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Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - République démocratique du Congo (Ratification: 1960)

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La commission note avec préoccupation que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler ses précédents commentaires.
Répétition
Suivi de la discussion de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 103e session, mai-juin 2014)
La commission prend note de la discussion qui a eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence ainsi que des observations formulées par la Confédération syndicale du Congo (CSC) sur l’application de la convention, reçues le 28 août 2014.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Travail forcé et esclavage sexuel dans le cadre du conflit armé. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note des informations émanant de la CSC, de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de rapports établis par plusieurs organes des Nations Unies confirmant la persistance de graves violations des droits de l’homme commises par les forces de sécurité de l’Etat et divers groupes armés dans le cadre du conflit armé qui sévit en République démocratique du Congo. Ces informations se référaient à des actes d’enlèvement de femmes et d’enfants en vue de leur utilisation comme esclaves sexuels, à l’imposition de travail forcé lié à l’exploitation illégale des ressources naturelles dans beaucoup de zones riches en ressources, principalement dans la Province Orientale, les Kivus et le Nord-Katanga, aux enlèvements de personnes pour les contraindre à prendre part à des activités telles que les travaux domestiques, la coupe du bois, l’extraction de l’or et la production agricole au profit de groupes armés. Tout en étant consciente de la complexité de la situation et des efforts déployés par le gouvernement pour rétablir la paix et la sécurité, la commission a rappelé que le non-respect de la règle de droit, le climat d’impunité et la difficulté pour les victimes d’accéder à la justice contribuent à ce que ces graves violations de la convention continuent à être commises.
La commission note que, lors de la discussion sur l’application de la convention au sein de la Commission de l’application des normes, le représentant gouvernemental a déclaré que, avec l’appui de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), les territoires qui étaient sous le contrôle de groupes armés ont été repris par l’armée régulière, et que le gouvernement a engagé des poursuites et organisé des procès qui ont abouti à de sévères condamnations des auteurs de ces crimes. Il a également réaffirmé la volonté du gouvernement de poursuivre les auteurs de violations des droits de l’homme et de mettre fin à l’impunité, soulignant que les faits évoqués par la commission relevaient désormais largement du passé. Le gouvernement a déployé, avec l’appui de la coopération internationale, des brigades de police spécialisées, dites brigades de proximité, pour rétablir l’autorité de l’Etat et ainsi assurer la protection des populations civiles. Tout en notant la difficulté de la situation et les efforts déployés par le gouvernement, de nombreux intervenants ont souligné la nécessité d’intensifier les efforts pour lutter contre l’impunité et assurer une protection adéquate des victimes de ces violations. La nécessité de renforcer l’inspection du travail, en particulier dans les zones d’exploitation minière, a également été soulignée.
La commission note que, dans sa communication d’août 2014, tout en reconnaissant les efforts déployés par le gouvernement pour lutter contre les violations massives des droits de l’homme, la CSC confirme que le travail forcé reste et demeure très préoccupant puisqu’il s’intensifie. La CSC se réfère, à titre d’exemple, aux événements de juillet 2014 en Ituri (Province Orientale) où un groupe armé a enlevé des femmes et des enfants pour les soumettre à l’exploitation sexuelle et au travail forcé dans l’extraction et le port des minerais. Ainsi, selon la CSC, les mesures destinées à sanctionner les auteurs de ces actes ne sont ni fermes ni efficaces et l’impunité encourage leur propagation.
La commission prend également note des différents rapports émanant notamment du Secrétaire général des Nations Unies, du Conseil de sécurité des Nations Unies et du Haut-Commissaire aux droits de l’homme sur la situation en République démocratique du Congo (document A/HRC/27/42, documents S/2014/697, S/2014/698 et S/2014/222). La commission relève que ces derniers reconnaissent les efforts accomplis par le gouvernement pour poursuivre pénalement les auteurs des violations des droits de l’homme, y compris les fonctionnaires de l’Etat. Ils demeurent cependant préoccupés par la situation des droits de l’homme en République démocratique du Congo et par les rapports récurrents faisant état de violences, y compris de violence sexuelle, par des groupes armés et des forces armées nationales, notamment dans les provinces de l’est de la République démocratique du Congo. Le conseil de sécurité a rappelé à cet égard qu’il ne doit pas y avoir d’impunité pour les personnes responsables d’atteintes aux droits de l’homme. Le Haut-Commissaire souligne, quant à lui, que le système judiciaire fait face à des défis nombreux pour enquêter et poursuivre les violations des droits de l’homme, le manque de moyens, de personnel et d’indépendance des tribunaux militaires, quand ils existent, constituant également un problème.
