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Observation (CEACR) - adoptée 1999, publiée 88ème session CIT (2000)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Ratification: 1931)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord (Ratification: 2016)

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La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement en 1998 et 1999 en réponse à ses commentaires antérieurs, et d'une observation reçue le 15 novembre 1999 du Congrès des syndicats (TUC) concernant le travail effectué par des prisonniers au profit de sociétés privées, dont une copie a été envoyée au gouvernement pour tout commentaire qu'il souhaiterait formuler sur les questions soulevées dans ce document.

I. Employés de maison venus de l'étranger

1. La commission prend note avec intérêt de l'indication donnée par le gouvernement dans son dernier rapport selon laquelle en raison des inquiétudes suscitées par des rapports faisant état d'abus dont auraient été victimes des employés de maison accompagnant leurs employeurs au Royaume-Uni, les conditions régissant leur admission ont été entièrement revues avec l'aide de Kalayaan, l'organisation représentant les employés de maison venus de l'étranger. Un accord n'est fait que sur un nombre important de modifications, qui sont entrées en vigueur le 23 juillet 1998. Ainsi, une fois au Royaume-Uni, un employé de maison pourra demander à changer d'employeur, sous réserve que son nouvel emploi demande l'accomplissement de tâches dont la complexité est supérieure aux tâches de base énoncées dans la Classification internationale type des professions (CITP). Il a été également convenu que les employés de maison admis sous le régime des dispositions antérieures, qui ont quitté leur employeur original pour cause d'abus et/ou d'exploitation et qui se trouvent donc dans une situation irrégulière, peuvent demander à être régularisés.

2. Notant également que dans la pratique l'application des nouvelles règles se heurte à de sérieux problèmes, comme le fait observer le TUC, la commission espère que ces problèmes auront été traités dans le cadre des discussions qui devraient avoir lieu au mois de novembre entre le gouvernement et Kalayaan, et que le gouvernement présentera ses commentaires sur les observations du TUC et fournira des informations sur toute autre mesure prise.

II. Prisonniers travaillant pour des sociétés privées

3. En résumé, dans ses commentaires précédents, la commission a rappelé que ce n'est que lorsqu'il s'accomplit dans le cadre d'une relation proche d'une relation de libre emploi que le travail pour des sociétés privées peut être considéré comme échappant à l'interdiction explicite figurant à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Pour cela, il est impératif que le libre consentement de la personne concernée soit acquis et il doit exister d'autres garanties juridiques couvrant les éléments essentiels d'une relation de travail, notamment le versement d'un salaire normal et de prestations de sécurité sociale, etc., pour que l'emploi échappe au champ d'application de l'article 2, paragraphe 2 c) (qui interdit inconditionnellement que les personnes tenues d'accomplir un travail en raison d'une condamnation à une peine de prison soient concédées ou mises à la disposition de sociétés privées). La commission a donc exprimé l'espoir que les mesures nécessaires seront prises en ce qui concerne la législation et la pratique nationales pour assurer que tout travail effectué par un prisonnier pour une société privée le soit dans des conditions librement acceptées par le détenu; que son consentement ne soit pas donné sous la contrainte du fait qu'il s'agit d'un prisonnier purgeant sa peine; qu'il existe un contrat de travail entre le prisonnier et la société privée l'employant; et que, quel que soit le travail, il soit accompli dans des conditions normales du point de vue des niveaux de salaire, de la sécurité sociale, de la sécurité et de la santé.

Dans ce contexte, la commission relève ce qui suit:

