Allégations: Refus d’enregistrer un syndicat de travailleurs du secteur des
transports, licenciement de centaines de travailleurs à la suite de ce refus et existence
d’un syndicat contrôlé par l’entreprise
- 407. La plainte figure dans une communication de la Confédération des
travailleurs de la République du Panama (CTRP) de septembre 2013.
- 408. Le gouvernement a transmis ses observations dans une communication
en date du 10 mars 2014.
- 409. Le Panama a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale
et la protection du droit syndical, 1948, et la convention (no 98) sur le droit
d’organisation et de négociation collective, 1949.
A. Allégations de l’organisation plaignante
A. Allégations de l’organisation plaignante- 410. Dans une communication de septembre 2013, la Confédération des
travailleurs de la République du Panama (CTRP) allègue que la ministre du Travail et du
Développement professionnel a refusé d’enregistrer la personnalité juridique du Syndicat
des travailleurs des transports collectifs et individuels de Panama (SITTRACOSEP) et
que, le jour suivant ce refus, plus de 400 travailleurs de l’entreprise Transporte
Masivo de Panamá S.A. («MiBus» ), qui soutenaient la constitution du syndicat, ont été
licenciés.
- 411. L’organisation plaignante allègue par ailleurs que, au sein de la
société en question, il existe un syndicat d’entreprise contrôlé par celle-ci. Elle
joint le texte du 9 janvier 2013 portant décision de la ministre de ne pas faire droit à
la demande d’enregistrement de la personnalité juridique du SITTRACOSEP. L’organisation
plaignante allègue que ces faits constituent une violation des conventions nos 87 et 98
de l’OIT.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 412. Dans une communication en date du 10 mars 2014, le gouvernement
déclare que la personnalité juridique a été refusée au Syndicat des travailleurs des
transports collectifs et individuels de Panama (SITTRACOSEP) non pas en application
d’une politique du travail préétablie, mais au motif que les documents accompagnant la
demande d’enregistrement de la personne morale en cours de constitution présentaient des
incohérences qui n’avaient pas lieu d’être au regard d’un acte de cette importance.
- 413. Le gouvernement explique que, le 4 janvier 2014, le Département des
organisations sociales de la Direction générale du travail a reçu une demande
d’enregistrement de la personnalité juridique concernant l’organisation
susmentionnée.
- 414. A l’examen des documents fournis, le département a observé que le
syndicat en cours de constitution était composé de travailleurs de l’entreprise
Transporte Masivo de Panamá S.A. et de travailleurs indépendants du secteur des
transports individuels, ce qui le met dans l’impossibilité de donner suite à la
procédure au motif que le système juridique ne permet pas la coexistence de deux
syndicats d’entreprise au sein d’une même société, comme l’établit l’article 346 du Code
du travail; et il n’est pas possible non plus de considérer l’organisation comme un
syndicat de branche puisque le groupe de travailleurs qui souhaite la créer ne travaille
pas dans deux entreprises au moins. Lorsque le Département des organisations sociales
s’est rendu compte que les membres fondateurs de l’organisation étaient pour la plupart
des travailleurs de la société en question, les autres étant des transporteurs
indépendants, il a noté que la demande avait trait à la constitution d’une organisation
de type «syndicat de branche» alors que, selon l’article 342, alinéa 3, du Code du
travail, les syndicats de travailleurs sont: … 3) des syndicats de branche, quand ils
sont constitués par des personnes appartenant à différents corps de métiers, professions
ou spécialités qui fournissent leurs services à deux entreprises au moins de la même
catégorie.
- 415. Le syndicat en cours de constitution a seulement indiqué qu’une
partie de ses affiliés travaillaient pour une seule entreprise et que tous les autres
étaient indépendants.
- 416. Par ailleurs, si on considère que la demande d’enregistrement de la
personnalité juridique concerne un syndicat d’entreprise, on observe que le comité
exécutif provisoire du syndicat en cours de constitution est composé exclusivement de
travailleurs de la société anonyme Transporte Masivo de Panamá S.A., laquelle compte
déjà actuellement un syndicat d’entreprise. En outre, il n’est pas possible de
déterminer qui sont les travailleurs du secteur des transports individuels et/ou
indépendants; par conséquent, il a été estimé, avant examen des documents, que le
syndicat de branche en cours de constitution était destiné à remplir les fonctions de
syndicat d’entreprise.
