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Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Pérou (Ratification: 1960)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Pérou (Ratification: 2021)

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La commission prend note des informations détaillées communiquées par le gouvernement et de la discussion à la Commission de la Conférence en 1993 sur les problèmes concernant le respect de la convention quant à la situation des communautés indigènes d'Atalaya, des travailleurs des mines et des laveurs d'or de Madre de Dios.

1. Communautés indigènes d'Atalaya

Dans son observation précédente, la commission avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour supprimer les pratiques de servitude pour dettes, les procédés violents ou fallacieux d'embauche de la main-d'oeuvre, les conditions inhumaines de travail et l'exploitation du travail forcé des enfants dans les communautés d'Atalaya (dont la situation avait été reconnue dans le rapport final de la Commission multisectorielle sur la situation des communautés indigènes d'Atalaya créée par la résolution 083-88-PCM).

La commission avait pris note des recommandations formulées dans le rapport mentionné ci-dessus, au nombre desquelles figure la création d'une zone régionale de travail, à Atalaya, chargée de la prévention des conflits collectifs et de préserver les droits des travailleurs concernés, spécialement ceux des communautés indigènes. La création d'un service annexe du ministère du Travail dans cette zone avait déjà été considérée nécessaire par le rapport d'inspection spécial de la zone d'Atalaya (de 1988), dont copie avait été communiquée par le gouvernement. La commission a noté, par ailleurs, que l'Organisation indigène de la région d'Atalaya (OIRA) et le Front pour la défense des intérêts de la province d'Atalaya ont adressé en 1993 au ministère du Travail des communications soulignant l'importance de la création d'un bureau du ministère du Travail dans cette zone pour lutter contre l'injustice et l'exploitation dont les communautés indigènes sont victimes, et demandant que ce bureau soit installé sans retard, d'autant plus que les communautés en question n'ont pas accès, en raison du coût et des difficultés du transport, à la Direction régionale du travail pour défendre leurs droits. En outre, une réunion à laquelle ont participé les autorités publiques d'Atalaya, diverses personnalités et des représentants des organisations indigènes a souligné dans ses conclusions la nécessité d'une zone de travail et de promotion sociale à Atalaya, tout en exprimant l'espoir que les autorités supérieures, qui ont compétence pour la création légale d'une telle zone, aient pris connaissance de cette nécessité, afin qu'elle ne reste pas à l'état de projet.

La commission observe qu'il ressort du rapport du gouvernement, communiqué en novembre 1993, que la zone régionale de travail d'Atalaya n'a pas encore été créée.

Le gouvernement indique dans son rapport que la Direction générale du travail et de la promotion sociale d'Ucayali a mis sur pied une opération conjointe d'inspection, en coordination avec les autorités de la justice, de la police, ainsi que le procureur, le ministère de l'Agriculture et la préfecture. La commission prie le gouvernement d'en communiquer des rapports d'inspection portant en particulier sur le nombre et la nature des infractions constatées et les sanctions prononcées.

En ce qui concerne les communautés indigènes d'Atalaya, la commission observe que certaines démarches ont été entreprises, mais que les mesures recommandées par la commission multisectorielle n'ont pas été prises, pas plus que celles qui avaient été formulées dans le rapport d'inspection spécial de 1988, au nombre desquelles figurent non seulement la création d'une zone régionale de travail, mais également la création d'un tribunal mixte, l'établissement d'un procureur de la province et d'un conseil pour la promotion sociale ainsi que l'ouverture de voies de communication terrestres.

2. Travailleurs des mines et des laveries d'or de Madre de Dios

La commission avait prié le gouvernement de fournir le rapport de la commission multisectorielle, créée par la résolution no 275-90-PCM du 26 juin 1990 avec pour mission d'étudier la situation des travailleurs dans les laveries d'or de Madre de Dios. La commission avait pris note, en ce qui concerne ces travailleurs, des allégations présentées par la Fédération nationale des travailleurs des mines, de la métallurgie et de la sidérurgie du Pérou (FNTMMSP) sur les procédés fallacieux d'embauche auxquels recourent certains particuliers ou certaines agences qui pratiquent l'"enganche" en général à Puno et Cuzco, pour le compte d'entreprises minières auxquelles la Direction nationale des mines a octroyé des concessions. Les contrats sont généralement de 90 jours (ce qui explique l'appellation de "noventeros" donnée à ces travailleurs), à l'issue desquels l'employeur est censé couvrir les frais de retour, ce qu'il ne fait généralement pas, empêchant ainsi le retour du travailleur à son lieu d'origine. S'agissant des conditions de travail, l'organisation dénonce également les salaires trop bas, les horaires excessifs, l'assistance médicale inexistante et le risque élevé de contracter des maladies telles que la malaria, la tuberculose, la rage et le lupus (uta).

