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Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 105) sur l'abolition du travail forcé, 1957 - Maroc (Ratification: 1966)

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La commission prend note des observations de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et de la réponse du gouvernement à ces observations.

Article 1 d) de la convention. Dans ses précédents commentaires, la commission s’était référée à l’article 288 du Code pénal (atteinte à la liberté du travail) qui prévoit une peine d’emprisonnement d’un mois à deux ans, comportant l’obligation de travailler (en vertu de l’article 28 du même code), envers «quiconque, à l’aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, a amené ou maintenu, tenté d’amener ou maintenir, une cessation concertée de travail, dans le but de forcer à la hausse ou à la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail».

La commission avait noté antérieurement la demande adressée par l’Union marocaine du travail (UMT) au gouvernement pour abroger cette disposition qui, selon l’UMT, est fréquemment utilisée par les tribunaux pour emprisonner les militants de l’UMT en raison de leur participation pacifique à des grèves. Elle avait noté l’indication du gouvernement selon laquelle les faits sanctionnés en application de l’article 288 étaient les actes de violence, voies de fait, menaces et manœuvres frauduleuses ainsi que l’entrave à la liberté du travail. La commission avait observé que, dans un des jugements rendus en application de l’article 288, dont copie avait été communiquée par le gouvernement à sa demande, l’élément constitutif de l’atteinte à la liberté du travail était le fait d’avoir posé des pierres sur le chemin d’accès au lieu de travail, sans référence à des violences ni à aucune conséquence dommageable. Par ailleurs, dans quatre de ces jugements (sur les neuf dont copie avait été communiquée par le gouvernement), la cour avait acquitté les accusés des charges qui leur avaient été imputées.

La commission avait également noté la plainte déposée contre le gouvernement marocain au Comité de la liberté syndicale par l’UMT, le 4 septembre 1999, alléguant l’arrestation de dirigeants syndicaux et de syndicalistes suite à des grèves.

La commission avait prié le gouvernement d’examiner la disposition de l’article 288 du Code pénal à la lumière de la convention et des restrictions que l’application de cette disposition pénale apporte au libre exercice de la liberté syndicale et au droit de grève, par ailleurs garantis dans la Constitution nationale (art. 14).

La commission note que, dans un précédent rapport, le gouvernement avait réitéré l’affirmation selon laquelle l’article 288 du Code pénal ne contredit pas les dispositions de la convention puisqu’il ne sanctionne pas l’exercice du droit de grève mais la cessation collective du travail accompagnée de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, et que les actes condamnés par cet article ne sont que des actes portant atteinte à la liberté du travail.

La commission note l’information communiquée par le gouvernement selon laquelle la révision des dispositions de l’article 288 du Code pénal est envisagée dans le contexte d’une révision d’ensemble du Code pénal, et que le nouveau texte de cet article sera communiqué au Bureau dès son adoption.

La commission veut croire que la révision de l’article 288 du Code pénal permettra d’assurer que des sanctions comportant l’obligation de travailler ne pourront pas être imposées en répression de l’exercice normal du droit de grève. Notant que l’article 14 de la Constitution prévoit l’adoption d’une loi organique aux fins de préciser les conditions et les formes dans lesquelles le droit de grève peut s’exercer, la commission prie le gouvernement d’indiquer si cette loi a été adoptée et, le cas échéant, d’en communiquer une copie.

Article 1 a). Dans sa précédente observation, la commission s’était référée aux observations finales du Comité des droits de l’homme (CCPR/C/79/Add.113), après examen du quatrième rapport périodique du Maroc, dans lesquelles le comité s’inquiétait des dispositions du Code de la presse restreignant gravement la liberté d’expression.

La commission prend note de l’adoption du dahir no 1-02-207 du 25 Rejeb 1423 (3 oct. 2002) portant promulgation de la loi no 77-00 modifiant et complétant le dahir no 1-58-378 du 3 Joumada I 1378 (15 nov. 1958) formant Code de la presse et de l’édition.

