Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des actes de violence (homicides, tentatives d’homicide et menaces de mort) contre des dirigeants syndicaux et des travailleurs syndiqués
- 262. Le comité a examiné le cas no 2761 quant au fond à quatre reprises [voir 363e, 367e, 380e et 383e rapports], la dernière fois à sa réunion d’octobre 2017. A cette occasion, il a examiné le cas no 2761 conjointement avec le cas no 3074 et a présenté un rapport intérimaire concernant ces deux cas au Conseil d’administration. [Voir 383e rapport, paragr. 171 à 193, approuvé par le Conseil d’administration à sa 331e session.]
- 263. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications en date des 24, 25 et 30 octobre 2017, du 25 mai 2018, ainsi que du 12 février, du 7 mars et du 8 mai 2019.
- 264. La Colombie a ratifié la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (no 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (no 154) sur la négociation collective, 1981.
A. Examen antérieur du cas
A. Examen antérieur du cas- 265. A sa réunion d’octobre 2017, le Comité a formulé les recommandations intérimaires suivantes concernant les allégations présentées par les organisations plaignantes [voir 383e rapport, paragr. 193]:
- a) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour que tous les faits relatifs aux actes de violence antisyndicale dénoncés dans le présent cas soient élucidés et que les auteurs matériels et les commanditaires de ces actes soient condamnés.
- b) Le comité prie le gouvernement de fournir des informations actualisées sur l’avancement des enquêtes et de la procédure relatives à chacun des actes de violence visés par le présent cas.
- c) Le comité prie une nouvelle fois le gouvernement de fournir de plus amples informations sur les homicides et autres actes antisyndicaux, qui semblent ne pas être dénoncés dans le présent cas, ayant donné lieu à des condamnations récentes.
- d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé des résultats des travaux du groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes.
- e) Le comité prie le gouvernement de fournir dans les meilleurs délais des informations concernant la consultation des partenaires sociaux dans le cadre des procédures d’enquête en général, relatives aux actes de violence antisyndicale et, en particulier, par rapport au fonctionnement concret de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits humains des travailleurs.
- f) Dans l’attente du prochain examen du cas, le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que les risques encourus par M. Oscar Lema soient correctement évalués, de sorte que les mesures de protection qui pourraient s’avérer nécessaires puissent lui être fournies.
- g) Le comité prie le gouvernement de continuer à le tenir informé des résultats des enquêtes diligentées par le ministère public en lien avec les attentats contre le siège du SINTRAEMCALI et contre le véhicule de l’un des dirigeants de celui-ci.
- h) Le comité prie le gouvernement de communiquer dans les meilleurs délais ses observations concernant les nouvelles allégations d’homicide et autres actes de violence antisyndicale dans le secteur pénitentiaire et de fournir des informations sur l’avancement des enquêtes en cours.
- i) Le comité prie le gouvernement de veiller à ce que les risques encourus par les 31 dirigeants syndicaux du secteur pénitentiaire dont il est allégué qu’ils sont l’objet de menaces de mort aient été correctement évalués, de sorte que les mesures de protection qui pourraient s’avérer nécessaires puissent leur être fournies. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- j) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de l’examen des cas de violence antisyndicale par les nouveaux organes créés dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations sur l’éventuel examen, par ces nouveaux organes, des cas de violence antisyndicale survenus dans le secteur pénitentiaire mentionnés plus haut.
- k) Le comité invite le gouvernement à poursuivre les efforts qu’il déploie pour garantir la sécurité des dirigeants syndicaux et des syndicalistes du pays et à continuer de le tenir informé à cet égard.
- l) Le comité attire tout particulièrement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
B. Réponse du gouvernement
B. Réponse du gouvernementEléments généraux sur les actes de violence antisyndicale et réponse de l’Etat à de tels actes
- 266. Dans ses communications en date des 24, 25 et 30 octobre 2017, le gouvernement fait référence à la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits humains des travailleurs où sont représentées les principales centrales syndicales du pays. Il indique que, durant les mois de juillet et d’août 2017, des réunions se sont tenues à Bogotá et dans la ville de Cali en présence des autorités nationales et régionales, avec à leur tête la ministre du Travail, le directeur de l’Unité nationale de protection (UNP) et le vice-ministre de l’Intérieur; y étaient également présentes les organisations syndicales concernées par les actes de violence. Les participants ont examiné les actes de violence et ont adopté quelques mesures relatives aux enquêtes et à la protection. Ils ont aussi été informés de l’avancement des enquêtes menées sur des actes de violence dans les départements de Valle del Cauca. Le gouvernement signale également que, pour disposer d’une procédure d’enquête plus rapide en cas de violation des droits de réunion et d’association, entre autres délits, la loi no 1826 du 12 janvier 2017 a été promulguée; celle-ci prévoit une procédure pénale spéciale accélérée et régit les dispositions relatives à la partie civile.
- 267. En ce qui concerne les mesures de protection mises en place par l’Etat colombien pour lutter contre la violence antisyndicale, le gouvernement expose à nouveau, dans ses communications en date d’octobre 2017, les informations dont le comité a tenu compte lors de son dernier examen du cas. [Voir 383e rapport, paragr. 192.] Le gouvernement indique également que, de 2010 à 2016, le nombre d’homicides de syndicalistes a diminué de 51 pour cent et le nombre de victimes par an est passé de 37 à 18; ces chiffres restant toutefois élevés, les autorités poursuivent leurs efforts pour que plus aucun homicide n’ait lieu.
