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Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 - Qatar (Ratification: 1976)

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La commission rappelle qu’à sa 324e session (juin 2015) le Conseil d’administration a adopté les recommandations de son comité tripartite chargé d’examiner une réclamation alléguant l’inexécution par le Qatar de la convention (no 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958, présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT par la Confédération syndicale internationale (CSI) et la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). La réclamation portait sur des plaintes pour discrimination directe et indirecte à l’égard de femmes employées par la compagnie aérienne nationale (voir document GB.324/INS/7/9). Ce faisant, le Conseil d’administration a chargé la commission d’experts d’assurer le suivi des questions soulevées dans cette réclamation. Ces questions sont examinées ci-après.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 105e session, mai-juin 2016)

La commission rappelle également les conclusions et la discussion y relative qui a eu lieu à la réunion de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail en juin 2016 pour ce qui est de l’application de la convention concernant: i) l’application des conclusions du Conseil d’administration; ii) les mesures visant à définir et à interdire la discrimination directe et indirecte en droit et dans la pratique; iii) la protection des travailleurs domestiques contre la discrimination; iv) la promotion de l’emploi des femmes; v) les mesures pour lutter contre le harcèlement sexuel; et vi) la modification de la loi no 21 de 2015 qui réglemente l’entrée et la sortie des expatriés et leur séjour. Ces questions seront examinées au titre des articles pertinents de la convention.
La commission prend note des observations de la CSI, reçues le 31 août 2016, sur la discussion et les recommandations de la Commission de l’application des normes concernant la situation des travailleurs migrants pour ce qui est du changement d’employeur et des visas de sortie (système de la kafala).

Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT)

Se félicitant des informations détaillées communiquées par le gouvernement dans son rapport, la commission note avec intérêt les progrès accomplis dans la mise en œuvre des recommandations du Conseil d’administration, en particulier les mesures suivantes:
  • i) Discrimination fondée sur l’état de grossesse (paragr. 32 du rapport du comité tripartite) et offre d’emploi appropriée aux employées enceintes temporairement inaptes au vol (paragr. 35 du rapport susmentionné): la commission note, d’après le rapport du gouvernement, que l’entreprise n’emploie plus de personnel navigant sous l’ancien contrat de travail et que le nouveau contrat a été modifié pour supprimer toute clause permettant la cessation automatique de l’emploi en cas de grossesse et pour ajouter des dispositions sur la maternité comme indiqué dans la politique interne de l’entreprise. Enfin, la commission note que l’entreprise souligne qu’elle s’est engagée à faire des efforts pour trouver un autre emploi approprié sans danger pour la santé du personnel de cabine féminin attendant un enfant. L’entreprise souligne également qu’elle leur donne l’occasion de travailler dans les services au sol, tels que la formation, le bien-être du personnel, la gestion du logement, les normes et procédures et les salons d’accueil de la clientèle, pendant la grossesse. Le gouvernement indique que, dans le cadre de son suivi auprès de l’entreprise, il a vérifié que, depuis décembre 2014, aucun des membres d’équipage féminin qui attendait un enfant n’avait quitté l’entreprise à moins que ce ne soit de son plein gré (entre le 1er janvier 2014 et le 31 août 2017, l’entreprise a enregistré 72 grossesses parmi les membres d’équipage: 26 membres d’équipage ont été transférées temporairement ou définitivement aux services au sol; 14 ont remis leur démission après leur congé de maternité; 9 étaient encore en congé de maternité et 23 ont repris leurs fonctions conformément au calendrier des vols).
  • ii) Interdiction pour les employées, en application du règlement de l’entreprise, d’être déposées dans les locaux de l’entreprise ou de les quitter accompagnées d’un homme autre que leur père, frère ou mari (paragr. 36): la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle cette condition s’applique aussi bien aux femmes qu’aux hommes, qu’elle ne s’applique que pour la dépose ou pour la sortie des employés des locaux de l’entreprise et ne concerne pas le logement des employés. Le gouvernement affirme que cette question a été traitée de manière efficace et pratiquement toujours en émettant des avertissements informels rappelant à la personne concernée la nécessité de respecter les traditions locales. Il ajoute que l’entreprise garantit aux travailleurs des deux sexes la pleine liberté dans leur vie sociale, sans aucune ingérence de sa part et sans aucune incidence sur la relation de travail, et qu’ils ont le droit de recevoir des invités dans le logement qu’elle leur fournit.
