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- 827. La plainte figure dans une communication en date du 19 mai 2009 de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA), et dans une communication en date du 7 juillet 2009 du Syndicat national des travailleurs de l’hôtellerie, de la restauration et des branches connexes (NUWHRAIN) – Hôtel Dusit Nikko Chapter, appuyée par l’Alliance progressiste du travail, le Bukluran ng Manggagawang Pilipino, la Confédération des syndicats indépendants dans le secteur public, Manggagawa para sa Kalayaan ng Bayan, le Syndicat national du travail, Partido ng Manggagawa, la Confédération indépendante des travailleurs de la fonction publique, l’Alliance des syndicats de Coca-Cola des Philippines, l’Alliance des travailleurs de l’industrie automobile, l’Organisation de la ligue de la banque indépendante, l’Alliance nationale des syndicats de la radiodiffusion, le Syndicat des employés postaux des Philippines, Pinag-isang Tinig at Lakas ng Anak Pawis, l’Alliance des travailleurs philippins de la métallurgie et le Réseau de solidarité des travailleurs.
- 828. Le gouvernement a présenté des observations partielles dans une communication en date du 15 janvier 2010.
- 829. Les Philippines ont ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 830. Dans leurs communications en date des 19 mai et 7 juillet 2009, les organisations plaignantes font référence à une décision de la Cour suprême des Philippines rendue le 11 novembre 2008, portant sur le licenciement de 90 travailleurs de l’Hôtel Dusit Nikko Chapter, tous anciens membres ou représentants du NUWHRAIN – Hôtel Dusit Nikko Chapter. Les faits conduisant à la décision de la cour ont commencé le 24 octobre 2000, lorsque le NUWHRAIN – Hôtel Dusit Nikko Chapter a présenté son projet de convention collective à la direction de l’hôtel, comme il le fait régulièrement depuis 1978. En tout état de cause, les parties n’ont pas réussi à s’entendre et, le 20 décembre 2001, le syndicat a déposé un préavis de grève auprès du Conseil national de conciliation et médiation (NCMB). Les interventions du NCMB ne permettant pas de sortir de l’impasse, le 14 janvier 2002, les membres syndicaux ont voté la grève. Le 17 janvier 2002, plusieurs membres syndicaux de sexe masculin se sont rendus, les cheveux tondus ou la tête rasée, à l’assemblée générale de leur syndicat dans ses locaux situés au sous-sol de l’hôtel. Le lendemain, d’autres membres syndicaux de sexe masculin se sont présentés au travail également les cheveux tondus ou la tête rasée. Sur instruction de la direction de l’hôtel, la sécurité de l’hôtel a empêché les travailleurs de pénétrer dans l’établissement, déclarant que ces travailleurs avaient violé les normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel. Les travailleurs se sont considérés comme victimes d’un lock-out illégal et ont commencé à organiser un piquet devant l’établissement. D’autres membres se sont joints au piquet après avoir été empêchés de pénétrer dans l’hôtel. En raison du nombre élevé de travailleurs interdits d’accès, l’hôtel a dû suspendre le fonctionnement de trois de ses restaurants. Le 20 janvier 2002, l’hôtel a envoyé des lettres de suspension préventive à plus de 200 représentants et membres syndicaux, y compris des femmes, qui n’avaient pas modifié leur coiffure, les accusant de violation de leur devoir de négocier de bonne foi, de violation des normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel, de participation à un piquet de grève illégal, de participation à une grève illégale et d’actes illégaux durant une grève illégale. Le jour suivant, le 21 janvier 2002, le syndicat a déposé un nouveau préavis de grève pour pratiques de travail illégales, alléguant un lock-out illégal en violation de l’article 248(a) du Code du travail. Tout en maintenant leur piquet de grève devant l’hôtel, les membres syndicaux ont fait parvenir leurs réponses aux accusations de l’hôtel.
- 831. Le 26 janvier 2002, l’hôtel a licencié 29 représentants syndicaux et 61 membres syndicaux. L’hôtel a également suspendu 81 travailleurs pour trente jours, 48 travailleurs pour quinze jours, quatre travailleurs pour dix jours et trois travailleurs pour cinq jours. Le syndicat a déclaré et organisé une grève ce même jour et maintenu le piquet de grève devant les installations de l’hôtel. Le 31 janvier 2002, le syndicat a déposé un troisième préavis de grève pour pratiques de travail déloyales. Il a fait valoir que ses représentants et membres n’avaient pas participé à une grève le 18 janvier 2002 car, ce même jour, ils se sont effectivement présentés au travail mais ont été empêchés par le service de sécurité de l’hôtel de gagner leur poste. En vertu de la législation, il y a grève lorsque l’interruption temporaire de travail a été causée par le refus concerté de travailleurs de travailler. L’hôtel a fait valoir que les membres syndicaux ont participé à une grève le 18 janvier 2002 car le fait qu’ils aient tondu leurs cheveux équivalait à une grève du fait que l’hôtel a dû empêcher les travailleurs concernés de se rendre à leur poste. De plus, il s’agissait d’une grève illégale car lesdits travailleurs se sont fait couper les cheveux pendant la période de temporisation de trente jours et ont violé la clause de non-recours à la grève de la convention collective. Le syndicat a fait valoir à cela que le fait de se tondre la tête ne viole aucune loi et qu’il ne saurait y avoir de grève illégale dans la mesure où il n’y a pas eu de grève en tout premier lieu. Le même jour (31 janvier 2002), la ministre du Travail et de l’Emploi s’est déclarée compétente dans le litige, a validé le conflit pour la Commission nationale des relations professionnelles (NLRC) pour arbitrage obligatoire et émis un ordre de reprise du travail, en donnant à l’hôtel la possibilité de réintégrer les travailleurs licenciés et suspendus dans le tableau des effectifs pour «circonstances particulières liées à leur réintégration».
