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Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Autriche (Ratification: 1960)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Autriche (Ratification: 2019)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la conventionA. Prisonniers concédés à des entreprises privées. 1. Dans son observation précédente, la commission avait noté qu’aux termes de l’article 46, paragraphe 3, de la loi sur l’exécution des peines, telle qu’amendée par la loi no 799/1993, les prisonniers peuvent être concédés à des entreprises du secteur privé; celles-ci peuvent utiliser la main-d’œuvre pénitentiaire dans des ateliers et lieux de travail sous gestion privée aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des prisons. La commission avait fait remarquer que le travail obligatoire des prisonniers pour des entreprises privées n’était pas compatible avec la convention.

2. Dans sa réponse, le gouvernement reconnaît que, conformément à la législation et à la pratique nationales, les contrats ne sont conclus qu’entre l’administration pénitentiaire et les entreprises privées alors que les prisonniers, qui sont dans l’obligation d’accomplir un travail pénitentiaire, ne concluent de contrat de travail ni avec l’entreprise ni avec l’administration pénitentiaire; néanmoins, les conditions de travail sont dans une large mesure déterminées par la loi, dont la violation peut faire l’objet de réclamations de la part des prisonniers. Le gouvernement constate aussi que les représentants de l’entreprise privée donnent seulement des instructions techniques aux prisonniers qui leur sont concédés et n’ont aucun pouvoir disciplinaire, ce dernier reste du ressort de l’administration pénitentiaire. Le gouvernement soutient à ce propos qu’il peut y avoir un lien entre les deux conditions cumulatives prévues à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention et qu’il n’existe peut-être pas, dans le cas présent, de «mise à disposition» du prisonnier, puisque l’entreprise privée a des obligations contractuelles vis-à-vis de l’administration pénitentiaire.

3. Tout en se référant à nouveau aux explications fournies dans les paragraphes 96 et suivants de son rapport général à la Conférence de 2001, la commission note, d’après les indications du gouvernement, que conformément à la première condition établie à l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, le travail est exécuté«sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques». Cependant, en ce qui concerne la seconde condition, à savoir que la personne «ne soit pas concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées», la commission avait déjà fait remarquer que les contrats en vertu desquels des prisonniers sont concédés à des entreprises privées en Autriche correspondent en tous points de vue aux éléments proscrits par l’article 2, paragraphe 2 c), à savoir qu’un individu est «concédé»à une compagnie privée. Il est dans la nature même de ces accords de concession d’inclure des obligations mutuelles entre l’administration pénitentiaire et l’entreprise privée.

4. Le gouvernement indique également que la législation et la pratique nationales sont conformes en tous points de vue à l’ensemble des Règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies, prévoyant notamment dans la règle 73(1) que «les industries et fermes pénitentiaires doivent de préférence être dirigées par l’administration et non par des entrepreneurs privés». La même préférence est suivie en Autriche, où 10 pour cent seulement du travail pénitentiaire est concédéà des entreprises privées, y compris aussi bien le travail dans les ateliers gérés par des entreprises privées à l’intérieur des prisons que celui des prisonniers travaillant à l’extérieur de la prison pour des compagnies privées; selon le gouvernement, ces derniers prisonniers ne devraient même pas être pris en considération ici, vu que leur consentement est requis. Le gouvernement conclut que la conformité avec l’ensemble des Règles minima pour le traitement des détenus des Nations Unies ne peut être en contradiction avec la convention.

5. La commission prend dûment note de ces indications. Tout en se référant à nouveau aux explications fournies dans le paragraphe 102 de son rapport général à la Conférence de 2001, la commission se doit d’indiquer qu’il n’existe aucune opposition entre la préférence exprimée par la règle 73(1) de l’ensemble des Règles minima pour le traitement des détenus et les exigences de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, et que la conformitéà un ensemble de règles minima moins sévères et non obligatoires ne dispense pas le gouvernement de respecter les règles plus strictes d’une convention ratifiée sur les droits fondamentaux de la personne.

B. Le libre emploi de prisonniers. 6. La commission a toujours soutenu que les conditions strictes établies par la convention pour exclure de son champ d’application le travail exigé d’un individu comme conséquence d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire ne doivent pas empêcher l’accès des prisonniers au marché libre du travail. Le travail accompli par des prisonniers, même pour des entreprises privées, ne relève pas du champ d’application de la convention s’il ne revêt pas de caractère obligatoire.

