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Informe provisional - Informe núm. 401, Marzo 2023

Caso núm. 3074 (Colombia) - Fecha de presentación de la queja:: 30-MAY-14 - Activo

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Allégations: Les organisations plaignantes allèguent des actes de violence (homicides, tentatives d’homicide et menaces de mort) contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes

  1. 323. Le comité a examiné le cas no 2761 sur le fond à six reprises [voir 363e, 367e, 380e, 383e, 389e et 393e rapports], le plus récemment lors de sa session de mars 2021. À cette occasion, il a examiné le cas no 2761 conjointement avec le cas no 3074 et a présenté un rapport intérimaire concernant ces deux cas au Conseil d’administration. [Voir 393e rapport, adopté par le Conseil d’administration à sa 341e session, paragr. 80-123  .]
  2. 324. Le gouvernement a envoyé ses observations dans des communications d’août 2021 et du 3 février 2023.
  3. 325. La Colombie a ratifié la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, la convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949, la convention (nº 151) sur les relations de travail dans la fonction publique, 1978, et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

A. Allégations des organisations plaignantes

A. Allégations des organisations plaignantes
  1. 326. Lors de sa réunion de mars 2021, le comité a formulé les recommandations provisoires suivantes concernant les allégations présentées par les organisations plaignantes [voir 393e rapport, paragr. 123]:
    • a) Saluant les mesures importantes que les autorités publiques ont adoptées et le nombre croissant de condamnations prononcées, le comité, compte tenu de l’ampleur des défis auxquels le pays se trouve confronté dans sa lutte contre la violence antisyndicale et l’impunité, prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides, menaces et autres rapportés dans le pays, et pour condamner tant les auteurs matériels que les instigateurs de tels actes. Le comité espère, en particulier, que toutes les mesures supplémentaires seront prises et toutes les ressources nécessaires mobilisées pour que les enquêtes et les procédures pénales menées en relation avec les actes de violence antisyndicale dénoncés dans le présent cas augmentent considérablement leur efficacité pour identifier et sanctionner les instigateurs de tels actes. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
    • b) Tout en saluant les efforts considérables déployés par les autorités publiques, ainsi que les consultations tenues avec les partenaires sociaux au sein de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs, le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses initiatives visant à fournir une protection appropriée à tous les dirigeants et membres syndicaux en situation de risque. En vue d’accroître l’effet des politiques de prévention de la violence antisyndicale, le comité prie particulièrement le gouvernement de continuer, tant dans le cadre du plan d’action et de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs qu’au sein de toutes les instances tripartites concernées, à encourager un dialogue étroit entre les organisations syndicales et les différentes autorités compétentes. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie de nouveau le gouvernement de l’informer sur l’état d’avancement des enquêtes et procédures en cours relatives aux faits signalés en 2014 par le Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie (SINTRAELECOL) et le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI).
    • d) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer à déployer tous les efforts nécessaires pour élucider tous les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires publics du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP) dénoncés dans le présent cas, et condamner les auteurs matériels et les instigateurs de tels actes. En ce qui concerne les cas dénoncés dans le présent cas, le comité prie également le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’état d’avancement des enquêtes en cours, ainsi que sur le contenu des décisions rendues. En outre, le comité invite l’UTP et le gouvernement à se mettre en contact pour procéder à l’identification de MM. Diego Rodríguez González et Manuel Alfonso.
    • e) Le comité prie le gouvernement de fournir les informations demandées sur l’évaluation de la situation à risque de M. Mauricio Paz Jojoa. Il invite aussi l’UTP et le gouvernement à se mettre en contact pour procéder à l’identification définitive de Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos.
    • f) Le comité prie également le gouvernement de s’assurer que toutes les allégations de menaces contre des membres ou des dirigeants de l’UTP ont donné lieu à des enquêtes visant à identifier et à sanctionner leurs auteurs; le comité prie le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la protection de M. Gustavo Adolfo Aguilar, président du Syndicat des fonctionnaires et agents publics du gouvernement et des municipalités de Colombie (SINTRASERPUVAL), et pour mener les enquêtes nécessaires pour identifier et sanctionner rapidement les auteurs matériels et les instigateurs de l’attentat survenu en mars 2018. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • g) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.

