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Allégations: La législation limite la négociation collective et les congés syndicaux
- 317. La plainte figure dans une communication conjointe de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CC.OO.) et de la confédération syndicale Union générale des travailleurs (UGT) en date du 10 mai 2012. Ces organisations ont présenté des informations supplémentaires et de nouvelles allégations dans des communications en date des 22 juin, 30 juillet et 29 octobre 2012 (cette dernière communication, portant sur des questions relatives au secteur public, a été également signée par la Centrale syndicale indépendante et des fonctionnaires (CSIF), l’Union syndicale ouvrière (USO) et de nombreuses organisations syndicales nationales du secteur public).
- 318. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 5 juillet, 27 septembre et 28 novembre 2012 et des 22 février et 30 décembre 2013.
- 319. L’Espagne a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 135) concernant les représentants des travailleurs, 1971, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 320. Dans leurs communications en date des 10 mai, 22 juin, 30 juillet et 29 octobre 2012, la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CC.OO.), la confédération syndicale Union générale des travailleurs (UGT), la Centrale syndicale indépendante et des fonctionnaires (CSIF), l’Union syndicale ouvrière (USO) et de nombreuses organisations syndicales nationales dénoncent une atteinte à la liberté syndicale et au droit de négociation collective reconnus et garantis par les conventions nos 87, 98 et 154 de l’OIT, découlant du décret-loi royal no 3/2012 du 10 février sur les mesures urgentes pour la réforme du marché du travail approuvé par le gouvernement et validé par le Congrès des députés.
- 321. Les organisations plaignantes expliquent que, le 25 janvier 2012, les organisations syndicales CC.OO. et UGT ont conclu avec deux organisations patronales (la Confédération espagnole des organisations d’employeurs (CEOE) et la Confédération espagnole de la petite et moyenne entreprise (CEPYME)) le «Deuxième accord pour l’emploi et la négociation collective 2012, 2013 et 2014» (Deuxième AENC), publié au Journal officiel du 6 février 2012. Cet accord collectif à caractère contraignant, d’une durée de trois ans, fait obligation aux parties signataires d’intensifier leurs efforts pour faire en sorte que toutes les organisations qu’elles représentent, dans le respect de leur autonomie de négociation, s’emploient à «appliquer les critères, orientations et recommandations» contenus dans l’accord et à ajuster leur comportement en fonction. Les parties utilisent des termes similaires dans l’acte de signature du Deuxième AENC, affirmant que le texte a pour objet d’«encadrer la négociation des conventions collectives pendant la durée d’application de l’accord, en établissant des critères et des recommandations à mettre en œuvre dans les processus de négociation collective». Le thème de la structure de la négociation collective est abordé dans l’accord, où est élaboré et convenu un ensemble de règles en matière d’articulation et de structuration destinées à régir la négociation collective à l’avenir. Les parties continuent de s’en remettre à la négociation collective au niveau national ou, à défaut, au niveau des communautés autonomes pour structurer la négociation, et elles n’acceptent pas la disparition des conventions à l’échelon des provinces car, de leur point de vue, celles-ci contribuent à couvrir un grand nombre d’entreprises et de travailleurs. En outre, la négociation au sein de l’entreprise, au moyen de conventions ou d’accords et de pactes d’entreprise, est préconisée pour discuter les questions liées «à la journée de travail, aux fonctions et aux salaires»; les modalités de cette négociation en termes de flexibilité interne sont détaillées dans d’autres parties de l’accord concerné.
- 322. Néanmoins, poursuivent les organisations plaignantes, seulement deux semaines plus tard, le gouvernement a approuvé le décret-loi royal no 3/2012 du 10 février sur les mesures urgentes pour la réforme du marché du travail (Journal officiel du 11 février) qui abroge et annule la majorité des points négociés et convenus dans le Deuxième AENC, notamment ceux concernant la structure de la négociation collective et la réglementation de la flexibilité interne. La situation est telle qu’il a été déclaré que la norme nationale d’urgence «n’avait pas suivi, même partiellement, le contenu de l’accord, mais l’avait ignoré et mis de côté».
- 323. Tandis que le décret-loi royal en question a été rédigé et promulgué immédiatement après la signature du Deuxième AENC, le gouvernement n’a invité aucun syndicat à participer à son élaboration ou à des négociations. Aucune consultation préalable n’a été organisée sur le fond de la réglementation, et il n’a pas été possible d’échanger des vues et des opinions divergentes sur la réforme. Les infractions dénoncées découlant du décret-loi royal no 3/2012 ont subsisté après l’approbation de la loi no 3/2012 du 6 juillet. En effet, les modifications apportées à la législation espagnole à la suite du traitement du décret-loi royal comme un projet de loi au Congrès des députés se sont limitées à reprendre, en substance, ce que disposait déjà le décret-loi royal no 3/2012. Seuls ont été modifiés certains aspects accessoires de ces dispositions. Les organisations plaignantes déclarent qu’elles n’ont été consultées par le gouvernement ni avant ni après la promulgation du décret-loi royal. Malgré cela, par respect pour les institutions et le rôle dévolu au législateur, la CC.OO. et l’UGT ont élaboré des propositions d’amendement au texte du projet de loi examiné par le Parlement, dans le but d’améliorer la norme et d’éviter de futures procédures pour déclaration d’inconstitutionnalité qui pourraient, semble-t-il, être engagées contre certains principes de la loi portant atteinte aux droits reconnus par la Constitution et par les conventions de l’OIT ratifiées par l’Espagne. Ces propositions d’amendement ont été totalement ignorées.
- 324. Les organisations plaignantes attirent l’attention sur les éléments suivants du décret-loi royal no 3 (actuellement loi no 3 de 2012):
- a) La primauté d’application de la négociation au niveau de l’entreprise est imposée, indépendamment de la volonté commune des syndicats et des organisations patronales, ce qui interdit dès lors de mitiger la règle de la priorité absolue donnée à l’accord d’entreprise ou d’y déroger dans le cadre des négociations. Selon les dispositions du décret-loi royal no 3/2012 concernant la priorité attribuée à l’accord d’entreprise, ces accords peuvent désormais être négociés à tout moment de la durée d’application des conventions collectives de plus vaste portée (y compris avant leur expiration) et imposer des changements des conditions de travail. Les processus de négociation collective volontaire des organisations syndicales et des organisations patronales se voient ainsi subordonnés et soumis à la primauté juridique des clauses conclues dans les accords d’entreprise, dont bon nombre ne sont pas négociés par les syndicats mais par des représentants non syndiqués. De plus, cette priorité d’application ne résulte pas d’un accord de négociation collective volontaire mais a tout simplement été imposée par l’Etat à travers le décret-loi royal et aujourd’hui la loi no 3/2012, ce qui constitue une ingérence inadmissible dans l’exercice du droit de négociation collective des organisations syndicales.
- b) Les employeurs jouissent d’une possibilité de «non-participation», c’est-à-dire de ne pas appliquer les clauses conclues dans une convention collective pour des raisons économiques, techniques ou liées à l’organisation ou à la production, sans obligation d’obtenir l’accord des négociateurs de la convention ni même des représentants des travailleurs de l’entreprise; et un arbitrage administratif obligatoire est imposé. S’agissant de la non-participation ou de l’inapplication générale des conditions de travail définies dans la convention collective, on peut résumer comme suit les nouveautés introduites par la loi no 3/2012 dans l’article 82.3 du statut des travailleurs: 1) afin de reproduire certains éléments des dispositions relatives aux motifs de licenciement et de suspension de contrat, des éclaircissements sont donnés sur les raisons économiques justifiant la non-participation, à savoir que la diminution des recettes ou des ventes doit présenter les caractéristiques suivantes: d’une part, il faut prendre en compte les recettes ordinaires de l’entreprise, qui comprennent son activité productive ou ses recettes d’exploitation; et, d’autre part, la diminution doit être observée pendant deux trimestres consécutifs par rapport au trimestre correspondant de l’année précédente, et non au trimestre précédant immédiatement la constatation de la baisse. La même formulation que pour les licenciements collectifs est utilisée, sauf qu’il s’agit de deux trimestres et pas trois comme énoncé dans les motifs de résiliation; 2) concernant les différends entre l’entreprise et les représentants des travailleurs au sujet de l’inapplication des conditions de la convention collective, il est possible de soumettre le différend à la commission de la convention mais, si la commission n’est pas sollicitée ou ne peut pas régler le différend, la loi no 3/2012 impose maintenant aux parties ou plutôt à celle qui souhaite l’inapplication de la convention, c’est-à-dire l’employeur, de suivre les procédures établies dans les accords interprofessionnels aux fins du règlement des différends, conformément à l’article 82.3 du statut des travailleurs reformulé comme suit:
- En l’absence d’accord à l’issue de la période de consultations et si les procédures prévues au paragraphe précédent ne s’appliquent pas ou ne permettent pas de régler le différend, l’une ou l’autre partie peut soumettre ce différend soit à la Commission consultative nationale des conventions collectives lorsque l’inapplication des conditions de travail concerne des lieux de travail de l’entreprise situés sur le territoire de plusieurs communautés autonomes, soit aux organes correspondants de la communauté autonome dans les autres cas. Ces organes peuvent se prononcer eux-mêmes ou désigner à cette fin un arbitre présentant toutes les garanties d’impartialité. Ils doivent rendre leur décision dans un délai de vingt-cinq jours à compter de la date où le conflit leur a été soumis. La décision prise produit les mêmes effets que les accords trouvés pendant la période de consultations et ne peut être contestée que selon la procédure et pour les motifs définis à l’article 91. […]
- Les organisations syndicales expliquent que, par conséquent, si les procédures applicables ne permettent pas de régler le différend, les parties peuvent demander à la Commission consultative nationale des conventions collectives ou à l’organe correspondant de la communauté autonome de prendre une décision ou de désigner un arbitre; la loi no 3/2012 ajoute que cette désignation doit offrir toutes les garanties d’impartialité, ce qui influe sur le statut de l’arbitre ainsi désigné. Cependant, vu la composition tripartite de la commission et étant donné que l’administration a voix prépondérante pour ce qui concerne le règlement du litige et la désignation de l’arbitre, les garanties d’impartialité ne sont pas réunies car l’arbitre a été nommé par l’administration pour modifier la teneur des droits des travailleurs établis dans une convention collective pendant sa durée d’application. La cinquième disposition supplémentaire reconnaît la compétence de la Commission consultative nationale des conventions collectives pour intervenir, pendant la période de consultations, dans les processus de règlement des différends ayant trait à l’inapplication des conditions établies dans les conventions collectives et, vu sa nature tripartite, l’administration joue un rôle décisif dans l’adoption des accords.
- c) La flexibilité interne négociée a été abandonnée au profit de la décision unilatérale de l’employeur, lequel peut décider, sans l’accord des travailleurs, de ne pas appliquer les conditions de travail énoncées dans les accords d’entreprise et convenues avec les représentants des travailleurs. Le décret-loi royal no 3/2012 a réformé en profondeur le régime juridique applicable aux «modifications substantielles des conditions de travail» (art. 41 du statut des travailleurs), en donnant à l’employeur la possibilité de modifier unilatéralement des conditions de travail essentielles établies dans les pactes ou accords collectifs conclus avec les représentants des travailleurs habilités à signer des accords d’application générale. Une période de consultations préalable ne débouchant pas nécessairement sur un accord peut se tenir dans certains cas. Néanmoins, dans le système espagnol des relations professionnelles, l’existence de difficultés de fonctionnement au sein d’une entreprise ne justifie pas d’autoriser l’employeur à modifier unilatéralement le contenu des conventions et accords collectifs, effet disproportionné et incompatible avec l’efficacité qu’on est en droit d’attendre de la négociation collective. L’octroi à l’employeur de cette faculté de modifier à sa guise les conditions de travail inscrites dans un pacte ou un accord collectif – touchant des domaines aussi importants que le salaire ou la journée de travail –, même contre l’avis des représentants des travailleurs, constitue une violation de la garantie d’efficacité et de la force contraignante des conventions collectives. Cela va à l’encontre des dispositions des conventions nos 98 et 154 de l’OIT ainsi que de la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, qui reconnaissent et garantissent l’obligation incombant aux parties de respecter la teneur des accords conclus par voie de négociation collective.
- 325. Par ailleurs, les organisations plaignantes allèguent que le gouvernement a décidé unilatéralement, dans le cadre du décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet sur les mesures visant à assurer la stabilité budgétaire et à promouvoir la compétitivité, d’adopter une série de mesures pour réorganiser et rationaliser les administrations publiques; or ces mesures ont une incidence sur le statut ou la situation contractuelle du personnel du secteur public en général, ou du secteur public d’Etat en particulier.
- 326. La justification donnée pour ces mesures est la suivante: «La conjoncture économique actuelle et la nécessité de réduire le déficit public, sans pour autant compromettre la prestation des services publics essentiels, exigent des administrations publiques qu’elles utilisent plus efficacement les ressources publiques, ce afin de contribuer à la réalisation de l’impératif de stabilité budgétaire prévu dans la Constitution et par l’Union européenne». Le décret-loi royal no 20/2012 met l’accent sur des mesures extraordinaires, urgentes et unilatérales «visant à rationaliser et à réduire les dépenses de personnel des administrations publiques et à améliorer l’efficacité de leur gestion, [mesures] qui limitent les dépenses de personnel et accroissent la qualité et la productivité de la fonction publique». Les mesures imposées unilatéralement par le gouvernement sont très variées et peuvent être résumées comme suit:
- ■ Les salaires sont réduits, ce qui se traduit aujourd’hui par la suppression (non paiement) du treizième mois de décembre 2012. Cela représente en moyenne une diminution de l’ordre de 8 pour cent et ramène le pouvoir d’achat des agents publics au niveau de 2002.
- ■ La prestation en espèces versée pour incapacité temporaire est réduite et les possibilités d’amélioration sont limitées, ce qui pénalise les agents publics en incapacité temporaire de travail pour cause de maladie.
- ■ Le temps de travail dans toutes les administrations publiques fait l’objet d’une réorganisation générale et fondamentale, réduisant sensiblement la durée des congés annuels payés ainsi que le nombre de jours mis à disposition pour raisons personnelles. Cette mesure a, de plus, porté atteinte à de nombreux autres congés et avantages (congé de maternité, flexibilité des horaires, soins aux personnes à charge, etc.) qui allaient au-delà des minima légaux et qui, conformément au décret-loi royal no 20/2012, ne peuvent plus être négociés aux niveaux individuel et collectif, sans application des principes plus favorables ni prise en compte des conditions plus avantageuses.
- ■ Les congés syndicaux sont réduits au sein des administrations publiques et des organismes qui en dépendent, entraînant une diminution notable des heures payées réservées à l’exercice des fonctions syndicales et de représentation ou des dispenses totales de présence au travail.
- ■ La négociation collective sera à l’avenir extrêmement limitée dans les administrations publiques puisque la force contraignante de tous les pactes, accords ou conventions collectifs sera subordonnée à l’éventuelle adoption unilatérale, par les administrations publiques, de mesures ou de plans d’ajustement aux fins de la résorption du déficit public. Il s’agit là d’une forme de «non-application» des clauses des conventions ou accords sans restriction de domaine ni exigence de consultations, si l’on excepte l’obligation de simplement «informer» les organisations syndicales.
- 327. Les organisations plaignantes précisent que les mesures en question ont été prises moyennant la suspension de tous les accords, pactes et conventions visant le personnel du secteur public, et que les normes qui régissent les conditions de travail des agents publics (principalement la loi no 7/2007 sur le statut de base de l’agent public ou EBEP) ont en outre été modifiées.
- 328. Les organisations plaignantes dénoncent le fait que ces changements aient été introduits sans convoquer les réunions générales de négociation requises, bien que toutes ces questions doivent obligatoirement faire l’objet d’une négociation conformément aux articles 37 et 38 de la loi no 7/2007. Autrement dit, le gouvernement a promulgué le décret-loi royal no 20/2012 sans communiquer et encore moins négocier avec les organisations syndicales ayant qualité pour ce faire. Il s’est contenté, deux mois après l’approbation et l’entrée en vigueur du décret-loi royal, d’informer les organisations syndicales lors d’une réunion purement protocolaire dans le cadre du champ de négociation prévu par l’article 38 de l’EBEP. Le gouvernement n’avait pas l’intention d’informer les syndicats, mais il s’est exécuté à leur demande. A cette réunion, l’administration a écarté toute possibilité de négocier quoi que ce soit, se bornant à «lire» le contenu de la norme aux organisations syndicales présentes à la table des négociations. Le gouvernement n’a toujours apporté ni réponse ni solution aux questions que les organisations syndicales ont soulevées concernant les préjudices causés par le décret-loi royal aux agents publics et à leurs représentants syndicaux.
- 329. Selon les organisations plaignantes, la décision adoptée unilatéralement par le gouvernement entraîne la suppression effective du droit de négociation collective car elle invalide les clauses de tous les accords, pactes et conventions collectifs préexistants conclus entre, d’une part, les différentes administrations publiques (aux niveaux national, local et des communautés autonomes) et autres instances du secteur public et, d’autre part, tous les syndicats d’agents publics présents aux réunions générales de négociation.
- 330. Cette imposition unilatérale de mesures au prétexte du besoin urgent de réduire le déficit public ne laisse plus le moindre espace à la négociation, et empêche les syndicats d’exercer leur fonction incontestable et primordiale de défense des intérêts qu’ils représentent à travers les mécanismes de participation prévus par les lois et conventions. En définitive, le gouvernement a transformé en norme d’ordre public non susceptible de dérogation ni d’aménagement un ensemble de domaines qui, avant l’approbation du décret-loi royal no 20/2012, devaient obligatoirement faire l’objet d’une négociation collective en vertu de la législation (loi de 1987 sur le statut de base de l’agent public). Les articles 32 et 38 de la loi garantissent «le respect des conventions collectives» et des «pactes et accords», respectivement, tout en prévoyant la possibilité de suspendre ou de modifier à titre exceptionnel leur application «en cas de modification substantielle des conditions économiques». Dans de tels cas, «les administrations publiques doivent informer les organisations syndicales des motifs de la suspension ou de la modification». Néanmoins, le gouvernement n’a ni négocié avec les syndicats les dispositions du décret-loi royal no 20/2012 relatives aux agents publics ni invoqué les circonstances exceptionnelles établies aux articles 32 et 38. Il a directement déclaré la «suspension» des accords, pactes et conventions collectifs visant le personnel du secteur public et contenant des clauses contraires aux articles 1 à 16 du décret-loi royal. Il n’est pas question ici de la validation d’un acte de l’administration publique mais d’une déclaration légale d’application directe produisant des effets juridiques immédiats, ce qui témoigne d’une atteinte préméditée au droit des agents publics à la négociation collective.
- 331. Les organisations plaignantes ajoutent que l’hostilité du gouvernement à l’égard de la négociation collective se projette aussi dans le futur, puisque les articles 32 et 38 de l’EBEP sont interprétés comme suit dans la deuxième disposition supplémentaire du décret-loi royal no 20/2012: «On entend par motif grave d’intérêt public découlant d’une modification substantielle des conditions économiques, entre autres choses, les cas où les administrations publiques doivent adopter des mesures ou des plans d’ajustement ou de rééquilibrage des comptes publics, ou des mesures ou plans de nature financière visant à assurer la stabilité budgétaire ou la résorption du déficit public.» Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’une clause de non-application des dispositions des conventions ou pactes collectifs sans restriction de domaine ni exigence de consultations, si l’on excepte l’obligation d’informer les organisations syndicales. La négociation se voit donc extrêmement restreinte et subordonnée à la volonté unilatérale de l’administration, ce qui affaiblit non seulement le rôle des syndicats mais aussi l’essence même de la négociation collective.
- 332. Par ailleurs, les organisations plaignantes indiquent que le droit au crédit d’heures (congé syndical) fait partie des droits additionnels de liberté syndicale au sens de l’article 28.1 de la Constitution, pour les fonctionnaires comme pour les salariés de l’administration, conformément au jugement rendu par le Tribunal constitutionnel. Cependant, l’article 10 du décret-loi royal no 20/2012, qui a pris effet le 1er octobre 2012, dispose ce qui suit: «Au sein des administrations publiques et des organismes, entités, universités, fondations et sociétés qui en dépendent, dès l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal, tous les droits syndicaux inscrits sous cette appellation spécifique ou d’autres désignations, soit dans les accords visant les fonctionnaires et le personnel statutaire, soit dans les conventions collectives et accords visant les salariés conclus avec des organisations ou des représentants syndicaux, doivent se conformer strictement aux dispositions des normes qui suivent lorsque leur contenu va au-delà desdites normes pour ce qui concerne les heures payées réservées à l’exercice des fonctions syndicales et de représentation, la désignation des délégués syndicaux, les dispenses totales de présence au travail et d’autres droits syndicaux; les normes concernées sont les suivantes: le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars portant approbation du texte consolidé de la loi sur le statut des travailleurs, la loi organique no 11/1985 du 2 août sur la liberté syndicale et la loi no 7/2007 du 12 avril sur le statut de base de l’agent public. Par conséquent, dès l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal, tous les pactes, accords et conventions collectifs conclus qui traitent de ces questions et vont au-delà dudit contenu cessent d’être valides et de produire des effets. Tout ce qui précède est sans préjudice des accords qui pourraient être ultérieurement conclus, uniquement dans le cadre des réunions générales de négociation, en matière de modification de l’obligation ou du régime de présence au travail des représentants syndicaux pour leur permettre d’exercer de manière rationnelle leurs fonctions de représentation et de négociation ou de faire dûment valoir les autres droits syndicaux.»
- 333. Les organisations plaignantes soulignent que l’article 10 du décret-loi royal no 20/2012 supprime le crédit supplémentaire d’heures pour activités syndicales, droit qui avait été convenu par les parties au moyen de la négociation collective. Cette mesure étant permanente et structurelle, elle contrevient au principe de limitation dans le temps du Comité de la liberté syndicale.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 334. Dans ses communications en date des 5 juillet, 27 septembre et 28 novembre 2012 et des 22 février et 30 décembre 2013, le gouvernement indique qu’avant d’examiner le contenu des allégations des organisations plaignantes il est indispensable de parler du contexte dans lequel s’inscrivent les réformes du travail contestées. La situation de l’Espagne au début de l’année 2012 exigeait une action résolue et urgente du gouvernement dans plusieurs domaines, le marché du travail étant l’une des priorités étant donné que la crise économique dans laquelle s’enfonce le pays depuis 2008 a mis en évidence les faiblesses du système institutionnel du marché du travail. La gravité de la crise actuelle est sans précédent. Selon les données de la dernière enquête sur la population active, disponible à la date où a été approuvé le décret-loi royal no 3/2012, le nombre de chômeurs s’élevait à 5 273 600 personnes, avec une progression de 295 300 personnes au quatrième trimestre de 2011 et de 57 000 personnes par rapport au quatrième trimestre de 2010. Sur la même période, le taux de chômage a progressé de 1,33 point au troisième trimestre, soit 22,85 pour cent. Autrement dit, l’Espagne a perdu plus d’emplois que les principales économies européennes, plus de 3,2 millions de postes de travail depuis le début de la crise et presque 100 000 postes de travail par mois durant le trimestre qui a précédé la réforme du travail de 2012, soit le chiffre fatidique de plus de 1,5 million de familles dont tous les membres sont au chômage. La crise a touché, avec plus au moins de gravité, tous les pays européens, mais l’Espagne a perdu plus d’emplois et de manière plus rapide que les principales économies européennes. Depuis le premier trimestre de 2008 jusqu’au dernier trimestre de 2011, 11 pour cent des emplois ont été détruits en Espagne, contre 2,5 pour cent dans la zone euro.
