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Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Indonésie (Ratification: 1950)

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Se référant à son observation précédente, la commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement en mars 2004 en réponse aux commentaires de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) relatifs à l’exploitation des travailleurs migrants indonésiens. Elle a également noté les informations fournies par le gouvernement lors de la discussion de l’application de la convention à la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail en juin 2004, le rapport du gouvernement reçu en août 2004, ainsi que les nouveaux commentaires présentés par la CISL en août 2004, dont copie a été transmise au gouvernement le 2 septembre 2004.

1. Travail forcé des enfants sur les plates-formes de pêche. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur les actions entreprises pour éradiquer le travail des enfants sur les plates-formes de pêche (jermals) et sur les résultats obtenus dans la pratique grâce à ces actions. Constatant que le gouvernement a ratifié la convention (no 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999, et a fourni des rapports sur son application, la commission le prie de bien vouloir se reporter aux commentaires qu’elle formule sur l’application de cette convention. En effet, dans la mesure où la convention no 182 dispose à son article 3, paragraphe a), que les pires formes de travail des enfants incluent «toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire», la commission considère que le problème du travail forcé des enfants sur les plates-formes de pêche peut être examiné plus spécifiquement dans le cadre de la convention no 182.

2. Traite des personnes. Dans ses précédents commentaires, la commission s’était référée aux commentaires de la CISL selon lesquels la traite des personnes, notamment en vue de leur prostitution, était très répandue en Indonésie et de nombreux travailleurs migrants indonésiens devaient être considérés comme des victimes de la traite; 20 pour cent des 5 millions de travailleurs migrants indonésiens en seraient victimes. Elle avait notéà cet égard les mesures prises par le gouvernement pour combattre ce phénomène, parmi lesquelles: la préparation de projets de loi relatifs aux crimes liés à la traite des personnes; la création de 200 centres spéciaux et 19 centres de services intégrés pour combattre la traite des personnes; les actions menées par la police pour prévenir et lutter contre ce phénomène; et l’adoption, le 30 décembre 2002, du Plan national d’action pour l’abolition de la traite des femmes et des enfants. La commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations sur l’adoption des projets de législation relatifs à la prévention et à la répression de la traite des personnes, sur les mesures prises dans le cadre du Plan national d’action pour l’abolition de la traite des femmes et des enfants, sur les résultats obtenus dans la lutte contre la traite des personnes en général (les femmes et les enfants étant les seuls concernés par le plan d’action) ainsi que sur toute procédure judiciaire engagée en vue de sanctionner les personnes responsables de la traite.

Au cours de la discussion sur l’application de la convention par l’Indonésie au sein de la commission de l’application des normes de la Conférence et dans son rapport soumis ultérieurement, le gouvernement a fourni un certain nombre d’informations à ce sujet:

-           mise en œuvre du Plan national d’action pour les droits de l’homme 2004-2009, qui comprend un programme destinéà renforcer la coordination des efforts en vue de la protection des enfants contre la traite et l’exploitation sexuelle;

-           renforcement des moyens de la police nationale afin que cette dernière soit plus à même de lutter contre le crime de traite des femmes et des enfants;

-           organisation par le ministère du Travail et des Migrations d’ateliers de sensibilisation et de formation pour les inspecteurs du travail venant de différentes provinces et pour les fonctionnaires chargés de faire appliquer la législation du travail afin qu’ils puissent faire face aux questions liées à la traite sur le lieu de travail et ainsi prévenir ce phénomène;

-           lancement d’une initiative régionale, en coopération avec le gouvernement australien, et accueil de la Conférence ministérielle régionale sur les migrations clandestines et la traite des personnes en 2002 et 2003, en vue de renforcer la coopération régionale et mettre en place un mécanisme régional de lutte contre la traite des personnes;

-           poursuite de la mise à jour des données recensant les cas de traite, données qui sont essentielles pour l’élaboration de politiques et de programmes dans ce domaine;

-           poursuite du processus d’harmonisation de la législation, notamment du Code pénal et de la loi sur les migrations, en vue d’y insérer des dispositions sur la traite des personnes, et finalisation du projet de loi sur l’éradication du commerce des personnes et de la traite;

-           dans le cadre de la collaboration avec l’OIT, participation à un projet destinéà répondre spécialement aux problèmes rencontrés par les travailleurs domestiques indonésiens, y compris la traite (Projet «Susciter des actions pour la protection des travailleurs domestiques contre le travail forcé et la traite»).