B. Réponse du gouvernement

B. Réponse du gouvernement
  1. 327. Dans sa communication d’août 2021, le gouvernement souligne que les enquêtes et les poursuites concernant les homicides de membres du mouvement syndical ont beaucoup avancé, comme en témoignent les plus de 800 condamnations prononcées depuis 2005 et les 70 jugements rendus en 2020. Dans sa communication de février 2023, le gouvernement affirme que le mouvement syndical a été victime de divers crimes au fil des ans et que, grâce au courage des dirigeants syndicaux et au soutien de l’OIT et de ses organes de contrôle, il existe des politiques publiques de protection et de réparation. Le gouvernement exprime son engagement à renforcer le mouvement syndical et à œuvrer pour que les enquêtes progressent.
  2. 328. Le gouvernement rappelle à cet égard que les enquêtes et les procédures judiciaires relatives aux crimes commis contre des syndicalistes sont une priorité pour le ministère public, qui dispose depuis 2016 d’une stratégie spécifique et différenciée en la matière. Il ajoute que, sur la base des dispositions de l’orientation stratégique 2020-2024, «Résultats dans la rue et dans les territoires», les actions ont été renforcées de la manière suivante: analyse des crimes affectant le plus la situation des syndicalistes dans leur travail (homicides, violation des droits de réunion et d’association et menaces); définition d’un ensemble de cas et situations prioritaires; coordination entre institutions et avec le ministère du Travail; formation pour renforcer les enquêtes sur les crimes prioritaires.
  3. 329. Le gouvernement rappelle par ailleurs l’importance du groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes sur les crimes commis contre des syndicalistes et sur la liberté syndicale, créé en 2016, dont la mission est de mettre en œuvre les actions définies dans la stratégie susmentionnée. Il signale que ce groupe est composé comme suit: i) direction spécialisée dans la lutte contre les violations des droits humains; ii) déléguée à la sécurité territoriale, pour les enquêtes sur les crimes prioritaires; iii) direction des études avancées, conception et exécution de programmes de formation périodiques pour les procureurs et les enquêteurs chargés de ces crimes; iv) direction des politiques et de la stratégie chargée de l’examen de l’évolution statistique des violences objet d’une attention prioritaire; et enfin v) direction des affaires internationales. Le gouvernement ajoute que, pour le suivi spécifique des procédures pénales, un procureur affecté au groupe national de la déléguée à la sécurité du territoire est chargé de coordonner le travail des procureurs qui instruisent les affaires dans les 35 directions régionales, et que la direction spécialisée dans la lutte contre les violations des droits humains dispose aussi d’un fonctionnaire affecté au suivi des affaires, dans son domaine de compétence.
  4. 330. Le gouvernement ajoute qu’en 2022, outre les programmes de formation sur la liberté syndicale destinés aux membres du bureau du procureur général, le ministère public a mené les actions suivantes en matière d’homicides de syndicalistes: coordination, au sein du ministère public, entre les stratégies d’enquête sur les homicides de syndicalistes, de défenseurs des droits humains et les homicides intentionnels; mise à disposition d’une procureure à l’échelon national pour accélérer les procédures dans les cas de syndicalistes; suivi par le bureau de la procureure générale adjointe; et protocole de caractérisation des victimes de violations graves des droits humains, publié en 2022.
  5. 331. Le gouvernement expose ensuite les résultats de cette stratégie en matière d’homicides de syndicalistes, à savoir: i) pour ce qui est des faits signalés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2022, l’auteur a été identifié dans 44,69 pour cent des cas et les procédures pénales progressent; ii) en 2022, le ministère public a eu connaissance de 15 cas d’homicide de syndicalistes qui sont instruits par un tribunal ordinaire et, à ce jour, leur élucidation avance (c’est-à-dire que les auteurs ont été identifiés) dans 53,33 pour cent des cas – l’un est en cours de jugement, trois ont donné lieu à des inculpations et quatre font l’objet d’un mandat d’arrêt décerné par un juge; et iii) sur les 85 cas de violence antisyndicale expressément signalés dans le présent cas, des avancées supplémentaires sont constatées dans 22 cas par rapport aux informations précédemment soumises (8 exécutions de peines, 4 cas en jugement et 10 au stade de l’enquête).