  • iii) Autorisation de l’entreprise pour se marier (paragr. 40): la commission note que, d’après l’entreprise, le personnel de cabine féminin est en général libre de se marier et de changer de statut social, sans avoir à obtenir l’autorisation préalable de l’entreprise et peut rester en poste et modifier son statut pour bénéficier des prestations pour son conjoint.
  • iv) Règles régissant les périodes de repos (paragr. 42): la commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles l’entreprise affirme que les règles régissant les périodes de repos sont appliquées sans discrimination fondée sur le sexe et le gouvernement continuera à suivre de très près cette question.
  • v) Dispositions prises pour que l’application des règles et des politiques ne crée ni ne contribue à créer un environnement de travail intimidant (paragr. 46): la commission note que des modifications ont été apportées par l’entreprise à sa politique en matière de logement, telles que la fourniture de logements familiaux, la possibilité de changer de logement tous les six mois, la possibilité de recevoir des invités, etc. La commission prend également note de l’indication du gouvernement selon laquelle l’entreprise s’est engagée à améliorer la qualité de vie du personnel de cabine, notamment en octroyant des congés supplémentaires à la plupart d’entre eux.
  • vi) Efficacité des mécanismes de contrôle en cas de discrimination (paragr. 48): la commission accueille favorablement les mesures déployées par le gouvernement pour augmenter le nombre d’inspectrices du travail de 16 à 57 et leur participation aux visites d’inspection périodiques dans l’entreprise aérienne, en particulier celles concernant le logement des employées. La commission note en outre qu’un cours spécialisé à l’intention des inspecteurs du travail a été organisé en septembre 2016 en coopération avec l’ITF afin de renforcer leurs compétences et leurs capacités grâce à des programmes d’inspection propres au domaine de l’aviation. Elle note en outre que le ministère du Développement administratif, du Travail et des Affaires sociales (MADLSA) n’a reçu aucune plainte pour discrimination.
Notant les évolutions positives décrites ci-dessus, en réponse aux recommandations formulées par le Conseil d’administration en 2015, la commission demande au gouvernement de continuer de suivre avec l’entreprise l’application de ces recommandations et de surveiller ses pratiques, afin de veiller à ce qu’il n’y ait aucune discrimination contre les membres du personnel de cabine qui attendent un enfant et que des mesures soient prises pour leur proposer d’autres fonctions appropriées pendant leur grossesse. La commission demande également au gouvernement de continuer de renforcer les mécanismes de contrôle de l’application de la législation, y compris leur capacité à déceler et à lutter contre les pratiques discriminatoires. A cet égard, la commission demande au gouvernement de fournir des informations sur toute plainte déposée pour discrimination et son issue ainsi que sur tout constat de discrimination effectué par les inspecteurs du travail.
Evolution de la législation. La commission note avec intérêt l’adoption des lois ci-après depuis ses derniers commentaires: la loi no 15 de 2017 relative aux travailleurs domestiques; la loi no 13 du 16 août 2017 portant modification de plusieurs dispositions de la loi no 14 de 2004 sur le travail et de la loi no 13 de 1990 portant promulgation de la loi relative aux procédures civiles et commerciales; et la loi no 13 de 2018 portant modification des dispositions de la loi no 21 de 2015 qui réglemente l’entrée et la sortie des expatriés et leur séjour. La commission note également l’adoption de la loi no 15 de 2016 établissant la loi sur les ressources humaines dans la fonction publique qui abroge la loi no 8 de 2009 sur la gestion des ressources humaines. La commission examinera les dispositions de ces lois au regard des articles pertinents de la convention.
