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- 904. La plainte figure dans des communications du nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro (RTCG) datées des 11 juin 2009 et 1er février 2010.
- 905. Le comité s’est vu contraint d’ajourner l’examen de ce cas à deux reprises. [Voir 356e et 357e rapports, paragr. 6 et 7, respectivement.] Lors de sa réunion de novembre 2010 [voir 358e rapport, paragr. 5], le comité a lancé un appel pressant au gouvernement indiquant que, conformément à la règle de procédure établie au paragraphe 17 de son 127e rapport, approuvé par le Conseil d’administration, il pourrait présenter un rapport sur le fond du cas lors de sa prochaine réunion, même si les informations ou observations demandées n’étaient pas reçues à temps. Le gouvernement n’a envoyé aucune observation jusqu’ici.
- 906. Le Monténégro a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, et la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 907. Dans ses communications des 11 juin 2009 et 1er février 2010, le nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro explique qu’il a été enregistré par le ministère du Travail en date du 15 mars 2007 et qu’il compte 107 membres parmi les 650 salariés de l’entreprise. L’organisation plaignante explique également que ses luttes ne sont pas uniquement liées à ses activités syndicales, mais aussi à sa découverte des activités illégales et entachées de corruption menées par la direction de la radio et la télévision du Monténégro et le gouvernement, en rapport avec la transmission par satellite de programmes publics de radio et de télévision.
- 908. L’organisation plaignante allègue qu’en février 2008 le directeur général de l’entreprise a licencié trois responsables syndicaux du nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro: M. Dragan Janjic, président, Mme Mirjana Popovic, membre du comité exécutif, et M. Miodrag Boskovic, membre du comité de surveillance. D’après le syndicat, bien que ces personnes aient officiellement fait l’objet d’un licenciement pour absentéisme, elles ont en réalité été licenciées en raison de leurs activités syndicales. A la date de la plainte, une procédure judiciaire était toujours en instance concernant M. Janjic.
- 909. Le syndicat allègue également que les travailleurs, soumis aux menaces et aux pressions de la direction, ne peuvent pas exercer librement leurs droits syndicaux et que les autorités locales ne réagissent pas aux appels qu’il leur lance.
- 910. L’organisation plaignante allègue en outre que la direction de l’entreprise refuse de la reconnaître; a supprimé le dispositif de retenue de la cotisation syndicale dont elle bénéficiait antérieurement; ne lui a pas fourni de facilités telles qu’un bureau, un ordinateur personnel, une connexion à Internet ou un téléphone/fax; ne l’a jamais consultée au sujet des modifications des conditions d’emploi; ne lui fournit aucune forme d’information et ignore toutes les demandes et communications qu’elle lui adresse; lui interdit d’afficher ses informations sans autorisation préalable du directeur de l’entreprise; a privé ses membres de bonus octroyés à d’autres travailleurs; et menace ses membres de licenciement s’ils ne démissionnent pas du syndicat.
- 911. En ce qui concerne le refus de fournir certaines facilités et la suppression du dispositif de retenue de la cotisation syndicale, le syndicat a déposé une plainte auprès de l’inspection du travail. L’organisation plaignante explique que l’autre syndicat, progouvernemental, bénéficie de ces facilités, conformément à une convention collective modifiée en accord avec ce syndicat. D’après le nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro, si un fonctionnaire du ministère du Travail a effectivement confirmé que les syndicats avaient droit à des facilités, l’inspecteur a répondu que ce droit n’était prévu que pour les organisations syndicales les plus représentatives. En dépit de la demande adressée par l’organisation plaignante au ministère du Travail et à l’inspection du travail en vue de déterminer quelle était l’interprétation correcte de la législation, aucune de ces deux instances n’a donné de réponse.
- 912. L’organisation plaignante indique qu’elle a déposé une plainte contre l’entreprise devant le tribunal de première instance de Podgorica. Lors de l’audience préliminaire, le juge a demandé à tous les syndicats actifs dans l’entreprise de produire des formulaires d’admission remplis par leurs membres pour identifier l’organisation la plus représentative. Seul le nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro a présenté 107 formulaires légalement valables. Néanmoins, le juge a refusé de le reconnaître comme étant le plus représentatif et, en date du 16 juin 2009, a suspendu la procédure afin de lui permettre de faire appel du verdict. Cet appel est toujours en instance. L’organisation plaignante souligne que le président du syndicat progouvernemental, affilié à la Confédération des syndicats du Monténégro (CTUM), a déclaré que son syndicat comptait 642 membres sur 722 salariés et que cette information avait été communiquée au tribunal par un représentant légal de la direction de l’entreprise.
