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Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 29) sur le travail forcé, 1930 - Thaïlande (Ratification: 1969)
Protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 - Thaïlande (Ratification: 2018)

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La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI), reçues le 1er septembre 2017.

Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT)

Article 1, paragraphe 1, article 2, paragraphe 1, et article 25 de la convention.

I. Situation de vulnérabilité des travailleurs migrants du secteur de la pêche au travail forcé et à la traite des personnes

La commission note que, à sa 329e session (mars 2017), le Conseil d’administration a approuvé le rapport du comité tripartite chargé d’examiner la réclamation présentée par la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF), alléguant l’inexécution par la Thaïlande de la convention.
La commission note que cette réclamation comprend deux catégories principales d’allégations d’inexécution de la convention. La première concerne la situation de travailleurs, en particulier de travailleurs migrants, employés à bord de navires de pêche thaïlandais, soumis à des conditions relevant du travail forcé et de la traite des personnes. La deuxième concerne la responsabilité de l’Etat d’assurer que l’interdiction du travail forcé est mise en œuvre de manière stricte au moyen de sanctions pénales adéquates et effectivement appliquées. La commission note également que le comité tripartite a examiné les allégations de la CSI et les explications données par le gouvernement quant aux mesures prises pour lutter contre le travail forcé et la traite des personnes dans le secteur de la pêche, notamment sous l’angle: a) des pratiques en matière de recrutement; et b) des pratiques dans le cadre de l’emploi.