Article 1 de la convention. Protection contre la discrimination. Législation. La commission rappelle de nouveau que le cadre constitutionnel et législatif ne prévoit pas de cadre juridique complet qui définisse et traite la discrimination fondée, au minimum, sur l’ensemble des motifs énumérés à l’article 1, paragraphe 1 a), de la convention. En particulier, il n’interdit pas de manière effective la discrimination fondée sur l’opinion politique, l’ascendance nationale et l’origine sociale, et ne protège de la discrimination qu’en ce qui concerne certains aspects de l’emploi. La commission note que le rapport du gouvernement décrit une fois de plus le cadre juridique établi par les articles 34 et 35 de la Constitution, qui prévoient que «les citoyens sont égaux en droits et en devoirs» et que «les individus sont égaux devant la loi [et que] la discrimination fondée sur le sexe, la race, la langue ou la religion est interdite». Le gouvernement indique en outre que la loi sur le travail prévoit l’égalité de chances et l’égalité de rémunération entre hommes et femmes (art. 93) et qu’il existe des dispositions prévoyant des avantages spécifiques pour les femmes qui travaillent: congés payés pour les femmes ayant un enfant handicapé; congés payés pour accoucher; pauses pour allaiter; restrictions concernant leur emploi (travaux dangereux et pénibles et horaires de travail), etc. La commission rappelle que les dispositions constitutionnelles garantissant l’égalité de chances et de traitement, bien qu’importantes, se sont généralement révélées insuffisantes pour traiter certains cas de discrimination dans l’emploi et la profession. Un cadre législatif plus détaillé est également nécessaire. La commission se voit donc contrainte de rappeler ses commentaires antérieurs selon lesquels, étant donné la persistance de certains types de discrimination fondée sur les motifs énumérés dans la convention, l’application pleine et entière de la convention requiert l’adoption d’une législation complète définissant et interdisant la discrimination directe et indirecte, portant, à tout le moins, sur l’ensemble des motifs énumérés dans la convention et couvrant tous les aspects de l’emploi et de la profession. La commission a relevé dans la législation un certain nombre de constantes qui contribuent à lutter contre la discrimination et à promouvoir l’égalité, et elle se félicite notamment de la législation comportant les éléments suivants: la prise en compte de tous les travailleurs; une définition précise de la discrimination directe et indirecte ainsi que du harcèlement sexuel; l’interdiction de la discrimination à tous les stades de l’emploi; l’attribution explicite de responsabilités de contrôle aux autorités nationales compétentes; l’établissement de procédures de règlement des différends aisément accessibles; l’instauration de sanctions dissuasives et de voies de recours appropriées; une redistribution ou un renversement de la charge de la preuve; la protection contre des mesures de représailles; la possibilité de prendre des mesures positives; et l’adoption et la mise en œuvre de politiques ou de plans pour l’égalité sur le lieu de travail, ainsi que la collecte des données pertinentes à différents niveaux (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 850 à 855). Rappelant l’absence d’un cadre législatif clair et complet prévoyant une protection contre la discrimination en matière d’emploi et de profession grâce à une définition claire et à l’interdiction de la discrimination directe et indirecte, la commission prie de nouveau instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte que tous les travailleurs sans distinction aucune soient protégés en droit et dans la pratique contre la discrimination fondée, à tout le moins, sur l’ensemble des motifs visés par la convention, notamment l’opinion politique, l’ascendance nationale et l’origine sociale, et ce dans tous les aspects de l’emploi, y compris le recrutement et les conditions de travail, et dans les secteurs tant public que privé.