- 832. Le 1er février 2002, l’hôtel a fait valoir cette possibilité et ordonné aux travailleurs de retourner au travail tandis que d’autres n’ont été réintégrés que dans le tableau des effectifs. En réponse, le 15 mai 2002, le syndicat a déposé une demande de reconsidération de l’ordonnance, à laquelle la ministre du Travail et de l’Emploi n’a pas donné suite. Le syndicat a alors déposé une demande de révision par voie de certiorari auprès de la cour d’appel en contestant la possibilité accordée par la ministre du Travail et de l’Emploi de réintégrer les travailleurs dans le tableau des effectifs au motif que cette possibilité viole l’article 263(g) du Code du travail qui prévoit la réintégration des grévistes «dans les mêmes conditions que celles en vigueur avant la grève ou le lock-out». Le syndicat a fait valoir qu’une réintégration complète aurait dû être mise en œuvre et qu’une réintégration dans le tableau des effectifs était insuffisante.
- 833. La cour d’appel a rejeté la demande du syndicat, et ce dernier a donc déposé une demande devant la Cour suprême dans laquelle il conteste le droit de la ministre du Travail et de l’Emploi d’ordonner une réintégration dans le tableau des effectifs à la place d’une réintégration effective.
- 834. Le 9 octobre 2002, le NLRC a rendu sa décision sur le cas en se prononçant pratiquement sur tous les aspects non résolus en lien avec la convention collective en faveur de l’hôtel, et en déclarant les coupes de cheveux des membres syndicaux comme «équivalentes à une grève», en déclarant la «grève» illégale pour violation alléguée de la «période de temporisation de trente jours», de l’interdiction de faire grève pendant sept jours et de la disposition relative au non-recours à la grève de la convention collective. Le NLRC ajoute que, même si les règles procédurales avaient été suivies, la grève aurait été déclarée illégale en raison des actes illégaux commis par des membres syndicaux. Le NLRC a donc confirmé le licenciement de 29 dirigeants syndicaux pour avoir mené une grève illégale le 18 janvier 2002, confirmé le licenciement de 61 membres syndicaux pour avoir commis des actes illégaux (obstruction au libre accès et à la libre sortie de l’hôtel) et confirmé la suspension des 136 membres syndicaux.
- 835. Le 7 février 2003, le NLRC a rejeté une requête en réexamen du syndicat. Ce dernier a saisi la cour d’appel pour qu’elle prononce une ordonnance de certiorari, affirmant que le NLRC avait gravement abusé de son pouvoir de décision. Le 19 janvier 2004, la cour d’appel a rejeté cette requête. Le syndicat a alors déposé une demande de réexamen par voie de certiorari auprès de la Cour suprême pour réexaminer la décision de la cour d’appel. Le 11 novembre 2008, la Cour suprême a statué sur les deux requêtes.
- 836. La Cour suprême a estimé que l’action concertée des membres et des représentants syndicaux consistant à se tondre les cheveux constituait une activité non protégée et un motif réel et sérieux de licencier les représentants syndicaux, car une telle mesure: 1) était de nature à plonger l’hôtel dans l’embarras; 2) bravait l’autorité de hôtel, pour ce qui a trait à la mise en œuvre des normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel; 3) laissait penser que quelque chose n’allait pas; 4) laissait supposer que quelque chose d’anormal se tramait; 5) était coercitive par nature, car elle exerçait une pression sur l’hôtel pour l’obliger à céder aux exigences du syndicat; enfin, 6) constituait une grève illégale. La Cour suprême a donc confirmé le licenciement des 29 représentants syndicaux pour participation à une grève illégale le 18 janvier 2002. S’agissant des 61 membres syndicaux, la Cour suprême a estimé que l’hôtel n’avait pas clairement établi l’identité des personnes qui avaient participé à des actes illégaux et a donc ordonné leur réintégration. Elle a toutefois accordé à l’hôtel la possibilité de mettre fin à l’emploi des personnes concernées si elles avaient déjà été remplacées.
- 837. Selon les organisations plaignantes, la conduite des membres et des représentants syndicaux ne constituait pas une violation des normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel, qui prévoient que la chevelure d’un employé de sexe masculin ne touchera pas son col et ne couvrira pas ses oreilles. La coupe courte ou le rasage des cheveux des travailleurs ne peut pas avoir violé l’une quelconque de ces exigences. De plus, les organisations plaignantes font valoir que, quand bien même les représentants syndicaux auraient violé les normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel, la sanction la plus sévère que l’hôtel aurait pu leur infliger était une réprimande orale. Les seules règles de fonctionnement de l’hôtel ne sauraient justifier le licenciement de l’ensemble des 29 représentants syndicaux. En outre, malgré le caractère central des spécifications des normes de présentation dans les conclusions du cas, la Cour suprême n’a ni évoqué ni examiné ces spécifications pas plus qu’elle n’a expliqué pourquoi elle maintenait le licenciement de neuf représentantes syndicales qui n’avaient pas modifié leur apparence physique.