  6. 332. Le gouvernement se réfère ensuite à la réponse des autorités publiques aux menaces proférées contre des membres du mouvement syndical. Il rappelle que le renforcement des capacités d’enquête sur les crimes de menaces contre les défenseurs des droits humains est un objectif défini dans le cadre de la stratégie en matière d’enquête et de poursuite relatives aux crimes commis contre les défenseurs de ces droits et il décrit à nouveau les principaux points de cette stratégie. [Voir dernier examen du présent cas, 393e rapport du comité, paragr. 91 93.] Le gouvernement ajoute que: i) en vertu de la résolution 0775 de 2021, un groupe chargé des menaces a été créé au sein de la direction spécialisée dans la lutte contre les violations des droits humains; ce groupe comprend actuellement 10 procureurs chargés d’appuyer les directions régionales où se produisent des menaces contre les personnes couvertes par cette stratégie; ii) des lignes téléphoniques d’urgence 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sont en place pour traiter les cas dès qu’ils se produisent (actes urgents); et iii) un cours a été conçu à l’intention des enquêteurs (police judiciaire) de tout le pays qui s’occupent des menaces. Le gouvernement indique que les syndicalistes du secteur des mines et de l’énergie du Valle del Cauca sont particulièrement exposés aux menaces. C’est pourquoi le ministère public a élaboré une stratégie dans cette région du pays et a détaché un procureur spécialisé du groupe de travail national chargé des menaces pour enquêter en priorité sur ce type de crime.
  7. 333. Le gouvernement transmet des données sur les mesures de protection assurées à des membres du mouvement syndical par l’Unité nationale de protection (UNP). Il indique que 256 personnes ont bénéficié d’une protection en 2021 (dont des mesures fortes pour 142 d’entre elles ) et 252 (dont des mesures fortes pour 143 d’entre elles) en 2022 (données disponibles au 5 novembre 2022). En comparaison, en 2018, 371 membres du mouvement syndical avaient bénéficié d’une protection (dont des mesures fortes pour 233 d’entre eux). Le gouvernement note que le budget de l’UNP était de 1 645 168 284 600 pesos colombiens en 2022 (environ 349 millions de dollars des États-Unis), contre 830 363 870 243 pesos en 2018.
  8. 334. En ce qui concerne le plan d’action rapide pour la prévention et la protection individuelle et collective des droits à la vie, à la liberté, à l’intégrité et à la sécurité des défenseurs des droits humains, des dirigeants sociaux et communautaires et des journalistes, le gouvernement indique que, découlant de ce plan, le décret 1138 de 2021 a institué le Comité opérationnel pour la protection et la réaction immédiate aux violations des droits à la vie, à l’intégrité, à la liberté et à la sécurité et que, dans ce cadre, 32 municipalités ont été classées prioritaires pour une intervention, et il est proposé d’en ajouter 9 autres.
  9. 335. Le gouvernement ajoute que, en vertu du décret 2078 de 2017 établissant le protocole de protection collective, des évaluations du niveau de risque collectif ont été réalisées sur six groupes de personnes ayant statut de dirigeant ou de militant syndical (quatre évaluations sont terminées et deux sont en cours). En ce qui concerne le dialogue avec les organisations syndicales sur les mesures de protection, le gouvernement indique que le ministère du Travail dirige le secrétariat technique de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs et que la commission a tenu trois réunions en 2022, la troisième portant sur les questions de genre.
  10. 336. En ce qui concerne les blessures infligées en 2014 à M. Oscar Arturo Orozco, membre du Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie (SINTRAELECOL), le gouvernement: i) rappelle qu’il avait indiqué qu’une enquête était en cours à la direction régionale de Caldas pour délit de blessures; et ii) fait savoir que, selon le ministère public, le procureur chargé de l’affaire a rendu une décision de classement.
  11. 337. Pour ce qui est des menaces dénoncées en 2014 par M. Oscar Lema Vega, le gouvernement indique que l’enquête a été provisoirement classée en raison de l’impossibilité d’identifier l’auteur, malgré les différentes recherches effectuées.
  12. 338. En ce qui concerne les faits dénoncés par le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali (SINTRAEMCALI), qui ont donné lieu à l’ouverture du cas no 3074, le gouvernement rappelle que le ministère public a ouvert une enquête sur les faits qui ont provoqué l’incendie du véhicule automobile de M. José Ernesto Reyes; il a été ensuite décidé de classer la plainte, l’auteur du délit n’ayant pu être identifié. Le gouvernement souligne à cet égard que lorsqu’une plainte est classée par impossibilité de trouver ou d’établir l’auteur des faits, la procédure peut être rouverte et se poursuivre si l’on obtient de nouvelles informations ou des preuves pertinentes et utiles.