a) Pratiques en matière de recrutement

La commission note que le comité tripartite a, à cet égard, examiné plusieurs questions: i) les intermédiaires et les frais mis à la charge des travailleurs au titre de leur recrutement; ii) la question de la substitution du contrat; et iii) la question de la corruption et des actes relevant de la traite des personnes.
i) Intermédiaires et frais mis à la charge des travailleurs au titre de leur recrutement. La commission observe que le comité tripartite a constaté que la loi de 1985 relative au recrutement et à la protection des demandeurs d’emploi constitue le principal texte législatif qui réglemente les pratiques de recrutement des agences d’emploi privées; que cette loi ne contient pas de dispositions spécifiques concernant la protection des travailleurs migrants au stade de leur recrutement; qu’elle ne prévoit pas de procédures tendant à réglementer les activités des intermédiaires, des agences de sous-traitance et des agences de recrutement qui fournissent une main-d’œuvre constituée de travailleurs migrants; qu’elle ne réglemente pas non plus le paiement de frais de recrutement par les travailleurs aux intermédiaires. Le comité tripartite a noté que le gouvernement a indiqué qu’une nouvelle ordonnance royale concernant le recrutement des travailleurs migrants devait être adoptée, aux fins d’une meilleure prévention des pratiques de recrutement abusives dont sont victimes des travailleurs migrants.
La commission note avec intérêt l’adoption de l’ordonnance royale B.E. 2560, du 23 juillet 2017, concernant l’administration de l’emploi des travailleurs étrangers (ci-après: «l’ordonnance royale B.E. 2560»). Selon le gouvernement, cette ordonnance a trois objectifs principaux: sanctionner avec plus de rigueur les délinquants; établir plus clairement les responsabilités en ce qui concerne les employeurs et les agences de recrutement agréées; et permettre aux ONG de faire usage du Fonds d’administration des travailleurs étrangers pour assister et protéger ces travailleurs contre l’exploitation. De plus, en vertu de l’ordonnance royale B.E. 2559 de 2015 relative à la demande de permis de travail, le fait de recruter des travailleurs migrants sans permis de travail constitue une infraction passible d’une peine maximale de trois ans d’emprisonnement et d’une amende de 200 000 à 600 000 baht (B) (soit 6 000 à 18 000 dollars E.-U.).
La commission note que la CSI déclare dans ses observations de janvier 2016 que Greenpeace a signalé que des travailleurs – des migrants et des Thaïlandais – employés à bord de certains bateaux de pêche ont dû verser à des intermédiaires des frais au titre de leur recrutement qui s’élevaient à 742 dollars E.-U. Ces travailleurs ont déclaré en outre n’avoir reçu avant de s’embarquer aucune information sur leurs conditions de travail, le paiement de leur salaires ou encore la durée de leur embarquement. Le régime selon lequel ils sont payés consiste en des avances sur salaires que des intermédiaires font parvenir par des transferts, sans aucune trace écrite, au domicile du travailleur et dans le versement d’une somme forfaitaire promise au travailleur à l’achèvement de son travail en mer.
La commission note que le gouvernement indique dans son rapport qu’il a interdit de mettre des frais de recrutement à la charge des travailleurs migrants, exception faite de frais tels que ceux afférents à l’établissement de leurs documents et à leur transport (art. 42 de la notification du Département de l’emploi relative à l’identification de la liste des travailleurs étrangers et au montant des frais pour services et des frais fixes et au formulaire des coûts afférents à l’entrée des travailleurs étrangers dans le royaume, en date du 14 novembre 2016). En cas d’infraction à ces dispositions, l’employeur encourt de six à douze mois d’emprisonnement.
Le gouvernement indique également qu’il a coopéré étroitement avec les pays d’origine (Myanmar, Cambodge et République démocratique populaire lao), à travers des consultations et des réunions bilatérales régulières, pour élaborer des protocoles d’accord visant l’instauration de pratiques de recrutement équitables. A titre d’exemple, il a signé un accord avec le gouvernement cambodgien concernant le recrutement de travailleurs de ce pays pour le secteur de la pêche sur la base du «projet pilote de gouvernement à gouvernement», en vertu duquel le gouvernement thaïlandais garantit un salaire minimum de 12 000 B par mois, le paiement du salaire par transfert bancaire, des conditions convenables d’hébergement et d’alimentation et une couverture d’assurance-maladie-accident. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) collabore au projet pilote. De plus, il existe un accord mutuel sur la création, avant la fin de 2017, d’un centre cambodgien pour les migrations. Ce centre sera chargé de la formation préalable au départ, de la facilitation de l’établissement des documents officiels requis pour les travailleurs migrants et aussi de l’assistance aux victimes éventuelles de pratiques relevant du travail forcé ou de la traite. La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts de manière à s’assurer que les travailleurs migrants du secteur de la pêche ne sont pas exposés à des pratiques de nature à accroître leur vulnérabilité au travail forcé, en particulier en ce qui concerne le paiement de frais au titre de leur recrutement et le recrutement par des intermédiaires illégaux. La commission prie le gouvernement de fournir de plus amples informations sur l’application dans la pratique de l’ordonnance royale B.E. 2560 de 2017 sur l’administration de l’emploi des travailleurs étrangers, en précisant le nombre et la nature des infractions détectées et les sanctions imposées en conséquence.