- 838. Les organisations plaignantes estiment en outre que les 90 représentants et membres syndicaux ne sauraient avoir été licenciés pour une cause réelle et sérieuse pour le simple motif qu’ils auraient mis l’hôtel dans l’embarras. Le droit des travailleurs d’organiser des actions concertées, voire des grèves et des piquets, ne saurait être démuni de protection au motif que son exercice «embarrasse» un employeur. Le droit d’auto-organisation ou à la liberté syndicale vise à promouvoir les droits et les intérêts des travailleurs, et non pas à louer ou à flatter l’employeur. De la même façon, le droit des travailleurs d’organiser des actions concertées, des piquets et des grèves ne saurait être privé de protection au motif que ces actions braveraient l’autorité de l’hôtel ou parce que de telles actions laisseraient supposer que quelque chose ne va pas ou d’inhabituel se prépare. Les travailleurs ont le droit de faire connaître les raisons d’un différend du travail et d’exprimer leur opinion ou leur mécontentement en se rasant la tête. C’est ainsi que les travailleurs exercent leur liberté d’expression. Les organisations plaignantes voient dans la décision de la Cour suprême une extension de la définition légale de la «grève» pour y inclure des modes d’expression pacifiques qui porteraient soi-disant atteinte à la réputation de l’employeur. Les organisations plaignantes font valoir que cette extension de la définition, si elle acquiert force de loi aux Philippines, constituerait une violation de la convention no 87. Les organisations plaignantes font valoir par ailleurs que la tonte des cheveux des travailleurs ne saurait être privée de protection pour sa simple nature coercitive. Les arrêts de travail, les grèves et les piquets sont coercitifs par nature, et pourtant ces armes économiques sont légales.
- 839. Les organisations plaignantes contestent la qualification des actions des travailleurs de grève, ceux-ci ayant été empêchés par la sécurité de l’hôtel de se présenter au travail avant de faire l’objet d’une mesure de suspension à titre préventif. Les travailleurs licenciés ne pouvaient pas avoir refusé de travailler ou avoir organisé une grève, pour la simple raison qu’ils n’ont pas eu la possibilité de choisir de travailler. En licenciant les travailleurs, l’hôtel les a empêchés de faire grève. Les organisations plaignantes affirment que la Cour suprême n’a pas contesté ces faits, mais a oublié de se pencher sur cette contradiction alléguée lors de son examen.
- 840. S’agissant des 61 membres syndicaux, les organisations plaignantes font savoir que la cour a ordonné leur réintégration sans arriérés de salaires et a donné à l’hôtel la possibilité de mettre fin à leur emploi dans l’hypothèse où des remplaçants auraient été trouvés à ces travailleurs. Selon les organisations plaignantes, il était certain que l’hôtel opterait pour cette possibilité car, après plus de sept ans d’activité, tous ses employés ont été remplacés. Les organisations plaignantes insistent sur le fait que le licenciement de tous les représentants et membres syndicaux revient à la disparition du syndicat. A cet égard, les organisations plaignantes font savoir que, peu de temps après les licenciements, la direction de l’hôtel a favorisé la création et l’accréditation d’une organisation dénommée le Syndicat des employés de l’Hôtel Dusit. Les organisations plaignantes affirment que ceci démontre que les intentions réelles de l’hôtel; en licenciant les membres et les représentants du syndicat, il éliminait l’agent négociateur légal représentant les travailleurs de l’hôtel, le NUWHRAIN – Hôtel Dusit Nikko Chapter, qui négocie pour les travailleurs depuis 1978.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 841. Dans sa communication en date du 15 janvier 2010, le gouvernement indique que la mission de haut niveau de l’OIT réalisée du 22 au 29 septembre 2009 a identifié quatre domaines d’action future en rapport avec la convention no 87, à savoir: 1) un programme de coopération technique de trois à quatre ans sur la formation et le renforcement des capacités afin d’améliorer la gouvernance du marché du travail; 2) l’établissement éventuel d’une instance de contrôle tripartite de haut niveau et interagences chargée des violations alléguées des droits syndicaux; 3) des propositions de réforme législative de certaines dispositions du Code du travail; et 4) la résolution de cas pendants depuis longtemps devant le Comité de la liberté syndicale grâce à des approches novatrices, et la résolution des cas en cours en rapport avec des exécutions extrajudiciaires alléguées et la militarisation de zones économiques.
- 842. Le gouvernement note que les projets concernant un programme de coopération technique de trois à quatre ans ont déjà été soumis à un examen par les différentes parties prenantes et sont actuellement en cours de finalisation. En attendant la mise en œuvre du programme de coopération technique, le gouvernement et l’OIT ont lancé un programme de sensibilisation à court terme sur les principes de la liberté syndicale, et la première activité est d’ailleurs une Conférence tripartite nationale sur les principes de la liberté syndicale. A la suite de la conférence, les partenaires sociaux ont signé des déclarations conjointes avec les forces armées des Philippines, la police nationale philippine (PNP) et l’autorité de la zone économique philippine. Deux autres conférences régionales doivent avoir lieu avant la fin de mars 2010.
- 843. En ce qui concerne les réformes législatives proposées, le gouvernement fait savoir que l’exécutif a rédigé deux projets de loi, qui sont actuellement soumis à des consultations tripartites et seront présentés au Conseil national tripartite de la paix industrielle afin d’être soumis aux commissions concernées des deux Chambres du 15e Congrès. Le premier projet tend à modifier l’article 263(g) du Code du travail, en limitant les conditions dans lesquels le ministre du Travail et de l’Emploi et le Président peuvent se déclarer compétents dans des différends du travail affectant la fourniture de services que l’OIT définit comme «essentiels». Le second projet introduit des modifications qui libéralisent davantage l’exercice des droits syndicaux, abrogent l’existence d’une autorisation préalable pour bénéficier d’une aide étrangère et suppriment la sanction pénale dont est passible la simple participation à une grève illégale pour non-respect des exigences administratives. En outre, le gouvernement signale que l’exécutif mettra en œuvre les mesures administratives intérimaires ci-après: 1) création de directives de conduite pour le personnel de la PNP et les membres des services de sécurité privés devant les grèves/lockout à partir de mars 2010; et 2) révision de l’ordonnance ministérielle no 40 de 2003, qui imposera la satisfaction préalable à certaines exigences avant que le ministre du Travail ne puisse se déclarer compétent sur un différend du travail.