- 268. Dans sa communication en date du 12 février 2019, le gouvernement transmet des informations du ministère public qui mettent à jour les renseignements fournis en octobre 2017 sur les actes de violence antisyndicale perpétrés dans le pays et sur les résultats des enquêtes et des procédures pénales y relatives. Le ministère public signale d’abord avoir enregistré 29 plaintes pour des homicides de syndicalistes en 2018 et, dans 10 cas, des progrès significatifs ont été accomplis (pour certains, des jugements ont été prononcés, d’autres sont en cours de procès, alors que d’autres encore font l’objet d’une enquête ou sont en instruction et des mandats d’arrêt ont été émis), et il a pu y relier 19 personnes, dont 14 sont privées de liberté. Pour la période 2011-2017, le ministère public indique qu’il a enregistré 175 plaintes pour des homicides de membres du mouvement syndical et que des progrès significatifs ont été enregistrés dans 71 cas auxquels 148 personnes sont liées, dont 131 sont privées de liberté. En ce qui concerne ces cas, le ministère public souligne spécifiquement que: i) 44 jugements ont été prononcés – des condamnations dans tous les cas – en lien avec 34 cas auxquels sont liées 53 personnes, toutes privées de liberté; et ii) 22 autres cas sont en cours de procès et 71 personnes y sont liées, dont 66 privées de liberté. Le gouvernement ajoute que, au cours de cette période (2011-2017), indépendamment de la date du délit, 422 décisions de justice ont été rendues pour homicide, séquestration, extorsion, enlèvement, tentative d’homicide et entente délictueuse. Le ministère public ajoute que 767 condamnations ont été prononcées depuis 2000 et, depuis août 2016, date de la création du groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes (lequel est dirigé par la vice procureure générale et auquel participent plusieurs entités administratives dans le but de regrouper les informations relatives aux enquêtes sur des actes antisyndicaux et d’élaborer et de promouvoir des stratégies permettant de faire progresser les enquêtes), 44 condamnations ont été prononcées pour des homicides de syndicalistes (21 pour des faits commis entre 2011 et 2017, et 23 autres pour des faits antérieurs à 2011). Enfin, le ministère public fournit des informations relatives à 83 cas d’homicide et tentative d’homicide dénoncés de 2010 à 2012 dans le présent cas (et, selon le gouvernement, ayant fait 105 victimes) indiquant que: i) les enquêtes sont toujours en cours pour 71 cas alors que la procédure d’enquête est arrivée à son terme pour les 12 autres cas; ii) 24 condamnations ont été prononcées dans 16 cas à l’encontre de 30 personnes; iii) 14 personnes, pour lesquelles des mandats d’arrêt ont été émis, ont été mises en examen; et iv) en ce qui concerne les 71 cas toujours en cours, 56 sont en instruction, 8 font l’objet d’une enquête et 7 sont en cours de procès. En lien avec ces résultats, le ministère public indique que, pour l’heure et parce qu’il est en pleine restructuration, 24 bureaux du ministère public répartis sur tout le territoire national diligentent en priorité les cas où les victimes sont des membres d’associations syndicales. C’est dans ces bureaux que se concentrent la plupart des enquêtes; il convient toutefois de préciser qu’il n’existe pas de bureaux chargés de se consacrer exclusivement à ces enquêtes.
- 269. Dans la même communication en date de février 2019, le gouvernement fait part de l’adoption des décrets nos 2078 et 2137 de 2018 qui modifient les mécanismes de protection des dirigeants sociaux et des défenseurs des droits humains, et tentent d’offrir une sécurité collective aux organisations menacées par des groupes armés. Le gouvernement fait spécifiquement référence à l’adoption, en novembre 2018, du décret no 2137 prévoyant la création de la «Commission intersectorielle pour l’élaboration du plan d’action de prévention et de protection individuelle et collective des droits à la vie, à la liberté, à l’intégrité et à la sécurité des défenseurs des droits humains, des dirigeants sociaux et communautaires, et des journalistes». Il indique que cette commission, à laquelle participent la présidence et les ministères de l’Intérieur, de la Défense et de la Justice, le commandant des forces militaires, les directeurs de la police et de l’UNP, le haut-commissaire pour la paix, le ministère public et le bureau du Procureur général de la nation, sera chargée de coordonner les actions de toutes les forces de l’Etat pour prévenir les actes de violence contre les défenseurs des droits humains dans le pays et y répondre. A ce propos, le gouvernement signale aussi que la police nationale a adopté la directive opérationnelle de transition no 010 de 2018 prévoyant des mesures spéciales pour les personnes, les groupes ou les communautés dont le niveau de risque est exceptionnel ou extrême.
- 270. Le gouvernement fournit également des éléments relatifs à l’application de l’article 200 du Code pénal qui prévoit des sanctions pénales contre les employeurs qui remettent en cause les droits des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective. Il fait savoir que, depuis 2015, le ministère public a collaboré avec le ministère du Travail et le Bureau international du Travail pour accorder la priorité aux cas qui sont le plus susceptibles d’évoluer rapidement dans le système judiciaire et, plus récemment, le ministère du Travail et le nouveau procureur général ont établi un plan de travail afin de traiter des cas liés à la violation du droit d’association et aux abus des conventions collectives. Le gouvernement signale que, sur les 1 840 plaintes enregistrées de 2011 à la fin de 2016 pour ce délit: i) 79 pour cent des procédures pénales liées à ces cas ont abouti alors que les 21 pour cent restants sont toujours en cours; ii) dans 55 pour cent des cas, la procédure a conclu que l’acte ne constituait pas un délit; et iii) dans 25 pour cent des cas, soit le plaignant a volontairement retiré sa plainte, soit il y a eu conciliation (83 cas).
- 271. Dans une communication en date du 7 mars 2019, le gouvernement transmet des renseignements additionnels sous la forme d’un tableau fourni par la sous-unité OIT de l’Unité nationale en charge des droits humains du ministère public. Il contient des informations individualisées sur 83 cas de violence antisyndicale (79 homicides commis sur 92 personnes et 4 tentatives d’homicide sur 4 personnes) dénoncés dans le présent cas et pour lesquels le gouvernement avait préalablement fourni des statistiques générales relatives à l’avancement des enquêtes et des procédures pénales (informations dont il est question à la fin du paragraphe 7 du présent rapport).
