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Observation (CEACR) - adoptée 1990, publiée 77ème session CIT (1990)

Convention (n° 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957 - Inde (Ratification: 1958)

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1. La commission rappelle que dans les commentaires qu'elle formule depuis plusieurs années - les plus récents à sa session de 1988 - elle a examiné le déplacement dont quelque 60.000 membres parmi la population tribale doivent faire l'objet en raison du projet de construction du barrage et de la centrale électrique de Sardar Sarovar (SSP). Il s'agit de la première étape d'un projet beaucoup plus important qui, dit-on, entraînera le déplacement de plus d'un million de personnes. Le projet est financé par la Banque mondiale. La commission a examiné à plusieurs reprises les observations de la Fédération internationale des travailleurs des plantations, de l'agriculture et des secteurs connexes (FITPASC), qui transmettaient des informations reçues de l'organisation non gouvernementale de défense des droits de l'homme Survival International, qui défend les droits des populations tribales menacées.

2. La commission prend note avec intérêt des informations détaillées fournies par le gouvernement à la Commission de la Conférence en 1988. Elle a reçu de la FITPASC d'autres communications en date du 27 février, du 23 octobre et du 20 décembre 1989, qu'elle a transmises au gouvernement, et celui-ci lui a envoyé ses observations sur lesdites communications dans une lettre en date du 24 janvier 1990. La commission a reçu aussi des informations de la Banque mondiale par lettre en date du 2 février 1990.

3. La commission note plus particulièrement, d'après une déclaration figurant dans la communication de la FITPASC du 31 octobre 1989, qu'une série de projets de développement, déjà mis en oeuvre ou prévus en Inde, entraînerait le déplacement de 2 à 3 millions de membres parmi la population tribale au total, et que les mesures prises en vue de la réinstallation et de la réadaptation de ces personnes sont insuffisantes. La commission prie le gouvernement de faire dans son prochain rapport les commentaires qu'il souhaiterait apporter sur cette déclaration.

4. La commission rappelle que le SSP déplacera des populations tribales dans trois Etats indiens: Gujarat, Maharastra et Madhya Pradesh. Chaque Etat a pris ses propres dispositions, en vertu d'accords conclus avec la Banque mondiale, pour faire face au problème des populations ainsi déplacées et aux autres conséquences du projet.

5. La commission remercie le gouvernement pour les informations détaillées qu'il a fournies à chaque étape de l'examen de cette question.

6. Article 6 de la convention. La FITPASC a indiqué que les arrangements en vigueur ne satisfont pas aux dispositions de cet article de la convention, qui prévoit ce qui suit:

L'amélioration des conditions de vie et de travail des populations intéressées et de leur niveau d'éducation aura une haute priorité dans les programmes généraux de développement économique des régions qu'elles habitent. Les projets particuliers de développement économique de ces régions devront également être conçus de manière à favoriser une telle amélioration.

7. Dans son observation de 1988, la commission a déclaré que "la question de savoir si ces arrangements sont conformes aux exigences de l'article 6 ne se prête pas encore à une évaluation définitive, car elle dépend largement de ce qui a été conclu concernant les autres problèmes soulevés". Dans ses commentaires de janvier 1989, la FITPASC a déclaré que le projet "vise à fournir de l'énergie et de l'eau à des populations déjà installées; les avantages résultant de ce projet ne profiteront pas du tout aux populations tribales qui sont déplacées, ce qui semble être en soi une violation ... de l'article 6". La FITPASC fait également référence à l'expérience vécue par les populations tribales déplacées par des projets analogues (les barrages de Tawa et de Bargi, par exemple) et aux ressources limitées qui sont disponibles aux fins d'indemnisation. La fédération déclare également que le type de développement forcé des populations tribales qui résultera vraisemblablement de leur déplacement est celui qui semble le moins à même d'entraîner une amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

8. Le gouvernement déclare dans ses commentaires que le projet, une fois achevé, profitera à égalité aux populations tribales et aux autres et que le gouvernement central et ceux des Etats se sont pleinement engagés à assurer le développement socio-économique général des populations tribales. Il indique que cet article n'exclut pas que les efforts de développement économique touchent à la fois les populations tribales et les populations non tribales et souligne les avantages qui devraient en résulter, notamment le secours apporté aux zones exposées à la sécheresse, l'irrigation, l'approvisionnement en eau pour les industries, la fourniture d'électricité et la création d'emplois grâce à l'implantation de nouvelles entreprises industrielles et agricoles.

