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Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Colombie (Ratification: 2005)

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Article 3 de la convention. Pires formes de travail des enfants. Alinéa a). Recrutement forcé d’enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés. La commission note que l’article 13 de la loi no 418 de 1997, tel que modifié par l’article 2 de la loi no 548 de 1999, interdit l’enrôlement de mineurs de moins de 18 ans dans les forces armées. Elle note toutefois qu’aucune sanction n’est prévue en cas de violation de cette interdiction. Elle note également que, en vertu de l’article 14 de la loi no 418 de 1997, des sanctions sont prévues pour quiconque recrute des mineurs de moins de 18 ans pour les intégrer à des groupes d’insurgés ou d’autodéfense, les incite à les intégrer, les admet dans ces groupes ou, à de telles fins, leur donne un entraînement militaire.

La commission note que, selon le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés du 21 décembre 2007 (A/62/609-S/2007/757, paragr. 113 à 120), le gouvernement colombien, par l’intermédiaire de l’Institut colombien du bien-être de la famille, s’est efforcé de prévenir le recrutement des enfants et de leur permettre, le cas échéant, de réintégrer leur communauté. Cependant, selon le rapport, les Forces armées révolutionnaires de Colombie-Ejército del Pueblo (FARC) recrutent et utilisent toujours des enfants. Des cas ont été signalés dans les départements de Cauca, d’Antioquia, de Sucre, de Bolivar, de Cundinamarca, de Guaviare, de Meta et de Nariño. A Corinto, dans le département de Cauca, des membres des FARC se sont régulièrement rendus dans des écoles pour y persuader des enfants de les rejoindre. De plus, l’Ejército de Liberación Nacional (ELN) continue de recruter des enfants bien qu’il soit actuellement en pourparlers avec le gouvernement et que le Conseil national pour la paix lui ait demandé de mettre un terme à cette pratique et de libérer immédiatement les enfants qui se trouvaient dans ses rangs.

Par ailleurs, la commission note que, selon le rapport du Secrétaire général des Nations Unies, les forces armées gouvernementales ont aussi utilisé des enfants pour collecter des renseignements, en dépit de la politique gouvernementale officielle qui y est strictement opposée. Le 6 mars 2007, le ministère colombien de la Défense a publié la directive no 30743, par laquelle il a interdit à tous les membres des forces armées de collecter des renseignements en ayant recours à des enfants, en particulier ceux qu’on a pu arracher à des groupes armés illégaux. Pourtant, le Service du défenseur du peuple a indiqué qu’à Cauca un enfant qui appartenait aux FARC a été utilisé après sa démobilisation par la XXIXe brigade comme informateur des forces armées à l’occasion d’une opération. L’armée nationale forcerait des enfants à porter du matériel. En outre, les forces armées opérant dans certaines régions donneraient de la nourriture à des enfants en leur demandant de nettoyer et d’entretenir leurs armes en échange. Le Service du défenseur du peuple a signalé que des enfants continuaient d’être détenus pour des périodes non autorisées dans des postes de police, des bataillons de l’armée ou des locaux de la police judiciaire.

De plus, selon le rapport, des enfants seraient victimes de violations et d’abus aux mains de nouveaux groupes armés organisés et illégaux. Ces groupes, comme les Aguilas Negras, les Manos Negras, l’Organización Nueva Generación ou les Rastrojos, sont largement impliqués dans des activités criminelles, en particulier en ce qui concerne le trafic de stupéfiants. En juin 2007, à Cartagena, dans le département de Bolivar, les Aguilas Negras auraient forcé des enfants à rejoindre leurs rangs. Les trois autres groupes susmentionnés auraient eux aussi recruté et utilisé des enfants venus de la Valle de Cauca, de Bolivar (Cartagena) et d’Antioquia (Medellín).

En outre, le Secrétaire général des Nations Unies indique dans son rapport que l’Institut national médico-légal a certifié que, pendant la période à l’examen, 37 enfants, à savoir 13 filles et 24 garçons, ont été tués, et 34 enfants, 4 filles et 30 garçons, auraient été blessés par les forces de sécurité gouvernementales. De plus, d’après le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, la police judiciaire a reçu neuf demandes d’ouverture d’enquête. Des exécutions extrajudiciaires perpétrées par certains éléments des forces de sécurité gouvernementales ont également été signalées. Des enfants sont aussi enlevés, tués ou blessés par des groupes armés illégaux. D’octobre 2006 à mai 2007, environ 43 enfants auraient été retenus en otage et d’autres assassinés. De plus, des viols et d’autres formes de violence et d’exploitation sexuelle continueraient d’être le fait des groupes armés et de certains membres des forces de l’Etat.

La commission note également que le Comité des droits de l’enfant, dans ses observations finales sur le troisième rapport périodique de la Colombie de juin 2006 (CRC/C/COL/CO/3, paragr. 80 et 81), a constaté avec une vive inquiétude que le conflit interne a de lourdes conséquences pour les enfants en Colombie en occasionnant de graves atteintes à leur intégrité physique et mentale et en les privant de la possibilité d’exercer leurs droits les plus fondamentaux. Le comité a entre autres constaté avec préoccupation que: a) des groupes armés illégaux recrutent en masse des enfants pour les faire combattre ou les exploiter comme esclaves sexuels; b) l’armée utilise des enfants à des fins de renseignement; et c) l’examen des aspects qui concernent les enfants manque généralement de transparence lors des négociations avec les groupes armés illégaux, ce qui fait que les responsables du recrutement d’enfants soldats continuent de jouir de l’impunité. Afin d’améliorer la situation des enfants touchés par le conflit armé sévissant dans le pays, le Comité des droits de l’enfant a notamment recommandé au gouvernement: a) de ne jamais utiliser les enfants à des fins de renseignement, une telle utilisation les exposant à un risque de représailles de la part des groupes illégaux; et b) de bien avoir à l’esprit, lors des pourparlers de paix avec les groupes armés illégaux, que les anciens enfants soldats sont des victimes et que ces groupes doivent répondre du crime de guerre que constitue le recrutement d’enfants.