- 272. Dans une communication en date du 8 mai 2019, le gouvernement met à jour les informations précédemment fournies. En ce qui concerne les actions adoptées pour garantir la protection des membres du mouvement syndical dont la sécurité est menacée, le gouvernement fait d’abord référence à la stratégie établie pour protéger la vie et l’intégrité des dirigeants sociaux et des défenseurs des droits humains. Après avoir rappelé l’adoption des décrets nos 2078 et 2137 de 2018, le gouvernement signale à ce propos que: i) le ministère de la Défense a prévu des mesures de concentration des capacités qui devraient permettre de contrôler les territoires sur lesquels des meurtres de dirigeants syndicaux et sociaux et de syndicalistes se sont produits; ii) le Système national de réaction immédiate pour la promotion de la stabilité (SIRIE) a été créé et mis en route par l’intermédiaire du commandement général des forces militaires afin d’examiner les facteurs qui déstabilisent la sécurité régionale, dont les agissements contre les dirigeants syndicaux et sociaux et les défenseurs des droits humains, afin d’adopter en temps voulu les actions pertinentes; iii) la police nationale a créé un corps d’élite qui adopte une approche multidimensionnelle pour démanteler les organisations criminelles qui s’en prennent aux défenseurs des droits humains et aux mouvements sociaux et politiques; iv) la police a adopté la directive opérationnelle permanente no 13 DIPON INSGE «Paramètres d’intervention de la police de la stratégie ESPOV» établissant des consignes et des paramètres pour l’intervention de la police conformément aux récentes réformes normatives en matière de prévention et de protection des personnes, groupes et communautés, en particulier les dirigeants et les défenseurs. En ce qui concerne les évaluations des risques des syndicalistes, le gouvernement indique que: i) depuis le lancement du programme de protection que l’UNP dirige, 4 131 évaluations du niveau de risque de dirigeants ou de militants syndicaux ont été effectuées pour les années 2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019; ii) en 2018, 399 évaluations des risques ont été menées et ont conclu que le niveau de risque était exceptionnel pour 232 personnes, alors qu’il était normal pour les 163 autres; iii) en 2019, 119 évaluations ont été menées et ont conclu que le niveau de risque de 66 personnes était exceptionnel alors qu’il était normal pour les 53 autres; et iv) l’UNP protège actuellement 377 dirigeants ou militants syndicaux, dont 265 bénéficient de mesures de protection élevées.
- 273. En ce qui concerne la lutte contre l’impunité, le gouvernement signale dans sa dernière communication que le Président de la République a annoncé la création d’un corps spécial de juges pour que les assassins des dirigeants sociaux soient rapidement traduits en justice et condamnés de façon exemplaire. Il ajoute que, dans le cadre de son plan stratégique pour 2016-2020, le ministère public a inclus les enquêtes relatives aux délits commis contre des syndicalistes. Le gouvernement rappelle aussi qu’en août 2016 le groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes relatives aux délits commis contre des syndicalistes, directement dirigé par la vice-procureure générale, a entamé ses travaux et il fait savoir que la création de ce groupe a permis une coordination interne, la définition d’un ensemble de cas, l’identification des difficultés pour progresser dans les enquêtes et la définition des actions à prendre pour les surmonter. Enfin, le gouvernement signale que, le 29 mars 2018 et le 29 mars 2019, la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits humains des travailleurs s’est réunie en présence du ministère du Travail, ministère de l’Intérieur, ministère de la Défense, ministère de la Justice, du Conseil supérieur pour les droits humains, du Défenseur du peuple, des centrales syndicales, des entrepreneurs, des organisations non gouvernementales de défense des droits humains, de l’Unité nationale de protection et du ministère public et que toutes les entités de l’Etat y ont présenté les stratégies qu’elles déploient pour protéger les droits humains et lutter contre l’impunité.
- 274. Ensuite, le gouvernement met à jour les résultats des enquêtes sur les homicides de syndicalistes. En ce qui concerne les homicides de syndicalistes survenus de 2011 à 2018, le gouvernement indique que le ministère public a enregistré 193 homicides et, pour ces cas: i) le taux d’élucidation est de 42 pour cent (ce qui inclut les cas où un auteur présumé a été identifié et un mandat d’arrêt émis jusqu’au prononcé du jugement); ii) 144 personnes sont privées de liberté; iii) 45 décisions de justice ont été rendues dans 35 cas; iv) 26 cas sont en cours de procès; v) des actes d’accusation ont été émis dans 7 cas et des mandats d’arrêt ont été émis pour 7 autres cas; et vi) 2 cas sont forclos. Il ajoute que, concernant les 18 homicides signalés en 2018, le taux d’élucidation monte à 50 pour cent. Le gouvernement indique aussi que, de 2001 à 2019, 719 condamnations ont été prononcées pour des homicides de syndicalistes. De 2001 à 2010, 343 décisions de justice ont été rendues (49,2 pour cent) et, de 2011 à 2017, 349 décisions de justice ont été prononcées (49,8 pour cent). De la même manière, 21 décisions ont été rendues en 2018 et 6 depuis le début de 2019. Le gouvernement joint à sa communication un tableau reprenant, pour chaque cas, l’avancement des enquêtes relatives à 114 homicides et 58 autres actes de violence antisyndicale (disparition forcée, tentative d’homicide, agression, menace).
