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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Brésil (Ratification: 1957)

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Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. «Travail esclave». Dans les commentaires qu’elle formule depuis plusieurs années sur la question du «travail esclave» au Brésil, la commission a noté que le gouvernement a pris de nombreuses mesures visant à renforcer son cadre législatif et institutionnel de lutte contre cette pratique, aux termes de laquelle de nombreux travailleurs continuent à être victimes de conditions de travail inhumaines et dégradantes, de servitude pour dettes ou de traite interne à des fins d’exploitation de leur travail. La commission a souligné en particulier la modification de l’article 149 du Code pénal qui définit les éléments constitutifs du crime de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave»; les activités développées par des institutions spécialisées dans la lutte contre le travail esclave comme la Commission nationale pour l’éradication du travail esclave et le Groupe spécial d’inspection mobile; ou encore l’action de la justice du travail qui a condamné les personnes se livrant à cette exploitation à des amendes et des indemnisations substantielles. Constatant que toutes ces actions ne se sont pas révélées suffisamment dissuasives pour empêcher certains employeurs de recourir à cette pratique qui demeure lucrative, la commission a prié le gouvernement de poursuivre dans la voie d’une lutte sans merci contre le travail forcé en prenant des mesures dans les domaines législatif, de l’inspection du travail et judiciaire. La commission note que, suite à sa visite dans le pays, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences, a adressé au gouvernement des recommandations qui vont dans le sens de celles formulées par la commission dans ses observations (A/HRC/15/20/Add.4).
a) Renforcement du cadre juridique. Dans ses précédents commentaires, la commission a exprimé l’espoir que le gouvernement prendrait toutes les mesures en son pouvoir pour faire progresser certains projets de loi dont l’objectif est de renforcer la sécurité juridique qui entoure un certain nombre de mesures destinées à porter atteinte aux intérêts économiques et financiers de ceux qui exploitent la main-d’œuvre esclave. La commission a noté en particulier le projet d’amendement à l’article 243 de la Constitution (PEC no 438/2001) destiné à autoriser l’expropriation, sans indemnisation, des exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave aurait été constatée (les terres expropriées étant destinées à la réforme agraire). Elle s’est également référée au projet (PLS no 487/03) visant à donner une base légale à l’interdiction, pour les personnes reconnues comme ayant utilisé de la main-d’œuvre esclave, d’obtenir des avantages fiscaux et des crédits ou de participer à des marchés publics, ainsi qu’aux projets (PLS no 9/04 et PL no 5.016/5) visant à aggraver les peines applicables au crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave. La commission constate qu’aucune de ces initiatives n’a abouti, le gouvernement se référant uniquement dans son rapport à la constitution d’un Front parlementaire mixte en mars 2010 pour accélérer l’adoption de l’amendement constitutionnel. La commission exprime donc à nouveau le ferme espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures pour faire avancer les projets de loi auxquels elle s’est référée ci-dessus et, en particulier, ceux visant à garantir une plus grande sécurité juridique et à augmenter les peines applicables au crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave.
La commission rappelle que, depuis 2003, le ministère du Travail et de l’Emploi tient à jour la liste des personnes physiques ou morales reconnues responsables, par décision administrative définitive, d’avoir utilisé de la main d’œuvre dans des conditions analogues à l’esclavage (connue sous le nom de «liste sale»). Cette liste est communiquée à différents organes de l’administration publique et aux banques administrant les fonds constitutionnels et régionaux de financement, afin que les personnes qui y figurent ne bénéficient d’aucune aide, subvention ou crédit publics (décret no 540 du ministère du Travail et de l’Emploi du 15 octobre 2004). La commission a constaté avec préoccupation que la légalité et la constitutionnalité de cette liste sont contestées, et que des tribunaux ont accepté les recours de certains employeurs demandant leur sortie de la liste, à titre de mesure conservatoire. Tout en notant que le gouvernement indique à nouveau dans son rapport que la jurisprudence dominante des tribunaux régionaux du travail reconnaît la légalité de la liste, la commission relève que le gouvernement ne fait plus référence au projet de loi destiné à renforcer le statut légal de cette liste. La commission note par ailleurs que le nombre total de personnes physiques ou morales comprises dans la liste en juillet 2011 est de 251, ce qui constitue une augmentation par rapport à juillet 2009 (175 noms) et juillet 2007 (192 noms).