9. La commission prend note des commentaires formulés et convient que cet article n'exclut pas les efforts de développement économique qui aident à la fois les populations tribales et les autres. En l'occurrence, toutefois, il semble que, si les unes et les autres ont des chances de bénéficier de certains des avantages résultant du projet, le coût de celui-ci représente une charge particulièrement lourde pour les populations tribales des trois Etats. La question de savoir si ce coût peut être diminué ou compensé dépend de la façon dont les autres articles en cause sont appliqués.

10. Article 11. Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté l'affirmation de la FITPASC selon laquelle les arrangements prévus pour indemniser les populations tribales déplacées n'appliquaient pas intégralement cet article, dont la teneur est la suivante:

Le droit de propriété, collectif ou individuel, sera reconnu aux membres des populations intéressées sur les terres qu'elles occupent traditionnellement.

11. La FITPASC a déclaré que des indemnisations étaient versées seulement pour les terres sur lesquelles les populations tribales déplacées avaient un titre de propriété ou un autre droit reconnu, et non pour toutes les terres simplement occupées par elles. Elle a rappelé que de nombreuses populations tribales utilisent - pour la culture, l'élevage ou la récolte de produits forestiers - des terres sur lesquelles elles n'ont aucun titre de propriété reconnu. Le gouvernement a indiqué que l'Etat du Gujarat avait décidé d'accorder des titres de propriété aux populations tribales qui "empiétaient" sur des terres de l'Etat pour y pratiquer la culture, de sorte qu'elles seraient indemnisées pour la perte de ces terres lorsqu'elles seraient déplacées (l'indemnisation ainsi reçue devant à son tour permettre de payer l'achat de terres sur le lieu de réinstallation). De son côté, la FITPASC a déclaré que 80 pour cent des populations tribales touchées vivaient dans les deux autres Etats visés par les projets et que les arrangements en question n'y avaient pas été prévus, que le genre de versements à titre gracieux effectués par le gouvernement du Gujarat évitait de reconnaître que les populations tribales avaient des droits de priorité et qu'aucune disposition n'avait été prise pour les éléments de la vie économique de ces populations que sont la chasse et la cueillette, mais seulement pour la culture sédentaire. Le gouvernement a indiqué qu'il convenait d'établir une distinction entre l'occupation traditionnelle, telle que le prévoit cet article, et l'occupation non autorisée des terres du domaine de l'Etat; exiger que des mesures spéciales soient prises à l'égard des "personnes qui empiètent" reviendrait à mal interpréter l'article 11.

12. La commission a noté, dans son observation de 1988, que l'occupation traditionnelle de la terre conférait des droits de propriété en vertu de la convention, que les titres fussent ou non reconnus, et que même si l'occupation était récente, cela ne signifiait pas qu'il n'existait pas de droits de propriété, notamment au vu des articles 12 et 14 de la convention. Cela ne signifiait pas non plus que les populations tribales concernées devraient se voir exclues des protections offertes aux populations que le projet est en train de déplacer. Elle a demandé des informations supplémentaires sur les mesures prises au Maharastra et au Madhya Pradesh, et a exprimé l'espoir que des dispositions pourront être prises en faveur de toutes les populations déplacées.

13. Le gouvernement a informé la Commission de la Conférence en 1988 qu'il ne pensait pas, quant à lui, que l'occupation récente de terres appartenant à l'Etat conférait aux populations tribales un droit quelconque sur ces terres. L'empiètement ne pouvait être considéré ni comme une "occupation traditionnelle" au sens de l'article 11, ni comme une "occupation habituelle" au sens de l'article 12. Les gouvernements du Maharastra et du Madhya Pradesh avaient récemment actualisé leurs politiques de réadaptation suivant des principes analogues à ceux qui avaient été adoptés au Gujarat, et le gouvernement de cet Etat avait décidé que toutes les personnes désireuses de se réinstaller sur son territoire seraient traitées sur un pied d'égalité et recevraient des titres de propriété complets.