- 275. Le gouvernement fournit ensuite des informations actualisées relatives à l’application de l’article 200 du Code pénal (prévoyant des sanctions pénales contre les employeurs qui remettent en cause les droits des travailleurs à la liberté syndicale et à la négociation collective). Il précise que, sur 2 372 plaintes enregistrées, 2 069 cas sont clos alors que les 303 autres sont toujours ouverts. En ce qui concerne les 2 069 cas clos: i) 19 pour cent ont été abandonnés à la suite d’un accord avec l’employeur; ii) 55 pour cent ont été classés; iii) 6 pour cent ont donné lieu à une conciliation; et iv) l’action pénale a pris fin dans 20 pour cent des cas restants, principalement pour forclusion. Le gouvernement fait savoir que le ministère public a adopté 5 initiatives qui ont permis d’obtenir les résultats suivants: i) la nomination de nouveaux procureurs dans les 7 zones du pays où se concentrent majoritairement les cas; ii) la promulgation de la loi sur la procédure accélérée et la partie civile qui permet, dans le cadre exceptionnel de l’article 200, d’écourter l’enquête et autorise la victime à se porter partie civile par l’intermédiaire de son avocat qui assure les poursuites; iii) la mission de conciliation de 18 procureurs dans 142 cas; iv) la coordination entre les inspecteurs du travail et les procureurs; et v) la spécialisation de 18 procureurs en «droits de réunion et d’association» avec l’appui du ministère du Travail et le Bureau international du Travail.
Allégations d’actes de violence antisyndicale formulées par le SINTRAELECOL et le SINTRAEMCALI
- 276. En ce qui concerne les allégations du Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie (SINTRAELECOL) relatives, d’une part, aux graves lésions physiques dont aurait souffert le dirigeant syndical, M. Oscar Arturo Orozco, à la suite de la violente répression policière d’une manifestation en 2014 et, d’autre part, aux menaces de mort dont le dirigeant syndical, M. Oscar Lema Vega, serait victime sans que le dispositif de protection sollicité lui ait été accordé, le gouvernement fait savoir dans ses communications en date d’octobre 2017 que: i) le bureau 120 de l’Unité nationale en charge des droits humains du ministère public, basé à Medellín, se charge de l’enquête sur les faits dénoncés par M. Orozco pour laquelle une audience orale était en cours; ii) M. Oscar Lema Vega bénéficie de mesures de protection de l’UNP qui font l’objet d’une réévaluation compte tenu de faits récents; et iii) deux des trois plaintes pour menaces de mort de M. Oscar Lema Vega ont été abandonnées alors que la troisième est en cours d’instruction.
- 277. En ce qui concerne les attentats contre le siège du Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI) et contre le véhicule de l’un de ses dirigeants (cas no 3074), le gouvernement informe que: i) six dirigeants de l’organisation bénéficient du programme de protection collective mis en place par l’UNP et que leur niveau de risque est considéré comme exceptionnel; et ii) le ministère public a classé les enquêtes relatives à l’attentat contre le siège du SINTRAEMCALI et à l’incendie du véhicule de M. Reyes, étant dans l’impossibilité d’identifier les protagonistes et d’établir les faits.
Homicides et menaces de mort dans le secteur pénitentiaire
- 278. Dans ses communications en date de mai 2018 et de février 2019, le gouvernement fournit des informations relatives aux allégations d’homicide, tentatives d’homicide et menaces de mort contre des dirigeants et des membres de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires publics du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP). En ce qui concerne les allégations relatives à 21 assassinats de membres de l’UTP, le gouvernement fait part de la réponse de l’Institut national pénitentiaire et carcéral (INPEC) qui fournit des éléments en lien avec 19 homicides. L’INPEC fait savoir que, selon les informations transmises par la société chargée d’assurer les risques professionnels de l’INPEC, 11 des homicides ont une cause professionnelle, alors que les 8 autres ont une origine commune. L’INPEC ajoute que cette classification ne permet pas de présumer qu’il existe un lien de causalité avec le militantisme syndical des victimes. En ce qui concerne les éventuels mobiles des homicides, le gouvernement indique que: i) il reviendra au ministère public d’enquêter sur les faits; et ii) l’organisation plaignante ne fournit pas la preuve que les homicides seraient la conséquence d’une plainte pour des actes présumés de corruption au sein des établissements pénitentiaires, point qui n’a de toute façon aucun lien avec les conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective.
- 279. En ce qui concerne les menaces de mort dont seraient victimes 31 dirigeants de l’UTP, le gouvernement transmet les réponses de l’UNP, l’institution chargée de fournir les mesures de protection appropriées aux victimes de menaces, ainsi que de l’INPEC. Le gouvernement indique que des procédures et des mécanismes ont été établis au sein de l’INPEC pour répondre de façon appropriée aux menaces dont peuvent être victimes les fonctionnaires de l’institution. Ces mécanismes, qui sont déclenchés par le dépôt d’une plainte de la part des fonctionnaires victimes de menaces, reposent sur l’action du Groupe de sécurité pénitentiaire et carcérale (GOSEC) qui se coordonnera alors avec l’UNP pour évaluer les risques et fournir les mesures de protection nécessaires. Sur la base des renseignements fournis par l’INPEC et l’UNP, le gouvernement transmet des informations spécifiques en lien avec les 31 dirigeants et membres mentionnés par l’UTP dans le présent cas: i) 8 travailleurs bénéficient actuellement de mesures de protection de l’UNP et, dans 4 cas, ces mesures ont été octroyées à la demande de l’INPEC; ii) dans un cas, l’INPEC a déjà adopté les mesures de protection idoines; iii) 4 ordres d’évaluation du niveau de risque de l’UNP ont été abandonnés, la personne évaluée s’étant désistée; iv) une personne, qui a été informée de la procédure d’autoprotection la concernant, n’a pas transmis les documents nécessaires pour entamer les démarches d’évaluation des risques par l’UNP; v) une autre personne a décidé de ne pas entamer le processus d’évaluation des risques par l’UNP, car elle n’était pas disposée à fournir les noms et les coordonnées des personnes impliquées dans les menaces; vi) 3 ordres d’évaluation du niveau de risque de l’UNP ont été abandonnés compte tenu de l’inexistence du lien de causalité entre les menaces et la fonction syndicale du fonctionnaire de l’INPEC; vii) pour 5 personnes (Eleasid Durán Sánchez, Cindy Yuliana Rodríguez Layos, Franklin Excenover Gómez Suárez, Jhony Javier Pabón Martínez et Mauricio Paz Jojoa), l’INPEC indique avoir transmis le dossier à l’UNP qui signale pourtant ne disposer d’aucune information sur ces personnes dans sa base de données; et viii) dans 8 cas, l’UNP ne dispose pas d’informations sur la personne et l’INPEC n’a pas non plus fourni de renseignements à leur sujet (Julio César García Salazar, Roberto Carlos Correa Aparicio, Gerson Méndez, Carlos Fabián Velazco Virama, Rafael Gómez Mejía, Helkin Duarte Cristancho, Óscar Tulio Rodríguez Mesa et Mauricio Olarte Mahecha).
