Allégations: Les organisations plaignantes allèguent que, dans le cadre de processus de restructuration, plusieurs entités publiques ont commis des actes de discrimination antisyndicale et violé le droit de négociation collective en vue de provoquer la dissolution de plusieurs organisations syndicales. Les allégations portent également sur la déclaration de l’illégalité d’un arrêt de travail
- 194. La plainte figure dans une communication en date du 16 mai 2014, présentée par la Centrale unitaire des travailleurs de Colombie (CUT) et ses organisations affiliées: le Syndicat national des travailleurs de la sécurité sociale (Sintraseguridad Social), l’Association nationale des travailleurs du secteur hospitalier de la Colombie (ANTHOC) – section syndicale Cauca et sous-direction de la municipalité de Popayán, et le Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie (SINTRAELECOL – sous-direction Bolívar). La CUT et l’ANTHOC ont fait parvenir de nouvelles allégations dans une communication en date du 10 juin 2015.
- 195. Le gouvernement a fait parvenir ses observations dans des communications en date des 22 mai et 19 octobre 2015, et des 8 mars et 12 août 2016.
- 196. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Allégations des organisations plaignantes
A. Allégations des organisations plaignantes- 197. Dans sa communication en date du 16 mai 2014, la CUT et ses quatre organisations syndicales affiliées, Sintraseguridad Social, ANTHOC – section syndicale Cauca, ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán, et SINTRAELECOL – sous-direction Bolívar, allèguent que, dans le cadre de processus de restructuration et de privatisations, plusieurs entités publiques ont commis des actes de discrimination antisyndicale et violé le droit de négociation collective, en vue de provoquer la dissolution des quatre organisations syndicales affiliées à la CUT.
- 198. Les organisations plaignantes déclarent que leur plainte comporte quatre cas qui portent sur le même sujet. Elles indiquent que, bien qu’il existe des institutions créées pour garantir le respect du droit d’organisation, lesdits organes: i) n’exigent pas des entreprises publiques, en cas de restructuration, de liquidation ou de privatisation, qu’elles consultent au préalable les organisations syndicales concernées car ces organes préfèrent agir par décrets ou par arrêtés ministériels; ii) ne répondent pas de manière rapide et effective aux demandes, plaintes, requêtes et autres actions relatives à la protection de la stabilité de l’emploi renforcée des travailleurs en raison de leur immunité syndicale ni aux actes de discrimination antisyndicale prenant pour cible, de manière flagrante et exclusive, les travailleurs syndiqués; et iii) ne sont pas dotés de mécanismes efficaces permettant aux travailleurs concernés d’exiger le paiement non effectué de leurs indemnités légales et conventionnelles, tels que le paiement des salaires non perçus pour dégradation des conditions de travail ou licenciements ou encore les indemnités pour licenciements abusifs.
Premier cas: Sintraseguridad Social
- 199. Le premier cas concerne Sintraseguridad Social, organisation syndicale qui affilie des travailleurs de l’Institut de la sécurité sociale (ci-après dénommé «l’institut»), créé en 1946 et actuellement en cours de liquidation. Selon les organisations plaignantes, l’institut a été scindé, par le décret-loi no 1750, du 26 juin 2003, qui a créé, en remplacement de l’institut, plusieurs entreprises sociales de l’Etat, entre autres l’entreprise Antonio Nariño (ci-après dénommée «l’entreprise»). Elles indiquent que, au moment de la scission de l’institut, plus de 75 pour cent des travailleurs étaient membres des organisations syndicales et plus de 600 dirigeants syndicaux jouissaient de l’immunité syndicale. Elles allèguent également qu’aucune organisation syndicale n’a été consultée en ce qui concerne la restructuration et que, même si la scission de l’institut s’inscrit dans une politique de privatisation généralisée des entreprises publiques, les différentes décisions de transfert de dirigeants syndicaux jouissant de l’immunité et de travailleurs membres du syndicat Sintraseguridad Social ont servi une politique qui cherche à affaiblir ladite organisation syndicale ou à la faire disparaître, surtout si on considère que jamais aucune négociation n’a été menée avec l’organisation et qu’elle n’a pas non plus été consultée.
- 200. Selon les déclarations des organisations plaignantes: i) suite à la scission de l’institut, les travailleurs ont été réaffectés dans les différentes entreprises sociales de l’Etat qui avaient été créées; ii) par la décision no 1488, du 25 juin 2003, le président de l’institut a ordonné la mutation de 465 dirigeants syndicaux jouissant de l’immunité syndicale dans différents services, ce qui a impliqué pour eux une détérioration de leurs conditions de travail; iii) le 18 juillet 2003, par la décision no 1731, la décision no 1488 a été abrogée, livrant les travailleurs mutés à un vide juridique, vu que cette décision n’ordonnait pas la réintégration dans les anciens postes de travail à l’institut; et iv) le 25 juillet 2003, plusieurs décisions ont été émises, par lesquelles ces travailleurs ont été de nouveau mutés et réaffectés dans différentes entités, ce qui a perpétué la détérioration de leurs conditions de travail.
- 201. Les organisations plaignantes déclarent que, le 27 janvier 2005, suite à un recours en tutelle interjeté par des dirigeants syndicaux, la Cour constitutionnelle a rendu le jugement no T 041 ordonnant la réintégration automatique des travailleurs dans l’entreprise. Selon les indications des organisations plaignantes, l’entreprise n’a pas appliqué l’ordonnance, et les travailleurs n’ont pas eu d’autre choix que de continuer à travailler dans les entités où ils avaient été mutés auparavant et de continuer à supporter les dégradations de leurs conditions de travail. Enfin, par la décision no 1814, du 20 septembre 2006, l’institut a décidé de détacher les travailleurs des entités dans lesquelles ils avaient été mutés et ordonné leur réintégration dans l’entreprise, appelant les travailleurs à se présenter à leurs postes de travail à partir du 25 septembre 2006.