14. Dans sa communication du 24 janvier 1989, la FITPASC a déclaré que la distinction entre occupation traditionnelle et empiètement sur des terres appartenant à l'Etat était arbitraire car, lorsque les populations tribales sont passées sous l'administration britannique au XIXe siècle, certaines des terres occupées par elles étaient déjà pourvues de titres de propriété et d'autres pas. De nombreux membres de ces populations tribales occupaient ces terres depuis très longtemps sans que cela ait été reconnu, et c'était le cas en particulier de la réserve forestière de la vallée du Narmada. En outre, la plupart de ces personnes pratiquent une économie mixte sur des superficies qui s'étendent bien au-delà des terres sur lesquelles elles pourraient avoir des titres de propriété. La FITPASC déclare que l'article 11 s'applique donc aussi bien aux forêts et aux terres en friche qu'aux terres où l'on pratique des cultures sédentaires.

15. Dans sa communication du 24 janvier 1990, le gouvernement déclare que l'allégation relative aux personnes qui occupaient des terres, même avant l'administration britannique, est trop générale pour donner lieu à des commentaires. Il réitère l'idée que l'article 11 de la convention "ne permet nullement l'occupation, sans autorisation, de terres appartenant à l'Etat, car une telle occupation ne peut ... être considérée comme traditionnelle". Il rappelle l'engagement qu'il a pris de reconnaître les titres de propriété des terres que les membres des populations tribales occupent traditionnellement, ainsi que la législation adoptée pour lutter contre l'aliénation des terres qui leur appartiennent et leur restituer les terres aliénées. La politique forestière nationale de 1988 reconnaît que ce dont tous les organismes responsables de la gestion des forêts devraient se préoccuper, au premier chef, est d'associer étroitement les populations tribales à la protection, à la régénération et à l'exploitation des forêts, et de fournir des emplois rémunérés à leurs habitants et à ceux qui vivent à proximité; par ailleurs, les droits coutumiers et les intérêts de ces personnes doivent être préservés dans leur intégralité. Enfin, les politiques de réadaptation et de réinstallation des trois Etats prévoient l'attribution de terres aux familles qui ont exploité des terres et des forêts du domaine public sans autorisation, et le Maharastra a régularisé toutes les occupations non autorisées de terres qui ont eu lieu avant le 31 mars 1978. Le Maharastra et le Madhya Pradesh prévoient actuellement que les "personnes qui empiètent" et les familles en possession d'un titre légal de propriété seront traitées sur un pied d'égalité quant à l'obtention du droit à compensation et à réadaptation. En ce qui concerne le Maharastra, la commission prend note de la résolution no RPA-3188/CR-130/88/R-5, en date du 29 juin 1989, exposant la politique de réadaptation et de réinstallation des personnes déplacées. Cette politique fixe les règles applicables à l'indemnisation de ces personnes, leur réinstallation et l'acquisition d'autres terres au Maharastra ou au Gujarat, l'indemnisation des "occupants par empiètement" pour les terres qu'ils doivent abandonner, ainsi qu'à d'autres éléments de compensation et de réadaptation. Elle prévoit également le financement du programme de réadaptation et de réinstallation. Le gouvernement a communiqué un document analogue adopté par le gouvernement du Madhya Pradesh et daté de novembre 1987 (mais il ne comporte aucune disposition sur le financement des arrangements dont il est question plus haut).

16. La commission a pris note avec intérêt des informations détaillées fournies par la FITPASC et par le gouvernement. Elle ne peut adhérer totalement à la distinction faite par le gouvernement entre occupation traditionnelle et empiètement manque de clarté. L'occupation traditionnelle, qu'elle ait été ou non reconnue comme autorisée, crée assurément des droits en vertu de la convention. De surcroît, l'utilisation pour y exercer la chasse et la cueillette de forêts ou de terres dont le gouvernement détient les titres de propriété - encore une fois, que cela ait été autorisé ou non - justifie l'emploi du terme "occupation", et, s'il s'agit d'une occupation traditionnelle, elle satisfait aux exigences de l'article 11. L'expression "occupation traditionnelle" est imprécise, mais elle laisse clairement entendre que les terres sur lesquelles les droits de propriété de ces groupes devraient être reconnus sont celles dont l'exploitation est devenue partie intégrante de leur mode de vie. La commission n'est pas à même de juger, dans le contexte du présent débat, du temps qui devrait s'écouler avant que l'occupation devienne "traditionnelle", et elle ne dispose pas non plus d'informations qui lui permettraient d'établir que l'utilisation traditionnelle de la terre n'a pas été reconnue dans telle ou telle situation particulière. Toutefois, dans la mesure où elles sont exactes, les indications fournies par la FITPASC établiraient une présomption de droit foncier au titre de la convention. La commission note que, comme la FITPASC l'a indiqué, aucune compensation n'a été accordée aux membres des populations tribales qui pratiquent la chasse et la cueillette, contrairement à ceux qui vivent des cultures sédentaires. Elle espère que le gouvernement, lorsqu'il se prononcera sur les droits fonciers donnant lieu à une compensation, s'assurera que les populations tribales déjà appauvries et sans ressources n'auront pas à supporter trop lourdement le coût de ce projet et qu'elles ne seront pas privées des moyens de subsistance dont elles disposent depuis plusieurs années. La commission espère que le gouvernement adoptera une interprétation conforme aussi bien à l'esprit qu'à la lettre de cet article de la convention.

