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Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Madagascar (Ratification: 2001)

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La commission prend note des observations de la Confédération chrétienne des syndicats malgaches (SEKRIMA), reçues le 17 septembre 2013.
Articles 3 b) et 7, paragraphe 1, de la convention. Pires formes de travail des enfants et sanctions. Prostitution des enfants. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que l’article 13 du décret no 2007-563 du 3 juillet 2007 relatif au travail des enfants interdit catégoriquement le recrutement, l’utilisation, l’offre et l’emploi des enfants de l’un ou l’autre sexe à des fins de prostitution. La commission a noté que l’article 261 du Code du travail et les articles 354 à 357 du Code pénal, auxquels se réfère le décret no 2007-563, prévoient des sanctions efficaces et dissuasives interdisant notamment le recrutement ou l’offre d’un enfant aux fins de prostitution. La commission a cependant observé que, selon le Comité des droits de l’enfant, la prostitution des enfants et le tourisme sexuel prennent de l’ampleur dans le pays malgré le faible nombre d’enquêtes ouvertes et de poursuites intentées contre les responsables dans les cas de prostitution infantile.
La commission note les observations de la SEKRIMA, selon lesquelles le nombre de filles mineures, dès l’âge de 12 ans, engagées dans la prostitution est croissant, surtout dans les villes. La SEKRIMA indique en effet que 50 pour cent des prostituées dans la capitale Antananarivo sont des mineures, et 47 pour cent se prostituent en raison de leur situation précaire. Ces jeunes filles seraient victimes d’agressions physiques et sexuelles et de viols collectifs (40 pour cent). Par peur de représailles, 80 pour cent de ces jeunes filles préfèrent ne pas recourir aux autorités. La SEKRIMA précise enfin que, malgré la loi punissant le tourisme sexuel, la prostitution infantile est encore loin d’être éliminée.
La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle il a procédé aux renforcements des capacités de 120 acteurs du tourisme à Nosy-be et 35 à Tuléar sur l’exploitation sexuelle à des fins commerciales. La commission note cependant l’absence d’information sur le nombre d’enquêtes, de poursuites et de condamnations des auteurs d’exploitation sexuelle à des fins commerciales. La commission note que, d’après les observations finales de 2015 concernant le Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (CRC/C/OPSC/MDG/CO/1), le Comité des droits de l’enfant s’est dit profondément préoccupé par la progression du tourisme sexuel impliquant des enfants alors que les mesures prises par le gouvernement pour combattre le phénomène sont insuffisantes (paragr. 27). Le Comité des droits de l’enfant s’est également dit préoccupé par les milliers d’enfants victimes d’exploitation sexuelle à des fins commerciales, de traite à des fins de travail domestique et d’exploitation sexuelle ainsi que par le faible nombre de poursuites et de condamnations, situation favorisant l’impunité (paragr. 31). La commission relève en outre que, selon le rapport de 2013 de la Rapporteuse spéciale sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants (A/HRC/25/48/Add.2, paragr. 10), la prostitution des enfants à Madagascar est d’une ampleur alarmante et touche tout le pays, en particulier les zones urbaines, les zones d’exploitation minière et les sites touristiques. La commission exprime donc sa profonde préoccupation face au nombre considérable de jeunes filles malgaches âgées de moins de 18 ans, engagées dans la prostitution, notamment sous la forme de tourisme sexuel et ainsi que devant l’absence de poursuites et de condamnations des auteurs. La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que des enquêtes approfondies et la poursuite efficace des personnes soupçonnées de recrutement, utilisation, offre et emploi d’enfants à des fins de prostitution sont menées à leur terme et que des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives leur sont imposées. Elle le prie de fournir les informations concernant les statistiques sur le nombre et la nature des infractions signalées, les enquêtes menées, les poursuites engagées, les condamnations prononcées et les sanctions pénales imposées à cet égard.