- 202. Les organisations plaignantes déclarent que, face à cette situation, au cours des mois de septembre et décembre 2006, une requête a été présentée au directeur de l’entreprise pour souligner la nécessité de garantir la stabilité de l’emploi, l’immunité syndicale ainsi que les salaires et indemnités légales et conventionnelles des travailleurs. A cet égard, les organisations plaignantes déclarent que l’institut a ordonné, dans une note adressée aux vigiles des différentes entités de l’institut scindé, d’empêcher les travailleurs d’accéder à leurs postes de travail, raison pour laquelle ceux-ci n’ont pas pu se présenter à leurs postes de travail dans les différentes entités de l’institut scindé et n’ont eu d’autre choix que de retourner se présenter dans l’entreprise pour assumer leurs nouveaux postes de travail. Mais là, l’accès leur a été refusé, sous prétexte qu’une procédure disciplinaire avait été engagée contre eux pour abandon présumé de leurs fonctions. Elles affirment que cela a entraîné le licenciement des travailleurs, vu qu’ils ne pouvaient ni réintégrer leurs anciens postes de travail, suite au changement d’affectation ni intégrer leurs nouveaux postes de travail, à cause de la procédure disciplinaire. Enfin, elles signalent que, par le décret no 3870, du 3 octobre 2008, le gouvernement a ordonné la suppression et la liquidation de l’entreprise, et ladite liquidation a été ordonnée sans que les travailleurs n’aient été autorisés à assumer leurs nouvelles fonctions et sans qu’ils aient la possibilité de retourner à leurs anciennes fonctions dans les entités de l’institut scindé. Selon les organisations plaignantes, de tous les travailleurs jouissant de l’immunité syndicale qui ont été licenciés en 2006 de l’institut, de manière illégale, et qui n’ont pas eu l’autorisation d’intégrer l’entreprise, seuls quelques dirigeants syndicaux ont obtenu leur réintégration suite à des décisions de justice.
Deuxième cas: ANTHOC – section syndicale Cauca
- 203. Les organisations plaignantes déclarent que, par différents décrets émis le 9 avril 2007, la Direction départementale de la santé du Cauca (ci-après dénommée «la direction») a été supprimée et mise en liquidation pour créer diverses entreprises sociales de l’Etat en tant qu’entités décentralisées rattachées au Secrétariat départemental de la santé. Elles soutiennent que, au moment de la procédure de liquidation, la direction comptait plus de 3 000 travailleurs, entre les fonctionnaires de carrière, les intérimaires et les travailleurs administratifs, dont près de 1 300 étaient affiliés à l’ANTHOC – section syndicale Cauca, dont 66 directeurs syndicaux jouissant de l’immunité. Selon les allégations des organisations plaignantes, ni l’ANTHOC – section syndicale Cauca, organisation syndicale qui affilie des travailleurs du secteur de la santé du département du Cauca, ni aucune autre organisation syndicale concernée n’a été consultée au sujet de la suppression de la direction et de sa mise en liquidation. Elles indiquent également que, face à la liquidation imminente, l’ANTHOC – section syndicale Cauca a cherché à obtenir une négociation collective qui accorderait un minimum de garanties légales et conventionnelles aux travailleurs dans cette procédure, garanties pour lesquelles un accord a été signé. La direction ne l’a pas respecté et a licencié tous les travailleurs sans respecter les dispositions convenues. Selon les organisations plaignantes, la procédure de mise en liquidation obéit à une politique qui vise à affaiblir puis dissoudre l’organisation syndicale, surtout si on considère que, bien que des accords aient été établis, ils n’ont jamais été appliqués.
- 204. Selon les organisations plaignantes, en décembre 2007, la direction mise en liquidation a informé les travailleurs de la suppression de leurs postes respectifs et, bien que des autorisations judiciaires aient été demandées pour les licenciements des travailleurs jouissant de l’immunité, les licenciements ont eu lieu sans attendre la décision judiciaire, raison pour laquelle les juges ont clos les procédures pour absence d’objet. Elles indiquent également que, le 12 février 2008, les travailleurs jouissant de l’immunité syndicale ont demandé l’épuisement d’une plainte administrative déposée devant la direction. Selon les organisations plaignantes, alors qu’au cours de la procédure de mise en liquidation une indemnisation pour suppression de fonctions a été reconnue pour tous les fonctionnaires de la carrière administrative, cette indemnisation a été refusée aux employés de la fonction publique intérimaires, et ce alors que certains comptaient plus de trente années de service. Les employés intérimaires, discriminés de manière injustifiée, ont déposé une plainte administrative devant le ministère du Travail. N’ayant reçu aucune réponse, ils ont entamé une action en annulation contre les plaintes administratives, qui a été classée.
Troisième cas: ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán
- 205. Les organisations plaignantes signalent que l’ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán affilie des travailleurs de l’Hôpital universitaire San José de Popayán, une entreprise sociale de l’Etat qui fournit des services spécialisés dans le domaine de la santé dans la ville de Popayán. Elles font savoir également que, en 1991, les employés ont constitué la sous-direction de la municipalité de Popayán – ANTHOC et que, en 1994, ils ont signé une convention collective de travail avec l’hôpital, appliquée par l’hôpital de manière pacifique jusqu’en 2001. Elles indiquent que le 24 août 2001, le conseil d’administration de l’hôpital a décidé de reclasser les travailleurs, ce qui a conduit à ce que plus de 300 travailleurs administratifs sont devenus des agents publics. Or, selon la législation en vigueur au moment des faits, ces travailleurs ne pouvaient bénéficier des conventions collectives de travail prévues pour les travailleurs administratifs. Par conséquent, plus de 300 travailleurs ont cessé de bénéficier de la convention collective de 1994. Les organisations plaignantes indiquent que le reclassement des travailleurs administratifs, par la résolution no 124 de 2001, a affecté la totalité des dirigeants syndicaux de l’ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán, ce qui porte atteinte à la garantie de l’immunité syndicale qui interdit toute dégradation des conditions de travail.
- 206. Les organisations plaignantes soulignent qu’aucune des organisations syndicales concernées, y compris l’ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán, n’a été consultée en ce qui concerne le reclassement des travailleurs et allèguent que ce reclassement serait dû à une prétendue absence de viabilité économique et financière de l’hôpital qui aurait été résolue en cessant d’appliquer la convention collective de travail. Elles déclarent en outre que, après avoir cessé d’appliquer la convention collective de travail à plus de 300 travailleurs, l’hôpital a procédé au licenciement de 116 travailleurs, tous membres du syndicat ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán, ce qui prouve que l’hôpital avait pour objectif de reclasser les travailleurs syndiqués qui bénéficiaient de la convention collective de travail pour ensuite pouvoir les licencier plus facilement. En effet, la convention collective de travail établissait une contrainte et des indemnités en cas de licenciement abusif pour les travailleurs syndiqués.
