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Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Honduras (Ratification: 1956)

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La commission prend note des observations du Conseil hondurien de l’entreprise privée (COHEP), reçues le 31 août 2021, ainsi que de la réponse du gouvernement. Elle prend également note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2021, qui portent sur des questions examinées dans le cadre de la présente observation.

Droits syndicaux et libertés publiques

La commission rappelle que: i) la Commission de l’application des normes a examiné l’application de la convention en 2018 et 2019 et a pris note avec une profonde préoccupation des allégations de violence antisyndicale, en particulier des agressions physiques et des meurtres, ainsi que de l’absence de condamnation des auteurs de ces actes, ce qui crée une situation d’impunité et exacerbe le climat de violence et d’insécurité; ii) une mission de contacts directs a eu lieu en mai 2019, à l’issue de laquelle un accord tripartite a été signé, qui prévoit, entre autres, la création d’une commission nationale chargée de la lutte contre la violence antisyndicale et iii) en septembre 2019, le Bureau a mené une mission d’assistance technique pour appuyer la mise en œuvre de l’accord susmentionné et le 18 septembre 2019, la Commission sur la violence antisyndicale a été mise en place.
Dans son dernier commentaire, après avoir exprimé sa profonde préoccupation devant le faible nombre de syndicalistes bénéficiant de mesures de protection par rapport au nombre très élevé d’actes de violence antisyndicale, l’inefficacité des mesures de protection, la persistance d’actes de violence antisyndicale, ainsi que l’absence de progrès dans les enquêtes sur ces actes, la commission a encore une fois prié instamment le gouvernement et toutes les autorités compétentes de: i) exécuter intégralement chacune des clauses de l’accord tripartite relatives à la lutte contre la violence antisyndicale; ii) assurer l’implication active de toutes les autorités concernées, en particulier du secrétariat aux Droits de l’homme, du ministère public et du pouvoir judiciaire, dans la Commission sur la violence antisyndicale; iii) officialiser et rendre effective la participation des organisations syndicales représentatives dans le Conseil national de protection des défenseurs des droits de l’homme; iv) élaborer un protocole d’investigation spécial selon lequel le ministère public examinera de manière systématique et efficace les éventuelles motivations antisyndicales qui ont suscité les actes de violence commis contre des membres du mouvement syndical; v) faire en sorte que les juridictions pénales traitent de manière prioritaire les affaires de violences antisyndicales; et vi) assurer à tous les membres du mouvement syndical en danger une protection adéquate et rapide.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement sur l’état d’avancement des enquêtes et des procédures judiciaires relatives aux affaires concernant les meurtres de membres syndicaux. La commission note que: i) sept cas font encore l’objet d’une enquête (concernant les meurtres de Sonia Landaverde Miranda, Alfredo Misael Ávila Castellanos, Evelio Posadas Velásquez, Juana Suyapa Posadas Bustillo, Glenda Maribel Sánchez, Fredy Omar Rodríguez et Roger Abraham Vallejo) et ii) cinq affaires sont encore devant les instances judiciaires (les mandats d’arrêt relatifs aux meurtres de Alma Yaneth Díaz Ortega, Uva Erlinda Castellanos Vigil, José Ángel Flores et Silmer Dionisio George sont toujours en attente d’exécution et la condamnation de l’auteur du meurtre de Mme Claudia Larissa Brizuela a fait l’objet d’un pourvoi en cassation). Le gouvernement fait également état des procédures engagées par les services du Procureur spécial chargé des crimes contre la vie afin de faire toute la lumière sur le meurtre de M. Jorge Alberto Acosta Barrientos, survenu le 17 novembre 2019. La commission prend note avec préoccupation de la lenteur des enquêtes sur les meurtres commis il y a près de dix ans et du très faible nombre de condamnations judiciaires prononcées à ce jour. La commission souligne que l’administration dilatoire de la justice constitue un déni de justice.
En outre, la commission note que le gouvernement indique une fois encore que les enquêtes et les procédures judiciaires concernant les autres affaires liées à la violence syndicale présumée sont achevées, raison pour laquelle il n’a pas communiqué de nouvelles informations à cet égard.