La commission note les informations sur les conditions inhumaines dans lesquelles travaillent les enfants contenues dans le rapport intitulé "Travail des mineurs dans les laveries de Madre de Dios", élaboré par la Coordination des droits de l'enfant de la région inka, dont une copie a été remise à la Commission de la Conférence en juin 1993 par un membre travailleur. Selon ce rapport, la presse nationale a révélé l'existence de fosses communes dans différentes zones du pays, dans lesquelles on a retrouvé, parmi les corps des laveurs d'or, ceux d'enfants, d'adolescents et de jeunes gens employés dans les mines, et morts par suite de maladies et d'accidents occasionnés par leur travail (comme la rage, le tétanos, diverses infections, les chutes), ou de contusions infligées par des patrons de mine abusifs et esclavagistes. On a même évoqué la possibilité de l'assassinat de certains enfants qui auraient tenté de s'enfuir ou auraient protesté contre leurs conditions de travail.

La commission note avec intérêt les indications du gouvernement selon lesquelles une opération a été menée, le 1er octobre 1993, dans la zone dite "Boca Colorado" (Madre de Dios) par le ministère du Travail avec la participation de représentants du pouvoir judiciaire. Cette opération a permis de libérer sept jeunes gens exploités comme esclaves dans l'une des laveries d'or. Dans une communication officielle no 016-93-RR.PP. du 4 octobre 1993, le ministère du Travail et de la Promotion sociale a décidé que le procureur général devait ouvrir une action pénale en vue d'établir la responsabilité des personnes qui ont obligé des mineurs à travailler et qui ont opéré en marge de la loi. Le témoignage de ces jeunes gens confirme que les "enganchadores" recourent à des procédés d'embauche trompeurs, qu'ils "vendent" les jeunes à des travailleurs plus âgés, et que des gardes armés surveillent les travailleurs.

La commission prend note des diverses mesures qui ont été prises en rapport avec la situation de ces travailleurs, notamment la mise à l'amende et la fermeture des agences de placement clandestines, les campagnes d'information auprès des travailleurs ruraux pour éviter qu'ils se laissent tromper par les "enganchadores", la création de la zone régionale de travail et de promotion sociale de Huaypetue et Colorado, ainsi que la possibilité de recours auprès de la zone en question, sans qu'il soit nécessaire de se déplacer à Madre de Dios, comme c'était le cas précédemment, ce qui prenait deux à trois jours par la voie fluviale.

La commission prend note par ailleurs que, d'après les indications du gouvernement, il a été décidé d'élaborer une directive sur les conditions requises pour le transport des travailleurs jusqu'à Madre de Dios et sur l'interdiction du travail des enfants. Cette directive devra être distribuée dans toutes les délégations de la police nationale. La commission prie le gouvernement de communiquer une copie de cette directive.

La commission observe que, bien que certaines mesures aient été prises en vue de faire disparaître les situations en cause pour les communautés indigènes d'Atalaya ainsi que dans les mines et laveries d'or de Madre de Dios, il subsiste des problèmes qui nécessitent une action énergique et soutenue de la part des autorités. La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour mettre fin aux pratiques visant à soumettre de nombreux travailleurs, y compris des enfants, au travail forcé. Il est nécessaire, en particulier, de donner effet à l'article 25 de la convention, qui prévoit que le fait d'exiger illégalement du travail forcé sera passible de sanctions pénales et que tout Etat Membre ratifiant la convention a l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le déroulement et l'issue des procès intentés par le ministère public dans les cas de travail forcé constatés dans la zone de Boca Colorado (Madre de Dios).

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