ii) Substitution de contrat. La commission note que le comité tripartite a observé que les travailleurs migrants sont toujours confrontés au problème de la substitution de contrat. Elle note que le gouvernement indique que la signature d’un contrat en bonne et due forme entre l’employeur et le travailleur est obligatoire (art. 14/1 et 17 de la loi B.E. 2541 (1998) sur la protection du travail et art. 6 du règlement ministériel B.E. 2557 (2014) concernant la protection au travail dans la pêche en mer) et qu’un contrat de travail doit être signé en deux exemplaires, dont un est remis au travailleur. Le protocole d’accord conclu avec les pays d’origine instaure un modèle type de contrat qui a été approuvé par le Département de la protection de la main-d’œuvre et de la prévoyance sociale (DLPW). Ces contrats doivent être rédigés à la fois en thaï et dans la langue du travailleur migrant (options disponibles actuellement: en khmer, en birman, en laotien et en anglais). Le contrat signé doit stipuler le montant des versements mensuels de salaire effectués par transfert bancaire et le montant de la commission de transfert, qui est mise à la charge de l’employeur. Le contrat doit être examiné par un inspecteur du travail du ministère du Travail.
En outre, conformément à la loi B.E. 2560 sur la pêche, de 2017, une pièce d’identité (appelée «livret du marin») doit être délivrée à tout travailleur migrant du secteur de la pêche lorsque l’armateur d’un navire à la pêche a signé le contrat type du DLPW avec un travailleur. En juin 2017, le Département de la pêche avait délivré 50 033 livrets du marin à des travailleurs migrants, dont 30 661 originaires du Myanmar, 18 050 originaires du Cambodge, 1 201 originaires de la République démocratique populaire lao, 31 originaires du Viet Nam et 90 apatrides. L’emploi à bord d’un navire de pêche sans pièce d’identité ou sans autorisation est passible d’une amende de 400 000 B (12 000 dollars E.-U.). La commission prie le gouvernement de poursuivre ses efforts en vue de s’assurer que l’interdiction de la substitution du contrat de travail est effectivement appliquée dans la pratique. A cet égard, la commission encourage le gouvernement à s’assurer que les autorités compétentes enregistrent et vérifient que le contrat signé correspond à l’offre initiale d’emploi que le travailleur a acceptée. Enfin, elle le prie de continuer de communiquer des données statistiques sur le nombre de travailleurs migrants employés dans la pêche à qui a été délivré un livret du marin, et sur le nombre des infractions constatées dans ce domaine.
iii) Corruption et traite des personnes. La commission note que le comité tripartite a considéré que la corruption des fonctionnaires peut créer un climat d’impunité qui accroît fortement la situation de vulnérabilité des pêcheurs migrants et constitue un obstacle majeur à l’identification des victimes du travail forcé et de la traite.
La commission note également que la CSI allègue dans ses observations que, en 2016, la Division de la Cour pénale de Bangkok compétente pour les faits de traite des personnes a jugé coupables d’actes de traite 62 personnes, parmi lesquelles plusieurs fonctionnaires de haut rang, qui ont été condamnés à l’emprisonnement à vie. La CSI ajoute que, souvent, des fonctionnaires corrompus appartenant à la police ou aux rangs supérieurs de l’administration menacent des témoins, des interprètes ou encore d’autres fonctionnaires de police.
La commission prend note des statistiques communiquées par le gouvernement selon lesquelles, pour la période 2014-2017, il a été dénombré 12 affaires mettant en cause 53 fonctionnaires gouvernementaux dans lesquelles des enquêtes ont été ouvertes pour des faits présumés de complicité de traite de travailleurs migrants dans le secteur de la pêche. En 2017, dix fonctionnaires de police ont été visés par des enquêtes de la Commission contre la corruption dans le secteur public. En 2016, l’Office contre le blanchiment d’argent (AMLO) a signalé neuf affaires de traite des personnes (travail forcé et traite à des fins d’exploitation sexuelle) dans le cadre desquelles les actifs des auteurs ont été placés sous séquestre.
Le gouvernement indique que l’une des principales difficultés auxquelles se heurtent les équipes multidisciplinaires qui effectuent des inspections à bord des navires de pêche dans le cadre de la recherche de victimes est de fournir aux victimes ou aux témoins des centres d’accueil. L’accueil des victimes de traite est du ressort du ministère du Développement social et de la Sécurité (MSDHS). La police royale thaïlandaise a également pour responsabilité d’assurer l’hébergement et la protection des personnes pour lesquelles une action en justice est en cours. En plus de l’entrée en service du Système de surveillance des navires (VMS), le Centre de commandement pour la répression de la pêche illégale (CCCIF) a mis en place le Système de messagerie de surveillance électronique et de signalement électronique (EM et ERS) qui renforcera les moyens de contrôle des transbordements illégaux en mer et permettra de déceler tout agissement qui relève de la traite des personnes. La commission prie le gouvernement de continuer de prendre des mesures proactives pour que les fonctionnaires gouvernementaux qui sont complices dans les affaires de traite des personnes soient poursuivis en justice et que des sanctions efficaces et suffisamment dissuasives soient imposées dans la pratique pour punir les infractions de cette nature. La commission encourage le gouvernement à continuer d’assurer au personnel des organes chargés de faire appliquer la loi une formation appropriée, de nature à renforcer leur capacité d’identifier les situations relevant de la traite des personnes.