- 844. Le gouvernement indique qu’en ce qui concerne le licenciement à l’Hôtel Dusit de 29 représentants syndicaux et la réintégration de 61 membres syndicaux, la décision de la Cour suprême en date du 11 novembre 2008 répond aux points soulevés en lien avec l’élargissement allégué de la définition de la «grève» qui violerait la convention no 87. Cette décision est définitive et exécutoire.
- 845. Le gouvernement indique que la mission de l’OIT a rencontré les parties concernées et a reçu les informations concernant le cas. Des membres de la mission ont également rencontré le président de la Cour suprême, qui a fait savoir à ces derniers que l’interprétation de la cour dans le cas Dusit ne portait pas uniquement sur la coupe de cheveux des travailleurs, mais également sur les actes de violence commis par ceux-ci durant leurs actions. Selon le président de la Cour suprême, la décision de la cour s’articule sur les violations de la loi et de la convention collective commises par les travailleurs, de sorte que l’aspect particulier de la liberté d’expression pouvait être légalement supprimé.
- 846. Le gouvernement indique que les membres de la mission ont proposé une conciliation dans le sens d’une réintégration des travailleurs dans un autre service. Suite à cette suggestion, les représentants gouvernementaux ont rencontré les personnes concernées et ont commencé des entretiens exploratoires en vue de trouver des solutions originales au conflit. Le gouvernement ajoute qu’il fournira des rapports sur l’évolution de la situation à l’OIT.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 847. Le comité note que les organisations plaignantes, l’UITA et le NUWHRAIN – Hôtel Dusit Nikko Chapter contestent une décision de la Cour suprême des Philippines portant sur des licenciements antisyndicaux allégués dans le cadre d’un différend du travail, décision dans laquelle il a été estimé que des travailleurs qui s’étaient tondu ou rasé les cheveux s’étaient engagés dans une grève illégale non protégée, confirmant ainsi le licenciement de 29 dirigeants syndicaux et permettant le licenciement de 61 autres membres syndicaux, en violation des principes de la liberté syndicale.
- 848. Le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle la décision de la Cour suprême est définitive et exécutoire. Le gouvernement indique que, bien qu’il n’ait pas l’autorité nécessaire pour modifier cette décision, il a rencontré les parties concernées et a entamé des entretiens exploratoires en vue de trouver des solutions créatives au conflit.
- 849. Le comité note que les allégations spécifiques au présent cas ont été examinées par les autorités judiciaires nationales, y compris la Cour suprême, qui a rendu une décision définitive. A cet égard et de manière préliminaire, le comité souhaite insister sur le fait qu’il ne se prononce pas sur le bien-fondé de l’interprétation de la législation nationale par les tribunaux à la lumière des faits particuliers. Le mandat du comité consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ce sujet. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 6.]
- 850. Le comité prend note des faits qui ont abouti à la décision de la Cour suprême du 11 novembre 2008 tels qu’ils apparaissent dans la décision de la Cour, dont copie a été fournie par les organisations plaignantes. Le 24 octobre 2000, le syndicat a rencontré la direction de l’hôtel pour présenter ses propositions dans le cadre de la négociation de la convention collective. Malgré les discussions, les parties n’ont pas réussi à s’entendre sur des conditions mutuellement acceptables. Le 20 décembre 2001, devant l’impasse, le syndicat a déposé un préavis de grève auprès du NCMB. Les audiences de conciliation ont échoué et, le 14 janvier 2002, un vote sur la grève s’est tenu, aboutissant à la décision de faire grève. Le 18 janvier 2002, des membres syndicaux se sont présentés au travail les cheveux tondus ou le crâne rasé. L’hôtel a empêché ces travailleurs de pénétrer dans les locaux au motif qu’ils violaient les normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel. En réaction, le syndicat a organisé un piquet devant l’hôtel. Plus tard, d’autres travailleurs se sont vu refuser l’accès à l’hôtel, ce qui les a poussés à rejoindre le piquet de grève. Par manque de personnel, l’hôtel a dû temporairement cesser ses opérations dans trois restaurants.
- 851. Le 20 janvier 2002, l’hôtel a adressé un courrier aux membres syndicaux, les informant qu’ils étaient suspendus et accusés des infractions ci-après: 1) manquement au devoir de négocier de bonne foi; 2) piquet de grève illégal; 3) pratique de travail déloyale; 4) violation des normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel; 5) grève illégale; enfin, 6) actes illégaux durant une grève illégale. Le lendemain, le syndicat a déposé un deuxième préavis de grève pour pratique de travail déloyale et violation d’une disposition législative sur le lock-out illégal. Le 26 janvier 2002, l’hôtel a licencié 29 représentants syndicaux et 61 membres syndicaux, et suspendu 81 travailleurs pendant 30 jours, 48 travailleurs pendant 15 jours, quatre travailleurs pendant dix jours et trois travailleurs pendant cinq jours.
