National Legislation on Labour and Social Rights
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Employment protection legislation database
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La commission prend note de la réponse du gouvernement à ses précédents commentaires. Elle prend également note des observations de la Confédération des syndicats de la fonction publique, de la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK), de la Confédération des syndicats turcs (TÜRK‑IŞ) et de la Confédération turque des associations d’employeurs (TİSK), communiquées par le gouvernement avec son rapport.
Article 1 a) de la convention. Mesure de coercition politique ou sanction à l’égard de ceux qui ont ou expriment des opinions opposées à l’ordre établi. La commission avait relevé que des peines d’emprisonnement (comportant l’obligation de travailler, en vertu de l’article 198 du Règlement no 6-8517 tel que modifié concernant l’administration des établissements pénitentiaires et l’exécution des peines adopté par décision du Conseil des ministres du 5 juillet 1967) peuvent être imposées en vertu de diverses dispositions du Code pénal turc dont, notamment, l’article 159 (injure à l’égard du «turquisme», de diverses autorités de l’Etat, des lois de l’Etat ou des décisions de la Grande assemblée nationale) et l’article 312 (incitation publique à la haine de la population sur la base de distinctions de classe, de race, de religion ou de région), et en vertu de l’article 8 de la loi no 3713 du 12 avril 1991 contre le terrorisme, telle que modifiée le 13 novembre 1996 (propagande écrite ou orale, assemblées, manifestations et rassemblements contre l’indivisibilité de l’Etat), dans des circonstances qui relèvent de l’article 1 a) de la convention.
La commission note que, si certaines de ces dispositions semblent viser les actes de violence ou d’incitation à la violence, la résistance armée ou le soulèvement, leur portée réelle, comme le montre leur application dans la pratique, ne se limite pas à de tels actes. Ces dispositions permettent en fait la coercition politique et la punition de l’expression pacifique d’opinions non violentes et critiques à l’égard de la politique gouvernementale et du système politique établi, par des sanctions comportant du travail obligatoire.
La commission note que l’article 159 du Code pénal a été modifié par la loi no 4771 du 3 août 2002 et que l’article 159 correspond désormais à l’article 301 du nouveau Code pénal (loi no 5237 de 2004). La commission note que cette disposition, sous son quatrième alinéa, ne sanctionne pas les actes relevant de l’expression d’opinions visant directement le «turquisme», la République ou des organes et institutions de l’Etat, dans la mesure où ces actes ont simplement pour objet de critiquer, alors que les alinéas précédents continuent d’incriminer ces actes s’ils consistent à «dénigrer publiquement» ces institutions. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique de cette disposition, notamment sur toutes poursuites et condamnations prononcées sur la base des différents alinéas de l’article 301 du Code pénal, de manière à s’assurer que l’expression d’opinions politiques ou la manifestation d’une opposition idéologique à l’ordre politique, social ou économique établi n’est pas sanctionnée par des peines comportant un travail obligatoire.
Dans son observation précédente, la commission a souligné que l’amendement apporté à l’article 312 du Code pénal par la loi no 4744 du 6 février 2002, qui rend l’incitation à la haine de la population passible d’une peine d’emprisonnement lorsqu’elle représente une menace pour l’ordre public, nécessiterait des éclaircissements. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que le nouveau Code pénal a remplacé l’ancien article 312 par les articles 215 à 218. La commission note qu’en vertu de l’article 215 une personne qui «fait l’éloge d’un crime ou d’un criminel» est passible d’une peine d’emprisonnement de un à deux ans et qu’en vertu de l’article 216 une personne qui «incite délibérément une partie de la population à la haine contre une autre partie à travers une discrimination fondée sur la race, la région ou la religion est passible d’une peine d’emprisonnement de un à trois ans», et qu’en vertu de l’article 217 une personne qui commet le crime d’«incitation à désobéir aux lois» est passible d’une peine d’emprisonnement de six mois à deux ans. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application dans la pratique des articles 215 à 217 du nouveau Code pénal, notamment sur toutes poursuites engagées et condamnations prononcées sur la base de ces dispositions, et de communiquer copie de toutes décisions des tribunaux qui seraient de nature à en définir la portée, afin de pouvoir déterminer si ces dispositions sont appliquées d’une manière qui est compatible avec la convention.