b) Pratiques en matière d’emploi

i) Rétention des pièces d’identité (PIM). La commission note que le comité tripartite a souligné que la rétention des pièces d’identité des gens de mer (PIM) constitue un problème grave dans l’industrie thaïlandaise de la pêche et qu’en Thaïlande une telle rétention n’est pas spécifiquement interdite par la législation.
La commission note en outre que la CSI déclare dans ses observations que, tant les juridictions nationales que les autorités publiques, comme la Commission nationale des droits de l’homme de Thaïlande, ne reconnaissent pas que la rétention des pièces d’identité expose les travailleurs à une exploitation, et, au surplus, ces instances considèrent que la rétention de pièces d’identité n’implique pas nécessairement une contrainte au travail. Les autorités judiciaires estiment au contraire que la rétention des pièces d’identité se justifie, parce que cela en facilite l’inspection.
La commission note que, en vertu de l’article 131 de l’ordonnance royale B.E. 2560 de 2017, la rétention de pièces d’identité est désormais passible d’une peine d’emprisonnement n’excédant pas six mois ou d’une peine d’amende. L’article 68 dispose également que, tant qu’il travaille, le travailleur migrant devrait toujours être en possession de son permis de travail. Selon le gouvernement, l’instauration de 32 centres de contrôle portuaires d’entrée/sortie (PIPO) dans les 22 provinces côtières du pays s’est traduite par une amélioration de l’efficacité et de l’effectivité de l’application des dispositions légales. Sur la période du 1er au 31 août 2017, 412 navires de pêche, embarquant 4 995 pêcheurs (1 490 Thaïs, 1 836 Birmans, 1 633 Cambodgiens et 36 Laotiens), ont été inspectés. Il n’a pas été signalé de cas de rétention de pièces d’identité ou de livrets du marin ni de plaintes pour non-paiement du salaire ou pour faits de travail forcé ou de traite. La commission rappelle que la pratique de la rétention de pièces d’identité est un problème grave, car elle peut aggraver la vulnérabilité des travailleurs migrants engagés comme pêcheurs à des abus dès lors qu’ils ne sont plus en possession de leurs documents d’identité, puisque cela réduit leur liberté de mouvement et les empêche de rompre une relation d’emploi. A cet égard, la commission prie le gouvernement d’intensifier les efforts visant à ce que l’ordonnance royale B.E. 2560 de 2017 soit effectivement appliquée et que des sanctions suffisamment dissuasives soient imposées en cas de rétention de pièces d’identité des gens de mer aux employeurs qui enfreignent la loi.
ii) Rétention des salaires. La commission observe que le comité tripartite a encouragé le gouvernement à continuer d’intensifier ses efforts pour traiter le problème du non-paiement des salaires, notamment en prenant rapidement des mesures propres à assurer l’application effective dans la pratique du règlement ministériel B.E. 2557 de 2014 concernant la protection de la main-d’œuvre dans la pêche hauturière. Elle note que la CSI déclare dans ses observations que la rétention des salaires continue d’être une pratique courante en Thaïlande et que la faible application de la législation du travail et les difficultés d’accès à la justice dans de telles circonstances ne permettent pas de garantir le paiement des salaires.
La commission note que le gouvernement se réfère à l’article 8 du règlement ministériel B.E. 2557 de 2014 aux termes duquel l’employeur est tenu d’établir en langue thaïe un bulletin de salaire incluant le congé payé. L’article 11 interdit expressément à l’employeur toute retenue sur le salaire. Si un employeur omet délibérément de verser le salaire dans un délai de sept jours à compter du terme convenu initialement de son échéance, il doit verser une somme supplémentaire correspondant à 15 pour cent du montant non acquitté. En mai 2015, le DLPW, en coopération avec les équipes multidisciplinaires d’inspection à bord des navires de pêche et des fonctionnaires de l’ambassade du Myanmar ont assisté 13 travailleurs employés à bord d’un navire de pêche du Myanmar à recouvrer leurs impayés de salaires. En 2017, le DLPW a assisté un travailleur du Myanmar âgé de 17 ans à recouvrer 20 jours de salaire impayé, et l’armateur du navire a été inculpé pour emploi de personne mineure et traite des êtres humains. La commission prie le gouvernement de s’assurer que le règlement ministériel B.E. 2557 de 2014 est effectivement appliqué et que tous les salaires sont ainsi versés dans les délais et dans leur intégralité et que, en cas d’infraction, des sanctions dissuasives sont imposées.
iii) Violences physiques. La commission note que le comité tripartite a souligné la situation de vulnérabilité des travailleurs engagés dans le secteur de la pêche, qui peuvent être confrontés à des violences physiques pouvant aller parfois jusqu’au meurtre. Elle note que, dans ses observations, la CSI donne plusieurs exemples de cas de violences physiques infligées à des pêcheurs. Ainsi, en janvier 2016, 6 pêcheurs cambodgiens et thaïlandais de l’équipage de deux navires thaïs sont morts, et 32 autres ont eu des problèmes de santé. Ceux qui ont survécu ont déclaré avoir été privés d’alimentation pendant sept jours et avoir eu à travailler sans pouvoir faire de pause parfois jusqu’à trois jours d’affilée.
La commission note que le gouvernement explique que la modification introduite en 2015 dans la loi contre la traite no 2 B.E. 2558 a porté les peines prévues à vingt années d’emprisonnement dans les cas où l’infraction a occasionné des lésions graves à la victime, et à l’emprisonnement à vie ou la peine de mort lorsque l’infraction a entraîné la mort de la victime. La modification de 2017 apportée à la loi contre la traite no 3 B.E. 2560 introduit des dispositions plus explicites, notamment: i) la révision de la définition de l’«exploitation» à l’effet d’y inclure l’esclavage; et ii) la révision de la définition du «travail forcé ou service forcé» à l’effet d’y inclure la rétention de pièces d’identité et la réduction en servitude pour dettes.
Tout en prenant note des mesures prises par le gouvernement sur le plan législatif, la commission exprime sa profonde préoccupation face à la situation des travailleurs de la pêche qui ont été victimes de violences physiques, de lésions corporelles et même, dans certains cas, de meurtres. Rappelant la nature particulière du travail des pêcheurs, qui résulte en partie de leur isolement en mer, la commission souligne l’importance qui s’attache à ce que soient prises des mesures effectives assurant que cette catégorie de travailleurs ne se retrouve pas dans une situation aggravant leur vulnérabilité, notamment lorsqu’ils sont victimes de violences physiques. En conséquence, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que la loi contre la traite, dans sa teneur modifiée, est effectivement appliquée et que son respect est contrôlé systématiquement par les organes chargés du contrôle de l’application de la loi, qui doivent enquêter sur toute présomption de violences physiques. La commission prie également le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer que des sanctions appropriées sont infligées aux employeurs coupables d’infractions de cette nature.