- 417. Or le gouvernement réitère que, si l’organisation visée est
considérée comme un syndicat d’entreprise, le ministère ne peut pas permettre à deux
syndicats de même nature de coexister au sein de la même entreprise, conformément aux
dispositions de l’article 346 du Code du travail:
Note no DM.217.2014
- Article 346. Au sein d’une même
entreprise, il ne peut pas exister plus d’un seul syndicat d’entreprise. Les
syndicats qui, à l’entrée en vigueur du présent code, se trouveraient en situation
de coexistence, disposeront d’un délai d’un an pour fusionner. Une fois passé ce
délai, si cette fusion n’a pas eu lieu, le gouvernement se fondera sur ce motif pour
procéder à la dissolution du syndicat dont le nombre d’affiliés est le plus
faible.
- 418. Après analyse de la demande, il a pu être vérifié que le but
recherché ne pouvait pas être la constitution d’un syndicat de branche puisqu’il n’était
pas possible de déterminer les deux entreprises desquelles faisait partie le groupe de
travailleurs, et qu’il s’agissait encore moins de constituer un syndicat d’entreprise
puisqu’il en existait déjà un. Pour ces motifs, le ministère du Travail et du
Développement professionnel ne peut pas faire droit à la demande étant donné qu’il n’est
pas satisfait aux conditions prévues à l’article 342 du Code du travail permettant de
déterminer le type de syndicat à constituer.
- 419. Le gouvernement signale que les dispositions du Code du travail
traitant de la constitution des syndicats, en particulier l’article 346 qui prévoit
l’interdiction de la coexistence de plusieurs syndicats d’entreprise au sein d’une même
société, ont fait l’objet d’«observations» de la part des organes de contrôle de l’OIT
qui veillent notamment à l’application de la convention no 87 en matière de liberté
syndicale, comme la Commission d’experts pour l’application des conventions et
recommandations (CEACR), la Commission de l’application des normes de la Conférence
internationale du Travail et le Comité de la liberté syndicale.
- 420. Pour cette raison, la Commission de l’Accord tripartite de Panama,
également dénommée «Commission de mise en conformité» (créée dans le cadre du dialogue
social instauré par l’Accord tripartite de Panama, signé le 1er février 2012), a inscrit
cette question dans la liste des observations des organes de contrôle de l’OIT qui
seront examinées dans le cadre du dialogue social engagé au sein de la commission afin
de réaliser, grâce à la recherche de solutions consensuelles, la mise en conformité de
la législation nationale du travail avec les dispositions de la convention no 87. Il
convient de souligner que la Commission de l’Accord tripartite de Panama est la
commission du dialogue social qui est chargée d’établir des avant-projets de lois et des
solutions de compromis visant à mettre en conformité la législation nationale avec les
dispositions des conventions nos 87 et 98, en accord avec les indications données par
les organes de l’OIT chargés de contrôler l’application des conventions de l’OIT. Si les
parties en conviennent, le mandat de la commission pourra être prorogé aux fins de
l’harmonisation d’autres conventions de l’OIT que le Panama a ratifiées et qui posent
des problèmes d’application dans le cadre de la législation nationale.
- 421. Le gouvernement indique que, conscient de l’importance du dialogue
social dans la recherche de solutions aux problèmes d’application des conventions nos 87
et 98 de l’OIT, il a jugé utile de transmettre ce cas, le 10 février 2014, à la
Commission de traitement rapide des plaintes relatives à la liberté syndicale et à la
négociation collective (également dénommée «Commission des plaintes») afin qu’il soit
examiné dans un cadre tripartite en vue de la recherche de solutions et d’accords
consensuels.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 422. Le comité observe, dans le présent cas, que l’organisation
plaignante allègue le refus d’enregistrer la personnalité juridique du Syndicat des
travailleurs des transports collectifs et individuels de Panama (SITTRACOSEP), le
9 janvier 2013, ainsi que le licenciement de plus de 400 travailleurs de l’entreprise
MiBus, le jour suivant cette décision administrative. Par ailleurs, l’organisation
plaignante allègue que, dans la société susmentionnée, il existe un syndicat
d’entreprise contrôlé par celle-ci. Le comité note que le gouvernement invoque, comme
fondement juridique du refus d’enregistrer le syndicat en cours de constitution, le fait
que celui-ci ne rassemble pas les travailleurs de deux entreprises au moins (syndicats
de branche) et/ou qu’il existe déjà un syndicat d’entreprise et que, par conséquent, il
n’est pas possible d’en enregistrer un autre selon les articles 342 et 346 du Code du
travail.