- 852. Le 31 janvier 2002, le syndicat a déposé un troisième préavis de grève tout en maintenant son piquet devant l’hôtel. Le même jour, la ministre du Travail et de l’Emploi s’est déclarée compétente et a validé le cas pour arbitrage obligatoire par le NLRC. Dans l’attente de la sentence arbitrale, la ministre a émis une ordonnance de reprise du travail, mais a accordé à l’hôtel la possibilité de réintégrer les travailleurs licenciés ou suspendus en les payant mais sans travailler à l’hôtel au lieu de les réintégrer complètement, possibilité que l’hôtel a saisie. Le 15 mars 2002, le syndicat a déposé une motion de réexamen de l’ordonnance. Le même jour, la ministre du Travail et de l’Emploi a rejeté ladite motion. Le syndicat a présenté une requête en certiorari auprès de la cour d’appel, contestant l’option d’une réintégration sans travailler mais en étant payés. Dans sa décision du 6 mai 2004, la cour d’appel a confirmé les décisions de la ministre du Travail et de l’Emploi.
- 853. Dans sa décision rendue le 9 octobre 2002, le NLRC a estimé que l’action concertée du 18 janvier 2002 constituait une grève illégale durant laquelle des actes illégaux ont été commis par le syndicat et que la grève violait la disposition «pas de grève, pas de lockout» de la convention collective, ce qui a abouti au licenciement de 29 représentants du syndicat et de 61 de ses membres. Le NLRC explique que la grève survenue le 18 janvier 2002 était illégale car elle n’a pas respecté la période obligatoire de temporisation de 30 jours et l’interdiction de faire grève pendant sept jours, celle-ci ayant été organisée 29 jours après le dépôt du préavis de grève le 20 décembre 2001 et quatre jours après le vote sur la grève du 14 janvier 2002. Selon le NLRC, même si le syndicat avait respecté les délais prévus par la loi, la grève aurait été déclarée illégale car des actes illégaux ont été commis par les représentants et les membres syndicaux. Le 19 janvier 2004, la cour d’appel a confirmé la décision du NLRC. Le syndicat a adressé une requête à la Cour suprême.
- 854. Le comité note que, le 11 novembre 2008, la Cour suprême a rendu sa décision qui est examinée ci-dessous. Le comité note par ailleurs qu’une mission de haut niveau du BIT s’est rendue dans le pays en septembre 2009 et a rencontré les parties prenantes, incluant le plus haut magistrat de la Cour suprême.
- 855. Le comité note que les requêtes du syndicat se fondent principalement sur les questions ciaprès: 1) la question de savoir si la ministre du Travail et de l’Emploi, lorsqu’il ou elle se déclare compétent(e) dans un différend du travail, peut imposer une réintégration sans travail mais en payant les travailleurs plutôt qu’une réintégration complète; et 2) la question de savoir si, le 18 janvier 2002, en se présentant au travail les cheveux coupés court ou rasés et en participant par la suite à un piquet devant l’hôtel, les responsables et membres syndicaux se sont livrés à une grève illégale et, en conséquence, pouvaient être légalement licenciés pour cette raison.
- 856. Le comité prend note des passages pertinents de la décision. En particulier ceux concernant la question de savoir si la ministre du Travail et de l’Emploi peut imposer une réintégration sur les registres de paie sans que les travailleurs ne soient effectivement réintégrés à leur poste; la cour a adopté le raisonnement suivant:
- Ainsi [...], dans les cas de compétence juridictionnelle, le ministre devrait imposer une réintégration effective, conformément à l’intention et à l’esprit de l’article 263(g) du Code du travail. Toutefois, comme pour la plupart des règles, celui-ci est soumise à des exceptions.
- [...]
- Les circonstances particulières du présent cas valident la décision de la ministre d’ordonner une réintégration dans le tableau des effectifs plutôt qu’une réintégration effective. Il n’est manifestement pas possible pour l’hôtel de réintégrer effectivement des travailleurs qui se sont tondu les cheveux ou rasé la tête, car c’est précisément la raison pour laquelle on les a empêchés de se rendre à leur travail. Qui plus est, comme dans la plupart des différends du travail ayant abouti à des grèves, il règne un climat mutuel d’affrontement, d’inimitié et d’animosité entre le syndicat et la direction. La réintégration dans le tableau des effectifs, notamment dans le présent cas, était la seule solution pour empêcher que de nouveaux incidents et dommages ne se reproduisent. La présente cour accorde largement sa confiance aux agents de l’Etat investis de pouvoirs spéciaux. La ministre a certainement voulu garantir la paix sociale lorsqu’elle s’est déclarée compétente dans ce conflit du travail. Dans le présent cas, nous ne sommes pas prêts à modifier nos propres conclusions en l’absence d’éléments clairs démontrant un grave abus de pouvoir de sa part.
- [...]
- 857. Le tribunal examine ensuite si «1) le fait de se présenter au travail [...] les cheveux tondus ou coupés à ras le 18 janvier 2002; et 2) l’organisation d’un piquet devant les locaux de l’hôtel le 26 janvier [sic] 2002» constituent des actes légaux. Il conclut de la manière suivante:
- [...] le syndicat est jugé responsable d’avoir organisé une grève illégale pour les raisons ci-après:
- Premièrement, la violation par le syndicat des normes de bonne présentation de l’hôtel était clairement une action délibérée et concertée visant à miner l’autorité de l’hôtel et à placer la direction de celui-ci dans l’embarras, et constituait donc une action non protégée. La présentation des employés de l’hôtel indique le style et le standing de l’hôtel, ce dernier étant un hôtel cinq étoiles assurant des prestations à une clientèle haut de gamme. Le fait de se présenter tondu ou les cheveux coupés à ras en soit n’évoque pas de sentiments négatifs ou désagréables. Mais le fait qu’un grand nombre de travailleurs assignés à des lieux de restauration de l’hôtel ait soudainement décidé de venir au travail les cheveux tondus ou coupés à ras laisse penser qu’il y a un dysfonctionnement et que quelque chose d’anormal se prépare. Il est clair que l’hôtel n’a pas à rendre public un conflit du travail interne. Il ressort clairement des registres qui nous sont présentés que les représentants et les membres syndicaux ont délibérément décidé de manière visiblement concertée de se tondre ou de se couper les cheveux à ras. Ceci est attesté par le fait que, après être venus au travail le 18 janvier 2002, des membres syndicaux se sont même fait tondre ou couper les cheveux à ras dans les locaux du syndicat au sous-sol de l’hôtel. Il ne fait pas de doute que la décision de violer les normes de bonne présentation de l’hôtel a été prise et calculée pour mettre la direction de l’hôtel au pied du mur et à la forcer à accepter les propositions du syndicat.
