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Demande directe (CEACR) - adoptée 2016, publiée 106ème session CIT (2017)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Côte d'Ivoire (Ratification: 1961)

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La commission prend note de l’adoption de la loi no 2015-532 portant Code du travail, le 20 juillet 2015.
Article 1, paragraphe 1 a), de la convention. Motifs de discrimination interdits. La commission rappelle qu’elle avait demandé au gouvernement de saisir l’occasion offerte par la révision du Code du travail pour inclure «la couleur» dans la liste des motifs de discrimination interdits. Elle note avec regret que celui-ci n’a pas saisi l’opportunité de la révision du Code du travail pour inclure le motif de «la couleur» au nombre des motifs de discrimination formellement prohibés. Elle souhaite rappeler que les motifs de la race et de la couleur ne devraient pas être considérés comme identiques, car il peut exister des différences de couleur entre des personnes de la même race (voir étude d’ensemble sur les conventions fondamentales, 2012, paragr. 762). En outre, la commission note que, dans ses observations finales concernant le rapport initial de la Côte d’Ivoire sur l’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droit de l’homme des Nations Unies a relevé que l’un de ses principaux sujets de préoccupation est le sort des personnes atteintes d’albinisme (particularité génétique héréditaire qui affecte la pigmentation et se caractérise par un déficit de mélanine, qui est la substance qui donne sa couleur à la peau, aux cheveux et aux yeux) qui sont encore objet de discrimination et stéréotypes négatifs, ainsi que le caractère inadéquat des mesures prises pour les protéger contre toutes formes de discrimination (CCPR/C/CIV/C/1, 28 avril 2015, paragr. 9). Rappelant que les sept motifs énumérés à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention représentent une norme minimale ayant fait l’objet d’un accord lors de l’adoption de la convention en 1958, la commission réitère donc le souhait que le gouvernement envisage d’ajouter le motif de «la couleur» à la liste des motifs de discrimination interdits à l’occasion d’une prochaine révision législative.
Discrimination fondée sur le sexe. Harcèlement sexuel. La commission prend note avec intérêt que le nouveau Code du travail prohibe en son article 5 le harcèlement sexuel et moral. Elle note que le code établit la distinction entre le «harcèlement sexuel» qui s’apparente au chantage sexuel (quid pro quo) et le «harcèlement moral» qui résulte d’un environnement de travail hostile. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les mesures pratiques prises pour prévenir et combattre le harcèlement sexuel et moral, notamment les mesures qui ont été élaborées et mises en œuvre en collaboration avec les partenaires sociaux à cet égard.
Article 1, paragraphe 1 b). Autres motifs de discrimination. La commission note avec intérêt que le nouveau Code du travail adopté en 2015 a ajouté à la liste des motifs de discrimination interdits deux autres motifs, à savoir «la séropositivité au VIH ou le sida avérés ou présumés», ainsi que «le handicap» du travailleur (art. 4). A cet égard, la commission rappelle que la recommandation (nº 200) sur le VIH et le sida, 2010, offre de nombreuses orientations sur la manière de lutter dans la pratique contre la discrimination fondée sur le VIH et le sida en matière d’emploi et de profession. En ce qui concerne le handicap, la commission rappelle que le pays a ratifié en 1999 la convention (nº 159) sur la réadaptation professionnelle et l’emploi des personnes handicapées, 1983, et, en 2014, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, 2006. La commission souligne que, pour promouvoir l’égalité de chances et de traitement entre les personnes handicapées et les autres travailleurs, ce principe, une fois posé, doit être accompagné de mesures d’action positive visant à lutter contre la discrimination d’ordre structurel dont sont victimes les personnes handicapées du fait de l’exclusion et de la stigmatisation dont elles souffrent très tôt dans leur existence. La commission prie donc le gouvernement de bien vouloir fournir des informations sur les mesures concrètes prises ou envisagées (plans pour l’égalité, mesures positives, sensibilisation et information du grand public, développement d’outils pédagogiques en consultation avec les partenaires sociaux, renforcement des capacités des inspecteurs du travail et des magistrats, etc.) pour s’assurer que les travailleurs victimes de discrimination directe ou indirecte basée sur leur statut séropositif, réel ou supposé, ou leur handicap (y compris les personnes souffrant d’albinisme) bénéficient effectivement de la protection accordée par le nouveau Code du travail.
