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- 317. La plainte figure dans une communication de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation, de l’agriculture, de l’hôtellerie-restauration, du tabac et des branches connexes (UITA) datée du 28 mai 2010 et déposée au nom d’une organisation affiliée, la Fédération cambodgienne des travailleurs du tourisme et des services (CTSWF).
- 318. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans une communication du 23 juillet 2010.
- 319. Le Cambodge a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 320. Dans sa communication du 28 mai 2010, l’organisation plaignante indique que les licenciements contestés de 14 dirigeants et militants syndicaux sont intervenus dans le contexte d’un conflit du travail entre la direction de Naga World Co. Ltd et la CTSWF, à la suite de la présentation, par les représentants du syndicat des travailleurs de Naga World (Promouvoir les droits des travailleurs khmers du syndicat des employés du complexe hôtelier Naga), d’une lettre à la direction demandant que soient engagées, sur la base des revendications des membres du syndicat, des discussions relatives à l’octroi d’une augmentation de salaire pour l’année 2009.
- 321. Pour ce qui est de la chronologie du cas, l’organisation plaignante signale que le syndicat des travailleurs de Naga World a été créé en 2000 et qu’il est enregistré auprès du ministère du Travail du Cambodge. En septembre 2007, le syndicat a fait parvenir à la direction une première lettre dans laquelle il demandait que soient engagées des discussions sur l’octroi d’une augmentation des salaires et un certain nombre d’autres revendications. Plusieurs séances de discussion ont eu lieu, mais les parties ne sont parvenues à s’entendre sur aucun des points soulevés par les travailleurs.
- 322. En octobre 2008, le syndicat a officiellement demandé que soient engagées des discussions sur l’octroi d’une augmentation des salaires en 2009 et sur un certain nombre de questions en suspens telles que le paiement d’une prime et l’égalité salariale. Les dernières négociations se sont tenues le 17 février 2009 et les parties ne sont parvenues à aucun accord. Le 24 février 2009, les dirigeants du syndicat ont organisé une réunion avec les membres du syndicat dans laquelle ces derniers ont déclaré être en désaccord total avec la direction. Les représentants du syndicat ont immédiatement informé la direction de cette prise de position.
- 323. L’organisation plaignante indique également que, le 26 février 2009, 14 dirigeants et militants syndicaux ont été licenciés sans préavis, après avoir été forcés de signer sous la contrainte un départ négocié. Depuis cette date, ils ne sont plus autorisés à pénétrer dans l’établissement et ne peuvent ainsi exercer leurs fonctions syndicales.
- 324. Le 7 mars 2009, le syndicat a déposé une plainte auprès du ministère du Travail concernant cette affaire ainsi que les questions en suspens.
- 325. Du 19 mars 2009 au 16 février 2010, le Conseil d’arbitrage a été saisi plusieurs fois de ce cas et l’employeur s’est abstenu à plusieurs reprises de participer aux audiences. Le 16 février 2010, le Conseil d’arbitrage a ordonné la réintégration dans leur emploi de quatre dirigeants syndicaux: M. Sok Narith, M. Loek Phin, Mme Sophann Dara et Mme Pech Sovattey (les dirigeants et militants syndicaux restants s’étant désistés). Le Conseil d’arbitrage a également ordonné que les départs négociés soient considérés comme nuls et non avenus et a ordonné à l’entreprise de permettre aux dirigeants syndicaux d’accéder librement à ses locaux pour y exercer leurs activités syndicales.
- 326. L’organisation plaignante ajoute que, le 23 février 2010, l’employeur a rejeté la décision du Conseil d’arbitrage et a refusé de réintégrer les quatre dirigeants syndicaux dans leur emploi. Elle demande à l’OIT d’inviter le gouvernement à appliquer la décision du Conseil d’arbitrage et de prendre des sanctions dissuasives contre les actes de discrimination antisyndicale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 327. Dans une communication en date du 23 juillet 2010, le gouvernement indique que, le 11 mars 2009, le Département des conflits du travail du ministère du Travail et de la Formation professionnelle a été saisi d’une plainte de la CTWSF (plainte no 27/09 du 4 mars 2009) relative au licenciement de 14 dirigeants syndicaux par le directeur de Naga World. Le ministère a chargé les conciliateurs de régler ce cas conformément aux procédures légales, mais aucune solution n’a pu être trouvée car l’employeur refusait de réintégrer les 14 salariés du fait qu’ils avaient déjà accepté leurs indemnités de licenciement ainsi que d’autres avantages liés à la cessation d’emploi, conformément à l’article 89, section 3 et chapitre 4 du Code du travail.