Alinéa d). Travaux dangereux. Enfants travaillant dans les mines et les carrières. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté les observations de la Confédération générale des syndicats des travailleurs de Madagascar (CGSTM) selon lesquelles des enfants travaillent dans les mines (Ilakaka) et dans les carrières de pierre dans des conditions précaires et parfois dangereuses. La CGSTM avait en outre indiqué que les pires formes de travail des enfants s’effectuent dans le secteur informel et les zones rurales que l’administration du travail n’arrive pas à couvrir.
La commission note que, d’après le rapport de 2013 de la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage (A/HRC/24/43/Add.2, paragr. 44-60), le travail effectué par des enfants dans le secteur des mines et des carrières constitue une forme contemporaine d’esclavage, car il met en jeu la servitude pour dettes, le travail forcé et l’exploitation économique des intéressés, en particulier dans le cas des enfants non accompagnés employés dans les mines et carrières artisanales. Elle relève que les enfants travaillent de cinq à dix heures par jour, qu’ils s’occupent du transport de blocs de pierre ou de l’eau et certains garçons creusent des puits d’un mètre de circonférence et de 15 à 50 mètres de profondeur, tandis que d’autres descendent dans les puits pour ramasser la terre. Les enfants commencent à travailler aux côtés de leurs parents dès l’âge de 5 ans et les enfants non accompagnés dès l’âge de 12 ans. De même, dans les carrières de pierres à la périphérie des principales agglomérations, les enfants entre 3 et 7 ans, souvent travaillant au sein de groupes familiaux, cassent des pierres et transportent des paniers chargés de pierres ou de briques sur la tête, en moyenne 47 heures par semaine lorsqu’ils ne sont pas scolarisés. Les conditions de travail sont par ailleurs insalubres et l’hygiène lamentable. Tous ces enfants sont en outre exposés à des violences physiques et sexuelles ainsi qu’à de graves risques de santé, dus notamment à la contamination des eaux, aux puits instables ou à l’effondrement des galeries. Notant avec préoccupation la situation des enfants travaillant dans le secteur des mines et des carrières, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer qu’aucun enfant de moins de 18 ans ne puisse être engagé dans un travail susceptible de nuire à sa santé, à sa sécurité ou à sa moralité. Elle le prie de fournir des informations concernant les progrès réalisés à cet égard et les résultats obtenus.
Article 7, paragraphe 2. Mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Alinéa d). Enfants particulièrement exposés à des risques. Enfants des rues. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté les informations du gouvernement selon lesquelles le ministère du Travail et des Lois sociales (MTLS) continuait son programme de scolarisation et de formation d’enfants des rues dans le cadre du Programme d’investissement public pour les actions sociales (PIP). La commission a noté l’allégation de la CGSTM, selon laquelle le nombre d’enfants dans les rues a augmenté ces dernières années et que les actions prises par le gouvernement à leur égard demeuraient minimes. En réponse, le gouvernement avait indiqué que les programmes financés dans le cadre du PIP ont pour objectif de retirer des pires formes de travail 40 enfants ainsi occupés par année, soit 120 enfants pour trois ans.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement selon lesquelles la mise en œuvre des programmes PIP a permis le retrait de 40 enfants par année des pires formes de travail. La commission note toutefois que, d’après le rapport de 2013 sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants (A/HRC/25/48/Add.2, paragr. 36), malgré l’absence de chiffres précis reflétant le nombre réel d’enfants en situation de rue à Madagascar, la Rapporteuse spéciale a pu constater par elle-même l’ampleur du phénomène. Elle fait référence à environ 4 500 enfants vivant dans la rue dans la capitale Antananarivo. La commission note en outre que, selon l’Analyse de la situation de la mère et de l’enfant (2014), l’UNICEF se réfère à une étude réalisée en 2012 à Antananarivo auprès de 950 enfants des rues, selon laquelle la plupart sont des garçons (63 pour cent) et vivent de la mendicité ou de la fouille des ordures. Selon le rapport, les jeunes filles vivant dans la rue sont très souvent victimes d’exploitation sexuelle pour subvenir à leurs besoins ou sous la pression d’un tiers. D’autres exercent des activités domestiques et viennent gonfler les rangs des enfants travailleurs exploités (p. 110). Notant avec préoccupation le nombre croissant d’enfants des rues, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures efficaces dans un délai déterminé pour assurer la mise en œuvre des programmes du PIP de manière ciblée, et le prie de redoubler d’efforts pour assurer que les enfants vivant dans la rue soient protégés des pires formes de travail des enfants, et réadaptés et intégrés socialement. Elle prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les résultats obtenus à cet égard.
