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Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Guatemala (Ratification: 1952)

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La commission prend note de la réception, le 1er septembre 2015, des observations émanant de: i) la Confédération syndicale internationale (CSI); ii) le Mouvement syndical populaire autonome guatémaltèque et Global Unions du Guatemala; et iii) le Mouvement syndical, indigène et paysan guatémaltèque (MSICG). La commission note que ces observations portent sur les questions examinées par la commission dans la présente observation, ainsi que sur des plaintes pour violations dans la pratique pour lesquelles la commission prie le gouvernement de transmettre ses commentaires. La commission prend note aussi des observations conjointes du Comité de coordination des associations de l’agriculture, du commerce, de l’industrie et de la finance (CACIF), reçues le 1er septembre 2015, portant sur des questions qu’elle traite dans la présente observation. Enfin, la commission prend note des observations de caractère général de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues le 1er septembre 2015.
Plainte présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT pour non-respect de la convention. La commission prend note du fait que, à sa 325e session (novembre 2015), le Conseil d’administration a décidé de reporter à sa 326e session (mars 2016) la décision de constituer une commission d’enquête pour examiner la plainte déposée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT par plusieurs délégués travailleurs à la 101e session de la Conférence internationale du Travail (juin 2012) pour non-respect par le Guatemala de la convention. La commission observe en particulier que le Conseil d’administration: i) a prié à nouveau instamment le gouvernement de prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour donner pleinement effet à la feuille de route qu’il a adoptée le 17 octobre 2013, en consultation avec les partenaires sociaux, et aux indicateurs clés en lien avec la feuille de route, qui ont été adoptés par la Commission tripartite des affaires internationales du travail le 15 mai 2015; et ii) a invité les mandants tripartites du Guatemala à parvenir à un accord avec le Bureau avant la fin de 2015 sur la nature d’un mandat plus large de la représentation de l’OIT dans le pays.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 104e session, juin 2015)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu en juin 2015 au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence (ci-après appelée la Commission de la Conférence) sur l’application de la convention par le Guatemala. La commission prend note en particulier du fait que la Commission de la Conférence a formulé des conclusions spécifiques et détaillées à propos de: i) des enquêtes et de la condamnation des coupables d’homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes; ii) la protection des dirigeants syndicaux et des syndicalistes subissant des menaces; et iii) la nécessité pour le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de soumettre de toute urgence au Congrès de la République un projet de loi basé sur les commentaires de la commission visant à mettre la législation en conformité avec la convention.
Enfin, la commission prend note du rapport du représentant spécial du Directeur général au Guatemala, qui a été rédigé à la demande de la Commission de la Conférence.

