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Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - République démocratique du Congo (Ratification: 1960)

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La commission prend note des observations formulées par la Confédération syndicale internationale (CSI) sur l’application de la convention, qui ont été reçues le 31 août 2012 et communiquées au gouvernement le 11 septembre 2012.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Travail forcé et esclavage sexuel dans le cadre du conflit armé. Dans sa précédente observation, la commission a exprimé sa préoccupation face aux différents rapports émanant de plusieurs organes des Nations Unies sur la situation en République démocratique du Congo qui soulignaient la gravité de la situation des droits de l’homme dans le pays et faisaient état des violations commises par les forces de sécurité de l’Etat et par d’autres groupes armés, parmi lesquelles le recours au travail forcé et à l’esclavage sexuel. La commission a noté que, à l’issue de son examen de ce cas, en juin 2011, la Commission de l’application des normes de la Conférence «a pris note avec préoccupation des informations présentées qui attestent de la gravité de la situation et du climat de violence, d’insécurité et de violation des droits de l’homme qui prévaut dans l’Est du pays, en particulier dans la province du Nord-Kivu. Ces informations confirment que les actes d’enlèvement de femmes et d’enfants en vue de leur utilisation comme esclaves sexuels ainsi que l’imposition du travail forcé, notamment sous la forme de travaux domestiques, sont fréquents et continuent à être pratiqués. Par ailleurs, dans les exploitations minières, les travailleurs sont otages des conflits pour l’exploitation des ressources naturelles et sont victimes d’exploitation et de pratiques abusives relevant, pour nombre d’entre elles, du travail forcé. La commission a observé que le non-respect de la règle de droit, l’insécurité juridique, le climat d’impunité et la difficulté pour les victimes d’accéder à la justice favorisent l’ensemble de ces pratiques […] La Commission de la Conférence a lancé un appel au gouvernement afin qu’il prenne des mesures urgentes et concertées pour faire cesser immédiatement ces violations…».
La commission a également noté que, dans ses observations transmises en septembre 2011, la Confédération syndicale du Congo (CSC) a confirmé les pratiques d’enlèvement de femmes et de jeunes filles et, dans une moindre mesure, d’hommes et de jeunes garçons pour être soumis au travail forcé et à l’esclavage sexuel pour le compte des groupes armés. Les femmes âgées sont également enlevées pour le travail domestique. Le syndicat a cité des cas précis d’enlèvement et a indiqué que les territoires les plus touchés sont ceux de Walikale, Rutshuru, Masisi et le Nord-Kivu.
La commission observe que, dans ces observations, la CSI confirme la persistance de cas d’esclavage sexuel, notamment dans les mines des régions du Nord-Kivu, de la Province Orientale, du Katanga et du Kasaï Oriental, perpétrés par des groupes armés illégaux et par des éléments des Forces armées de la République du Congo (FARDC). La CSI souligne que les personnes n’ont aucune possibilité de s’enfuir dans la mesure où elles sont surveillées 24 heures sur 24 par des soldats. La CSI se réfère également à plusieurs cas d’enrôlement forcé de garçons et de jeunes hommes par différents groupes armés, et notamment par les troupes de Bosco Ntaganda, dans le territoire de Masisi, ou par les rebelles du M 23, en particulier dans la province du Nord-Kivu. La CSI répertorie plusieurs attaques menées par ces groupes au cours de l’année 2012 dans différentes localités de cette province au cours desquelles le recours à la violence est systématique pour obliger les civils à transporter des armes, des munitions, les butins des pillages et d’autres approvisionnements jusqu’à la ligne de front. La CSI se réfère à des agissements similaires de la part de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) et des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Ces groupes entrent dans les camps où se réfugient les personnes déplacées et les menacent en les accusant de collaborer avec un groupe armé ou un autre. Elles sont alors forcées de transporter des armes ou des biens, de construire des maisons ou de travailler aux champs pour les rebelles ou miliciens. La CSI souligne que les auteurs de ces actes sont toujours impunis puisque aucun cas n’a été porté devant la justice.