- 207. Les organisations plaignantes déclarent que, le 26 juillet 2012, la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat a déclaré la résolution no 124 du 24 août 2001, par laquelle le conseil d’administration de l’hôpital avait reclassé les travailleurs administratifs de l’hôpital, nulle et non avenue, au motif qu’il n’appartenait pas au conseil d’administration de l’hôpital d’émettre une telle résolution. Selon les organisations plaignantes, en vertu de ladite déclaration en nullité: i) tous les travailleurs qui avaient été reclassés avaient droit à la reconnaissance et au paiement des indemnités conventionnelles et légales non perçues depuis décembre 2001 jusqu’à ce jour; et ii) les travailleurs qui avaient été injustement licenciés ou dont les postes avaient été supprimés avaient le droit de réintégrer leurs postes sans solution de continuité ou de recevoir une indemnisation pour licenciement abusif; ils avaient également le droit à la reconnaissance et au paiement des indemnités non perçues prévues par la convention collective de travail. Les organisations plaignantes allèguent qu’à ce jour l’hôpital n’a pas respecté ces obligations et que, bien que le 3 janvier 2013 l’ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán ait demandé à la direction de l’hôpital d’appliquer le jugement en question, le 21 janvier 2013, celle-ci a répondu négativement à cette demande. Enfin, elles font savoir que le 6 février 2013, l’ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán a déposé une plainte administrative devant le ministère du Travail, plainte qui a été classée, le ministère du Travail ayant été déclaré incompétent pour connaître du cas.
Quatrième cas: SINTRAELECOL – sous-direction Bolívar
- 208. Les organisations plaignantes font savoir que, entre 1998 et 2000, les compagnies d’électricité d’Etat (Electribol S.A. E.S.P. et Electrificadora de Sucre S.A. E.S.P.) ont été privatisées et sont actuellement devenues Electrocosta S.A. et Electricaribe S.A. E.S.P. (ci après dénommée «l’entreprise»), propriété de la multinationale espagnole Union Fenosa, et elles allèguent que le SINTRAELECOL, organisation qui affilie des travailleurs du domaine de l’électricité, n’a jamais été consultée en ce qui concerne la privatisation. Elles affirment en outre que, bien que la privatisation s’inscrive dans une politique de privatisation généralisée des entreprises publiques, cette action avait également pour objectif d’affaiblir l’organisation syndicale et provoquer sa disparition.
- 209. Les organisations plaignantes indiquent qu’il existait entre le SINTRAELECOL et les compagnies d’électricité une convention collective de travail qui établissait des avantages extralégaux pour les travailleurs des différentes installations et que, au cours de la procédure de privatisation, des plans insidieux de retrait volontaire ont été établis, qui ont conduit à ce que plus de 1 400 travailleurs se retirent, ce qui en réalité constitue un licenciement abusif et illégal. Selon les organisations plaignantes, les compagnies d’électricité n’ont pas appliqué l’accord établi par la convention collective de travail prévue en cas de licenciement des travailleurs; en effet, elles ne pouvaient le faire que si elles appliquaient les justes causes prévues par la loi. Face à cette situation, les travailleurs licenciés ont déposé des plaintes devant la juridiction du travail pour faire valoir leurs droits à la réintégration. Les organisations plaignantes indiquent que la Cour suprême a considéré que, si la réintégration des travailleurs licenciés était impossible au motif que les postes n’existaient plus, cela n’exonérait pas les compagnies du paiement des indemnités de licenciement, paiement qui, selon les organisations plaignantes, n’a pas encore été effectué à ce jour. Selon les organisations plaignantes, dans sa décision, la cour n’a pas reconnu la convention collective de travail.
Autres allégations
- 210. Dans sa communication en date du 10 juin 2015, la CUT et l’ANTHOC affirment que, après avoir fait face aux procédures de mise en liquidation des entités de la santé dans différentes régions du pays, à des cas de corruption graves et à de mauvaises gestions de la part des gouvernements locaux, l’ANTHOC a appelé à des actions de protestation et à des arrêts de travail contrôlés entre le 20 et le 28 août 2013, tout en garantissant les services minimums d’urgence et de soins spécialisés. Selon les indications, le 22 octobre, le ministère du Travail a déposé une plainte contre l’ANTHOC pour faire déclarer l’illégalité des arrêts de travail dans le cadre d’une procédure judiciaire de la loi no 1210 de 2009, prétextant le fait que l’ANTHOC s’était rendue coupable de ne pas avoir fourni un service public essentiel dans le domaine de la santé dans plusieurs hôpitaux.
- 211. Selon les organisations plaignantes, la Chambre du travail du tribunal supérieur du district judiciaire d’Ibagué a, en première instance, rejeté les revendications du ministère, considérant que l’arrêt de travail n’aurait pas affecté les services de santé prodigués aux hospitalisés; cependant, la Chambre du travail de la Cour suprême a rendu un jugement, le 30 juillet 2014, par lequel l’arrêt de travail organisé par l’ANTHOC à partir du 20 août 2013 était déclaré illégal. La CUT et l’ANTHOC affirment que, si le droit de grève n’est pas inconditionnel, il ne peut pas être restreint de la manière où la Cour suprême l’a décidé et que, suite à la déclaration d’illégalité de la grève par la cour, les membres de l’ANTHOC risquent d’être victimes de procédures disciplinaires sélectives engagées contre des dirigeants syndicaux de la part de différents employeurs, qui pourraient les sanctionner par des suspensions de fonctions ou des licenciements.