Dans sa précédente observation, la commission avait noté que, avec l’amendement introduit par la loi no 4744 du 6 février 2002 à l’article 8 de la loi no 3713 de 1991 «contre le terrorisme», la peine de prison prévue initialement sous cet article avait été remplacée par des peines d’amende, et elle avait demandé que le gouvernement fournisse des éclaircissements sur le sens des termes «à moins que de tels actes ne justifient une peine plus lourde» et communique copie de toute décision des tribunaux qui en définirait ou illustrerait la portée. La commission note qu’en juin 2006 la Grande assemblée nationale a adopté des amendements à cette loi. La commission demande au gouvernement de communiquer dans son prochain rapport les informations demandées précédemment à propos des sanctions prévues sous cet article 8. Elle prie également le gouvernement de communiquer copie des amendements de 2006 à la loi, y compris des dispositions relatives aux sanctions, de même que des informations actualisées sur l’application de la loi telle que modifiée dans la pratique, notamment toutes décisions pertinentes des tribunaux ou autres informations concernant les poursuites ou les condamnations prononcées sur la base de ces dispositions.
La commission s’était référée à certaines dispositions de la loi de 1965 concernant les partis politiques qui interdisent aux partis politiques d’affirmer l’existence en Turquie de toute minorité en se basant sur la nationalité, la culture, la religion ou la langue, ou de chercher à ébranler la sécurité nationale à travers la préservation, le développement ou la propagation de langues et de cultures autres que la langue et la culture turques. Elle avait noté que des peines d’emprisonnement (comportant l’obligation de travailler) pouvaient être imposées en vertu des articles 80-82, lus conjointement avec l’article 117 de la loi no 2820 de 1983 sur les partis politiques, et des articles 5 et 76 de la loi no 2908 de 1983 sur les associations. Elle avait noté, dans sa dernière observation, que le gouvernement indiquait dans son rapport de 2003 que des changements devaient être apportés à la loi sur les partis politiques, conformément au Plan d’action d’urgence publié le 3 janvier 2003, afin de garantir que l’ensemble de la population puisse participer aux activités des partis politiques et qu’il soit possible d’assurer une représentation juste et équitable dans les instances politiques.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport de 2005 que les sanctions punissant les activités tombant sous le coup des articles 80-82 ont été «reréglementées» avec le nouveau Code pénal no 5237 de 2004. Le gouvernement indique que la nouvelle loi no 5253 sur les associations ne comporte plus de dispositions correspondant aux articles 5 et 76 de l’ancienne loi. La commission demande au gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les dispositions spécifiques du nouveau Code pénal qui, selon lui, «reréglemente» les articles 80-82 de la loi sur les partis politiques. La commission diffère ses commentaires sur la nouvelle loi sur les associations jusqu’à ce qu’elle dispose d’une traduction de cette loi.
Article 1 b). Utilisation des conscrits à des fins de développement économique. La commission avait noté précédemment que, parmi d’autres dispositions, l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, telle que modifiée par la loi no 3358, et l’article 5 de la résolution no 87/11945 du Conseil des ministres du 12 juillet 1987, adoptée en application de l’article 10 de la loi no 1111, énoncent les procédures concernant les réservistes excédentaires, notamment les procédures concernant les personnes qui ne sont pas dispensées du service militaire et qui sont affectées à certaines fonctions dans les organes et institutions publics. Dans son rapport de 2003, le gouvernement confirmait ses propos antérieurs selon lesquels la loi no 3358, qui modifiait l’article 10 de la loi no 1111 sur le service militaire, a cessé de s’appliquer après 1991 même si aucune mesure n’a encore été prise en vue d’en abroger les dispositions. La commission avait demandé dans ses précédents commentaires que les mesures nécessaires soient prises en vue de l’abrogation de ces dispositions, de manière à rendre la législation conforme à la convention et à la pratique indiquée, en priant le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés sur ce plan.