  13. 339. Le gouvernement indique que le ministère public mène 43 enquêtes sur les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP) dénoncés dans le présent cas. Le taux d’élucidation de ces affaires s’élève à 48,84 pour cent (21 cas), soit 4,65 points de pourcentage de plus que dans le rapport précédent. Le gouvernement précise que 9 cas sont en cours d’exécution des peines, 4 sont en procès, 5 en sont au stade de l’instruction et de l’enquête et 3 sont forclos.
  14. 340. En ce qui concerne l’identification de M. Diego Rodriguez González et de M. Manuel Alfonso, tenant compte de ce qu’a rapporté le président national de l’UTP M. Oscar Robayo Rodríguez, le gouvernement indique que: i) M. Diego Rodríguez González, membre militant de l’UTP jusqu’au 5 juin 2013, a été assassiné par des groupes terroristes à San Vicente del Caguan, selon les informations communiquées par les médias à l’échelle nationale; et ii) M. Manuel Alfonso Julio Maestre, membre militant de l’UTP jusqu’au 24 octobre 2016, a été assassiné lors d’un attentat terroriste à Granada – Meta, selon les informations communiquées par les médias à l’échelle nationale.
  15. 341. Pour ce qui est des menaces à l’encontre de membres de l’UTP et des enquêtes menées à ce sujet, le gouvernement indique que le ministère public a effectué une recherche dans les registres d’enquêtes: 23 dossiers ont ainsi été recensés, dont 7 «actifs» qui font l’objet d’une enquête par la police judiciaire. En ce qui concerne les informations spécifiques demandées par le comité, le gouvernement indique que: i) M. Mauricio Paz Jojoa ne bénéficie pas du programme de protection car son niveau de risque a été estimé ordinaire; ii) selon les informations fournies par le président de l’UTP, Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos travaille à l’Institut pénitentiaire et carcéral national.
  16. 342. En ce qui concerne l’attentat dont aurait été victime M. Gustavo Adolfo Aguilar, président du Syndicat des fonctionnaires et agents publics du gouvernement et des municipalités de Colombie (SINTRASERPUVAL), le 22 mars 2018: i) le gouvernement signale que cette enquête a été fermée sur décision du ministère public de classer l’affaire en raison de l’impossibilité de trouver ou d’identifier l’auteur des faits; et ii) l’UNP indique que «[...] pour l’année 2018, l’évaluation au 25 juin 2018 a qualifié le niveau de risque de l’intéressé d’extraordinaire et qu’une mesure de protection lui a été accordée, en vertu de la résolution no 5257 du 04 juillet 2018, sous la forme d’un moyen de communication et d’un gilet pare-balles». Mais l’UNP ajoute qu’une fois effectuée la recherche dans les bases de données dont dispose le service, M. Gustavo Adolfo Aguilar Gutiérrez n’a plus bénéficié du programme de prévention et de protection.

C. Conclusions du comité

C. Conclusions du comité
  1. 343. Le comité rappelle que les cas nos 2761 et 3074 concernent des allégations faisant état de nombreux homicides de dirigeants syndicaux et de membres du mouvement syndical, ainsi que de nombreux autres actes de violence antisyndicale.
  2. 344. Le comité note tout d’abord la déclaration du gouvernement, à savoir que les enquêtes et les poursuites concernant les homicides de membres du mouvement syndical ont beaucoup progressé – plus de 800 jugements ont été rendus depuis 2005 – et qu’il s’engage à renforcer le mouvement syndical et à travailler pour faire avancer les enquêtes.
  3. 345. Le comité prend note par ailleurs des informations générales que le gouvernement a fournies sur les initiatives institutionnelles menées pour élucider les actes de violence antisyndicale et sanctionner les coupables. Il observe que le gouvernement rappelle que les enquêtes et les procédures judiciaires relatives aux crimes commis contre des syndicalistes sont une priorité pour le ministère public, qui dispose depuis 2016 d’une stratégie spécifique et différenciée en la matière, mise en œuvre par le groupe spécial chargé de la conduite et du suivi des enquêtes sur les crimes commis contre des syndicalistes et sur la liberté syndicale. Le comité note également que, selon le gouvernement, outre les programmes de formation sur la liberté syndicale destinés aux membres du bureau du procureur général, le ministère public a appliqué les mesures suivantes en matière d’homicides de syndicalistes: coordination, au sein du ministère public, entre les stratégies d’enquête sur les homicides de syndicalistes, de défenseurs des droits humains et les homicides intentionnels; mise à disposition d’une procureure à l’échelon national pour accélérer les procédures dans les cas de syndicalistes; suivi par le bureau de la procureure générale adjointe; et protocole de caractérisation des victimes de violations graves des droits humains, publié en 2022.
