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Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999 - Mali (Ratification: 2000)

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Article 3 a) et article 7, paragraphe 1, de la convention. Toutes les formes d’esclavage ou pratiques analogues et sanctions. 1. Recrutement forcé d’enfants dans des conflits armés. La commission a pris note de l’observation de la Confédération syndicale internationale (CSI) selon laquelle l’intensification du conflit armé au Mali s’est traduite par une accentuation de l’enrôlement d’enfants comme soldats par les différentes parties rivales actives dans le nord du pays. La commission a précédemment exprimé sa profonde préoccupation devant le fait que cette pratique mène à de sérieuses violations des droits des enfants, notamment des violences sexuelles et atteintes à leur santé et sécurité. Elle a par ailleurs pris note de la signature d’un accord de paix avec les groupes armés les 15 mai et 20 juin 2015, ayant abouti à un cessez-le-feu sur le terrain, et dont l’annexe 2 prévoit un processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR). Le gouvernement a également indiqué qu’un règlement intérieur du comité de suivi de l’accord de paix a été validé par les parties et qu’un comité de suivi de la mise en œuvre de l’accord et de la commission nationale pour le DDR adoptera un programme national de DDR inclusif, cohérent et accepté par tous.
La commission note l’absence d’informations du gouvernement à cet égard. Elle note que, dans son rapport annuel de 2017, la Cellule nationale de lutte contre le travail des enfants (CNLTE) recommande au gouvernement de procéder à l’évaluation de la première phase du Plan d’action national pour l’élimination du travail des enfant au Mali (PANETEM) (2011-2015), puis de modifier le PANETEM en intégrant, entre autres, les enfants anciennement associés aux forces et groupes armés (EAFGA). La commission observe que, dans son rapport daté du 2 février 2018, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali a indiqué que les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali continuent de recruter et d’utiliser des enfants dans leurs rangs (A/HRC/37/78, paragr. 44). Le Secrétaire général indique, dans son rapport sur les enfants et le conflit armé au Mali au Conseil de sécurité du 21 février 2018 (S/2018/136), que, entre le 1er janvier 2014 et le 30 juin 2017, 284 cas de recrutement et d’utilisation par les groupes armés d’enfants âgés de 13 à 17 ans ont été confirmés, dont 16 filles. En 2015 et 2016, 84 cas de recrutement et 79 cas d’utilisation d’enfants ont pu être confirmés. Au premier semestre de l’année 2017, il a pu être établi que 18 garçons ont été recrutés par des groupes armés. Le rapport a indiqué que toutes les parties au conflit, à savoir les groupes armées et les forces armées maliennes, étaient auteurs de nombreuses violations graves à l’encontre des enfants, y compris de viol et autres formes de violence sexuelle. Le Secrétaire général précise que la collecte de données relatives aux violations graves commises contre des enfants est entravée par le contexte actuel du pays.
La commission déplore le recrutement et l’utilisation d’enfants dans le conflit armé qui sévit dans le nord du pays, d’autant plus que la persistance de cette pire forme de travail des enfants entraîne d’autres violations graves des droits de l’enfant, telles que des violences sexuelles. Tout en reconnaissant la complexité de la situation qui prévaut sur le terrain et la présence de groupes armés et d’un conflit armé dans certaines régions du pays, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires de toute urgence pour mettre fin, en pratique, au recrutement forcé des enfants de moins de 18 ans par les parties au conflit. Elle le prie également de mettre en œuvre le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion de tous les enfants associés aux forces et groupes armés afin d’assurer leur réadaptation et leur insertion sociale. La commission prie enfin le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les personnes qui recrutent par la force des enfants de moins de 18 ans aux fins de leur utilisation dans un conflit armé soient poursuivies et sanctionnées, et de fournir des informations à cet égard.
2. Travail forcé ou obligatoire. Mendicité. Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note de l’existence des garçons talibés originaires des pays frontaliers, que des maîtres coraniques (marabouts) amènent en ville. Ces enfants se retrouvent dans des conditions de servitude, obligés de mendier quotidiennement. La commission a noté que, bien que le Code pénal et la loi no 2012-023 relative à la lutte contre la traite des personnes et les pratiques assimilées prévoient des peines d’amende et d’emprisonnement, respectivement pour toute personne qui aura incité un mineur à la mendicité et pour l’exploitation organisée de la mendicité d’autrui, l’utilisation des enfants talibés à des fins purement économiques demeure une préoccupation dans la pratique. Le gouvernement a indiqué avoir pris des mesures relatives au renforcement de la capacité d’agents de la paix, mais n’a fourni aucune information concernant la poursuite et la condamnation de personnes, dont les marabouts, qui livrent des enfants à la mendicité forcée. Le gouvernement a en outre indiqué que l’application des dispositions juridiques relatives à la mendicité nécessite une dose de courage politique, car la pratique de la mendicité est très souvent liée à la religion.