La commission note qu’en vertu des dispositions suivantes du Code de la presse des peines d’emprisonnement comportant l’obligation de travailler peuvent être prononcées pour réprimer certains délits de presse ainsi que l’exercice de la liberté d’expression:

-  article 20: «Le fait pour le propriétaire d’un journal, pour le directeur d’une publication ou l’un de ses collaborateurs de recevoir, directement ou indirectement, des fonds ou avantages d’un gouvernement ou d’une partie étrangers, à l’exception des fonds destinés au paiement de publicité… est puni d’une peine d’emprisonnement de un à cinq ans…»;

-  l’article 28 punit d’une peine d’emprisonnement d’un mois à un an le fait de passer outre la caducité de l’autorisation de création, de publication ou d’impression d’un journal ou écrit périodique;

-  l’article 29 punit d’une peine d’emprisonnement de six mois à trois ans le fait de mettre en vente, de distribuer ou de reproduire sciemment des journaux ou écrits portant atteinte à la religion islamique, au régime monarchique, à l’intégrité territoriale, au respect dû au Roi ou à l’ordre public;

-  l’article 30 punit d’une peine d’emprisonnement d’un à trois ans «la distribution, la mise en vente, l’exposition au regard du public et la détention en vue de la distribution, de la vente, de l’exposition, dans un but de propagande, de bulletins, tracts et publications d’origine étrangère ou bénéficiant d’un soutien étranger, nuisant aux valeurs sacrées du pays prévues à l’article 29 ci-dessus ou aux intérêts supérieurs de la nation»;

-  l’article 40 punit d’une peine d’emprisonnement de deux à cinq ans la provocation par discours, cris ou menaces proférés dans les lieux ou réunions publics, par des écrits mis en vente ou exposés dans les lieux ou réunions publics, par des placards ou affiches exposés aux regards du public ou par les différents moyens d’information audiovisuelle et électronique, «qui aurait pour but d’inciter des militaires de terre, de mer ou de l’air, ainsi que des agents de la force publique, à manquer à leurs devoirs et à l’obéissance qu’ils doivent à leurs chefs…»;

-  l’article 41 punit d’une peine d’emprisonnement de trois à cinq ans toute offense envers le Roi, les princes et princesses royaux, ainsi que la publication d’un journal ou écrit portant atteinte à la religion islamique, au régime monarchique ou à l’intégrité territoriale;

-  l’article 42 punit d’une peine d’emprisonnement d’un mois à un an la publication, la diffusion ou la reproduction, de mauvaise foi, par quelque moyen que ce soit, d’une fausse nouvelle, d’allégations, de faits inexacts, de pièces fabriquées ou falsifiées attribuées à des tiers, lorsqu’elle aura troublé l’ordre public ou suscité la frayeur parmi la population. La peine encourue est d’un à cinq ans d’emprisonnement lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction peut ébranler la discipline ou le moral des armées;

-  l’article 52 punit d’une peine d’emprisonnement d’un mois à un an l’offense commise publiquement envers la personne des chefs d’Etat et leur dignité, les chefs de gouvernement et les ministres des Affaires étrangères des pays étrangers;

-  l’article 53 punit d’une peine d’emprisonnement d’un à six mois l’outrage commis publiquement envers la personne et la dignité des agents diplomatiques ou consulaires étrangers.

La commission rappelle que la convention interdit tout recours au travail forcé ou obligatoire, y compris le travail pénitentiaire obligatoire, en tant que mesure de coercition ou d’éducation politique ou en tant que sanction à l’égard des personnes qui ont ou expriment certaines opinions politiques ou manifestent leur opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi.

La commission rappelle également que la protection de la convention ne se limite pas aux activités exprimant ou manifestant des opinions divergentes dans le cadre des principes établis. En conséquence, si certaines activités visent à apporter des changements fondamentaux aux institutions de l’Etat, cela ne constitue pas une raison pour considérer qu’elles échappent à la protection de la convention, tant que l’on ne fait pas recours ou appel à des méthodes violentes en vue de parvenir au résultat recherché.

La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application pratique des dispositions susmentionnées du Code de la presse, en indiquant le nombre de condamnations prononcées et en joignant copie des décisions judiciaires prises en application de ces dispositions.

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