- Les initiatives déployées par le syndicat pour violer les normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel ont poussé la direction de celui-ci à choisir entre permettre à des employés dont la présentation était inappropriée à continuer à travailler au détriment de sa réputation ou interdire leur accès au travail, même s’il fallait pour cela cesser les opérations dans les départements ou les unités touchés, ce qui, dans l’un ou l’autre des cas, aboutissait à perturber le fonctionnement de l’hôtel. Le présent tribunal estime donc que l’initiative des responsables syndicaux n’est pas la simple expression de leurs griefs ou de leur désaccord, mais bel et bien un acte mûrement réfléchi visant à gravement porter atteinte aux finances ou à la réputation de l’hôtel. Nous considérons donc que la violation concertée des normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel, qui a abouti à la cessation temporaire et à une rupture des opérations de l’hôtel, constitue un acte non protégé qui doit être considéré comme une grève illégale.
- Deuxièmement, l’action concertée du syndicat qui a perturbé le fonctionnement de l’hôtel a clairement violé la disposition de la convention collective «pas de grève, pas de lockout»...
- [...]
- Troisièmement, l’action concertée des représentants et des membres syndicaux, consistant à se tondre ou se couper à ras les cheveux a non seulement violé les normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel, mais également le devoir et les responsabilités du syndicat de négocier de bonne foi. En se tondant ou en se coupant à ras les cheveux, les représentants et membres syndicaux ont violé l’article 6, règle XIII, des règles de mise en œuvre du livre V du Code du travail. Cette règle interdit tout acte de nature à interrompre ou empêcher le règlement rapide de différends du travail en cours de conciliation. Alors que le cas est devant le NCMB pour conciliation, l’action du syndicat consistant à demander à ses dirigeants et membres de se raser la tête était manifestement calculée pour contrarier la direction de l’hôtel et la mettre dans l’embarras et, ce faisant, à perturber le fonctionnement de l’hôtel; de ce fait, le syndicat a manqué à son devoir de négocier collectivement de bonne foi.
- Quatrièmement, le syndicat n’a pas respecté la période de temporisation obligatoire de trente jours et l’interdiction de faire grève pendant sept jours avant de lancer la grève le 18 janvier 2002. Le NLRC a estimé à juste titre que le syndicat n’a pas respecté les périodes obligatoires avant d’organiser et de tenir une grève. Les registres montrent que le syndicat a déposé un préavis de grève du fait d’une impasse dans la négociation le 20 décembre 2001. La période de temporisation de trente jours aurait dû durer jusqu’au 19 janvier 2002. Qui plus est, le vote sur la grève s’est tenu le 14 janvier 2002 et n’a été soumis au NCMB que le 18 janvier 2002; c’est pourquoi l’interdiction de faire grève pendant sept jours aurait dû empêcher la tenue d’une grève jusqu’au 25 janvier 2002. L’action concertée du syndicat du 18 janvier 2002, qui a abouti à la perturbation du fonctionnement de l’hôtel, a clairement violé les périodes obligatoires susmentionnées.
- Enfin, le syndicat a commis des actes illégaux dans l’organisation de sa grève. Le NLRC a estimé que la grève était illégale car, comme on peut le voir dans les images présentées par la direction de l’hôtel, les dirigeants et membres syndicaux ont formé des barricades humaines et bloqué la voie d’accès à l’hôtel. L’argument du syndicat, selon lequel ce ne sont pas ses membres mais les gardes de l’hôtel et la police qui ont bloqué l’entrée de l’hôtel, est dénué de fondement car on peut voir que les gardes et/ou les agents de police essayaient simplement de garantir l’accès à l’hôtel. Les images montrent clairement la situation tendue et hautement explosive liée à la présence des grévistes sur la voie menant à l’hôtel.
- 858. S’agissant des responsabilités des représentants et des membres syndicaux pour leur participation à la grève illégale, la cour explique:
- [...] L’article 264(a), paragraphe 3, du Code du travail prévoit que «[tout] représentant syndical participant sciemment à une grève illégale et tout travailleur ou représentant syndical participant sciemment à des actes illégaux durant une grève pourra être licencié». La loi établit une distinction entre les représentants syndicaux et les simples membres syndicaux. Les représentants syndicaux pourront être légitimement licenciés s’ils participent à une grève illégale, alors que les membres syndicaux doivent y avoir participé et avoir commis des actes illégaux pour être licenciés. Il incombe donc à l’entreprise d’apporter la preuve de la participation des grévistes à des actes illégaux durant la grève.