La commission constate que, malgré les mesures prises par le gouvernement et l’interdiction du recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans un conflit armé par la législation nationale, les enfants sont toujours forcés à rejoindre les groupes armés illégaux ou les forces armées. Elle se dit très préoccupée par la persistance de cette pratique, d’autant plus qu’elle entraîne d’autres violations des droits des enfants, qui se manifestent par des enlèvements, des meurtres et des violences sexuelles. A cet égard, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures immédiates et efficaces pour arrêter, dans la pratique, le recrutement forcé ou obligatoire d’enfants dans les conflits armés et pour procéder à la démobilisation immédiate et complète de tous les enfants. Se référant au Conseil de sécurité qui, dans sa résolution no 1612 du 26 juillet 2005, rappelle «la responsabilité qu’ont tous les Etats de mettre fin à l’impunité et de poursuivre quiconque est responsable de génocide, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et autres crimes odieux commis sur la personne d’enfants», la commission prie instamment le gouvernement de s’assurer que des enquêtes et des poursuites des contrevenants soient entreprises et que des sanctions efficaces et dissuasives soient imposées aux personnes reconnues coupables d’avoir enrôlé ou utilisé des enfants de moins de 18 ans dans des conflits armés. Elle prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard.

Article 6. Programmes d’action. La commission prend note de l’élaboration de la Stratégie nationale pour prévenir et éliminer les pires formes de travail des enfants et protéger le jeune travailleur (2008-2015) à laquelle ont participé différentes entités gouvernementales et les organisations d’employeurs et de travailleurs. Elle note également que la stratégie nationale vise à diminuer de manière drastique le travail des enfants entre 2008 et 2015. Des programmes et projets d’action nationale de prévention et d’élimination des pires formes de travail des enfants seront élaborés et mis en œuvre. Ils viseront les garçons, les filles et les adolescents qui sont victimes notamment de recrutement forcé dans les groupes armés illégaux. L’objectif sera de soustraire ces enfants de cette pire forme de travail des enfants et leur offrir une éducation et proposer à leurs familles des services sociaux afin que les enfants ne retournent pas dans cette pire forme de travail des enfants. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur la mise en œuvre des programmes et projets d’action nationale sur la prévention et l’élimination du recrutement forcé des enfants dans les groupes armés illégaux pris dans le cadre de la Stratégie nationale pour prévenir et éliminer les pires formes de travail des enfants et protéger le jeune travailleur (2008-2015), et sur les résultats obtenus.

Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa b). Aide pour soustraire les enfants des pires formes de travail. Enfants soldats. La commission note que, selon le rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur les enfants et les conflits armés du 21 décembre 2007 (A/62/609-S/2007/757, paragr. 113 à 120), le gouvernement s’est engagé avec succès dans la démobilisation des combattants des Milices d’autodéfense unies de Colombie. Selon le rapport, plus de 3 326 enfants qui étaient associés à des groupes armés illégaux ont pu bénéficier, par l’intermédiaire de l’Institut colombien du bien-être de la famille, de l’initiative gouvernementale de prévention du recrutement des enfants par les groupes armés et de réintégration dans leur communauté.

La commission note en outre que, dans ses observations finales de juin 2006 (CRC/C/COL/CO/3, paragr. 80 et 81), le Comité des droits de l’enfant a noté avec satisfaction que du matériel éducatif a été distribué par l’armée dans les écoles situées dans les zones fortement touchées par le conflit et que certaines mesures ont été prises afin d’améliorer la réinsertion et la réadaptation des enfants soldats démobilisés. Le comité a toutefois considéré que certaines mesures d’importance en faveur des enfants soldats capturés et démobilisés font encore défaut et a notamment constaté avec préoccupation que: a) les enfants soldats capturés et démobilisés sont soumis à des interrogatoires et les forces armées ne respectent pas le délai de 36 heures fixé par la loi pour les remettre aux autorités civiles; b) l’armée utilise des enfants à des fins de renseignement; et c) la réadaptation, la réinsertion sociale et l’indemnisation des enfants soldats démobilisés laissent à désirer. Le Comité des droits de l’enfant a notamment recommandé au gouvernement d’accroître sensiblement les ressources affectées à la réadaptation, à la réinsertion sociale et à l’indemnisation des enfants soldats démobilisés ainsi que des enfants victimes de mines terrestres.

La commission note que le gouvernement a participé au programme interrégional de l’OIT/IPEC intitulé «Prévention et réintégration des enfants impliqués dans des conflits armés» qui s’est terminé en 2007. Selon les informations disponibles au Bureau, plus de 650 enfants ont été prévenus d’être impliqués dans le conflit et plus de 560 ont été soustraits de celui-ci. La commission encourage vivement le gouvernement à poursuivre ses efforts et à prendre des mesures pour soustraire les enfants des conflits armés et pour leur assurer une réadaptation et intégration sociale. A cet égard, elle le prie de fournir des informations sur le nombre d’enfants de moins de 18 ans qui auront bénéficié d’une réadaptation et auront été réinsérés dans leurs communautés grâce à ces mesures.

En outre, la commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

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