National Legislation on Labour and Social Rights
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La commission prend note du rapport de la mission de haut niveau de l’OIT qui s’est rendue dans le pays du 28 au 30 avril 2008, suite à la demande faite par la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2007.
La commission prend note du rapport du gouvernement qui contient, entre autres, une réponse aux observations que la Confédération syndicale internationale (CSI) avait formulées dans sa communication en date du 26 août 2008 (dans laquelle était transmise une communication de la TÜRK-IS du 12 août 2008). Elle prend également note de la réponse faite par le gouvernement à la communication de la CSI en date du 28 août 2007 (communications datées des 9 janvier, 28 mars et 17 juin 2008) et à la communication de la Confédération des syndicats de salariés du public (KESK) en date du 31 août 2007 (communication du gouvernement en date du 9 janvier 2008).
La commission prend également note des commentaires adressés par la CSI dans une communication en date du 29 août 2008, par la KESK dans une communication en date du 1er septembre 2008 et par la Confédération des syndicats progressistes de Turquie (DISK) dans une communication en date du 2 septembre 2008. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires détaillés à cet égard.
Libertés civiles. Dans ses précédents commentaires, la commission, prenant note de diverses communications d’organisations de travailleurs dénonçant la répression violente de manifestations pacifiques, avait soulevé la question des mesures prises pour que des instructions adéquates soient données afin que les interventions de la police soient limitées aux cas dans lesquels il y a véritablement menace à l’ordre public et pour éviter qu’une force excessive ne soit mise en œuvre pour contrôler les manifestations. La commission avait noté dans ce contexte que, suivant la circulaire no 2005/14 publiée le 2 juin 2005 (Journal officiel no 25883), les représentants des syndicats et confédérations syndicales d’employés des services publics du niveau de la province ou du district ainsi que les dirigeants des branches syndicales et des confédérations ne devaient pas être exposés à des procédures disciplinaires à raison des déclarations faites par eux à la presse dans le cadre de leur action syndicale et hors du cadre de leurs fonctions (en tant que fonctionnaires). De plus, leurs activités (assemblées et manifestations) organisées dans le respect des dispositions de la loi no 2911 sur les assemblées et manifestations devaient être facilitées. Enfin, diverses autres circulaires du Premier ministre enjoignaient à l’administration de se conformer aux dispositions pertinentes de la législation et à ne pas faire obstacle aux activités des syndicats (circulaires datées des 6 juin 2002, 12 juin 2003 et 2 juin 2005).
La commission note que la TÜRK-IS, dans une communication transmise par la CSI, dénonce la décision d’interdire aux travailleurs l’accès à la place Taksim, au cœur d’Istanbul, le 1er mai 2008, pour des raisons de sécurité, ainsi que la répression violente d’une manifestation pacifique organisée le 19 février 2008 par le syndicat des travailleurs TEKGIDA-IS, affilié à la TÜRK-IS. Elle note que la KESK se réfère elle aussi à un usage disproportionné de la force par la police le 1er mai 2008, contre les travailleurs qui s’étaient réunis devant les bureaux de la DISK pour participer à la manifestation susvisée, organisée à l’initiative de trois grandes confédérations, la TÜRK-IS, la DISK et la KESK. De plus, la CSI et la KESK dénoncent diverses entraves à des activités syndicales, notamment à des manifestations et à des publications, au moyen de peines de prison, d’enquêtes judiciaires et de poursuites dirigées contre des syndicalistes et des dirigeants syndicaux. S’agissant du secteur public, la CSI se réfère, dans ses commentaires de 2007, à une intervention du gouvernement en tant qu’employeur dans les activités de syndicats de salariés de ce secteur. La CSI fait valoir en particulier que, au cours de l’année 2006, 15 salariés du public ont été mutés, 402 ont été soumis à des «enquêtes disciplinaires», quatre ont été condamnés à des peines de prison, 131 ont été poursuivis devant les tribunaux et neuf ont été condamnés à des peines d’amende. Le CSI signale encore que, dans 14 lieux de travail différents, les syndicats ont été empêchés d’utiliser leurs locaux et que, dans trois cas, des locaux syndicaux ont été évacués par la force pendant l’exercice d’activités syndicales légitimes. La CSI ajoute que les syndicats doivent obtenir une permission officielle pour organiser des réunions ou des rassemblements et doivent accepter que la police participe à leurs réunions et enregistre le déroulement de celles-ci.