Droits syndicaux et libertés publiques

La commission note avec regret le fait que, depuis des années, elle est amenée à examiner, à l’instar du Comité de la liberté syndicale, des allégations de graves actes de violence contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes, dont de nombreux homicides, et de la situation d’impunité à ce sujet. La commission note les indications du gouvernement selon lesquelles: i) sur 70 homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes enregistrés par les autorités, 13 ont donné lieu à des jugements (neuf condamnations et quatre jugements), tandis que 40 autres cas sont actuellement portés à la connaissance de l’organe judiciaire; ii) dans le cadre de la convention de collaboration entre l’unité spécialisée des délits contre les syndicalistes du ministère public et la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (CICIG), 12 dossiers d’enquêtes pour homicide identifiés par le Mouvement syndical du Guatemala ont été soumis à la CICIG le 15 juin 2015 afin qu’elle prononce des recommandations sur le déroulement de ces enquêtes; iii) après avoir consulté les partenaires sociaux, le ministère public a adopté en février 2015 l’instruction générale no 1-2015 sur l’enquête et la poursuite pénale effectives sur les délits commis contre des syndicalistes et des membres d’organisations de travailleurs et d’autres défenseurs du droit du travail, ainsi que contre des syndicats; iv) le ministre de l’Intérieur a décidé l’application de neuf mesures de sécurité personnelle et 63 mesures accordant un périmètre de sécurité en faveur des dirigeants syndicaux et des syndicalistes; et v) le numéro de téléphone gratuit 1543, visant à répondre aux plaintes de violences ou de menaces à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme, parmi lesquels on trouve des syndicalistes, fonctionne depuis le 14 mai 2015.
La commission prend note du fait que le Mouvement syndical populaire autonome guatémaltèque et Global Unions du Guatemala ont dénoncé l’assassinat, le 24 septembre 2015, de Mynor Rolando Ramos Castillo, membre du Syndicat des travailleurs de la municipalité de Jalapa (SITRAMJ). Les organisations syndicales indiquent que le syndicaliste assassiné faisait partie des travailleurs de la municipalité qui étaient dans l’attente d’une ordonnance de réintégration dictée par le tribunal du travail. La commission prend note également du fait que les diverses organisations syndicales qui ont soumis des observations à la commission déplorent que: i) la grande majorité des auteurs principaux et la totalité des commanditaires des 74 homicides de dirigeants syndicaux et de syndicalistes qui ont été signalés au BIT sont actuellement impunément en liberté; ii) toutes les études de risque nécessaires n’ont pas été effectuées, et les nombreuses menaces subies par les dirigeants syndicaux et les syndicalistes n’ont pas donné lieu à quelque action que ce soit de la part du ministère public.
La commission prend note également du fait que le rapport du représentant spécial du Directeur général au Guatemala signale en outre les faits suivants: i) à la demande du ministère public, l’organisme judiciaire rédige actuellement les accords administratifs visant à instaurer des juges spécialisés dans l’examen des crimes contre les syndicalistes et les sanctions imposées pour le non-respect des autorités publiques et des employeurs privés qui refusent de mettre à exécution les décisions relatives à la liberté syndicale, comme par exemple les réintégrations; et ii) certains dirigeants syndicaux sous protection ont dû renoncer à cette protection ne pouvant financer personnellement les frais des gardes de sécurité.
La commission prend note avec une profonde préoccupation de l’assassinat de Mynor Rolando Ramos Castillo, membre du SITRAMJ. Elle observe que ce syndicat a déposé une plainte qui est examinée par le Comité de la liberté syndicale et se réfère à une série de licenciements antisyndicaux (cas no 2978). Rappelant que l’absence de jugement contre les coupables de crime à l’encontre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes comporte une impunité de fait qui aggrave le climat de violence et d’insécurité, ce qui est extrêmement préjudiciable à l’exercice des activités syndicales, la commission exprime également sa profonde préoccupation devant la réduction du nombre de condamnations pour meurtre de dirigeants syndicaux et de syndicalistes. En prenant dûment note de certaines mesures prises par les autorités afin d’améliorer l’efficacité des enquêtes sur les assassinats de dirigeants syndicaux et de syndicalistes, et pour améliorer l’efficacité de la protection des dirigeants syndicaux et des syndicalistes menacés (en particulier l’adoption de l’instruction no 01-2015 du ministère public et la mise en place de la ligne téléphonique d’urgence), la commission constate la grave absence de progrès à cet égard et prie instamment et fermement le gouvernement de continuer de faire tout son possible pour: i) enquêter sur tous les actes de violence commis contre des dirigeants syndicaux et des syndicalistes afin de déterminer les responsabilités et de sanctionner les coupables, en prenant pleinement compte, au cours des enquêtes, des activités syndicales des victimes; et ii) assurer une protection rapide et efficace à tous les dirigeants syndicaux et les syndicalistes en situation de risque. La commission prie en particulier le gouvernement de redoubler d’efforts pour: i) développer la collaboration initiée entre le ministère public et la CICIG; ii) créer des tribunaux spéciaux pour traiter plus rapidement les crimes et les délits commis à l’encontre des membres du mouvement syndical; et iii) accroître le budget alloué aux systèmes de protection en faveur des membres du mouvement syndical, de sorte que les personnes protégées n’aient pas à financer personnellement les dépenses découlant de ces systèmes de protection. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur toutes les mesures adoptées et les résultats obtenus à cet égard.