La commission note en outre que le gouvernement n’a pas fourni d’information sur les mesures d’expropriation qui auraient été prises par le Président de la République concernant les exploitations qui ne rempliraient pas leur fonction sociale et pourraient par conséquent être choisies pour la réforme agraire (leur présence sur la liste étant un élément pris en compte à cet effet). La commission note également que le Tribunal suprême fédéral n’a toujours pas statué sur le recours déposé contre le décret d’expropriation signé en 2004 par le Président de la République concernant une exploitation ayant été déclarée d’intérêt social pour la réforme agraire.
La commission rappelle que l’établissement de la «liste sale» et les mesures qui en découlent constituent des outils efficaces de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où ils visent à porter atteinte aux intérêts économiques des personnes qui imposent du travail forcé. La commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour garantir que la liste bénéficie d’un statut légal approprié, de telle sorte que la question de sa légalité ne puisse être utilisée par les contrevenants. Prière également de préciser le nombre de personnes ayant contesté devant les juridictions leur présence sur la liste ainsi que la décision de justice rendue. La commission souligne une nouvelle fois l’importance de l’adoption de la proposition d’amendement de la Constitution (PEC no 438/2001) destinée à autoriser l’expropriation, sans indemnisation, des exploitations dans lesquelles l’utilisation de main-d’œuvre esclave aura été constatée.
b) Renforcement de l’inspection du travail. La commission rappelle le rôle central de l’inspection du travail et, en particulier, du Groupe spécial d’inspection mobile (GEFM), dans la lutte contre le travail esclave et la nécessité de le doter des ressources humaines et matérielles adéquates pour se déplacer de manière rapide, efficace et sûre sur l’ensemble du territoire national. Le gouvernement indique dans son dernier rapport qu’en 2009 le GEFM était composé de huit équipes spécialisées dans le travail esclave sur l’ensemble du territoire, contre cinq en juillet 2010. Il se réfère également à l’organisation en 2010 d’un nouveau concours destiné à pourvoir les 234 vacances de poste au sein des services de l’inspection du travail sur l’ensemble du territoire et au fait que 82 inspecteurs du travail recrutés en 2006-07 ont été affectés dans le Mato Grosso, une des régions les plus touchées par le travail esclave. La commission prend note de ces informations ainsi que du nombre de visites d’inspection menées par le GEFM qui est resté stable (143 opérations menées en 2010 contre 156 opérations en 2009). Tout en observant que le gouvernement organise régulièrement des concours pour renforcer les effectifs de l’inspection du travail, la commission relève avec préoccupation que le nombre d’équipes du GEFM a été fortement réduit. La commission rappelle que les inspections menées par le GEFM sont un maillon essentiel de la lutte contre le travail esclave, dans la mesure où elles permettent non seulement de libérer les travailleurs des situations de travail forcé dans lesquelles ils se trouvent, mais également de disposer des preuves qui serviront à initier les poursuites civiles et pénales contre les auteurs de ces pratiques. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour mettre à la disposition du GEFM des ressources humaines et matérielles adéquates pour mener à bien ses missions sur l’ensemble du territoire national, ceci compte tenu, d’une part, de la surface géographique considérable à couvrir et, d’autre part, de l’absence d’information démontrant une baisse du recours au travail esclave.
c) Application de sanctions efficaces. La commission rappelle que l’application effective de sanctions en cas de violation de la législation du travail est un élément essentiel de la lutte contre le travail forcé, dans la mesure où le travail forcé se caractérise par la réunion de plusieurs infractions à la législation du travail, qui doivent être sanctionnées en tant que telles. En outre, prises dans leur ensemble, ces violations du droit du travail concourent à la réalisation du crime prévu dans le Code pénal de «réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave», qui lui-même appelle des sanctions spécifiques.