La commission déplore l’absence d’informations du gouvernement sur les mesures prises pour mettre fin à ces violations graves de la convention. La commission est d’autant plus préoccupée que, comme le montrent les informations communiquées par la CSI et celles disponibles au sein des différents organes des Nations Unies, l’Est de la République démocratique du Congo est le théâtre d’une recrudescence des hostilités depuis ces derniers mois entre les forces congolaises régulières et les groupes armés, provoquant des violations massives des droits de l’homme. Dans un communiqué de presse du 27 juillet 2012, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a condamné les violences perpétrées contre les civils qui «comprennent des exécutions sommaires et aveugles de civils, des violences sexuelles, des actes de torture, des arrestations arbitraires, des agressions, des pillages, des actes d’extorsion, des déprédations, du travail forcé, des recrutements forcés dans les rangs de groupes armés, y compris d’enfants, et des violences motivées par des considérations ethniques». Compte tenu de la gravité des faits, la commission prie instamment le gouvernement de prendre de toute urgence les mesures nécessaires pour faire cesser immédiatement ces pratiques qui constituent une violation grave de la convention et pour rétablir un climat de sécurité juridique dans lequel le recours au travail forcé ne resterait pas impuni. La commission rappelle qu’il est indispensable que des sanctions pénales appropriées soient effectivement prononcées à l’encontre de ceux qui imposent du travail forcé, en raison de leur caractère dissuasif, et prie instamment le gouvernement de prendre de toute urgence les mesures nécessaires à cette fin.
Article 25. Sanctions pénales. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté que, selon l’article 323 du Code du travail, toute infraction à l’article 2, alinéa 3, qui interdit le recours au travail forcé ou obligatoire, est punie d’une peine de servitude pénale principale de six mois au maximum et d’une amende ou de l’une de ces deux peines seulement, sans préjudice des lois pénales prévoyant des peines plus sévères. Soulignant le caractère peu dissuasif des sanctions prévues dans le Code du travail, la commission a demandé au gouvernement de préciser les dispositions pénales qui interdisent et sanctionnent le recours au travail forcé. Le gouvernement a confirmé en 2011 que le Code pénal de 1940 (tel qu’amendé jusqu’en 2006) ne prévoit pas de sanctions à l’encontre de ceux qui imposeraient du travail forcé. Le gouvernement a précisé que le projet de loi portant abrogation du travail forcé, qui est à l’examen par le Parlement, prévoit des sanctions pénales efficaces. La commission veut croire que le gouvernement pourra faire état, dans son prochain rapport, de l’adoption de la loi portant abrogation du travail forcé et que celle-ci prévoira des sanctions pénales dissuasives, conformément à l’article 25 de la convention.
Abrogation de textes permettant d’imposer un travail à des fins de développement national, comme moyen de recouvrement de l’impôt, et aux personnes en détention préventive. Depuis plusieurs années, la commission demande au gouvernement d’abroger ou de modifier les textes législatifs et réglementaires suivants qui sont contraires à la convention:
  • -la loi no 76-011 du 21 mai 1976 relative à l’effort de développement national et son arrêté d’application, l’arrêté départemental no 00748/BCE/AGRI/76 du 11 juin 1976 portant exécution de tâches civiques dans le cadre du Programme national de production vivrière: ces textes, qui visent à accroître la productivité dans tous les secteurs de la vie nationale, obligent, sous peine de sanction pénale, toute personne adulte et valide, qui n’est pas considérée comme apportant déjà sa contribution dans le cadre de son emploi (mandataires politiques, salariés et apprentis, fonctionnaires, commerçants, professions libérales, religieux, étudiants et élèves), à effectuer des travaux agricoles et de développement décidés par le gouvernement;
  • -l’ordonnance-loi no 71/087 du 14 septembre 1971 sur la contribution personnelle minimum, dont les articles 18 à 21 permettent au chef de la collectivité locale ou au bourgmestre de prononcer la contrainte par corps avec obligation de travailler à l’encontre des contribuables qui ne se seraient pas acquittés de leur contribution personnelle minimum;
  • -l’ordonnance no 15/APAJ du 20 janvier 1938 relative au régime pénitentiaire dans les prisons des circonscriptions indigènes, qui permet d’imposer du travail aux personnes en détention préventive (cette ordonnance ne faisant pas partie de la liste des textes abrogés par l’ordonnance no 344 du 15 septembre 1965 régissant le travail pénitentiaire).
Le gouvernement a précédemment indiqué que ces textes étaient caducs et donc abrogés de fait. Par ailleurs, répondant à la demande de la commission d’abroger formellement ces textes pour garantir la sécurité juridique, le gouvernement a indiqué que la sécurité juridique n’est pas compromise par l’absence d’abrogation formelle de ces textes. Dans son rapport de juin 2011, le gouvernement a indiqué que la promulgation de la loi portant abrogation du travail forcé permettrait de trouver des réponses aux préoccupations de la commission en ce qui concerne l’abrogation de la loi no 76-011 relative à l’effort de développement national et son arrêté d’application, ainsi que de l’ordonnance no 15/APAJ du 20 janvier 1938 relative au régime pénitentiaire dans les prisons des circonscriptions indigènes. La commission espère que, à l’occasion de l’adoption de la loi portant abrogation du travail forcé, les textes auxquels elle se réfère depuis de nombreuses années et dont le gouvernement indique qu’ils sont caducs et abrogés de fait pourront être finalement abrogés formellement.
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