Problèmes de caractère législatif

Articles 2 et 3 de la convention. La commission rappelle que, depuis plusieurs années, elle prie le gouvernement de prendre des mesures pour modifier les dispositions législatives suivantes:
  • -l’article 215 c) du Code du travail qui prévoit de réunir la majorité absolue des travailleurs d’un secteur déterminé pour pouvoir constituer un syndicat de branche;
  • -les articles 220 et 223 du Code du travail qui prévoient l’obligation d’être d’origine guatémaltèque et de travailler dans l’entreprise ou dans le secteur économique en question pour pouvoir être élu dirigeant syndical;
  • -l’article 241 du Code du travail qui prévoit que, pour être licite, la grève doit être déclarée non pas par la majorité des votants, mais par la majorité des travailleurs; et l’article 4, alinéas d), e) et g), du décret no 71-86, modifié par le décret législatif no 35-96 du 27 mars 1996, qui prévoit la possibilité d’imposer l’arbitrage obligatoire dans les services non essentiels et crée d’autres obstacles au droit de grève, ainsi que les articles 390, alinéa 2, et 430 du Code pénal et le décret no 71-86, qui prévoient des sanctions professionnelles et des sanctions civiles et pénales applicables en cas de grève de fonctionnaires ou de travailleurs de certaines entreprises.
En outre, la commission demande depuis plusieurs années au gouvernement de prendre des mesures pour que plusieurs catégories de travailleurs du secteur public (engagés en vertu du poste 029 et d’autres postes du budget) jouissent des garanties prévues dans la convention.
La commission rappelle que le gouvernement s’est engagé, en vertu de la feuille de route de 2013, à présenter à la Commission tripartite sur les questions internationales du travail les projets de réforme législative nécessaires, et à ce que le Congrès de la République adopte la législation correspondante.
La commission prend note de ce qui ressort du rapport du gouvernement ainsi que des observations des partenaires sociaux, à savoir: i) la commission du travail du Congrès a tenu en 2015 deux réunions de travail avec les partenaires sociaux afin de connaître leur position quant aux réformes demandées par la commission; ii) le 3 septembre 2015, le secteur du travail a présenté au bureau du ministère du Travail un nouveau projet de réformes du Code du travail contenant les réformes demandées par la commission au sujet de la convention; iii) les employeurs estiment nécessaire de poursuivre l’analyse de la viabilité des recommandations de la commission et approuvent la nécessité d’une réforme globale de la législation; iv) la Commission tripartite sur les questions internationales du travail a adressé le 24 septembre 2015 une demande au représentant du Directeur général du BIT au Guatemala afin de désigner un expert pour fournir l’assistance technique aux mandants dans le processus de la réforme législative. Tout en accueillant favorablement la demande d’assistance technique adressée au BIT, la commission rappelle que, depuis plusieurs années, elle prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les réformes législatives mentionnées soient adoptées. La commission exprime donc le ferme espoir qu’elle prendra note de l’adoption de ces réformes dans le prochain rapport du gouvernement.