- 212. Les organisations plaignantes indiquent que la Constitution établit l’obligation de garantir le droit de grève et de le réguler par la loi, et que la Colombie n’a pas réglementé le service minimum pour garantir la grève, en dépit du fait que la Cour constitutionnelle colombienne a recommandé au Congrès de le faire. S’appuyant sur des jugements de la Cour constitutionnelle, en particulier le jugement no C-796/2014 (dans lequel elle recommande au pouvoir législatif d’aborder, dans les deux ans, la question du droit de grève dans le secteur des hydrocarbures), la CUT et l’ANTHOC demandent que des mesures soient prises afin d’assurer que: i) la législation est adaptée en créant un service minimum en cas de grèves dans les entreprises qui fournissent des services publics essentiels au sens strict; et ii) des procédures disciplinaires ne sont pas introduites ni utilisées au motif de l’exercice du droit de grève ou de protestation contre des membres de l’ANTHOC alors que les services minimums avaient été garantis.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernement- 213. Dans sa communication en date du 22 mai 2015, le gouvernement signale, de manière générale, que la restructuration et la création de nouvelles entreprises sociales de l’Etat est de la compétence du Président de la République, comme l’établit la Constitution politique dans son article 189, et qu’il n’appartient pas au Comité de la liberté syndicale d’examiner les licenciements de travailleurs tels que ceux qui découlent des programmes de réajustement structurel et d’assouplissement pour faillite, fermeture ou fusion d’entreprises. Quant à la négociation collective dans le secteur public, le gouvernement souligne que, selon les dispositions du décret no 1092 du 24 mai 2012, qui régule les conditions et les procédures applicables à la négociation entre les organisations syndicales de fonctionnaires et les entités publiques, la négociation n’est pas inconditionnelle, et les affaires qui ne concernent pas directement le travail, telles que la structure d’organisation, les effectifs, les procédures administratives, la carrière administrative, le régime disciplinaire et le régime de prestation de l’emploi, en sont exclues.
- 214. Le gouvernement affirme que, dans le présent cas, il est de la plus haute importance de comprendre ce que signifie l’immunité syndicale, selon les dispositions de la Constitution, de la loi et de la jurisprudence, et à cet égard il souligne que: i) il s’agit d’une garantie de portée constitutionnelle qui protège les travailleurs et les fonctionnaires qui font partie des directions de syndicats afin de leur permettre de remplir leurs fonctions pour la défense des intérêts de l’association en toute liberté, sans être poursuivis ou faire l’objet de représailles de la part des employeurs; ii) en vertu de l’immunité syndicale, les employeurs qui voudraient licencier des employés jouissant de l’immunité devraient invoquer une cause juste qualifiée au préalable par le juge du travail; même dans les cas de restructuration, cette autorisation préalable sera nécessaire; et iii) cependant, la garantie de l’immunité n’est pas inconditionnelle et est sujette à restrictions, comme dans les procédures de restructuration des entités publiques, aspect amplement étudié par la jurisprudence constitutionnelle qui a reconnu que les restrictions aux droits syndicaux qui découleraient de procédures de cette nature doivent être raisonnables et proportionnées. En ce qui concerne ce dernier point, le gouvernement souligne que la jurisprudence a précisé que l’objectif de la procédure de levée de l’immunité est de vérifier le motif invoqué par l’employeur et ainsi d’en examiner la légalité ou l’illégalité et rappelle que, selon l’article 410 du Code du travail (CST) la mise en liquidation ou la fermeture définitive de l’entreprise ou de l’établissement sont considérées comme des motifs justifiés, de même que la suspension totale ou partielle des activités par le patron pendant plus de cent vingt jours, ainsi que les motifs énumérés dans les articles 62 et 63 du CST pour mettre fin au contrat. Le gouvernement indique également que c’est la juridiction ordinaire du travail qui est compétente pour traiter les conflits de réintégration pour immunité syndicale des fonctionnaires et que la procédure qui doit être suivie pour lever l’immunité syndicale est établie dans les articles 113 à 118 du Code de procédure du travail.
Premier cas: Sintraseguridad Social
- 215. Dans sa communication en date du 19 octobre 2015, le gouvernement fait savoir que la Cour constitutionnelle, dans ses jugements nos C 306 et C 314, de 2004, a considéré que le gouvernement avait le pouvoir d’émettre le décret no 750 de 2012 par lequel il mettait en liquidation l’institut, et que le changement de régime de travail des travailleurs administratifs de l’institut qui, par disposition du décret no 1750, de 2003, sont devenus des fonctionnaires n’affectait pas le droit d’organisation. Le gouvernement indique également que: i) le liquidateur de l’institut a conçu un plan de retrait consensuel destiné à tous les travailleurs liés à l’entité le 28 septembre 2012, à l’exception de ceux qui auraient la qualité de prépensionnés; ii) 535 travailleurs syndiqués ou non ont souscrit à ce plan de retrait, et le paiement de l’indemnité a été octroyé à tous les travailleurs qui n’avaient pas la qualité de pensionnés au moment de la fermeture de l’entité (31 mars 2015), sans considérer s’ils appartenaient ou non à des organisations syndicales; iii) avant la fin de la procédure de mise en liquidation, le liquidateur a remis au Patrimoine autonome des fonds de l’institut de la sécurité sociale en liquidation (PARISS) la réserve liquide qui devait être payée à tout travailleur licencié qui aurait introduit une demande de réintégration, et que le juge, face à l’impossibilité d’ordonner la réintégration dans une entité qui n’existe plus, a ordonné le paiement d’une indemnisation; et iv) des 113 travailleurs licenciés le 31 mars 2015 soumis à des procédures actives de levée de l’immunité syndicale, seuls 18 ont notifié la demande correspondante dans l’exercice du recours en réintégration; par conséquent, l’autorisation légale pour procéder au paiement de l’indemnisation en question dans le jugement de la Cour constitutionnelle ne s’applique qu’à eux.
- 216. Le gouvernement indique que, le 8 octobre 2015, les représentants du PARISS, du Syndicat de l’institut de la sécurité sociale (SINTRAISS), un délégué du bureau du procureur de la nation, deux représentants de l’OIT, les représentants des centrales ouvrières (Confédération générale des travailleurs (CGT), CUT, Confédération des travailleurs de Colombie (CTC)) et du ministère du Travail se sont réunis dans le cadre de la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT (CETCOIT). Ils ont décidé: i) d’admettre, entre autres, 18 procédures de réintégration de travailleurs (licenciés le 31 mars 2015 et qui avaient entamé des procédures de levée de l’immunité) en leur octroyant une indemnité équivalant à six mois de salaire; et ii) de réviser les cas des travailleurs liés à l’institut le 28 septembre 2012 et qui, ayant été considérés comme soumis à la pension, ne s’étaient pas vu proposer le plan de retrait. En outre, dans sa communication en date du 12 août 2016, le gouvernement indique que, dans la procédure judiciaire de dissolution, radiation et mise en liquidation du SINTRAISS, introduite par le PARISS, conformément aux devoirs légaux et contractuels, un jugement oral a été rendu le 10 mai 2016 par la chambre 35 du Tribunal du travail du Circuito de Bogotá, la rendant exécutoire étant donné qu’aucun recours en appel n’avait été interjeté. Le gouvernement fait savoir également que, au cours des mois de mars à juillet 2016, plusieurs réunions se sont tenues entre les représentants du PARISS et les bureaux du procureur et défenseur du peuple; il a été décidé d’établir un pacte de conciliation devant un inspecteur du travail, pacte qui devrait aboutir à mettre en place l’accord auquel ont souscrit les parties, à savoir le paiement d’une bonification pour les personnes concernées dans cette procédure.