Article 1, paragraphe 1 a). Discrimination fondée sur le sexe. Harcèlement sexuel. La commission rappelle que, depuis 2006, elle fait observer que le cadre législatif n’est pas suffisant pour interdire et protéger efficacement les travailleurs contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, notamment les travailleuses domestiques qui sont particulièrement vulnérables à ce type de discrimination fondée sur le sexe. Elle avait donc demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour adopter des dispositions légales définissant et interdisant expressément à la fois le harcèlement sexuel, qui s’apparente à un chantage (quid pro quo) et le harcèlement dû à un environnement hostile à l’encontre des hommes et des femmes travaillant dans les secteurs public et privé, notamment les travailleurs domestiques, et de mettre en place des dispositifs efficaces de recours, de réparation et de sanctions. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle «le harcèlement sexuel est une question très complexe car l’auteur s’y livre dans le plus grand secret, en prenant toutes les mesures, moyens et précautions nécessaires pour ne pas exposer son comportement criminel». Le gouvernement renvoie de nouveau, dans son rapport, aux dispositions légales suivantes: les articles 279 à 289 du Code pénal qui punissent les «crimes d’honneur»; l’article 291 qui prévoit des sanctions contre toute personne qui «attente à la pudeur des femmes»; et l’article 38 de la loi sur la procédure pénale qui précise que les officiers de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes pour délits commis, notamment pour harcèlement sexuel, et de les transmettre immédiatement au procureur général. Le gouvernement déclare également qu’il n’est pas nécessaire d’inclure une disposition à cet égard dans la loi sur le travail puisque le Code pénal et la loi sur la procédure pénale sont tous deux plus dissuasifs. Toutefois, la commission tient de nouveau à souligner que, en règle générale, la loi pénale ne suffit pas pour éliminer le harcèlement sexuel en raison du caractère sensible de cette question, de la crainte de représailles (peur de perdre son emploi), de la complexité de la procédure et de la charge de la preuve qui est plus difficile à apporter en droit pénal. En outre, en ce qui concerne les travailleurs migrants, la commission note que l’article 7(2) et (3) de la loi no 15 de 2017 relative aux travailleurs domestiques prescrit que l’employeur est tenu «de traiter le travailleur domestique, d’une manière qui préserve sa dignité et assure son bien-être» et «d’éviter de mettre la santé ou la vie du travailleur domestique en danger ou de l’exposer à un préjudice physique ou psychologique quel qu’il soit». La commission tient à souligner que les dispositions de la loi no 15 se limitent au comportement de l’employeur et non à celui d’une autre personne éventuelle et que les dispositions du Code pénal et de la loi no 15 de 2017 ne couvrent pas toute la gamme des comportements qui constituent du harcèlement sexuel dans le domaine spécifique de l’emploi et de la profession et peuvent se manifester verbalement, physiquement, visuellement, psychologiquement ou électroniquement. Dans son observation générale de 2002, la commission a défini le harcèlement sexuel comme comprenant les éléments suivants: i) quid pro quo (tout comportement non désiré à connotation sexuelle s’exprimant physiquement, verbalement ou non verbalement, ou tout autre comportement fondé sur le sexe, ayant pour effet de porter atteinte à la dignité de femmes et d’hommes, qui n’est pas bienvenu, est déraisonnable et offense la personne; et le rejet d’une telle conduite par une personne, ou sa soumission à cette conduite, est utilisé de manière explicite ou implicite comme base d’une décision qui affecte son travail); et ii) environnement de travail hostile (une conduite qui a pour effet de créer un environnement de travail intimidant, hostile ou humiliant pour une personne) (voir étude d’ensemble de 2012 sur les conventions fondamentales, paragr. 789). La commission prie donc instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour définir expressément et interdire dans la loi no 14 de 2004 sur le travail, la loi no 5 de 2017 relative aux travailleurs domestiques et la loi no 15 de 2016 sur les ressources humaines civiles, toute forme de harcèlement sexuel dans l’emploi et la profession auquel se livreraient non seulement un employeur, mais également un collègue, un client ou un fournisseur (ou un membre de la famille de l’employeur ou un ami de l’employeur dans le cas des travailleurs domestiques) contre tout travailleur masculin ou féminin dans les secteurs tant public que privé. Le gouvernement est également prié d’inclure des dispositions spécifiques prévoyant des dispositifs efficaces de recours, de réparation et de sanctions. La commission prie en outre le gouvernement d’envisager l’élaboration et la mise en œuvre d’une série de mesures concrètes pour lutter contre le harcèlement sexuel, telles que des lignes d’assistance téléphonique, des campagnes de sensibilisation, une assistance juridique ou des unités de soutien pour aider les victimes du harcèlement sexuel et une formation spécifique à l’intention des inspecteurs du travail. Enfin, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur le nombre de plaintes pour harcèlement sexuel soumises aux autorités compétentes, y compris les affaires pénales.
Articles 1 et 2. Non-discrimination à l’égard des travailleurs migrants. La commission rappelle que la grande majorité des travailleurs économiquement actifs au Qatar sont des travailleurs migrants. Elle rappelle également qu’elle fait référence, depuis 2009, aux restrictions en vigueur affectant la possibilité des travailleurs migrants de changer d’employeur, en vertu d’un système de parrainage (dit kafala), en raison duquel les travailleurs migrants sont encore plus exposés aux abus et à une discrimination fondée entre autres sur les divers critères énumérés dans la convention, notamment la race, la couleur, la religion, l’ascendance nationale et le sexe. A cet égard, la commission se félicite que le remplacement du système de la kafala par un «système d’emploi contractuel» est l’un des cinq objectifs du programme de coopération technique convenu entre le gouvernement du Qatar et le BIT, officiellement lancé en novembre 2017 (voir document GB.334/INS/8, 24 oct. 2018, paragr. 4, et 13 à 15).