- 335. La crise économique que traverse l’Espagne a mis en évidence le comportement hautement saisonnier de l’emploi selon le cycle économique à l’origine de fluctuations inhabituelles dans le contexte des pays développés. Dès le début de la crise, et à la différence de ce qui s’est produit dans les pays voisins, les entreprises espagnoles ont pour l’essentiel procédé à des licenciements au lieu de recourir à des mesures de flexibilité interne. L’ajustement dans les entreprises espagnoles passe par les licenciements et non par les conditions de travail, un choix qui n’a rien de hasardeux ou de capricieux mais qui répond aux faiblesses de notre marché du travail, sur lequel pèse, d’une part, un taux d’emploi temporaire élevé – avec moins d’investissements dans la formation et plus de risques d’être licencié – et, d’autre part, un cadre juridique qui ne favorise pas assez les mécanismes de flexibilité interne et de négociation collective permettant aux entreprises d’adapter les conditions de travail à l’évolution du contexte économique et de la production. Il était plus simple de se séparer de travailleurs – en ne prolongeant pas ou en ne renouvelant pas les contrats temporaires, ou en recourant à ce que l’on appelle le licenciement «express» – que de modifier les conditions de travail pour tenter de sauver l’emploi grâce, notamment, à des réductions de journées de travail et de salaire, une répartition inégale du temps de travail, un changement de fonctions, voire l’inapplication temporaire des conditions de travail établies dans la convention collective.
- 336. Il en résulte un marché du travail caractérisé par une forte dualité de l’emploi. Un large groupe de travailleurs a un emploi permanent, avec le plus souvent des augmentations de salaires accordées dans le cadre de la négociation collective, supérieures à la productivité et à l’inflation, et a droit à une protection notable face au licenciement. Un autre groupe important de travailleurs, en revanche, sous contrats temporaires, ne bénéficie pas de la même protection face au chômage, qui constitue le principal mécanisme d’ajustement dont disposent les entreprises pour faire face aux difficultés et mener à bien les ajustements nécessaires des conditions de travail (contraction des salaires, modification des conditions de travail, etc.), et passe de la précarité au chômage.
- 337. Une telle option est manifestement négative en termes d’équité et elle a en outre provoqué une détérioration gravissime du marché du travail des jeunes. Ce n’est pas un hasard si 27 pour cent des emplois supprimés au quatrième trimestre de 2011 concernent des jeunes de moins de 25 ans et plus de 50 pour cent si l’on prend en compte les travailleurs de moins de 29 ans, situation résultant du taux élevé de travail temporaire chez les jeunes: 82,3 pour cent des jeunes qui travaillent ont, bien malgré eux, un travail temporaire. Ce sont ces travailleurs sous contrat temporaire dont l’entreprise s’est séparée en premier, sans parler du fait que, parmi les travailleurs ayant un contrat à durée indéterminée, ce sont aussi, très probablement, les jeunes qui sont les premiers licenciés, non parce qu’ils sont moins productifs que les travailleurs plus âgés ou plus anciens dans l’entreprise, mais simplement parce que ce sont les derniers à avoir été recrutés et, par conséquent, ceux qui entraînent des indemnités moins coûteuses. La dualité est si forte que l’on ne s’est pas séparé de celui qui contribue le moins au projet de l’entreprise mais de celui dont le licenciement coûte le moins cher. Résultat: fin 2011, pratiquement un jeune sur deux était au chômage.
- 338. Il faut tenir compte du fait que, en raison de la crise économique amorcée en 2008, l’Espagne est le pays de l’Union européenne (UE) qui est le plus touché par le chômage. La rapidité et l’intensité de la destruction de l’emploi en Espagne sont liées, pour l’essentiel, à l’absence de lien entre les différents types de flexibilité – d’entrée, interne et de sortie – s’agissant de la régulation des relations de travail, et, les mesures adoptées depuis le début de la crise pour réformer le marché du travail s’avérant insuffisantes et inefficaces pour créer des emplois, il est devenu indispensable de s’attaquer aux faiblesses structurelles du marché du travail pour favoriser le redressement de l’économie espagnole.
- 339. Ainsi, la réforme du travail approuvée par le gouvernement dans le cadre du décret-loi royal no 3/2012 et de la loi no 3/2012 du 6 juillet, approuvée après son examen parlementaire, a pour seul but de créer les conditions adaptées au marché du travail espagnol pour permettre une amélioration rapide de la situation dont il a été fait état, en introduisant, entre autres réformes, davantage de flexibilité interne dans les entreprises, de sorte que, face à des changements ou des situations difficiles, elles puissent s’adapter aux nouvelles conditions pour maintenir l’emploi au lieu de licencier, comme ce qui s’est produit jusqu’à présent.
- 340. A cet égard, le gouvernement rappelle qu’une fois la réforme approuvée divers organismes internationaux l’ont jugée positive. Citons à cet égard le rapport sur l’Espagne établi par le Fonds monétaire international, en date du 27 juillet 2012, qui indique que:
- Concernant la politique du marché du travail, une profonde réforme du monde du travail a été introduite en février, assortie de mesures pour réduire la dualité du marché du travail (grâce à la réduction des coûts de licenciement des travailleurs permanents en cas de licenciements injustifiés) et la rigidité des salaires et pour augmenter la flexibilité interne de l’entreprise (donnant la priorité aux conventions d’entreprise sur les conventions collectives plus larges). Les auteurs du rapport ont souligné l’urgence de renforcer les mesures favorisant la compétitivité et l’emploi, étant donné le taux élevé du chômage, en particulier chez les jeunes. Ils se sont félicités des récentes réformes du marché du travail, visant à réduire la dualité du marché du travail et la rigidité des salaires et à augmenter la flexibilité interne des entreprises. Ces efforts doivent être complétés par de nouvelles mesures pour améliorer les marchés des biens et des services et l’environnement des entreprises. De manière plus générale, le rapport recommande une application rapide du programme de réformes structurelles du gouvernement.
- L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), dans le projet de conclusions pour l’élaboration du rapport économique sur l’Espagne, souligne que les progrès de la réforme du travail ont été considérables en matière de clarification des motifs de licenciement, de réduction de l’indemnisation pour licenciement ou de la plus grande facilité pour les entreprises d’adapter les salaires et la journée de travail à l’évolution de la conjoncture économique.
- 341. Le gouvernement indique que le point de départ de la plainte est la publication, dans le Journal officiel du 11 février 2012, du décret-loi royal no 3/2012 du 10 février, relatif à des mesures urgentes pour la réforme du marché du travail. Conformément aux dispositions de l’article 86.2 de la Constitution, ce décret-loi royal a été validé par le Congrès des députés, à sa session du 8 mars. L’accord de validation a été publié dans le Journal officiel du 13 mars 2012. La procédure en tant que projet de loi étant achevée, le décret-loi royal no 3/2012 a été remplacé par une loi approuvée par les Chambres législatives (Cortes Generales), la loi no 3/2012 du 7 juillet, produisant le même effet que ce dernier.
- 342. Concernant l’allégation d’absence de consultations que l’urgence rend souvent difficiles, le gouvernement répond que l’article 86 de la Constitution permet et justifie l’adoption par le pouvoir exécutif de dispositions ayant rang formel de décret-loi et rang matériel de loi – «en cas de nécessité exceptionnelle et urgente, le gouvernement pourra édicter des dispositions législatives provisoires qui prendront la forme de décrets-lois» –, avec les consultations y relatives. Pour autant, les consultations ne se déroulent pas nécessairement selon des modalités que semblent revendiquer les plaignants, à savoir que la consultation doit se conclure par l’acceptation nécessaire des critères des personnes consultées. Il convient de rappeler à ce sujet que la consultation ne modifie en rien la responsabilité qui revient à celui qui doit adopter les mesures, en l’occurrence le gouvernement.
- 343. Par ailleurs, rappelons que, huit mois à peine avant la dernière réforme du travail, le décret-loi royal no 7/2011 du 10 juin a été publié, relatif à des mesures urgentes pour la réforme de la négociation collective, et à propos duquel aucune plainte n’a été présentée. Les mesures adoptées dans le décret-loi royal no 3/2012 suivent la ligne définie dans le décret-loi royal no 7/2011 en ce qui concerne la réforme du marché du travail, et, en adoptant le décret-loi royal no 7/2011, personne n’ignorait l’absence d’accord entre les partenaires sociaux sur une réforme de la négociation collective, cette absence d’accord qui, face à l’urgence, a été comblée par l’initiative gouvernementale de régulation de la négociation collective.
- 344. En l’espèce, au moment où le décret-loi royal no 3/2012 a été promulgué, le Deuxième accord pour l’emploi et la négociation collective (ci-après «Deuxième AENC») 2012, 2013 et 2014, conclu le 25 janvier 2012 et publié dans le Journal officiel du 6 février, était connu; or son objectif étant d’orienter la négociation et de fixer des critères pour les commissions de négociation, il analyse nécessairement les circonstances concurrentes et traite de certaines questions générales de la négociation et du fonctionnement des entreprises.
- 345. Dans l’analyse qui précède l’accord en question, il est stipulé que «Ces conditions exceptionnelles exigent de prendre des mesures spécifiques pour obtenir, le plus rapidement possible, une croissance de l’activité économique qui permette de créer des emplois». Autrement dit, on reconnaît la nécessité d’une intervention sans perte de temps, et cet accord porte à la fois sur les mesures relatives à la structure de la négociation et la flexibilité interne, les critères salariaux des conventions collectives et d’autres critères moins importants. Ce Deuxième AENC est l’expression manifeste de l’opinion des partenaires sociaux sur la négociation collective à la date considérée, par ailleurs très proche de la publication du décret-loi royal no 3/2012. Pour autant, et précisément en raison de la nécessité de disposer dans les plus brefs délais, selon l’expression figurant dans le Deuxième AENC lui-même, de mesures qui ne portent pas seulement sur certains aspects de la négociation collective ou de la flexibilité interne, il n’était ni souhaitable ni possible de procéder à une consultation sur les question à propos desquelles les partenaires sociaux s’étaient déjà exprimés aux dates indiquées.
- 346. Une telle situation est prévue à l’article 86 de la Constitution, à savoir qu’il est possible de promulguer une norme ayant force de loi, qui n’émane pas du pouvoir législatif mais du pouvoir exécutif, sans se soumettre aux procédures ordinaires qui régissent l’élaboration ordinaire des normes.
- 347. Savoir si les mesures qui ont été finalement approuvées dans le décret-loi royal diffèrent à certains égards de celles recommandées dans le Deuxième AENC est une question distincte, mais cela n’affecte en rien le motif de nécessité extraordinaire et urgente qui autorise que soit adopté ce type de norme par le pouvoir exécutif. Rappelons à cet égard que le pouvoir exécutif ne peut se soustraire à son obligation de prendre, surtout en période de crise, des décisions qui doivent être immédiatement suivies d’effets.
- 348. L’affirmation figurant dans la plainte, selon laquelle le décret-loi royal no 3/2012 déroge au Deuxième AENC, est tout aussi inadmissible. Il faut admettre que le décret-loi royal no 3/2012 traite certains aspects d’une manière différente de celle envisagée dans le Deuxième AENC, mais il est clair que le principe de hiérarchie des normes exige que les négociateurs de conventions collectives respectent la norme de rang supérieur et non celle de rang inférieur. Quoi qu’il en soit, le Deuxième AENC dans son ensemble demeure applicable selon la structure hiérarchique des normes.
- 349. Les auteurs de la plainte, se référant au Deuxième AENC, affirment que le décret-loi royal no 3/2012 «n’a pas repris, pas même de manière partielle, son contenu; il l’a exclu en le mettant à l’écart». Or, contrairement à ces affirmations, le gouvernement a déclaré qu’il jugeait satisfaisant le Deuxième AENC, a félicité les signataires et leur a dit souhaiter que tant l’engagement sur les revenus pour contenir les prix que l’accord de flexibilité interne négocié soient effectivement appliqués aux domaines de négociation de rang inférieur. Par ailleurs, le Deuxième AENC a été signé par deux parties; or les syndicats le jugent caduc, et il est étonnant que l’autre partie ne se soit pas prononcée à ce sujet.
- 350. La critique de «suspension ou dérogation par voie de décret, sans l’accord des parties» n’est donc pas acceptable. Le décret-loi royal no 3/2012, qui est entré en vigueur le 12 février, ne contient que des normes transitoires s’agissant de la validité des conventions dénoncées à la date d’entrée en vigueur du décret-loi royal. Une autre question, comme il a été indiqué, est de savoir si les conventions collectives au sens large échappent au principe de la hiérarchie des normes, mais l’article 9.3 de la Constitution ne laisse aucun doute à ce sujet: «La Constitution garantit le principe de légalité, la hiérarchie des normes, la publicité des normes, la non-rétroactivité des dispositions infligeant des sanctions plus sévères ou restreignant les droits individuels, la sécurité juridique, la responsabilité et l’interdiction de l’arbitraire des pouvoirs publics», ce que reflète l’article 3 du statut des travailleurs.
- 351. Le gouvernement souligne que le Comité de la liberté syndicale précise que la consultation tripartite doit avoir lieu avant que le gouvernement ne soumette un projet à l’assemblée législative mais explique qu’en l’espèce il ne s’agissait pas d’un projet de loi à soumettre aux Chambres législatives mais d’une disposition relevant de l’article 86 de la Constitution. A cet égard, la loi no 50/1997 du 27 novembre sur l’organisation, les compétences et le fonctionnement du gouvernement ne contient aucune disposition relative à la procédure d’élaboration des décrets-lois et, par conséquent, ne prévoit pas de consultations dans les cas d’urgence mentionnés dans la Constitution. De plus, en cas d’urgence, le Conseil des ministres peut se passer des consultations et autres procédures, à moins qu’elles ne soient obligatoires, et approuver un projet de loi et le transmettre au Congrès des députés ou, selon le cas, au Sénat.
- 352. Quant à l’absence totale de consultations avec les organisations syndicales les plus représentatives après l’approbation par le gouvernement du décret-loi royal no 3/2012, ce dernier déclare que l’affirmation des organisations syndicales signataires relative à l’absence totale de consultations après l’approbation de ce décret-loi ne correspond pas à la réalité. Ainsi, durant les mois de février et mars 2012, cinq réunions techniques ont eu lieu (les 15, 20 et 23 février et 5 et 12 mars), auxquelles ont assisté des représentants du ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale et des organisations syndicales UGT et CC.OO., et durant lesquelles les deux parties ont eu l’occasion d’expliquer leur position et de faire des propositions concernant diverses questions traitées dans la réforme du travail. Les quatre premières réunions ont eu lieu avant que le Congrès des députés n’adopte l’accord de validation du décret-loi royal no 3/2012 et les cinq sont, en tout état de cause, antérieures à la date d’ouverture de la procédure devant le Parlement au terme de laquelle il a été approuvé en tant que loi no 3/2012.
- 353. En outre, durant cette procédure parlementaire qui a duré jusqu’au 6 juillet, date à laquelle a été approuvée la loi no 3/2012 qui a remplacé le décret-loi royal no 3/2012, les groupes parlementaires ont eu l’occasion de présenter des amendements au projet de loi émanant du décret-loi royal no 3/2012. Un total de 657 amendements ont été présentés au Congrès des députés, qui ont été largement débattus, et, ultérieurement, 574 amendements ont été présentés devant le Sénat. Durant la procédure, 74 amendements ont été acceptés au Congrès des députés et 11 au Sénat, présentés par divers groupes parlementaires. Les organisations signataires elles-mêmes reconnaissent dans leur plainte «qu’elles ont élaboré des propositions d’amendements au texte du projet de loi soumis à l’examen du Parlement» dans le but d’améliorer la réglementation, entre autres raisons également mentionnées. Les organisations ajoutent que «ces propositions ont été complètement ignorées». Cette dernière affirmation ne tient pas au vu des informations relatives aux amendements introduits au cours de la procédure d’adoption de la loi no 3/2012.
- 354. Trois conclusions ressortent clairement des déclarations faites par les organisations signataires du document:
- ■ Que les organisations reconnaissent elles-mêmes avoir élaboré des propositions d’amendements au projet de loi, ce qui, associé aux réunions qui ont eu lieu entre représentants du ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale et des syndicats CC.OO. et UGT, n’est guère compatible avec l’affirmation qui est faite dans le document dénonçant l’absence d’une quelconque consultation avec les organisations syndicales non seulement avant mais aussi après l’adoption de la législation (décret loi royal no 3/2012 du 10 février) à l’origine de la plainte. L’élaboration des amendements proposés auxquels font référence les organisations syndicales a abouti à la présentation d’amendements par des groupes parlementaires siégeant à l’assemblée car, si, bien évidemment, les organisations syndicales ne siègent pas directement au sein de cette dernière, elles ont toutefois la capacité d’exercer une influence, comme elles le reconnaissent elles-mêmes en signalant qu’elles ont pu élaborer des propositions d’amendement.
- ■ Les amendements proposés qui reflétaient la position des syndicats – contrairement à ce qu’ils soutiennent – n’ont pas été ignorés mais ont été examinés et étudiés. Savoir si les amendements qui contenaient les opinions syndicales ont été ou non rejetés et si ce rejet a été partiel ou total est une question distincte qui n’est pas celle soumise à examen ici.
- ■ Par ailleurs, le reproche qui est fait d’avoir ignoré les propositions (si tant est que cela soit le cas) ne peut en aucun cas être adressé au gouvernement, contre lequel – n’oublions pas – est formulée la plainte, mais aux Chambres législatives qui ont approuvé la loi no 3/2012 du 6 juillet relative aux mesures urgentes pour la réforme du marché du travail. Les Chambres législatives représentent le peuple espagnol, détenteur de la souveraineté nationale, et exercent le pouvoir législatif de l’Etat, conformément à la Constitution.
- 355. Quant à la question de savoir si les propositions ont été ou non rejetées (et non ignorées) lors de la procédure parlementaire du projet de loi émanant du décret-loi royal no 3/2012 et, bien qu’il ne revient pas au gouvernement, comme nous l’avons indiqué, de traiter cette question (la paternité de la loi no 3/2012 revient au Parlement et non au gouvernement), il faut bien voir que la procédure en question a abouti à la modification de plusieurs articles du projet de loi, dont ceux faisant l’objet de la plainte, qui sont ceux qui sont directement liés aux conventions de l’OIT qui y sont mentionnées. Le texte de loi final est, de toute évidence, le résultat de l’ensemble des modifications apportées par les différents groupes parlementaires.
- 356. Quant à la prétendue «imposition de la primauté d’application de la négociation au niveau de l’entreprise», le gouvernement déclare que les dispositions contestées font état de la «priorité d’application de la convention d’entreprise sur la convention sectorielle applicable à l’échelon national, de la communauté autonome ou à un niveau inférieur». Primauté et priorité ne sont pas des termes équivalents et il convient de l’établir en toute clarté. Selon le dictionnaire de la Real Academia, primauté signifie «supériorité, avantage ou excellence qu’une chose a par rapport à une autre de même type», alors que priorité signifie «antériorité d’une chose par rapport à une autre, dans le temps ou par ordre». Il est important d’en tenir compte car un usage inadéquat des termes peut entraîner une compréhension partielle de la réalité.
- 357. Ainsi, avant d’entrer sur le terrain de l’analyse juridique, il faut rappeler que ce que prévoit la norme est que les règles dont font l’objet certaines matières dans une convention d’entreprise s’appliqueront avant la réglementation les concernant dans des conventions de niveau supérieur. En aucun cas la norme ne prévoit que cette réglementation soit supérieure.
- 358. Le gouvernement attire l’attention sur les points suivants:
- ■ Le caractère limité de la priorité – et non de la primauté – d’application. Cela signifie, comme il apparaît clairement à la lecture du nouvel article 84.2 du statut des travailleurs, que la priorité ne concerne pas tout le contenu de la convention mais seulement certaines parties et certains sujets. Elle ne concerne pas non plus l’ensemble de son champ d’application ni ne compromet l’intégrité de la convention de rang supérieur, qui continuera à s’appliquer pleinement à tous ceux entrant dans son champ d’application, avec la non-application partielle de tout ou partie des matières légalement prévues et négociées dans le cadre de la convention d’entreprise.
- ■ La priorité d’application n’a rien de nouveau ou d’inconnu en droit du travail espagnol et n’est pas contraire à l’ensemble de principes qui détermine son application. Comme on le sait, la détermination de la norme applicable parmi celles qui sont possibles – normes de rang hiérarchique différent et d’origine distincte; normes générales et normes sectorielles, voire d’entreprise; antérieures et postérieures – se fonde sur le principe de la hiérarchie des normes (norme minimum, norme la plus favorable), prenant en considération la norme applicable parmi celles qui ont été successivement en vigueur et le caractère impératif ou facultatif de la norme ou mesure (inaliénabilité des droits), le tout limité par le principe in dubio pro operario.
- 359. De même, il n’est pas nouveau ni inhabituel dans le droit du travail espagnol que le principe de la hiérarchie des normes soit nuancé par l’application du principe de la norme la plus proche de la réalité dont il est question. L’une comme l’autre règle sont le fruit des modifications apportées, depuis son approbation en 1980, au statut des travailleurs.
- 360. Premièrement, face à la centralisation des conventions et accords résultant de l’article 83.2 de la loi no 8/1980 du 10 mars du statut des travailleurs, propice à la concentration du pouvoir entre les mains des grandes organisations syndicales et des grandes entreprises, le législateur a choisi en 1994 de privilégier les niveaux de négociation décentralisés.
- 361. Avec la nouvelle rédaction de l’article 84 du statut des travailleurs, les conventions de rang supérieur à l’entreprise peuvent désormais avoir des incidences sur les conventions de rang supérieur – avec néanmoins certaines garanties de légitimité des parties à la négociation et à l’exclusion de certaines matières. Le gouvernement considère que la proximité entre la source de réglementation des conditions de travail et le cadre dans lequel se déroulent les relations de travail, est la condition de leur succès, étant donné qu’il s’agit d’une réglementation plus ajustée aux circonstances dans lesquelles a lieu réellement la relation de travail. Dans ce but, le législateur a favorisé la création de cadres autonomes de négociation collective plus réduits, dès lors que les parties à la négociation y aspiraient.
- 362. Avant le décret-loi royal no 3/2012 attaqué par les plaignants, le décret-loi royal no 7/2011 du 10 juin, relatif à des mesures d’urgence pour la réforme de la négociation collective, dispose que:
- Sauf si un accord ou une convention collective négociés à l’échelon national ou d’une communauté autonome, selon l’article 83.2, établit des règles distinctes concernant la structure de la négociation collective ou la concurrence entre conventions, la réglementation des conditions établies dans une convention d’entreprise s’appliquera en priorité par rapport à la convention sectorielle, que ce soit au niveau national, de la communauté autonome ou de rang inférieur pour les matières suivantes:
- a) le montant du salaire de base et des compléments salariaux, y compris ceux liés à la situation et aux résultats de l’entreprise;
- b) le montant ou la compensation des heures supplémentaires et la rémunération spécifique du travail par équipes;
- c) le temps de travail et sa distribution, le régime de travail par équipes et la planification annuelle des congés;
- d) l’adaptation au sein de l’entreprise du système de classification professionnelle des travailleurs;
- e) l’adaptation des aspects des modalités de recrutement qu’attribue la présente loi aux conventions d’entreprise;
- f) les mesures propices à la conciliation entre la vie professionnelle, familiale et personnelle.