Article 1, paragraphe 3. Restrictions concernant l’accès des femmes à l’emploi et à certaines professions. La commission note que, selon les informations fournies par le gouvernement dans ses rapports antérieurs, aucun décret n’avait été pris en application de l’article 23.1 du Code du travail de 1995 concernant les travaux interdits aux femmes. Or, elle relève que le nouveau Code du travail a repris à l’identique l’article 23.1 du code de 1995; la question du décret d’application reste donc d’actualité. Par ailleurs, la commission note que le rapport du gouvernement est silencieux sur le fait que certaines dispositions du Code civil, en particulier l’article 67 qui interdit à une femme mariée d’exercer une profession séparée de celle de son mari s’il est établi judiciairement que l’exercice de cette profession est «contraire à l’intérêt de la famille», ont un effet discriminatoire à l’égard des femmes. Par conséquent, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier ou abroger les dispositions susceptibles de constituer un obstacle à l’exercice de certaines professions par les femmes, en particulier l’article 67 du Code civil, et de fournir des informations sur toute mesure prise en ce sens. La commission prie également le gouvernement de faire en sorte que les restrictions à l’emploi des femmes soient strictement limitées à la protection de la maternité et de fournir des informations sur tout texte pris en application de l’article 23.1 du nouveau Code du travail.
Article 2. Politique nationale visant à promouvoir l’égalité des chances et de traitement. La commission relève que, dans son rapport, le gouvernement indique que l’analyse a montré que la position défavorable des femmes sur le marché du travail tient non pas tant au cadre législatif qu’aux mentalités, us et coutumes qui ont pour effet de retarder l’accès des filles et des femmes à l’éducation formelle, d’où l’objectif de scolarisation universelle que s’est donné l’Etat ivoirien, et notamment l’accent mis sur l’éducation et la formation des filles et des femmes. Selon les statistiques mentionnées dans le rapport, en 2012, les femmes continuent à être sous représentées dans l’administration, en particulier dans la catégorie supérieure ou catégorie A, même s’il y a eu une légère amélioration depuis 2010 (28 pour cent contre 26,88 pour cent). Bien que le rapport ne fournisse pas de nouveaux chiffres sur la proportion de femmes dans le secteur privé formel (non agricole), il confirme qu’elle reste toujours très faible. Il faut dire que, d’une manière générale, le taux d’emploi informel en Côte d’Ivoire se situe à 91,2 pour cent (hommes et femmes confondus) et donc que la proportion de salariés dans le pays se situe à 18,1 pour cent. Le gouvernement souligne cependant que les femmes s’organisent et qu’il existe de nombreux groupements, comme par exemple la Fédération des femmes entrepreneurs, le Réseau ivoirien des femmes entrepreneurs, la Coalition des femmes leaders de Côte d’Ivoire, la Fédération des femmes chefs d’entreprises, les Femmes chefs d’entreprises mondiales-Côte d’Ivoire, la Fédération des entrepreneurs et femmes d’affaires de l’Afrique de l’Ouest, l’Association des femmes inventeurs et entrepreneurs de Côte d’Ivoire, etc. Le rapport indique que le problème majeur rencontré par les femmes entrepreneurs concerne l’accès au crédit et les montants insuffisants des crédits alloués pour combler les besoins en financement de ces femmes.
Par ailleurs, la commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement concernant les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Politique nationale sur l’égalité des chances, l’équité et le genre, 2009. Elle prend note, entre autres, des efforts déployés en matière: i) d’éducation, notamment en direction des filles (accroissement de l’offre éducative et mesures vigoureuses prises pour lutter contre l’analphabétisme féminin, par exemple); ii) de formation professionnelle (ouverture de toutes les filières professionnelles sans distinction de sexe, formation au genre de tous les acteurs et partenaires de l’éducation, formulation de systèmes de formation ou enseignement non discriminatoire, sensibilisation des communautés afin qu’elles soutiennent leurs filles dans le choix du métier qu’elles exerceront, accroissement du nombre de bourses accordés aux filles pour faciliter leur accès à la formation technique et professionnelle, mise en stage de filles diplômées dans des secteurs à dominance masculine et suivi de leur cursus pour s’assurer de leur insertion dans ces secteurs, promotion de la formation permanente à l’intention des filles et des femmes, etc.); et iii) d’emploi. En ce qui concerne plus précisément l’emploi, la commission note que l’enquête Emploi 2012 souligne que, si le chômage a baissé entre 2010 et 2012, il continue de toucher davantage les femmes (11,9 pour cent) que les hommes (7,4 pour cent) et que, face aux résultats mitigés de la politique nationale de l’emploi, le gouvernement a adopté en 2013 une stratégie de relance de l’emploi qui vise à renforcer les initiatives existantes à travers des mesures de relance pour stimuler la création d’emplois, notamment en direction des femmes et des jeunes.