- 423. Le comité prend note du fait que, comme le rappelle le gouvernement,
le présent cas porte sur des dispositions du Code du travail relatives à la constitution
de syndicats, au sujet desquelles la Commission d’experts pour l’application des
conventions et recommandations et le Comité de la liberté syndicale ont émis des
objections, et que ces questions seront examinées par la Commission (tripartite) de mise
en conformité en vue de la recherche de solutions consensuelles. Le comité note que
c’est la raison pour laquelle le gouvernement, qui a exprimé sa volonté de mettre en
conformité la législation avec les conventions nos 87 et 98 de l’OIT, a également soumis
ce cas à la Commission de traitement rapide des plaintes relatives à la liberté
syndicale et à la négociation collective afin qu’il soit examiné dans un cadre de
dialogue tripartite en vue de la recherche de solutions et d’accords consensuels.
- 424. Le comité rappelle que tous les travailleurs, sans distinction
d’aucune sorte, y compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le
droit de constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, et que le libre
exercice du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre
détermination de la structure et de la composition de ces syndicats. [Voir Recueil de
décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006,
paragr. 216 et 333.] Le comité exprime le ferme espoir que la Commission des plaintes
pourra trouver des solutions satisfaisantes pour le syndicat en cours de constitution,
le SITTRACOSEP, et que celles-ci permettront de surmonter les problèmes législatifs se
rapportant à la constitution d’organisations syndicales, mentionnés par le gouvernement
dans sa réponse, dont la conséquence est l’impossibilité de constituer légalement un
syndicat d’entreprise quand il en existe déjà un et l’impossibilité de constituer un
syndicat de branche rassemblant les travailleurs d’une entreprise et des travailleurs
indépendants.
- 425. Le comité regrette que le gouvernement n’ait pas communiqué ses
observations sur les allégations relatives au licenciement de plus de 400 travailleurs
le jour suivant le refus d’enregistrer le syndicat en cours de constitution ni sur
l’allégation selon laquelle il existe dans la société visée un syndicat d’entreprise
contrôlé par celle-ci. Le comité prie instamment le gouvernement de diligenter sans
délai une nouvelle enquête visant à obtenir des renseignements sur l’entreprise par
l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs concernée et, au cas où ces allégations
seraient fondées, de prendre les mesures propres à remédier à cette situation et de le
tenir informé à cet égard.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 426. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite
le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le
comité rappelle que tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, y
compris sans discrimination tenant à l’occupation, devraient avoir le droit de
constituer les organisations de leur choix et de s’y affilier, et que le libre
exercice du droit de constituer des syndicats et de s’y affilier implique la libre
détermination de la structure et de la composition de ces syndicats. Le comité
exprime le ferme espoir que la Commission des plaintes pourra trouver des solutions
satisfaisantes pour le syndicat en cours de constitution, le SITTRACOSEP, et que
celles-ci permettront de surmonter les problèmes législatifs se rapportant à la
constitution d’organisations syndicales, mentionnés par le gouvernement dans sa
réponse, dont la conséquence est l’impossibilité de constituer légalement un
syndicat d’entreprise quand il en existe déjà un et l’impossibilité de constituer un
syndicat de branche rassemblant les travailleurs d’une entreprise et des
travailleurs indépendants.
- b) Le comité regrette que le gouvernement n’ait
pas communiqué ses observations sur les allégations relatives au licenciement de
plus de 400 travailleurs le jour suivant le refus d’enregistrer le syndicat en cours
de constitution ni sur l’allégation selon laquelle il existe dans la société visée
un syndicat d’entreprise contrôlé par celle-ci. Le comité prie instamment le
gouvernement de diligenter sans délai une nouvelle enquête visant à obtenir des
renseignements sur l’entreprise par l’intermédiaire de l’organisation d’employeurs
concernée et, au cas où ces allégations seraient fondées, de prendre les mesures
propres à remédier à cette situation et de le tenir informé à cet
égard.