La commission note que, selon les observations de la CSI, l’impunité prévaut toujours dans le pays étant donné l’incapacité du gouvernement d’assurer une protection prompte et adéquate aux syndicalistes menacés de mort, ou de mener des poursuites contre les auteurs de crimes antisyndicaux. La commission note avec une profonde préoccupation que la CSI dénonce le meurtre de M. Oscar Obdulio Turcios Fúnes, militant du Syndicat des travailleurs de l’Université nationale autonome du Honduras (SITRAUNAH), mort le 13 juillet 2020 pour avoir réclamé le paiement de ses arriérés de salaire et de ses heures supplémentaires.
La commission prend également note de la préoccupation exprimée par le COHEP concernant le peu d’impact de la Commission sur la violence antisyndicale et le manque d’initiatives prises par les autorités de l’État à cet égard. Le COHEP indique que la Commission sur la violence antisyndicale n’a tenu que quatre réunions: une en 2019, deux en 2020 et une en 2021, et que, si certains points convenus ont été traités (comme l’échange d’informations sur les mesures de protection prises à l’égard des membres du mouvement syndical qui sont en situation de risque et les propositions sur la façon d’améliorer le mécanisme), le règlement intérieur et la feuille de route de la Commission doivent encore être approuvés. Le COHEP condamne les actes de violence commis contre des membres syndicaux et indique qu’il n’a pas eu d’informations sur l’état d’avancement des enquêtes et des procédures pénales liées à ces actes.
La commission prend note, d’après l’indication du gouvernement, qu’il garde à l’esprit l’engagement pris à l’égard de la Commission sur la violence antisyndicale et espère obtenir des résultats significatifs à court terme, mais que la pandémie de COVID-19 a retardé les activités de cette commission. Il indique également que le 13 juillet 2021, une réunion a été organisée pour réactiver la Commission sur la violence antisyndicale, qu’une feuille de route a été présentée à cette fin, et que les représentants des travailleurs et des employeurs devaient présenter leurs commentaires et propositions à cet égard. Le gouvernement a également indiqué que le 3 août 2021, une réunion s’est tenue pour présenter un rapport annuel sur les cas avérés de violence antisyndicale et qu’à cette occasion, il a été décidé, entre autres, de solliciter l’assistance technique à l’OIT afin d’avoir connaissance de l’expérience du Guatemala en matière de violence antisyndicale. Tout en prenant bonne note de l’indication du gouvernement selon laquelle la pandémie a retardé les activités de la Commission sur la violence antisyndicale, la commission note avec regret que, trois ans après sa création, celle-ci n’ait pas été en mesure de parvenir à des solutions pratiques aux graves violations de la convention constatées depuis de nombreuses années. La commission rappelle qu’à plusieurs reprises, elle a souligné l’urgence pour les différentes institutions de l’État d’apporter enfin la réponse coordonnée et prioritaire que la gravité de la situation exige face au phénomène de violence antisyndicale qui prévaut dans le pays. La commission souligne le rôle essentiel que la Commission sur la violence antisyndicale peut et doit jouer dans la mise en place d’une action tripartite concrète pour lutter contre la violence antisyndicale et l’impunité. La commission considère que la composition de la Commission sur la violence antisyndicale, regroupant des responsables du Secrétariat général de coordination du gouvernement, du Secrétariat au travail et à la sécurité sociale, du Secrétariat aux droits de l’homme, des partenaires sociaux représentés au Conseil économique et social (CES) et des membres invités du personnel de justice, devrait favoriser, au sein de cette commission, les synergies nécessaires entre les différentes institutions et faciliter le dialogue avec les représentants des organisations syndicales en situation de risque. La commission prend bonne note de l’intention du gouvernement de solliciter une assistance technique et espère que celle-ci pourra être fournie dès que possible.
En outre, la commission regrette de n’avoir reçu aucune information du gouvernement concernant les mesures de protection accordée aux membres du mouvement syndical en situation de risque. La commission note que, selon les observations du COHEP, le 20 mai 2021, le Comité sectoriel chargé du traitement des différends soumis à l’OIT (MEPCOIT) a convoqué une réunion pour discuter et approuver le plan de travail, et promouvoir le mécanisme de protection des membres et dirigeants syndicaux dont l’intégrité physique et la vie sont menacées.