Relativement aux pesanteurs socioculturelles qui font que, malgré l’existence des textes, les femmes ivoiriennes ont rarement accès, dans la pratique, à la propriété, notamment en zone rurale (moins de 10 pour cent de la superficie nationale) et aux principaux facteurs de production (terre, intrants, eau, crédit, capitaux, techniques adaptées, etc.), la commission relève que le gouvernement a initié des actions en faveur des femmes principalement axées sur le domaine agricole et le sous-secteur du commerce (formel et informel) avec la mise en place de programmes spécifiques (tels que, par exemple, le Projet de promotion, protection et autonomisation économique de la femme en milieu rural, 2014) ou l’accès à de nouvelles lignes de crédits par le biais de projets ou de Fonds (comme le Projet pour l’assistance et la réinsertion sociale des femmes victimes de violence en situation de conflit en Côte d’Ivoire qui œuvre en aidant des groupements féminins à mettre en place des activités génératrices de revenus au bénéfice des femmes déplacées de guerre; le renforcement de la surface financière du Fonds Femmes et développement et son extension à l’ensemble du pays; mise en place du Fonds d’appui aux femmes de Côte d’Ivoire, etc.), en plus de l’accès aux traditionnelles institutions de microfinance (mutuelles de crédit et d’épargne, coopératives). Elle note également que, parallèlement, les autorités ont mis l’accent sur la lutte contre les stéréotypes sexistes prévalant au sein de la société ivoirienne par des initiatives telles que la mise en place de sessions de formation sur les droits des femmes destinées au personnel judiciaire et auxiliaires de justice, forces armées, gendarmerie et police nationales; l’extension de la compétence des institutions de formation et éducation féminine au développement communautaire; la vulgarisation des instruments nationaux et internationaux consacrant les droits des femmes; la mise en place de cellules genre dans tous les ministères afin d’institutionnaliser la problématique hommes/femmes; la mise en place par l’Association des femmes juristes de Côte d’Ivoire du Projet d’amélioration de l’accès à la justice des femmes et groupes vulnérables avec l’appui du PNUD/ONUCI/UNICEF/UE; la traduction en langues nationales des instruments sur les droits de l’homme; les caravanes annuelles sur les droits de l’homme; les campagnes annuelles de vulgarisation portant sur les droits des femmes; développement d’outils de communication en langues nationales ou de supports pour les populations analphabètes; etc. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue d’adopter des mesures volontaristes visant à promouvoir l’égalité des chances entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi formel, ainsi que l’accès à la terre et au crédit. Dans ce contexte, la commission attire l’attention du gouvernement sur la recommandation (no 204) sur la transition de l’économie informelle vers l’économie formelle, 2015, qui peut fournir des orientations pertinentes en la matière, et l’encourage à poursuivre les actions de sensibilisation auprès de la population afin de lutter contre les stéréotypes traditionnels et attitudes patriarcales vis-à-vis des aspirations, préférences et aptitudes professionnelles des femmes et à leur rôle et leurs responsabilités au sein de la société et renforcer la confiance des filles et des femmes en leurs capacités. Enfin, elle invite le gouvernement à évaluer régulièrement l’efficacité des mesures et politiques mises en place (notamment par le biais de statistiques ventilées par sexe et la mise en place d’un système d’indicateurs sur l’égalité entre les sexes) pour s’assurer de leur impact réel sur la promotion de l’égalité de chances et de traitement dans l’emploi et la profession entre les hommes et les femmes. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats de ces évaluations périodiques ainsi que sur les éventuels ajustements apportés au vu des résultats obtenus.
Article  3 a). Collaboration avec les organisations d’employeurs et de travailleurs. Dans son rapport, le gouvernement affirme que les questions d’égalité dans l’emploi et la profession sont abordées dans les cadres tripartites (par exemple, la Commission consultative du travail ou le Conseil national du dialogue social) et bipartites (par exemple, la Commission indépendante permanente de concertation) existants. Suite à l’interdiction du harcèlement sexuel et moral dans l’emploi et la profession et de toute discrimination basée sur le handicap ou le statut séropositif réel ou supposé prévus par le nouveau Code du travail, la commission prie le gouvernement d’indiquer si les partenaires sociaux ont prévu de développer des instruments d’orientation, tels que codes de bonnes pratiques, codes de conduite ou directives, sur l’une ou l’autre de ces thématiques afin de faciliter la promotion de l’égalité de chances et de traitement entre travailleurs au sein des entreprises.
Contrôle de l’application. Notant que les personnes chargées de contrôler l’application de la législation du travail ont bénéficié de sessions de formation et sensibilisation sur le principe de l’égalité des chances et de traitement, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout cas de discrimination qu’auraient eu à traiter depuis lors les inspecteurs du travail, sur la base d’une plainte ou dans le cadre d’une visite d’inspection, et sur toute décision judiciaire rendue en la matière.
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