C. Conclusions du comité
C. Conclusions du comité- 280. Le comité rappelle que les cas nos 2761 et 3074 concernent des allégations de nombreux homicides de dirigeants syndicaux et de membres du mouvement syndical, ainsi que de nombreux autres actes de violence antisyndicale.
Eléments généraux sur les actes de violence antisyndicale et réponse de l’Etat à de tels actes
- 281. Le comité prend note en premier lieu des informations générales que le gouvernement a fournies dans ses différentes communications concernant les initiatives institutionnelles menées pour élucider les actes de violence antisyndicale et sanctionner les coupables. Le comité prend note en particulier que le gouvernement, après avoir rappelé que le groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes relatives aux délits commis contre des syndicalistes fonctionne depuis 2016 sous la direction de la vice-procureure générale, fait référence à: i) la création annoncée par le Président de la République d’un corps spécial de juges pour que les assassins des dirigeants sociaux soient rapidement traduits en justice et condamnés de façon exemplaire; ii) quatre réunions organisées en juillet 2017 (2), mars 2018 (1) et mars 2019 (1) par la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits humains des travailleurs, où sont représentées les principales centrales syndicales du pays et au cours desquelles les entités de l’Etat ont présenté les stratégies qu’elles déploient pour protéger les droits humains et lutter contre l’impunité; et iii) la promulgation de la loi no 1826 du 12 janvier 2017 prévoyant une procédure pénale spéciale accélérée pour disposer d’un processus d’enquête plus rapide en cas de violation des droits de réunion et d’association, entre autres délits, prévue à l’article 200 du Code pénal. Le comité note en outre les informations fournies par le gouvernement à propos des initiatives institutionnelles adoptées pour l’application dudit article 200 du Code pénal, qui prévoit des sanctions pénales pour les actes contraires à la liberté syndicale et à la négociation collective en général. Le comité prend bonne note de l’adoption de la loi no 1826 et, observant que l’article 200 du Code pénal couvre également les violations des droits d’association et de réunion qui mettent en péril l’intégrité personnelle du salarié et les menaces de mort et d’agression, le comité prie le gouvernement de l’informer des effets de la procédure pénale spéciale accélérée sur les enquêtes relatives aux actes de violence antisyndicale.
- 282. Le comité prend ensuite note des informations fournies par le gouvernement à propos des progrès accomplis au niveau des enquêtes menées pour élucider les actes de violence antisyndicale commis dans le pays et des sanctions prononcées. En ce qui concerne 83 cas de violence antisyndicale (79 homicides commis sur 92 personnes et 4 tentatives d’homicide sur 4 personnes) dénoncés de 2010 à 2012 dans le présent cas, le comité prend note que: i) les enquêtes sont toujours en cours pour 71 cas alors que la procédure d’enquête est arrivée à son terme pour les 12 autres cas; ii) 24 condamnations ont été prononcées dans 16 cas à l’encontre de 30 personnes; et iii) en ce qui concerne les 71 cas toujours en cours, 56 sont en instruction, 8 font l’objet d’une enquête et 7 sont en cours de procès.
- 283. Pour ce qui est des résultats des enquêtes relatives à la totalité des actes de violence antisyndicale commis dans le pays, le comité note que, de 2001 à 2019, 719 condamnations ont été prononcées pour des homicides de syndicalistes. Il prend également note que, de 2011 à 2018, le ministère public a signalé 193 homicides de membres du mouvement syndical pour lesquels: i) le «taux d’élucidation» est de 42 pour cent (incluant les cas où un auteur présumé a été identifié et un mandat d’arrêt émis jusqu’au prononcé du jugement), taux qui monte à 50 pour cent pour les 18 homicides signalés en 2018; ii) 144 personnes sont privées de liberté; iii) 45 décisions de justice ont été rendues pour 35 cas; iv) 26 cas sont en cours de procès; v) des actes d’accusation ont été émis dans 7 cas et des mandats d’arrêt ont été émis pour 7 autres cas; et vi) 2 cas sont forclos. Enfin, en ce qui concerne les enquêtes menées pour élucider les actes de violence antisyndicale et sanctionner les coupables, et surtout les homicides de membres du mouvement syndical, le comité prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, pour l’heure et parce que le ministère public est en pleine restructuration, 24 bureaux du ministère public répartis sur tout le territoire national diligentent en priorité les cas où les victimes sont des membres d’associations syndicales, mais qu’il n’y a pas actuellement de bureaux chargés de se consacrer exclusivement à ces enquêtes.
- 284. Le comité prend bonne note du nombre important de décisions de justice rendues dans les cas d’homicide de syndicalistes, ainsi que de l’augmentation du «taux d’élucidation» des homicides commis de 2011 à 2018 dont le gouvernement fait part. Le comité note tout particulièrement que, en ce qui concerne 83 cas d’homicide et tentative d’homicide dénoncés de 2010 à 2012 dans le présent cas pour lesquels le gouvernement a fourni des informations individualisées en mars 2019, 10 condamnations supplémentaires ont été prononcées dans 5 de ces cas de février 2017 à décembre 2018. Dans le même temps, le comité constate une nouvelle fois avec inquiétude que la grande majorité des nombreux cas d’homicide et autres cas de violence antisyndicale survenus dans le pays en général et ceux visés dans le présent cas, en particulier, restent impunis. A cet égard, concernant les cas d’actes de violence physique ou verbale contre des dirigeants travailleurs ou employeurs et leurs organisations, le comité souligne que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, ce qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales et dans un cas où les enquêtes judiciaires relatives à la mort de syndicalistes semblent tarder à aboutir, le comité souligne la nécessité d’activer la procédure pour que les affaires parviennent à une conclusion rapide. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 108 et 109.]