Exprimant sa profonde préoccupation face à la persistance d’actes de violence antisyndicale et à l’absence de progrès suffisants en ce qui concerne les mesures concrètes et rapides prises à cet égard, la commission prie encore une fois instamment le gouvernement et toutes les autorités compétentes de: i) prendre des mesures concrètes et rapides, y compris des mesures budgétaires, pour se conformer aux points énoncés dans l’accord tripartite pour la lutte contre la violence antisyndicale, en donnant à la Commission sur la violence antisyndicale l’élan nécessaire et fondamental à l’exercice de ses fonctions, et en garantissant la participation active de toutes les autorités concernées; ii) officialiser et rendre effective la participation des organisations syndicales représentatives au Conseil national de protection des défenseurs des droits de l’homme; iii) élaborer un protocole d’investigation spécial permettant au ministère public d’examiner systématiquement et efficacement les éventuels motifs antisyndicaux des actes de violence à l’encontre de membres syndicaux; iv) veiller à ce que les affaires de violence antisyndicale soient traitées en priorité par les juridictions pénales, et v) assurer une protection rapide et efficace aux membres du mouvement syndical en situation de risque. Elle prie également le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’état d’avancement des enquêtes et des procédures judiciaires concernant les actes de violence commis contre des membres syndicaux, notamment en ce qui concerne le meurtre de Jorge Alberto Acosta Barrientos et Oscar Obdulio Turcios Fúnes.

Problèmes de caractère législatif

Articles 2 et suivants de la convention. Constitution d’organisations syndicales et autonomie et activités de ces organisations. La commission rappelle que, depuis de nombreuses années, elle prie le gouvernement de prendre des mesures pour modifier les dispositions suivantes du Code du travail afin d’assurer leur conformité avec la convention:
  • -l’exclusion du champ d’application du Code du travail des droits et garanties prévus par la convention des travailleurs des exploitations agricoles ou d’élevage qui n’emploient pas de manière permanente plus de dix travailleurs (art. 2(1));
  • -l’interdiction de la présence de plus d’un syndicat dans une seule et même entreprise (art. 472);
  • -la nécessité de réunir 30 travailleurs pour pouvoir constituer un syndicat (art. 475);
  • -les conditions imposées pour être membre des instances dirigeantes d’un syndicat: être de nationalité hondurienne (art. 510(a) et 541(a)); être partie prenante à l’activité correspondante (art. 510(c) et 541(c)); et savoir lire et écrire (art. 510(d) et 541(d));
  • -l’impossibilité pour les fédérations et les confédérations de déclarer la grève (art. 537);
  • -l’obligation de recueillir une majorité des deux tiers de tous les membres de l’organisation syndicale pour lancer une grève (art. 495 et 563);
  • -la faculté pour le ministre compétent de mettre fin à un conflit dans les services de l’industrie du pétrole (art. 555(2));
  • -la nécessité d’une autorisation gouvernementale ou d’un préavis de six mois pour tout arrêt ou suspension du travail dans les services publics qui ne dépendent pas directement ou indirectement de l’État (art. 558); et
  • -la soumission à l’arbitrage obligatoire, sans possibilité d’appeler à la grève tant que la sentence arbitrale reste applicable (deux ans), des conflits collectifs dans des services publics qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme (art. 554(2) et (7), 820 et 826).
Dans ses derniers commentaires, la commission a observé que l’instauration d’un dialogue tripartite sur la réforme de la législation du travail tel qu’envisagé dans l’accord tripartite de 2019 requiert un effort particulier d’instauration de la confiance entre les parties, et a constaté avec regret l’absence de progrès tangibles à cet égard. Tout en étant consciente des obstacles que la pandémie de COVID-19 a pu engendrer à cet égard, la commission a exprimé l’espoir que le gouvernement avancera aussi rapidement que possible et avec l’appui technique du Bureau, dans l’instauration d’un processus de discussion tripartite afin de pouvoir enregistrer des progrès quant aux réformes préconisées depuis de nombreuses années.
La commission prend note de la déclaration du gouvernement selon laquelle: i) le 4 février 2020, le Secrétaire du Travail et de la Sécurité sociale a envoyé une note au Président du MEPCOIT demandant que les discussions sur la réforme du Code du travail reprennent dans les meilleurs délais; ii) le coordinateur du MEPCOIT a répondu le 25 février 2020 en indiquant qu’une réunion serait convoquée dans les prochains jours à cet effet; et iii) bien que les activités n’aient pu se poursuivre en raison de l’état d’urgence, le gouvernement garde à l’esprit les engagements pris et s’attachera aux questions en suspens dès que possible.