B. Conclusions du comité
B. Conclusions du comité- 913. Le comité regrette qu’en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte le gouvernement n’ait répondu à aucune des allégations de l’organisation plaignante bien qu’il ait été invité à plusieurs reprises, y compris au moyen d’un appel pressant, à présenter ses commentaires et observations sur cette affaire. Le comité demande instamment au gouvernement d’être plus coopératif à l’avenir.
- 914. Dans ces circonstances, et conformément à la règle de procédure applicable [voir 127e rapport, paragr. 17, approuvé par le Conseil d’administration à sa 184e session], le comité se voit dans l’obligation de présenter un rapport sur le fond du cas sans disposer des informations qu’il espérait recevoir du gouvernement.
- 915. Le comité rappelle que l’ensemble de la procédure instituée par l’Organisation internationale du Travail pour l’examen des allégations de violation de la liberté syndicale a pour but de promouvoir le respect de cette liberté en droit comme en fait. Le comité reste convaincu que, si cette procédure protège les gouvernements des accusations déraisonnables, ceux-ci voudront bien reconnaître à leur tour l’importance de présenter, en vue d’un examen objectif, des réponses détaillées concernant les allégations formulées à leur encontre. [Voir premier rapport du comité, paragr. 31.]
- 916. Le comité note que, dans le cas d’espèce, l’organisation plaignante, le nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro, dénonce le refus de la direction de la radio et la télévision du Monténégro de la reconnaître comme organisation représentative des travailleurs, ainsi que le licenciement de ses dirigeants et le harcèlement de ses membres.
- 917. Le comité note que l’organisation plaignante indique que les problèmes qu’elle rencontre avec la direction de l’entreprise et le gouvernement sont également liés à la découverte de ce qu’elle pense être des activités illégales et entachées de corruption de la part de la direction de l’entreprise et du gouvernement en rapport avec la transmission par satellite de programmes publics de radio et de télévision. A cet égard, le comité tient à signaler que son mandat consiste à déterminer si, concrètement, telle ou telle législation ou pratique est conforme aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ces sujets. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 6.] Il conclut, par conséquent, que cet aspect des allégations n’appelle pas un examen plus approfondi.
- 918. En ce qui concerne le licenciement de trois responsables syndicaux de l’organisation plaignante (M. Dragan Janjic, Mme Mirjana Popovic et M. Miodrag Boskovic), le comité note l’allégation de l’organisation plaignante qui avance que, contrairement au motif officiellement invoqué, à savoir l’absentéisme, les responsables syndicaux ont été licenciés en raison de leurs activités syndicales. Le comité rappelle que la discrimination antisyndicale est une des violations les plus graves de la liberté syndicale puisqu’elle peut compromettre l’existence même des syndicats. Nul ne doit être licencié ou faire l’objet d’autres mesures préjudiciables en matière d’emploi en raison de son affiliation syndicale ou de l’exercice d’activités syndicales légitimes, et il importe que tous les actes de discrimination en matière d’emploi soient interdits et sanctionnés dans la pratique. Du fait que des garanties inadéquates contre les actes de discrimination, notamment contre les licenciements, peuvent conduire à la disparition des syndicats eux-mêmes lorsqu’il s’agit d’organisations qui ne comprennent que les travailleurs d’une seule entreprise, d’autres mesures devraient être envisagées afin d’assurer aux dirigeants de toutes les organisations, aux délégués et aux membres des syndicats une protection plus complète contre tous actes discriminatoires. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 769, 771 et 773.] Notant les informations à caractère limité fournies par l’organisation plaignante et l’absence de réponse de la part du gouvernement, le comité demande au nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro de fournir de plus amples détails sur les allégations de licenciements antisyndicaux et prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante à propos de ces allégations et de lui fournir des informations détaillées sur le résultat de cette enquête. Prenant note que l’organisation plaignante indique que l’affaire concernant M. Janjic est toujours en instance, le comité demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de fournir des informations sur la décision définitive qui sera rendue par les tribunaux.
