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Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Allemagne (Ratification: 1957)

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La commission prend note des observations reçues le 1er septembre 2015 de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) et de la Confédération des associations allemandes d’employeurs (BDA), qui sont de nature générale. Elle prend note des observations reçues le 1er septembre 2017 de la BDA, qui ont été approuvées par l’OIE et qui traitent des questions examinées ci-dessous par la commission. Elle note également la réponse du gouvernement aux observations de 2014 de la Confédération syndicale internationale (CSI) et de 2012 de la Confédération allemande des syndicats (DGB). En particulier, elle note avec intérêt que, s’agissant des observations de 2012 de la DGB dénonçant le manque d’interdiction générale d’utilisation, dans des services non essentiels, de travailleurs temporaires comme briseurs de grève, le gouvernement indique que la législation nationale a été modifiée pour veiller à ce que l’entreprise qui accueille des travailleurs ne soit plus autorisée à recruter comme briseurs de grève des travailleurs envoyés par des agences. Conformément à l’article 11(5) de la loi sur la fourniture de main-d’œuvre, en vigueur depuis le 1er avril 2017, l’entreprise qui accueille un travailleur n’a pas le droit d’accepter des travailleurs envoyés par une agence lorsqu’elle est directement impliquée dans un conflit du travail.
Article 3 de la convention. Droit des organisations de travailleurs d’organiser leur gestion et leurs activités et de formuler leurs programmes. La commission rappelle que, depuis bon nombre d’années, elle demande l’adoption de mesures visant à reconnaître le droit d’avoir recours à la grève aux fonctionnaires qui n’exercent pas une autorité au nom de l’Etat. Dans sa précédente observation, la commission avait noté avec intérêt que, dans une décision rendue le 27 février 2014, le Tribunal administratif fédéral avait statué que, étant donné que l’interdiction constitutionnelle de grève dépend du statut du groupe et s’applique à tous les fonctionnaires (Beamte) quelles que soient leurs tâches et responsabilités, cette interdiction est en opposition avec la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) dans le cas des fonctionnaires (Beamte) qui n’exercent pas dans des domaines réellement souverains (hoheitliche Befugnisse), par exemple les enseignants des écoles publiques, et que cette opposition doit être réglée par le législateur fédéral. Il avait également décidé que, dans le cas des fonctionnaires (Beamte) qui exercent une autorité souveraine, l’interdiction n’est pas en opposition avec la CEDH, si bien qu’aucune mesure n’est requise. La commission avait en outre pris note de l’indication du gouvernement à cet égard selon laquelle, pour les fonctionnaires (Beamte) qui n’exercent pas une autorité souveraine, le législateur doit parvenir à un équilibre entre les positions juridiques incompatibles de l’article 33(5) de la loi fondamentale et de la CEDH, et entre-temps l’interdiction constitutionnelle de grève pour les fonctionnaires (Beamte) reste en vigueur et, enfin, étant donné que les représentants syndicaux allaient soumettre la question à la Cour constitutionnelle fédérale et que deux cas portant sur le même sujet lui avaient déjà été soumis, les mesures législatives ne devraient pas empêcher le Tribunal constitutionnel fédéral d’apporter des éclaircissements et des solutions à ces problèmes. A la lumière de ce qui précède, la commission avait prié le gouvernement de s’abstenir à l’avenir d’imposer des sanctions disciplinaires à l’encontre des fonctionnaires n’exerçant pas d’autorité au nom de l’Etat qui participent à des grèves pacifiques; et d’entamer un dialogue national global avec les organisations représentatives du service public afin d’étudier les possibilités de placer la législation en conformité avec la convention. La commission avait prié également le gouvernement de fournir des informations sur toute décision prise à ce sujet par le Tribunal constitutionnel fédéral.
La commission note que le gouvernement réitère que: i) aux termes de la Constitution allemande, la fonction publique (öffentlicher Dienst) est liée avec la garantie institutionnelle d’un service public professionnel (Berufsbeamtentum) qui doit être réglementé en tenant compte des principes traditionnels du service civil professionnel (hergebrachte Grundsätze des Berufsbeamtenum); ii) l’un de ces principes est l’interdiction pour les fonctionnaires de participer à une grève, car le «droit de grève» est incompatible avec la relation de service et la loyauté, et il est en opposition avec la décision structurelle selon laquelle les relations régies par la loi sur la fonction publique sont réglementées par la législature; et iii) l’interdiction de grève est compensée par différents droits et principes tels que le principe d’un salaire proportionné aux postes occupés dans la fonction publique; le fait que les droits subjectifs découlant de l’article 33(5) de la loi fondamentale sont considérés comme équivalant à des droits fondamentaux; et des droits de participation des organisations faîtières des syndicats et des associations d’employeurs à la procédure législative, ainsi que d’autres droits de participation des entreprises dans les Länder. En ce qui concerne le jugement de 2014 du Tribunal administratif fédéral, le gouvernement déclare qu’à son avis la jurisprudence de la CEDH n’est pas en mesure de modifier ces circonstances constitutionnelles, car, en dépit d’une approche fonctionnelle des clauses d’exception relatives à la souveraineté, la jurisprudence relative à l’article 11 de la CEDH n’exclut pas la classification des enseignants en tant que «membres de l’administration de l’Etat» au sens de la deuxième phrase de l’article 11(2). Au contraire, le gouvernement considère que l’interdiction de grève pour les enseignants qui ont le statut de fonctionnaire est compatible avec l’article 11(1), étant donné que l’ingérence est justifiée par l’article 11(2), le but légitime étant de garantir le droit à l’éducation. Le gouvernement ajoute que les décisions pertinentes du Tribunal administratif fédéral font actuellement l’objet d’un examen par le Tribunal constitutionnel fédéral.
