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Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Allemagne (Ratification: 1956)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Allemagne (Ratification: 2019)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphes 1 et 2 c), de la convention. Travail des détenus au profit d’entreprises privées. Dans les commentaires qu’elle formule depuis de nombreuses années sur la législation et la pratique en Allemagne, la commission s’est référée à la situation des détenus obligés de travailler, sans leur consentement, dans des ateliers administrés par des entreprises privées à l’intérieur des établissements pénitentiaires, dans des conditions très éloignées de celles du marché du travail libre. A de nombreuses reprises (voir notamment le paragraphe 109 et la note de bas de page 272 de l’étude d’ensemble de 2007, Eradiquer le travail forcé), la commission a souligné que la pratique de l’Allemagne en la matière correspond exactement à la description du «système de l’entreprise spéciale», dans lequel le travail des détenus est concédé à des entrepreneurs privés. Si les détenus restent à tout moment sous l’autorité et le contrôle de l’administration pénitentiaire, ils n’en sont pas moins «concédés» à une entreprise privée – pratique qui, en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, est incompatible avec cet instrument fondamental sur les droits de l’homme.
Renvoyant également aux explications qui figurent aux paragraphes 59, 60 et 114 à 120 de l’étude d’ensemble susmentionnée, la commission a rappelé que le travail de détenus pour des entreprises privées peut être considéré comme compatible avec l’interdiction expresse de la convention uniquement s’il existe des garanties nécessaires pour que les intéressés acceptent volontairement un emploi sans être soumis à des pressions ou à la menace d’une peine quelconque, en donnant formellement leur consentement libre et éclairé à tout travail réalisé au profit d’entreprises privées. Dans ce cas, le travail de détenus pour des entités privées ne relèverait pas de la convention, puisqu’il n’implique aucune contrainte. La commission a estimé que, dans le contexte carcéral, l’indicateur le plus fiable du consentement au travail réside dans le fait que ce travail soit exécuté dans des conditions se rapprochant de celles d’une relation de travail libre, notamment en matière de rémunération (avec retenues et cessions éventuelles), de sécurité sociale, et de sécurité et santé au travail.
A cet égard, la commission a précédemment noté avec regret que l’exigence du consentement formel du détenu au travail dans un atelier géré par une entreprise privée, prévue à l’article 41(3) de la loi de 1976 sur l’exécution des sentences, était restée lettre morte, puisque l’entrée en vigueur de celle-ci avait été suspendue par effet de la deuxième loi du 22 décembre 1981 visant à améliorer la structure budgétaire. La commission note avec regret que, d’après le dernier rapport du gouvernement, aucune mesure n’a été prise pour que cette disposition entre en vigueur, et que les Länder ne sont pas prêts à élaborer une législation sur l’obligation d’obtenir le consentement des détenus concernés. Ni le gouvernement fédéral ni les Länder n’ont pris de mesures pour que les détenus participent aux régimes d’assurance-maladie et de pension de vieillesse, dans la mesure où la situation budgétaire des Länder n’a pas changé. Or la proportion de détenus qui travaillent pour des entreprises privées en Allemagne reste importante: le gouvernement indique que, sur l’ensemble du territoire fédéral, 12,57 pour cent en moyenne de l’ensemble des détenus travaillaient pour des entreprises privées en 2008 même si, pour les Länder, cette proportion varie de 3 à 19 pour cent. Le gouvernement déclare à nouveau qu’il existe une pénurie d’emplois dans les prisons, et que les autorités pénitentiaires s’efforcent en conséquence d’obtenir davantage d’emplois de la part des entreprises privées afin de faire baisser le niveau de chômage dans les établissements pénitentiaires.
Tout en prenant note de ces indications, la commission exprime à nouveau sa préoccupation devant le nombre important de détenus qui, en Allemagne, sont concédés à des entreprises privées qui utilisent leur travail sans avoir obtenu leur consentement, et dans des conditions très éloignées de celles du marché du travail libre, ce qui constitue une violation de cette convention fondamentale sur les droits de l’homme. Tout en notant que, dans ses rapports, le gouvernement a indiqué à maintes reprises que la Cour constitutionnelle fédérale avait estimé que le travail obligatoire des détenus pour des entreprises privées était compatible avec la loi fondamentale, la commission souligne à nouveau, comme elle l’a expliqué plus haut, que la situation n’est conforme à la convention ni en droit ni en pratique.
Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, au niveau fédéral comme au niveau des Länder, afin que soit exigé formellement des prisonniers un consentement libre et éclairé au travail effectué dans des ateliers administrés par des entreprises privées dans l’enceinte des prisons, de telle sorte que ce consentement ne soit pas donné sous la menace d’une peine quelconque et qu’il soit authentifié par des conditions de travail proches de celles d’une relation de travail libre. A cet égard, la commission exprime le ferme espoir que la disposition prévoyant le consentement des détenus pour travailler dans des ateliers privés, figurant à l’article 41(3) de la loi de 1976 susmentionnée, sera enfin appliquée, de même que les dispositions concernant la participation des détenus au régime de pension de vieillesse prévues aux articles 191 et suivants de la même loi, et que le gouvernement sera bientôt en mesure d’indiquer des progrès réalisés à cet égard.
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