  4. 346. Le comité prend également note des informations fournies par le gouvernement sur les résultats de la stratégie concernant les homicides de syndicalistes, à savoir: i) les auteurs ont été identifiés dans 44,69 pour cent des homicides dénoncés entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2022; ii) en 2022, les auteurs ont été identifiés dans 53,33 pour cent des 15 cas d’homicides de syndicalistes recensés par le ministère public, l’un est en cours de jugement, trois ont donné lieu à des inculpations et quatre font l’objet d’un mandat d’arrêt décerné par un juge; et iii) en ce qui concerne les 85 cas de violence antisyndicale (dont 79 homicides) expressément dénoncés dans le présent cas, des avancées supplémentaires sont constatées dans 22 cas par rapport aux informations précédemment examinées (8 exécutions de peines, 4 cas en jugement et 10 au stade de l’enquête).
  5. 347. Le comité prend note également des informations fournies par le gouvernement sur la poursuite des efforts déployés pour accroître l’efficacité des enquêtes visant à identifier et sanctionner les auteurs de menaces contre les défenseurs des droits humains en général et les membres du mouvement syndical en particulier. Il note que le gouvernement indique notamment ce qui suit: i) en vertu de la résolution 0775 de 2021, un groupe chargé des menaces a été créé au sein de la direction spécialisée dans la lutte contre les violations des droits humains; il se compose actuellement de 10 procureurs chargés d’appuyer les directions régionales où se produisent des menaces contre la population visée par cette stratégie; et ii) le ministère public a élaboré une stratégie spécifique et a détaché un procureur spécialisé du groupe de travail national chargé des menaces pour enquêter en priorité sur les menaces dont sont victimes les syndicalistes dans le secteur des mines et de l’énergie du Valle del Cauca.
  6. 348. Le comité prend bonne note des informations fournies par le gouvernement et salue en particulier la poursuite et l’approfondissement des efforts visant à garantir que les enquêtes et l’élucidation de tous les actes de violence antisyndicale, ainsi que la sanction de leurs auteurs, constituent une priorité de l’État, poursuivie au moyen de méthodes adaptées au type de crimes concernés et d’une large coordination entre institutions. Il prend également note de l’avancement des enquêtes sur les actes de violence antisyndicale expressément dénoncés dans le présent cas et sur les homicides recensés par le ministère public tout au long de l’année 2022. Dans le même temps, le comité note à nouveau l’absence d’informations sur l’identification et la sanction des éventuels commanditaires. Il souligne à nouveau que les enquêtes doivent porter non seulement sur l’auteur du crime, mais aussi sur ses commanditaires, afin de rendre pleinement justice et de prévenir de façon significative de futurs actes de violence contre des membres du mouvement syndical. Saluant les mesures importantes que les autorités compétentes ont adoptées, le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides, menaces et autres rapportés dans le pays, et pour condamner tant les auteurs que les instigateurs de tels actes. Il espère, en particulier, que toutes les mesures supplémentaires seront prises et toutes les ressources nécessaires mobilisées afin que les enquêtes et les procédures pénales menées en relation avec les actes de violence antisyndicale dénoncés dans le présent cas augmentent considérablement leur efficacité pour ce qui est d’identifier et de sanctionner les instigateurs de ces actes. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
  7. 349. En ce qui concerne les mesures prises par les pouvoirs publics pour prévenir les actes de violence antisyndicale et protéger les membres du mouvement syndical en danger, le comité prend note, tout d’abord, des chiffres fournis par le gouvernement: i) 256 membres du mouvement syndical ont été protégés en 2021 (dont des mesures fortes pour 142 d’entre eux) et 252 (dont des mesures fortes pour 143 d’entre elles) en 2022 (données disponibles au 5 novembre 2022)); et ii) le budget de l’UNP était de 1 645 168 284 600 pesos colombiens en 2022 (environ 349 millions de dollars des États-Unis), contre 830 363 870 243 pesos en 2018. Le comité note en outre que le gouvernement indique ce qui suit: i) dans le cadre du plan d’action rapide pour la prévention et la protection individuelle et collective des droits à la vie, à la liberté, à l’intégrité et à la sécurité des défenseurs des droits humains, des dirigeants sociaux et communautaires et des journalistes, a été institué le Comité opérationnel pour la protection et la réaction immédiate aux violations des droits à la vie, à l’intégrité, à la liberté et à la sécurité et, dans ce cadre, 32 municipalités sont prioritaires pour une intervention, et il est proposé d’en ajouter 9 autres; ii)des évaluations collectives du niveau de risque ont été effectuées sur six groupes de personnes ayant statut de dirigeant ou de militant syndical (quatre évaluations sont terminées et deux sont en cours); et iii) le ministère du Travail continue de diriger le secrétariat technique de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs, qui a tenu trois réunions en 2022, dont une consacrée à la problématique de la travailleuse et aux questions de genre.
