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Observation (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Paraguay (Ratification: 1967)

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La commission prend note du rapport du gouvernement ainsi que des observations de la Centrale unitaire des travailleurs-Authentique (CUT-A) et de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues respectivement les 1er juillet et 31 août 2016.
Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention. Travail forcé des travailleurs indigènes. La commission a précédemment fermement encouragé le gouvernement à continuer de prendre les mesures nécessaires, dans le cadre d’une action coordonnée et systématique, pour répondre à l’exploitation économique et en particulier la servitude pour dettes à laquelle continuent d’être soumis certains travailleurs indigènes, notamment dans la région du Chaco. La commission a noté l’adoption de plusieurs mesures qui témoignaient de l’engagement du gouvernement à traiter ce problème. Elle a noté en particulier l’action menée par la Commission des droits fondamentaux au travail et de la prévention du travail forcé et la création d’une sous-commission dans la région du Chaco; l’établissement d’un bureau de la Direction du travail dans la localité de Teniente Irala Fernandez (Chaco central); les activités menées en collaboration avec le Bureau international du Travail en vue de l’élaboration de la stratégie nationale de prévention du travail forcé; et la création au sein de l’inspection du travail d’une unité technique de prévention et d’éradication du travail forcé. La commission a demandé au gouvernement de s’assurer que ces différentes structures sont dotées des moyens adéquats pour mener des contrôles appropriés dans les régions concernées, identifier les victimes et enquêter sur les plaintes reçues, et de s’assurer que la stratégie nationale de prévention du travail forcé est adoptée.
La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique que la Commission des droits fondamentaux au travail et de la prévention du travail forcé s’est réunie en juillet et décembre 2015 en vue de l’élaboration d’un projet de stratégie nationale de prévention du travail forcé. Pour alimenter ce processus, le ministère du Travail a mené plusieurs ateliers, certains tripartites et d’autres destinés spécifiquement aux représentants des communautés indigènes, des organisations de travailleurs ou des organisations d’employeurs. A cet égard, le gouvernement communique un projet de stratégie pour 2016 2020 qui a été adopté le 15 novembre 2016 (décret no 6285). La commission observe que cette stratégie adopte une approche orientée vers les résultats et constitue le cadre pour la formulation des politiques et plans régionaux et locaux. Elle énonce trois objectifs principaux: éduquer et sensibiliser aux situations de travail forcé; élaborer et mettre en œuvre un système intégral de prévention, détection et élimination du travail forcé ainsi que de protection des victimes; diminuer la vulnérabilité de la population au travail forcé. A ce sujet, la CSI indique que les organisations de travailleurs n’ont pas été suffisamment consultées lors de l’élaboration de la stratégie. La CUT-A considère que la stratégie est générale et ne contient pas d’actions spécifiques en particulier par rapport aux communautés indigènes du Chaco et de la région orientale. En outre, les objectifs stratégiques n’intègrent pas un volet comprenant la répression et la sanction des auteurs. Pour la CUT-A, la stratégie devrait faire référence au renforcement institutionnel de l’inspection du travail et au besoin de coordination entre l’inspection et le ministère public.
La commission reconnaît que le processus participatif ayant amené à l’élaboration de la stratégie nationale de prévention du travail forcé constitue un pas important dans la lutte contre le travail forcé, et prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts pour que la stratégie soit effectivement mise en œuvre, en particulier dans les régions où l’Etat est peu présent et où des indices de travail forcé ont été identifiés (Chaco et région orientale). Cet objectif pourrait être atteint notamment à travers l’adoption de plans d’action régionaux. La commission prie le gouvernement d’indiquer les actions prioritaires qui ont été définies et les mesures prises pour accroître la sensibilisation au travail forcé; répondre à la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent les travailleurs indigènes; et protéger les victimes qui auraient été identifiées. La commission renvoie également le gouvernement aux commentaires qu’elle formule sous la convention (nº 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989.
Application de sanctions efficaces. La commission a précédemment insisté sur la nécessité de renforcer les capacités des organes chargés de faire appliquer la loi et de compléter le cadre législatif de lutte contre le travail forcé afin que les victimes puissent effectivement accéder à la justice et que les personnes qui imposent du travail forcé soient sanctionnées. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle les effectifs de l’inspection du travail ont été renforcés en 2015 sur l’ensemble du territoire avec le recrutement de 30 inspecteurs du travail ayant reçu une formation sur les droits fondamentaux au travail, dont le travail forcé. En avril 2015, une délégation du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale s’est rendue dans la région du Chaco paraguayen pour examiner les conditions de travail dans les exploitations agricoles. En outre, au cours du deuxième semestre 2015, des visites d’inspection ont également eu lieu dans cette région, au terme desquelles l’inspection a constaté certaines violations du droit du travail, mais n’a pas identifié de cas de travail forcé. Le gouvernement ajoute que, depuis mars 2015, des nouveaux tribunaux ont été installés dans la région du Chaco paraguayen avec la désignation de juges compétents en matière pénale, civile, commerciale et du travail.