- La même priorité concernant ces matières est attribuée aux conventions collectives pour un groupe d’entreprises ou une pluralité d’entreprises liées sur le plan structurel ou productif et identifiées nommément, auxquelles se réfère l’article 87.1
- Les accords et conventions collectives auxquels se réfère l’article 83.2 pourront élargir la liste des conditions de travail antérieurement décrites.
- 363. Comme on peut le constater, la capacité de négociation collective dans l’entreprise face à la convention sectorielle est ainsi renforcée, sur des questions telles que le salaire de base et les compléments salariaux ou les horaires et la répartition du temps de travail, pour augmenter la flexibilité et adapter les conditions de travail aux circonstances particulières et concrètes des entreprises.
- 364. En résumé, le législateur a déjà plaidé en faveur d’une plus grande décentralisation au moyen d’une répartition de compétences exclusives ou partagées entre les différents domaines de la négociation collective. A travers les réformes successives, on s’est efforcé de favoriser, là où cela est possible, la décentralisation tout en facilitant une négociation collective plus proche de l’entreprise, soit un processus normatif décentralisateur, lequel n’a pas été contesté à l’époque auprès de l’OIT, de nature similaire à celui qu’établit aujourd’hui le décret-loi no 3/2012 et la loi no 3/2012, et qui ne signifie aucunement, pas plus aujourd’hui qu’hier, une restriction au libre choix de l’unité de négociation ni l’interdiction d’accords contractuels à certains niveaux.
- 365. Il ne faut pas oublier non plus que, face à l’inaliénabilité des droits des travailleurs reconnus par une convention collective, la loi no 11/1994 a ouvert une voie d’«aliénabilité», en ajoutant un paragraphe 4 à l’article 82, qui se lit ainsi: «4. La convention collective qui succède à une convention antérieure peut prendre des dispositions sur les droits reconnus dans celle-ci. Auquel cas s’appliqueront intégralement les dispositions de la nouvelle convention.» Cette modification a bien entendu été contestée par les organisations syndicales, mais le ministère du Travail ne dispose d’aucune information indiquant qu’elles l’ont contestée en déposant une plainte telle que la présente. Elle a été contestée par les organisations syndicales car elle représentait une modification de la négociation collective et, par conséquent, des relations de travail, qui signifiait que désormais aucun droit procédant de la négociation collective ne pouvait être considéré comme constitué et que, précisément à travers l’accord des parties, dans chaque cas, il faudrait déterminer ce qui des instruments passés était consolidé et ce qu’il était possible de consolider pour l’avenir. Cette situation faisait repartir la négociation «de zéro», ce qui est aujourd’hui remis sur la table en raison de la règle de ce que l’on appelle parfois l’ultra-activité de la convention ou prorogation de la validité de ses clauses normatives, qui fixent, de manière directe, les conditions de travail au-delà de la durée initiale convenue et une fois la convention dénoncée.
- 366. Cette modification de la réglementation respecte pleinement le principe de négociation libre et volontaire, étant donné qu’elle n’impose aucunement le niveau de négociation collective. Quoi qu’il en soit, la détermination du niveau de négociation relève de la volonté des parties. Mais, à ce propos, ce que les organisations signataires semblent oublier est que sont tout autant légitimés ceux qui peuvent, conformément à la réglementation, négocier des conventions au niveau de l’entreprise que ceux qui sont légitimés pour négocier des conventions collectives de rang supérieur. La nouvelle réglementation n’impose aucunement la négociation collective au niveau de l’entreprise étant donné qu’en tout état de cause il revient aux parties légitimées pour négocier des conventions au niveau de l’entreprise de décider si elles choisissent de négocier une convention à ce niveau ou d’opter pour l’application d’une convention de niveau supérieur. Une autre question est de savoir si, une fois que les parties légitimées pour négocier au niveau de l’entreprise ont choisi cette option et signé la convention en question, celle-ci s’applique en priorité, même si cela ne concerne qu’une série de sujets, par rapport aux conventions collectives de rang supérieur, ce qui suppose, tout simplement, l’établissement d’une règle de concurrence entre des conventions de niveaux différents et ne signifie aucunement une violation du droit à la négociation collective.
- 367. La nouvelle réglementation respecte donc pleinement les principes établis aux paragraphes 988 et 989 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale du Conseil d’administration du BIT, cinquième édition, 2006, selon lesquels:
- 988. En vertu du principe de négociation collective libre et volontaire énoncé à l’article 4 de la convention no 98, la détermination du niveau de négociation collective devrait dépendre essentiellement de la volonté des parties et, par conséquent, ce niveau ne devrait pas être imposé en vertu de la législation, d’une décision de l’autorité administrative ou de la jurisprudence de l’autorité administrative du travail.
- 989. La détermination du niveau de la négociation devrait relever essentiellement de la volonté des parties. Aussi, le refus des employeurs de négocier à un niveau déterminé ne constituerait pas une atteinte à la liberté syndicale.
- 368. Il convient aussi de rappeler, s’agissant du niveau de négociation, que la recommandation (no 163) sur la négociation collective, 1981, dispose au paragraphe 4 (1) que «des mesures adaptées aux circonstances nationales devraient, si nécessaire, être prises pour que la négociation collective soit possible à quelque niveau que ce soit, notamment ceux de l’établissement, de l’entreprise, de la branche d’activité, de l’industrie, ou aux niveaux régional ou national». Dans ce sens, la commission d’experts, après avoir rappelé que le droit à la négociation collective devrait aussi être possible pour les fédérations et les confédérations et avoir rejeté l’interdiction d’exercer ce droit, a déclaré qu’«une législation, qui fixe impérativement le niveau de la négociation collective à un échelon supérieur (secteur, branche d’activité, etc.), pose dès lors des problèmes de compatibilité avec la convention» et que, «normalement, le choix du niveau de négociation devrait être du ressort des partenaires eux-mêmes», étant «ces derniers les mieux placés pour décider du niveau de négociation le plus approprié pour la mener à bien».
- 369. Ainsi, ni le décret-loi royal no 3/2012 ni la loi no 3/2012 n’imposent d’unités appropriées pour la négociation. L’article 83.1 du statut des travailleurs déclare que les conventions collectives auront le champ d’application que les parties décideront. Il revient, comme cela a toujours été le cas, aux représentants des travailleurs et aux employeurs de décider où ils vont exercer le pouvoir de réglementer les relations de travail que confère le droit à la négociation collective. Une fois ce choix fait, ils devront déterminer aussi les relations de travail qui y seront soumises, définissant le champ d’application de la convention collective.
- 370. En outre, la décision d’établir une priorité d’application de la convention d’entreprise, limitée toutefois à certains sujets, loin d’être une décision fantaisiste répond à la nécessité de permettre qu’une série de sujets soient négociés de préférence au niveau de l’entreprise, considéré comme étant le plus adapté à ce type de sujets. Il faut d’ailleurs souligner que cette idée était partagée par les organisations syndicales signataires de la plainte, du moins jusqu’à ces derniers mois. Ainsi, dans l’accord pour l’emploi et la négociation collective 2012, 2013 et 2014 (résolution du 30 janvier 2012), signé par les organisations patronales et les deux organisations syndicales signataires de la plainte, il est mentionné, au paragraphe concernant la structure de la négociation collective, que «Les conventions sectorielles devront favoriser la négociation à l’échelle de l’entreprise, à l’initiative des parties concernées, en matière de journée de travail, fonctions et salaires étant le cadre le plus adapté pour définir ces matières.»
- 371. A ce sujet, dans l’exposé des motifs de la loi no 3/2012, il est dit que:
- La précédente réforme du marché du travail (décret-loi royal no 7/2011 du 10 juin, relatif aux mesures d’urgence pour la réforme de la négociation collective) entendait aussi modifier la structure de la négociation collective, accordant la priorité d’application à la convention d’entreprise sur d’autres conventions pour toute une série de sujets qui sont jugés primordiaux pour une gestion souple des conditions de travail. Pour autant, la décentralisation effective de la négociation collective est le fait des conventions à l’échelon national ou de la communauté autonome, ce qui peut faire obstacle à cette priorité d’application. La nouveauté qui est introduite a précisément pour but de garantir cette décentralisation pour faciliter une négociation des conditions de travail au niveau le plus proche et adapté à la réalité des entreprises et de leurs travailleurs.
- 372. A cet égard, le gouvernement se réfère à la récente décision no 0095/2012 de la Chambre des affaires sociales de l’Audience nationale, rendue le 10 septembre 2012, qui déclare la nullité, avec effet au 12 février 2012 (date d’entrée en vigueur du décret-loi royal no 3/2012 du 10 février, relatif aux mesures d’urgence pour la réforme du marché du travail), d’une partie du contenu de divers articles de la Cinquième convention collective du secteur des produits dérivés du ciment, signée le 21 février 2012, qui, conformément à l’article 84.2 en vigueur du statut des travailleurs, en matière de montant des salaires et de distribution du temps de travail, établissait la priorité d’application de ladite convention sectorielle sur les conventions de rang inférieur, dont les conventions d’entreprise. Le juge a estimé qu’il s’agissait d’une atteinte à ce que prévoit l’article 84.2 du statut des travailleurs qui, après les modifications introduites par le décret-loi royal mentionné, consacre la priorité d’application de la convention d’entreprise sur les conventions sectorielles négociées à l’échelon national, de la communauté autonome ou à un niveau inférieur pour une série de sujets comprenant expressément la rémunération, les horaires et la répartition du temps de travail.
- 373. La décision, rendue par cette Chambre le 10 mai 2010, suit le raisonnement suivant: «la convention collective est une norme dont la force obligatoire et l’efficacité ne s’exercent que dans le champ défini par la loi», citant à ce propos la décision de la Cour constitutionnelle no 210/1990. La décision de la Cour suprême du 18 janvier 2000 rappelle que, «même si la négociation collective repose et se fonde sur la Constitution (art. 37.1), il en résulte que la loi a priorité sur la convention, ainsi qu’il ressort de son article 7, qui assujettit les destinataires de cette dernière, syndicats de travailleurs et organisations patronales, aux dispositions de la loi. Comme l’indique la décision no 58/1985 (RTC 1985, 58):
- […] l’intégration des conventions collectives dans le système formel de sources du droit, inhérent au principe de l’unité de l’ordre juridique, suppose […] le respect par la règle négociée du droit établi par la loi, qui en raison du rang supérieur qu’il occupe dans la hiérarchie des normes, peut imposer des limites à la négociation collective et peut, de même, à titre exceptionnel, se réserver certains sujets qui sont par conséquent exclues du champ de la convention collective.
- 374. Quant aux allégations relatives aux dispositions de l’article 84.2 du statut des travailleurs, concernant la possibilité expresse qui est reconnue de négocier des conventions d’entreprise pendant la durée de validité des conventions de rang supérieur (ajout au projet de loi durant la procédure parlementaire du texte de loi), d’où les organisations syndicales déduisent que non seulement il n’est pas remédié à la prétendue violation du droit à la négociation collective et de la force obligatoire des conventions, mais qu’elle est confirmée et renforcée, le gouvernement souligne que le nouvel article 84 du statut des travailleurs régit les règles de concurrence entre conventions de rangs différents. A la règle générale, établie à l’article 84.1 du statut des travailleurs (sur l’interdiction d’une concurrence entre conventions de rang distinct), s’ajoute une série de règles, notamment la règle de priorité d’application de la convention d’entreprise pour certains sujets auxquels se réfère l’article 84.2. Bien entendu, dans le cas où plusieurs conventions sont «concurrentes» et afin de savoir laquelle s’applique de manière prioritaire, ce qui est le but visé à l’article 84 du statut des travailleurs, il faut en premier lieu considérer «l’existence» préalable des conventions rivales. Si deux conventions, dont on ignorerait la priorité d’application, n’ont pas été négociées de manière préalable, il est évident qu’il n’y a pas de problème à résoudre. L’article 84 part du principe que, «de fait», un conflit est né entre deux conventions collectives et érige des règles pour le résoudre, ce qui logiquement suppose que la négociation et la conclusion des conventions en question peuvent avoir lieu de manière successive (premièrement, une convention a été conclue et, ultérieurement, une autre ou plusieurs autres se font concurrence) car l’on imagine difficilement un scénario où les conventions rivales auraient été négociées et signées exactement en même temps.
- 375. Compte tenu de ce qui précède, l’ajout fait à l’article 84.2 du statut des travailleurs ne modifie pas le régime préexistant à la réforme du travail étant donné que la possibilité pour des sujets légitimés de négocier des conventions collectives (notamment à l’échelle de l’entreprise) a toujours été effective dans la législation du travail espagnole. La modification entend seulement rappeler la possibilité de négocier des conventions d’entreprise après la convention de rang supérieur, comme condition nécessaire pour que la priorité d’application soit effective.
- 376. Ainsi, la négociation d’une convention collective pendant la durée de validité d’une convention de portée distincte n’a jamais porté atteinte à sa validité: la convention négociée sera valable et ne pourra pas être annulée. Autre point tout aussi important: la possibilité d’une application effective de ladite convention compte tenu des règles établies dans la législation en matière de concurrence entre plusieurs conventions, à condition bien entendu qu’elles soient valables.
- 377. En conclusion, ni le décret-loi royal no 3/2012 ni la loi no 3/2012 ne déterminent le niveau de négociation ni ne supposent une ingérence du législateur dans la libre décision des parties à la négociation quant au niveau de négociation souhaité – celles-ci peuvent continuer à le faire. Et la preuve que le choix du législateur en faveur de l’application prioritaire des conventions d’entreprise n’affecte pas le droit à la négociation collective est le fait que, jusqu’au 16 novembre 2012, la réforme du travail étant pleinement en vigueur, ont été enregistrés depuis la date d’entrée en vigueur du décret-loi royal no 3/2012, comme le prévoit la loi, un total de 28 conventions collectives sectorielles à l’échelon national, neuf conventions collectives sectorielles à l’échelon de la communauté autonome et 177 conventions collectives sectorielles à l’échelon de la province, qui sont donc toutes de rang supérieur à la convention d’entreprise.
- 378. Le gouvernement ajoute que n’est pas admissible l’affirmation figurant dans la plainte selon laquelle la priorité donnée à la convention d’entreprise revient, purement et simplement, sans autre condition, à supprimer le caractère obligatoire de la négociation collective. Le caractère obligatoire des conventions collectives est garanti par la Constitution (art. 37.1) et demeure garanti par la reconnaissance de la légitimation des parties, qui prennent l’initiative et décident du champ d’application et négocient de bonne foi jusqu’à parvenir à un accord qui est contraignant pendant toute la durée de sa validité. La modification apportée n’affecte pas le droit à la négociation collective ni à la liberté syndicale, mais modifie la structure de la négociation, la relation entre les conventions de rangs distincts, que régit la loi depuis 1980.
- 379. Quant à l’allégation relative à la possibilité de «non-participation» de l’entreprise, c’est-à-dire de ne pas appliquer ce qui a été convenu dans la convention collective pour des motifs économiques, techniques, d’organisation ou de production, sans nécessité d’un accord avec les négociateurs de la convention, ni même avec la représentation des travailleurs de l’entreprise, avec l’imposition d’un arbitrage administratif obligatoire, le gouvernement rappelle que la plupart des législations du travail des pays européens limitent l’efficacité d’une convention collective aux parties qui l’ont signée (il en va ainsi en Allemagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas, au Portugal ou en Suède), même si, dans certains cas, des entreprises qui n’étaient pas représentées dans la négociation adhèrent à la convention, certaines législations prévoyant même la possibilité, par le biais d’un acte ou d’une décision émanant de l’autorité compétente, que l’efficacité d’une convention collective donnée soit étendue, laquelle devient alors obligatoire pour tous les sujets inclus dans son champ d’application fonctionnel et territorial. Contrairement à ce qui précède, le statut des travailleurs en vigueur en Espagne distingue deux types de conventions collectives: 1) les conventions collectives statutaires, soit celles qui sont négociées conformément aux exigences établies dans le statut des travailleurs lui-même; ce modèle de convention, qui est de nature normative et possède une efficacité générale ou erga omnes, tel que le prévoit l’article 82.3 du statut des travailleurs, «oblige l’ensemble des entreprises et des travailleurs compris dans son champ d’application et pendant toute la durée de sa validité»; et 2) les conventions collectives extrastatutaires, également appelées accords ou pactes collectifs, conclues sans observer les conditions de légitimation initiale ou de capacité pour la validité des accords que fixe le statut des travailleurs, qui ont un caractère contractuel et n’ont d’effets qu’à l’égard des parties contractantes et des travailleurs et employeurs directement représentés par celles-ci.
- 380. Par conséquent, contrairement à d’autres législations du travail, en Espagne, les entreprises ne peuvent pas décider librement d’appliquer ou non une convention collective statutaire, et ce même dans le cas où l’employeur n’a pas participé directement à la négociation de celle-ci et n’est pas affiliée à une organisation patronale ayant participé à cette négociation. Les entreprises sont tenues d’appliquer la convention, dès lors qu’elles sont incluses dans son champ d’application. Face à cette règle légale (qui est différente de celle qui existe dans d’autres législations du travail où la convention n’a d’effets que pour les parties signataires), la possibilité de «non-participation» à la convention d’application obligatoire est beaucoup plus logique, sachant en outre que cette possibilité s’avère très limitée non seulement s’agissant des lieux où elle peut survenir, mais aussi des matières qu’elle peut toucher.
- 381. Toutes les modifications introduites dans le texte par la loi no 3/2012 (laissant de côté les aspects en marge de la plainte, notamment définir la portée du motif économique justifiant la non-application de la convention, dans le sens de ce que prévoient d’autres volets de la réforme (licenciements collectifs ou suspensions de contrats, ou réduction de la journée de travail)), viennent renforcer l’autonomie collective pour le règlement des conflits, en cas d’absence d’accord sur les procédures de dérogation aux conditions de travail pour motifs économiques, techniques, d’organisation ou de production, et bien préciser que la procédure de règlement de ces conflits régira, à titre subsidiaire, les procédures de règlement des conflits établies dans la négociation collective. Des garanties supplémentaires pour une utilisation adaptée de cet instrument de flexibilité interne sont en outre établies.
- 382. Sont exposées ci-après ces modifications et leur signification et portée:
- – Le projet du décret-loi royal no 3/2012 indiquait que les parties «pourront» recourir aux procédures de règlement des conflits établies dans la négociation collective, de manière préalable, au recours à la procédure devant la Commission consultative nationale de conventions collectives (ci-après CCNCC), ce qui pouvait laisser penser qu’il était facultatif pour les parties d’utiliser ces procédures (étant alors possible de recourir directement à la procédure devant la CCNCC). Dans la version finale de la réglementation, il est précisé que le recours aux procédures mentionnées est une condition sine qua non. A cette fin, le texte indique que les parties «devront» recourir à ces dernières, ce qui implique que le non-respect de cette condition, selon les termes établis, interdit d’engager la procédure devant la CCNCC.
- – Alors que la version antérieure (décret-loi royal) indiquait que l’accès à la procédure devant la CCNCC était lié au fait que les parties, outre de ne pas avoir négocié un accord, «ne se sont pas soumises» aux procédures de règlement des conflits établies dans la négociation collective, dans la version finale de la norme, l’accès à la procédure devant la CCNCC n’est possible que si ces procédures «ne sont pas applicables», ce qui renforce l’intervention à titre subsidiaire de la CCNCC face aux procédures de règlement établies dans la négociation collective. Il est donc clairement établi que, si des procédures sont disponibles dans le cadre de la négociation collective, les parties doivent y recourir de manière obligatoire et non facultative.
- – Aussi bien avant qu’après la procédure parlementaire du projet de loi, la saisie de la CCNCC est possible dans les cas où les procédures de règlement des conflits établies dans la convention collective «n’auraient pas permis de régler le conflit», ce qui est par ailleurs cohérent avec le principe de subsidiarité qui est attribué à la procédure devant la CCNCC. Il convient de signaler à cet égard que le statut des travailleurs lui-même indique en son article 85.3 c) concernant le contenu minimum des conventions que celles-ci doivent fixer, entre autres questions:
- c) Procédures pour résoudre de manière effective les conflits qui peuvent surgir en matière de dérogation aux conditions de travail à laquelle se réfère l’article 82.3, adaptant, le cas échéant, les procédures qui sont établies à cet égard dans les accords interprofessionnels au plan national et de la communauté autonome conformément aux dispositions de ces articles.
- – Il en résulte que, dans la mesure où la convention collective prévoit – conformément aux prescriptions de la loi – des procédures de règlement efficace des conflits et que le recours à ces procédures est, comme il a été déjà dit, obligatoire pour les parties, il ne sera pas nécessaire de recourir à la procédure devant la CCNCC, étant donné que le conflit aura été réglé.
- 383. Le fait que, depuis la date d’entrée en vigueur de la réforme du travail et jusqu’au 31 octobre 2012, 477 accords de dérogation aux conditions de travail prévues dans une convention collective ont été déposés devant les autorités du travail signifie qu’il n’a pas été nécessaire, dans aucun de ces cas, de recourir à la procédure devant la CCNCC et témoigne du caractère subsidiaire que l’on attribue à cette procédure.
- 384. Il résulte de ce qui précède que l’intervention de la CCNCC, aux fins de régler un différend, est définie comme le dernier recours. On ne peut en aucune façon parler d’arbitrage obligatoire auquel se réfère le paragraphe 992 du Recueil, op. cit., selon lequel «l’imposition d’une procédure d’arbitrage obligatoire dans le cas où les parties ne peuvent se mettre d’accord sur un projet de convention collective soulève des problèmes d’application de la convention no 98».
- 385. En outre, dans le cas où la CCNCC est saisie pour régler le différend, on ne peut en aucune façon parler d’«arbitrage de l’autorité», mentionné au paragraphe 993 du Recueil susmentionné: «[…] les dispositions selon lesquelles, à défaut d’accord entre les parties, les points de la négociation collective restés en litige seront réglés par l’arbitrage de l’autorité ne sont pas conformes au principe de la négociation volontaire énoncé à l’article 4 de la convention no 98.»
- 386. Le décret royal no 1362/2012 du 27 septembre, qui réglemente aujourd’hui la CCNCC, établit dans son article 2 que celle-ci «est un organe collégial à composition tripartite, composé de représentants de l’administration générale de l’Etat et des organisations syndicales et d’entreprise les plus représentatives, attaché au ministère du Travail et des Affaires sociales à travers la Direction générale de l’emploi, qui exerce ses compétences avec indépendance et autonomie fonctionnelles pleines et entières». Nous nous trouvons par conséquent devant une commission tripartite, à laquelle participent les organisations syndicales les plus représentatives, aux côtés des organisations représentatives des entreprises et de l’administration même de l’Etat.
- 387. Pour ce qui est de l’exercice du pouvoir de décision dans le cas où, toutes les conditions exigibles étant réunies, la CCNCC doit apporter une solution au litige qui oppose l’entreprise et les représentants des travailleurs, à défaut d’accord sur les procédures de dérogation aux conditions de travail prévues dans la convention collective applicable auquel se réfère l’article 82.3 du statut des travailleurs, le décret royal no 1362/2012 établit que: «[…] la décision de la commission qui règle le différend pourra être adoptée en son sein ou par le biais d’un arbitre désigné parmi des experts impartiaux et indépendants. En cas d’accord entre les parties au conflit sur la procédure applicable pour son règlement, ce sera la voie choisie. Sinon, il reviendra à la commission elle-même de choisir la procédure en question.»
