentant l’entreprise (ciaprès dénommée commission de négociation) et y indique les paramètres sur la base desquels il convient de négocier avec la représentation syndicale. Ces paramètres doivent être strictement conformes au cadre juridique en vigueur.
- – Préalablement à la conclusion de la convention collective, les commissions de négociation remettent un rapport à la direction générale de l’entreprise dans lequel elles évaluent les propositions de la représentation syndicale. En se fondant sur ce rapport, les commissions de négociation établissent une proposition de négociation définitive, qui doit être approuvée par le comité directeur ou l’administrateur général de l’entreprise en vue de sa soumission à la représentation syndicale.
- – A l’issue de la négociation collective, la commission de négociation défend et justifie dans un rapport écrit la façon dont les paramètres fixés ont été respectés. Ce rapport doit être présenté à l’organe social qui les avait définis et qui en fera lui-même copie au FONAFE pour information.
- 1008. Le comité estime que ces lignes directrices ont trait, d’une part, à la désignation des représentants de l’employeur en cas de négociation collective dans des entreprises publiques et, d’autre part, aux paramètres de la négociation ainsi qu’au suivi de leur application. Attendu que les budgets consolidés sont adoptés au préalable par d’autres organes publics, le comité estime qu’en exigeant un droit de regard sur les propositions de négociation définitives présentées par ses négociateurs la direction de l’entreprise ne porte pas atteinte aux principes de la négociation collective.
- 1009. Toutefois, le comité observe que cette même circulaire du FONAFE (no 009-2008) énonce ce qui suit: «Il convient de tenir compte de la Directive sur la gestion et le processus budgétaire des entreprises relevant du domaine de compétence du FONAFE, qui établit que les augmentations de salaire et/ou l’amélioration des avantages sociaux, des allocations, des conditions de travail, etc., doivent respecter les plafonds prévus dans les barèmes des traitements en vigueur et sont subordonnées à l’approbation préalable du budget correspondant par le FONAFE.»
- 1010. A cet égard, le comité souhaite rappeler les principes qu’il applique en matière de restrictions salariales imposées dans le cadre de la négociation collective dans le secteur public. En particulier, s’agissant de l’exigence d’un avis préalable (donné par les autorités financières et non par l’entreprise ou l’entité publique concernée) sur les projets de convention collective du secteur public et les incidences financières qui en découlent, le comité a dit être conscient de ce que la négociation collective dans le secteur public exige la vérification des ressources disponibles au sein des différents organismes ou entreprises publiques, de ce que ces ressources dépendent du budget de l’Etat et de ce que la période de validité des conventions collectives du secteur public ne coïncide pas toujours avec celle de la loi relative à ce budget, ce qui peut poser des difficultés. Cet organe peut également formuler des recommandations en fonction de la politique économique du gouvernement ou veiller à ce qu’il n’y ait pas de discrimination dans les conditions de travail des salariés des différentes entités ou entreprises publiques à l’occasion de la négociation collective. Il y a aurait lieu de prévoir un mécanisme afin que les organisations syndicales et les employeurs et leurs organisations soient consultés lors des négociations collectives dans le secteur public et puissent faire connaître leur point de vue à l’autorité chargée du contrôle des incidences financières des projets de convention collective. Néanmoins, indépendamment de toute opinion exprimée par les autorités financières, les parties à la négociation collective devraient avoir la possibilité de conclure librement un accord. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1037.]
- 1011. D’autre part, étant donné que, d’après l’organisation plaignante, il n’y a pas eu d’augmentation de salaire pour 2007 dans deux entreprises publiques d’électricité, ce qui n’a pas été démenti par le gouvernement, le comité rappelle de façon générale que, si au nom d’une politique de stabilisation un gouvernement considère que le taux des salaires ne peut pas être fixé librement par voie de négociation collective, une telle restriction devrait être appliquée comme une mesure d’exception, limitée à l’indispensable, elle ne devrait pas excéder une période raisonnable et elle devrait être accompagnée de garanties appropriées en vue de protéger le niveau de vie des travailleurs. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1024.]
- 1012. Le comité relève que, dans les observations transmises par le gouvernement, il est estimé dans les différents cas signalés par l’organisation plaignante que des restrictions salariales ont été imposées de façon unilatérale et à titre permanent, sans qu’il y ait eu de consultation préalable avec les représentants syndicaux ni d’explication quant à des considérations d’intérêt général en vue de parvenir à un quelconque accord.
- 1013. Dans ces circonstances, compte tenu des principes énoncés ci-dessus et notant que le gouvernement a transmis au FONAFE les questions soulevées par le comité, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les syndicats des entreprises publiques sont consultés dans la détermination du plafonnement des salaires dans le cadre du budget des entreprises publiques, de telle sorte que les organisations syndicales concernées puissent évaluer la situation, exprimer leur point de vue et leur position, et débattre avec les autorités des considérations d’intérêt général que, le cas échéant, ces autorités jugent utile de souligner.
- 1014. Enfin, le comité attend toujours les observations annoncées par le gouvernement au sujet des allégations figurant dans la dernière communication de l’organisation plaignante et portant sur des tentatives qui auraient pour objectif que les syndicats renoncent aux congés syndicaux permanents auxquels ils ont droit dans diverses entreprises publiques ainsi que des informations concrètes attendues du FONAFE et de l’inspection du travail.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 1015. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Compte tenu des principes énoncés dans ses conclusions, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les syndicats des entreprises publiques sont consultés lors de la détermination du plafonnement des salaires dans le cadre du budget des entreprises publiques, de telle sorte que les organisations syndicales concernées puissent évaluer la situation, exprimer leur point de vue et leur position, et débattre avec les autorités des considérations d’intérêt général que, le cas échéant, ces autorités jugent utile de souligner.
- b) Le comité attend toujours les observations annoncées par le gouvernement au sujet des allégations figurant dans la dernière communication de l’organisation plaignante et portant sur des tentatives qui auraient pour objectif que les syndicats renoncent aux congés syndicaux permanents auxquels ils ont droit dans diverses entreprises publiques ainsi que des informations concrètes attendues du FONAFE et de l’inspection du travail à cet égard.