Deuxième cas: ANTHOC – section syndicale Cauca
- 217. En ce qui concerne les allégations relatives au syndicat ANTHOC – section syndicale Cauca, le gouvernement indique que la direction lui a fait savoir que, après vérification des bases de données, il a pu être constaté que durant l’année 2014 aucune plainte administrative n’a été déposée ni aucune recherche préliminaire concernant des plaintes introduites par des organisations syndicales.
Troisième cas: ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán
- 218. Dans sa communication en date du 22 mai 2015, le gouvernement fait parvenir les observations de l’hôpital concernant les allégations présentées par l’ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán, sur la prétendue violation de la convention collective de travail, la détérioration des conditions de travail, le licenciement, sans autorisation judiciaire, de travailleurs jouissant de l’immunité et la dissolution de l’organisation syndicale.
- 219. Selon les déclarations de l’hôpital, la convention collective de travail signée par l’ANTHOC en 1994 est toujours en vigueur et l’organisation syndicale n’a pas été dissoute. L’hôpital indique également que la convention en question s’applique bien aux travailleurs administratifs, par contre elle ne s’applique pas à ceux qui sont légalement classés comme fonctionnaires. En ce qui concerne le reclassement des travailleurs administratifs en fonctionnaires, l’hôpital signale qu’il a été procédé à l’application des normes légales contenues dans la loi no 10, de 1990, ratifiée par la loi no 100/93, normes d’ordre public, d’application obligatoire et qui n’admettent aucune discussion. L’article 26 de la loi no 10, de 1990, loi qui organise le système national de la santé, stipule que: i) les employés peuvent être librement nommés et révoqués ou de carrière; ii) les employés de carrière pourront être nommés en commission sur des postes d’employés librement nommés et révoqués sans perdre leur appartenance à la carrière administrative; et iii) les travailleurs administratifs sont ceux qui exercent des fonctions qui ne sont pas de direction et qui sont destinées à l’entretien des équipements hospitaliers ou des services généraux, dans ces mêmes institutions. L’hôpital signale également que les demandes de levée de l’immunité syndicale introduites par l’hôpital ont été présentées en raison du plan de restructuration et non suite à l’application de la loi sur le classement des travailleurs administratifs pour se conformer à la loi no 10, de 1990.
- 220. Enfin, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’hôpital aurait refusé d’appliquer le jugement du Conseil d’Etat qui avait déclaré nulle et non avenue la résolution no 124 de 2001 par laquelle le conseil d’administration de l’hôpital a reclassé les travailleurs administratifs, et en vertu de laquelle plus de 300 fonctionnaires n’ont pu bénéficier des avantages conventionnels, le gouvernement indique que le jugement du Conseil d’Etat a déclaré cette décision nulle et non avenue parce qu’elle n’était pas de sa compétence, étant donné que c’est au Congrès de la République, par la loi, à l’assemblée départementale, par ordonnances, et au Conseil municipal, par résolutions, qu’il appartient de déterminer la structure de l’administration.
Quatrième cas: SINTRAELECOL – sous-direction Bolívar
- 221. Le gouvernement signale que les allégations traitent de faits survenus il y a seize ans et indique qu’il s’agissait non pas d’un licenciement mais d’un plan de retrait volontaire, approuvé par le ministère du Travail, que les travailleurs ont accepté. Le gouvernement précise que la Cour suprême a confirmé les décisions d’instances, avalisant l’acquittement des compagnies d’électricité, et que, dans ses décisions, la cour n’a mentionné dans aucun des alinéas du jugement que «l’impossibilité de la réintégration n’exonère pas les compagnies d’électricité du paiement des indemnités de licenciement...». Selon le gouvernement, rien n’apparaît sur ce point dans les jugements en cassation.
- 222. Le gouvernement souligne que, pendant et après la privatisation, huit sous-directions du syndicat SINTRAELECOL ont continué à exister et sont toujours en vigueur et actives dans l’entreprise (Atlántico, Magdalena, Bolívar, Cesar, La Guajira, Sucre, Córdoba et Magangué). Entre ces huit compagnies d’électricité et l’entreprise, la figure juridique de transfert des actifs a été activée, ce qui, dans le domaine du travail, a impliqué une substitution d’employeur, ce qui veut dire que, pour les travailleurs, toutes les conditions de travail négociées entre le SINTRAELECOL et chacune des compagnies d’électricité sont restées en vigueur au moment de la privatisation. Outre ce qui précède, en 2011 sept conventions collectives de travail, période 2011-2015, ont été signées, avec le même nombre d’organisations syndicales, ce qui prouve qu’il existe toujours une présence syndicale importante à l’intérieur de la compagnie.
- 223. Dans sa communication en date du 8 mars 2016, le gouvernement souligne que le Comité de la liberté syndicale a admis que le droit de grève pouvait faire l’objet de restrictions, et même d’interdiction quand il s’agit de la fonction publique ou de services essentiels, et signale que l’arrêt de travail auquel l’ANTHOC a appelé à partir du 20 août 2013 dans différents hôpitaux du pays a été déclaré illégal par la Chambre de cassation du travail de la Cour suprême, par le jugement no SL 11680-2014, rendu le 30 juillet 2014. Dans ce jugement, la cour a rappelé que les articles 48 et 49 de la Constitution politique consacrent le droit à la sécurité sociale et considèrent que la santé est un service public essentiel à la charge de l’Etat, qui doit être presté en vertu des principes d’efficacité, d’universalité et de solidarité, dans les termes établis par la loi, comme l’a réitéré la Cour constitutionnelle, entre autres, dans les jugements nos CC C-473/94, CC C-450/95 et CC C-122/12, CC T-423/96, T-586/99, où la cour a conclu que la grève est expressément interdite pour les hôpitaux et les cliniques, précisément parce qu’ils fournissent le service public essentiel de la santé.