A. "Emploi à l'extérieur"

4. La commission note qu'en vertu des règles 9(2) et (3)(b) du règlement pénitentiaire de 1999 un prisonnier peut être libéré "pour toute période ou succession de périodes et sous réserve de toute condition", notamment "pour occuper un emploi". Elle prend note avec intérêt de l'indication donnée par le gouvernement dans son rapport de 1999 selon laquelle, en pratique, un certain nombre de prisons autorisent la sortie quotidienne de prisonniers au cours des six derniers mois de leur peine pour leur permettre de travailler. Ces prisonniers sont normalement employés dans le cadre d'une relation de travail libre en vue de leur réadaptation et de leur réinsertion dans la société. Les prisonniers qui travaillent à l'extérieur sont assujettis aux obligations normales pour ce qui est de l'impôt sur le revenu et des cotisations d'assurance nationale prélevés sur les salaires qu'ils perçoivent pour leur travail. Bien que les détenus ainsi libérés pour travailler à l'extérieur soient considérés comme travaillant "en application du règlement pénitentiaire", de sorte que leur salaire ne relève pas de l'article 45 de la loi sur le salaire national minimum, la politique du service pénitentiaire est néanmoins que ce genre de dispositif ne doit pas conférer un avantage concurrentiel indu à ceux qui emploient des prisonniers et que les employeurs ne doivent pas traiter les prisonniers de manière moins favorable que d'autres travailleurs occupant des emplois comparables. On s'attend donc à ce que les prisonniers qui travaillent pour des employeurs à l'extérieur de la prison accomplissant un travail normal soient rémunérés au taux approprié pour les tâches qu'ils accomplissent. Lorsque les prisonniers travaillent un nombre d'heures inférieur à la durée hebdomadaire normale, il est acceptable qu'ils soient rémunérés au prorata du temps travaillé.

5. La commission considère que les prisonniers ainsi "employés dans le cadre d'une relation de travail libre" ne "travaillent" pas "en application du règlement pénitentiaire" mais (conformément aux termes de la règle 9 du règlement pénitentiaire de 1999) "sont libérés" en application du règlement pénitentiaire "pour occuper un emploi" sur le marché libre du travail. La commission espère que les prisonniers qui travaillent ainsi pour des employeurs externes, accomplissant un travail normal dans le cadre d'une relation de travail libre, seront mis au bénéfice de la législation du travail générale et que, compte tenu de la politique du service pénitentiaire concernant le versement de salaires normaux, l'anomalie de leur exclusion du champ d'application de la loi sur le salaire minimum national de 1998 sera corrigée. La commission espère prendre connaissance de mesures prises à cet effet.

B. Etablissements et ateliers pénitentiaires cédés à des sociétés privées

6. La commission constate avec regret, dans le rapport du gouvernement, que les mesures nécessaires pour assurer que tout travail effectué par des prisonniers pour des sociétés privées soit accompli dans les conditions d'une relation d'emploi librement consentie - telles que rappelées au paragraphe 3 ci-dessus et dans une large mesure appliquées lorsque les prisonniers sont employés à "l'extérieur" auprès d'employeurs privés - n'ont pas été étendues aux établissements et ateliers pénitentiaires cédés à des sociétés privées.

7. De l'avis du gouvernement, aucun des accords existants pour la prestation de programmes de gestion du travail pénitentiaire et de formation ne prévoit que le prisonnier soit "concédé ou mis à la disposition de particuliers, de compagnies ou de personnes morales privées". Le prisonnier reste en permanence sous la responsabilité et le contrôle des autorités publiques. Le gouvernement souligne que cela vaut pour toutes les prisons du Royaume-Uni, qu'elles soient gérées directement par le service pénitentiaire de Sa Majesté ou par un cessionnaire. Le gouvernement signale également qu'à l'heure actuelle seules sept prisons sur un total de 138 sont gérées par des entrepreneurs privés.

8. La commission rappelle qu'en vertu de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention le travail ou service exigé d'un individu comme conséquence d'une condamnation prononcée par une décision judiciaire n'échappe au champ d'application de la convention que si deux conditions sont remplies, à savoir "que ledit travail ou service soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et que ledit individu ne soit pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées". Par conséquent, le fait que le prisonnier demeure en permanence sous la surveillance et le contrôle d'une autorité publique ne dispense pas de l'obligation de remplir la seconde condition, à savoir que l'individu ne soit pas "concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées".