  8. 350. Le comité salue les efforts importants déployés par les autorités compétentes en matière de protection contre la violence antisyndicale. Il prend particulièrement note à cet égard de l’augmentation significative du budget de l’UNP et des consultations régulières qui se sont tenues avec les partenaires sociaux au sein de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs. Dans le même temps, le comité note avec une profonde préoccupation qu’il y a eu 15 homicides de syndicalistes recensés en 2022, ce qui témoigne de la persistance d’un niveau élevé de violence antisyndicale dans le pays. Le comité rappelle à ce sujet que la liberté syndicale ne peut s’exercer que dans une situation de respect et de garantie complets des droits fondamentaux de l’homme, en particulier du droit à la vie et du droit à la sécurité de la personne. [Voir Compilation des décisions du Comité de la liberté syndicale, sixième édition, 2018, paragr. 82.] Compte tenu de cette situation, le comité prie instamment le gouvernement de continuer à intensifier ses efforts pour offrir une protection adéquate à tous les membres du mouvement syndical en danger. Afin que les politiques de prévention de la violence antisyndicale aient une plus grande efficacité, le comité prie le gouvernement notamment: i) dans le cadre des initiatives et dispositifs institutionnels de protection des défenseurs des droits de l’homme et des dirigeants sociaux, de continuer à accorder toute l’attention nécessaire à la situation spécifique des membres du mouvement syndical en danger; et ii) de communiquer des informations actualisées sur les mesures prises pour prévenir les actes de violence antisyndicale dans les principaux foyers de risque aux niveaux régional et sectoriel que le gouvernement avait portés à l’attention du comité lors de son précédent examen du cas. [Voir 393e rapport du comité, paragr. 93.] Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
  9. 351. En ce qui concerne les blessures infligées en 2014 à M. Oscar Arturo Orozco, membre du Syndicat des travailleurs de l’énergie de Colombie, le comité note que le gouvernement: i) rappelle qu’il avait indiqué qu’une enquête était en cours à la direction régionale de Caldas pour délit de blessures; et ii) fait savoir que, selon le ministère public, le procureur chargé de l’affaire a rendu une décision de classement. Pour ce qui est des menaces dénoncées en 2014 par M. Oscar Lema Vega, le comité note que, ainsi que l’indique le gouvernement, l’enquête a été provisoirement classée en raison de l’impossibilité de trouver ou d’identifier l’auteur.
  10. 352. En ce qui concerne les faits dénoncés par le Syndicat des travailleurs des entreprises municipales de Cali, le comité note que, ainsi que le rappelle le gouvernement, le ministère public a ouvert une enquête sur les faits qui ont provoqué l’incendie du véhicule automobile de M. José Ernesto Reyes; il a été ensuite décidé de classer le dossier, l’auteur du crime n’ayant pu être identifié. Le gouvernement souligne à cet égard que lorsqu’une plainte est classée par impossibilité de trouver ou d’établir l’auteur des faits, la procédure peut être rouverte et se poursuivre si l’on obtient de nouvelles informations ou des preuves pertinentes et utiles.
  11. 353. Le comité regrette de constater que les auteurs de ces graves crimes n’ont été ni identifiés ni sanctionnés. Il rappelle qu’il a souligné que, dans des cas d’actes de violence physique ou verbale contre des dirigeants travailleurs ou employeurs et leurs organisations, l’absence de jugements contre les coupables entraîne une impunité de fait qui renforce le climat de violence et d’insécurité, et qui est donc extrêmement dommageable pour l’exercice des activités syndicales. [Voir Compilation, paragr. 108.]