Sanctions administratives. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté le rôle complémentaire joué par l’inspection du travail, le ministère public du Travail et les juridictions du travail qui a permis d’obtenir l’imposition de sanctions administratives substantielles à l’encontre de ceux qui recourent au travail forcé. Elle a noté en particulier les amendes imposées, la réinstallation des travailleurs libérés dans leurs droits et les condamnations au versement de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi par le travailleur et pour le préjudice moral collectif subi par la société dans son ensemble. La commission prie le gouvernement de continuer à prendre les mesures pour renforcer les moyens d’action des autorités chargées de prononcer ces sanctions et de veiller à ce que les amendes et les indemnisations imposées soient effectivement collectées. Prière également de fournir des informations sur toute autre mesure contribuant à exercer une pression économique sur les personnes qui imposent du travail forcé, comme par exemple le versement d’amendes et d’indemnisations d’un montant dissuasif, l’impossibilité d’accéder aux subventions et aux financements publics, et en particulier l’expropriation des terres.
Sanctions pénales. Dans ses derniers commentaires, la commission a noté que, en confirmant que la compétence pour juger le crime de réduction d’une personne à une condition analogue à celle d’esclave (art. 149 du Code pénal) appartient à la justice fédérale, le Tribunal suprême fédéral a mis fin au conflit de compétence juridictionnelle qui a empêché ou retardé le jugement des auteurs de ce crime. La commission a espéré que cette décision ainsi que la pratique suivie par le ministère public de la République consistant à porter ces affaires devant la juridiction compétente permettraient d’obtenir la condamnation des auteurs de ce crime.
Dans son rapport, le gouvernement se réfère une nouvelle fois aux deux décisions rendues en 2008 aux termes desquelles une peine de prison avait été prononcée. Il précise que le ministère public de la République a initié des poursuites judiciaires à l’encontre de 103 personnes en 2007 et 31 en 2008. La commission note avec regret l’absence d’information de la part du gouvernement dans son rapport sur le nombre de procédures pénales auxquelles la justice fédérale criminelle a donné suite ou sur le nombre de condamnations prononcées en conséquence. La commission observe, d’après les statistiques disponibles sur le site du ministère public de la République, que le nombre de condamnations définitives répertoriées est effectivement très faible (neuf jugements et 15 personnes condamnées entre 2001 et 2010). Elle relève que, par exemple, dans l’Etat du Mato Grosso, 71 procédures judiciaires ont été initiées entre 2001 et 2010 et une seule condamnation a été prononcée. La commission rappelle pourtant que, suite aux actions du GEFM, entre 1995 et 2010, 39 180 travailleurs trouvés en situation analogue à celle d’esclaves ont été libérés et que des nouveaux noms sont régulièrement incorporés à la «liste sale» (la liste de juillet 2011 contenant plus de 200 noms). La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour s’assurer que ceux qui sont suspectés d’avoir violé l’article 149 du Code pénal sont effectivement jugés. Prière également d’indiquer les obstacles qui empêchent d’obtenir la condamnation par les juridictions criminelles fédérales de ceux qui soumettent les travailleurs à des conditions analogues à celles d’esclaves, ainsi que les mesures prises pour surmonter ces obstacles. La commission rappelle à cet égard que, conformément à l’article 25 de la convention, des sanctions pénales réellement efficaces doivent être appliquées aux personnes qui ont imposé du travail forcé.
d) Réinsertion des victimes. La commission a souligné qu’il est essentiel d’accompagner matériellement et financièrement les victimes afin d’éviter qu’elles ne retombent dans une situation de vulnérabilité au terme de laquelle elles seraient de nouveau exploitées au travail. Elle note que, dans son rapport, le gouvernement se réfère à nouveau aux mêmes mesures et programmes visant à favoriser l’intégration des travailleurs libérés: octroi de prestations de chômage pour une période limitée de trois mois; inscription prioritaire de ces travailleurs dans le Programme fédéral de redistribution des revenus «Bolsa Família» et dans le Programme d’alphabétisation pour adultes «Brasil alfabetizado». En outre, un projet pilote de promotion de l’emploi dans les zones rurales a été mis en place au sein du système national de l’emploi. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises pour réinsérer les victimes de travail forcé et sur les résultats obtenus. Prière également de fournir des informations sur les mesures prises pour sensibiliser les travailleurs des régions les plus touchées par le travail forcé sur les risques encourus.
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