- 328. Le 26 mars 2009, le ministère a renvoyé l’affaire au Conseil d’arbitrage. Après s’être réuni, le Conseil d’arbitrage a rendu la décision no 47/09 datée du 7 mai 2009 qui énonçait que la demande de réintégration des 14 dirigeants et militants syndicaux ne pouvait être examinée parce qu’elle avait été introduite sans se conformer aux procédures légales.
- 329. Le 18 décembre 2009, le ministère du Travail et de la Formation professionnelle a été saisi d’une plainte de la CTWSF (plainte no 77/09 en date du 15 décembre 2009) qui concernait une fois encore la demande de réintégration des quatre dirigeants syndicaux, à savoir M. Sok Narith, M. Loek Phin, Mme Sophann Dara et Mme Pech Sovattey. Le ministère a chargé le Département des conflits du travail de régler l’affaire en question, mais aucun accord n’a pu être trouvé du fait que l’employeur s’est abstenu – sans raison valable – de participer à la réunion de conciliation. Le conciliateur du ministère a donc décidé de confier le règlement de cette affaire au Conseil d’arbitrage.
- 330. Le 16 février 2010, le Conseil d’arbitrage a rendu la décision no 10/10 ordonnant à l’entreprise de réintégrer les dirigeants dès la prise d’effet de la sentence arbitrale et de leur verser l’intégralité de leurs arriérés de salaire ainsi que les primes d’ancienneté et les autres avantages auxquels ils avaient droit depuis leur licenciement. Cependant, la partie défenderesse (l’employeur) a interjeté appel contre la décision du Conseil d’arbitrage le 23 février 2010 et la décision n’a pu en conséquence être appliquée.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 331. Le comité note que les plaintes ont trait aux licenciements de dirigeants et militants syndicaux employés à Naga World Co. Ltd survenus dans le cadre de négociations infructueuses entre la direction et la CTSWF et à la suite de la présentation par les représentants syndicaux des travailleurs d’une lettre à la direction demandant que soient engagées des discussions relatives à l’octroi d’une augmentation de salaire en 2009.
- 332. Selon l’organisation plaignante, 14 dirigeants et militants syndicaux employés dans l’entreprise ont été licenciés sans préavis le 26 février 2009 après avoir été contraints de signer un accord de départ. Depuis cette date, ils n’ont plus été autorisés à pénétrer dans les locaux de l’établissement, ce qui les a empêchés d’exercer leurs responsabilités syndicales. Tout en observant que le gouvernement n’évoque pas ces accords de départ dans sa communication, le comité prend note de l’indication des pouvoirs publics selon laquelle le ministère a chargé les conciliateurs de régler l’affaire en question conformément aux procédures légales. Il relève également qu’aucune solution n’a pu être trouvée en raison du refus de l’employeur de réintégrer les 14 employés au motif qu’ils avaient déjà accepté leurs indemnités de licenciement et les autres avantages liés à la cessation d’emploi conformément à l’article 89, section 3 et chapitre 4 du Code du travail. Le ministre a transmis le cas au Conseil d’arbitrage le 26 mars 2009.
- 333. Le comité prend également note de l’indication de l’organisation plaignante selon laquelle dix dirigeants syndicaux se sont désistés de leurs plaintes. Pour ce qui est des quatre dirigeants syndicaux restants: M. Sok Narith, M. Loek Phin, Mme Sophann Dara et Mme Pech Sovattey, le comité observe qu’après des négociations infructueuses entre le syndicat et l’employeur concernés le différend a été soumis au Conseil d’arbitrage. A ce sujet, le comité note avec regret que la partie défenderesse (l’employeur) se soit abstenue, sans fournir de raison, de participer aux réunions de conciliation organisées par le Département des conflits du travail avant que le Conseil d’arbitrage soit saisi de l’affaire.