La commission note que le gouvernement déclare dans son rapport que les syndicats ne sont pas au-dessus des lois et doivent respecter les dispositions de la législation nationale et, en particulier, celles de la loi no 2911 sur les réunions et manifestations, au même titre que toute personne physique ou autre personne morale. Des activités illicites de syndicats qui bafouent totalement les dispositions de la législation applicable ne sauraient prétendre à une protection contre une intervention de la police. De plus, les voies de la justice sont ouvertes aux syndicats et à leurs membres s’ils veulent contester les actions de la police, ou encore la constitutionnalité ou la conformité des dispositions de la législation nationale par rapport aux instruments internationaux touchant aux droits de l’homme auxquels la Turquie est partie, instruments qui, d’ailleurs, priment sur la législation nationale (art. 90 de la Constitution). Le gouvernement produit également des chiffres, selon lesquels les syndicats ont mené 1 247 actions revendicatives au cours des cinq premiers mois de 2008 et, sur ce total, deux seulement n’ont pas respecté la légalité. En réponse aux commentaires de la CSI de 2007, le gouvernement indique que, sur les 1 149 actions revendicatives organisées par la KESK en 2006, cinq se sont terminées par le placement en garde à vue de 66 personnes et, sur les 722 actions menées dans le courant de 2007 et jusqu’à octobre de cette année, un rassemblement s’est soldé par le placement en garde à vue de 12 personnes. Il ajoute que, dans tous les cas de répression violente de manifestations et de grèves par la police que la CSI dénonce (y compris dans celui d’une manifestation organisée par la KESK le 30 mai 2006 et déjà mentionnée dans les commentaires antérieurs de la commission), il ne s’agissait pas de manifestations pacifiques, et les syndicalistes et leurs dirigeants avaient opposé une résistance à la police et s’en étaient même pris à elle, faisant des blessés parmi elle, et celle-ci a dû faire usage de la force, ce qu’elle a fait, de manière graduelle, exerçant l’autorité qui lui est conférée par la loi. Le gouvernement déclare enfin que les syndicats n’ont pas à obtenir une autorisation préalable pour organiser des réunions ou des rassemblements mais que, conformément à l’article 10 de la loi no 2911, ils doivent soumettre une notification signée de tous les membres du comité d’organisation au gouverneur de la province ou du district quarante-huit heures avant la réunion. La commission prie le gouvernement de répondre aux observations de la CSI selon lesquelles les syndicats doivent accepter que la police assiste à leurs réunions.
La commission rappelle que les droits syndicaux recouvrent celui d’organiser des manifestations publiques et, notamment, de célébrer le 1er mai, sous réserve que les syndicats respectent les mesures prises par les autorités publiques pour assurer l’ordre public. Simultanément, les autorités doivent s’efforcer de s’entendre avec les organisateurs d’une manifestation afin que celles-ci puissent se dérouler sans perturbation et ne doivent autoriser le recours à la force que dans des situations où la loi et l’ordre sont gravement menacés, l’intervention des forces de l’ordre dans ce contexte devant être proportionnelle à la menace que celles-ci s’efforcent de contenir.
La commission prie le gouvernement de faire état dans son prochain rapport de toute procédure et de toute décision ayant un lien avec l’exercice d’activités syndicales, ainsi que de toute autre mesure prise ou envisagée en vue d’assurer que l’intervention de la police dans le cadre de manifestations se limite aux situations dans lesquelles il y a menace réelle pour l’ordre public et que l’emploi de la force dans ce cadre se limite à ce qui est strictement nécessaire pour contrôler la situation.