La commission prend note de l’ensemble de ces informations et constate avec intérêt que le gouvernement, conscient de l’importance du problème de la traite des personnes, continue à prendre des mesures de sensibilisation, de prévention et de répression, notamment par le renforcement des capacités de la police et des inspecteurs du travail, la coopération régionale et l’assistance technique du BIT. La commission souhaiterait néanmoins que le gouvernement communique des informations plus concrètes et plus détaillées, en particulier sur les points suivants:

-           l’évaluation de l’ampleur et de la nature du phénomène de la traite: la commission espère que la collecte des données à laquelle le gouvernement s’est référé dans son rapport permettra de disposer des informations sur le nombre de personnes concernées (hommes, femmes, enfants), les différentes formes de traite (nationale et transnationale), les catégories de travailleurs concernés, etc., qui aideront le gouvernement à cibler les actions à entreprendre et évaluer leur efficacité;

-           les sanctions infligées: la commission note que le gouvernement n’a fourni aucune information sur les procédures judiciaires engagées contre les personnes responsables de traite ni sur les sanctions infligées. A cet égard, elle constate que la loi sur la traite des personnes à laquelle le gouvernement se référait déjà en 2003 n’a toujours pas été adoptée. Le gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour doter rapidement sa législation d’un texte complet définissant la traite des personnes, prévoyant des sanctions pénales efficaces et dissuasives et contenant des dispositions sur la protection des victimes et leur indemnisation. L’adoption d’un texte définissant et sanctionnant expressément la traite permettra de combler les lacunes de la législation dans ce domaine et constituera une étape importante dans la lutte contre la traite des personnes. Dans cette attente, la commission constate que les tribunaux peuvent cependant juger les personnes responsables de traite en se fondant sur d’autres dispositions légales comme, par exemple, l’article 297 du Code pénal selon lequel la traite des femmes ou des jeunes hommes est passible d’une peine de prison de six ans maximum ou les dispositions du Code pénal relatives à l’exploitation sexuelle, ou encore en sanctionnant le non-respect de la législation du travail (temps de travail, conditions de travail, etc.). Dans la mesure où, selon l’article 25 de la convention, l’imposition de travail forcé doit être passible de sanctions pénales efficaces, la commission prie une nouvelle fois le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur les plaintes déposées pour traite, les procédures judiciaires engagées contre les auteurs de ce crime, les sanctions prononcées (prière de communiquer copie de ces décisions) ainsi que sur la protection offerte aux victimes;

-           les résultats concrets obtenus grâce aux actions menées dans le cadre du plan national d’action pour l’abolition de la traite des femmes et des enfants, adopté en décembre 2002. A cet égard, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que les mesures annoncées par le gouvernement ne semblent pas viser les victimes de sexe masculin.

3. Exploitation des travailleurs migrants. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de fournir des informations complètes sur les commentaires transmis par la CISL relatifs à l’exploitation des travailleurs migrants. Le recours obligatoire aux agences de placement et l’absence de législation établissant les droits des travailleurs migrants indonésiens et réglementant le processus de migration de la main-d’œuvre favorisent l’exploitation de ces travailleurs. Selon la CISL, les travailleurs indonésiens peu qualifiés qui souhaitent travailler à l’étranger doivent passer par des agences de placement qui leur font payer des frais d’inscription et de formation très élevés. Avant même de commencer à travailler à l’étranger, les travailleurs migrants ont déjà contracté une dette importante. Ils sont légalement contraints de signer un contrat avec les agences de placement sans avoir réellement le pouvoir d’en négocier les termes. Les contrats de travail sont parfois rédigés dans une langue étrangère et les candidats contraints de mentir sur leur âge, leur adresse voire même leur identité. Ces travailleurs finissent par accepter n’importe quel emploi même s’il ne correspond pas à celui prévu dans le contrat. Ils se trouvent dans une situation de vulnérabilité propice à l’exploitation et au travail forcé.

Pour la CISL, les candidats à l’émigration sont exploités avant, pendant et après leur séjour à l’étranger. Avant, les agences de placement exigent que les travailleurs vivent dans des camps de formation, parfois jusqu’à 14 mois, où ils peuvent être forcés de travailler pour le personnel de ces agences. En outre, les conditions de vie dans ces centres sont extrêmement difficiles et certains travailleurs ne jouissent pas toujours de la liberté de mouvement. Les agences de placement génèrent des profits importants car l’exploitation des travailleurs migrants se poursuit après leur départ vers le pays de destination. Une fois à l’étranger, les travailleurs migrants doivent rembourser les frais dus à l’agence, frais qui sont généralement supérieurs au maximum fixé par le gouvernement. L’agence perçoit une somme correspondant à un certain nombre de mois de salaire qui varie selon le pays où ils émigrent. Dans ces circonstances, il est difficile pour les travailleurs mal traités ou obligés de travailler un nombre d’heures supérieur à la normale, dans des conditions difficiles, de partir en raison du contrat qui les lie et de l’argent dû aux agences de placement. Ces travailleurs ont des difficultés à trouver des informations ou de l’aide auprès de leurs autorités consulaires en particulier sur les voies de recours éventuelles. Enfin, les travailleurs migrants doivent également payer des frais d’agence pour le renouvellement de leur contrat qui sont généralement supérieurs au maximum légal. Certaines agences, en utilisant la coercition et la tromperie pour recruter et transporter les migrants à l’étranger pour pouvoir les exploiter, pratiquent la traite des personnes et devraient être punies en conséquence. Dans sa communication reçue en août 2004, la CISL reprend l’ensemble de ces allégations.