II. Application des lois et accès à la justice

La commission note que le comité tripartite a souligné que le respect de l’interdiction du travail forcé exige que les sanctions prévues par la loi soient réellement efficaces, proportionnées à l’infraction et strictement appliquées. Il a souligné à ce titre l’importance de deux aspects: a) renforcer l’inspection du travail; et b) assurer aux victimes l’accès à la justice et la protection.

a) Inspection du travail et application de sanctions pénales

La commission note que le comité tripartite a constaté que le gouvernement avait créé des équipes multidisciplinaires chargées d’effectuer des inspections à bord des navires de pêche, équipes qui sont habilitées à s’entretenir avec les travailleurs de manière à empêcher que ceux-ci ne risquent de se retrouver dans des situations relevant de la servitude pour dettes et de la traite des personnes.
La commission note que le gouvernement déclare que le nombre des inspecteurs du travail s’élève aujourd’hui à 1 506. Cet effectif a ainsi progressé de 29,71 pour cent depuis le précédent rapport soumis sur l’application de la convention. Elle prend dûment note, également, de données statistiques fournies par le gouvernement sur une série de cours de formation des inspecteurs du travail, notamment: i) une formation pour 28 fonctionnaires gouvernementaux assurée en mai 2017 par le Projet Ship to Shore Rights (Les droits, en mer comme à terre) sur les indicateurs du travail forcé, les techniques d’entretien, les problèmes de servitude pour dettes, la rétention des pièces d’identité, la loi contre la traite; ii) 80 fonctionnaires de niveau directorial ont bénéficié en juin 2017 d’une formation du Département de l’emploi (DOE) sur les techniques d’investigation et de poursuite en justice dans les affaires de traite; iii) en septembre 2017, de hauts fonctionnaires du MOL, du MDHS, du DOF, de la police maritime et de la marine thaïlandaise ont bénéficié d’une formation sur la conduite des entretiens avec des travailleurs du secteur de la pêche.
La commission note également qu’un certain nombre de coordinateurs linguistiques ont été employés pour faciliter la communication entre travailleurs migrants et fonctionnaires gouvernementaux (Annonce du bureau du Premier ministre de novembre 2016). C’est ainsi que 70 coordinateurs linguistiques ont été affectés auprès de 22 bureaux provinciaux du DLPW et de 32 centres PIPO et que 10 autres ont été affectés dans des centres d’assistance des travailleurs migrants de 10 provinces.
La commission prend note du nombre des inspections effectuées à bord de navires en mer de 2015 à 2017. Elle note que, en 2016, 1 859 travailleurs migrants, dont 1 675 ressortissants du Myanmar, 81 du Laos et 103 du Cambodge, ont obtenu le versement des prestations qui leur étaient dues. En vertu de l’ordonnance no 22/2017 sur la répression des opérations de pêche non déclarées et non réglementaires (IUU) (4e supplément), entrée en vigueur en avril 2017, tout fonctionnaire habilité qui décèle des pratiques illégales au regard des lois sur la pêche a le droit d’immobiliser le navire et de signaler les faits au Département de la marine dans les vingt-quatre heures. D’avril à juin 2017, 135 navires de pêche ont été immobilisés en application de cette ordonnance.
Selon le gouvernement, dans le secteur de la pêche, 319 cas relevant de la traite des personnes ont été identifiés et ont donné lieu à des investigations en 2016, situations qui incluaient 244 cas d’exploitation sexuelle, 32 cas d’irrégularités dans l’emploi et 43 cas de traite des pêcheurs. En 2016, 600 suspects ont été arrêtés et inculpés sur la base de la loi contre la traite, et 268 ont été condamnés à des peines s’échelonnant de deux à dix ans de prison. En septembre 2017, le bureau du procureur était saisi de 85 affaires, et les tribunaux étaient en train d’en examiner 13. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour renforcer la capacité des inspecteurs du travail à identifier les pratiques relevant du travail forcé et de la traite des personnes et elle le prie de continuer de communiquer des statistiques sur le nombre de ces cas concernant des travailleurs de la pêche qui ont été identifiés par l’inspection du travail et sur le nombre et la nature des sanctions imposées.