La commission note que le gouvernement répond sur ce point dans ses rapports de 2005 sur l’application des conventions nos 105 et 29. Il indique ainsi qu’un nouveau projet de loi sur le service militaire, qui rendrait la loi no 1111 sur le service militaire conforme à «la situation actuelle», a été examiné par une commission d’experts de la Grande assemblée nationale turque, et que ce texte a été élaboré suivant des orientations qui reflètent une politique de protection des individus appelés à faire leur service militaire contre l’éventualité d’une affectation sans leur consentement à des fonctions dans certains organismes ou certaines entreprises publics. La commission prie le gouvernement de tenir le Bureau informé de l’évolution de ce projet de loi. Elle exprime à nouveau l’espoir que les mesures nécessaires seront finalement prises pour que les dispositions susmentionnées soient abrogées, de manière à mettre la législation en conformité avec la convention et la pratique indiquée, et que le gouvernement sera prochainement en mesure de faire état de progrès sur ce plan.
Article 1 c) et d). Sanctions disciplinaires applicables aux gens de mer. Dans ses précédents commentaires, la commission avait relevé qu’aux termes de l’article 1467 du Code du commerce (loi no 6762 du 29 juin 1956) les marins peuvent être ramenés de force à bord pour y accomplir leurs obligations, et qu’aux termes de l’article 1469 du même Code du commerce diverses infractions à la discipline du travail, lorsqu’elles sont commises par les gens de mer, sont passibles d’une peine d’emprisonnement (comportant, comme noté précédemment, l’obligation de travailler). La commission avait également noté que le gouvernement avait saisi le parlement d’un projet de loi tendant à modifier l’article 1467 du Code du commerce et comportant une disposition limitant les pouvoirs conférés par l’article 1467 au capitaine, aux seules circonstances dans lesquelles la sécurité du navire ou la vie des passagers et de l’équipage serait mise en danger. La commission avait exprimé l’espoir que l’article 1469 du Code du commerce serait lui aussi modifié de telle sorte que son champ d’application se limite aux actes mettant en danger la sécurité du navire ou la vie ou la santé des personnes.
Le gouvernement indique qu’un projet de loi sur le commerce, qui a pour but de rendre les articles 1467 et 1469 du Code du commerce conformes à la convention, est actuellement en cours d’élaboration dans les commissions spécialisées du parlement et que, dès que ce texte aura été adopté, il en communiquera copie. La commission exprime à nouveau l’espoir que le gouvernement sera prochainement en mesure de faire état de progrès dans ce domaine.
Article 1 d). Sanction pour participation à des grèves. La commission avait noté précédemment que la loi no 2822 de 1983 concernant les conventions collectives du travail, les grèves et les lock-out prévoit dans ses articles 70-73, 75, 77 et 79 des peines de prison (comportant une obligation de travailler) comme sanction pour participation à des grèves illégales, dans des circonstances qui ne se limitent pas quant à leur portée à celles décrites aux paragraphes 182-189 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé. Dans son rapport de 2003, le gouvernement indique qu’un «conseil scientifique» tripartite constitué dans le but de rendre la loi no 2822 conforme aux conventions pertinentes de l’OIT a achevé ses travaux et doit soumettre son rapport aux partenaires sociaux pour examen. La commission invite le gouvernement à se reporter aux commentaires qu’elle formule à cet égard au sujet de l’application de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948. Elle exprime le ferme espoir que les amendements à la loi no 2822 seront adoptés sans délai en tenant compte de l’ensemble de ses commentaires.