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Communications de la FISE concernant la discrimination pour des motifs d'opinion politique
1. La commission note les informations contenues dans le rapport du gouvernement pour la période se terminant le 30 juin 1992. Elle a également examiné de manière plus approfondie les communications reçues en février 1991 et décembre 1991 de la Fédération internationale syndicale de l'enseignement (FISE) au sujet des mesures prises à l'encontre du personnel de l'enseignement public de l'ancienne République démocratique allemande. La commission note que des copies des communications susmentionnées ont été communiquées au gouvernement pour lui permettre de formuler ses commentaires à ce sujet. Elle fait également observer qu'elle invitait, dans son observation de 1992, le gouvernement à fournir des informations précises sur un certain nombre de points soulevés dans ces communications.
2. La commission rappelle que, dans ses communications, la FISE allègue que le personnel de l'enseignement public dans l'ancienne République démocratique allemande a été victime de licenciements arbitraires, en violation de la convention, par l'effet d'une politique qui avait déjà été appliquée dans la République fédérale d'Allemagne. Le personnel de l'enseignement public dans l'ancienne République démocratique allemande est tenu de remplir un questionnaire portant, entre autres choses, sur les fonctions exercées et les décorations nationales reçues par le passé et demandant à l'intéressé s'il a été accusé ou soupçonné d'avoir violé les principes fondamentaux de l'humanité ou des droits des Etats et s'il est disposé à prêter allégeance à l'ordre fondamental libéral-démocratique de la République fédérale et à défendre ses lois. La nature ou la teneur des réponses au questionnaire, ou le refus d'y répondre, peuvent entraîner le licenciement.
3. La commission note que la documentation présentée par la FISE donne des précisions sur onze affaires distinctes, dont neuf concernent des enseignants licenciés ou ayant reçu leur préavis de licenciement par effet du paragraphe 5 (dans deux cas) ou du paragraphe 4, annexe I, section III, chapitre XIX du Traité de réunification et deux des fonctionnaires dont la nomination à un poste d'enseignement et à un poste d'administration a été refusée. Cette documentation fait apparaître que la plus grande partie, sinon l'ensemble, des fonctionnaires visés avaient rempli un questionnaire avant d'être révoqués. Rien n'indique cependant si les intéressés ont répondu négativement à la question de leur intention d'adhérer au système libéral-démocratique fondamental de l'Allemagne et à défendre les lois de ce pays. Les motifs donnés pour ces révocations, préavis de licenciement et refus de nomination s'appuient sur l'appartenance passée ou sur l'exercice d'une fonction dans certains partis politiques ou dans certaines organisations, y compris celles qui étaient exercées par le président du Syndicat des enseignants de l'ancienne République démocratique allemande, de membres d'un conseil municipal, d'inspecteurs d'école ou d'autres raisons vagues, telles que l'inaptitude à enseigner dans une société démocratique. S'agissant des deux révocations prononcées en application du paragraphe 5 susmentionné, le motif invoqué dans l'un des cas était l'exercice d'un emploi au ministère de la Sécurité d'Etat, alors que, dans l'autre cas, aucun motif n'a été donné dans la lettre de révocation.
4. Sur la base des informations susmentionnées, la commission, dans son observation de 1992, a demandé au gouvernement de lui communiquer des informations détaillées sur le nombre des fonctionnaires des services publics, et notamment de l'enseignement, qui ont été licenciés à la suite de la réunification, sur les fondements légaux de leur révocation, les critères appliqués pour en décider et les garanties de procédure effectivement appliquée, ainsi que sur la façon dont les informations rassemblées à partir des questionnaires adressés aux intéressés sont traitées et utilisées pour décider de la continuation éventuelle de l'emploi dans le secteur public, notamment dans l'enseignement.