- 919. En ce qui concerne les allégations de refus d’octroi de bonus, de menaces à l’encontre des membres de l’organisation plaignante, de pressions visant à obtenir leur démission du syndicat et d’ingérence dans la capacité du syndicat à exercer ses activités de défense des travailleurs, le comité considère qu’il s’agit d’allégations très sérieuses qui, si elles étaient avérées, pourraient avoir des conséquences graves sur les effectifs et la représentativité de l’organisation. Le comité rappelle que le harcèlement et les manœuvres d’intimidation perpétrés à l’encontre de travailleurs au motif de leur affiliation syndicale ou de leur participation à des activités syndicales légitimes peuvent, bien qu’ils ne portent pas nécessairement préjudice aux travailleurs dans leur emploi, les décourager de s’affilier aux organisations de leur choix et, par là même, violer leur droit d’organisation. En outre, l’octroi de gratifications aux membres du personnel non affiliés au syndicat – même s’il ne s’agit pas de la totalité d’entre eux – à l’exclusion de tous les travailleurs affiliés, en période de conflit collectif, constitue un acte de discrimination antisyndicale, en violation de la convention no 98. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 786 et 787.] Le comité attend du gouvernement qu’il diligente sans délai une enquête indépendante à propos de ces allégations et demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de fournir des informations détaillées sur le résultat de celle-ci.
- 920. Le comité note que la question de la reconnaissance de l’organisation plaignante en tant qu’organisation représentative est encore en instance devant le tribunal et demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de lui fournir des informations sur le résultat de la procédure.
- 921. En ce qui concerne les facilités dont l’organisation plaignante allègue être privée, le comité rappelle que la convention no 135, ratifiée par le Monténégro, demande aux Etats Membres qui l’ont ratifiée de veiller à ce que des facilités soient accordées, dans l’entreprise, aux représentants des travailleurs de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions, et ce sans entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise intéressée. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1098.] Le comité rappelle également qu’en vertu de l’article 4 de cette convention, la législation nationale, les conventions collectives, les sentences arbitrales ou les décisions judiciaires pourront déterminer le type ou les types de représentants des travailleurs qui doivent avoir droit à la protection et aux facilités visées par la convention. Par conséquent, en ce qui concerne l’allégation portant sur le refus de la direction d’une entreprise d’établir une communication avec les représentants du syndicat, le comité signale que le paragraphe 13 de la recommandation (no 143) concernant les représentants des travailleurs, 1971, prévoit que les représentants des travailleurs devraient avoir accès sans retard injustifié à la direction de l’entreprise et auprès des représentants de la direction autorisés à prendre des décisions, lorsque cela est nécessaire pour le bon exercice de leurs fonctions. Le comité prie donc le gouvernement de réunir les parties, à savoir la direction de l’entreprise et le nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro, afin de faciliter la réalisation d’un accord concernant les facilités à mettre à la disposition des représentants de l’organisation plaignante, en tenant compte des principes ci-dessus. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 922. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité regrette qu’en dépit du temps écoulé depuis le dépôt de la plainte le gouvernement n’ait répondu à aucune des allégations de l’organisation plaignante. Le comité prie instamment le gouvernement d’être plus coopératif à l’avenir.
- b) Le comité prie l’organisation plaignante de fournir de plus amples détails en ce qui concerne les allégations de licenciements antisyndicaux et prie instamment le gouvernement de diligenter une enquête indépendante à propos des allégations de licenciements antisyndicaux, et de lui fournir des informations détaillées sur le résultat de celle-ci. Observant que l’organisation plaignante indique que l’affaire concernant M. Janjic est toujours en instance, le comité prie le gouvernement et l’organisation plaignante de fournir des informations sur la décision définitive qui sera rendue par les tribunaux.
- c) Le comité attend du gouvernement qu’il diligente sans délai une enquête indépendante à propos des allégations de menaces et de pressions à l’encontre des membres de l’organisation plaignante visant à obtenir leur démission du syndicat et demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de fournir des informations détaillées sur le résultat de l’enquête.
- d) Le comité note que la question de la reconnaissance de l’organisation plaignante en tant qu’organisation représentative est encore en instance devant le tribunal et demande au gouvernement et à l’organisation plaignante de lui fournir des informations sur le résultat de la procédure.
- e) Le comité prie le gouvernement de réunir les parties, à savoir la direction de l’entreprise et le nouveau Syndicat de la radio et la télévision du Monténégro, afin de faciliter la réalisation d’un accord concernant les facilités à mettre à la disposition des représentants de l’organisation plaignante, en tenant compte des principes ci-dessus. Il prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.