- 334. Le comité constate que le Conseil d’arbitrage a rendu deux décisions essentielles dans ce cas, à savoir la sentence arbitrale no 47/09 du 7 mai 2009 et la sentence arbitrale no 10/10 du 16 février 2010. Le comité relève que la première demande de réintégration qui motive la décision arbitrale no 47/09 a été introduite par 14 dirigeants syndicaux, délégués des travailleurs et militants syndicaux licenciés. Toutefois, bien qu’il ait conclu à partir des éléments dont il disposait que les départs négociés pouvaient avoir été obtenus en soumettant les travailleurs à des pressions psychologiques, le Conseil d’arbitrage a refusé d’examiner la demande de réintégration quant au fond au motif qu’il existait entre les parties un accord relatif à la cessation de la relation d’emploi conforme à la loi qui aurait dû être frappé de nullité pour que l’affaire soit examinée. Le Conseil d’arbitrage a rappelé que la partie lésée était habilitée à demander l’annulation du contrat si elle le désirait. En conséquence, en 2010, quatre des militants et dirigeants syndicaux licenciés (Mme Pech Sovattey, M. Sok Narith, M. Loek Phin et Mme Sophann Dara) ont de nouveau saisi le Conseil d’arbitrage pour demander leur réintégration dans l’emploi et l’annulation des accords de départ qu’ils avaient signés sous la contrainte. Dans sa sentence arbitrale no 10/10, le Conseil d’arbitrage a décidé d’annuler les accords de départ datés du 27 février 2009 et du 2 mars 2009 et, par voie de conséquence, leurs clauses relatives aux indemnités de licenciement et autres avantages en rappelant que tout accord conclu sous la contrainte doit être frappé de nullité:
- Se fondant sur les constatations de fait, la partie requérante (les travailleurs) déclare que la signature d’accords de départ négocié donnant lieu à des indemnités de licenciement a été faite sous la contrainte. La partie requérante (les travailleurs) affirme que l’entreprise a retiré leurs laissez-passer aux travailleurs concernés et a chargé les agents de sécurité d’accompagner ces derniers chez le directeur des ressources humaines. La partie requérante (les travailleurs) a également déclaré que l’employeur a exercé une pression financière sur les travailleurs en refusant de leur régler leurs salaires de février tant qu’ils n’auraient pas accepté leurs indemnités de licenciement. Les travailleurs n’avaient d’autre choix que d’accepter ces indemnités s’ils voulaient survivre. Sur la base de l’interprétation précitée, le Conseil d’arbitrage estime que les travailleurs n’avaient aucune intention de signer l’accord relatif à ces indemnités. Le Conseil d’arbitrage considère donc que l’accord en question doit être frappé de nullité.
- 335. Dans la même décision, le Conseil d’arbitrage a ordonné que les quatre dirigeants syndicaux susmentionnés soient réintégrés dans leur emploi et que leur soient versés les arriérés de salaire cumulés depuis la date de leur licenciement. Pour ordonner la réintégration de Mme Pech Sovattey (secrétaire générale du syndicat) et de M. Sok Narith (vice-président de la CTSWF et délégué des travailleurs), le Conseil d’arbitrage s’est fondé sur le fait que leurs licenciements n’avaient pas été conformes au Code du travail et à la jurisprudence du Conseil d’arbitrage puisque l’employeur n’avait pas sollicité l’accord de l’inspecteur du travail. Pour ce qui est des licenciements de M. Loek Phin et de Mme Sophann Dara, le Conseil d’arbitrage a conclu que l’entreprise les avait congédiés «parce qu’ils exerçaient tous deux une activité syndicale au service des travailleurs». En conséquence, le Conseil d’arbitrage a décidé que leur licenciement était illégal et qu’ils devaient être réintégrés dans leurs fonctions.
- 336. En outre, considérant que la non-comparution de l’employeur à l’audience constituait un refus de répondre à l’accusation, la décision arbitrale no 10/10 a ordonné à l’employeur de coopérer, a autorisé le syndicat à se réunir comme il le faisait avant les licenciements et a permis à ses dirigeants d’accéder à l’entreprise pour y exercer leurs activités syndicales. Le comité prend toutefois note de l’indication du gouvernement selon laquelle la décision d’arbitrage n’a pu être appliquée du fait que l’employeur avait, le 23 février 2010, fait appel de la décision rendue par le Conseil d’arbitrage le 16 février.
- 337. Le comité rappelle que l’un des principes fondamentaux de la liberté syndicale est que les travailleurs doivent bénéficier d’une protection adéquate contre tous actes de discrimination tendant à porter atteinte à la liberté syndicale en matière d’emploi – licenciement, transfert, rétrogradation et autres actes préjudiciables –, et que cette protection est particulièrement souhaitable en ce qui concerne les délégués syndicaux, étant donné que, pour pouvoir remplir leurs fonctions syndicales en pleine indépendance, ceux-ci doivent avoir la garantie qu’ils ne subiront pas de préjudice en raison du mandat syndical qu’ils détiennent. Il rappelle également que l’une des manières d’assurer la protection des délégués syndicaux est de prévoir que ces délégués ne peuvent être licenciés ni dans l’exercice de leurs fonctions ni pendant un certain laps de temps suivant la fin de leur mandat, sauf évidemment en cas de faute grave. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 799 et 804.]