5. Le gouvernement a répondu qu'il ne dispose pas de chiffres concernant le nombre de travailleurs qui ont été licenciés dans la fonction publique dans les nouveaux Länder. Il déclare qu'il n'y a eu aucun licenciement arbitraire de fonctionnaires de l'ancienne République démocratique allemande sur la base des dispositions du Traité de réunification, chapitre XIX, annexe I, partie A, section III, no 1, paragraphes 4 et 5, qui comportent des dispositions juridiques spéciales concernant la rupture de la relation d'emploi dans l'administration publique de la zone nouvellement rattachée (l'ancienne République démocratique allemande). Le gouvernement déclare que les dispositions des paragraphes 4 et 5 susvisés tiennent compte de la situation particulière au moment de la modification profonde de l'Etat, et que ces dispositions sont indispensables à la mise en place d'une administration constitutionnelle et efficace dans la zone rattachée. Il déclare que le paragraphe 4 du traité dispose que la rupture de la relation d'emploi dans la fonction publique est possible dans les cas suivants: 1) le travailleur ne répond pas aux critères, faute d'une qualification adéquate de spécialiste ou pour inaptitude personnelle; 2) le travailleur ne peut plus être employé, faute de nécessité; 3) le poste est supprimé sans être remplacé ou, si ce poste est combiné, incorporé ou profondément modifié, il n'est plus possible de proposer l'emploi antérieur ou un emploi analogue. Le gouvernement déclare que le paragraphe 5 du traité prévoit que la cessation de la relation d'emploi à titre extraordinaire peut être envisagée dans des cas graves, lorsque le travailleur: 1) a violé les principes de l'humanité ou du régime du droit, notamment les droits de l'homme garantis par l'Accord international de 1966 sur les droits civils et politiques, ou a violé les principes proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948; 2) a travaillé pour l'ancien ministère de la Sécurité d'Etat ou l'ancien Département de la sécurité nationale, auquel cas le maintien de la relation d'emploi est inacceptable. Le gouvernement déclare que le licenciement en application de ce paragraphe 5 est toujours subordonné à une enquête personnelle et que l'intéressé a toujours la faculté de recourir contre son licenciement devant les tribunaux.
6. La commission déplore qu'aucun chiffre ne soit disponible quant au nombre de travailleurs ayant été licenciés de la fonction publique dans les nouveaux Länder à la suite de la réunification. La commission a été informée du fait qu'un certain nombre de communications individuelles dénonçant un licenciement arbitraire sur la base du Traité de réunification ont été reçues par le Bureau. Toutefois, en raison du caractère individuel des plaintes, elle n'est pas en position d'examiner ces informations. La commission note également que le gouvernement n'a pas communiqué les informations demandées quant au critère de détermination de l'applicabilité des dispositions autorisant le licenciement, les garanties de procédure applicables et la façon dont les informations rassemblées à partir des questionnaires adressés au personnel sont traitées et utilisées pour décider de la continuation de l'emploi dans la fonction publique. En fait, le rapport du gouvernement reste absolument muet quant à ces questionnaires.
7. Pour pouvoir apprécier l'incidence précise des dispositions des paragraphes 4 et 5 de l'annexe I du Traité de réunification, la commission doit examiner comment ces dispositions sont appliquées dans la pratique aux conditions d'emploi dans la fonction publique et comment cette application répond aux prescriptions de la convention. L'article 1, paragraphe 1, de la convention définit le terme "discrimination" comme comprenant toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur certains motifs, dont l'opinion politique, qui ont pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession. En ce qui concerne la protection contre la discrimination sur la base de l'opinion politique, la commission faisait observer au paragraphe 57 de son Etude d'ensemble de 1988 sur l'égalité dans l'emploi et la profession qu'"en protégeant les individus dans le cadre de l'emploi et de la profession contre la discrimination fondée sur l'opinion politique, la convention implique que cette protection soit reconnue à propos d'activités exprimant ou manifestant une opposition aux principes politiques établis, étant donné que la protection à l'égard d'opinions qui ne s'exprimeraient ni se manifesteraient pas serait sans objet ... La protection de la liberté d'expression vise ... à donner à un individu la possibilité de chercher à influencer des décisions dans la vie politique, économique et sociale de la société." La commission fait observer que, pour avoir tout son sens, la protection de l'opinion politique doit donc s'étendre à la participation de la personne à des partis et organisations politiques.