Application de la convention dans la pratique. La commission avait précédemment noté les résultats détaillés de l’Enquête nationale sur le travail des enfants 2007 selon laquelle plus d’un enfant malgache sur quatre âgés de 5 à 17 ans (28 pour cent) est économiquement actif, soit 1 870 000 enfants.
La commission note les informations du gouvernement selon lesquelles une enquête nationale sur l’emploi et le secteur informel (ENEMPSI 2012), incluant des statistiques sur le travail des enfants, a été réalisée avec l’appui du PNUD et de l’OIT. Cette enquête démontre que 27,5 pour cent des enfants travaillent, soit 2 030 000, dont 30 pour cent vivent en zone rurale et 18 pour cent en zone urbaine. La majorité des enfants travaillent dans l’agriculture et la pêche (88 pour cent). Les enfants travaillant dans les zones urbaines exercent des activités dans le travail domestique (10 pour cent) et le commerce (11 pour cent). De plus, 91 pour cent des enfants travailleurs ont un statut d’aide familiale non rémunéré. L’ENEMPSI indique également que 81 pour cent des enfants qui travaillent de 5 à 17 ans sont engagés dans une activité dangereuse, soit 1 653 000 enfants. Les secteurs agricole, de l’élevage et de la pêche accaparent la majorité du travail des enfants (89 pour cent) et plus de six enfants sur dix qui travaillent ont déclarés avoir eu un problème de santé dû à leur travail dans les douze derniers mois. La commission prend également note de la réalisation d’une étude de base sur le travail domestique des enfants couvrant trois régions en 2012. Cette étude révèle que le travail domestique des enfants s’inscrit souvent dans le contexte de familles pauvres des zones rurales qui envoient leurs enfants dans les zones urbaines en réponse à leur situation précaire. Les enfants travailleurs domestiques peuvent être contraints de travailler jusqu’à quinze heures par jour, la majorité ne reçoivent pas de salaire, celui-ci étant versé directement à leurs parents; certains dorment parfois à même le sol et beaucoup sont victimes de violences morales, physiques ou sexuelles. La commission note en outre que, d’après son rapport de 2013, la Rapporteuse spéciale sur les formes contemporaines d’esclavage (A/HRC/24/43/Add.2, paragr. 81) observe que des fillettes de 10 ans travaillent dans des conditions de quasi-esclavage. La commission exprime sa profonde préoccupation face à la situation et au nombre d’enfants de moins de 18 ans astreints aux travaux dangereux. La commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour éliminer ces pires formes de travail et le prie de continuer à fournir des informations sur tous progrès réalisés à cet égard et les résultats obtenus. Par ailleurs, elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les pires formes de travail des enfants, notamment, les études et les enquêtes statistiques à ce sujet, les informations sur la nature, l’étendue et l’évolution de ces formes de travail des enfants, le nombre d’enfants couverts par les mesures donnant effet à la convention ainsi que le nombre et la nature des infractions relevées, les enquêtes, poursuites, condamnations et sanctions pénales. Dans la mesure du possible, toutes ces informations devraient être ventilées par âge et par sexe.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de fournir des données complètes à la Conférence à sa 105e session et de répondre en détail aux présents commentaires en 2016.]
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