En réponse, le gouvernement a indiqué que le placement des travailleurs migrants indonésiens relève de sa responsabilité. Il est réglementé par le décret no 104A/MEN/2002 et s’effectue par le biais d’agences de placement publiques ou privées. Il en existe actuellement environ 400. Pour exercer leur activité, les agences de placement privées doivent obtenir une autorisation officielle qui n’est délivrée qu’après vérification du respect de certains critères. Le gouvernement reconnaît que des abus peuvent intervenir tout au long de la procédure de placement de ces travailleurs. Il exerce en conséquence un contrôle sur les activités des agences de placement et sanctionne celles qui ne respectent pas la réglementation. Ainsi, pendant la période 2002-03, 61 agences ont été sanctionnées, 53 licences ont été retirées et huit agences font l’objet d’une procédure judiciaire. En coopération avec la police, le ministère du Travail et des Migrations est intervenu dans plusieurs centres de formations et dortoirs. Le gouvernement a même suspendu l’envoi de main-d’œuvre indonésienne dans la zone Asie-Pacifique entre février et août 2003.

Le gouvernement fournit également des informations sur les différentes étapes de la procédure de placement auxquelles la CISL s’est référée dans ses commentaires:

-           Les agences ont l’obligation, sous peine de sanction, d’informer le travailleur sur la nature de l’emploi proposé, les conditions de travail et les contraintes liées au pays de destination afin qu’il décide librement s’il accepte de partir et de signer le contrat de travail. Si le travail ne correspond pas à ce qui était prévu dans le contrat, le travailleur doit en référer à l’institution gouvernementale compétente de manière à ce que l’agence ou l’employeur soit poursuivi. Ainsi, des agences ont déjàété sanctionnées (retrait de la licence, obligation d’indemniser le travailleur) et le gouvernement tient une liste noire des contrevenants.

-           Le gouvernement fixe le coût du placement des travailleurs migrants en fonction de différentes données, telles que l’offre et la demande, afin notamment d’éviter que le travailleur ne soit exploité par l’agence. A cet égard, le contrat de placement conclu entre l’agence et le travailleur doit prévoir les droits et les devoirs de chaque partie et en particulier le coût du placement à la charge du travailleur et la manière dont ce dernier s’en acquittera. Le gouvernement vérifie ces contrats pour éviter qu’un coût excessif ne soit mis à la charge du travailleur.

-           La préparation des travailleurs dans les centres de formation et les conditions de vie dans les dortoirs sont dûment réglementées. Le gouvernement indique par ailleurs n’avoir reçu aucune plainte des travailleurs qui, ayant terminé leur formation, sont placés chez des particuliers en attendant les documents les autorisant à partir à l’étranger.

-           L’obligation de revenir en Indonésie à l’échéance du contrat de travail vise à permettre aux travailleurs de retrouver leur famille. Ce retour est parfois imposé par le pays d’accueil. Cette obligation offre également au travailleur l’opportunité de prolonger lui-même son contrat de travail avec son employeur sans passer par l’agence et ainsi éviter l’exploitation.

Enfin, le gouvernement indique qu’il est conscient du faible pouvoir de négociation des travailleurs migrants et cherche pour cela à améliorer leur condition en signant des protocoles d’accord avec les pays de destination. En outre, un projet de loi sur le placement et la protection des travailleurs migrants est en préparation qui vise notamment à: augmenter l’âge minimum pour travailler à l’étranger; accroître le rôle des bureaux d’emploi dans le processus de recrutement et de placement au niveau régional; limiter la durée de validité des autorisations accordées aux agences; limiter le coût du placement à la charge du travailleur; renforcer les sanctions imposées aux agences de placement qui ne respectent pas la législation.

La commission a pris note de l’ensemble de ces informations. Elle constate que le gouvernement est conscient des abus qui peuvent intervenir au cours de la procédure de placement des travailleurs migrants indonésiens et s’efforce de prendre des mesures pour lutter contre ces abus et sanctionner leurs auteurs. Tout en accueillant favorablement les initiatives du gouvernement, la commission souhaiterait qu’il continue à fournir des informations, en particulier sur:

-           la nature des contrôles menés sur les activités des agences de placement sur le territoire national, notamment en ce qui concerne la vérification des contrats de placement et des contrats de travail et leur respect, le coût du placement effectivement à la charge du travailleur, la formation dispensée, les conditions de vie dans les centres de formation et les dortoirs et les délais d’attente;

-           les moyens dont dispose le ministère du Travail et des Migrations pour mener à bien ces contrôles;

-           la nature des infractions constatées, les jugements prononcés (prière d’en communiquer copie) et les sanctions imposées;

-           les mécanismes (assistance, voies de recours, etc.) mis à la disposition des travailleurs migrants indonésiens qui sont exploités dans les pays de destination ainsi que sur les protocoles d’accord signés avec ces pays (prière d’en fournir copie).

Enfin, la commission espère que la loi sur le placement et la protection des travailleurs migrants pourra être adoptée très prochainement. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les commentaires communiqués à ce sujet par le Congrès des syndicats de l’Indonésie transmis au gouvernement le 15 novembre 2004.

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