La commission note que, dans ses observations, la CSI souligne que la loi no 21 de 2015, qui régit l’entrée et la sortie des expatriés et leur séjour, ne répond pas aux questions soulevées par la Commission de l’application des normes de la Conférence concernant l’abolition des visas de sortie. A cet égard, la Commission note avec intérêt que, suite à l’adoption de la loi no 13 du 4 septembre 2018 portant modification des dispositions de la loi no 21 de 2015 (entrée en vigueur le 13 décembre 2016), les travailleurs migrants couverts par la loi sur le travail pourront quitter temporairement ou définitivement le pays pendant la durée de validité du contrat de travail sans avoir à obtenir un visa de sortie. La loi précise que les employeurs peuvent soumettre à l’approbation du MADLSA une liste des travailleurs pour lesquels un visa de sortie est toujours requis, avec une justification fondée sur la nature de leur travail. Le nombre de ces travailleurs par entreprise ne doit pas dépasser 5 pour cent de leurs effectifs (nouvel article 7). La commission note toutefois que les dispositions susmentionnées ne s’appliquent pas aux travailleurs domestiques migrants – car ils ne sont pas couverts par la loi sur le travail – et souligne que les dispositions restreignant le changement d’employeur restent inchangées, à savoir que les travailleurs domestiques ne peuvent changer d’employeurs que: i) avec l’approbation de l’employeur, de l’autorité compétente et du MADLSA avant la fin du contrat; ii) avec l’approbation de l’autorité compétente et du MADLSA une fois terminé le contrat de durée déterminée ou après cinq ans de service auprès de l’employeur pour un contrat de durée indéterminée (art. 21); et iii) sur approbation du ministre ou de son représentant s’il est établi qu’il y eu violence de la part de l’employeur ou dans l’intérêt public ou pour une durée provisoire s’il y a des procédures judiciaires en cours entre le travailleur et son employeur (art. 22). A cet égard, la commission note que la CSI fait observer que: i) en vertu de l’article 21 de la loi no 21 de 2015, il n’est toujours pas possible de changer d’employeur pendant la durée d’un contrat sans l’autorisation de l’employeur; et ii) en vertu de l’article 22, il n’est pas clair sur quel critère le ministère se fonde pour refuser le transfert à un autre employeur ni comment il est établi qu’il y eu «violence», ou encore quand un transfert est «dans l’intérêt public». La CSI en conclut que l’employeur et le gouvernement continuent d’exercer un contrôle important sur le travailleur et disposent d’un large pouvoir discrétionnaire pour déterminer s’il peut changer d’emploi. De plus, la CSI fait remarquer qu’il n’y a pas de conditions précises concernant le transfert temporaire à un autre employeur (jusqu’à un an) qui peut être autorisé en vertu de l’article 23, pour ce qui est de la teneur du nouvel emploi et des conditions d’emploi. Selon la CSI, l’interdiction de réadmission des travailleurs migrants pendant quatre ans après leur licenciement pour des raisons disciplinaires (la décision faisant l’objet d’un recours disciplinaire) (art. 26) semble très sévère, d’autant plus qu’ils sont confrontés à des obstacles importants pour avoir accès à la justice; en effet, porter plainte devant un tribunal compétent est assez difficile dans la pratique.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le MADLSA fournit une assistance et un soutien juridiques aux travailleurs victimes d’abus, y compris de discrimination, afin qu’ils/elles puissent faire valoir leurs droits en vertu du droit du travail et changer d’employeur immédiatement s’ils/elles le souhaitent. Elle note également dans le rapport du gouvernement que le MADLSA continue de mener des campagnes de sensibilisation sur les droits des travailleurs migrants, par le biais des journaux, de la télévision et des réseaux sociaux. Elle note en outre que les contrats de travail doivent être approuvés par le ministère et qu’un système de contrat électronique est opérationnel en ligne en dix langues pour permettre aux travailleurs migrants de lire le contrat dans leur propre langue. En outre, la commission note, d’après les informations fournies par le gouvernement au Conseil d’administration, que des mesures ont été prises pour améliorer l’accès des travailleurs migrants à la justice et lutter contre la violence, et pour constituer des partenariats de coopération au niveau régional afin de renforcer les droits des travailleurs migrants, en particulier avec l’assistance du Comité national des droits de l’homme (voir document GB.331/INS/13(Rev.), 31 oct. 2017, annexe I, paragr. 