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Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Niger (Ratification: 1961)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Niger (Ratification: 2015)

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Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Esclavage et pratiques analogues. Depuis de nombreuses années, la commission examine la question de la persistance de pratiques esclavagistes au Niger et attire l’attention du gouvernement sur la nécessité d’accompagner la législation incriminant l’esclavage d’une stratégie globale de lutte contre l’esclavage envisageant des mesures de sensibilisation de la société et des autorités compétentes, des mesures de lutte contre la pauvreté ainsi que des mesures d’accompagnement et de réinsertion des victimes.
Cadre institutionnel et stratégie de lutte contre l’esclavage. La commission a précédemment considéré que la création en 2006 de la Commission nationale de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination constituait une mesure importante. Elle s’est toutefois déclarée préoccupée par le fait que cette commission ne disposait pas de moyens pour se réunir et que le plan d’action national de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination n’avait pas pu être mis en œuvre. Dans son rapport, le gouvernement indique que les dispositions nécessaires pour redynamiser la Commission nationale de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination sont en train d’être prises. Il précise que la Commission nationale de coordination et de lutte contre la traite des personnes et l’Agence nationale du même nom mènent un nombre important d’activités de sensibilisation et d’information sur le phénomène de la traite des personnes, qui mettent également l’accent sur les pratiques esclavagistes. Ces activités ont également visé à vulgariser le dispositif législatif de lutte contre la traite des personnes, y compris l’esclavage, auprès des autorités chargées de faire appliquer la loi.
La commission prend note de ces informations. Elle accueille favorablement le fait que les activités menées par les organes chargés de lutter contre la traite des personnes aient également pu permettre d’appréhender le phénomène de l’esclavage et de sensibiliser la société et les autorités compétentes à ce sujet. La commission souligne cependant que la lutte contre les pratiques esclavagistes appelle des mesures spécifiques différentes de celles que requiert la lutte contre la traite des personnes dans la mesure où ces pratiques revêtent des caractéristiques propres et constituent des infractions différentes. Par ailleurs, compte tenu de la complexité des facteurs qui sont à l’origine de la persistance des pratiques esclavagistes, la commission exprime une nouvelle fois le ferme espoir que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires pour adopter une stratégie spécifique de lutte contre l’esclavage qui, sur la base d’un état des lieux préalable, déterminera les actions à mener, les objectifs précis à atteindre et sera dotée des moyens adéquats pour sa mise en œuvre. La commission veut croire que suite aux mesures prises par le gouvernement, la Commission nationale de lutte contre les survivances du travail forcé et la discrimination sera en mesure de mener à bien ses fonctions et de coordonner les mesures de lutte contre l’esclavage. Enfin, rappelant que la sensibilisation de l’ensemble de la population, y compris les autorités religieuses, constitue un élément essentiel de cette lutte, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les activités menées à cet égard. Prière également d’indiquer les programmes spécifiquement destinés aux anciens esclaves ou descendants d’esclaves visant à leur assurer des moyens de subsistance suffisants pour ne pas se retrouver dans une situation de dépendance propice à l’exploitation de leur travail.
Cadre législatif et application de sanctions pénales efficaces. La commission s’est précédemment référée à la loi no 2003-025 du 13 juin 2003 qui a inséré dans le Code pénal les articles 270-1 à 270-5, qui définissent les éléments constitutifs du crime d’esclavage et des différents délits d’esclavage et prévoient les sanctions applicables. Elle a souligné qu’il était indispensable que les victimes d’esclavage soient effectivement en mesure de s’adresser aux autorités policières et judiciaires pour faire valoir leurs droits et que les auteurs de crime ou délit d’esclavage soient traduits en justice.
Le gouvernement indique que la loi de 2003 est appliquée dans toute sa rigueur quand les autorités sont saisies. Il ajoute qu’en 2011 une loi a été adoptée fixant les règles applicables à l’assistance juridique et judiciaire et créant l’Agence nationale de l’assistance juridique et judicaire. Parmi les composantes de cette assistance juridique figurent la sensibilisation des populations sur les droits et la justice, l’orientation vers les instances chargées de la mise en œuvre de ces droits, l’assistance à la rédaction d’actes juridiques et l’accomplissement de toute démarche en vue de faire valoir ses droits. Le gouvernement indique que cette assistance constitue une avancée significative pour permettre aux victimes de voir leurs droits rétablis. Il se réfère également à un arrêt rendu en mai 2014 par la Cour d’assises de Birni Konni condamnant un homme à quatre ans de prison ferme pour crime d’esclavage ainsi qu’à une amende et au versement de dommages et intérêts en faveur de l’ONG plaignante.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle relève toutefois que, depuis l’adoption des dispositions incriminant l’esclavage en 2003, très peu d’informations ont été communiquées sur les poursuites judiciaires engagées et les sanctions prononcées à l’encontre de ceux qui pratiquent l’esclavage. Elle espère que les mesures adoptées pour assurer une assistance juridique aux victimes permettront à ces dernières de pourvoir faire valoir leurs droits de manière plus efficace et sans peur de représailles. La commission souligne à cet égard que les victimes de l’esclavage se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité économique et psychologique qui requiert une action spécifique de l’Etat. La commission exprime donc le ferme espoir que des campagnes de sensibilisation et de vulgarisation concernant spécifiquement les dispositions incriminant l’esclavage seront menées dans les zones où des pratiques esclavagistes ont été constatées, et que celles-ci cibleront tant la population que les autorités concernées. La commission prie également le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour renforcer les capacités des forces de l’ordre, des autorités de poursuite et des autorités judiciaires en vue d’une meilleure compréhension, identification et répression des pratiques esclavagistes. La commission espère que le gouvernement sera en mesure de fournir, dans son prochain rapport, des informations sur les plaintes déposées, les procédures judiciaires initiées et les décisions de justice prononcées sur la base des articles 270-1 à 270-5 du Code pénal.
Enfin, la commission prend note du rapport publié en juillet 2015 par la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, y compris leurs causes et leurs conséquences suite à sa mission au Niger (A/HRC/30/35/Add.1). Elle relève que la rapporteure spéciale constate que le gouvernement est déterminé à éradiquer l’esclavage et les pratiques analogues mais qu’il se heurte à un certain nombre de difficultés «pour s’attaquer efficacement aux causes profondes de ce fléau, notamment la pauvreté, les inégalités et les règles coutumières, qui sont à l’origine de la discrimination généralisée à l’encontre d’anciens esclaves et de leurs descendants et qui sapent les efforts visant à instaurer d’autres modes de subsistance». La rapporteure souligne la nécessité d’améliorer la coordination et l’efficacité des mesures antiesclavagistes, de garantir l’application effective de la loi, d’élargir l’accès à la justice et de renforcer la protection et l’autonomisation des victimes. La commission encourage fermement le gouvernement à intensifier ses efforts pour mettre fin à toute pratique esclavagiste qui prive la personne de son libre arbitre et du libre choix de son travail. La commission espère qu’à cette fin le gouvernement pourra continuer de bénéficier de l’assistance technique du Bureau.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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