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Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Niger (Ratification: 1961)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Niger (Ratification: 2015)

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Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Esclavage et pratiques analogues. Depuis plusieurs années, la commission examine la question de l’esclavage au Niger qui se manifeste dans certaines communautés au sein desquelles le statut d’esclave continue à être transmis par la naissance aux personnes issues de certains groupes ethniques. Les relations entre maîtres et esclaves sont basées sur l’exploitation directe: les esclaves étant tenus de travailler pour leur maître sans percevoir de salaire, essentiellement en tant que bergers, travailleurs agricoles ou employés domestiques. La commission a précédemment noté certaines mesures prises par le gouvernement sur le plan législatif et institutionnel, notamment l’adoption de la loi no 2003-025 du 13 juin 2003 qui a inséré dans le Code pénal les articles 270-1 à 270-5, qui définissent les éléments constitutifs du crime d’esclavage et des différents délits d’esclavage et prévoient les sanctions applicables, ainsi que la création en août 2006 de la Commission nationale de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination, ayant notamment pour mission d’élaborer un plan d’action national de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination. La commission a cependant exprimé sa préoccupation face à l’absence d’informations sur l’adoption de nouvelles mesures concrètes pour continuer à lutter contre l’esclavage et ses séquelles alors que, dans le même temps, le Niger était tenu responsable, en octobre 2008, par la Cour de justice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de ne pas avoir suffisamment protégé les droits d’une jeune fille victime d’esclavage et que, dans ses observations finales, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies exprimait sa vive préoccupation face à l’absence d’informations de la part du Niger dans son rapport sur les pratiques esclavagistes fondées sur le système des castes, alors que ces pratiques existaient dans l’ensemble du pays (document CRC/C/NER/CO/2 du 18 juin 2009).
La commission note que, dans son rapport reçu en septembre 2011, le gouvernement indique uniquement que le plan d’action national de lutte contre toutes les formes de travail forcé, et en particulier l’esclavage, n’a pas encore été adopté.
La commission relève que l’étude préparée par l’Institut national de la statistique et le Bureau international du Travail sur les formes de travail forcé des adultes et des enfants rencontrées au Niger a été validée en septembre 2011. Selon cette étude, plus de 59 000 adultes seraient victimes de travail forcé, soit 1,1 pour cent du nombre total d’adultes. Pour l’essentiel, les victimes exercent des travaux domestiques (48,2 pour cent) ou travaillent dans le secteur de l’agriculture ou de l’élevage (23,6 pour cent). L’étude a retenu trois critères pour définir le travail forcé: le recrutement non libre (l’adulte travaille pour un particulier, une entreprise ou un propriétaire terrien en ayant été engagé sur la base de la tradition); la situation de dépendance (l’adulte travaille en échange de nourriture ou de logement, il est payé en nature ou pas du tout, ou il reverse son salaire à un propriétaire terrien et ne peut jouir du fruit de son travail); et la privation de liberté (l’adulte est dans l’impossibilité de changer d’emploi soit parce que l’employeur l’interdit, soit parce que la société est ainsi faite). Ainsi, un adulte est considéré en situation de travail forcé lorsque son recrutement n’est pas libre ou lorsqu’il est privé de liberté et, en plus, il se trouve lui-même ou son ménage en situation de dépendance.
Enfin, la commission note que, lors de l’examen périodique universel de la situation du Niger par le Conseil des droits de l’homme, qui a eu lieu en mars 2011, le gouvernement a accepté l’ensemble des recommandations ayant trait aux mesures à prendre pour lutter contre l’esclavage et pour s’assurer que les auteurs de ces pratiques sont effectivement poursuivis en justice et les victimes protégées et indemnisées (voir notamment les recommandations 76.37 à 76.46 du document A/HRC/17/15).
Compte tenu des éléments qui précèdent, la commission exprime une nouvelle fois ses regrets face à l’absence d’informations de la part du gouvernement dans les rapports qu’il fournit sur les mesures prises pour lutter contre l’esclavage. La commission exprime le ferme espoir que, dans son prochain rapport, le gouvernement sera en mesure d’indiquer les mesures prises en vue de l’adoption d’un plan d’action national de lutte contre toutes les formes de travail forcé, et en particulier l’esclavage. La commission attire l’attention du gouvernement sur l’importance d’une stratégie globale de lutte contre l’esclavage qui englobe des mesures relevant de la sensibilisation de la société et des autorités compétentes, des mesures visant à lutter contre la pauvreté et également des mesures d’accompagnement et de réinsertion des victimes, afin d’éviter qu’elles ne retombent dans une situation de vulnérabilité aux termes de laquelle elles seraient de nouveau exploitées au travail. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les actions menées par la Commission nationale de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination et sur les moyens dont dispose cette commission pour mener à bien ses fonctions.
Article 25. Application de sanctions pénales efficaces. La commission rappelle que, conformément à l’article 25 de la convention, le gouvernement doit s’assurer que les sanctions pénales prévues par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique qu’aucune décision de justice n’a été prise sur la base des articles 270-1 à 270-5 du Code pénal qui incriminent l’esclavage. La commission souligne qu’il est indispensable que les victimes soient effectivement en mesure de s’adresser aux autorités policières et judiciaires pour faire valoir leurs droits afin que les auteurs du crime ou des délits d’esclavage, tels que prévus par le Code pénal, soient traduits en justice et, le cas échéant, condamnés. Par conséquent, la commission espère que le plan d’action national prévoira des mesures destinées à assurer la publicité des dispositions du Code pénal incriminant l’esclavage, ainsi que des actions de sensibilisation des acteurs amenés à participer à la lutte contre l’esclavage, notamment les autorités locales, les officiers de police judiciaire et les magistrats, ainsi que les associations qui sont habilitées à se constituer partie civile dans les affaires d’esclavage. Elle prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les décisions de justice prononcées sur la base des articles 270-1 à 270-5 du Code pénal et d’en communiquer copie.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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