- 224. Dans son jugement, la cour a reconnu que, si les services d’urgence et d’hospitalisation ont bien été prestés dans les différents centres de santé, l’organisation syndicale n’avait pas tenu compte des préceptes qui interdisent la suspension collective du travail dans ce secteur, étant donné qu’il s’agit d’un service public essentiel. La cour a conclu qu’il y a eu interruption dans les services, que les différentes entités hospitalières auraient dû prester de manière permanente, opportune et efficace, et cela avait ainsi affecté la prestation du service public essentiel de la santé pour les usagers qui n’avaient pu être reçus en consultation externe et spécialisée, en chirurgies programmées, en thérapies physiques, en odontologie, en rayons X, en pharmacie, en facturation, en raison de la suspension de travail à laquelle l’ANTHOC avait appelé, ignorant catégoriquement les dispositions de l’article 450 de la loi substantive du travail et de l’article 56 de la Constitution politique qui interdit la suspension collective du travail dans les entités qui fournissent un service public essentiel.
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 225. Le comité observe que, dans le présent cas, les organisations plaignantes allèguent que, dans le cadre de processus de restructuration, mise en liquidation et privatisations, plusieurs entités publiques ont commis des actes de discrimination antisyndicale et violé le droit de négociation collective, en vue de provoquer la dissolution de quatre organisations syndicales affiliées à la CUT: Sintraseguridad Social, ANTHOC – section syndicale Cauca, ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán, et SINTRAELECOL – sous-direction Bolívar. Les organisations plaignantes ont également présenté des allégations relatives à la déclaration d’illégalité d’un arrêt de travail organisé par l’ANTHOC en 2013 dans différents hôpitaux du pays.
- 226. Le comité observe que, dans ces quatre cas, les organisations plaignantes allèguent que: i) les restructurations, liquidations et privatisations d’entreprises publiques ont été menées sans consultation préalable avec les organisations syndicales concernées et dans le but de les faire disparaître; et ii) bien qu’il existe des institutions créées pour garantir le respect du droit d’organisation, lesdits organes ne sont pas prompts à exiger des entreprises publiques qu’elles consultent au préalable les organisations syndicales concernées, ne répondent pas de manière rapide et effective aux demandes, plaintes ou requêtes concernant la discrimination antisyndicale et ne sont pas dotés de mécanismes efficaces permettant aux travailleurs concernés d’exiger le paiement des indemnités non perçues pour détérioration des conditions de travail ou licenciements et des indemnités pour licenciements abusifs.
- 227. A cet égard, le comité note que le gouvernement indique que la restructuration, la scission et la création de nouvelles entreprises sociales de l’Etat sont de la compétence du Président de la République, selon les dispositions de la Constitution politique, article 189, et qu’il n’appartient pas au Comité de la liberté syndicale d’examiner les licenciements des travailleurs qui découleraient des programmes d’ajustement structurel et d’assouplissement, pour faillite, fermeture ou fusion d’entreprises. Pour ce qui est de l’immunité syndicale, le comité note que le gouvernement indique que, bien qu’elle constitue une protection constitutionnelle et que, même dans les procédures de restructuration il est nécessaire de demander l’autorisation judiciaire pour lever l’immunité syndicale des fonctionnaires, il s’agit d’une figure sujette à restrictions, par exemple dans les procédures de restructuration des entités publiques, aspect qui a été amplement étudié par la jurisprudence constitutionnelle, qui a reconnu que les restrictions apportées aux droits syndicaux qui découleraient de procédures de cette nature doivent être raisonnables et proportionnées. Le comité note également que le gouvernement souligne que la négociation entre les organisations syndicales de fonctionnaires et les entités publiques ne revêt pas un caractère inconditionnel, les affaires ne relevant pas directement du domaine du travail étant exclues de la négociation, comme la structure d’organisation, les effectifs, les procédures administratives, la carrière administrative, le régime disciplinaire et le régime de prestation de l’emploi.
- 228. Le comité rappelle qu’il ne peut se prononcer sur les allégations concernant les programmes et les mesures de restructuration ou de rationalisation économique, que ceux-ci impliquent ou non des réductions de personnel ou des transferts d’entreprises ou des services du secteur public au secteur privé, que dans la mesure où ils ont donné lieu à des actes de discrimination ou d’ingérence antisyndicaux. Quoi qu’il en soit, le comité ne peut que déplorer que, dans le cadre de rationalisation et de réduction du personnel, le gouvernement n’ait pas consulté les organisations syndicales ou essayé de parvenir à un accord avec elles. [Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 1079.] Observant que le gouvernement ne fait pas référence dans ses réponses à des consultations avec les organisations plaignantes ni d’autres organisations syndicales concernées sur les conséquences qu’auraient les programmes de restructuration, liquidation et privatisations des quatre entités en question dans le présent cas, le comité prie le gouvernement de consulter, à l’avenir, les organisations syndicales concernées sur les conséquences que pourraient avoir les programmes de restructuration de l’emploi ou rationalisation sur les conditions de travail des salariés.
- 229. En ce qui concerne le cas de Sintraseguridad Social et l’allégation selon laquelle, de tous les travailleurs de l’institut qui auraient été licenciés en 2006 de l’institut, en violation de leur immunité syndicale, et qui n’ont pas eu l’autorisation d’intégrer l’entreprise, seuls quelques dirigeants syndicaux ont obtenu leur réintégration suite à des décisions de justice, le comité note que le gouvernement indique que: i) 535 travailleurs, syndiqués ou non, ont souscrit au plan de retrait consensuel destiné à tous les travailleurs liés à l’entité au 28 septembre 2012, à l’exception de ceux qui avaient la qualité de prépensionnés; ii) avant la fin de la procédure de mise en liquidation, le liquidateur a remis au Patrimoine autonome des fonds de l’institut de la sécurité sociale en liquidation (PARISS) la réserve liquide qui devait être acquittée à tout travailleur licencié qui aurait introduit une demande de réintégration et que le juge, face à l’impossibilité d’ordonner la réintégration dans une entité qui n’existe plus, a ordonné le versement d’une indemnisation; iii) le 8 octobre 2015, les représentants du PARISS, du Syndicat de l’institut des assurances sociales (SINTRAISS), un délégué du bureau du procureur de la nation, deux représentants de l’OIT, les représentants des centrales ouvrières, CGT, CUT, CTC, et du ministère du Travail se sont réunis au sein de la Commission spéciale de traitement des conflits déférés à l’OIT (CETCOIT). Ils ont décidé d’admettre, entre autres, 18 procédures de réintégration de travailleurs (licenciés le 31 mars 2015 et qui avaient engagé des procédures actives de levée de l’immunité) en leur octroyant une indemnité équivalant à six mois de salaire, et de réviser les cas des travailleurs qui, ayant été considérés comme soumis à la pension, ne s’étaient pas vu proposer le plan de retrait; et iv) au cours des mois de mars à juillet 2016, plusieurs réunions se sont tenues entre les représentants du PARISS et les bureaux du procureur et défenseur du peuple, et il a été décidé d’octroyer une bonification pour les personnes associées à cette procédure.