7. Exigence du consentement et conditions d’emploi proches de celles d’une relation de travail libre. La commission rappelle que l’obligation des prisonniers de travailler, conformément à la loi sur l’exécution des peines, porte sur tout travail auquel ils sont affectés et est exécutoire sous peine d’amendes. Le consentement du prisonnier n’est pas requis pour le travail effectué dans les ateliers de l’entreprise privée dans les locaux de la prison, mais seulement pour le travail «incontrôlé»à l’extérieur des locaux de la prison. Par ailleurs, comme indiqué par la commission dans le point 10 de son observation générale au titre de la convention, dans son rapport à la Conférence de 2002, dans le contexte d’une main-d’œuvre captive n’ayant pas d’autres possibilités d’accéder au marché libre du travail, le caractère «libre» du consentement à une forme d’emploi se présentant au premier abord comme contraire à la lettre de la convention doit être corroboré par des conditions d’emploi proches de celles d’une relation de travail libre, telles que l’existence d’un contrat de travail entre le prisonnier et l’entreprise privée recourant à son travail et des conditions s’inspirant du marché libre du travail pour ce qui est du niveau des rémunérations, de la sécurité sociale et de la sécurité et de l’hygiène.

8. Dans l’application des observations susmentionnées aux conditions du pays, la commission note que:

a)  Aux termes de la loi sur l’exécution des peines, un prisonnier ne conclut aucun contrat de travail avec la compagnie privée qui utilise son travail à l’intérieur ou à l’extérieur des locaux de la prison ou avec les autorités pénitentiaires. La portée générale de la législation protectrice mentionnée par le gouvernement à ce propos n’est pas un indicateur d’une relation d’emploi librement acceptée.

b)  Le gouvernement indique dans son rapport que la législation en matière de sécurité et de santé s’applique dans les prisons, que les prisonniers bénéficient de soins de santé spécifiques ainsi que d’une indemnisation en cas d’accident du travail «jusqu’au» niveau prévu dans l’assurance sociale générale, qu’ils sont couverts par l’assurance chômage, mais qu’ils restent exclus de l’assurance vieillesse. Il apparaît donc, avec l’exception de l’assurance chômage, que les prisonniers, notamment ceux qui travaillent pour des entreprises privées, demeurent exclus de la couverture de la sécurité sociale dont bénéficient les travailleurs libres.

c)  En ce qui concerne les salaires, le gouvernement indique qu’en 2000-2002, les salaires bruts par heure se situent entre 4,08 et 6,13 euros et, à partir du 20 décembre 2003, entre 4,27 et 6,41 euros. Les seules déductions obligatoires portent sur la participation aux coûts de la prison et à l’assurance chômage et la seule partie du salaire pouvant être saisie, sous certaines limites, est celle qui doit être versée au moment de la libération. Lorsqu’ils sont employés à plein temps, les prisonniers ont un revenu mensuel net du travail de 200 euros environ après déductions. La commission a pris dûment note de ces indications. Elle doit cependant conclure à nouveau qu’avec une participation aux frais de pension absorbant 75 pour cent de la rémunération qui est déjà beaucoup plus basse que les taux en vigueur sur le marché libre, le revenu du travail d’un prisonnier concédé auprès d’une entreprise privée se situe bien loin des conditions du marché. En évaluant ce niveau de rémunération, le gouvernement estime qu’une référence devrait être faite non seulement aux taux de rémunération sur le marché libre, mais également au principe de l’égalité de traitement entre les prisonniers, d’autant que ces derniers ne sont pas en mesure de décider s’ils veulent travailler dans un atelier privé ou pour une autorité publique. Pour ce qui est de l’égalité de traitement entre les prisonniers, la commission avait déjà noté, dans le point 12 de son observation générale au titre de la convention, dans son rapport à la Conférence de 2002, que si la convention assure principalement une protection aux prisonniers qui travaillent pour des entreprises privées, elle ne s’oppose pas pour autant à l’introduction des principes du libre marché dans les établissements d’Etat.

9. La commission exprime à nouveau l’espoir que le gouvernement prendra enfin les mesures nécessaires pour accorder aux prisonniers travaillant pour des entreprises privées un statut légal avec des droits et des conditions d’emploi qui sont compatibles avec cet instrument sur les droits fondamentaux de la personne.

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