La commission note que, d’après la BDA: i) le Tribunal administratif fédéral, dans son jugement de 2014, a considéré que, d’une part, l’interdiction de grève générale pour les fonctionnaires s’applique en tant que principe conventionnel en vertu de l’article 33(5) de la loi fondamentale et que, d’autre part, cette interdiction de grève pour les fonctionnaires en poste en dehors du domaine véritablement souverain est incompatible avec la liberté d’association telle que la prévoit l’article 11 de la CEDH; ii) le Tribunal administratif fédéral a confirmé dans sa décision du 26 février 2015 que c’est au législateur fédéral qu’il appartient d’établir un équilibre entre les exigences incompatibles de l’article 33(5) de la loi fondamentale et l’article 11 de la CEDH; et que, tant que cela n’est pas fait, l’interdiction de grève pour les fonctionnaires continue de s’appliquer et constitue une règle disciplinaire; iii) l’interdiction de grève prévue à l’article 33(5) de la loi fondamentale fait exception au droit de liberté d’association garanti par l’article 9(3) de la loi fondamentale; iv) le législateur dispose de différentes options pour adopter une législation conforme, par exemple, dans une approche fonctionnelle, en déterminant les domaines qui sont véritablement souverains dans lesquels une interdiction générale de grève devrait s’appliquer, et les domaines de l’administration publique pour lesquels le pouvoir réglementaire unilatéral de l’employeur devrait être restreint à l’extension de la participation des organisations représentatives dans la fonction publique; et v) cette question sera ultérieurement discutée au niveau national par le gouvernement et les partenaires sociaux. De façon générale, la BDA considère que: i) il n’existe pas de règles juridiques entièrement consacrées à la question de la grève, par conséquent les employeurs allemands sont partisans d’une approche réglementaire globale, qui tiendrait compte de la jurisprudence des années cinquante et soixante, en soulignant que les grèves sont fortement indésirables à la fois socio-politiquement et économiquement et impliquent des conséquences négatives pour l’économie nationale allemande, cela étant plus particulièrement vrai à une époque de mondialisation et de numérisation croissantes; ii) pour établir l’équilibre entre les partenaires sociaux, le législateur doit adopter des règles appropriées pour corriger le plus nettement possible les aberrations créées par la jurisprudence de ces dernières décennies et instaurer un numerus clausus des moyens d’action syndicale (pour l’essentiel les lock-out pour les employeurs et les grèves pour les salariés; tout moyen d’action syndicale impliquant une «flashmob» (mobilisation éclair) doit être illégitime); et iii) la BDA s’oppose au droit de grève pour les fonctionnaires, car ceux-ci ont des devoirs de loyauté envers leur employeur (l’Etat et la collectivité) et parce que la population en général serait fortement mécontente si des fonctionnaires faisaient grève pour une augmentation de salaire alors que leur rémunération est indirectement financée par la communauté par le biais des impôts.
La commission note avec préoccupation que la décision la plus récente du Tribunal administratif fédéral, rendue le 26 février 2015, maintient la mesure disciplinaire imposée à un enseignant ayant le statut de fonctionnaire (Beamte) qui a participé à une grève. Le tribunal administratif fédéral réitère que l’opposition entre l’interdiction générale de grève des fonctionnaires qui ne sont pas en poste dans des domaines véritablement souverains, en vertu de l’article 33(5) de la loi fondamentale, et, par ailleurs, le droit à la liberté d’association prévu par l’article 11 de la CEDH ne peut être régi que par le législateur fédéral et non par les tribunaux. Notant que le Tribunal constitutionnel fédéral rendra bientôt sa décision sur la plainte constitutionnelle déposée suite au jugement du Tribunal administratif fédéral en date du 27 février 2014, la commission prie le gouvernement de communiquer copie de cette décision, dès que celle-ci sera rendue, ainsi que de toute autre décision en instance à rendre par le Tribunal constitutionnel fédéral sur le sujet. Compte tenu de l’opposition confirmée par le Tribunal administratif fédéral entre l’article 33(5) de la loi fondamentale et l’article 11 de la CEDH, et à la lumière du besoin persistant, souligné par la commission depuis de nombreuses années, de placer la législation en pleine conformité avec la convention en ce qui concerne cette même question, la commission prie de nouveau le gouvernement: i) de s’abstenir, en attendant la décision pertinente du Tribunal constitutionnel fédéral, d’imposer des sanctions disciplinaires à des fonctionnaires qui n’exercent pas une autorité au nom de l’Etat (tels que les enseignants, les employés des postes et les employés des chemins de fer) et qui participent à des grèves pacifiques; et ii) d’initier un dialogue national étendu avec les organisations représentatives dans la fonction publique afin de trouver les moyens qui permettraient d’aligner la législation sur la convention.
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