Législation en projet. Depuis un certain nombre d’années, la commission se réfère à certains projets de lois tendant à modifier la loi no 2821 sur les syndicats et la loi no 2822 sur les conventions collectives, les grèves et les lock-out. Dans sa précédente observation, tout en prenant note des améliorations apportées aux projets de lois tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822, la commission avait prié le gouvernement de donner dans son prochain rapport un échéancier précis de l’adoption et de l’entrée en vigueur des textes modificateurs portant sur les questions suivantes: i) les critères sur la base desquels un lieu de travail donné peut être classé dans une branche d’activité donnée (les syndicats doivent se constituer uniquement par branche d’activité); ii) diverses dispositions de détail concernant le fonctionnement interne des syndicats et leurs activités; iii) de graves restrictions au droit de grève (restrictions concernant les piquets, interdiction de la grève et arbitrage obligatoire dans des services qui ne sont pas essentiels au sens strict du terme; la longueur excessive du délai d’attente obligatoire avant un appel à la grève; lourdeur des sanctions prévues (peines d’emprisonnement) en cas de participation à des «grèves illégales», la définition de ces dernières allant d’ailleurs bien au-delà de ce que la convention admet; l’interdiction des grèves politiques, des grèves générales et des grèves de solidarité).
La commission note que, d’après le rapport du gouvernement, suite à la mission de haut niveau faite par l’OIT en 2008 et aux diverses réunions qui se sont tenues sous l’égide du Conseil tripartite de consultation et de son groupe de travail, deux projets de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 ont été fusionnés en un seul, qui a été soumis au parlement (la Grande Assemblée nationale turque) le 20 mai 2008 par un groupe de parlementaires appartenant au parti au pouvoir. La Commission parlementaire pour la santé, la famille, le travail et les affaires sociales a procédé à la révision et à la modification de ce projet de texte les 22 et 23 mai 2008, avec la participation active des partenaires sociaux, et en a soumis le texte résultant à la Grande Assemblée nationale turque le 27 mai 2008. Le texte de cet instrument sera dûment communiqué au BIT lorsqu’il aura été adopté.
Le gouvernement ajoute que les dispositions législatives à propos desquelles on a fait valoir à diverses reprises que des modifications préalables de la Constitution seraient nécessaires – à savoir l’article 25 de la loi no 2822 interdisant les grèves à des fins politiques, les grèves générales et les grèves de solidarité ainsi que les occupations de locaux, les grèves perlées et autres formes d’obstruction visées à l’article 54 de la Constitution – n’ont pas été incluses pour modification dans le projet de loi.
La commission relève avec intérêt du rapport de la mission de haut niveau de l’OIT qu’il existe un consensus entre les partenaires sociaux et le gouvernement sur certains amendements à apporter aux lois nos 2821 et 2822 en vue de répondre aux commentaires des organes de contrôle de l’OIT. Elle note avec intérêt que le parlement a été saisi d’un projet de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 le 27 mai 2008. Elle rappelle également que la Commission de la Conférence a souligné en 2007 l’urgence s’attachant à ce que des mesures soient prises afin de rendre la législation et la pratique conformes à la convention. La commission prie le gouvernement d’indiquer les progrès concernant l’adoption du projet de loi tendant à modifier les lois nos 2821 et 2822 et de communiquer le texte pertinent afin qu’elle puisse examiner s’il est conforme à la convention. Elle exprime le ferme espoir que ce projet de loi tiendra pleinement compte des éléments de consensus relevés par la mission de haut niveau, ainsi que des commentaires formulés antérieurement par elle-même tendant à ce que la législation et la pratique soient rendues conformes à la convention.
S’agissant de l’interdiction des grèves politiques, des grèves générales et des grèves de solidarité qui, selon ce qu’indique le gouvernement, n’ont pas été incluses dans la réforme parce qu’elles nécessitent une révision de la Constitution, la commission rappelle une fois de plus que les syndicats doivent être en mesure d’organiser leur action pour la défense des intérêts économiques et sociaux de leurs membres, ainsi que des grèves de solidarité dans la mesure où celles-ci tendent à soutenir une grève initiale qui est elle-même légale, et elle prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées pour permettre aux syndicats d’entreprendre de telles actions.