- 230. Tout en observant avec intérêt les accords conclus avec les centrales syndicales dans le cadre de la CETCOIT, le comité constate que lesdits accords traitaient des cas des travailleurs liés à l’institut au 28 septembre 2012 et que, par conséquent, l’accord ne semble pas avoir pris en compte la situation des travailleurs qui, selon les allégations, jouissaient de l’immunité syndicale et ont été licenciés de manière illégale en 2006. Dans ces conditions, le comité prie le gouvernement de lui envoyer ses observations à l’égard des travailleurs qui, selon les allégations des organisations syndicales, jouissaient de l’immunité syndicale et auraient été licenciés de manière illégale en 2006 et qui, par conséquent, n’ont pas pu se voir proposer le plan de retrait vu qu’ils n’étaient pas liés à l’institut au 28 septembre 2012.
- 231. En ce qui concerne le cas de l’ANTHOC – section syndicale Cauca, le comité prend note de l’allégation selon laquelle: i) les travailleurs jouissant de l’immunité syndicale ont été licenciés par la direction le 12 décembre 2007 sans attendre que le juge du travail ait autorisé la levée de l’immunité syndicale, raison pour laquelle ils ont déposé une plainte administrative, le 12 février 2008, devant ladite institution, afin d’obtenir leur réintégration; et ii) alors que pour tous les employés de la fonction publique de carrière une indemnisation pour suppression de fonctions a été reconnue, cette même indemnisation a été refusée aux employés de la fonction publique intérimaires, et ce alors que certains comptaient plus de trente années de service; ceux-ci ont déposé devant le ministère du Travail une plainte administrative pour laquelle ils n’ont jamais obtenu de réponse, et ils ont entamé une action en annulation contre les plaintes administratives, qui a été classée. A cet égard, le comité note que le gouvernement indique que la direction lui a fait savoir que, après vérification des bases de données, il a pu être constaté que durant l’année 2014 aucune plainte administrative n’a été déposée ni aucune recherche préliminaire concernant des plaintes introduites par des organisations syndicales. Le comité observe qu’il ne ressort pas des communications des organisations plaignantes que les travailleurs auraient porté plainte devant la justice pour absence de levée de l’immunité syndicale. Le comité observe également que, bien que les organisations plaignantes allèguent que les travailleurs intérimaires n’ont pas été indemnisés pour la suppression de leurs postes, elles n’indiquent pas que l’absence d’indemnisation ait été circonscrite aux travailleurs membres d’un syndicat ni que l’éventuelle adhésion à un syndicat de certains travailleurs intérimaires ait été la raison pour laquelle l’indemnité leur aurait été refusée. Dans ces conditions, le comité ne poursuivra pas l’examen de ces allégations.
- 232. En ce qui concerne le cas de l’ANTHOC – sous-direction de Popayán, le comité observe que les organisations plaignantes allèguent que: i) par la résolution no 124 du 24 août 2001, le conseil d’administration de l’hôpital a reclassé les travailleurs administratifs de l’hôpital, les privant ainsi des avantages établis dans une convention collective de travail signée en 1994; ii) ce reclassement avait pour but de compromettre l’existence de l’organisation syndicale, surtout si on considère que, après avoir cessé d’appliquer la convention collective de travail, l’hôpital a licencié 116 travailleurs, tous membres du syndicat, et qu’ils n’ont pas été indemnisés pour licenciement abusif ou suppression de postes; iii) bien que la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat, dans un jugement rendu le 26 juillet 2012 ait déclaré nulle et non avenue la résolution no 124, du 24 août 2001 en question, l’hôpital a refusé jusqu’à ce jour de l’appliquer; et iv) le 6 février 2013, l’ANTHOC – sous-direction de la municipalité de Popayán a déposé une plainte administrative pour ces faits devant le ministère du Travail, plainte qui a été classée au motif que le ministère du Travail n’était pas compétent pour connaître du cas.
- 233. A cet égard, le comité note que le gouvernement transmet les observations de l’hôpital selon lesquelles: i) l’organisation syndicale n’a pas été dissoute et la convention collective de travail signée avec l’ANTHOC en 1994 est toujours en vigueur mais ne s’applique qu’aux travailleurs administratifs, étant donné qu’il n’est pas possible de le faire pour ceux qui sont classés légalement comme fonctionnaires; ii) en ce qui concerne le reclassement des travailleurs en administratifs et employés du service public, il a été procédé à l’application des normes légales contenues dans la loi no 10, de 1990, ratifiée par la loi no 100/93, normes d’ordre public d’application obligatoire, qui n’admettent aucune discussion; et iii) le Conseil d’Etat a déclaré nulle et non avenue la résolution no 124, du 24 août 2001, émise par le conseil d’administration de l’hôpital car celui-ci n’était pas compétent, vu qu’il appartient au Congrès de la République, par la loi, à l’Assemblée départementale, par ordonnances, et au conseil municipal, par résolutions, de déterminer la structure de l’administration. Tout en notant les observations du gouvernement, le comité observe que celui-ci n’a pas répondu à l’allégation relative au refus de l’hôpital d’appliquer le jugement rendu par la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat et le prie de le faire. En ce qui concerne la situation de plus d’une centaine de travailleurs, supposés tous membres de l’organisation syndicale qui, selon les allégations, ont été licenciés sans qu’aucune indemnité ne leur ait été payée pour licenciement abusif ou pour suppression de fonctions, le comité prie les organisations plaignantes de préciser leurs noms afin que le gouvernement puisse envoyer ses observations à cet égard.