- Il ressort clairement que les 29 représentants syndicaux peuvent être licenciés en vertu de l’article 264(a), paragraphe 3, du Code du travail qui punit du licenciement «tout dirigeant syndical qui participe sciemment à une grève illégale». Nous sommes toutefois d’avis qu’il y a une marge d’indulgence en ce qui concerne les membres syndicaux. Il est utile de relever que l’hôtel a pu prouver devant le NLRC que les grévistes ont bloqué les voies d’accès et de sortie de l’hôtel. Il apparaît également clairement que l’hôtel n’a pas pu établir de manière précise qui, parmi les membres syndicaux, a participé à des actes illégaux durant le piquet et la grève. En raison de ce manque de jugement ou de diligence, nous ne pouvons que réintégrer les 61 membres syndicaux.
- De plus, [la Cour] a estimé, dans un cas, que des membres syndicaux qui ont participé à une grève illégale mais n’ont pas été identifiés comme ayant commis des actes illégaux ont le droit d’être réintégrés à leur poste précédent, mais sans arriérés de salaire.
- [...]
- Dans ce contexte, [la Cour] s’en tient à ses jugements récents et réintègre les 61 membres syndicaux sans arriérés de salaire.
- [...]
- Compte tenu de la possibilité que l’hôtel ait déjà engagé du personnel fixe en remplacement des 61 employés de la liste susmentionnée, l’hôtel pourra opter pour une indemnité de licenciement calculée au taux de un mois par année de service, à la place d’une réintégration, une période entamée de six (6) mois étant considérée comme une année de service.
- 859. Le comité note que le NUWHRAIN – Hôtel Dusit Nikko Chapter, agent de négociation collective depuis 1978, a présenté une convention collective à la direction de l’hôtel pour négociation le 24 octobre 2000. Environ quatorze mois environ plus tard, le 20 décembre 2001, aucun accord n’a été conclu. Le NCMB n’a pas réussi à régler l’impasse. Bien que le comité ne dispose pas des éléments permettant de dire pourquoi il n’a pas pu y avoir d’accord sur la convention, il souhaite rappeler que la négociation collective est un processus de concessions mutuelles et qu’il est important qu’employeurs et syndicats participent aux négociations de bonne foi et déploient tous leurs efforts pour aboutir à un accord, des négociations véritables et constructives étant nécessaires pour établir et maintenir une relation de confiance entre les parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 935.] Dans le présent cas, le comité n’a pas assez d’éléments pour dire si les négociations ont été menées de mauvaise foi par l’une quelconque des parties; il ne peut toutefois pas se ranger à l’avis de la cour lorsque celle-ci explique que les manifestations de protestation des travailleurs, après près d’un an et demi d’échec dans les négociations et dans la conciliation, peuvent être considérées comme une violation du devoir de négocier de bonne foi.
- 860. Le comité note par ailleurs que, le 31 janvier 2002, la ministre du Travail et de l’Emploi a soumis le différend à l’arbitrage obligatoire. A cet égard, le comité rappelle que l’imposition d’une procédure d’arbitrage obligatoire, dans le cas où les parties ne peuvent se mettre d’accord sur un projet de convention collective, soulève des problèmes d’application de la convention no 98 et que le recours à l’arbitrage obligatoire lorsque les parties ne parviennent pas à un accord par la négociation collective n’est admissible que pour les services essentiels au sens strict (c’est-à-dire ceux dont l’interruption pourrait mettre en péril la vie, la sécurité ou la santé de tout ou partie de la population). [Voir Recueil, op. cit., paragr. 992 et 994.] Le comité relève, comme il l’a fait lorsqu’il a examiné les cas nos 2195, 2252 et 2488 concernant les Philippines, que l’article 263(g) du Code du travail permet au ministre du Travail et de l’Emploi de soumettre un différend à l’arbitrage obligatoire et de mettre ainsi fin à une grève, dans des situations dépassant le strict cadre des services essentiels ou d’une crise nationale aiguë. Le comité prend dûment note de l’indication du gouvernement dans le présent cas que, dans le cadre de réformes législatives, l’exécutif a rédigé deux projets de loi, qui sont actuellement soumis à des consultations tripartites et seront présentés au Conseil national tripartite de la paix industrielle avant leur transmission aux commissions ad hoc des deux chambres du 15e congrès. L’un des projets de loi tend à la modification de l’article 263(g) du Code du travail en limitant les cas dans lesquels le ministre du Travail et le Président peuvent avoir une compétence juridictionnelle sur les conflits du travail affectant la fourniture de services que l’OIT définit comme «essentiels». Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- 861. S’agissant des événements du 18 janvier 2002, le comité constate que deux événements distincts ont eu lieu: premièrement, des travailleurs se sont présentés au travail les cheveux tondus ou coupés à ras et n’ont pas été autorisés à travailler; à la suite de cela, un piquet a été organisé en dehors des locaux de l’hôtel par ces travailleurs qui ont été rejoints par d’autres.
- 862. Dans la première situation, le comité prend note de l’argument des organisations plaignantes selon lequel, en considérant le fait de se présenter au travail les cheveux tondus ou coupés à ras comme une action de grève, la Cour suprême a élargi la définition de la grève. Les organisations plaignantes soutiennent que, si cette définition devait acquérir force exécutoire aux Philippines, elle constituerait une violation de la convention no 87. Le comité estime qu’un mouvement de grève peut revêtir diverses formes; d’une manière générale, la grève est un arrêt de travail temporaire (ou un ralentissement) délibérément mené par un ou plusieurs groupes de travailleurs en vue de faire appliquer des exigences ou d’y résister, ou en vue d’exprimer des revendications ou de soutenir d’autres travailleurs dans leurs exigences ou revendications. Dans le présent cas, si les employés se sont rasé la tête, ils n’ont pas cessé le travail. Le comité prend en compte les préoccupations de la direction de l’hôtel concernant son image, et note que l’action de certains membres syndicaux a été considérée par la Cour suprême comme une violation des normes de bonne présentation du personnel de l’hôtel. Le comité est d’avis que le fait d’avoir considéré la simple expression de mécontentement manifesté de manière pacifique et légale comme une grève constitue une violation de la liberté syndicale et des droits d’expression.