  12. 354. Le comité prie donc le gouvernement de le tenir informé de tout nouvel élément qui permettrait la réouverture des enquêtes susmentionnées et de veiller à ce que les autorités compétentes réagissent immédiatement à toute nouvelle situation de risque à laquelle pourraient être confrontés les membres et dirigeants de ces deux organisations.
  13. 355. En ce qui concerne la plainte relative à l’assassinat de 21 membres de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires du système pénitentiaire et carcéral colombien (UTP), dont 3 dirigeants syndicaux, commis entre le 5 juin 2012 et le 24 octobre 2016, ainsi qu’à la tentative d’homicide dont a été victime un autre dirigeant de l’UTP le 4 juin 2015, le comité prend note des informations transmises par le gouvernement, à savoir: i) le ministère public mène 43 enquêtes sur les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’UTP dénoncés dans le présent cas; et ii) le taux d’élucidation s’élève à 48,84 pour cent: exécution de peines (9 cas), procès (4 cas), instruction et enquête (5 cas) et forclos (3 cas).
  14. 356. Le comité note également que le gouvernement soumet les informations fournies par le président de l’UTP concernant MM. Diego Rodriguez González et Manuel Alfonso Julio Maestre: i) M. Diego Rodríguez González, membre militant de l’UTP jusqu’au 5 juin 2013, a été assassiné par des groupes terroristes à San Vicente del Caguan, selon les informations communiquées par les médias à l’échelle nationale; et ii) M. Manuel Alfonso Julio Maestre, membre militant de l’UTP jusqu’au 24 octobre 2016, a été assassiné lors d’un attentat terroriste à Granada – Meta, selon les informations communiquées par les médias à l’échelle nationale.
  15. 357. Enfin, le comité prend note des informations fournies par le gouvernement sur les enquêtes relatives aux menaces dont auraient fait l’objet un certain nombre de membres et de dirigeants de l’UTP. Il constate que le ministère public a recensé 23 rapports, dont sept «actifs» qui font l’objet d’une enquête par la police judiciaire.
  16. 358. En ce qui concerne les informations spécifiques demandées par le comité dans son précédent rapport au sujet de deux personnes pour lesquelles des mesures de protection avaient été demandées, le comité note que le gouvernement indique ce qui suit: i) M. Mauricio Paz Jojoa ne bénéficie pas du programme de protection puisque son niveau de risque a été évalué ordinaire; ii) selon les informations fournies par le président de l’UTP, Mme Cindy Yuliana Rodríguez Layos travaille à l’Institut pénitentiaire et carcéral national. Le comité comprend qu’il découle de ce qui précède que le syndicat n’a pas fourni d’informations spécifiques sur l’éventuelle affiliation ou activité syndicale de cette personne.
  17. 359. Le comité prend bonne note des informations générales et spécifiques fournies par le gouvernement et accorde une attention particulière aux rapports sur l’avancement des enquêtes et des décisions judiciaires concernant les homicides de membres de l’UTP et les menaces signalées dans le présent cas. Toutefois, il doit à nouveau constater qu’il ne dispose toujours pas des informations demandées sur les motifs des homicides qui ont débouché sur des condamnations, ainsi que sur la question de savoir si les personnes condamnées sont à la fois les auteurs et les instigateurs des actes et si ces condamnations ont révélé des liens entre les différents assassinats en question. C’est pourquoi le comité prie instamment le gouvernement de continuer à tout mettre en œuvre pour élucider tous les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’UTP dénoncés dans le présent cas, et condamner leurs auteurs et leurs instigateurs. En ce qui concerne les cas dénoncés dans le présent cas, le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’état d’avancement des enquêtes en cours, ainsi que sur le contenu des décisions rendues.
  18. 360. En ce qui concerne l’allégation d’attentat commis contre M. Gustavo Adolfo Aguilar Gutiérrez, président du Syndicat des fonctionnaires et agents publics du gouvernement et des municipalités de Colombie, le 22 mars 2018, le comité note que, sur la base des informations fournies par le ministère public et l’UNP, le gouvernement indique ce qui suit: i) l’enquête a débouché sur le classement de l’affaire par le ministère public en raison de l’impossibilité de trouver ou d’identifier l’auteur; ii) l’évaluation effectuée en juin 2018 a qualifié d’extraordinaire le risque encouru par M. Aguilar, auquel une mesure de protection a été accordée sous la forme d’un moyen de communication et d’un gilet pare-balles; et iii) à l’heure actuelle, M. Aguilar ne bénéficie plus du programme de prévention et de protection.