- 388. Donc, si les parties au conflit sont d’accord pour retenir l’une ou l’autre possibilité, ce sera celle qui s’appliquera, la CCNCC ne pouvant pas, dans ce cas, choisir la procédure. Qui plus est, si l’on choisit de désigner un arbitre, la norme établit que, «en cas d’accord entre les parties au conflit sur la désignation d’un arbitre, on préférera celui désigné d’un commun accord». Faute d’accord à ce sujet, une procédure est prévue selon laquelle les trois groupes de représentation proposent deux arbitres chacun et, par le biais de votes successifs, dont l’ordre est préalablement établi, les arbitres sont éliminés au fur et à mesure jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un.
- 389. Par conséquent, les mécanismes que prévoit la norme suffisent à garantir un système d’arbitrage réellement indépendant. En outre, le résultat de cette procédure n’est aucunement prédéterminé étant donné que, conformément à ce que prévoit la réglementation de la CCNCC, «pour ce qui est d’établir les motifs, l’arbitre devra se prononcer sur la demande de dérogation aux conditions de travail évaluant, pour ce faire, si elle est adaptée au motif allégué et ses effets sur les travailleurs affectés. La sentence pourra accepter la demande de dérogation dans ses propres termes ou proposer la dérogation à ces conditions de travail à un niveau différent. De même, l’arbitre se prononcera sur la durée de la période de dérogation aux conditions de travail.»
- 390. Cette tâche reviendra en tout état de cause à la personne chargée de régler le différend, que ce soit la CCNCC elle-même ou l’arbitre désigné. Par conséquent, pour statuer sur la demande de dérogation concernant une convention, il faut non seulement établir que le motif qui est invoqué existe bien, mais aussi que la dérogation envisagée est adaptée au motif allégué, ainsi que ses effets sur les travailleurs affectés. Ce qui veut dire que la décision n’est en aucune façon automatique du seul fait de la présence du motif que prévoit la réglementation en vigueur.
- 391. La première fois que la CCNCC a statué sur le fond de l’affaire s’agissant d’une demande de dérogation aux conditions d’une convention (sept. 2012), soit une demande de dérogation aux conditions de travail établies dans la convention d’entreprise, la CCNCC a déclaré que la dérogation à la convention collective de l’entreprise, figurant dans la demande formulée par l’entité citée, n’était pas justifiée, faisant valoir fondamentalement «que la situation économique de l’entreprise n’a pas subi de modification importante depuis la date où a été conclu, fin avril, l’accord mentionné de prorogation de la convention et des conditions salariales pour 2012 et pour 2013 […]».
- 392. Compte tenu de ce qui précède, il ne fait aucun doute que la procédure établie dans la réglementation en vigueur pour le règlement des conflits en matière de dérogation aux conditions de travail prévues dans une convention collective se conforme au principe visé au paragraphe 995 du Recueil, op. cit., selon lequel: «Pour obtenir et conserver la confiance des parties, tout système d’arbitrage doit être véritablement indépendant, ce qui signifie que les résultats des arbitrages ne doivent pas être prédéterminés par des critères législatifs.»
- 393. Par ailleurs, le gouvernement indique qu’avant le décret-loi royal no 3/2012, à l’heure actuelle, et depuis la loi no 11/1994 la modification substantielle de conditions de travail n’est pas soumise à une autorisation administrative mais s’opère par le biais d’un accord avec les représentants des travailleurs et, seulement en cas de désaccord durant la période de consultations, l’une ou l’autre des parties pourra soumettre le différend, en premier lieu, à la commission paritaire de la convention collective à laquelle on prétend déroger, la gestionnaire de la convention, à défaut, à des procédures autonomes de règlement des conflits et, en dernier lieu et uniquement à défaut de solution apportée par ces différentes instances, la CCNCC pourra être saisie.
- 394. Quant à la substitution présumée de la flexibilité interne négociée par la décision unilatérale de l’entreprise qui, sans l’accord des travailleurs, peut décider de ne pas appliquer les conditions de travail convenues dans le cadre d’accords d’entreprise avec la représentation des travailleurs, le gouvernement indique que l’application de cette dérogation, qui est attribuée à la décision de l’entreprise, peut évidemment être révisée par la juridiction sociale et résulte en outre de la réforme du travail de 1994, sans que l’on ait connaissance d’une quelconque plainte présentée alors à ce sujet.
- 395. Les accords d’entreprise sont la manifestation du droit à la négociation collective des représentants des travailleurs et des entreprises, mais ne sont pas soumis aux conditions de légitimation et autres établies par le statut des travailleurs, n’étant donc pas concernés par le titre III de ce dernier, sans préjudice de leur caractère obligatoire entre les parties et du rôle décisif qu’ils jouent dans le cadre des relations professionnelles. N’étant pas intégrés dans le statut des travailleurs, le fonctionnement de ces accords et la mise en œuvre des obligations qui en découlent relèvent du droit des obligations et des contrats en général. D’où il résulte, sans préjudice de son caractère obligatoire, qui lie les parties, que la modification unilatérale d’un accord doit suivre une logique inhérente à l’exécution des obligations d’origine contractuelle et prévoit la possibilité d’une compensation, dès lors qu’aucun motif suffisant ne la justifie et, face à certaines circonstances particulières, y compris en cas de motif suffisant.
- 396. Dans tous les cas, le décret-loi royal no 3/2012 prévoit, concernant ce type de modification substantielle, la possibilité que, dans le cadre de la négociation collective, des procédures spécifiques soient établies; l’ouverture d’une période de consultations avec les représentants des travailleurs, sur les motifs, la possibilité de diminuer les effets et les mesures nécessaires pour atténuer les conséquences sur les personnes touchées, les parties devant alors négocier de bonne foi en vue d’obtenir un accord; que les parties pourront convenir de remplacer la période de consultations par une procédure de médiation ou d’arbitrage. On considère que la norme ne limite pas les possibilités de négociation pour faire face à la modification des conditions de travail convenues collectivement, que le remplacement éventuel des consultations sera le résultat de l’accord conclu entre l’entreprise et la représentation des travailleurs et qu’il n’y a pas de motif de plainte, sans compter que, comme il a été indiqué, cette réglementation n’est pas nouvelle mais trouve son origine dans la réforme du travail de l’année 1994.
- 397. En réponse aux allégations relatives au décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet, le gouvernement rappelle que la jurisprudence considère que le décret-loi royal est un instrument constitutionnellement licite face à ce qu’il qualifie de «conjonctures économiques problématiques», dès lors qu’il permet d’atteindre le but qui justifie son urgence. Le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet, relatif aux mesures pour garantir la stabilité budgétaire et promouvoir la compétitivité, suppose l’application d’un ensemble de mesures d’ordre fiscal, en matière d’emploi et de sécurité sociale, d’infrastructures (libéralisation commerciale et promotion de la compétitivité, système de la dépendance et rationalisation de l’administration, entre autres) afin de remédier à la crise économique que traverse l’Espagne, mesures de portée beaucoup plus importante que celle que semble impliquer la plainte, qui n’ont pas pour objet de limiter la négociation collective, qui ont été adoptées en respectant rigoureusement les principes de cette dernière et qui sont adaptées à la conjoncture et aux circonstances socio-économiques de l’Espagne.
- 398. Le gouvernement s’appuie sur le fait que la politique économique, qui a alors été adoptée pour faire face à la grave récession de l’économie amorcée en 2008, n’a fait qu’accumuler des déséquilibres macroéconomiques insoutenables pour le pays. Sans l’adoption de mesures capables de mettre fin à ces déséquilibres, comme celles que met en œuvre le gouvernement de l’Espagne depuis décembre 2011, il sera impossible de retrouver le chemin d’une croissance stable dans le pays. Le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet s’inscrit dans ce processus et comprend des mesures de nature différente et dont l’adoption est indispensable pour garantir la stabilité budgétaire et la promotion de la compétitivité, notamment:
- – Mesures de réorganisation et de rationalisation des administrations publiques, qui constituent le motif principal de la plainte déposée mais qu’il ne faut pas considérer de manière isolée mais replacer dans le contexte décrit et dans l’ensemble des mesures structurelles mises en œuvre par le gouvernement pour y faire face. Ces mesures ont pour objectif:
- ■ la rationalisation et la réduction des dépenses;
- ■ l’optimisation des ressources;
- ■ l’amélioration de la gestion et de la transparence de l’administration; et
- ■ la réduction et la rationalisation des structures.
- – Mesures en matière de sécurité sociale et d’emploi. Les mesures en matière d’emploi ont pour objectif de:
- ■ concentrer la protection dans les situations de perte d’emploi et situations qui demandent une protection sociale;
- ■ favoriser la remise en activité des chômeurs en les incitant à un retour rapide à l’emploi;
- ■ créer les incitations nécessaires pour garantir la viabilité du système public de prestations;
- ■ renforcer le système de politiques actives sur la base du principe d’efficacité, de sorte que les maigres ressources disponibles soient destinées aux initiatives les plus utiles pour améliorer l’employabilité; et
- ■ rationaliser le système de prestations.
- – Mesures pour rationaliser le système de la dépendance.
- – Mesures de caractère fiscal, qui complètent celles adoptées depuis la fin de l’année 2011, principalement à travers le décret-loi royal no 20/2011 du 30 décembre, relatif aux mesures d’urgence en matière budgétaire, fiscale et financière pour réduire le déficit public, et le décret royal no 12/2012 du 30 mars. L’évolution des recettes publiques durant le premier semestre 2012 a rendu nécessaire l’adoption de nouvelles mesures, par le biais du décret-loi royal no 20/2012, qui touchent principalement l’impôt sur la valeur ajoutée et l’impôt sur les sociétés et, dans une moindre mesure, l’impôt sur le revenu des personnes physiques et les impôts spéciaux.
- – Autres mesures en matière de libéralisation commerciale et promotion de l’internationalisation des entreprises, mesures en matière d’infrastructures (transport et logement) et mesures pour combler les écarts entre les coûts et les recettes du secteur électrique.
- 399. Le gouvernement souligne que ces mesures ont été adoptées conformément à l’article 135 de la Constitution et aux engagements internationaux souscrits par le pays dans le cadre de l’UE. Cet article établit que toutes les administrations publiques doivent conformer leur action au principe de stabilité budgétaire et que l’Etat et les communautés autonomes ne peuvent accuser un déficit structurel qui dépasse les limites fixées par l’UE pour ses Etats membres.
- 400. Pour mettre en application les principes contenus dans cet article de la Constitution, il a été nécessaire d’approuver la loi organique no 2/2012 du 27 avril de stabilité budgétaire et de viabilité financière et d’adopter des plans économiques et financiers de rééquilibre au sein du Conseil de politique budgétaire et financière.
- 401. Dans ce contexte, la récession de l’économie espagnole au premier semestre 2012, très violente, a eu des conséquences désastreuses sur la viabilité budgétaire et l’emploi. Durant les deux premiers trimestres de 2012, la situation économique s’est encore détériorée, aggravée par une crise de confiance des marchés financiers envers le pays, à laquelle ne sont pas étrangers les divers problèmes institutionnels de la zone euro. La conséquence la plus immédiate de cette instabilité sur les marchés a été un durcissement brutal des conditions de financement pour l’Espagne.
- 402. Pour répondre à cette situation, faire face à la conjoncture économique et réduire le déficit public, le gouvernement s’est vu contraint d’adopter les réformes structurelles que contient le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet, et qui ont été adoptées dans le cadre des engagements pris par le pays envers l’UE, notamment:
- – les recommandations spécifiques formulées à l’Espagne en juin par le Conseil européen;
- – la modification de la trajectoire budgétaire prévue par l’Espagne dans le Programme de stabilité et de croissance 2012-2015, convenue lors de la réunion du Conseil européen des affaires économiques et financières (ECOFIN) du 10 juillet 2012, les ministres de l’économie de l’UE décidant d’accorder à l’Espagne un délai supplémentaire d’un an pour corriger son déficit excessif (recommandation de déficit excessif pour l’Espagne et cadre macroéconomique associé aux nouvelles prévisions de croissance); et
- – le Programme national de réformes 2012, comme cadre dans lequel doit s’inscrire le processus de rationalisation des administrations publiques pour compléter les ajustements purement budgétaires et de réduction des structures administratives, compte tenu de la nécessité d’adopter des mesures pour réduire les dépenses de personnel et augmenter la qualité et la productivité de l’emploi public.
- 403. Il convient aussi de souligner, en dernier lieu, que ce gouvernement n’a pas été le seul à devoir adopter des mesures de cet ordre. Le gouvernement précédent avait déjà approuvé, selon la même procédure et face aux signes d’une récession qui n’a fait que s’aggraver, le décret-loi royal no 8/2010 du 20 mai, relatif aux mesures extraordinaires pour la réduction du déficit public et qui, comme celui-ci, renferme des mesures de nature diverse (en matière d’emploi public, de retraites, de dépendance, de santé, de finances des autorités locales et autres mesures de contrôle des dépenses publiques). La Cour constitutionnelle a eu l’occasion de se prononcer sur certaines des questions liées au décret-loi royal no 8/2010, indiquant que les mesures qu’il renferme n’impliquent pas une atteinte au droit à la négociation collective.
- 404. Par ailleurs, il convient de noter que ladite Cour constitutionnelle, en tant qu’organe indépendant et interprète suprême de la Constitution, unique en son genre (art. 1 de la loi organique no 2/1979 de la Cour constitutionnelle du 3 octobre) et compétent pour statuer sur la conformité des lois avec la Constitution, a déclaré recevable divers recours en inconstitutionnalité concernant la loi no 3/2012 du 6 juillet et le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet.
- 405. Par conséquent, le contenu définitif desdits articles dépend de la décision qui sera rendue par cette cour et sans que soient épuisées les voies de recours interne qui y sont liées. Même si la Cour constitutionnelle n’est saisie d’aucun recours spécifique s’agissant de la question du droit syndical et de négociation collective, les recours mentionnés pourraient avoir des incidences indirectes sur cette question étant donné que, selon l’article 37 de la loi no 7/2007 du statut de base de l’agent public du 12 avril, au nombre des sujets qui peuvent être négociés dans le domaine des administrations publiques figurent ceux ayant trait à la rémunération et aux questions liées au temps de travail, aux horaires et aux congés.
- 406. A cet égard, il faut tenir compte de ce qui est énoncé au point 29 du document relatif aux «Procédures spéciales en vigueur pour l’examen des plaintes en violation de la liberté syndicale au sein de l’Organisation internationale du Travail», lequel expose ce qui suit: «Lorsqu’un cas fait l’objet d’une instance devant une juridiction nationale indépendante dont la procédure offre les garanties appropriées et qu’il considère que la décision à intervenir est susceptible de lui apporter des éléments supplémentaires d’information, le comité sursoit à l’examen du cas pendant une durée raisonnable en attendant d’être en possession de cette décision, sous réserve que le délai ainsi entraîné ne risque pas de porter préjudice à la partie dont il est allégué que les droits ont été violés.»
- 407. Par conséquent, le gouvernement prie instamment le comité d’accéder à sa demande de surseoir à l’examen du cas jusqu’à ce que la Cour constitutionnelle rende sa décision motivée concernant le bien-fondé des recours en instance, conformément aux dispositions du point 29 du document en question.
- 408. Quant au fond des questions soulevées dans les allégations, le gouvernement déclare que le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet, relatif aux mesures pour garantir la stabilité budgétaire et promouvoir la compétitivité, est fondé sur l’existence d’une nécessité extraordinaire et urgente, conformément à ce que prévoit l’article 86 de la Constitution; nécessité qui se fonde, comme l’indique l’exposé des motifs, sur «la conjoncture économique actuelle et la nécessité impérative de réduire le déficit public pour parvenir à la stabilité budgétaire, qui rendent nécessaires que les mesures énoncées soient approuvées de toute urgence, dans le plein respect du cadre constitutionnel et de celui établi par l’Union européenne».
- 409. L’article 86 de la Constitution permet que, en cas de nécessité extraordinaire et urgente, le gouvernement édicte des dispositions législatives provisoires sous forme de décrets-lois, qui ne peuvent toucher ni à la structure des institutions fondamentales de l’Etat ni aux droits, aux devoirs et aux libertés des citoyens régis par le titre premier, ni au régime des communautés autonomes, ni au droit électoral général.
- 410. Faisant usage de cette possibilité, le gouvernement a élaboré le décret-loi royal no 20/2012.
- 411. L’article 86 de la Constitution détermine également que les décrets-lois devront être soumis immédiatement à la discussion et au vote global du Congrès des députés, faisant ainsi disparaître le caractère provisoire.
- 412. En application de la disposition constitutionnelle citée, le décret-loi royal a été validé par une résolution du Congrès des députés du 19 juillet 2012 (c’est-à-dire avant la présentation des allégations figurant dans le dernier document communiqué par les plaignants), et donc dans le cadre des mécanismes législatifs prévus par l’ordre juridique espagnol, avec l’approbation de la Chambre des représentants du peuple espagnol – le Congrès des députés – que la Constitution juge compétente à cet effet.
- 413. Il est important de souligner ce fait car il ne constitue pas, en fait ou en droit, une «décision unilatérale du gouvernement», comme l’affirme à tort la plainte formulée, mais une loi dont l’élaboration a suivi les dispositions constitutionnelles auxquelles se réfèrent les articles 81 et suivants de la Constitution.
- 414. Il ressort de l’examen des arguments qui sont avancés tout au long de l’exposé des motifs dudit décret-loi royal, et plus concrètement de ceux ayant trait à l’amélioration de l’efficacité des administrations publiques dans l’usage des ressources publiques afin de «contribuer à la réalisation de l’objectif impératif de stabilité budgétaire, qui découle du cadre constitutionnel et de l’Union européenne», que le décret-loi royal – procédure normative prévue pour les situations de nécessité urgente – est un instrument pleinement adapté pour faire face à ce que la doctrine constitutionnelle qualifie, comme il a été mentionné, de «conjoncture économique problématique».
- 415. Cette conjoncture économique s’est traduite – comme il a été dit – par une récession «de grande violence et ayant des effets dévastateurs sur l’emploi», conjuguée «aux déséquilibres qui subsistent dans l’économie espagnole» et à une grave «crise de confiance des marchés financiers».
- 416. Le gouvernement rappelle que le droit à la négociation collective des agents publics est énoncé dans l’EBEP, approuvé par la loi no 7/2007 du 12 avril. Cette norme réglemente au chapitre IV du titre III, articles 31 et suivants, «Le droit à la négociation collective, représentation et participation institutionnelle. Droit de réunion», faisant observer que ledit article établit comme principes généraux que «les agents publics ont droit à la négociation collective, représentation et participation institutionnelle pour la détermination de leurs conditions de travail» et, s’agissant du droit à la négociation collective, proclame en son article 33 les principes auxquels elle doit se soumettre, en stipulant que «la négociation collective des conditions de travail des agents publics, qui sera sujette aux principes de légalité, couverture budgétaire, caractère obligatoire, bonne foi, publicité et transparence, aura lieu par le biais de la représentativité reconnue aux organisations syndicales aux articles 6.3 c); 7.1 et 7.2 de la loi organique no 11/1985 du 2 août, relative à la liberté syndicale et conformément à ce chapitre». Cette même norme établit comme moyen ou instrument utile à cette négociation collective des commissions de négociation auxquelles participent l’administration et les représentants syndicaux (la Commission générale de négociation des administrations publiques et la Commission générale de négociation de l’administration générale de l’Etat). La négociation se déroule avec les organisations syndicales alors légitimées pour participer à ces commissions de négociation (non pas une quelconque organisation ou les multiples syndicats qui peuvent être constitués indépendamment de leur représentativité) et qui, entre les différents signataires de la plainte, étaient à ce moment-là l’UGT, la CC.OO. et la CSIF.
- 417. Compte tenu de ce cadre réglementaire, il faut examiner l’action du gouvernement qui a convoqué, le 11 juillet 2012, la Commission générale de négociation des administrations publiques et la Commission générale de négociation de l’administration générale de l’Etat, dans le but d’engager la négociation des mesures contenues dans le décret-loi royal no 20/2012.
- – Le gouvernement a convoqué les deux commissions générales prévues par l’EBEP concernées par la négociation du décret-loi royal, et a donc tenté de négocier avec les organisations syndicales qui néanmoins font appel à l’OIT en alléguant qu’il n’y a pas eu de négociation.
- – Le gouvernement a rempli son obligation de respecter la négociation collective et l’a fait de manière loyale et légale car, même si l’initiative législative est transférée par la suite au Congrès des députés pour sa validation – conformément à l’article 86 de la Constitution–, l’élaboration du texte du décret-loi royal revenant initialement au gouvernement lui-même, ce dernier était conscient qu’il ne devait pas l’approuver en Conseil des ministres sans avoir préalablement engagé un processus de négociation avec les organisations syndicales.
- – La convocation des commissions générales a eu lieu le 9 juillet 2012, invitant les organisations syndicales à participer à ladite réunion de négociation le 11 juillet.
- – Les organisations syndicales habilitées à y participer ont été convoquées à la réunion.
- – La négociation devait avoir lieu avant que le Conseil des ministres n’étudie le projet du décret-loi royal, ce qui était prévu le 13 juillet 2012.
- 418. Le jour de la réunion arrivé, les représentants des organisations syndicales CC.OO., UGT, CSIF, ELA et CIG ont tenu une réunion préalable avec le secrétariat d’Etat des Administrations publiques (qui préside la commission générale en représentation du gouvernement), mais ont refusé de participer à la séance plénière des commissions générales. La certification relative aux réunions organisées est jointe. Il en ressort que, malgré le manque de temps et l’urgence liée à l’extrême gravité de la situation de l’économie européenne et espagnole, l’administration a respecté le droit des parties présentes à la table de négociation de connaître, débattre et négocier les mesures contenues dans le décret-loi royal no 20/2012, et de faire des propositions concernant ces dernières.
- 419. Dans ce même document, il apparaît clairement que les organisations syndicales légitimées pour participer à ces commissions générales de négociation ont demandé une réunion préalable avec le secrétariat d’Etat des Administrations publiques (réunion préalable à celle qui est mentionnée), ce dernier y consentant. Une fois terminée cette réunion préalable – durant laquelle les organisations syndicales ont exprimé leur désaccord avec les mesures proposées par le gouvernement et dont devaient débattre les commissions de négociation –, ce sont ces mêmes organisations syndicales qui ont présenté la plainte devant l’OIT, alléguant une violation du droit de négociation collective de la part de l’administration, qui ont délibérément refusé de s’asseoir autour de la table – alors que le secrétariat d’Etat des Administrations publiques les y avait conviées.
- 420. Un dossier de presse relatif à ces événements est joint, divers médias s’étant fait l’écho de cette réunion, d’où il ressort clairement que ce sont les organisations syndicales qui ont «planté» (en jargon journalistique) la partie qui a demandé la consultation.