17. Article 12. Le problème qui se pose maintenant porte sur le paragraphe 2 de cet article, dont la teneur est la suivante:

Lorsque, dans de tels cas, un déplacement s'impose à titre exceptionnel, les intéressés recevront des terres d'une qualité au moins égale à celles des terres qu'ils occupaient antérieurement en leur permettant de subvenir à leurs besoins et d'assurer leur développement futur. Lorsqu'il existe des possibilités de trouver une autre occupation et que les intéressés préfèrent recevoir une indemnisation en espèces ou en nature, ils seront ainsi indemnisés, sous réserve des garanties appropriées.

18. Les droits de propriété que ces populations détiennent déjà constituent un problème important car, dans le cadre des arrangements conclus avec la Banque mondiale par le gouvernement de chacun des Etats intéressés, c'est ce qui déterminera les terres ou les autres compensations qui seront accordées aux populations tribales déplacées lorsqu'elles se réinstalleront. La commission a déjà examiné la question, posée par la FITPASC dans des commentaires antérieurs, de savoir s'il y a suffisamment de terres d'une qualité acceptable pour permettre la réinstallation des 60.000 membres parmi la population tribale déplacée, et si les autres mesures qui sont prises répondent d'une manière adéquate aux exigences de la convention et aux objectifs de réinstallation et de réadaptation de l'accord d'ouverture de crédits conclu avec la Banque mondiale. La commission a noté, dans ses commentaires précédents, que le gouvernement accomplissait des efforts véritables et considérables en la matière, mais que les problèmes persistaient. Elle a noté en particulier que, si l'Etat du Gujarat avait mis des terres à la disposition des intéressés et fait des efforts en vue de les réadapter, les deux autres Etats avaient fait beaucoup moins, alors que 80 pour cent des populations tribales à déplacer vivent dans le Madhya Pradesh et le Maharastra. Le gouvernement avait fait savoir à la Commission de la Conférence en 1988 que toutes les populations tribales déplacées désireuses de s'établir au Gujarat seraient traitées sur un pied d'égalité. Les trois Etats s'efforçaient d'acheter de vastes étendues d'une qualité acceptable, afin que l'installation des "personnes déplacées" ne soit pas fragmentaire et que leurs communautés ne soient pas dispersées. On avait proposé à ces personnes de s'installer au Gujarat, car c'est là que de nouvelles terres devaient être irriguées, mais elles pouvaient s'installer dans leur propre Etat si elles le souhaitaient.

19. Dans ses commentaires du 24 janvier 1989, la FITPASC a déclaré que les terres offertes aux populations tribales déplacées en compensation de celles qu'elles occupaient devaient être semblables à ces dernières, de sorte qu'il fallait les reloger à proximité de forêts et leur en donner l'accès. Toutefois, la fédération signale que le ministère de l'Environnement et des Forêts a fait, le 8 septembre 1987, une déclaration de principe selon laquelle "aucune terre forestière ne servira à la réadaptation des personnes déplacées", tandis que la Banque mondiale a déclaré dans une lettre du 28 juin 1988, que la compensation d'"une forêt par une autre forêt" n'est pas toujours appropriée ni réaliste. En outre, d'après la fédération, trouver suffisamment de terres agricoles pour indemniser les personnes déplacées constitue déjà un problème; quant aux terres forestières, elles sont encore moins nombreuses. Elle ajoute que des pressions sont exercées sur les personnes déplacées du Madhya Pradesh pour qu'elles acceptent une indemnisation en espèces plutôt que sous forme de terres, si elles ne choisissent pas de s'installer au Gujarat.