  19. 361. Le comité prend note de ces informations. Il regrette de constater que les auteurs de ces graves crimes n’ont été ni identifiés ni sanctionnés et réitère ici ce qu’il a signalé au paragraphe 31 ci-dessus. Il prie le gouvernement de le tenir informé de tout nouvel élément qui permettrait de rouvrir les enquêtes concernées. Le comité espère également qu’il a été procédé à une nouvelle évaluation de la situation de risque de M. Aguilar avant de mettre fin aux mesures de protection qui lui avaient été accordées. À cet égard, le comité veut croire que le gouvernement veillera à ce que toute nouvelle situation de risque à laquelle M. Aguilar ou tout autre membre de son organisation pourrait être confronté donnera lieu à une réponse immédiate des autorités compétentes.

Recommandations du comité

Recommandations du comité
  1. 362. Au vu des conclusions intérimaires qui précèdent, le comité invite le Conseil d’administration à approuver les recommandations suivantes:
    • a) Le comité salue les mesures importantes que les autorités compétentes ont adoptées pour garantir que la lutte contre la violence antisyndicale constitue une priorité de l’État grâce à une large coordination interinstitutionnelle et prend note des progrès signalés dans les enquêtes sur les actes de violence antisyndicale. Le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour élucider tous les actes de violence antisyndicale, homicides, menaces et autres rapportés dans le pays, et pour condamner tant les auteurs que les instigateurs de tels actes. Il espère, en particulier, que toutes les mesures supplémentaires seront prises et toutes les ressources nécessaires mobilisées afin que les enquêtes et les procédures pénales menées en relation avec les actes de violence antisyndicale dénoncés dans le présent cas augmentent considérablement leur efficacité en ce qui concerne l’identification et la sanction des instigateurs de ces actes. Le comité prie le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
    • b) Le comité salue les mesures importantes prises par les autorités compétentes pour la protection des membres du mouvement syndical en danger et, en particulier, l’augmentation significative du budget de l’UNP, ainsi que les consultations régulières tenues avec les partenaires sociaux au sein de la Commission interinstitutionnelle pour la promotion et la protection des droits de l’homme des travailleurs. Le comité prie instamment le gouvernement de continuer d’intensifier ses efforts pour offrir une protection adéquate à tous les membres du mouvement syndical en danger. Afin que les politiques de prévention de la violence antisyndicale aient une plus grande efficacité, le comité prie le gouvernement notamment: i) dans le cadre des initiatives et dispositifs institutionnels de protection des défenseurs des droits de l’homme et des dirigeants sociaux, de continuer à accorder toute l’attention nécessaire à la situation spécifique des membres du mouvement syndical en danger; et ii) de communiquer des informations actualisées sur les mesures prises pour prévenir les actes de violence antisyndicale dans les principaux foyers de risque aux niveaux régional et sectoriel que le gouvernement avait portés à l’attention du comité lors de son précédent examen du cas. Le comité prie le gouvernement de le tenir informé à cet égard.
    • c) Le comité prie instamment le gouvernement de continuer à tout mettre en œuvre pour élucider tous les homicides et la tentative d’homicide de dirigeants et de membres de l’Association syndicale unitaire des fonctionnaires du système pénitentiaire et carcéral colombien dénoncés dans le présent cas, et pour condamner leurs auteurs et leurs instigateurs. En ce qui concerne les cas dénoncés dans le présent cas, le comité prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’état d’avancement des enquêtes en cours, ainsi que sur le contenu des décisions rendues.
    • d) Le comité prie le gouvernement de le tenir informé de tout nouvel élément qui permettrait la réouverture des enquêtes sur les actes de violence antisyndicale perpétrés contre des dirigeants du SINTRAELECOL, du SINTRAEMCALI et du SINTRASERPUVAL dénoncés dans le présent cas et de veiller à ce que toute nouvelle situation de risque à laquelle pourraient être confrontés les membres et dirigeants de ces organisations donne lieu à une réponse immédiate des autorités compétentes.
    • e) Le comité attire spécialement l’attention du Conseil d’administration sur le caractère extrêmement grave et urgent du présent cas.
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