- 421. Par conséquent, le gouvernement estime avoir agi en respectant les principes qui président à la négociation collective conformément à l’exposé des motifs de l’EBEP: «Le statut souligne les principes de légalité, couverture budgétaire, caractère obligatoire de la négociation, bonne foi, publicité et transparence qui doivent présider à la négociation» et que stipule aussi l’article 33.1 du même instrument juridique. Ainsi, l’administration étant assujettie à la norme légale, elle a fait preuve de bonne foi dans son intervention, étant donné que chacune des parties a eu le droit d’exprimer sa position, droit que les organisations syndicales elles-mêmes ont décidé de ne pas exercer.
- 422. Le gouvernement déclare qu’il a respecté le cadre général du droit à la négociation collective et les aspects particuliers de ce droit concernant les agents publics et qu’ont été respectées toutes les dispositions relatives à la négociation collective contenues dans la loi no 7/2007 du statut de base de l’agent public du 12 avril, notamment celles relatives aux principes de légalité, couverture budgétaire, caractère obligatoire, bonne foi, publicité et transparence, grâce à l’exercice de la représentativité reconnue aux organisations syndicales, via la convocation des commissions de négociation de l’administration publique avec les organisations les plus représentatives. Les deux commissions générales citées ont été convoquées dans la mesure où étaient incluses dans le décret-loi royal plusieurs matières auxquelles fait référence l’article 37 de l’EBEP (matière qui touche les conditions de travail et les rétributions, les propositions sur les droits syndicaux, journées de travail, congés, etc.).
- 423. Le gouvernement fait valoir que le droit à la négociation collective n’a pas été profondément limité. Les dispositions relatives à la négociation collective, qui figurent dans le décret-loi royal no 20/2012, se conforment pleinement aux principes constitutionnels et à la jurisprudence rendue en la matière, aspects qui ont déjà été mentionnés. Le décret-loi royal contient à cet égard une modification de l’article 32 de l’EBEP, dont la teneur est la même que celle de l’article 38 du même statut et qui était en vigueur depuis son approbation.
- 424. Quant à la suspension de pactes et d’accords, les articles 32 et 38 de la loi no 7/2007 du 12 avril du statut de base de l’agent public établissent en premier et de façon précise la garantie de l’exécution des pactes et accords. Seulement dans des circonstances exceptionnelles et pour un motif grave d’intérêt public lié à une modification importante des conditions économiques, les autorités des administrations publiques suspendent ou modifient l’exécution de pactes et accords déjà signés, dans la stricte mesure requise pour sauvegarder l’intérêt public, ce qui signifie:
- – la pleine garantie de l’exécution des pactes, accords et conventions collectives;
- – introduire, comme la doctrine l’a mis en évidence, une soupape de sécurité du régime de négociation collective analogue au principe de ius variandi que l’administration exerce dans le cadre du recrutement public, et qui ne peut ni être interprétée de façon extensive ni compromettre, dans la pratique, l’exercice du droit de négociation. Pour cette raison, elle doit se fonder sur une situation anormale – exceptionnelle – et qui implique des mesures strictement nécessaires pour la sauvegarde de l’intérêt juridique protégé, l’intérêt public. A cet égard, les dispositions du décret-loi royal sont pleinement justifiées, car elles ne s’appliquent qu’en présence de circonstances économiques exceptionnelles qui portent atteinte à l’intérêt public, et dont la modification demande que soient mises en œuvre des mesures absolument nécessaires pour sauvegarder ce dernier.
- 425. Le gouvernement ajoute que, dans ces circonstances qui, comme il a été précisé, sont de nature extraordinaire et exceptionnelle et justifient par conséquent l’adoption des mesures visées aux articles 32 et 38.10 de l’EBEP, la norme prévoit un droit d’information en faveur des organisations syndicales: «dans ce cas, les administrations publiques devront informer les organisations syndicales des motifs de la suspension ou de la modification».
- 426. S’agissant de l’allégation selon laquelle les droits syndicaux n’ont pas été pleinement respectés, les ressources et les crédits-temps dont disposent les centrales syndicales pour réaliser leur mission, le gouvernement déclare que les dispositions relatives à ces crédits, visées à l’article 10 du décret-loi royal no 20/2012, se bornent à corriger les excès qui, dépassant largement les règles figurant dans le statut des travailleurs, dans l’EBEP et dans la loi organique sur la liberté syndicale, sont commis dans l’administration, dans le cadre de pactes exécutés en dépassant ces limites, et sans aucun contrôle.
- 427. Selon les organisations plaignantes, la règle contenue dans l’article 10 du décret-loi royal no 20/2012 «entraîne une restriction injustifiée des dispositions additionnelles de la loi sur la liberté syndicale relatives au droit au crédit-temps, défini à travers la négociation collective des agents publics, de caractère structurel, des organes de représentation unitaire ou syndicale, ayant une validité intemporelle, indéfinie et non conjoncturelle, restriction qui affecte substantiellement l’activité syndicale et donc contraire à celle-ci». Le gouvernement déclare que cette affirmation des organisations syndicales n’est ni recevable sur le plan juridique ni juste ou pertinente pour les raisons suivantes:
- – Il ressort clairement de la lecture de l’article 10 du décret-loi royal que la règle contenue dans le reste des dispositions légales est bien respectée et que seuls sont limités les excès en la matière:
Article 10. Réduction des crédits-temps et des congés syndicaux
- 1. Dans le domaine des administrations publiques et organismes, entités, universités, fondations et sociétés affiliées, à partir de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal, tous les droits syndicaux, qui sous ce titre spécifique ou sous toute autre dénomination, sont visés dans les accords pour les fonctionnaires et le personnel statutaire et dans les conventions collectives et accords pour les employés ordinaires conclus avec des représentants ou des organisations syndicales, dont le contenu excède les droits que prévoit le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, approuvant le texte révisé de la loi sur le statut des travailleurs, la loi organique no 11/1985 du 2 août sur la liberté syndicale et la loi no 7/2007 du 12 avril du statut de base de l’agent public, relatifs au temps rétribué pour réaliser diverses fonctions syndicales et de représentation, nomination de délégués syndicaux, ainsi que ceux relatifs aux dispenses totales d’assistance au travail et autres droits syndicaux, seront ajustés rigoureusement à ce que prévoient lesdites normes.
- A partir de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal ne seront donc plus valides et n’auront plus d’effet tous les pactes, accords et conventions collectives qui en la matière ont pu être signés et qui excèdent ledit contenu.
- – Compte tenu du caractère exceptionnel de la conjoncture économique actuelle, ledit décret-loi royal a pour objectif, notamment, de «rationaliser les dépenses de personnel». Cet objectif suppose, de manière totalement justifiée et s’agissant du temps rétribué pour la réalisation de fonctions syndicales et de représentation, une restriction par rapport à ce que prévoit strictement la législation du travail, favorisant l’accroissement du temps de travail destiné directement au service public.
- – Ce précepte qui ne fait que corriger les excès qui se sont produits dans le cadre des administrations publiques – et qui supposait de fait un dépassement clair de ce qui a cours dans le secteur privé de notre pays, et compromettait l’efficacité du fonctionnement de l’administration et la négociation collective elle-même au sein de cette dernière – est pleinement constitutionnel.
- Le gouvernement informe que l’Audience nationale a déjà eu l’occasion de se prononcer, par l’intermédiaire de la Chambre des affaires sociales, sur l’article 10 du décret-loi royal, rejetant la possibilité de soulever la question de l’inconstitutionnalité devant la Cour constitutionnelle, au motif qu’aucune atteinte aux droits que la Constitution établit en matière de négociation collective n’a été constatée.
- – Il ressort clairement de la lecture même de l’article 10 du décret-loi royal que cet article respecte pleinement la négociation collective étant donné qu’il n’interdit pas, mais rend possible, de manière expresse, la conclusion de nouveaux accords en la matière avec les organisations syndicales.
- 428. La position du gouvernement, dès l’approbation du décret-loi royal en question, a été précisément de promouvoir la négociation collective, contredisant les affirmations gratuites et erronées qui sont faites dans la plainte, selon lesquelles le décret-loi royal la met en péril. De fait, le gouvernement n’a pas seulement promu la négociation collective mais il est parvenu à des accords exprès avec les organisations syndicales, ce que ces dernières passent sous silence dans la plainte présentée devant l’OIT, alors que le 29 octobre, jour où elles présentent cette plainte, cet accord s’était déjà matérialisé.
- 429. Effectivement, le gouvernement et les organisations syndicales les plus représentatives se sont engagés fermement à promouvoir les tables rondes et la négociation collective dans le cadre de la fonction publique. Cet engagement s’est traduit formellement par l’accord du 25 octobre 2012, dont le texte est joint et dont les premiers objectifs sont notamment: 1) l’ouverture des diverses tables de négociation et commissions techniques au niveau de l’administration générale de l’Etat, en vue de donner un nouvel élan à des domaines comme la formation, la prévention des risques professionnels, la responsabilité sociale ou l’égalité des chances; et 2) la réalisation de progrès dans la structure de la négociation collective et les différents domaines que prévoit à cet égard l’EBEP (rationalisation des ressources syndicales et des structures de participation et de négociation).
- 430. En fait, la deuxième partie de l’article 10, qui permet de conclure de nouveaux accords avec les centrales syndicales en matière de crédits horaires et autres droits syndicaux, a déjà été mise en œuvre et, par ailleurs, l’administration est parvenue à un accord avec les centrales syndicales, conformément à ce précepte, qui établit de manière concertée la portée de ces droits dans l’administration de l’Etat. C’est précisément l’objectif que poursuit l’accord de la Commission générale de négociation de l’administration générale de l’Etat du 29 octobre 2012 concernant l’assignation de ressources et la rationalisation des structures de négociation et participation, publié par une résolution du 12 novembre 2012, du secrétariat d’Etat des Administrations publiques (Journal officiel du 14 novembre) et signé par les organisations syndicales à l’origine de la plainte déposée devant l’OIT. Cet accord, dans son exposé des motifs, stipule: «[…] Par ailleurs, la loi no 7/2007 du 12 avril du statut de base de l’agent public, reprenant les principes de la Constitution et ceux contenus dans la loi organique sur la liberté syndicale et dans la convention no 151 de l’OIT, qui garantissent le contenu du présent accord, reconnaît les organisations syndicales comme les seuls interlocuteurs valables pour l’exercice des droits des agents publics à la négociation collective, représentation et participation institutionnelles pour la détermination de leurs conditions de travail. […]»
- 431. C’est dans ce même exposé des motifs que l’accord reconnaît que, en raison de la nécessité d’assumer les responsabilités que la loi reconnaît aux organisations syndicales, il convient d’établir les ressources indispensables pour mettre en place la négociation collective. Et, pour cette raison, par le biais dudit accord, ces organisations syndicales sont dotées des ressources nécessaires pour «développer rationnellement leurs fonctions de représentation et négociation».
- 432. Cet accord, outre d’avoir été conclu avec les organisations syndicales habilitées à cet effet, a été ratifié par les commissions générales de négociation constituées au niveau de l’administration générale de l’Etat et par la Commission de négociation de la convention unique. La signature dudit accord avec les organisations syndicales CC.OO., UGT, CSIF, USO et CIG, a eu lieu le jour même où ces organisations déposaient la plainte devant le bureau espagnol de l’Organisation internationale du Travail, se gardant bien de dire qu’elles étaient pleinement d’accord avec l’action du gouvernement, qu’elles avaient conclu l’accord et qu’elles l’avaient ratifié, non dans le cadre d’une table de négociation, mais dans tous les domaines de négociation possibles dans l’ordre juridique, pour l’élaboration de la négociation collective au niveau des agents publics de l’administration générale de l’Etat (Commission générale de négociation pour les matières communes aux fonctionnaires et aux employés ordinaires, Commission générale de négociation pour les matières propres aux fonctionnaires et Commission de négociation de la convention unique (employés ordinaires)).
- 433. Le gouvernement déclare qu’il a respecté pleinement les obligations souscrites dans le cadre des conventions de l’OIT et, après s’être référé en détail à la législation et à la jurisprudence, il indique que la réforme introduite par le décret-loi royal est conforme aux décisions et principes du Comité de la liberté syndicale de l’OIT, et plus concrètement aux dispositions du paragraphe 1038 sur les «facultés budgétaires et de négociation collective». Ce paragraphe, qui souligne que la convention no 151 s’agissant des fonctionnaires et des agents publics doit s’appliquer avec une certaine souplesse, signale aussi explicitement:
- […] La commission prend donc pleinement en compte les sérieuses difficultés financières et budgétaires auxquelles doivent faire face les gouvernements, notamment en période de stagnation économique prolongée et généralisée. Elle considère cependant que les autorités devraient privilégier dans toute la mesure possible la négociation collective pour fixer les conditions de travail des fonctionnaires; si, en raison des circonstances, cela n’est pas possible, les mesures de ce genre devraient être limitées dans le temps et protéger le niveau de vie des travailleurs les plus touchés. Autrement dit, un compromis équitable et raisonnable devrait être recherché entre, d’une part, la nécessité de préserver autant que faire se peut l’autonomie des parties à la négociation et, d’autre part, les mesures que doivent prendre les gouvernements pour surmonter leurs difficultés budgétaires.
- Par ailleurs, le gouvernement signale qu’il n’y a pas d’atteinte au principe de la négociation collective de la convention no 98, étant donné que la législation espagnole considère le droit de négociation collective pour la détermination des conditions de travail comme étant un droit individuel, d’exercice collectif, de tous les agents publics. Un exemple de la promotion de ce droit est donné par l’article 10 lui-même du décret-loi royal no 20/2012, qui confie aux commissions générales de négociation l’adoption d’accords sur les droits des représentants syndicaux pour que puisse se dérouler rationnellement l’exercice des fonctions de représentation et de négociation, ou l’exercice adéquat des autres droits syndicaux; par ailleurs, contrairement à ce qu’affirment les organisations syndicales, le décret-loi royal no 20/2012 permet d’élargir cette disposition légale, en permettant l’adoption d’accords d’octroi de droits syndicaux dans le cadre des commissions générales de négociation. En outre, le décret-loi royal n’affecte pas la loi régissant ce que l’on appelle les procédures extrajudiciaires de règlement des différends, qui donne compétence aux entreprises et travailleurs des administrations publiques pour se mettre d’accord sur la création, la configuration et le développement de ce type de mécanismes (art. 45, EBEP).
- 434. Les mesures prises par le gouvernement impliquent le respect des principes qui président à la négociation collective, car, comme le dit l’EBEP dans son exposé des motifs, «l’Etat rappelle les principes de légalité, couverture budgétaire, caractère obligatoire de la négociation, bonne foi, publicité et transparence qui doivent présider à la négociation» et que proclame également l’article 33.1 du même instrument juridique. Ainsi, l’administration étant sujette à la norme légale, la bonne foi était présente dans la négociation étant donné que chacune des parties a pu exprimer son point de vue, et avait connaissance de ce que souhaitait la partie adverse en la matière, l’absence d’accord dans la négociation du décret-loi royal no 20/2012, résultant du refus des organisations syndicales à participer au processus de dialogue ouvert par l’administration, ne pouvant être considérée comme une absence de négociation, ou qualifiée de simple information, dès lors que la partie informée a eu l’occasion de faire la contre-proposition opportune.
- 435. Enfin, le gouvernement demande que la plainte présentée soit rejetée intégralement.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 436. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent: 1) l’absence de consultations au sujet, d’une part, du décret-loi royal no 3/2012 sur les mesures urgentes pour la réforme du marché du travail, du 10 février, adopté par le gouvernement, validé par le Congrès des députés le 13 mars et examiné ensuite comme un projet de loi, ce qui a donné lieu à l’adoption de la loi no 3/2012 du 6 juillet qui introduit certaines modifications au décret-loi royal auquel elle se substitue, et, d’autre part, au sujet du décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet (adopté par le gouvernement et validé par le Congrès des députés) sur les mesures visant à garantir la stabilité budgétaire et l’amélioration de la compétitivité, et contenant une série de mesures visant à réorganiser et à rationaliser la fonction publique; 2) la violation, par certaines dispositions de ces textes légaux portant notamment sur la consultation et la négociation collective des conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective ratifiées par l’Espagne en ce qui concerne le secteur privé et le secteur public.
- 437. Le comité note que le gouvernement nie ces allégations et explique que les textes légaux en question s’inscrivent dans une crise sans précédent et une récession qui a commencé en 2008, ainsi que dans une accumulation de déséquilibres macroéconomiques exigeant une action résolue et urgente pour affronter les faiblesses spécifiques du marché du travail, puisque plus de 3,2 millions d’emplois ont été détruits depuis le début de la crise, ce qui portait le nombre des chômeurs à 5 273 600 personnes en février 2012, avec un million et demi de familles dont tous les membres étaient au chômage; l’Espagne est le pays de l’Union européenne qui accuse le taux de chômage le plus élevé. Le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles les décrets-lois royaux approuvés par le gouvernement (nos 3 et 20 de 2012) comprennent des dispositions provisoires qui ont été validées par le Congrès des députés, ce qui a mis fin à leur caractère provisoire, de sorte qu’il ne s’agit ni dans les faits ni sur le plan juridique d’une «décision unilatérale du gouvernement», et ces textes ont été élaborés conformément aux dispositions constitutionnelles relatives aux situations de nécessité urgente et exceptionnelle.
- 438. Le gouvernement explique que le décret-loi royal no 3/2012 du 10 février, substitué par la loi no 3/2012 du 6 juillet, vise à introduire davantage de flexibilité interne dans les entreprises afin que, lorsqu’elles doivent faire face à des changements ou lorsqu’elles traversent des situations difficiles, leur adaptation aux nouvelles conditions soit facilitée et qu’elles puissent ainsi préserver l’emploi au lieu de recourir au licenciement comme elles le faisaient précédemment. Jusqu’à présent, compte tenu des taux élevés de contrats temporaires, les entreprises ajustaient en licenciant, et non pas en adaptant leurs conditions de travail; le gouvernement souligne également le taux élevé de contrats de travail temporaires et du chômage des jeunes. Le comité note que, selon le gouvernement, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont jugé que la réforme du marché du travail était positive. Par ailleurs, le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet, adopté par le gouvernement, répond également à l’urgence suscitée par une grave récession qui a commencé en 2008, engendrant des déséquilibres macroéconomiques insoutenables pour le pays, une grave crise de confiance des marchés financiers, et un durcissement marqué des conditions de financement pour l’Espagne; il s’agissait de réduire le déficit public, et d’appliquer des restrictions budgétaires et une réforme structurelle adoptées dans le cadre des engagements pris par l’Espagne à l’égard de l’Union européenne, dont les recommandations spécifiques du Conseil européen, les décisions du Conseil pour les affaires économiques et financières (ECOFIN) qui ont prolongé d’un an la correction de ce déficit excessif. Le comité note que, selon le gouvernement, des actions ont été intentées auprès de la Cour constitutionnelle à l’encontre du décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet (suspension des primes de Noël 2012 normalement versées au personnel du secteur public) et à l’encontre de la loi no 3/2012 du 6 juillet, raison pour laquelle le gouvernement propose le report de l’examen du cas. A cet égard, le comité fait observer que la plainte a été présentée en mai 2012 et qu’il n’est pas possible de savoir quand la Cour constitutionnelle se prononcera; il observe par ailleurs que ces questions ont été soumises à la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations qui a décidé de ne pas les examiner avant de connaître le point de vue du comité. Le comité demande au gouvernement de lui communiquer tout jugement qui serait prononcé par la Cour constitutionnelle ou par la Cour suprême concernant les textes de loi susmentionnés. Enfin, le comité observe que l’examen de la présente plainte n’a pas pour objet d’entrer dans les questions de constitutionnalité ou de légalité internes; il s’agit simplement de formuler des conclusions du point de vue des principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions portant sur ces sujets, qui ont par ailleurs été ratifiées par l’Espagne.
Allégations relatives au manque de consultation
- 439. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, le décret-loi royal no 3/2012 sur les mesures urgentes pour la réforme du marché du travail, du 10 février (qui inclut des réformes touchant à la négociation collective dans le secteur privé), a été adopté par le gouvernement sans aucune consultation préalable sur le fond et sans qu’une période de consultations appropriée permettant l’échange d’opinions avec les organisations syndicales les plus représentatives ne soit même envisagée, et cela en dépit du fait que, quelques jours plus tôt – le 25 janvier 2012 –, ces organisations aient signé avec la Confédération espagnole des organisations d’employeurs (CEOE) et avec la Confédération espagnole des petites et moyennes entreprises (CEPYME) un accord interprofessionnel pour l’emploi et la négociation collective 2012, 2013 et 2014, qui fait état, précisément pour répondre à la crise économique, de questions liées à la structure et au déroulement de la négociation collective, à la flexibilité interne, à la non-application négociée dans l’entreprise de certaines conditions de travail énoncées dans les conventions collectives sectorielles et à la baisse des salaires. Selon les organisations plaignantes, le décret-loi royal no 3/2012 est en contradiction pure et simple avec les éléments fondamentaux de l’accord susmentionné, il les vide de leur sens et les prive de toute efficacité; c’est pourquoi les organisations syndicales qui savaient que le décret-loi royal allait être examiné comme un projet de loi ont mis au point des propositions d’amendement à ce projet qui ont été présentées lors de son examen par le Congrès des députés. Par ailleurs, le comité note que, selon les allégations, le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet a été adopté unilatéralement par le gouvernement, qui n’a pas convoqué les commissions générales de négociation (ce qui est pourtant obligatoire en vertu de la législation), bien que le texte fasse état de la suppression de la prime extraordinaire de Noël 2012 dans le secteur public et d’autres restrictions importantes impliquant la suspension de certaines dispositions des conventions collectives; les organisations syndicales ont été informées deux mois plus tard lors d’une réunion toute protocolaire au cours de laquelle l’administration s’est contentée de lire les contenus de la loi sans proposer la moindre réponse ou la moindre solution aux questions soulevées par les syndicats.
- 440. Le comité note les déclarations du gouvernement selon lesquelles: 1) la consultation à laquelle la plainte fait référence ne signifie pas l’acceptation des avis des personnes consultées (depuis 2011, le désaccord des partenaires sociaux concernant la réforme de la négociation collective était connu); 2) le Deuxième accord pour l’emploi et la négociation collective 2012, 2013 et 2014 (Deuxième AENC), signé le 25 janvier 2012 – très proche du décret-loi royal no 3/2012 –, reconnaît les circonstances exceptionnelles qui exigent la prise de mesures spécifiques pour déclencher au plus vite, c’est-à-dire sans perdre de temps, une croissance de l’activité économique susceptible d’engendrer l’emploi, et, selon le gouvernement, une consultation sur les questions évoquées par les partenaires sociaux au cours de ces mêmes dates n’était ni possible ni souhaitable; 3) le décret-loi royal n’abroge pas le Deuxième AENC car, même s’il s’en écarte sous certains aspects (il traite certaines questions différemment), il ne fait pas référence à d’autres aspects de la négociation collective ou de la flexibilité interne, de sorte que cet accord continue d’être applicable dans son ensemble, et le reproche des plaignants selon lequel il serait suspendu ou abrogé est inacceptable; 4) quant aux décrets-lois royaux motivés par l’urgence, la législation dispense de certaines formalités comme la consultation et, s’agissant du décret-loi royal no 3/2012, il repose effectivement sur une «nécessité exceptionnelle et urgente» issue de la crise.