- 285. Face à l’ampleur et à la persistance des défis auxquels le pays est confronté en matière de violence et d’impunité, le comité, tout en prenant bonne note et tout en appréciant les mesures significatives que les autorités publiques ont adoptées à cet égard et de l’évolution des résultats obtenus, prie le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides et autres, rapportés dans le pays et pour condamner à la fois les auteurs matériels et les commanditaires de ces actes. Prenant note des quatre réunions organisées par la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits humains des travailleurs depuis 2016, le comité prie le gouvernement de continuer de fournir des informations concernant de manière générale la consultation des partenaires sociaux dans le cadre des procédures d’enquête relatives aux actes de violence antisyndicale et relatives en particulier au fonctionnement concret de la Commission interinstitutionnelle.
- 286. Tenant dûment compte des informations individualisées que le gouvernement a envoyées sur 114 cas d’homicide et 58 autres cas de violence antisyndicale, le comité prie le gouvernement de continuer de l’informer à ce propos. En outre, le comité prie à nouveau le gouvernement, comme il l’avait fait lors de son dernier examen du cas, de fournir des informations sur l’éventuel examen des cas de violence antisyndicale par les nouveaux organes créés dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix.
- 287. En lien avec les mesures adoptées par les autorités publiques pour prévenir des actes de violence antisyndicale et protéger les membres du mouvement syndical dont la sécurité est menacée, le comité prend bonne note des indications du gouvernement relatives à la stratégie déployée pour protéger la vie et l’intégrité des dirigeants sociaux et des défenseurs des droits humains. A cet égard, le comité prend spécialement note de l’adoption des décrets nos 2078 et 2137, ainsi que de la création, en novembre 2018, de la Commission intersectorielle pour l’élaboration du plan d’action de prévention et de protection individuelle et collective des droits à la vie, à la liberté, à l’intégrité et à la sécurité des défenseurs des droits humains, des dirigeants sociaux et communautaires, et des journalistes. Le comité prend également note des derniers renseignements détaillés fournis au sujet des mesures de protection dont bénéficient effectivement des membres du mouvement syndical. Enfin, le comité note les informations fournies par le gouvernement relatives au nombre d’homicides de membres du mouvement syndical survenus en 2018 (29 cas dénoncés, 18 cas enregistrés auprès du ministère public). Même si ces chiffres sont inférieurs à ceux des années précédentes, le comité est profondément préoccupé par les informations du gouvernement indiquant que des homicides de syndicalistes continuent d’être perpétrés et par l’ampleur du phénomène. A ce propos, le comité rappelle que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Compilation, op. cit., paragr. 82.]
- 288. Face à une telle situation, tout en prenant bonne note des mesures significatives adoptées à cet égard, le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts en vue de fournir une protection appropriée à tous les dirigeants syndicaux et syndicalistes dont la sécurité est menacée afin d’en finir avec la violence antisyndicale. Le comité prie particulièrement le gouvernement de: i) dans le cadre du plan d’action, consacrer toute l’attention voulue à la protection des membres du mouvement syndical en veillant à faire dûment participer les organisations syndicales et le ministère du Travail; ii) dans le cadre tant du plan d’action que des instances tripartites appropriées, identifier, en étroite consultation avec les partenaires sociaux, les principales causes de la violence antisyndicale pour accroître l’effet des politiques de prévention de la violence. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Allégations d’actes de violence antisyndicale formulées par le SINTRAELECOL et le SINTRAEMCALI
- 289. En ce qui concerne les allégations du SINTRAELECOL relatives, d’une part, aux graves lésions physiques dont aurait souffert le dirigeant syndical, M. Oscar Arturo Orozco, à la suite de la violente répression policière d’une manifestation et, d’autre part, aux menaces de mort dont le dirigeant syndical, M. Oscar Lema Vega, serait victime sans que le dispositif de protection sollicité lui ait été accordé, le comité prend note que le gouvernement indique que: i) le bureau 120 de l’Unité nationale en charge des droits humains du ministère public, basé à Medellín, se charge de l’enquête sur les faits dénoncés par M. Orozco pour laquelle une audience orale était en cours; ii) M. Oscar Lema Vega bénéficie de mesures de protection de l’UNP; et iii) deux des trois plaintes pour des menaces de mort de M. Oscar Lema Vega ont été abandonnées alors que la troisième est en cours d’instruction.
- 290. En ce qui concerne les allégations du SINTRAEMCALI (cas no 3074) selon lesquelles le siège de l’organisation et le véhicule de l’un de ses dirigeants ont été incendiés en avril 2014, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles: i) six dirigeants du SINTRAEMCALI dont le niveau de risque a été jugé exceptionnel bénéficient d’un programme de protection collective mis en place par l’UNP; et ii) le ministère public a classé les enquêtes liées à l’attentat contre le siège du SINTRAEMCALI et à l’incendie du véhicule de M. Reyes, étant dans l’impossibilité d’identifier les protagonistes.