Depuis un certain nombre d’années, la commission aborde la question des projets de loi tendant à modifier la loi no 4688 sur les syndicats de salariés du public (telle que modifiée par la loi no 5198). Elle note à ce propos que, d’après le gouvernement, des consultations ont été menées avec les partenaires sociaux. Cependant, aucune information n’est donnée quant au calendrier probable d’adoption de ce texte. La commission demande une fois de plus au gouvernement de communiquer copie du texte actuel du projet de loi tendant à modifier la loi no 4688.
En outre, la commission rappelle qu’elle formule depuis un certain nombre d’années des commentaires concernant les points suivants.
L’exclusion d’un certain nombre de salariés du secteur public du droit de se syndiquer (art. 3(a) de la loi no 4688). Cette exclusion frappe en effet ceux qui sont encore en période probatoire, les gardiens de prison, le personnel civil des installations militaires, les fonctionnaires de rang supérieur, les magistrats, etc. (art. 15 de la loi no 4688), situations qui concernent, d’après les deux dernières communications de la KESK, 500 000 personnes. En outre, en vertu de l’article 6 de la loi no 4688, un fonctionnaire doit justifier de deux années d’ancienneté pour pouvoir être membre fondateur d’un syndicat. La commission note que, selon les indications données par le gouvernement, il est prévu d’abroger l’interdiction faite au personnel civil du ministère de la Défense, aux membres de la police et aux gardiens de prison de se syndiquer. La commission prie une fois de plus le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées pour parvenir à ce que, dans le cadre des réformes législatives en cours, tous les travailleurs, sans distinction d’aucune sorte, à la seule exception, éventuellement, des cas visés à l’article 9 de la convention, jouissent du droit de constituer les organisations de leur choix et du droit de s’affilier à de telles organisations.
Critères suivant lesquels le ministère du Travail détermine les branches d’activité dans le secteur public et répercussions d’une telle détermination sur le droit des travailleurs de constituer les organisations de leur choix et de s’affilier à de telles organisations. La commission note que le gouvernement déclare que les branches d’activité déterminées à l’article 5 de la loi no 4688 ne sont qu’au nombre de 11, si bien que cette détermination n’est pas «étroite» et «de nature à conduire à une fragmentation excessive des syndicats du secteur public», comme la commission l’a affirmé. Cette critique, qui tirait ses arguments de la plainte de l’organisation Yapi Yol Sen (voir conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2537 (347e rapport, paragr. 1-26)), a pour origine la fermeture d’une unité administrative (la direction générale des affaires villageoises) qui appartenait à la branche «Travaux publics, construction et services aux villages» et au transfert consécutif de son personnel aux administrations locales, donc à la branche des «Administrations décentralisées». Les fonctionnaires exercent leur droit de s’organiser suivant des modalités qui dépendent de la branche à laquelle leur établissement appartient et ils ont le droit de constituer les organisations de leur choix et de s’affilier à de telles organisations dans cette branche spécifique. La fermeture d’une unité administrative dans le contexte d’une restructuration de l’administration, et la décision de transférer son personnel à d’autres unités plutôt que de le licencier, eu égard à son statut de droit public, ne doit pas et ne peut pas être considérée comme une intervention unilatérale du gouvernement dans des activités syndicales. De nombreux syndicats ont été constitués dans les diverses branches; par exemple, il existe 16 syndicats dans la branche de l’éducation, et le nombre le plus faible de syndicats dans une branche est de cinq.