- 863. En ce qui concerne les actions de protestation menées par la suite par les responsables et les membres syndicaux, le comité constate des informations divergentes fournies par l’organisation plaignante et par le gouvernement quant à l’organisation du piquet qui a eu lieu le 18 janvier 2002. Il prend aussi note des décisions rendues par le NLRC et la Cour suprême sur ce point. Selon les organisations plaignantes, les travailleurs ont rejoint le piquet parce que les gardes de sécurité de l’hôtel les ont empêchés de pénétrer dans l’établissement. La cour a considéré le piquet comme constituant une action de grève volontaire organisée au mépris des délais légaux et conclut que les responsables et membres syndicaux sembleraient avoir empêché les employés de l’hôtel de se rendre au travail tandis que les gardes et les agents de police essayaient simplement de garantir l’accès à l’établissement. Le comité note que la cour, estimant que le piquet constituait une grève non protégée et illégale, a confirmé le licenciement de 29 responsables syndicaux en application de l’article 264(a) du Code du travail. Pour ce qui est des 61 membres syndicaux, le comité constate dans le jugement de la cour qu’il n’y a pas eu de preuve tendant à les identifier de façon individuelle comme ayant commis des actes illégaux. La cour a donc ordonné leur réintégration tout en offrant à la direction de l’hôtel la possibilité de ne verser qu’une indemnité de chômage calculée au taux de un mois pour chaque année de service à la place d’une réintégration. Le comité note, d’après la plainte, que l’hôtel a choisi de verser des indemnités de licenciement.
- 864. Le comité note que, le jugement définitif ayant été rendu plus de six ans après les licenciements, la cour a jugé cela suffisant pour justifier l’option d’une indemnité de licenciement plutôt que la réintégration des 61 membres syndicaux. Le comité souhaite souligner à cet égard que, pour garantir le respect des principes de la liberté syndicale, les travailleurs qui estiment avoir subi un préjudice en raison de leurs activités syndicales doivent avoir accès à des voies de recours expéditives. Plus il faut de temps pour que la procédure concernant la réintégration des syndicalistes arrive à son terme, plus il est difficile pour l’organe compétent d’octroyer une réparation juste et appropriée, étant donné, par exemple, que la situation ayant fait l’objet d’une plainte, souvent, peut avoir changé de manière irréversible, de sorte qu’il devient impossible de revenir à la situation antérieure. Dans ces conditions, le comité doit exprimer sa préoccupation devant le fait que les 61 membres syndicaux, bien que n’ayant pas été individuellement identifiés dans le conflit, ont été licenciés moyennant une indemnité limitée.
- 865. Le comité juge nécessaire de placer ce conflit dans son contexte, à savoir un différend du travail de quinze mois dans une entreprise. Notant que, selon les organisations plaignantes, le licenciement de 90 représentants et membres syndicaux a abouti concrètement à la disparition du syndicat, le comité constate que le licenciement de ces travailleurs sur une échelle aussi vaste a eu de graves conséquences pour le syndicat qui risquent d’avoir un impact négatif sur une future représentation syndicale librement choisie à l’hôtel.
- 866. A cet égard, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle il a rencontré les parties concernées et entamé des entretiens exploratoires en vue de trouver des solutions créatives au conflit. Le comité demande au gouvernement de ne pas perdre de vue que, lors de ces entretiens, 90 membres syndicaux ont été licenciés dans un contexte de tensions accrues et d’actions de part et d’autres, avec de graves conséquences sur la représentation des travailleurs librement choisie à l’hôtel. Considérant que le jugement de la cour fait référence, entre autres, à l’expression d’un mouvement de protestation consistant à se tondre la tête à une action de grève illégale, en contradiction avec les principes de la liberté syndicale, le comité prie le gouvernement, lors des entretiens exploratoires, de réétudier avec la direction de l’hôtel et les travailleurs licenciés concernés la faisabilité de leur réintégration et, pour ceux qui ne peuvent être réintégrés immédiatement, la possibilité de les inscrire sur une liste prioritaire de réengagement ou de les indemniser de façon adéquate. Il demande en outre au gouvernement dans ce contexte de réexaminer l’adéquation de l’indemnité de licenciement accordée aux 61 membres syndicaux licenciés et de s’assurer qu’ils ont été indemnisés à hauteur du préjudice subi. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé de l’évolution de la situation dans ses entretiens visant à parvenir à une solution satisfaisante pour toutes les personnes concernées.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 867. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé sur la réforme législative lancée qui aboutira selon ce dernier, entre autres, à modifier l’article 263(g) du Code du travail.
- b) Prenant note de l’indication du gouvernement selon laquelle il a rencontré les parties concernées et entamé des entretiens exploratoires en vue de trouver des solutions originales au conflit, le comité demande au gouvernement, dans le contexte présent, de réexaminer avec la direction de l’hôtel et les travailleurs licenciés concernés la faisabilité de leur réintégration et, pour ceux qui ne peuvent être réintégrés immédiatement, la possibilité de les inscrire dans une liste prioritaire de réengagement ou de leur verser une indemnité adéquate. Il demande par ailleurs au gouvernement de réexaminer le caractère adéquat de l’indemnité des licenciements offerte aux 61 membres syndicaux licenciés pour s’assurer qu’ils ont été indemnisés à hauteur du préjudice subi. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé des progrès réalisés pour parvenir à une solution satisfaisante pour toutes les personnes concernées.