- 234. Quant au cas du SINTRAELECOL – sous-direction Bolívar, le comité note que les organisations plaignantes allèguent que: i) dans les procédures de privatisation des compagnies d’électricité d’Etat entre 1998 et 2000, des plans insidieux de retrait volontaire ont été établis, alors qu’il s’agissait en réalité de licenciements abusifs et illégaux; ii) les compagnies d’électricité n’ont pas tenu compte de la procédure établie dans la convention collective de travail en cas de licenciement des travailleurs, raison pour laquelle ceux-ci ont déposé des plaintes devant la juridiction du travail pour demander leur réintégration; et iii) dans son jugement, la Cour suprême n’a pas reconnu la convention collective de travail et a considéré que, si la réintégration des travailleurs licenciés était impossible au motif que les postes n’existaient plus, il appartenait aux compagnies de s’acquitter du paiement des indemnités pour licenciement, paiement qui, selon les organisations plaignantes, n’a pas encore été effectué à ce jour. A cet égard, le comité note que le gouvernement indique que: i) il s’agit de faits survenus il y a seize ans et que les compagnies d’électricité n’ont pas licencié les travailleurs, mais que ceux-ci ont accepté un plan de retrait volontaire, entériné par le ministère du Travail; et ii) dans son jugement, la cour n’a mentionné dans aucun des alinéas que l’impossibilité de la réintégration n’exonérait pas les compagnies d’électricité du paiement des indemnités conventionnelles pour licenciement. Le comité observe que, tandis que les organisations plaignantes allèguent que, dans son jugement, la Cour suprême n’a pas pris en compte la convention collective de travail qui régulait les motifs de licenciement, le gouvernement déclare que la cour a considéré que les clauses de la convention collective de travail n’étaient pas applicables puisqu’il s’agissait d’un retrait volontaire. Le comité observe, par conséquent, qu’il s’agit d’une question relative à l’applicabilité des clauses d’une convention collective de travail en matière de licenciement et, étant donné que c’est aux organes judiciaires au niveau national qu’il appartient de se prononcer à ce sujet, le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
- 235. Pour ce qui est des allégations relatives à la déclaration d’illégalité d’un arrêt de travail organisé par l’ANTHOC, le comité note que: i) les organisations plaignantes, comme le gouvernement, déclarent que le tribunal de première instance n’a pas déclaré l’arrêt de travail illégal, considérant que l’arrêt de travail mené à partir du 20 août 2013 dans différents hôpitaux du pays n’aurait pas affecté les services de santé, et que la Chambre du travail de la Cour suprême, dans un jugement rendu le 30 juillet 2014, a rappelé que les articles 48 et 49 de la Constitution politique considèrent que la santé est un service public essentiel à la charge de l’Etat, qui doit être presté en vertu des principes d’efficacité, d’universalité et de solidarité, et que, comme l’a réitéré la Cour constitutionnelle dans les jugements nos CC C-473/94, CC C-450/95 et CC C-122/12, CC T-423/96, T-586/99, la grève est expressément interdite pour les hôpitaux et les cliniques, précisément parce qu’ils fournissent des services essentiels de santé; ii) les organisations plaignantes signalent que, suite à la déclaration d’illégalité de la grève par la Cour suprême, les membres de l’ANTHOC risquent d’être victimes de procédures disciplinaires sélectives à l’encontre des dirigeants syndicaux, de la part de différents employeurs, afin de les sanctionner par des suspensions de fonctions ou des licenciements; iii) rappelant le jugement de la Cour constitutionnelle no C-796/2014 (dans lequel elle recommande au pouvoir législatif d’aborder, dans les deux ans, la question du droit de grève dans le secteur des hydrocarbures), les organisations plaignantes demandent que des mesures soient prises pour que la législation soit adaptée en créant un service minimum en cas de grèves dans les entreprises qui fournissent des services publics essentiels au sens strict, et que des procédures disciplinaires ne soient pas introduites ni utilisées au motif de l’exercice du droit de grève ou de protestation; et iv) pour sa part, le gouvernement souligne que le Comité de la liberté syndicale a admis que le droit de grève pouvait faire l’objet de restrictions, et même d’interdiction quand il s’agit de la fonction publique ou de services essentiels.
- 236. Le comité observe que les allégations se réfèrent au secteur de la santé et rappelle que le droit de grève peut être limité ou interdit dans le secteur hospitalier, considéré comme un service essentiel. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 585.] D’autre part, tout en prenant note de l’allégation selon laquelle, suite à la déclaration d’illégalité de la grève par la Cour suprême, les membres de l’ANTHOC risquent d’être victimes de procédures disciplinaires sélectives contre des dirigeants syndicaux, de la part de différents employeurs, afin de les sanctionner par des suspensions de fonctions ou des licenciements, le comité observe que les organisations plaignantes n’ont pas allégué qu’il y ait eu des suspensions ou des licenciements suite à la déclaration d’illégalité de la grève, qui s’est déroulée il y a trois ans. Dans ces conditions, tout en rappelant que, lorsque le droit de grève a été restreint ou supprimé dans certaines entreprises ou services considérés comme essentiels, les travailleurs devraient bénéficier d’une protection adéquate de manière à compenser les restrictions qui auraient été imposées à leur liberté d’action pendant les différends survenus dans lesdites entreprises ou lesdits services [voir Recueil, op. cit., paragr. 595], le comité ne poursuivra pas l’examen de cette allégation.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 237. Au vu des conclusions qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Le comité prie le gouvernement de consulter, à l’avenir, les organisations syndicales concernées sur les conséquences que pourraient avoir les programmes de restructuration sur l’emploi ou la rationalisation sur les conditions de travail des salariés.
- b) Le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir ses observations quant à la situation des travailleurs qui, selon les allégations des organisations plaignantes, jouissaient de l’immunité syndicale et auraient été licenciés de manière illégale en 2006, et à qui, par conséquent, le plan de retrait n’a pu être proposé, vu qu’ils n’étaient pas liés à l’institut au 28 septembre 2012.
- c) Le comité prie le gouvernement de lui faire parvenir ses observations en ce qui concerne le refus de l’hôpital d’appliquer le jugement rendu par la Chambre du contentieux administratif du Conseil d’Etat. De même, en ce qui concerne la situation de plus d’une centaine de travailleurs, supposés tous membres du syndicat qui, selon les allégations, ont été licenciés sans indemnités pour licenciement abusif ou suppression de postes, le comité prie les organisations plaignantes de préciser le nom des personnes concernées de façon à ce que le gouvernement puisse envoyer ses observations à cet égard.