La commission prend dûment note des arguments du gouvernement concernant le nombre de branches d’activité et les raisons ayant dicté ce changement particulier de branche, suite à une restructuration de l’administration. Elle regrette cependant les conséquences de ce transfert par rapport à la liberté de l’exercice du droit de se syndiquer pour les fonctionnaires concernés, qui ont automatiquement perdu leur affiliation à Yapi Yol Sen, ce qui a entraîné des difficultés financières pour ce syndicat et la perte automatique de leur mandat pour ses dirigeants. Elle note que les difficultés dans cette affaire découlent de ce qu’une branche en particulier se rapporte à une autorité administrative, à savoir les «Administrations décentralisées», alors que les autres branches sont thématiques, comme par exemple la branche «Travaux publics, construction et services aux villages», la branche «Education», etc. Pour cette raison, l’affiliation syndicale des intéressés a été automatiquement perdue, alors qu’ils continuaient d’accomplir les mêmes tâches, sous l’autorité d’une entité administrative différente. La commission demande donc à nouveau au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises ou envisagées pour:
i) modifier l’article 5 de la loi no 4688 ainsi que le règlement relatif à la détermination des branches d’activité des organisations et institutions, qui fixent les branches d’activité suivant lesquelles les syndicats d’employés des services publics peuvent être constitués, de manière à garantir que ces branches ne soient pas restreintes à un ministère, un département ou un service spécifique, y compris à une administration décentralisée;
ii) modifier le règlement du 2 août 2005 (qui modifie lui-même le règlement relatif à la détermination des branches d’activité des organisations et institutions) de manière à maintenir les personnes qui sont affiliées à Yapi Yol Sen dans la branche d’activité intitulée «Travaux publics, construction et services aux villages», conformément à la nature de leurs attributions et à leur souhait de rester affiliées à Yapi Yol Sen. D’une manière générale, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les membres d’un syndicat susceptible d’être affecté par la modification de la liste des branches d’activité aient le droit d’être représentés par le syndicat de leur choix, conformément à l’article 2 de la convention;
iii) modifier l’article 16 de la loi no 4688 d’une manière qui garantisse qu’une charge de délégué syndical ne puisse cesser d’exister par le simple fait du transfert de son titulaire dans une autre branche d’activité, le licenciement de son titulaire ou simplement le fait que ce titulaire quitte son emploi.
Dispositions détaillées de la loi no 4688 concernant le fonctionnement interne des syndicats et leurs activités. La commission prend note des commentaires formulés par la KESK et la CSI dans leurs communications de 2007 et 2008 relatives à des interventions commises par les autorités dans les affaires internes de la KESK et cinq de ses organisations affiliées (Egitim Sen, Kültür-Samat Sen, ESM, Haber-Sen et SES) tendant à ce que ces syndicats modifient leurs buts tels que proclamés dans leurs statuts, par rapport à des termes tels que «négociation collective», «convention collective», «sécurité de l’emploi», «conflit collectif» considérés par le gouvernement comme contraires à la loi no 4688. En 2006, Egitim Sen avait fini par modifier ses statuts en supprimant la référence au «droit de bénéficier d’une éducation dans sa langue maternelle» pour éviter d’être dissous.
La commission note que, du point de vue du gouvernement, les règlements intérieurs des syndicats et des confédérations sont une source d’obligations légales, si bien que l’on attend de tous leurs membres qu’ils les respectent. C’est ainsi que ces règlements sont examinés sur la base des dispositions de la Constitution, du Code civil, de la loi sur les associations, de la loi no 2821 et de la loi no 4688. Ce contrôle est opéré après chaque assemblée générale et cela permet de relever d’éventuelles contradictions, y compris dans le cas où celles-ci n’ont pas été relevées antérieurement. En cas de divergence par rapport aux dispositions légales, il est demandé aux organisations de travailleurs de se conformer à ces dernières. Par voie de conséquence, il serait inapproprié d’interpréter ce type de contrôle comme une pression s’exerçant sur les syndicats. Des termes tels que «négociation collective», «grève», etc., n’appellent pas de critique en soi tant que ces notions n’ont pas encore pris corps dans la pratique. En ce qui concerne, en particulier, Egitim Sen, s’il a été demandé à cette organisation de supprimer de ses statuts la revendication d’un droit à l’éducation dans sa langue maternelle, c’est parce qu’une action en violation des articles 3 et 42 de la Constitution a été menée par le Procureur de la République et qu’une action en dissolution de cette organisation avait été engagée devant le tribunal du travail d’Ankara. Dans son jugement du 27 octobre 2005, ce tribunal a estimé que cette disposition des statuts d’Egitim Sen était contraire à la Constitution en ce que celle-ci proclame que la République turque est un Etat unitaire et indivisible, avec le turc comme langue officielle, et qu’aucune langue autre que le turc ne sera enseignée comme langue maternelle à des citoyens turcs dans quelque établissement d’enseignement ou de formation professionnelle que ce soit. Egitim Sen a modifié ses statuts et l’affaire a été réglée. Les syndicats ne peuvent mener leurs activités que dans un esprit de loyauté à l’égard de la Constitution.