- 441. Le comité note que, selon le gouvernement, après l’adoption du décret-loi royal no 3/2012, des consultations ont eu lieu et, plus précisément, cinq réunions entre février et mars 2012 (les 10, 20 et 23 février et les 5 et 12 mars) auxquelles ont assisté des représentants des organisations syndicales UGT et CC.OO. pour exprimer leurs opinions et faire part de leurs propositions; les quatre premières réunions ont eu lieu avant que le Congrès des députés n’adopte l’accord sur la consolidation du décret-loi royal no 3/2012 et les cinq réunions ont eu lieu avant le début de l’examen du décret-loi par le Parlement au terme duquel le projet deviendra la loi no 3/2012 qui sera adoptée. Au cours de l’examen du projet de loi, 657 amendements ont été présentés au Congrès des députés et 574 au Sénat; 74 amendements ont été acceptés au Congrès des députés et 11 au Sénat; ces amendements ont modifié de nombreux articles auxquels fait allusion la plainte des organisations plaignantes. Le gouvernement précise que les organisations syndicales ont elles-mêmes mis au point des propositions d’amendement qui ont ensuite été proposées par les groupes parlementaires, de sorte que ces propositions, loin d’être passées sous silence, ont été prises en compte et examinées.
- 442. Compte tenu de tout ce qui précède, le comité constate que, pendant le processus d’élaboration du projet du décret-loi royal no 3/2012 et avant son adoption par le Conseil des ministres, les organisations syndicales les plus représentatives n’ont été consultées ni sur le texte ni sur son contenu, même si elles ont été consultées par la suite. Le comité rappelle les principes qu’il énonce ci-après sur l’importance des consultations mais, s’agissant de ce décret-loi royal qui contient des dispositions sur la négociation collective et sa structure dans le secteur privé, le comité constate que, très peu de temps avant l’adoption de ce décret-loi, les organisations syndicales et les organisations d’employeurs les plus représentatives avaient conclu un accord sur la structure de la négociation. Comme indiqué par le gouvernement, le décret-loi royal diffère à certains égards de cet accord en raison des nécessités extraordinaires et urgentes en temps de crise.
- 443. S’agissant du décret-loi royal no 20/2012 qui touche le secteur public, le comité note que le gouvernement déclare qu’il a convoqué le 9 juillet 2012 les deux commissions générales de négociation prévues par la législation et les organisations syndicales le 11 juillet; cette négociation devait avoir lieu avant que le Conseil des ministres n’étudie le projet de décret-loi royal, soit avant le 13 juillet; selon le gouvernement, ce jour-là les organisations syndicales ont sollicité une réunion préalable avec le secrétaire d’Etat des Administrations publiques, au cours de laquelle ils ont manifesté leur désaccord concernant les mesures proposées par le gouvernement; au terme de la réunion, ces organisations ont volontairement refuser de s’asseoir à la table des négociations, comme la presse l’a fait savoir.
- 444. Le comité déduit de tout ce qui précède que la réunion des commissions générales de négociation des administrations publiques et de la commission de négociation de l’administration de l’Etat dans le but d’aborder la négociation des thèmes du décret-loi royal no 20/2012 a été convoquée pour le 11 juillet 2012. Cependant, le gouvernement reconnaît que le Conseil des ministres avait prévu d’étudier le projet du décret-loi royal le 13 juillet 2012. Le comité estime que le temps imparti aux organisations syndicales pour se familiariser avec le projet de décret, en débattre, négocier et faire des propositions a été clairement insuffisant, surtout si l’on prend en compte sa complexité et les questions nombreuses et importantes qui touchaient aux intérêts des travailleurs et de leurs organisations.
- 445. Le comité souligne l’importance qu’il attache à ce que la consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives ait lieu suffisamment à l’avance, c’est-à-dire bien avant que les projets de lois ou les projets de décrets-lois royaux ne soient soumis à la consultation de ces organisations préalablement à approbation du projet par le gouvernement, puisque c’est là une condition préalable à l’examen parlementaire. Le comité souhaite rappeler que, avec des limitations de temps appropriées, les principes en matière de consultation sont valables également en période de crise requérant des mesures urgentes, et il souhaite réitérer les conclusions qu’il avait formulées lors de sa session de juin concernant un cas sur l’Espagne, conclusions qui sont les suivantes [voir 368e rapport du comité, cas no 2918 (Espagne), paragr. 356]:
- […] Le comité attire l’attention sur «l’importance de promouvoir le dialogue et les consultations sur les questions d’intérêt commun entre les autorités publiques et les organisations professionnelles les plus représentatives du secteur en question», ainsi que sur «l’intérêt d’une consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs lors de la préparation et de la mise en œuvre d’une législation touchant leurs intérêts». Le comité souligne à cet égard l’importance de consultations détaillées et du fait que les parties disposent de suffisamment de temps pour préparer et exposer leurs points de vue et les discuter de manière approfondie. Le comité souligne également que le processus de consultation sur la législation contribue à ce que les lois, programmes et mesures que les autorités publiques doivent adopter ou appliquer disposent d’une assise plus solide et soient mieux respectés et appliqués; dans la mesure du possible, le gouvernement devrait s’appuyer sur le consentement général, étant donné que les organisations d’employeurs et de travailleurs doivent pouvoir participer à la responsabilité de procurer le bien-être et la prospérité à la communauté générale. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1067 et 1072.]
- 446. Le comité s’attend à ce que, dorénavant, ces principes soient pleinement respectés concernant les consultations relatives à des législations qui affectent les intérêts des organisations syndicales et de leurs affiliés et prie le gouvernement à prendre toutes les dispositions en ce sens.
Allégations relatives au décret-loi royal no 3/2012 et (après son examen par le Parlement) à la loi no 3/2012 du 6 juillet
- 447. Le comité examinera ci-après les questions de fond soulevées par les organisations plaignantes. En premier lieu, elles allèguent que le décret-loi royal no 3/2012 annule la plupart des éléments du «Deuxième accord pour l’emploi et la négociation collective 2012, 2013 et 2014» négocié entre les organisations syndicales et les organisations d’employeurs les plus représentatives. Les organisations plaignantes observent que ce décret-loi royal impose: 1) la primauté, en matière d’application, de la négociation collective conclue dans l’entreprise sur n’importe quelle autre convention sectorielle, de sorte que ce ne sont pas les parties négociatrices qui déterminent la coordination entre les divers niveaux de la négociation; de même, l’accord conclu en entreprise (très souvent par des représentants qui ne sont pas syndiqués) peut être négocié n’importe quand pendant la durée de validité des conventions de rang supérieur; 2) la possibilité d’une «non-participation» de l’entreprise, c’est-à-dire la non-application de clauses inscrites dans une convention collective, pour des motifs économiques, techniques, d’organisation ou de production, avec l’imposition d’un arbitrage administratif obligatoire de la Commission consultative nationale des conventions collectives (organisme tripartite) ou d’un organe similaire de la communauté autonome; et 3) l’institution dans les accords conclus en entreprise de la flexibilité interne négociée par décision unilatérale du chef d’entreprise qui peut, sans l’accord des travailleurs, décider de ne pas appliquer les conditions de travail ayant fait l’objet d’un accord avec leurs représentants, y compris dans des domaines aussi importants que le salaire, la journée de travail, etc.
- 448. Le comité note que, selon les organisations plaignantes, le décret-loi royal no 3/2012 revoit en profondeur le système juridique des «modifications substantielles des conditions de travail prévues» par l’article 41 du statut des travailleurs, permettant au chef d’entreprise de modifier unilatéralement des conditions de travail très pertinentes inscrites dans des pactes ou des accords collectifs signés avec les représentants des travailleurs ayant compétence pour conclure des accords de portée générale, avant même la réalisation dans certains cas d’une série de consultations ne donnant pas forcément lieu à un accord; cependant, dans le système espagnol des relations professionnelles, l’existence de difficultés de fonctionnement de l’entreprise ne justifie pas l’attribution au chef d’entreprise de la faculté unilatérale de modifier le contenu des conventions et des accords collectifs, car il s’agit d’un effet disproportionné et incompatible avec l’efficacité que l’on est en droit d’attendre de la négociation collective; cette faculté attribuée au chef d’entreprise de modifier à son bon vouloir les conditions de travail inscrites dans un accord ou un pacte collectif, concernant notamment des questions aussi pertinentes que le salaire ou la journée de travail, et en dépit de l’avis contraire des représentants des travailleurs, constitue une violation de la garantie d’efficacité et du caractère contraignant des conventions collectives; les organisations plaignantes estiment que ce comportement est contraire aux dispositions des conventions nos 98 et 154 de l’OIT ainsi qu’au contenu de la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, qui protègent et garantissent le caractère contraignant du respect par les parties du contenu des accords signés lors de la négociation collective.
- 449. Le comité note que, selon ses déclarations, le gouvernement nie que la primauté en matière d’application de la convention conclue en entreprise prévue dans la loi no 3/2012 (art. 14.2) par rapport aux conventions de rang supérieur (sectorielles, nationales, de la communauté autonome ou de rang inférieur) viole les conventions de l’OIT en matière de liberté syndicale aux motifs que: 1) cette primauté ne s’applique qu’à certains domaines de sorte que les autres continuent d’être régis par la convention de rang supérieur; 2) cette primauté existait déjà dans la législation antérieure concernant certaines questions (salaire et compléments salariaux, compensation des heures supplémentaires, horaire et répartition du temps de travail, etc.) lorsque la convention de rang supérieur contenait des dispositions différentes sur la structure de la négociation ou de la hiérarchie entre conventions; en outre, la législation antérieure prévoyait que la convention collective qui vient se substituer à une convention antérieure peut disposer du sort des droits reconnus dans cette dernière; 3) la loi no 3/2012 n’impose pas le niveau de négociation car celui-ci relève de la volonté des parties qui peuvent décider si elles préfèrent négocier une convention au niveau de l’entreprise ou si elles préfèrent appliquer une convention de rang supérieur; cependant, lorsqu’elles optent pour la première possibilité, la convention d’entreprise sera d’application prioritaire concernant certaines questions; 4) dans le Deuxième accord pour l’emploi et la négociation collective 2012, 2013 et 2014 signé également par l’UGT et la CC.OO. – organisations plaignantes –, il est dit dans l’alinéa sur la couverture de la négociation collective que les conventions sectorielles doivent favoriser la négociation en entreprise, à l’initiative des parties concernées, s’agissant de la journée de travail, des tâches et des salaires, car c’est là le cadre le plus approprié pour décider de ces questions; et 5) la nature contraignante des conventions collectives est garantie par la Constitution, et la modification opérée par la loi no 3/2012 n’affecte pas la négociation collective; elle modifie la structure de la négociation et le rapport entre les conventions de divers niveaux. Quant à l’allégation des organisations plaignantes selon laquelle il est possible, en vertu de la loi, de négocier des conventions en entreprise pendant la durée de la validité des conventions de rang supérieur, le comité note que cette possibilité a toujours existé dans le système juridique social espagnol et que la loi no 3/2012 ne fait que rappeler la possibilité de négocier des conventions en entreprise après avoir négocié une convention de rang supérieur; en outre, la nouvelle règle mentionnée sur la hiérarchie des conventions collectives et sur la préférence du législateur pour l’application prioritaire des conventions d’entreprise dans certains domaines n’affecte en rien le droit de négociation collective aux niveaux supérieurs; en fait, depuis l’entrée en vigueur de la loi no 3/2012 (juillet 2012) jusqu’à novembre 2012, on a enregistré 28 conventions collectives salariales de rang national ou de rang supérieur à celui de la communauté autonome, neuf conventions collectives au niveau de la communauté autonome et 177 conventions collectives au niveau de la province. Quant à la suggestion des organisations plaignantes que les règles de la hiérarchie entre les conventions ne devraient pas relever de la législation, le gouvernement mentionne que, contrairement à l’usage dans d’autres pays européens, le système espagnol des relations professionnelles a choisi l’application «erga omnes» de la convention collective statutaire de rang supérieur, c’est-à-dire son application à toutes les entreprises et tous les travailleurs même si l’entreprise n’a pas négocié la convention collective ou que l’employeur concerné n’est pas affilié à une organisation d’employeurs ayant participé à la négociation. Le comité observe que, parmi les questions soulevées, le gouvernement souligne que, s’agissant des règles de hiérarchie entre les conventions collectives de divers rangs, on fait état communément de plusieurs critères légaux (la norme la plus favorable, la nature inaliénable ou non des droits, les normes antérieures et postérieures, le principe «pro operario», etc.) qui sont consacrés par la législation, et que la loi no 3/2012 prévoit l’application de la norme la plus proche de la réalité et des circonstances dans lesquelles s’inscrivent la relation de travail, l’entreprise et les travailleurs, dans la même ligne que celle du législateur qui, depuis 1994, tente de décentraliser les niveaux de négociation.
- 450. S’agissant de l’allégation relative à la possibilité, en vertu de la loi no 3/2012 (art. 14.1 et cinquième disposition supplémentaire), de ne pas appliquer les clauses inscrites dans une convention collective pour des motifs économiques, techniques, d’organisation ou de production («non-participation» de l’entreprise) et d’imposer un arbitrage obligatoire, sans qu’il soit besoin de trouver un accord avec les négociateurs de la convention, le comité note que, selon le gouvernement, dans le système espagnol de négociation collective «erga omnes», la convention collective statutaire présente la particularité, au regard d’autres législations européennes, de s’appliquer dans son domaine aux entreprises qui en font partie, y compris celles qui ne sont pas représentées par les organisations d’employeurs signataires, et c’est pourquoi la possibilité de non-participation est beaucoup plus logique. Le comité note que, selon le gouvernement, les organisations plaignantes font objection à cette nouvelle procédure de non-participation (les causes étaient déjà prévues dans la législation) et que, toujours selon le gouvernement, en application de la loi no 3/2012, la nouvelle procédure prévue en cas de divergence de vues entre les parties concernant la non-participation à l’application de certaines clauses ne s’applique que lorsque les parties ne peuvent trouver d’accord au cours de la période de consultations prévue par la loi no 3/2012 ou après qu’elles se sont soumises aux procédures de règlement des différends prévues par la négociation collective (sur ce point, le gouvernement souligne que le statut des travailleurs indique que les conventions collectives doivent, au minimum, établir des procédures pour résoudre efficacement les différends susceptibles de surgir concernant la non-application des conditions de travail et adopter, le cas échéant, les procédures établies à cet égard par les accords interprofessionnels de niveau national ou au niveau de la communauté autonome...); le gouvernement souligne que, dans la mesure où la convention collective envisage des procédures de résolution des différends, le recours à ces procédures est obligatoire par les parties, sans qu’il soit nécessaire de recourir au nouveau mécanisme prévu dans la loi no 3/2012 qui est examiné ci-après.
- 451. Le comité note que le gouvernement déclare que la loi no 3/2012 prévoit comme possibilité ultime (lorsque les parties ne peuvent conclure un accord au cours des consultations ou lorsque la convention collective n’a pas prévu de mécanisme de résolution des différends) l’intervention de la Commission consultative nationale des conventions collectives (CCNCC) – organe tripartite composé des représentants de l’administration et des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, qui peut adopter la décision susceptible de résoudre le différend en son sein, ou par le biais de la désignation d’un arbitre choisi parmi des experts impartiaux et indépendants (en suivant la procédure sur laquelle les parties sont d’accord, et en l’absence d’un tel accord, en suivant la procédure dont décidera la commission); si l’on opte pour désigner un arbitre, il est préférable qu’il soit nommé d’un commun accord et, dans le cas contraire, une procédure est prévue selon laquelle les trois groupes de représentants proposent deux arbitres chacun et, à l’issue de scrutins successifs dont l’ordre est tiré au sort au préalable, on rejette un arbitre à la fois jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Le comité observe que le gouvernement estime que le système prévoit suffisamment de mécanismes pour garantir que l’arbitrage est réellement indépendant; il permet à l’arbitre d’évaluer si le motif invoqué est réellement présent, de refuser la non-application des conditions de travail telle qu’elle est proposée, ou de proposer de diminuer sa portée ou de déclarer que la non-application de la convention collective n’est pas justifiée. Le comité note que le gouvernement fait savoir que, depuis l’entrée en vigueur de la loi no 3/2013 votée le 31 octobre 2012, les autorités ont été saisies de 477 accords (signés entre des parties à la négociation) concernant la non-application des conditions de travail prévues dans la convention collective.
- 452. Quant aux allégations relatives à la substitution de la flexibilité interne négociée par une décision unilatérale de la direction de l’entreprise qui pourrait (après une période de consultations), lorsqu’il n’y a pas d’accord avec les travailleurs, décider de ne pas appliquer (suspendre ou substituer) les conditions de travail ayant fait l’objet d’accords dans l’entreprise, le comité observe que cette question est traitée dans les articles 12 et 13 de la loi no 3/2012 et que le gouvernement déclare que: 1) la décision de l’employeur peut être revue par les tribunaux du travail et elle relève de la réforme législative de 1994; 2) la loi no 3/2012 prévoit que, concernant ce type de modification importante, des procédures spécifiques sont établies au cours de la négociation collective, une période de consultations est organisée avec les représentants des travailleurs sur les motifs, la possibilité de réduire les effets, et les mesures nécessaires pour atténuer les conséquences sur les personnes touchées, étant entendu que, pendant ce temps, les parties négocient de bonne foi afin d’arriver à un accord; en outre, les parties peuvent se mettre d’accord sur le remplacement d’une période de consultations par une procédure de médiation ou un arbitrage. Le comité observe que, selon le gouvernement, cette norme ne limite pas les possibilités de négociation s’agissant de faire face à la modification des conditions de travail qui avait été prévues. Le comité constate que l’article 12.1 de la loi no 3/2012 prévoit que les modifications importantes des conditions de travail mentionnées au paragraphe précédent comprennent celles qui sont contenues dans les accords ou les pactes collectifs.
Conclusions spécifiques
- 453. Après avoir pris connaissance des arguments des organisations plaignantes et de ceux du gouvernement concernant la loi no 3/2012 et après avoir dûment noté la nécessité de réagir d’urgence devant une crise économique très grave et compliquée et d’affronter le problème engendré par la grave situation du chômage (nombre de chômeurs le plus élevé de l’Union européenne), le comité rappelle le principe selon lequel le respect mutuel des engagements pris dans les accords collectifs est un élément important du droit de négociation collective et doit être sauvegardé pour fonder les relations professionnelles sur des bases solides et stables. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 940.] Le comité souligne que les articles 12, 13 et 16 de la loi autorisent des modifications importantes des conditions de travail (journée de travail, horaires, travail posté, etc.) pour des motifs économiques (en particulier lorsque l’entreprise constate ou prévoit des pertes, ou lorsqu’elle enregistre une baisse des revenus ou des ventes pendant deux trimestres consécutifs), mais aussi pour des motifs techniques, d’organisation ou de production, sans qu’il soit nécessaire, comme c’était le cas auparavant, d’arguer de situations exceptionnelles ou de force majeure; selon la loi no 3/2012 qui ne s’applique pas uniquement en cas de crise économique, mais s’applique systématiquement en cas de désaccord lors des consultations et négociations y relatives, toute partie peut soumettre l’affaire à l’arbitrage. Le comité souligne que la mise en place de procédures favorisant systématiquement la négociation décentralisée de dispositions dérogatoires dans un sens moins favorable que les dispositions de niveau supérieur peut conduire à déstabiliser globalement les mécanismes de négociation collective ainsi que les organisations d’employeurs et de travailleurs et constitue en ce sens un affaiblissement de la liberté syndicale et de la négociation collective à l’encontre des principes des conventions nos 87 et 98. [Voir 365e rapport, cas no 2820 (Grèce), paragr. 997.] Le comité estime que la question de savoir si les difficultés économiques graves des entreprises justifient dans certains cas la modification des conventions collectives doit être abordée et, s’il est possible de régler le problème de plusieurs manières, ces solutions devraient être étudiées dans le cadre du dialogue social.
- 454. Par ailleurs, le comité observe que l’article 14.2 de la loi no 3/2012 introduit des règles nouvelles sur la négociation collective dans le secteur privé et sur sa structure, comprenant notamment la priorité en matière d’application de la convention collective de l’entreprise sur les conventions collectives de rang supérieur concernant certaines questions qui – comme l’indique le gouvernement – n’étaient pas évoquées dans la loi précédente. Le comité observe également que les centrales syndicales plaignantes ainsi que d’autres organisations ont clairement exprimé leur désaccord concernant ces nouvelles normes et il rappelle sa position selon laquelle le choix du niveau de la négociation collective doit revenir en principe aux parties.
- 455. Dans ces conditions, le comité souligne l’importance qu’il attache au fait que les règles essentielles du système des relations de travail et de négociation collective soient autant que possible le fruit d’un accord entre les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives et il invite par conséquent le gouvernement à promouvoir un dialogue tripartite concernant la loi no 3/2012 pour réaliser cet objectif, conformément aux principes inscrits en matière de négociation collective dans les conventions de l’OIT ratifiées par l’Espagne.
Allégations relatives au décret-loi royal no 20/2012 et (après son examen par le Parlement) à la loi no 20/2012 du 13 juillet
- 456. Le comité observe que les organisations plaignantes allèguent que le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juillet prévoit une réduction de salaire dans la fonction publique qui se traduit sous forme de suppression du versement de la prime de décembre 2012, de réorganisation du temps de travail afin de réduire la durée du congé annuel rémunéré, de réduction du nombre des journées octroyées pour raisons personnelles, ainsi que de suppression d’autres autorisations dépassant les minima légaux (à cet égard, le décret-loi royal autorise la conclusion d’accords par les commissions de négociation de la fonction publique mais, selon les organisations plaignantes, il s’agirait d’une disposition permanente et structurelle); les congés syndicaux sont également réduits, etc.
- 457. Selon les organisations plaignantes, il résulte de ce qui précède la suspension ou l’annulation unilatérale des dispositions contenues dans tous les accords concernant ces questions dans le secteur public, sans espoir d’amélioration à l’avenir, et sans qu’il y ait eu négociation avec les organisations syndicales comme le prévoit la législation (les organisations plaignantes reconnaissent pourtant que la législation précédente prévoyait, dans des circonstances exceptionnelles, la possibilité de suspendre ou de modifier les accords collectifs «au motif d’une détérioration importante des conditions économiques», auquel cas «les administrations [devaient] informer les organisations syndicales des motifs de la suspension ou de la modification»). En outre, selon les organisations plaignantes, le décret-loi royal no 20/2012 déclare dans sa deuxième disposition supplémentaire qu’il y a motif grave d’intérêt public découlant de la détérioration importante des conditions économiques lorsque les administrations publiques doivent adopter des mesures ou des plans de réajustement, de rééquilibre des comptes publics ou de nature économique et financière pour assurer la stabilité budgétaire (exigence de l’Union européenne) ou visant la réduction du déficit public; de sorte qu’il y a un devoir d’information des organisations syndicales non assorti d’une exigence de consultation, afin que l’administration puisse se libérer de son obligation de respecter les dispositions contenues dans les accords.