8. Pour apprécier s'il y a discrimination selon la convention, il convient de tenir compte de l'article 1, paragraphe 2, de cet instrument, qui concerne les qualifications exigées pour un emploi déterminé, et de l'article 4, qui fait une place aux mesures tendant à prévenir les activités préjudiciables à la sécurité de l'Etat. Il n'apparaît pas à la commission que des questions de sécurité de l'Etat aient été soulevées dans les communications de la FISE, lesquelles concernent l'emploi dans l'enseignement et à des postes subalternes de l'administration. La commission juge donc inutile d'examiner la question à la lumière des prescriptions de l'article 4.
9. S'agissant de la question des prescriptions inhérentes à un emploi déterminé, par rapport à l'opinion politique, la commission rappelle, comme elle l'a fait observer au paragraphe 126 de son Etude d'ensemble de 1988 sur l'égalité dans l'emploi et la profession, que "si l'on peut admettre que, pour certains postes supérieurs directement en relation avec la mise en oeuvre de la politique gouvernementale, les autorités responsables tiennent généralement compte des opinions des intéressés, il n'en est pas de même lorsque des conditions d'ordre politique sont établies pour toutes sortes d'emplois publics en général ou certaines autres professions, par exemple lorsqu'il est prévu que les intéressés doivent se déclarer formellement et se montrer fidèles aux principes politiques du régime en vigueur".
10. S'agissant des prescriptions inhérentes aux postes d'enseignement, la commission fait observer que la prise en considération de l'opinion politique n'est justifiée que lorsque cette opinion est en conflit avec les obligations qui s'attachent normalement aux tâches de l'enseignement, comme l'objectivité et le respect de la vérité, ou sont en conflit avec, voire battent en brèche, les buts et les principes professés par l'établissement auquel appartient l'enseignant, comme un institut d'études religieuses. A cet égard, la commission attire l'attention du gouvernement sur les conclusions de la Commission d'enquête de 1987 sur la situation particulière des enseignants en République fédérale d'Allemagne et l'obligation de prêter serment de loyauté pour obtenir un emploi, à la fois parce que la plupart des cas portés à l'attention de la commission concernent cette profession et parce que le gouvernement insiste particulièrement sur la responsabilité des enseignants dans la préservation de l'ordre fondamental libre et démocratique et sur la malléabilité de l'esprit des élèves par les enseignants. La commission a noté que ce n'est que dans des cas exceptionnels que des enseignants ont été révoqués au motif d'avoir essayé d'endoctriner des élèves ou de s'être autrement conduits de manière fautive dans le cadre de leur travail. La commission estime que rien ne permet de supposer que, du fait qu'un enseignant a milité dans un parti ou une organisation donnés, il est enclin à se comporter d'une manière incompatible avec sa fonction. La commission a conclu que, dans la plupart des cas portés à son attention concernant des enseignants, les mesures prises en application de l'obligation de loyauté à la Constitution ne restaient pas, à de nombreux égards, contenues dans les limites des exclusions fondées sur les prescriptions que la convention prévoit.
11. La commission constate, à la lecture des informations communiquées par la FISE, que les licenciements se fondaient sur l'appartenance antérieure ou la fonction antérieure de l'intéressé dans certains partis politiques ou certaines organisations, et non sur une conduite tombant sous le coup de ce que l'on peut raisonnablement considérer comme relevant des prescriptions inhérentes à l'exercice de la profession d'enseignant. Ni l'aptitude à l'enseignement ou aux tâches administratives ni la compétence ou les qualifications n'étaient mis en question dans aucun de ces cas. La commission fait en outre observer que l'ampleur des motifs possibles de licenciement offerts par les paragraphes 4, notamment son alinéa 1), et 5 de l'annexe au Traité de réunification, sur lesquels le gouvernement s'appuie, ne paraît pas énoncer de critères suffisamment précis pour garantir l'absence d'une discrimination sur la base de l'opinion politique.