La commission rappelle une fois de plus que les syndicats devraient avoir le droit de faire figurer dans leurs statuts les objectifs pacifiques qu’ils considèrent nécessaires pour la défense des droits et des intérêts de leurs membres et que des dispositions législatives qui vont au-delà des prescriptions formelles peuvent entraver la création et l’épanouissement des organisations et constituer à ce titre une intervention contraire à l’article 3 de la convention (voir étude d’ensemble de 1994 sur la liberté syndicale et la négociation collective, paragr. 110 et 111). La législation peut faire obligation aux syndicats d’adopter des dispositions sur diverses questions, mais elle ne doit pas leur en dicter le contenu. Des indications de détail peuvent toujours être annexées, à titre indicatif, aux lois pertinentes, mais les syndicats doivent rester libres de les suivre. S’agissant de l’inclusion des termes «négociation collective» et «grève» dans les statuts des syndicats du secteur public, termes qui, du point de vue du gouvernement, peuvent y figurer dès lors que les activités elles-mêmes n’ont pas cours dans la pratique, la commission rappelle que l’interdiction de la grève ne se conçoit qu’à l’égard des fonctionnaires qui exercent une autorité au nom de l’Etat et dans les services essentiels au sens strict du terme, et que les syndicats qui représentent les autres fonctionnaires commis à l’administration de l’Etat devraient pouvoir négocier collectivement ou au nom de leurs membres, dans le cadre des activités fondamentales qui sont de leur prérogative. La commission rappelle que si, en vertu de l’article 8 de la convention, les syndicats sont tenus de respecter la légalité, la législation qui incarne cette dernière ne doit pas porter atteinte aux garanties prévues par la convention. S’agissant des statuts d’Egitim Sen, la commission rappelle que, dans les conclusions et recommandations du cas no 2366 (342e rapport, paragr. 906-917), le Comité de la liberté syndicale a fait observer que, d’une part, des limites peuvent être posées au droit des syndicats d’élaborer leurs règlements et leurs statuts librement dès lors que les termes dans lesquels ceux-ci les formulent peuvent résulter en une atteinte imminente à la sécurité nationale ou à l’ordre démocratique et, d’autre part, il s’est déclaré gravement préoccupé par le fait que la mention, dans les statuts d’un syndicat, du droit à l’éducation dans sa langue maternelle, ait pu et puisse avoir donné matière à la menace de la dissolution de ce syndicat.
La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées, y compris à travers la modification des dispositions de détail de la loi no 4688, pour que les syndicats du secteur public puissent élaborer leurs statuts sans intervention indue des autorités publiques.
La dissolution (art. 10 de la loi no 4688) des instances exécutives d’un syndicat en cas de non-respect de règles fixées par la législation qui devraient normalement être laissées à la libre détermination des organisations. La commission prie une fois de plus le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées en vue de modifier l’article 10 de la loi no 4688 de telle sorte que les organisations de travailleurs puissent décider librement si les dirigeants syndicaux peuvent conserver leurs fonctions lorsqu’ils sont candidats à des élections locales ou générales et une fois qu’ils sont élus.
Droit de grève dans la fonction publique. La commission rappelle que l’article 35 de la loi no 4688 ne précise pas les circonstances dans lesquelles le droit de grève peut s’exercer dans la fonction publique et que, par le passé, le gouvernement a indiqué qu’un amendement constitutionnel est nécessaire pour procéder à une révision des restrictions concernant le droit de grève des fonctionnaires; qu’il prévoit cependant d’engager une réforme du personnel dans le secteur public, dans le cadre de laquelle les «fonctionnaires» au sens étroit du terme, c’est-à-dire ceux qui exercent une autorité au nom de l’Etat, seront tout d’abord définis puis soigneusement distingués des autres salariés du secteur public. La commission souligne à nouveau que les restrictions du droit de grève dans la fonction publique ne devraient concerner que les fonctionnaires qui exercent des fonctions d’autorité au nom de l’Etat et ceux qui assurent le fonctionnement de services essentiels au sens strict du terme et que, en ce qui concerne ces fonctionnaires, des garanties compensatoires consistant par exemple en procédures de conciliation et de médiation ou, en cas d’impasse, en un arbitrage présentant des garanties suffisantes d’impartialité et de rapidité, doivent leur être assurées (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 158, 159 et 164). La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises, y compris à travers l’éventuelle réforme du personnel du secteur public, afin de rendre l’article 35 de la loi no 4688 conforme à ce qui précède.