20. Pour ce qui est de la situation de chaque Etat, la FITPASC note que, dans le cadre de la résolution de décembre 1987, chaque famille déplacée du Gujarat devrait recevoir des terres ainsi que d'autres avantages au titre de la réadaptation et que, en juin 1988, ces dispositions ont été étendues aux personnes déplacées du Maharastra et du Madhya Pradesh qui choisissent de s'établir au Gujarat. (La fédération signale aussi que la plupart des personnes déplacées ne souhaitent pas s'installer dans cet Etat et qu'elles ne sont pas tenues de le faire, conformément à la sentence rendue en 1979 par le Tribunal des conflits relatifs aux eaux du Narmada.) Toutefois, selon la fédération, le gouvernement du Gujarat n'a acquis que 20 pour cent des terres nécessaires à la réinstallation des personnes déplacées de cet Etat, les prix augmentent et l'acquisition de terres supplémentaires entraînera d'autres expulsions. Au Maharastra, les plans de réinstallation sont loin d'être au point, il est difficile de trouver des terres disponibles et le gouvernement a décidé de maintenir sous sa propriété les forêts domaniales. Par ailleurs, en vertu d'une résolution d'août 1987, il a été décidé comme au Gujarat, d'accorder des indemnisations en espèces à titre gracieux aux "occupants par empiètement". La FITPASC déclare qu'au Madhya Pradesh, où vivent la plupart des populations déplacées, les arrangements prévus sont très rudimentaires et que les mesures prises sont quasi inexistantes.

21. Le gouvernement a indiqué dans ses commentaires que toutes les personnes déplacées ont droit à une compensation pour les terres qu'elles possédaient ou sur lesquelles elles avaient "empiété" pour y exercer des activités agricoles ou autres. Le gouvernement a pour politique de ne pas attribuer de terres forestières à de telles personnes pour leur réadaptation, mais lorsque celles-ci insistent pour s'y installer, il se montre compréhensif à leur égard. Les populations tribales bénéficient de moyens de réadaptation spéciaux, dont ne disposent pas les autres personnes déplacées. Trouver des terres au Gujarat n'est pas un problème et bon nombre de terres ont déjà été acquises. En ce qui concerne le Maharastra, 269 familles déplacées souhaitent s'installer au Gujarat et 179 y possèdent déjà leurs terres. Il n'est pas correct de dire que les plans de réinstallation sont loin d'être au point dans cet Etat; étant donné que 1.358 familles ont décidé de rester au Maharastra, le gouvernement se fait un devoir de leur fournir des terres de remplacement. Au Madhya Pradesh, où vivent la plupart des personnes devant être déplacées, une première politique a été adoptée en 1986 et, après des consultations avec le gouvernement central et la Banque mondiale, une politique détaillée a été établie le 18 mai 1989. Sur les 193 villages de cet Etat qui seront plus ou moins touchés par la submersion, les personnes déplacées de 92 d'entre eux seront réinstallées dans le Madhya Pradesh, à proximité de leurs terres actuelles. Dans 77 villages, les personnes devant être déplacées souhaitent aller au Gujarat à condition qu'on leur donne des terres appropriées. Elles ont déjà donné leur accord pour un certain nombre d'hectares et le gouvernement du Gujarat fait tout son possible pour trouver d'autres terres convenables.

22. Dans sa lettre du 2 février 1990, la Banque mondiale signale une amélioration de la situation en ce qui concerne la réinstallation et la réadaptation, ainsi que l'a constaté une mission envoyée par la Banque en décembre 1989. Plus de 1.000 personnes déplacées se sont vu accorder des terres au Gujarat, les mécanismes de planification et de mise en oeuvre des activités de réinstallation semblent très bien fonctionner et on trouve actuellement d'autres terres où les intéressés pourront s'installer, y compris des étendues relativement grandes de terres irrigables. La Banque signale que la situation s'améliore également au Madhya Pradesh, quoiqu'il reste beaucoup à faire. Bien que la "date initiale de la submersion" ait été repoussée jusqu'en 1994-95, les premiers villages qui seront touchés ont fait l'objet d'une planification détaillée, des chefs de village se sont rendus au Gujarat, et certains villages ont décidé de s'y installer. Au Maharastra, la situation est difficile, car il faut trouver des terres forestières pour les premières installations, et l'autorisation du gouvernement est nécessaire à cet effet. La Banque indique que des progrès sont réalisés et qu'elle continue de travailler étroitement avec les autorités des Etats et les autorités chargées d'exécuter le projet pour faire en sorte que cela continue.