12. La commission espère que le gouvernement réexaminera son application des paragraphes 4 et 5 de l'annexe 1 du Traité de réunification et son utilisation des questionnaires et que des mesures seront prises pour garantir que les seules restrictions à l'emploi dans la fonction publique dans les nouveaux Länder ne répondent qu'aux prescriptions inhérentes aux emplois considérés, au sens de l'article 1, paragraphe 2, de la convention, ou selon ce que justifie l'article 4 de cet instrument. A cet égard, la commission invite le gouvernement à se reporter aux considérations développées par la Commission d'enquête de 1987 aux paragraphes 585 à 593 de ses recommandations, du fait de leur pertinence par rapport aux mesures prises récemment dans la fonction publique des nouveaux Länder à la suite de la réunification. La commission prie le gouvernement de faire rapport sur les mesures envisagées ou prises pour garantir que le recrutement dans la fonction publique dans les nouveaux Länder soit fondé sur les prescriptions inhérentes à l'emploi considéré, en énonçant par exemple des directives ou des critères suffisamment précis et objectifs. La commission espère que le gouvernement communiquera des statistiques et toute autre information disponible sur le nombre des fonctionnaires, y compris des enseignants, révoqués de leur poste dans les nouveaux Länder à la suite de la réunification, sur les critères appliqués pour décider de cette révocation, sur les protections prévues par la procédure applicable et sur la manière dont les informations contenues dans le questionnaire sont examinées et utilisées pour apprécier l'aptitude à l'emploi dans la fonction publique. Elle prie aussi le gouvernement d'indiquer les voies de recours ouvertes contre les décisions prises en vertu des paragraphes 4 et 5 du Traité de réunification.
Suivi des recommandations de la Commission d'enquête de 1987 concernant l'égalité de chances et de traitement quelle que soit l'opinion politique
13. La commission note que les effets des paragraphes susmentionnés du Traité de réunification ont été prorogés jusqu'à la fin de 1993. Elle croit comprendre que la législation fédérale instituant le devoir de loyauté envers la Constitution est devenue applicable dans les nouveaux Länder. Rappelant les termes de sa demande directe de 1991, la commission exprime l'espoir que le gouvernement communiquera des informations sur les mesures prises en vue de garantir l'égalité de chances de traitement conformément à la convention dans les nouveaux Länder, plus particulièrement en ce qui concerne: a) l'emploi dans la fonction publique dans ces régions; b) l'accès des personnes originaires de ces régions à la fonction publique fédérale et à la fonction publique des Länder préexistants de la République fédérale d'Allemagne.
14. Dans ses précédents commentaires, la commission priait le gouvernement de continuer des communiquer des informations sur toutes mesures prises par les autorités fédérales et par les Länder du Bade-Wurtemberg, de la Bavière et du Rhin-Palatinat en réponse aux recommandations de la Commission d'enquête de 1987 concernant l'obligation du serment de loyauté pour obtenir un emploi dans la fonction publique en République fédérale d'Allemagne. La commission note avec intérêt, à la lecture du rapport du gouvernement, que les enquêtes systématiques concernant la loyauté des candidats à des postes dans la fonction publique ont été abolies en Bade-Wurtemberg par une directive du ministre de l'Intérieur du 27 octobre 1990, en Bavière par une déclaration du gouvernement de ce Land du 3 décembre 1991 et dans le Rhin-Palatinat par une disposition administrative du ministère de l'Intérieur du 27 décembre 1990. En conséquence, le gouvernement rapporte que ces enquêtes systématiques concernant les candidats n'ont plus cours en Allemagne depuis le 1er janvier 1992. La commission prie le gouvernement de communiquer copie des décisions susmentionnées et de continuer de communiquer des informations sur l'application pratique des recommandations de la commission d'enquête.
Egalité de chances et de traitement sur la base du sexe
15. La commission note qu'un projet de loi sur le statut d'égalité des hommes et des femmes est actuellement élaboré par le ministère fédéral pour les Femmes et les Jeunes et que, selon le gouvernement, ce texte renforcera les sanctions contre la discrimination fondée sur le sexe en matière de recrutement et de promotion. La commission espère que ses précédents commentaires seront pris en considération dans l'élaboration de cette nouvelle législation et que le gouvernement communiquera copie de ce texte dès qu'il aura été adopté.
Egalité de chances et de traitement sur la base de la race ou de l'ascendance nationale
16. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les politiques, programmes et autres mesures prises ou appliquées en vue de promouvoir l'égalité de chances et de traitement en matière d'emploi et de profession et de faire disparaître toute discrimination à cet égard sur la base de la race et de l'ascendance nationale, quant à l'accès à la formation, l'accès à l'emploi, la sécurité de l'emploi et les conditions d'emploi.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1993.]