Loi sur les associations. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que, conformément à l’article 35 de la loi no 5253 du 4 novembre 2004 sur les associations, certaines dispositions de cette loi s’appliquent aux syndicats, aux organisations d’employeurs et aux fédérations et confédérations, dès lors qu’aucune disposition particulière d’une loi spécifique ne concerne ces organisations. L’article 19 (applicable aux organisations de travailleurs et d’employeurs) habilite le ministre des Affaires intérieures ou l’autorité responsable de l’administration civile à examiner les livres et autres documents d’une organisation, mener des investigations et se faire remettre en tout temps des renseignements, moyennant un préavis de vingt-quatre heures.
La commission note que, d’après le gouvernement, l’article 19 de la loi sur les associations ne s’applique que s’il n’y a pas de dispositions à cet effet dans la loi pertinente, c’est-à-dire la loi no 2821 sur les syndicats, dont les articles 47 à 51 concernent le contrôle des comptes de ces organisations. Sans méconnaître que l’article 19 de la loi sur les associations ne s’applique que de manière subsidiaire, la commission rappelle néanmoins qu’il n’y a pas atteinte au droit des organisations d’organiser leur gestion si, par exemple, le contrôle se borne à une obligation de soumettre des rapports financiers périodiques ou s’il est effectué parce qu’il y a de solides raisons de croire que les actions d’une organisation sont contraires à ses statuts ou à la loi (qui, de son côté, ne doit pas être en contradiction avec les principes de la convention), ou s’il y a lieu d’enquêter sur une plainte émanant d’un certain pourcentage des membres de l’organisation, qu’il s’agisse d’une organisation de travailleurs ou d’une organisation d’employeurs. Dans tous les cas, l’autorité judiciaire compétente devrait avoir un droit de réexamen, offrant toutes les garanties d’impartialité et d’objectivité, tant sur les questions de fond que sur la procédure (voir étude d’ensemble, op. cit., paragr. 125).
La commission rappelle en outre que l’article 26 de la loi susmentionnée (qui s’applique aux organisations de travailleurs comme aux organisations d’employeurs) impose l’obtention d’une autorisation de l’administration civile pour pouvoir ouvrir des centres d’hébergement en lien avec des activités d’éducation et d’enseignement. La commission observe qu’en vertu de l’article 3 de la convention les organisations de travailleurs comme les organisations d’employeurs ont le droit d’organiser leur activité – d’enseignement, par exemple – sans intervention de la part des autorités publiques qui serait de nature à limiter ce droit ou à en entraver l’exercice légal. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises ou envisagées en vue de modifier les articles 19, 26 et 35 de la loi no 5253 de 2004 de manière à exclure les organisations d’employeurs et de travailleurs du champ d’application de ces dispositions ou garantir que: i) le contrôle des comptes des syndicats, au-delà de l’obligation de présentation périodique d’états des comptes, n’ait lieu que dans des cas où il y a de sérieuses raisons de croire que l’action de l’organisation en question est contraire à ses statuts ou à la loi (laquelle doit être conforme à la convention) ou pour enquêter sur une plainte émanant d’un certain pourcentage de ses membres; ii) que l’activité des organisations d’employeurs ou de travailleurs, telle que l’ouverture de centres de formation professionnelle, ne soit pas soumise à l’obtention d’une autorisation préalable des autorités.
La commission invite le gouvernement à faire appel à l’assistance technique du BIT s’il le souhaite.
La commission soulève un certain nombre d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.