La commission prend note des informations transmises par le gouvernement, dans son rapport, sur le nombre d’enfants victimes de mendicité forcée et sur le nombre de marabouts poursuivis. Par exemple, en 2016 et 2017, elle note que respectivement 35 et 42 victimes ont été identifiées, et 3 et 5 individus interpelés. Elle note cependant avec préoccupation le faible nombre de poursuites des auteurs de mendicité forcée des enfants et l’absence de sanctions à l’encontre de ces personnes. Par ailleurs, la commission note que, d’après la compilation de novembre 2017 du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCR) concernant le Mali, la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme est préoccupée par le recrutement d’enfants talibés, exploités comme mendiants par des marabouts, en contrepartie de l’enseignement islamique qu’ils dispensent à ces enfants (A/HRC/WG.6/29/MLI/2, paragr. 86). La commission rappelle que, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de la convention, le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre effective et le respect des dispositions donnant effet à la convention, y compris par l’application de sanctions pénales. La commission prie donc à nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de s’assurer que des enquêtes approfondies sont menées à leur terme, des poursuites judiciaires engagées et des sanctions suffisamment efficaces et dissuasives imposées aux marabouts qui utilisent des enfants de moins de 18 ans à des fins purement économiques. Elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les résultats obtenus à cet égard, en termes de nombre de condamnations et de sanctions pénales imposées, en particulier en ce qui concerne l’application des dispositions de la loi no 2012-023.
Article 3 d) et article 7, paragraphe 2. Travaux dangereux et mesures efficaces prises dans un délai déterminé. Enfants travaillant dans l’orpaillage traditionnel. La commission a précédemment pris note de l’observation de la CSI de septembre 2014 selon laquelle l’exploitation des gisements aurifères emploie de 20 000 à 40 000 enfants, dont certains n’ont même pas 5 ans. Des enfants extraient du minerai des galeries souterraines et procèdent à l’amalgame de l’or avec du mercure. Dans le cadre de ces opérations, les enfants sont exposés à des conditions insalubres et dangereuses, qui ont une incidence grave sur leur santé et sécurité. La commission a noté avec préoccupation que, bien que le programme d’action pour la prévention, le retrait et la réinsertion socioprofessionnelle des enfants à risque ou victimes travaillant dans les petites exploitations minières traditionnelles dans la région de Sikasso (projet OIT/IPEC/AECID) ait permis de prévenir 2 655 enfants, de retirer 1 946 enfants et de réinsérer 709 enfants, il y a toujours un nombre considérable d’enfants qui travaillent dans des conditions dangereuses dans l’orpaillage traditionnel, dont certains n’ont pas 5 ans.
La commission note l’absence d’informations du gouvernement à cet égard. Elle note que, d’après son rapport d’activité de 2017, la CNLTE recommande au gouvernement de modifier le PANETEM afin de renforcer les actions relatives au secteur de l’orpaillage traditionnel qui occupe un nombre sans cesse croissant d’enfants (p. 17). La commission prie instamment le gouvernement d’intensifier ses efforts et de prendre des mesures efficaces de toute urgence, dans le cadre du Plan d’action pour l’élimination du travail des enfants au Mali (PANETEM) ou autrement, afin de soustraire les enfants des pires formes de travail dans l’orpaillage traditionnel, et de les réadapter et les intégrer socialement. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés et les résultats obtenus à cet égard.
Article 7, paragraphe 2 a). Accès à l’éducation de base gratuite. La commission a précédemment noté que l’âge de fin de scolarité obligatoire au Mali est de 15 ans. Elle a pris bonne note des mesures prises par le gouvernement en matière d’éducation mais a observé que les taux de scolarisation au premier cycle demeuraient peu élevés et que le nombre d’abandons après l’éducation primaire était important. La commission a noté l’observation de la CSI selon laquelle seuls 35,9 pour cent des garçons et 25,2 pour cent des filles accèdent à l’enseignement secondaire. Le gouvernement a indiqué que le conflit armé avait fortement ébranlé le système éducatif du pays dans les régions du nord mais que le retour de l’administration et la reprise de la coopération avec les partenaires de l’éducation avaient permis la réouverture de nombreuses écoles dans les régions de Mopti, Tombouctou et Gao. Enfin, le gouvernement a indiqué qu’un programme intérimaire avait été adopté pour la période 2015-16, précédant l’adoption future du Programme décennal de développement de l’éducation II (PRODEC II), après l’évaluation du PRODEC I. En 2012-13, le taux brut de scolarisation était de 69,70 pour cent pour l’enseignement primaire et de 50 pour cent pour l’enseignement secondaire, et le taux d’abandon de 8,3 pour cent dans l’enseignement primaire. La commission a observé une très forte disparité des taux entre régions.