17). La commission note également que, en octobre 2017, 12 ateliers ont été organisés pour informer à la fois les travailleurs migrants et les employeurs de leurs droits et obligations respectifs, comme le prévoit la loi (voir document GB.331/INS/13(Rev.), annexe I, paragr. 9). Tout en notant les mesures importantes prises par le gouvernement pour supprimer les visas de sortie pour les travailleurs migrants couverts par le droit du travail, la commission lui demande à nouveau: de lever les restrictions et obstacles qui empêchent ces travailleurs de changer de travail, avec un préavis raisonnable; de revoir la loi no 21 de 2015 à la lumière des commentaires ci-dessus; et de clarifier et de donner un cadre juridique clair aux conditions du transfert chez un autre employeur, notamment à titre temporaire, avec le concours du programme de coopération technique du BIT. Parallèlement, la commission demande au gouvernement de fournir une assistance aux travailleurs migrants, en particulier aux travailleurs domestiques, qui demandent à changer d’employeur lorsqu’ils sont victimes de discrimination fondée sur les motifs énumérés dans la convention. Le gouvernement est également prié de continuer à fournir des informations sur l’application de la loi no 21 de 2015 dans la pratique (nombre de demandes de changement d’employeur et leurs résultats).
Protection des travailleurs domestiques migrants contre la discrimination. Evolution de la législation et mesures concrètes. Rappelant que les travailleurs domestiques sont exclus du champ d’application de la loi no 4 de 2004 sur le travail, la commission prend note avec intérêt de l’adoption de la loi no 15 du 22 août 2017 relative aux travailleurs domestiques, qui constitue un net progrès s’agissant de la protection des travailleurs domestiques, notamment en ce qui concerne les droits et devoirs des deux parties sur le plan de la durée du travail, des périodes de repos, du paiement du salaire, etc. La commission note que la loi ne définit ni n’interdit la discrimination à l’égard des travailleurs domestiques sur la base des motifs énumérés par la convention (la race, la couleur, le sexe, la religion, l’opinion politique, l’ascendance nationale ou l’origine sociale). La commission note que l’article 17 de la loi no 15 de 2017 autorise un travailleur à mettre fin au contrat de travail sans pour autant perdre la prime qui lui est due en cas de «grave danger menaçant sa sécurité ou sa santé, si l’employeur avait conscience du danger et n’a rien fait pour l’écarter». La commission considère que ces dispositions ainsi que celles de l’article 7(2) et (3) mentionnées plus haut ont peut être été conçues pour traiter les questions de violence et de harcèlement, y compris sexuel. Toutefois, elle fait observer à nouveau qu’elles sont encore trop générales et ne définissent ni ne couvrent explicitement l’ensemble des comportements qui constituent un acte de harcèlement, y compris sexuel, en matière d’emploi et de profession. En outre, elles ne prévoient pas de procédure appropriée pour mettre fin à de tels comportements, en dehors de permettre au travailleur de mettre fin à son contrat et pour ouvrir un enquête sur les faits rapportés, ni de possibilités de recours. La commission se félicite néanmoins de la possibilité qu’ont les travailleurs domestiques et leurs employeurs de soumettre leurs différends relatifs aux dispositions de la loi no 15 de 2017 ou au contrat de travail au mécanisme de règlement des différends nouvellement établi au chapitre 11 bis du Code du travail, tel que modifié par la loi no 13 du 16 août 2017, conformément à l’article 18 de la loi no 15 de 2017. La commission note toutefois que la loi no 15 de 2017 ne contient aucune disposition permettant aux travailleurs domestiques de changer d’employeur et rappelle que cette possibilité est régie par les articles 21 à 23 de la loi no 21 de 2015 qui s’appliquent aux travailleurs migrants, exception faite des travailleurs domestiques. La commission rappelle également que la suppression de l’obligation de visa de sortie en vertu de la loi no 13 de 2018 portant modification de la loi no 21 de 2015 ne s’applique pas aux travailleurs domestiques et que les règles et procédures régissant leur sortie du pays sont déterminées par une décision ministérielle (nouvel article 7 de la loi no 21). La commission constate, d’après les statistiques fournies par le gouvernement au Conseil d’administration en octobre 2018 concernant les «infractions commises à l’encontre des travailleuses domestiques» pour 2015-2016 (à savoir 72 «agressions physiques ou verbales», 9 viols, 20 cas de harcèlement sexuel, 6 cas d’«exploitation sexuelle d’une travailleuse») qu’il se peut que le nombre de cas signalés soit sous-estimé.