23. La commission a examiné les informations détaillées fournies par la FITPASC et le gouvernement au sujet des indemnisations offertes aux membres des populations tribales déplacées, ainsi que les informations communiquées par la Banque mondiale. Le gouvernement a fait manifestement des efforts considérables pour venir à bout d'une situation extrêmement difficile; en revanche, il n'est pas évident, d'après les informations dont la commission dispose, qu'il ait totalement réussi à offrir une indemnisation appropriée, conformément à l'article 12 de la convention, à toutes les familles et à tous les villages qui perdent leurs terres à cause de ce projet. La commission tendrait à affirmer que le membre de phrase "des terres d'une qualité au moins égale à celles des terres qu'ils occupaient antérieurement et leur permettant de subvenir à leurs besoins et d'assurer leur développement futur" devrait laisser supposer que les populations tribales déplacées devraient recevoir des terres agricoles et des terres forestières, respectivement, en compensation de ce qu'elles ont perdu. La commission rappelle que cette disposition prévoit, si les groupes intéressés le préfèrent, différents types de compensation; aussi y a-t-il matière à discussion quant à la forme appropriée de la compensation.

24. La commission prie donc le gouvernement de continuer à communiquer des informations détaillées sur les autres progrès réalisés en ce qui concerne la fourniture de terres et d'autres compensations aux populations déplacées. Elle prend note de la déclaration du gouvernement, figurant dans sa communication de janvier 1990, selon laquelle "il est prévu que d'ici à mars 1991 la réadaptation complète des 3.322 familles, au total, touchées par le projet sera achevée selon des normes libéralisées. Le gouvernement de l'Inde est fermement convaincu qu'il n'y a pas eu violation de la convention no 107 et que le projet, lorsqu'il sera achevé, permettra aux membres des populations tribales d'améliorer leur niveau de vie." Les informations communiquées n'indiquent pas combien de terres sont nécessaires pour la réinstallation par rapport aux quantités déjà disponibles, aussi la commission saurait-elle gré au gouvernement de lui fournir des renseignements en la matière.

25. La commission doit réitérer la préoccupation qu'elle avait exprimée dans ses commentaires précédents quant à la question de savoir s'il sera possible d'offrir à l'avenir le même type de compensation que celui qui est prévu dans le cas présent, lorsqu'un bien plus grand nombre de membres de populations tribales - jusqu'à un million d'après les informations reçues - seront, comme prévu, déplacés de leurs terres. Etant donné les problèmes rencontrés avec ce projet de portée relativement limitée, la commission considère qu'il pourrait être très difficile d'assurer une protection aux populations tribales conformément à la convention si l'ensemble du projet est réalisé dans les mêmes conditions.

26. Taux de mortalité des personnes déplacées. La FITPASC a déclaré dans sa communication du 23 octobre 1989 que "des études faites sur les quelques communautés tribales qui se sont déjà réinstallées montrent que leur taux de mortalité a quadruplé". Le gouvernement a indiqué dans sa communication de janvier 1990 que le gouvernement du Maharastra avait examiné ces études et que ces taux de mortalité, quoique supérieurs à ceux de la moyenne nationale, sont normaux pour des populations tribales pauvres. Le gouvernement du Gujarat a pris des mesures pour assurer des soins de santé aux personnes réinstallées. La commission prie le gouvernement de la tenir informée des progrès réalisés à cet égard, en particulier des mesures prises par les gouvernements du Madhya Pradesh et du Maharastra.

27. Problèmes d'environnement. Le gouvernement a déclaré que l'un des principaux objectifs du processus de planification avait été de réduire au minimum l'effet néfaste sur l'écosystème de la mise en oeuvre du projet et que, entre autres choses, on avait mis en place des projets de reboisement. Prière de communiquer copies des études sur l'aménagement de l'environnement effectuées à cet égard.

28. La commission rappelle que, dans une demande qui avait été adressée directement au gouvernement en 1988, elle avait également soulevé un certain nombre de questions sur l'application de la convention en général. Le gouvernement n'ayant, dans son dernier rapport, communiqué des informations que sur les effets causés par le projet de Sardar Sarovar, la commission réitère sa demande directe précédente et espère qu'il fournira des informations détaillées sur la question pour sa prochaine session.

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