- 458. Le comité note les déclarations du gouvernement concernant la crise économique (reproduites plus haut) et selon lesquelles, à cause de la conjoncture économique et de la nécessité de réduire le déficit public, le gouvernement s’est vu obligé d’adopter les réformes structurelles et les restrictions budgétaires supplémentaires prévues par le décret-loi royal no 20/2012 du 13 juin, qui ont été adoptées – selon le gouvernement – dans le cadre des engagements pris par l’Espagne à l’égard de l’Union européenne (recommandations du Conseil européen et prolongation d’une année pour réduire le déficit excessif, adoptées par l’ECOFIN le 10 juillet 2012) et dans le cadre du Programme national des réformes afin d’aborder le processus de rationalisation des administrations publiques pour réduire les coûts de personnel et accroître la qualité et la productivité de l’emploi dans la fonction publique. Le comité note que le gouvernement fait savoir que les dispositions contenues dans le décret-loi royal en fait de congés syndicaux, et concernant la suppression du versement de la prime extraordinaire du mois de décembre 2012 au personnel de la fonction publique, ont fait l’objet de recours en inconstitutionnalité auprès de la Cour constitutionnelle. Le gouvernement estime que ce décret-loi royal ne viole pas les conventions de l’OIT et se fonde sur un contexte de nécessité urgente et exceptionnelle qui permet, en vertu de la Constitution, d’édicter des dispositions législatives provisoires qui sont immédiatement soumises à la discussion et au vote du Congrès des députés, ce qui met fin à leur caractère provisoire (le décret-loi royal no 20/2012 a été consolidé le 19 juillet 2012); il ne s’agit donc pas d’une «décision unilatérale du gouvernement» comme le prétendent les organisations plaignantes.
- 459. Le comité note également que le gouvernement déclare que les dispositions du décret-loi royal no 20/2012 respectent pleinement les principes constitutionnels et la jurisprudence en matière de négociation collective, et qu’elles sont pleinement justifiées par l’existence de circonstances économiques extraordinaires et exceptionnelles qui portent préjudice à l’intérêt public, d’où l’obligation des administrations publiques d’informer les organisations syndicales des motifs de l’inspection ou de la modification. Par ailleurs, le gouvernement ajoute que la législation et la jurisprudence consacrent la primauté hiérarchique de la loi par rapport aux conventions collectives.
- 460. En ce qui concerne les dispositions du décret-loi royal et de la loi no 20/2012 sur les crédits horaires (congés syndicaux) dont disposent les organisations syndicales (ces dispositions annulent les conventions collectives en la matière), le comité note que le gouvernement déclare que: 1) le décret-loi royal se limite à corriger les excès qui, outrepassant les normes contenues dans le statut des travailleurs, l’EBEP et la loi fondamentale sur la liberté syndicale, se produisaient au sein de l’administration en vertu d’accords conclus en outrepassant ces limites et sans aucun contrôle; 2) il est fait référence à un temps de travail rétribué pour accomplir les fonctions syndicales et de dispenses totales de la présence sur le lieu de travail, et il est prévu que ces congés devront s’ajuster aux nouvelles lois; 3) les conventions collectives qui outrepassent les limites mentionnées ne sont plus en vigueur; 4) il faut rationaliser les coûts de personnel; et 5) le décret-loi royal non seulement n’empêche pas la conclusion de nouveaux accords sur la question avec les organisations syndicales, mais il les rend possibles au contraire et il prévoit la conclusion de ces accords exclusivement au sein des commissions de négociation; par conséquent, la négociation collective est encouragée.
- 461. Le comité note également que le gouvernement déclare que, le 25 octobre 2012, il a conclu un accord avec les organisations syndicales les plus représentatives, aux termes duquel il est prévu: 1) d’ouvrir les diverses commissions de négociation et commissions techniques dans l’administration publique afin de donner une nouvelle impulsion à la formation, à la prévention des risques au travail, à la responsabilité sociale ou à l’égalité de chances, entre autres domaines; et 2) de faire progresser la structure de la négociation collective et des autres domaines prévus dans la législation; de rationaliser les structures de participation et de négociation. Ainsi, le 25 octobre 2012, le gouvernement et les organisations syndicales les plus représentatives (y compris les organisations plaignantes) ont souscrit à un accord qui les dotent des ressources nécessaires pour assurer rationnellement l’exercice de leurs fonctions de représentation et de négociation, s’agissant d’établir la portée des crédits horaires des dirigeants syndicaux. Le comité se dit satisfait des accords auxquels le gouvernement fait référence, mais il observe qu’ils ne couvrent qu’une partie des questions qui lui ont été soumises. Le comité souligne l’importance qu’il attache au fait que les commissions de négociation abordent l’ensemble des questions soulevées dans la plainte en ce qui concerne les administrations publiques.
Conclusions spécifiques
- 462. Après avoir pris connaissance des arguments des organisations plaignantes et du gouvernement sur la loi no 20/2012 et bien qu’il prend dûment note de la nécessité d’une réaction urgente face à la crise économique très grave et compliquée et d’affronter le problème de la situation grave de chômage (avec le taux le plus élevé de l’Union européenne), le comité constate avec préoccupation que le décret-loi royal no 20/2012 mis en cause par les organisations plaignantes a suspendu unilatéralement les conventions collectives qui ne vont pas dans son sens ou a annulé leurs dispositions dans les domaines suivants: prime extraordinaire de Noël, congés, prestations pour incapacité de travail temporaire et crédits horaires et congés syndicaux dans la fonction publique (les dispositions en matière de crédits horaires et congés syndicaux ont été renégociées par le biais d’un accord, selon le gouvernement). Le comité observe en outre que la loi no 20 de 2012 réitère la disposition contenue dans la législation antérieure qui reconnaît la possibilité de suspendre ou de modifier des accords collectifs au motif d’une détérioration «substantielle» des conditions économiques.
- 463. Le comité souligne que tout ce qui précède pose des problèmes en lien avec les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective contenus dans les conventions de l’OIT. C’est pourquoi le comité doit rappeler le principe selon lequel «les organes de l’Etat ne devraient pas intervenir pour modifier le contenu des conventions collectives librement négociées» et «les accords doivent être obligatoires pour les parties». [Voir Recueil, op. cit., paragr. 939 et 1001.]
- 464. Le comité tient à signaler que, dans un cas antérieur, il a souligné que:
- La suspension ou la dérogation – par voie de décret, sans l’accord des parties – de conventions collectives librement conclues est contraire aux principes de la libre négociation collective volontaire consacrés par l’article 4 de la convention no 98. Si un gouvernement souhaite que les dispositions d’une convention collective soient adaptées à la politique économique du pays, il doit essayer d’amener les parties à prendre en compte volontairement ces considérations, sans leur imposer la renégociation des conventions collectives en vigueur. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1000, 1005 et 1008.] Bien qu’il ne lui appartienne pas de se prononcer sur le bien-fondé des arguments économiques invoqués par le gouvernement pour justifier son intervention et limiter la négociation collective, le comité doit rappeler que des dispositions qui pourraient être prises pour faire face à une situation exceptionnelle devraient être de nature temporaire, au vu des graves répercussions qu’elles ont sur les conditions d’emploi des travailleurs, notamment les plus vulnérables. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations complètes sur l’évolution de l’impact de ces mesures pour le pays et de le tenir informé des efforts déployés pour que leur durée soit temporaire. [Voir 365e rapport, cas no 2820 (Grèce), paragr. 995.]
- Le comité invite donc le gouvernement à promouvoir le dialogue social sur ces questions afin de trouver autant que possible des solutions agréées par les organisations.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 465. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité attire l’attention du gouvernement sur les principes selon lesquels des consultations doivent être menées suffisamment à l’avance avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives concernant les projets de lois ou les projets de décrets-lois royaux avant qu’ils ne soient approuvés par le gouvernement, et il espère qu’à l’avenir ces principes seront pleinement respectés.
- b) Le comité souligne que, en ce qui concerne les nouvelles normes contenues dans les lois nos 3/2012 et 20/2012, il attache beaucoup d’importance à ce que les règles essentielles du système des relations de travail et de la négociation collective soient agréées autant que possible par les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, et il invite par conséquent le gouvernement à promouvoir le dialogue social pour atteindre cet objectif, conformément aux principes de la liberté syndicale et de la négociation collective énoncés dans les conventions de l’OIT portant sur ces sujets.
- c) Le comité prie le gouvernement de lui communiquer les jugements prononcés par la Cour constitutionnelle et la Cour suprême concernant les lois nos 3/2012 et 20/2012.
- Article 12. Modification substantielle des conditions de travail
- Un. L’article 41 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, est rédigé en ces termes:
- Article 41. Modifications substantielles des conditions de travail
- 1. La direction de l’entreprise pourra décider de procéder à des modifications substantielles des conditions de travail, s’il existe des motifs dûment constatés, économiques ou techniques ou liés à l’organisation ou à la production. Seront considérés comme tels les motifs qui se rapportent à la compétitivité, à la productivité, à l’environnement technique ou à l’organisation du travail dans l’entreprise.
- Seront considérées comme des modifications substantielles des conditions de travail, notamment, celles qui touchent aux domaines suivants:
- a) la durée du travail;
- b) l’horaire et la répartition du temps de travail;
- c) le régime du travail par équipes;
- d) le système de rémunération et le montant du salaire;
- e) le système de travail et le rendement;
- f) les fonctions, lorsqu’elles dépassent le cadre prévu pour la mobilité fonctionnelle à l’article 39 de la présente loi.
- 2. Les modifications substantielles des conditions de travail pourront avoir une incidence sur les conditions reconnues aux travailleurs dans le contrat de travail et dans des accords ou des conventions collectives, ou sur celles dont bénéficient les travailleurs en vertu d’une décision unilatérale de l’employeur ayant des effets collectifs.
- Est réputée collective la modification qui, sur une période de quatre-vingt-dix jours, a des effets sur au moins:
- a) 10 travailleurs, dans les entreprises qui emploient moins de 100 personnes;
- b) 10 pour cent du nombre des travailleurs dans les entreprises qui emploient de 100 à 300 personnes;
- c) 30 travailleurs, dans les entreprises qui emploient plus de 300 personnes.
- Est réputée individuelle la modification dont les effets n’atteignent pas, pendant la période de référence établie, les seuils fixés pour une modification collective.
- 3. La décision concernant une modification substantielle individuelle des conditions de travail devra être notifiée par l’employeur au travailleur visé et à ses représentants légaux au moins 15 jours avant l’entrée en vigueur de la modification.
- Dans les cas prévus aux alinéas a), b), c), d) et f) du paragraphe 1 du présent article, si le travailleur est lésé par la modification substantielle, il aura le droit de résilier son contrat et de recevoir une indemnisation correspondant à 20 jours de salaire par année de service, au prorata des mois effectués pour les périodes inférieures à un an et avec un maximum de neuf mois.
- Sans préjudice du caractère exécutoire de la décision de modification dans le délai d’application susmentionné, le travailleur qui n’a pas choisi de résilier son contrat, mais s’oppose à la décision de l’employeur, pourra contester celle-ci devant la juridiction sociale. La modification sera déclarée justifiée ou injustifiée par le jugement qui, dans ce dernier cas, reconnaîtra au travailleur le droit au rétablissement des conditions antérieures.
- Si, pour se soustraire aux dispositions du paragraphe ci-après du présent article, l’entreprise procède à des modifications substantielles des conditions de travail au cours de périodes successives de quatre-vingt-dix jours pour un nombre de travailleurs inférieur aux seuils fixés dans le paragraphe 2 pour les modifications collectives, sans que de nouvelles causes ne le justifient, ces nouvelles modifications seront réputées illégales et seront déclarées nulles et non avenues.
- 4. Sans préjudice des procédures particulières qui peuvent être ouvertes dans le cadre de la négociation collective, la décision concernant une modification substantielle collective des conditions de travail devra être précédée, dans les entreprises qui comportent des représentants légaux des travailleurs, d’une période de consultations avec ces derniers, dont la durée ne doit pas excéder quinze jours et qui sera consacrée à l’examen des causes motivant la décision de l’employeur et de la possibilité de supprimer ou de diminuer les effets de celle-ci, ainsi que des mesures nécessaires pour atténuer ses conséquences pour les travailleurs visés.
- Il appartiendra aux sections syndicales, si elles en décident ainsi, d’intervenir en tant qu’interlocuteurs devant la direction de l’entreprise, durant la procédure de consultations, à condition qu’elles rassemblent la majorité des membres du comité d’entreprise ou des délégués du personnel.
- Pendant la période de consultations, les parties devront négocier de bonne foi en vue de parvenir à un accord, lequel devra recueillir l’approbation de la majorité des membres du comité ou des comités d’entreprise, des délégués du personnel, le cas échéant, ou s’il y en a, de représentants syndicaux qui, ensemble, représentent la majorité de ceux-ci.
- Dans les entreprises ne comportant pas de représentants légaux des travailleurs, ceux-ci pourront se faire représenter pour la négociation de l’accord, à leur choix, par une commission de trois membres au plus, composée de travailleurs de l’entreprise et démocratiquement élue par ceux-ci, ou par une commission du même nombre de membres désignés, selon leur représentativité, par les syndicats les plus représentatifs et représentatifs du secteur auquel appartient l’entreprise, et qui sont habilités à faire partie de la commission de négociation de la convention collective applicable à ladite entreprise.
- Dans tous les cas, la désignation des représentants devra avoir lieu dans un délai de cinq jours à compter du commencement de la période de consultations, sans pour autant que l’absence de représentants désignés n’entraîne la suspension des consultations. Pour parvenir à un accord, la commission devra recueillir le vote favorable de la majorité de ses membres. Dans le cas où la négociation a lieu avec la commission dont les membres sont désignés par les syndicats, l’employeur pourra se faire représenter par les organisations d’employeurs dont il fait partie, celles-ci pouvant être les plus représentatives au niveau d’une communauté autonome, et indépendamment du fait que ces organisations ont un caractère intersectoriel ou sectoriel.
- L’employeur et les représentants des travailleurs pourront décider à tout moment de substituer à la période de consultations la procédure de médiation ou d’arbitrage applicable dans le cadre de l’entreprise, laquelle devra se dérouler dans le délai maximal indiqué pour ladite période.
- Si un accord est conclu à l’issue de la période de consultations, les causes justificatives mentionnées dans le paragraphe 1 seront réputées exister et l’accord ne pourra être contesté que devant la juridiction compétente pour fraude, dol, contrainte ou abus de droit lors de la conclusion de cet accord, sans préjudice du droit des travailleurs concernés de se prévaloir de la possibilité prévue au deuxième alinéa du paragraphe 3 du présent article.
- 5. En l’absence d’accord, la décision concernant la modification collective des conditions de travail sera notifiée par l’employeur aux travailleurs une fois achevée la période de consultations et elle produira ses effets dans un délai de sept jours à compter de sa notification.
- Il pourra être formé un recours au titre de la procédure de règlement des conflits collectifs contre les décisions visées dans le présent paragraphe sans préjudice de l’action individuelle prévue par le paragraphe 3 du présent article. Les procédures engagées à titre individuel seront suspendues jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours.
- 6. La modification des conditions de travail énoncées dans les conventions collectives régies par le titre III de la présente loi devra être effectuée conformément aux dispositions de l’article 82.3.
- 7. Pour ce qui est des mutations, les dispositions applicables seront celles de l’article 40 de la présente loi.
- Deux. L’alinéa a) du paragraphe 1 de l’article 50 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, est rédigé en ces termes:
- a) les modifications substantielles des conditions de travail qui sont effectuées d’une manière non conforme aux dispositions de l’article 41 de la présente loi et qui portent atteinte à la dignité du travailleur.
- Article 13. Suspension du contrat ou réduction du temps de travail pour des motifs économiques ou techniques, ou liés à l’organisation ou à la production, ou en cas de force majeure
- L’article 47 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, est rédigé en ces termes:
- Article 47. Suspension du contrat ou réduction du temps de travail pour des motifs économiques ou techniques, ou liés à l’organisation ou à la production, ou en cas de force majeure
- 1. L’employeur pourra suspendre le contrat de travail pour des motifs économiques ou techniques, ou liés à l’organisation ou à la production.
- Des motifs économiques existent lorsqu’il ressort des résultats de l’entreprise une situation économique défavorable, dans le cas par exemple où celle-ci enregistre des pertes effectives ou en prévoit, ou que son niveau de revenus ordinaires ou ses ventes diminuent de manière constante. Dans tous les cas, on considérera que la diminution est constante si, durant deux trimestres consécutifs, le niveau des revenus ordinaires ou les ventes correspondant à chaque trimestre est inférieur à celui qui a été enregistré au même trimestre de l’année précédente.
- Des motifs techniques existent lorsque des changements se produisent, notamment, dans le domaine des moyens ou outils de production; des motifs liés à l’organisation existent lorsque des changements se produisent, notamment, dans les systèmes et méthodes de travail du personnel ou dans le mode d’organisation de la production; et des motifs liés à la production existent lorsque des changements se produisent, notamment, dans la demande de produits ou de services que l’entreprise entend mettre sur le marché.
- La procédure, qui sera applicable quel que soient le nombre de personnes travaillant dans l’entreprise et le nombre de travailleurs visés par la suspension, sera engagée par une communication à l’autorité du travail compétente et par l’ouverture simultanée d’une période de consultations avec les représentants légaux des travailleurs, dont la durée n’excédera pas quinze jours.
- L’autorité du travail transmettra la communication de l’entreprise à l’organisme de gestion des prestations de chômage et demandera un rapport obligatoire à l’Inspection du travail et de la sécurité sociale sur les points soulevés dans ladite communication et sur le déroulement de la période de consultations. Le rapport devra être établi dans un délai de quinze jours, non prorogeable, à compter de la notification à l’autorité du travail de la fin de la période de consultations et sera versé au dossier de la procédure.
- En l’absence de représentants légaux des travailleurs au sein de l’entreprise, ces derniers pourront se faire représenter par une commission désignée conformément aux dispositions de l’article 41.4.
- Si un accord est conclu à l’issue de la période de consultations, les causes justificatives mentionnées au paragraphe 1 seront réputées exister et l’accord ne pourra être contesté que devant la juridiction compétente, pour fraude, dol, contrainte ou abus de droit lors de la conclusion de cet accord.
- L’employeur et les représentants des travailleurs pourront décider à tout moment de substituer à la période de consultations la procédure de médiation ou d’arbitrage applicable dans le cadre de l’entreprise, laquelle devra se dérouler dans le délai maximal indiqué pour ladite période.
- Une fois achevée la période de consultations, l’employeur notifiera aux travailleurs et à l’autorité du travail sa décision concernant la suspension des contrats. L’autorité du travail communiquera à l’organisme de gestion des prestations de chômage cette décision qui produira ses effets dès cette date, sauf s’il y est indiqué une date postérieure.
- La décision de l’employeur pourra être contestée par l’autorité du travail à la demande de l’organisme de gestion des prestations de chômage, au motif que les travailleurs ont indûment reçu des prestations compte tenu de l’inexistence d’une cause établissant la situation juridique de chômage.
- Le travailleur pourra faire appel des décisions visées dans le présent paragraphe devant la juridiction sociale qui déclarera la mesure justifiée ou injustifiée. Dans ce dernier cas, le jugement ordonnera le rétablissement immédiat du contrat de travail et condamnera l’employeur au versement des salaires non perçus par le travailleur jusqu’à la date du rétablissement du contrat ou, le cas échéant, au paiement de la différence sur le montant reçu à titre de prestations de chômage pendant la période de suspension, sans préjudice de la restitution par l’employeur du montant de ces prestations à l’organisme de gestion de celles-ci. Lorsque la décision prise par l’employeur a des effets sur un nombre de travailleurs égal ou supérieur aux seuils fixés à l’article 51.1 de la présente loi, il pourra être formés un recours au titre de la procédure de règlement des conflits collectifs, sans préjudice de l’action engagée à titre individuel. Les procédures engagées à titre individuel seront suspendues jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours.
- 2. La durée du travail pourra être réduite pour des motifs économiques ou techniques, ou liés à l’organisation ou à la production, selon la procédure prévue dans le paragraphe précédent. A cet effet, on entendra par réduction de la durée du travail, une diminution de 10 à 70 pour cent du temps de travail calculée sur une base journalière, hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. Pendant la période de réduction de la durée du travail, l’accomplissement d’heures supplémentaires ne sera pas possible, sauf en cas de force majeure.
- 3. De même, le contrat de travail pourra être suspendu pour raison de force majeure conformément à la procédure établie à l’article 51.7 de la présente loi ainsi qu’au règlement d’application.
- 4. Pendant la période de suspension du contrat de travail ou de réduction de la durée du travail, on encouragera la tenue de cours de formation liés à l’activité professionnelle des travailleurs visés, dont l’objet sera d’améliorer la polyvalence et l’employabilité de ces derniers.
- Article 14. Négociation collective
- Un. Le paragraphe 3 de l’article 82 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, est rédigé en ces termes:
- 3. Les conventions collectives régies par la présente loi lient tous les employeurs et les travailleurs relevant de leur champ d’application, pendant toute leur période de validité.
- Sans préjudice de ce qui précède, lorsqu’il existe des motifs économiques, techniques ou liés à l’organisation ou à la production, sur la base d’un accord conclu entre l’entreprise et les représentants des travailleurs habilités à négocier un accord collectif conformément aux dispositions de l’article 87.1 et après la tenue de consultations conformément aux dispositions de l’article 41.4, on pourra cesser d’appliquer dans l’entreprise les conditions de travail prévues dans la convention collective en vigueur au niveau sectoriel ou de l’entreprise, en ce qui concerne les domaines suivants:
- a) durée du travail;
- b) horaire et répartition du temps de travail;
- c) régime du travail par équipes;
- d) système de rémunération et montant du salaire;
- e) régime de travail et rendement;
- f) fonctions, lorsque qu’elles dépassent le cadre prévu pour la mobilité fonctionnelle à l’article 39 de la loi;
- g) améliorations volontaires de l’action protectrice de la sécurité sociale.
- Des motifs économiques existent lorsqu’il ressort des résultats de l’entreprise une situation économique défavorable, dans le cas par exemple où celle-ci enregistre des pertes effectives ou en prévoit, ou que son niveau de revenus ordinaires ou ses ventes diminuent de manière constante. Dans tous les cas, on considérera que la diminution est constante si, durant deux trimestres consécutifs, le niveau des revenus ordinaires ou les ventes correspondant à chaque trimestre est inférieur à celui qui a été enregistré au même trimestre de l’année précédente.
- Des motifs techniques existent lorsque des changements se produisent, notamment, dans le domaine des moyens ou outils de production; des motifs liés à l’organisation existent lorsque des changements se produisent, notamment, dans les systèmes et méthodes de travail du personnel ou dans le mode d’organisation de la production; et des motifs liés à la production existent lorsque des changements se produisent, notamment, dans la demande de produits ou de services que l’entreprise entend mettre sur le marché.
- En l’absence de représentants légaux des travailleurs au sein de l’entreprise, ces derniers pourront se faire représenter par une commission désignée conformément aux dispositions de l’article 41.4.
- Si un accord est conclu à l’issue de la période de consultations, les causes justificatives mentionnées au paragraphe 2 seront réputées exister et l’accord ne pourra être contesté que devant la juridiction sociale, pour fraude, dol, contrainte ou abus de droit dans la conclusion de cet accord. Celui-ci devra déterminer avec exactitude les nouvelles conditions de travail applicables dans l’entreprise ainsi que leur durée d’application, laquelle ne pourra pas aller au-delà du moment où une nouvelle convention deviendra applicable à ladite entreprise. L’accord de non-application ne pourra pas donner lieu au non-respect des obligations conventionnelles relatives à l’élimination des discriminations fondées sur le sexe ou de celles qui sont visées, le cas échéant, dans le Plan pour l’égalité applicable dans l’entreprise. En outre, l’accord devra être notifié à la commission paritaire de la convention collective.