La commission note que le gouvernement indique que le programme intérimaire est en phase d’évaluation et qu’il a été prolongé pour prendre fin en 2018. Le PRODEC II est toujours en cours d’élaboration. La commission prend bonne note du rapport final de l’évaluation du PRODEC de novembre 2015 communiqué par le gouvernement au titre de la convention (nº 138) sur l’âge minimum, 1973, qui relève, qu’après une période initiale de croissance rapide des effectifs scolarisés et du taux d’achèvement de l’enseignement fondamental, le processus s’est ralenti et la plupart des indicateurs ont évolué défavorablement à partir de 2010. Bien qu’il y ait encore de fortes résistances et de la discrimination à l’égard de la scolarisation des filles, la réduction des disparités de genre est un des acquis importants du PRODEC I pour l’accès et l’achèvement des filles et des garçons dans l’enseignement fondamental. La commission note que l’évaluation du PRODEC I a permis de formuler des recommandations pour la préparation du PRODEC II, y compris l’accélération de l’effort de scolarisation dans l’enseignement fondamental, la poursuite de la réduction des disparités par zone de résidence et par genre, la qualification des enseignants dans l’éducation de base et la redynamisation de l’éducation non formelle. La commission prend également bonne note des statistiques communiquées par le gouvernement, au titre de la convention nº 138, sur l’enseignement fondamental, pour les années scolaires 2013-14, 2015-16 et 2016 17, et salue les efforts faits par le gouvernement sur les statistiques communiquées. Elle note que le taux brut de scolarisation est de 72,1 pour cent pour l’enseignement primaire et de 49,2 pour cent pour le premier cycle de l’enseignement secondaire. Ainsi, la commission souligne que le taux brut de scolarisation n’a pas connu de nette amélioration depuis 2013. La commission observe par ailleurs qu’il existe de grandes disparités régionales dans l’accès à l’éducation. Les taux d’achèvement de l’éducation primaire et du premier cycle de l’enseignement secondaire ont augmenté, mais ils restent faibles avec un taux d’achèvement de 48,1 pour cent pour l’enseignement primaire et de 35,4 pour cent pour le premier cycle de l’enseignement secondaire.
La commission note que, dans ses observations finales de juillet 2016, le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) est préoccupé par le très faible taux de réussite des filles dans l’enseignement secondaire, la faible qualité de l’enseignement et les disparités entre zones rurales et urbaines. Le CEDAW est aussi préoccupé par l’existence d’un système d’éducation parallèle avec les écoles coraniques qui restent hors de la compétence du ministère de l’Education (CEDAW/C/MLI/CO/6-7, paragr. 29). La commission observe également que le rapport du Secrétaire général des Nations Unies en date du 25 septembre 2018 souligne que 735 écoles sont restées fermées à la fin de l’année scolaire 2017-18, privant de ce fait 332 400 enfants de scolarité (S/2018/866, paragr. 63). La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) et le HCR ont en outre constaté l’occupation d’établissements scolaires par des groupes armés dans certaines zones du nord du Mali (A/HRC/WG.6/29/MLI/2, paragr. 60). La commission exprime sa préoccupation face à l’ampleur du nombre d’enfants privés d’éducation en raison du conflit armé qui sévit dans le nord du Mali. Tout en reconnaissant la situation difficile qui prévaut dans le pays, la commission prie instamment le gouvernement de redoubler d’efforts afin d’améliorer le fonctionnement du système éducatif et de faciliter l’accès à l’éducation de base gratuite, notamment en augmentant les taux de scolarisation, tant aux niveaux primaire que secondaire et en réduisant le taux d’abandon dans toutes les régions du pays. A cet égard, elle prie le gouvernement de fournir des informations sur les progrès accomplis et les résultats obtenus dans le cadre de la mise en œuvre du programme intérimaire 2015-16 et du Programme décennal de développement de l’éducation II.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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