- 291. Tout en prenant note de ces informations, le comité constate avec regret que, cinq ans après les faits, les enquêtes et les procédures judiciaires entamées pour différents actes de violence et menaces antisyndicales dénoncés, d’une part, par le SINTRAELECOL et, d’autre part, le SINTRAEMCALI, soit ont été classées du fait de l’impossibilité d’identifier les protagonistes, soit n’ont toujours pas abouti. Le comité exprime le ferme espoir que les enquêtes et les procédures toujours en cours permettront l’élucidation rapide des faits dénoncés, ainsi que la condamnation de leurs auteurs matériels et de leurs commanditaires. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
Allégations d’actes de violence antisyndicale dans le secteur pénitentiaire
- 292. En ce qui concerne la plainte relative aux meurtres de 21 membres de l’UTP, dont 3 dirigeants syndicaux, survenus entre le 5 juin 2012 et le 24 octobre 2016, et à la tentative d’homicide d’un autre dirigeant de l’UTP, survenue le 4 juin 2015, le comité prend note que le gouvernement transmet des informations de l’INPEC relatives à 19 homicides et à une tentative d’homicide indiquant que, selon l’organisme qui gère les risques professionnels de l’INPEC, 11 des homicides et la tentative d’homicide ont une cause professionnelle, alors que les 8 autres ont une origine commune. L’INPEC ajoute que cette classification ne permet pas de présumer qu’il existe un lien de causalité avec le militantisme syndical des victimes. Quant aux mobiles des homicides et à l’allégation de l’organisation plaignante selon laquelle ces homicides seraient la conséquence d’une plainte pour des actes présumés de corruption au sein des établissements pénitentiaires, le comité note l’indication du gouvernement selon laquelle: i) il reviendra au ministère public de diligenter l’enquête sur ces faits; ii) l’organisation plaignante n’apporte pas la preuve de ses allégations; et iii) dans tous les cas, il n’y a pas de lien entre les conventions de l’OIT sur la liberté syndicale et la négociation collective et les faits dénoncés.
- 293. Tout en prenant note de ces éléments, le comité observe avec préoccupation que, alors que les homicides et la tentative d’homicide remontent déjà à plusieurs années, le gouvernement ne fournit pas d’informations concrètes sur l’avancement des enquêtes que mène le ministère public, ce qui semble indiquer qu’aucune condamnation n’a encore été prononcée pour aucun des 22 actes de violence dénoncés (21 homicides et une tentative d’homicide). Le comité note que les allégations de ce cas renforcent le fait que la protection des dirigeants et membres de syndicats contre les actes de violence antisyndicale pris en représailles de la dénonciation d’actes de corruption sur le lieu de travail dans l’exercice légitime de la défense des intérêts professionnels des travailleurs constitue un élément fondamental du principe de la liberté syndicale.
- 294. Compte tenu de ce qui précède et rappelant une nouvelle fois que l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales [voir Compilation, op. cit., paragr. 108], le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le ministère public diligente au plus vite les enquêtes nécessaires pour que tous les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’UTP dénoncés dans le présent cas soient élucidés et que les auteurs matériels et les commanditaires de ces actes soient condamnés. Dans cette optique, le comité insiste particulièrement pour que, lors de l’organisation et du déroulement des enquêtes: i) il soit entièrement et systématiquement tenu compte des possibles liens entre les homicides et l’activité syndicale des victimes, y compris les éventuelles dénonciations d’actes de corruption qui ont pu être faites; ii) les liens éventuels entre les différents homicides dénoncés soient examinés; et iii) les contacts nécessaires avec l’organisation syndicale soient établis pour recueillir toutes les informations disponibles. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard. Enfin, observant que, d’une part, la réponse du gouvernement ne contient pas d’informations sur l’allégation d’homicide de M. Diego Rodríguez González qui serait survenu le 4 juin 2013 et, d’autre part, l’UTP n’a fourni aucune information sur l’allégation d’homicide de M. Manuel Alfonso, le comité prie le gouvernement et l’UTP de transmettre les informations pertinentes.
- 295. En ce qui concerne les allégations de menace de mort pesant sur 31 dirigeants de l’UTP, le comité prend note des indications du gouvernement selon lesquelles les fonctionnaires de l’INPEC visés par des menaces ont accès, une fois ces menaces dénoncées auprès des autorités compétentes, à des mécanismes de protection efficaces dans lesquels interviennent des instances internes de l’INPEC (le GOSEC) et l’UNP. En ce qui concerne les allégations spécifiquement formulées dans le présent cas, le gouvernement signale que l’INPEC et l’UNP ont adopté une série d’actions pour évaluer le besoin de protection et fournir les mesures de sécurité appropriées à plusieurs dirigeants de l’UTP, soulignant que, dans de nombreux cas, l’UNP et l’INPEC ont agi de concert. Le comité prend note que, sur la base des informations fournies par l’UNP et l’INPEC, le gouvernement indique particulièrement que: i) 8 des 31 dirigeants et membres de l’UTP mentionnés dans la plainte bénéficient actuellement de mesures de protection de l’UNP (pour 4 d’entre eux, ces mesures ont été demandées par l’INPEC); ii) dans un cas, l’INPEC a déjà adopté les mesures de protection idoines; iii) 4 ordres d’évaluation du niveau de risque de l’UNP ont été abandonnés, la personne évaluée s’étant désistée; iv) une personne, qui a été informée de la procédure d’autoprotection la concernant, n’a pas transmis les documents nécessaires pour entamer les démarches d’évaluation des risques par l’UNP; v) une autre personne a décidé de ne pas entamer le processus d’évaluation des risques par l’UNP, car elle n’était pas disposée à fournir les noms et les coordonnées des personnes impliquées dans les menaces; et vi) 3 ordres d’évaluation du niveau de risque de l’UNP ont été abandonnés compte tenu de l’inexistence du lien de causalité entre les menaces et la fonction syndicale du fonctionnaire de l’INPEC. Tout en prenant note de ces informations, le comité observe également avec préoccupation que, pour 5 personnes (Eleasid Durán Sánchez, Cindy Yuliana Rodríguez Layos, Franklin Excenover Gómez Suárez, Jhony Javier Pabón Martínez et Mauricio Paz Jojoa), l’INPEC indique avoir transmis le dossier à l’UNP pour qu’elle adopte les mesures nécessaires, mais cette dernière signale ne disposer d’aucune information sur ces personnes dans sa base de données. Le comité observe aussi que, pour 8 autres personnes (Julio César García Salazar, Roberto Carlos Correa Aparicio, Gerson Méndez, Carlos Fabián Velazco Virama, Rafael Gómez Mejía, Helkin Duarte Cristancho, Óscar Tulio Rodríguez Mesa et Mauricio Olarte Mahecha), l’UNP ne dispose pas d’informations sur les personnes mentionnées et l’INPEC ne fournit pas non plus de renseignements à leur sujet. Rappelant que les droits des organisations de travailleurs et d’employeurs ne peuvent s’exercer que dans un climat exempt de violence, de pressions ou menaces de toutes sortes à l’encontre des dirigeants et des membres de ces organisations, et qu’il appartient aux gouvernements de garantir le respect de ce principe [voir Compilation, op. cit., paragr. 