La commission prend note de l’ensemble de ces informations et prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts pour mettre fin aux violences perpétrées contre les civils dans le but de les soumettre au travail forcé et à l’exploitation sexuelle. Considérant que l’impunité contribue à la propagation de ces violations graves, la commission veut croire que le gouvernement continuera de lutter avec détermination contre l’impunité et à doter les juridictions civiles et militaires des moyens appropriés afin de s’assurer que les auteurs de ces violations graves de la convention sont traduits en justice et sanctionnés. La commission prie également le gouvernement de prendre des mesures pour protéger les victimes et leur permettre de se réinsérer.
Article 25. Sanctions pénales. La commission rappelle que, mises à part les dispositions de l’article 174c et 174e relatives à la prostitution forcée et à l’esclavage sexuel, le Code pénal ne prévoit pas de sanctions pénales adaptées pour sanctionner l’imposition du travail forcé. En outre, les sanctions prévues par le Code du travail à cet égard ne revêtent pas le caractère dissuasif requis par l’article 25 de la convention (l’article 323 du Code du travail établissant une peine de servitude pénale principale de six mois au maximum et une amende, ou l’une de ces deux peines seulement). La commission exprime le ferme espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires en vue de l’adoption dans les plus brefs délais de dispositions législatives adéquates pour que, conformément à l’article 25 de la convention, des sanctions pénales efficaces et dissuasives puissent être effectivement appliquées aux personnes qui imposent du travail forcé.
Abrogation de textes permettant d’imposer un travail à des fins de développement national, comme moyen de recouvrement de l’impôt, et aux personnes en détention préventive. Depuis plusieurs années, la commission demande au gouvernement d’abroger formellement ou de modifier les textes législatifs et réglementaires suivants qui sont contraires à la convention:
  • – la loi no 76-011 du 21 mai 1976 relative à l’effort de développement national et son arrêté d’application, l’arrêté départemental no 00748/BCE/AGRI/76 du 11 juin 1976 portant exécution de tâches civiques dans le cadre du programme national de production vivrière: ces textes, qui visent à accroître la productivité dans tous les secteurs de la vie nationale, obligent, sous peine de sanction pénale, toute personne adulte et valide, qui n’est pas considérée comme apportant déjà sa contribution dans le cadre de son emploi, à effectuer des travaux agricoles et de développement décidés par le gouvernement;
  • – l’ordonnance-loi no 71/087 du 14 septembre 1971 sur la contribution personnelle minimum, dont les articles 18 à 21 permettent au chef de la collectivité locale ou au bourgmestre de prononcer la contrainte par corps avec obligation de travailler à l’encontre des contribuables qui ne se seraient pas acquittés de leur contribution personnelle minimum;
  • – l’ordonnance no 15/APAJ du 20 janvier 1938 relative au régime pénitentiaire dans les prisons des circonscriptions indigènes, qui permet d’imposer du travail aux personnes en détention préventive (cette ordonnance ne faisant pas partie de la liste des textes abrogés par l’ordonnance no 344 du 15 septembre 1965 régissant le travail pénitentiaire).
La commission note que le représentant gouvernemental a indiqué à ce sujet au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence qu’un projet de loi abrogeant les anciens textes autorisant le recours au travail forcé à des fins de développement national se trouve devant le Parlement et qu’il sera communiqué dès qu’il aura été adopté. La commission note que la CSC indique à cet égard que ce projet de loi ne constitue pas une priorité pour le Parlement. La commission veut croire que le gouvernement pourra faire état dans son prochain rapport de l’abrogation formelle des textes précités auxquels elle se réfère depuis de nombreuses années et dont le gouvernement indique qu’ils sont caducs.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
La commission s’attend à ce que le gouvernement fasse tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un proche avenir.
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