- 338. Dans ces circonstances, le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’appel interjeté par l’employeur contre la décision du Conseil d’arbitrage le 16 février 2010 qui ordonne de réintégrer dans leurs fonctions les quatre dirigeants syndicaux M. Sok Narith, M. Loek Phin, Mme Sophann Dara et Mme Pech Sovattey. Il le prie également de transmettre copie de la décision arbitrale dont il s’attend à ce qu’elle traitera également la question des accords de départ réputés avoir été signés sous la contrainte. Parallèlement, du fait de l’impact de ces licenciements non seulement sur les dirigeants syndicaux mais également sur la représentation des travailleurs dans l’entreprise, le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour rechercher la réintégration des quatre dirigeants syndicaux licenciés et de veiller à ce qu’ils soient autorisés immédiatement à exercer leurs activités syndicales dans l’entreprise (en dehors des heures de travail comme c’était antérieurement le cas et tel qu’énoncé dans la sentence arbitrale) en attendant la conclusion de la procédure d’appel.
- 339. A cet égard, le comité rappelle que, dans des cas similaires antérieurs, il avait souligné que le gouvernement est tenu de prévenir les actes de discrimination antisyndicale et de veiller à ce que les plaintes contre de tels actes soient examinées dans le cadre de procédures nationales promptes, impartiales et considérées comme telles par les parties concernées. Le comité avait fermement invité le gouvernement à prendre sans délai des mesures en vue d’adopter un cadre législatif approprié qui garantisse aux travailleurs une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale, notamment par la mise en place de sanctions suffisamment dissuasives et l’application rapide de décisions définitives et contraignantes. Il l’avait également invité à cet effet à se prévaloir de l’assistance du Bureau (voir cas no 2655, 355e rapport, paragr. 353; cas no 2262, 342e rapport, paragr. 233 et cas no 2468, 344e rapport, paragr. 436).
- 340. Dans ce contexte, le comité souligne que les licenciements sont intervenus en février 2009 et que n’a été fournie, dans les sentences arbitrales ou en dehors de ce cadre, aucune information qui démontrerait que le licenciement de ces dirigeants syndicaux était dû à d’autres raisons que leur activité syndicale. En conséquence, le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai des mesures en vue d’adopter un cadre législatif approprié qui garantisse aux travailleurs une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale et les licenciements antisyndicaux, notamment par la mise en place de sanctions suffisamment dissuasives et l’application rapide de décisions définitives et contraignantes. Le comité invite le gouvernement à se prévaloir à cet effet de l’assistance technique du Bureau.
Recommandation du comité
Recommandation du comité- 341. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’appel interjeté par l’employeur contre la décision du Conseil d’arbitrage du 16 février 2010 qui ordonnait de réintégrer dans leur emploi les quatre dirigeants syndicaux concernés. Il le prie également de transmettre, dès que la décision sera rendue, copie de cette dernière dont il s’attend à ce qu’elle traitera également la question des accords de départ négocié réputés avoir été signés sous la contrainte. Parallèlement, du fait de l’impact de ces licenciements non seulement sur les dirigeants syndicaux mais également sur la représentation des travailleurs dans l’entreprise, le comité prie instamment le gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour rechercher la réintégration des quatre dirigeants syndicaux licenciés et de veiller à ce qu’ils soient autorisés immédiatement à exercer leurs activités syndicales dans l’entreprise (en dehors des heures de travail comme c’était antérieurement le cas et tel qu’énoncé dans la sentence arbitrale) en attendant la conclusion de la procédure d’appel.
- b) Le comité prie à nouveau instamment le gouvernement de prendre sans délai des mesures en vue d’adopter un cadre législatif approprié qui garantisse aux travailleurs une protection efficace contre les actes de discrimination antisyndicale, et que l’une des manières d’assurer cela peut passer par la mise en place de sanctions suffisamment dissuasives et l’application rapide de décisions définitives et contraignantes. Le comité rappelle que l’une des manières d’assurer cela peut être de faire en sorte que les délégués ne puissent être licenciés ni dans l’exercice de leurs fonctions ni pendant un certain laps de temps suivant la fin de leur mandat, sauf évidemment en cas de faute grave. Le comité invite le gouvernement à se prévaloir à cet effet de l’assistance technique du Bureau.