84], le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que l’évaluation des risques encourus par Eleasid Durán Sánchez, Cindy Yuliana Rodríguez Layos, Franklin Excenover Gómez Suárez, Jhony Javier Pabón Martínez et Mauricio Paz Jojoa soit immédiatement effectuée et qu’ils puissent bénéficier des mesures de protection qui pourraient s’avérer nécessaires dans les plus brefs délais. En ce qui concerne Julio César García Salazar, Roberto Carlos Correa Aparicio, Gerson Méndez, Carlos Fabián Velazco Virama, Rafael Gómez Mejía, Helkin Duarte Cristancho, Óscar Tulio Rodríguez Mesa et Mauricio Olarte Mahecha, pour lesquels l’INPEC et l’UNP indiquent ne pas avoir connaissance d’une plainte pour des menaces à leur encontre, le comité invite l’organisation plaignante à se mettre en contact avec les autorités pour clarifier leur situation.
Recommandations du comité
Recommandations du comité- 296. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
- a) Tout en prenant bonne note et en appréciant les mesures significatives adoptées et de l’évolution des résultats obtenus, le comité prie le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides et autres, rapportés dans le pays et pour condamner tant les auteurs matériels que les commanditaires de tels actes.
- b) Le comité prie le gouvernement de l’informer des effets de la procédure pénale spéciale accélérée créée par la loi no 1826 sur les enquêtes relatives à des actes de violence antisyndicale.
- c) Le comité prie le gouvernement de continuer de fournir des informations concernant de manière générale la consultation des partenaires sociaux dans le cadre des procédures d’enquête relatives aux actes de violence antisyndicale et relatives en particulier au fonctionnement concret de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs.
- d) Le comité prend bonne note des éléments fournis à propos de 114 cas d’homicide et de 58 autres actes de violence antisyndicale et prie le gouvernement de continuer de fournir des informations à ce propos.
- e) Le comité prie une nouvelle fois le gouvernement de fournir des informations sur l’examen éventuel des actes de violence antisyndicale par les nouveaux organes créés dans le cadre de la mise en œuvre du processus de paix.
- f) Tout en prenant bonne note des mesures significatives adoptées à cet égard, le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts en vue de fournir une protection appropriée à tous les dirigeants syndicaux et syndicalistes dont la sécurité est menacée. Le comité prie particulièrement le gouvernement de: i) dans le cadre du plan d’action, consacrer toute l’attention voulue à la protection des membres du mouvement syndical, en veillant à faire dûment participer les organisations syndicales et le ministère du Travail; ii) dans le cadre tant du plan d’action que des instances tripartites appropriées, identifier, en étroite consultation avec les partenaires sociaux, les principales causes de la violence antisyndicale pour accroître l’effet des politiques de prévention de la violence. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- g) Le comité exprime le ferme espoir que les enquêtes et les procédures toujours en cours permettront l’élucidation rapide des faits dénoncés par, d’une part, le Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie (SINTRAELECOL) et, d’autre part, par le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI), ainsi que la condamnation des auteurs et des commanditaires de tels actes. Le comité demande au gouvernement de le tenir informé à cet égard.
- h) Le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures qui s’imposent pour que le ministère public diligente au plus vite les enquêtes nécessaires pour que tous les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires publics du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP) dénoncés dans le présent cas soient élucidés et que leurs auteurs et leurs commanditaires soient condamnés. Dans cette optique, le comité insiste particulièrement pour que, lors de l’organisation et du déroulement des enquêtes: i) il soit entièrement et systématiquement tenu compte des possibles liens entre les homicides et l’activité syndicale des victimes, y compris les éventuelles dénonciations d’actes de corruption qui ont pu être faites; ii) les liens éventuels entre les différents homicides dénoncés soient examinés; et iii) les contacts nécessaires avec l’organisation syndicale soient établis pour recueillir toutes les informations disponibles.
- i) Le comité prie, d’une part, le gouvernement de fournir des informations sur l’allégation d’homicide de M. Diego Rodríguez González, membre de l’UTP et, d’autre part, l’UTP de fournir des détails sur l’allégation d’homicide de M. Manuel Alfonso.
- j) Le comité prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour évaluer au plus vite les risques encourus par les dirigeants de l’UTP suivants: Eleasid Durán Sánchez, Cindy Yuliana Rodríguez Layos, Franklin Excenover Gómez Suárez, Jhony Javier Pabón Martínez et Mauricio Paz Jojoa; et leur fournir les mesures de protection qui pourraient s’avérer nécessaires dans les plus brefs délais.
- k) Le comité invite l’UTP à contacter les autorités compétentes pour clarifier la situation des dirigeants syndicaux suivants: Julio César García Salazar, Roberto Carlos Correa Aparicio, Gerson Méndez, Carlos Fabián Velazco Virama, Rafael Gómez Mejía, Helkin Duarte Cristancho, Óscar Tulio Rodríguez Mesa et Mauricio Olarte Mahecha.
- l) Le comité attire tout particulièrement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.