La commission note que, dans leurs observations, la CUT-A et la CSI se réfèrent au manque de moyens et aux difficultés de fonctionnement du bureau de la Direction du travail installé dans le Chaco central. Ce bureau étant trop éloigné de la capitale départementale, les travailleurs indigènes se trouvent pratiquement dans l’impossibilité de s’y rendre pour dénoncer les violations dont ils seraient victimes. Les organisations syndicales indiquent également que, dans la pratique, la Direction du travail indigène et l’Unité technique de prévention et d’éradication du travail forcé de l’inspection du travail ne sont pas en mesure de fonctionner. En outre, la CUT-A réfute l’affirmation selon laquelle il n’y a pas de travail forcé au Paraguay, et fait part de sa préoccupation face au fait que les travailleurs qui sont victimes d’exploitation ou de servitude pour dettes ne disposent pas dans la pratique d’un mécanisme effectif pour dénoncer leur situation et garantissant leur anonymat vis-à-vis des employeurs. A cet égard, la CUT-A remarque que la visite menée par la délégation du ministère du Travail en 2015 dans la région du Chaco a fait l’objet de publicité et incluait des employeurs. S’agissant des visites d’inspection menées dans les exploitations agricoles et de l’absence de cas de servitude pour dettes détectés, la CUT-A considère que des éléments liés à l’existence de mécanismes d’endettement et à des irrégularités dans le paiement des salaires n’ont pas été suffisamment examinés. Enfin, la CUT-A évoque la question des prix élevés pratiqués par les employeurs dans les économats dans lesquels les travailleurs n’ont d’autre choix que d’acheter leurs biens de première nécessité ainsi que les déductions pratiquées sur leurs salaires.
La commission relève avec une profonde préoccupation les difficultés de fonctionnement auxquelles sont confrontées les structures mises en place pour permettre aux travailleurs indigènes qui seraient victimes d’exploitation au travail de faire valoir leurs droits ainsi que le manque d’informations sur les activités que ces structures mènent. Compte tenu des particularités géographiques du pays et de la grande pauvreté dans laquelle se trouvent certaines communautés, la commission rappelle qu’il est indispensable que le gouvernement continue de renforcer la présence de l’Etat dans les régions concernées, en dotant les acteurs chargés de faire appliquer la loi des moyens pour identifier les situations de travail forcé et protéger les personnes les plus vulnérables. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de fournir des informations concrètes sur les moyens et les actions menées par l’Unité technique de prévention et d’éradication du travail forcé de l’inspection du travail, la sous-commission de la Commission des droits fondamentaux au travail et de la prévention du travail forcé établie dans la région du Chaco, et le bureau de la Direction du travail dans la localité de Teniente Irala Fernandez.
Rappelant que, en vertu de l’article 25 de la convention des sanctions pénales doivent être imposées et strictement appliquées aux personnes reconnues coupables d’avoir imposé du travail forcé, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les poursuites judiciaires engagées à l’encontre des personnes qui imposent du travail forcé, sous forme de servitude pour dettes ou autres. Notant l’absence de décisions de justice rendues à cet égard, la commission espère que le gouvernement ne manquera pas de s’assurer que la législation pénale nationale contient des dispositions suffisamment précises et adaptées aux circonstances nationales pour que les autorités compétentes puissent poursuivre pénalement les auteurs de ces pratiques et les sanctionner.
Article 2, paragraphe 2 c). Travail imposé aux prisonniers en détention préventive. Depuis de nombreuses années, la commission souligne la nécessité de modifier la loi pénitentiaire (loi no 210 de 1970), aux termes de laquelle les personnes soumises à des mesures de sûreté dans un établissement pénitentiaire ont également l’obligation de travailler en prison (article 39 lu conjointement avec l’article 10 de la loi). Or, en vertu de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention, seuls les détenus qui ont fait l’objet d’une condamnation judiciaire peuvent être soumis à l’obligation de travailler. A cet égard, le gouvernement se réfère à l’adoption du nouveau Code d’exécution des peines (loi no 5162/14). La commission observe que ce code réglemente l’exécution des sanctions pénales prononcées par les juridictions et qu’il ne contient pas de dispositions concernant les mesures de sûreté qui seraient imposées avant un jugement. La commission relève néanmoins que le nouveau Code d’exécution des peines n’abroge pas la loi pénitentiaire no 210 de 1970. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour abroger formellement les dispositions précitées de la loi no 210 de 1970 et pour s’assurer que les personnes qui font l’objet d’une mesure de sûreté dans un établissement pénitentiaire ne sont pas soumises à l’obligation de travailler en prison.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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