- En cas de désaccord pendant la période de consultations, l’une quelconque des parties pourra soumettre le différend à la commission de la convention, laquelle disposera pour se prononcer d’un délai maximal de sept jours à compter de sa saisine. Si l’intervention de la commission n’a pas été sollicitée ou que celle-ci n’est parvenue à aucun accord, les parties devront avoir recours aux procédures qui ont été établies dans les accords interprofessionnels conclus au niveau national ou au niveau de la communauté autonome, selon les dispositions de l’article 83 de la présente loi, pour résoudre de manière effective les différends survenus au cours de la négociation des accords auxquels fait référence le présent paragraphe, y compris l’engagement préalable de soumettre les différends à une procédure d’arbitrage contraignante, auquel cas la sentence arbitrale aura la même validité que les accords conclus durant la période de consultations et ne pourra être contestée que conformément à la procédure établie et sur la base des motifs mentionnés à l’article 91.
- Si aucun accord n’est conclu à l’issue de la période de consultations et que les procédures mentionnées à l’alinéa précédent ne sont pas applicables ou que celles-ci n’ont pas permis de résoudre le différend, l’une quelconque des parties pourra soumettre le règlement de celui-ci à la Commission consultative nationale des conventions collectives lorsque la non-application des conditions de travail a des effets sur des lieux de travail de l’entreprise situés sur le territoire de plus d’une communauté autonome, ou aux organes correspondants des communautés autonomes dans les autres cas. La décision de ces organes, qui pourront statuer eux-mêmes ou désigner à cette fin un arbitre en prenant toutes les garanties nécessaires pour s’assurer de l’impartialité de ce dernier, devra être rendue dans un délai n’excédant pas vingt-cinq jours à compter de la date de leur saisine. Cette décision aura la validité d’un accord conclu pendant la période de consultations et ne pourra être contestée que conformément à la procédure établie et sur la base des motifs mentionnés à l’article 91.
- Le résultat des procédures mentionnées aux alinéas précédents qui entraîne la non-application des conditions de travail devra être communiqué à l’autorité du travail aux seules fins de son enregistrement.
- Deux. Le paragraphe 1 de l’article 84 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, est rédigé en ces termes:
- 1. Pendant la période de validité d’une convention collective, les dispositions des accords ayant un champ d’application distinct de celui de la convention ne pourront pas avoir d’incidence sur celle-ci, sauf arrangement contraire négocié conformément aux dispositions du paragraphe 2 de l’article 83, et sous réserve de ce que prévoit le paragraphe suivant.
- Trois. Le paragraphe 2 de l’article 84 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, est rédigé en ces termes:
- 2. La réglementation des conditions établies dans un accord d’entreprise, qui peut être négocié à tout moment de la période d’application de conventions collectives de niveau supérieur, primera sur la convention sectorielle signée au niveau national, au niveau de la communauté autonome ou à un niveau inférieur dans les domaines suivants:
- a) le montant du salaire de base et de ses compléments, y compris de ceux qui sont liés à la situation et aux résultats de l’entreprise;
- b) le paiement ou la compensation des heures supplémentaires et la rémunération spécifique du travail par équipes;
- c) l’horaire et la répartition du temps de travail, le régime du travail par équipes et la planification annuelle des congés;
- d) l’adaptation au cadre de l’entreprise du système de classification professionnelle des travailleurs;
- e) l’adaptation des aspects des modes de recrutement qui sont attribués par la présente loi aux accords d’entreprise;
- f) les mesures visant à favoriser la conciliation de la vie professionnelle, familiale et personnelle;
- g) tout autre domaine prescrit par les conventions et accords collectifs auxquels fait référence l’article 83.2.
- Primeront également dans ces domaines les accords collectifs visant un groupe d’entreprises ou plusieurs entreprises qui sont liées entre elles pour des raisons d’organisation ou de production et sont identifiées nominativement, dont il est fait mention à l’article 87.1.
- Les conventions et accords collectifs auxquels fait référence l’article 83.2 ne bénéficieront pas de la primauté prévue au présent paragraphe.
- Quatre. Le paragraphe 3 de l’article 85 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, est rédigé en ces termes:
- 3. Sans préjudice de la liberté contractuelle à laquelle fait référence le paragraphe précédent, les conventions collectives doivent mentionner au moins les éléments suivants:
- a) les parties contractantes;
- b) le champ d’application, à savoir les personnes, les activités, la zone géographique et la période de temps qui sont visées;
- c) les procédures applicables pour le règlement effectif des différends qui peuvent surgir concernant la non-application des conditions de travail, dont il est fait mention à l’article 82.3; les procédures établies à ce sujet dans les accords interprofessionnels conclus au niveau national ou au niveau de la communauté autonome pourront, le cas échéant, être adaptées conformément aux dispositions dudit article;
- d) le mode et les conditions de dénonciation de la convention, ainsi que le délai minimal pour ladite dénonciation avant l’expiration de la période de validité de la convention;
- e) la désignation d’une commission paritaire de représentants des parties à la négociation, chargée d’examiner les questions prescrites par la loi et toutes autres questions qui lui sont soumises, ainsi que l’établissement des procédures et des délais dont dispose cette commission pour agir, y compris pour ce qui est de la soumission des différends surgissant en son sein aux systèmes extrajudiciaires de règlement des conflits qui ont été établis dans le cadre des accords interprofessionnels conclus au niveau national ou au niveau de la communauté autonome, conformément aux dispositions de l’article 83.
- […]
- Cinquième disposition additionnelle. Commission consultative nationale des conventions collectives
- La deuxième disposition finale du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, est rédigé en ces termes:
- Deuxième disposition finale. Commission consultative nationale des conventions collectives
- 1. La Commission consultative nationale des conventions collectives qui est un organe collégial relevant du ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale, tripartite et paritaire, et composé de représentants de l’administration générale de l’Etat ainsi que de représentants des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, remplira les fonctions suivantes:
- a) L’évaluation et le conseil dans le domaine professionnel couvert par les conventions collectives et concernant la convention collective applicable à une entreprise, ainsi que le conseil dans le cas de l’extension d’une convention collective, visé à l’article 92 de la présente loi.
- b) La recherche, l’information et l’élaboration d’une documentation sur la négociation collective, ainsi que la diffusion de celle-ci par l’intermédiaire de l’Observatoire de la négociation collective.
- c) L’intervention dans les procédures de règlement de différends survenus pendant la période de consultations concernant la non-application des conditions de travail qui sont établies dans les conventions collectives, conformément aux dispositions de l’article 82.3 de la présente loi.
- 2. Seront établies par voie réglementaire la composition et l’organisation de la Commission consultative nationale des conventions collectives, de même que les procédures de travail de la commission et les mesures de soutien à ses activités prises par la Direction générale de l’emploi du ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale.
- 3. Le fonctionnement et les décisions de la Commission consultative nationale des conventions collectives seront toujours sans préjudice des attributions conférées par la législation à la juridiction et à l’autorité du travail.
- Sixième disposition additionnelle. Mesures de soutien à la Commission consultative nationale des conventions collectives
- Pour accomplir les fonctions qui lui sont assignées par la présente loi, la Commission consultative nationale des conventions collectives, relevant de la Direction générale de l’emploi du ministère de l’Emploi et de la Sécurité sociale, sera soutenue dans ses activités par ladite direction, sans préjudice de ce que prévoient les règles d’application, après consultation des organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives.
- Article 2. Gratification du mois de décembre 2012 pour le personnel du secteur public
- 1. En 2012, le personnel du secteur public défini à l’article 22, paragraphe 1, de la loi no 2/2012 du 29 juin établissant le budget général de l’Etat, verra le montant des rémunérations qu’il perçoit au mois de décembre réduit en raison de la suppression de la gratification ainsi que de l’indemnité complémentaire spécifique ou des primes additionnelles équivalentes correspondant à ce mois.
- 2. Pour donner effet aux dispositions prévues au paragraphe précédent, les mesures ci-après seront adoptées:
- 2.1. Les fonctionnaires ne percevront pas, au mois de décembre, les montants mentionnés à l’article 22, paragraphe 5, alinéa 2, de la loi no 2/2012 du 29 juin établissant le budget général de l’Etat pour 2012, pour ce qui est du salaire et des primes triennales.
- Ils ne percevront pas non plus les montants correspondant au reste des indemnités qui comprend la gratification et l’indemnité complémentaire spécifique ou les primes additionnelles équivalentes pour le mois de décembre, chaque administration compétente pouvant dans ce cas décider que cette réduction sera répartie au prorata des salaires qui doivent être versés au cours du présent exercice à compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal.
- 2.2. Les travailleurs ne recevront ni paiement à titre de gratification spéciale à l’occasion des fêtes de Noël ni versement extraordinaire ou équivalent pour le mois de décembre 2012. Cette réduction concernera toutes les rémunérations qui font partie de ce paiement conformément aux conventions collectives applicables.
- Cette mesure sera appliquée directement sur la paie du mois de décembre 2012, sans préjudice de la possibilité d’une modification de la répartition définitive de la réduction dans les domaines correspondants par voie de négociation collective, et il pourra être décidé dans ce cas que cette réduction sera répartie au prorata des salaires qui doivent être versés au cours du présent exercice à compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal.
- La réduction des rémunérations établie au paragraphe 1 du présent article sera également applicable au personnel d’encadrement supérieur, au personnel au bénéfice d’un contrat commercial et au personnel non visé par une convention collective et dont l’activité n’est pas considérée comme une haute fonction.
- 3. La réduction de la rémunération prévue dans les paragraphes précédents sera aussi applicable au personnel des fondations du secteur public et des consortiums dans lesquels les administrations appartenant au secteur public ont une participation majoritaire, ainsi qu’au personnel de la Banque d’Espagne, au personnel de direction et autre personnel des mutuelles d’accidents du travail et des maladies professionnelles de la sécurité sociale et au personnel de leurs entités et centres associatifs.
- 4. Les montants dégagés par la suppression de la gratification et de l’indemnité complémentaire spécifique ou des primes additionnelles équivalentes, conformément aux dispositions du présent article, seront reportés sur les prochains exercices à titre de contributions à des plans de retraite ou à des contrats d’assurance collective qui prévoient la couverture de la retraite, sous réserve des dispositions de la loi organique no 2/2012 sur la stabilité budgétaire et la viabilité financière, dans les conditions et avec la portée qui sont déterminées dans les lois budgétaires correspondantes.
- 5. Dans les cas où le système de rémunération ne prévoit pas expressément le versement de gratifications ou qu’il en est versé plus de deux par an, on procédera à une réduction d’un quatorzième des rémunérations totales annuelles, primes de rendement non comprises. Cette réduction sera répartie au prorata des salaires qui doivent être versés au cours du présent exercice à compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal.
- 6. Les dispositions des paragraphes précédents ne seront pas applicables aux employés publics dont la rémunération à temps complet, primes de rendement non comprises, n’atteint pas sur une base annuelle une fois et demie le salaire minimal interprofessionnel fixé par le décret royal no 1888/2011 du 30 décembre.
- 7. Le présent article revêt un caractère fondamental étant établi en vertu des dispositions des articles 149.1.13 ª et 156.1 de la Constitution.
- Article 3. Gratification et indemnité supplémentaire ou prime équivalente pour le mois de décembre 2012 pour le personnel du secteur public de l’Etat
- 1. Conformément aux dispositions de l’article 2 du présent décret-loi royal, les fonctionnaires, le personnel statutaire et les membres du corps judiciaire et du ministère public visés aux articles 26, 28, 29, 30, 31, paragraphes 1 et 2, 32 et 35 de la loi no 2/2012 du 29 juin établissant le budget général de l’Etat pour 2012, ne percevront au mois de décembre 2012 aucun montant à titre de gratification ni, le cas échéant, d’indemnité complémentaire spécifique ou prime équivalente.
- 2. Il sera appliqué au personnel du secteur public de l’Etat visé par l’article 27 de la loi no 2/2012 les dispositions de l’article 2, paragraphe 2.2, du présent décret-loi royal.
- 3. Pour le personnel visé à l’article 31, paragraphe 2, de la loi no 2/2012, les dispositions de l’article 2 du présent décret-loi royal seront mises en application conformément aux dispositions de la loi organique du pouvoir judiciaire, en ce qui concerne les salaires et les primes triennales, déduction faite d’un quatorzième du montant annuel correspondant à ces rémunérations, cette déduction étant répartie au prorata des mensualités ordinaires et extraordinaires qui doivent être versées au cours du présent exercice à compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal.
- Ce personnel ne percevra pas non plus, au mois de décembre, les montants figurant dans l’annexe XI de la loi no 39/2010 du 22 décembre établissant le budget général de l’Etat pour 2011, ni ceux qui correspondent audit mois de décembre dans le deuxième paragraphe de l’Accord du Conseil des ministres du 8 mai 2009, publié dans l’ordonnance no 1230/2009 du 18 mai du ministère de la Présidence.
- Au personnel mentionné à l’article 31, paragraphe 4, seront appliquées les réductions prévues dans le présent article en accord avec la réglementation qui leur est applicable.
- 4. Aux membres du pouvoir judiciaire et du ministère public auxquels fait référence l’article 31, paragraphe 5, de la loi no 2/2012, en application des dispositions de l’article 2 du présent décret-loi royal, sera appliquée une réduction d’un quatorzième sur les rémunérations totales annuelles qui figurent dans ledit article, y compris le paiement correspondant au mois de décembre mentionné dans l’annexe X de la loi no 39/2010 du 22 décembre établissant le budget général de l’Etat pour 2011.
- 5. La réduction mentionnée sera répartie au prorata des salaires qui doivent être versés au cours du présent exercice à compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal.
- 6. Les dispositions des paragraphes précédents ne seront pas applicables aux employés publics dont la rémunération à temps complet, primes de rendement non comprises, n’atteint pas, sur une base annuelle, une fois et demie le salaire minimal interprofessionnel fixé par le décret royal no 1888/2011 du 30 décembre.
- […]
- Article 6. Application de l’article 31 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, au personnel du secteur public
- Durant l’année 2012, le personnel du secteur public ne percevra pas la gratification spéciale à l’occasion des fêtes de Noël prévue à l’article 31 du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, approuvé par le décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars, sans préjudice des dispositions de l’article 2, paragraphe 2.2, du présent décret-loi royal.
- Article 7. Modification de l’article 32 de la loi no 7/2007 du 12 avril sur le statut de base de l’employé public
- Il est ajouté un deuxième paragraphe à l’article 32 de la loi no 7/2007 du 12 avril sur le statut de base de l’employé public, lequel est rédigé en ces termes:
- Article 32. Négociation collective, représentation et participation des travailleurs
- […]
- 2. L’application des conventions collectives et des accords qui concernent les travailleurs est garantie, sauf lorsque, dans des cas exceptionnels et pour des causes graves concernant l’intérêt public et résultant d’une altération substantielle de la situation économique, les organes dirigeants des administrations publiques suspendent ou modifient la mise en œuvre des conventions collectives ou des accords déjà signés, dans la mesure strictement nécessaire pour sauvegarder l’intérêt public.
- Dans ce cas, les administrations publiques devront informer les organisations syndicales des causes de la suspension ou de la modification.
- Article 8. Modification des articles 48 et 50 de la loi no 7/2007 du 12 avril sur le statut de base de l’employé public et mesures concernant les jours supplémentaires
- […]
- Deux. Est modifié l’article 50 de la loi no 7/2007 du 12 avril sur le statut de base de l’employé public, lequel est rédigé en ces termes:
- Article 50. Congés des fonctionnaires publics
- Les fonctionnaires publics auront le droit, pendant chaque année calendaire, de bénéficier de congés payés correspondant à vingt-deux jours ouvrables ou au nombre de jours proportionnel au temps de service si celui-ci a été d’une durée inférieure à un an.
- Aux fins des dispositions du présent article, les samedis ne seront pas considérés comme des jours ouvrables, sans préjudice des arrangements pris pour les horaires spéciaux.
- Trois. A compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal, sont suspendus et sans effet les accords, arrangements et conventions concernant les fonctionnaires et les travailleurs, signés par les administrations publiques et les organismes et entités liés à celles-ci ou relevant de celles-ci, qui ne concordent pas avec les dispositions du présent article, en particulier s’agissant de l’autorisation de congé pour affaires personnelles, des vacances et des jours supplémentaires à ceux qui sont libres ou de nature similaire.
- Article 9. Prestation financière en cas d’incapacité temporaire du personnel au service des administrations publiques, des organismes et entités dépendants de celles-ci et des organes constitutionnels
- 1. La prestation financière en cas d’incapacité temporaire du personnel au service des administrations publiques et des organes constitutionnels sera régie par les dispositions du présent article.
- 2. Chaque administration publique, dans le cadre de ses compétences respectives, pourra compléter les prestations que perçoivent les fonctionnaires affiliés au régime général de la sécurité sociale et le personnel à son service en cas d’incapacité temporaire, sous réserve des limites suivantes:
- 1) Lorsque l’incapacité temporaire résulte de risques ordinaires, pendant les trois premiers jours, il pourra être accordé un complément de rémunération s’élevant au maximum à 50 pour cent des rémunérations qui sont perçues au cours du mois ayant précédé celui de la survenue de l’incapacité. Du quatrième au vingtième jour inclus, le montant complémentaire à la prestation financière accordée par la sécurité sociale devra être tel que, en aucun cas, la somme des deux montants n’excède 75 pour cent des rémunérations auxquelles avait droit l’intéressé pour le mois ayant précédé celui de la survenue de l’incapacité. Du vingt-et-unième au quatre-vingt-dixième jour inclus, il pourra être accordé la totalité des rémunérations de base, de la prestation pour enfant à charge, le cas échéant, et des indemnités complémentaires.
- 2) Lorsque l’incapacité temporaire résulte de risques professionnels, la prestation accordée par la sécurité sociale pourra être complétée, dès le premier jour, jusqu’à 100 pour cent au maximum des rémunérations auxquelles avait droit l’intéressé pour le mois ayant précédé celui de la survenue de l’incapacité.
- 3. Les personnes qui sont affiliées aux régimes spéciaux de sécurité sociale du système de mutuelle de fonctionnaires et qui se trouvent en situation d’incapacité temporaire résultant de risques ordinaires percevront 50 pour cent des rémunérations de base et complémentaires, ainsi que de la prestation pour enfant à charge, le cas échéant, du premier au troisième jour d’incapacité temporaire, sur la base des rémunérations qu’elles percevaient pour le mois ayant précédé immédiatement celui de la survenue de l’incapacité. Du quatrième au vingtième jour inclus, les intéressés percevront 75 pour cent des rémunérations de base et indemnités complémentaires, ainsi que de la prestation pour enfant à charge, le cas échéant. Du vingtième au quatre-vingt-dixième jour inclus, ils percevront la totalité des rémunérations de base, de la prestation pour enfant à charge, le cas échéant, et des indemnités complémentaires. Lorsque la situation d’incapacité temporaire résulte de risques professionnels, la rémunération à percevoir pourra être complétée, dès le premier jour, jusqu’à 100 pour cent au maximum des rémunérations auxquelles avaient droit les intéressés pour le mois ayant précédé celui de la survenue de l’incapacité.
- A partir du quatre-vingt-onzième jour, le subside prévu par chaque régime spécial sera appliqué conformément au règlement de ce dernier.
- 4. Les membres du corps judiciaire et du ministère public, du corps des greffiers, ainsi que les fonctionnaires des corps de métier au service de l’administration de la justice visés par la loi organique du pouvoir judiciaire, qui se trouvent en situation d’incapacité temporaire résultant de risques ordinaires, percevront 50 pour cent des rémunérations de base et indemnités complémentaires, ainsi que de la prestation pour enfant à charge, le cas échéant, du premier au troisième jour d’incapacité temporaire, sur la base des rémunérations qu’ils percevaient pour le mois ayant précédé immédiatement celui de la survenue de l’incapacité. Du quatrième au vingtième jour inclus, les intéressés percevront 75 pour cent des rémunérations de base et indemnités complémentaires, comme de la prestation pour enfant à charge, le cas échéant. Du vingt-et-unième au quatre-vingt-dixième jour inclus, ils percevront la totalité des rémunérations de base, de la prestation pour enfant à charge, le cas échéant, et des indemnités complémentaires.
- Lorsque l’incapacité temporaire résulte de risques professionnels, la rémunération à percevoir pourra être complétée, dès le premier jour, jusqu’à atteindre au maximum les rémunérations auxquelles avaient droit les intéressés pour le mois ayant précédé celui de la survenue de l’incapacité.
- A partir du quatre-vingt-onzième jour, le subside prévu au paragraphe 1.B) de l’article 20 du décret-loi royal no 3/2000 du 23 juin sera appliqué.
- 5. Chaque administration publique pourra déterminer, à l’égard des membres de son personnel, les cas dans lesquels elle accordera, à titre exceptionnel et pour un motif dûment justifié, un complément pouvant atteindre au maximum 100 pour cent des rémunérations dont ils bénéficient en tout temps. A cet effet, seront réputés dûment justifiés en toute circonstance les cas d’hospitalisation et d’intervention chirurgicale.
- En aucun cas, les personnes affiliées aux régimes spéciaux de sécurité sociale du système de mutuelles de fonctionnaires, en situation d’incapacité temporaire résultant de risques ordinaires, ne pourront percevoir un montant inférieur à celui auquel ont droit les fonctionnaires affiliés au régime général de la sécurité sociale, y compris, le cas échéant pour ce qui est des indemnités complémentaires dont ces derniers bénéficient.
- 6. Dans le présent article, on entendra par «jour» un jour calendaire.
- 7. Par ailleurs, sont suspendus les accords, arrangements et conventions en vigueur qui sont contraires aux dispositions du présent article.
- Article 10. Réduction des crédits d’heures et des congés pour activités syndicales
- 1. Dans les administrations publiques ainsi que dans les organismes, entités, universités, fondations et sociétés qui en dépendent, à compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal, tous les droits syndicaux qui, sous ce titre spécifique ou toute autre dénomination, sont prévus dans les accords concernant les fonctionnaires et le personnel statutaire ou dans les conventions collectives et les accords concernant les travailleurs qui ont été signés avec des représentants syndicaux ou des organisations syndicales, et dont le contenu va au-delà des dispositions du décret-loi royal no 1/1995 du 24 mars portant approbation du texte consolidé de la loi portant statut des travailleurs, des dispositions de la loi organique no 11/1985 du 2 août sur la liberté syndicale et des dispositions de la loi no 7/2007 du 12 avril sur le statut de base de l’employé public, qui se rapportent au temps rémunéré consacré à l’exercice de fonctions syndicales et de représentation, à la nomination des délégués syndicaux, ainsi qu’aux dispenses totales de présence au travail et autres droits syndicaux, devront être mis en stricte conformité avec les dispositions desdites lois.
- A compter de l’entrée en vigueur du présent décret-loi royal, deviendront donc caducs et cesseront de produire leurs effets tous les arrangements, accords et conventions collectives qui auront pu être signés en la matière et dont les dispositions vont au-delà de la teneur des lois susmentionnées.
- Ce qui précède est sans préjudice des accords qui, dans le cadre exclusif des réunions générales de négociation, peuvent être conclus, par la suite, pour ce qui est de la modification de l’obligation de présence au travail des représentants syndicaux ou de la réglementation de cette présence, afin que ceux-ci puissent assumer d’une manière rationnelle leurs fonctions de représentation et de négociation ou exercer de façon appropriée leurs autres droits syndicaux.
- 2. Les dispositions du présent article entreront en application le 1er octobre 2012.