b) Accès à la justice et assistance aux victimes

La commission note que le comité tripartite observe que, si la législation prévoit la mise en œuvre de divers mécanismes de traitement des plaintes, leur mise en œuvre par les travailleurs se heurte à un certain nombre de difficultés – durée des procédures, barrières linguistiques et manque d’information sur les mesures de prévention des risques de revictimisation.
La commission note que le gouvernement déclare qu’il existe des centres ayant spécialement vocation à aider les travailleurs migrants (résolution du Cabinet de juillet 2016). S’agissant des travailleurs migrants employés dans la pêche, la commission prend note de la création d’un certain nombre de centres, comme les centres coordinateurs des travailleurs de la pêche et le Centre pour l’amélioration des conditions de vie des pêcheurs (FLEC). En 2016, ces centres ont fourni une assistance à 15 Cambodgiens travaillant dans le secteur de la pêche. Ces centres ont notamment pour mission de: i) promouvoir dans le secteur de la pêche un emploi conforme à la législation; ii) fournir une protection et une assistance juridique aux travailleurs migrants employés dans la pêche; iii) rendre les armateurs et les autres parties prenantes plus attentifs et parvenir à améliorer la collaboration avec eux pour lutter contre la traite des personnes dans ce secteur. La commission prend dûment note des données statistiques communiquées par le gouvernement illustrant les différents types d’assistance assurée aux travailleurs migrants de la pêche. Ainsi, 15 370 travailleurs migrants ont été transférés à d’autres employeurs; 241 ont recouvré leurs salaires impayés; et 372 ont été transférés auprès d’organismes d’assistance apparentés. Le gouvernement mentionne la mise en place de dispositifs d’assistance fonctionnant 24 heures sur 24 auxquels les travailleurs migrants peuvent s’adresser dans leur propre langue ainsi que le mécanisme d’enregistrement des plaintes conçu pour les travailleurs étrangers accessible par Internet. La commission prend également note des statistiques communiquées par le gouvernement sur le nombre de victimes de traite qui ont bénéficié d’une telle assistance, par exemple, de janvier à juillet 2017, le MSDHS a fourni une assistance à 224 victimes de la traite, dont 78 travailleurs victimes de travail forcé à bord de navires de pêche. Le gouvernement indique qu’un certain nombre de protocoles d’accord ont été conclus avec des pays d’origine tels que la République démocratique et populaire lao, le Myanmar et le Viet Nam pour s’attaquer au problème de la traite. En juin 2017, le gouvernement thaïlandais et le gouvernement du Myanmar ont signé un accord sur une procédure de rapatriement et de réinsertion de victimes qui prévoit des garanties de sûreté du rapatriement et de l’accueil et contre le risque de revictimisation: il a ainsi été convenu d’une procédure standard de rapatriement et de réinsertion, dont les modalités prévoient un meilleur système de collecte de données ainsi que des directives claires. En 2016, le gouvernement a ainsi assuré en coordination étroite avec les pays d’origine le rapatriement de 243 victimes. La commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour assurer une meilleure protection et une meilleure assistance des travailleurs migrants employés dans la pêche afin que ceux-ci ne se retrouvent pas dans des situations relevant du travail forcé ou de la traite des personnes. Elle le prie également de communiquer des données statistiques sur le nombre de travailleurs migrants employés dans la pêche qui ont fait appel à l’assistance juridique de l’un des centres susmentionnés. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur le nombre de travailleurs migrants employés dans la pêche qui ont déposé des plaintes en faisant usage du mécanisme d’enregistrement des plaintes accessible par Internet.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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