Application de la convention dans la pratique

Enregistrement d’organisations syndicales. Comme dans les années précédentes, la commission prend note des observations récurrentes des organisations syndicales sur les entraves à l’enregistrement des organisations syndicales. Elle note également que dans le cadre de la procédure de plainte relative au non-respect par le Guatemala de la convention présentée en vertu de l’article 26 de la Constitution de l’OIT: i) le Conseil d’administration du BIT a déclaré en juin 2015 (document GB.324/INS/4) et en novembre 2015 (document GB.325/INS/8) l’inscription sans entrave des organisations syndicales de la part des autorités du ministère du Travail et de la Protection sociale comme faisant partie des points prioritaires requérant des actions supplémentaires et urgentes de la part du gouvernement; ii) le gouvernement a communiqué au Conseil d’administration les statistiques suivantes relatives à l’inscription des syndicats depuis 2013: 52 demandes d’inscription en 2013, qui ont donné lieu à l’inscription de 17 personnalités, 35 demandes en 2014, qui ont donné lieu à 19 inscriptions, et 56 demandes en 2015, qui ont donné lieu à 30 inscriptions. La commission prend également note des conclusions et des recommandations émises par le Comité de la liberté syndicale en novembre 2015 dans le cadre du cas no 3042 relatif au refus d’enregistrement de 57 organisations syndicales. La commission observe que le Comité de la liberté syndicale, outre les problèmes législatifs mentionnés précédemment dans l’observation (conditions préalables à la constitution de syndicats de l’industrie, déni du droit de liberté syndicale aux travailleurs précaires de l’Etat), a constaté: i) la durée excessive et complexe du processus d’enregistrement; ii) la fréquence à laquelle l’administration du travail demande des modifications de fond aux statuts concernant l’autonomie syndicale; iii) l’interprétation excessivement vaste de la notion de travailleur de direction et de confiance de la part de l’administration du travail.
La commission exprime sa profonde préoccupation face aux entraves à franchir pour l’enregistrement des organisations syndicales. La commission prie donc à nouveau instamment le gouvernement de veiller à abolir les divers obstacles législatifs à la libre constitution des organisations syndicales susmentionnées et, en consultation avec les centrales syndicales et les organisations d’employeurs du pays, et avec l’appui du représentant spécial du Directeur général du BIT au Guatemala, de réviser le traitement des demandes d’inscription en vue d’adopter une démarche qui permette de résoudre dans des délais très brefs, avec les fondateurs des organisations syndicales, les problèmes de fond ou de forme qui se posent, et de faciliter le plus rapidement possible l’enregistrement des organisations syndicales. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les initiatives prises et les résultats ainsi obtenus.
Résolution des conflits en matière de liberté syndicale et de négociation collective. La commission accueille favorablement le déroulement des activités de la Commission de traitement des conflits déférées à l’OIT en matière de liberté syndicale et de négociation collective (nommée ci-après la Commission de traitement des conflits) qui a été créée dans le cadre de l’application de la feuille de route avec l’aide du représentant spécial du Directeur général du BIT au Guatemala. La commission prend note du fait que le CACIF indique que 17 cas sont actuellement traités auprès de la Commission de traitement des conflits, dont deux se réfèrent au secteur privé. En ce qui concerne la médiation relative au cas no 3040 soumis au Comité de la liberté syndicale, le CACIF déclare que la Commission de traitement des conflits a reconnu et salué les progrès accomplis en ce qui concerne la résolution de la violation du droit de la liberté syndicale. La commission veut croire que la Commission de traitement des conflits continuera à se renforcer et contribuera à résoudre les nombreux cas de dénonciation des violations de la convention signalés par les organisations syndicales.
Campagne de sensibilisation sur la liberté syndicale et la négociation collective. La commission accueille favorablement le lancement dans les moyens de communication officiels du pays, le 30 octobre 2015, d’une campagne de sensibilisation sur la liberté syndicale dont le contenu, préparé avec l’appui du BIT, a été sélectionné par le biais du processus tripartite. Afin que le message de cette campagne soit perçu par le plus grand nombre possible de citoyens, la commission invite le gouvernement à en assurer sa diffusion dans les moyens de communication de masse du pays et à fournir toute information à cet égard.
Secteur des maquilas. Prenant note de l’absence d’informations du gouvernement sur l’application de la convention dans le secteur des maquilas, la commission prie à nouveau le gouvernement de: i) intensifier ses efforts pour garantir et promouvoir le plein respect des droits syndicaux dans ce secteur; ii) prêter une attention particulière aux maquilas dans le cadre de la campagne de sensibilisation; et iii) continuer de fournir des informations sur l’exercice dans la pratique des droits syndicaux dans ce secteur.
Enfin, la commission se félicite du projet du BIT financé par la Direction générale du commerce de la Commission européenne, visant à aider les pays bénéficiaires du Système général de préférence (GSP+), afin que les normes internationales du travail soient appliquées de manière effective, le Guatemala étant l’un des quatre pays inclus dans le projet.
Tenant dûment compte du fait qu’un nouveau gouvernement entrera en fonction en janvier 2016, la commission veut croire que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour corriger les violations graves de la convention constatées par les organes de contrôle de l’OIT et tirera pleinement profit de l’assistance technique mise à sa disposition par le Bureau ainsi que les ressources disponibles à travers la coopération internationale.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2016.]
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