La commission prend également note des observations des partenaires sociaux sur le processus de révision de la législation du travail. La commission note que la CSI insiste sur le fait que le gouvernement doit prendre des mesures immédiates pour modifier les dispositions du Code du travail afin de les mettre en conformité avec la convention. De son côté, le COHEP rappelle que la position des employeurs a déjà été exprimée à plusieurs reprises, et indique que le 20 mai 2021, le MEPCOIT a convoqué une réunion pour discuter et approuver le plan de travail, et aborder la question de l’harmonisation du Code du travail avec la convention, entre autres. La commission note également, selon les informations du COHEP, que le 24 juin 2021 et pour une période d’un an, le secteur privé a pris la présidence du CES, et salue son engagement à créer les espaces de dialogue qui permettront de parvenir à des accords répondant aux recommandations de cette commission.
La commission regrette qu’il n’y ait pas eu de progrès concernant le processus de discussions tripartites énoncé dans l’accord de 2019. La commission réaffirme que, tout en étant consciente des obstacles que la pandémie de COVID-19 a pu créer, elle s’attend fermement à ce que le gouvernement avancera aussi rapidement que possible et avec l’appui technique du Bureau, dans l’instauration d’un processus de discussion tripartite, et qu’il fera état de progrès quant aux réformes préconisées depuis de nombreuses années. La commission encourage la conclusion d’accords dans le cadre du CES, afin de donner suite aux recommandations de la présente commission. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Nouveau Code pénal. La commission rappelle qu’un nouveau Code pénal est entré en vigueur le 25 juin 2020 et que, compte tenu du vaste champ d’application de certaines infractions, elle a prié le gouvernement, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, d’analyser l’impact des dispositions du Code pénal sur le libre exercice des activités syndicales. La commission note que le gouvernement a joint une copie d’une note envoyée par le Secrétaire d’État au Travail et à la Sécurité sociale aux confédérations syndicales et à la COHEP le 4 mai 2021, leur demandant de désigner un représentant qui participera à l’examen des dispositions du Code pénal. Elle note également que la COHEP indique avoir reçu cette note et que le 14 mai 2021, elle a informé qu’elle allait envoyer une lettre officielle aux organisations d’entreprises pour recueillir les positions sur le sujet et consolider ainsi la position du secteur privé. De son côté, la CSI souligne que les dispositions du nouveau Code pénal restreignent sévèrement le droit de réunion pacifique et érigent en infraction les manifestations et les rassemblements publics, en prévoyant des peines allant jusqu’à 30 ans d’emprisonnement. La commission se félicite du processus de consultation entamé par le gouvernement concernant l’impact des dispositions du Code pénal sur le libre exercice des activités syndicales, et espère que ces consultations auront lieu dans les meilleurs délais. Elle demande au gouvernement de fournir des informations à cet égard.
Application de la convention dans la pratique. Dans son dernier commentaire, la commission a exprimé l’espoir qu’une fois les obstacles engendrés par la pandémie de COVID-19 auront été éliminés, le MEPCOIT entrera bientôt en fonction et qu’il sera ainsi en mesure d’examiner les situations de violation des libertés syndicales dans la pratique, y compris les allégations relatives aux secteurs de l’agro-exportation et de l’éducation. La commission note que l’urgence sanitaire n’a pas permis au MEPCOIT de respecter ses engagements mais qu’il reprendra ses activités dès que possible. La commission note également que, selon la COHEP, le 20 mai 2021, le MEPCOIT a convoqué une session pour discuter et approuver son plan de travail, ainsi que pour sa réactivation et le renforcement de ses capacités techniques et politiques d’intervention dans le règlement des conflits. Tout en ayant conscience des obstacles que la pandémie de COVID-19 a pu créer dans le fonctionnement du MEPCOIT, la commission souligne le rôle essentiel qu’il peut et doit jouer dans le règlement des conflits relatifs aux relations professionnelles et espère fermement qu’il reprendra ses activités dès que possible. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.
La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique en conformité avec la convention dans les meilleurs délais. La commission rappelle que l’assistance du BIT est à sa disposition et exprime le ferme espoir que le gouvernement fournira des informations dans son prochain rapport sur tout progrès réalisé concernant les questions soulevées.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]
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