9. Sur ce dernier point, le gouvernement souligne dans son rapport de 1998 que les contrats conclus entre le service pénitentiaire et la société gérant une prison privatisée ou un atelier pénitentiaire (ou tout autre travail) ne porte pas sur la fourniture d'une main-d'oeuvre pénale. Le service pénitentiaire n'est pas contractuellement tenu de fournir de la main-d'oeuvre aux entrepreneurs privés gérant une prison ou un atelier pénitentiaire. Il ne concède pas non plus de la main-d'oeuvre car il n'est lié par aucune obligation contractuelle lui faisant obligation de fournir de la main-d'oeuvre. Au contraire, l'entrepreneur est simplement tenu de fournir des installations permettant aux prisonniers de travailler dans le cadre du régime pénitentiaire de réadaptation et conformément au règlement pénitentiaire. Les entrepreneurs privés ne peuvent pas demander aux prisonniers d'accomplir un travail en dehors des termes du contrat ou en dehors des termes du règlement et de la politique pénitentiaires.

10. La commission prend bonne note de ces indications. Elle rappelle que, en vertu du règlement pénitentiaire, le travail est obligatoire pour les prisonniers purgeant une peine; par conséquent, lorsque des ateliers pénitentiaires ou une prison dans son ensemble sont privatisés, ils sont cédés avec une main-d'oeuvre captive et il est donc inutile d'insérer une clause contractuelle spéciale concernant la fourniture de main-d'oeuvre puisque l'Etat assure par des lois et règlements que la main-d'oeuvre captive doit, selon les termes du rapport du gouvernement, "coopérer avec le régime". Pour être rendue compatible avec la convention, la concession de prisons ou d'ateliers pénitentiaires nécessite donc l'introduction des conditions rappelées au paragraphe 3 ci-dessus.

11. La commission prend note également des indications du gouvernement dans son rapport de 1998 selon lesquelles les arrangements prévus pour la gestion privée des ateliers pénitentiaires présentent "des avantages pratiques importants car ils permettent d'améliorer la diversité et la qualité du travail ainsi que les possibilités de formation offerts aux prisonniers. Lorsque des salaires supérieurs sont offerts aux prisonniers, cela leur permet de commencer à économiser en prévision de leur libération".

12. Concernant la diversité et la qualité de travail ainsi que les possibilités de formation offertes aux prisonniers, la commission note dans le rapport du gouvernement de 1999 que, dans le contexte des arrangements actuels, la plupart du travail effectué dans les prisons faisant intervenir des entrepreneurs extérieurs "demande une forte intensité de main-d'oeuvre, et s'il devait être fait à l'extérieur cela ne serait pas rentable. Si ce travail n'était pas fait dans les prisons, il est vraisemblable que la production serait automatisée ou réalisée à l'étranger".

13. Fait plus important, pour ce qui est des "salaires supérieurs offerts aux prisonniers", la commission note l'indication donnée par le TUC dans ses observations selon laquelle à Blakenhurst, une prison où 150 prisonniers travaillent pour des sociétés extérieures et 300 travaillent pour UK Detention Services, la société privée qui gère la prison, les prisonniers ont indiqué que l'une et l'autre catégories recevaient entre 10 et 15 livres par semaine; même les gains les plus élevés étaient inférieurs aux gains minima à partir duquel les cotisations de sécurité sociale sont prélevées et inférieures au salaire minimum qui est de 3,60 livres de l'heure pour un travailleur adulte. La commission attend les commentaires du gouvernement sur ces chiffres.

14. Pour conclure, la commission prend note de l'avis exprimé par le TUC selon lequel le gouvernement devrait amender le régime de travail dans les prisons privatisées afin que soit respecté le critère d'une libre relation de travail et que les régimes préparatoires à la libération soient encouragés lorsqu'ils permettent la réintégration sociale et la réinsertion sur le marché du travail par le biais d'un emploi à l'extérieur dans le cadre duquel les droits fondamentaux du prisonnier en tant que travailleur sont protégés - notamment par l'instauration d'une relation d'emploi directe entre le prisonnier et l'employeur. La commission espère que les mesures nécessaires seront prises pour organiser le travail dans les ateliers et les prisons privatisés de manière compatible avec la convention et que le gouvernement fournira des informations complètes sur les mesures prises à cet effet dans son prochain rapport.

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