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Observation (CEACR) - adoptée 1990, publiée 77ème session CIT (1990)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Türkiye (Ratification: 1967)

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La commission a pris note des discussions qui ont eu lieu à la Commission de la Conférence en 1989 ainsi que du rapport du gouvernement pour la période se terminant le 30 juin 1989. Elle a aussi examiné de nouveau les observations reçues en mars 1989 de la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) au sujet des mesures prises en application de la loi no 1402 relative à la loi martiale, ainsi que les amendements proposés à cette loi (copie de ces observations a été adressée au gouvernement pour lui permettre de faire des commentaires).

Le rapport du gouvernement a été reçu le 15 février 1990. La commission ne pourra l'examiner en détail que lorsqu'elle disposera de la traduction des documents qui y étaient joints (notamment une décision du Conseil d'Etat en date de décembre 1989 ainsi que la législation et des décisions judiciaires concernant les mesures disciplinaires prises contre des fonctionnaires). Toutefois, eu égard à l'importance que la Commission de la Conférence a attachée à l'adoption de mesures visant à éliminer les divergences précédemment relevées entre la législation et la pratique, d'une part, et les exigences de la convention no 111, d'autre part, la commission croit devoir attirer l'attention, dès la présente session, sur les points suivants:

1. Position des fonctionnaires licenciés ou mutés pendant la période de la loi martiale. Dans ses précédents commentaires, la commission avait sollicité des informations sur la réintégration dans leur emploi de fonctionnaires qui avaient été licenciés ou mutés dans d'autres régions à la suite de décisions prises par les commandants de la loi martiale en vertu de la loi no 1402, au cours de la période comprise entre 1980 et 1987, lorsque la loi martiale était en vigueur dans l'ensemble du pays ou dans plusieurs provinces. Selon les informations données par le gouvernement dans son rapport:

- le 7 décembre 1989, le Conseil d'Etat a décrété que la disposition figurant dans l'article 2 de la loi no 1402, aux termes de laquelle "les fonctionnaires licenciés ne devront jamais exercer à un nouvel emploi dans la fonction publique", ne s'appliquait que pendant la période où la loi martiale était en vigueur et que, celle-ci ayant pris fin, les personnes affectées pourraient retourner à leur travail, sous réserve d'autres obstacles de caractère juridique;

- en vertu de l'article 40 de la loi no 2575 concernant le Conseil d'Etat, la décision mentionnée ci-dessus a un caractère contraignant pour l'administration et les tribunaux administratifs;

- le 11 décembre 1989, le Conseil supérieur de l'éducation a adressé une circulaire aux doyens de l'université les informant qu'en vertu de la décision du Conseil d'Etat les membres licenciés de la faculté pouvaient prétendre à une réintégration et les priant de donner la priorité à ces personnes dans le pourvoi des postes vacants ainsi que de demander au Conseil de créer des postes supplémentaires s'il n'y avait pas de postes disponibles.

La commission a noté ces informations avec intérêt. Elle prie le gouvernement de fournir des précisions sur les mesures qui ont été prises pour réintégrer les fonctionnaires qui avaient été licenciés, non seulement dans les universités, mais également dans d'autres secteurs de la fonction publique, ainsi que pour permettre aux personnes qui avaient été mutées dans d'autres régions en vertu de la loi martiale de retrouver leur poste d'origine.

La commission rappelle qu'en vertu d'un document de février 1989, qui a été communiqué par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS) et qui affirme avoir été établi à partir des chiffres officiels, sur un total de 9.400 fonctionnaires qui avaient été licenciés ou mutés dans d'autres régions, 4.125 sont encore considérés comme "dangereux". En conséquence, la commission espère que le gouvernement fournira des données statistiques précises sur le nombre de fonctionnaires qui ont été réintégrés ou autorisés à revenir des régions vers lesquelles ils avaient été mutés.

La commission souhaiterait également recevoir des informations sur les mesures qui ont été prises pour reconnaître les droits des intéressés résultant de leur service antérieur et sur toutes mesures leur permettant d'obtenir une indemnité pour perte de gains et d'autres prestations au cours de la période où ils avaient été privés de leur emploi ou mutés.

La commission prie aussi le gouvernement de bien vouloir indiquer quels sont les autres obstacles de caractère juridique qui s'opposent à la réintégration et quel est le nombre de personnes auxquelles une réintégration a été refusée pour divers motifs.

2. Amendements proposés à la loi no 1402 relative à la loi martiale. La commission note qu'un projet de loi visant à amender la loi no 1402 est actuellement soumis à la Grande Assemblée nationale turque. D'après les indications fournies par le gouvernement, le projet de loi devrait permettre d'examiner périodiquement la situation des personnes affectées par les mesures prises à l'époque où la loi martiale était en vigueur et, conformément à l'article 125 de la Constitution, il serait possible de faire appel devant les tribunaux des décisions qui ont été prises par les agences pertinentes.

La commission note cependant que le projet de loi n'empêchera pas de prendre des mesures affectant l'emploi contre les personnes considérées comme "dangereuses ou indésirables du point de vue de la sécurité de l'Etat" et que la possibilité de faire appel devant les tribunaux en vertu de l'article 125 de la Constitution se bornera à déterminer la conformité avec la loi des actes et décisions de l'administration. La commission rappelle les commentaires concernant la portée de l'article 4 de la convention no 111 qui figurent aux paragraphes 136 et 137 de son Etude d'ensemble de 1988 sur l'égalité en matière d'emploi et de profession, dans lesquels elle soulignait que les mesures visant à préserver la sécurité de l'Etat devaient être suffisamment bien définies et délimitées afin de ne pas conduire à une discrimination fondée (entre autres) sur l'opinion politique; que l'application de mesures visant à protéger la sécurité de l'Etat devait être examinée à la lumière des répercussions que les activités prises en considération peuvent avoir sur l'accomplissement de l'emploi, de la tâche ou de la profession des personnes concernées; et que la disposition prévoyant un droit de recours ne permettrait pas de répondre aux exigences de l'article 4 de la convention si les conditions de fond précitées n'étaient pas remplies.

La commission veut croire qu'il sera pleinement tenu compte des considérations mentionnées ci-dessus dans le texte définitif des nouvelles dispositions législatives que l'on envisage d'adopter concernant la loi martiale. Elle prie le gouvernement d'indiquer les progrès accomplis en vue de l'adoption de ces dispositions.

3. Mesures prises sur la base des enquêtes de sécurité. D'après les informations communiquées en 1989 par la Confédération des syndicats turcs (TURK-IS), des mesures affectant l'emploi dans la fonction publique ont aussi été prises et, même après l'abrogation de la loi martiale, continuent d'être prises en application du Règlement sur les enquêtes de sécurité, afin de recueillir des informations politiques et autres données subjectives, dont il est tenu compte dans les décisions relatives aux nouvelles nominations, aux mutations, aux promotions, etc. La commission relève, dans le rapport du gouvernement, que le Règlement sur les enquêtes de sécurité concernant les fonctionnaires occupant des postes clés que l'on se propose de recruter, muter ou affecter est considéré comme ayant été invalidé, pour vice de forme, à la suite d'une décision récente du Conseil d'Etat, dont le texte sera adressé au BIT lorsqu'il aura été publié. La commission espère que le gouvernement fournira, en plus de cette décision, des informations sur tout nouveau règlement qui pourrait avoir été adopté ou envisagé en vue de procéder à de telles enquêtes de sécurité, et sur les mesures prises pour assurer le respect de la convention à cet égard.

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