Compte tenu de ce qui précède, la commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour modifier la loi no 15 de 2017 afin d’y inclure des dispositions qui définissent et interdisent: i) la discrimination fondée à tout le moins sur l’ensemble des motifs énoncés dans la convention et dans tous les aspects de l’emploi, notamment la rémunération; et ii) toutes les formes de harcèlement, en particulier le harcèlement sous forme de chantage sexuel (quid pro quo) et le harcèlement dû à un environnement de travail hostile. Elle demande en outre au gouvernement de veiller à ce que les mécanismes de règlement des différends soient connus des travailleurs domestiques et qu’ils y aient accès, et de continuer de prendre des mesures et des initiatives, telles que des campagnes de sensibilisation par le biais des médias ou autre, pour promouvoir les droits des travailleurs domestiques et lutter contre les stéréotypes concernant les travailleurs domestiques et la sous estimation de leur travail. La commission demande en outre au gouvernement de fournir des informations concernant la possibilité des travailleurs domestiques de changer d’employeur dans la pratique. Elle prie instamment le gouvernement de supprimer l’exigence de visa de sortie, comme c’est le cas pour les autres travailleurs migrants entrant dans le champ d’application de la loi sur le travail.
Article 2. Egalité entre hommes et femmes dans l’emploi et la profession. La commission note, d’après le rapport du gouvernement, qu’il a élaboré ses plans stratégiques en vue d’un investissement optimal dans les capacités des hommes et des femmes et que, malgré les traditions culturelles et sociales qui rendent sa tâche difficile, la participation des femmes à l’éducation, à la formation et au marché du travail a considérablement progressé. Il ajoute que la participation des femmes au marché du travail tend à croître (58,7 pour cent en 2015). La proportion de femmes ayant un travail par rapport à l’ensemble des femmes en âge de travailler a augmenté, passant de 34,6 pour cent en 2012 à 36,1 pour cent en 2015, et le nombre de femmes qualifiées est passé de 29 000 en 2012 à 69 000 en 2015, y compris dans les domaines de la gestion, de l’informatique, de l’exploitation du pétrole et du gaz, de l’exploitation minière, de la sécurité et de l’artisanat. Le gouvernement indique toutefois que la participation des femmes au marché du travail est concentrée dans certains domaines, tels que l’éducation, l’ingénierie et la médecine. La commission rappelle que l’une des ambitions du Qatar à l’horizon 2030 est d’accroître et de diversifier la participation des Qataris à la vie active en offrant davantage de possibilités et de soutien professionnel aux femmes qataries et que cette stratégie nationale affirme que «les femmes joueront un rôle important dans tous les domaines de la vie, notamment en participant aux décisions économiques et politiques». Tout en se félicitant de l’accent mis sur l’éducation et la formation des femmes dans le cadre des ambitions du Qatar à l’horizon 2030, la commission demande au gouvernement d’adopter des mesures volontaristes et de lever les obstacles en vue de faciliter et d’accroître la participation des femmes – qataries et non qataries – en matière d’emploi et de profession, notamment des mesures visant à:
  • i) promouvoir l’égalité de chances des hommes et des femmes en matière d’emploi et de profession, notamment en favorisant les processus de recrutement neutres et la levée des obstacles à l’accès aux ressources productives et aux équipements;
  • ii) lutter contre les stéréotypes relatifs aux aspirations et aux aptitudes des femmes, à leur capacité à exercer certains emplois ou leur intérêt pour ces emplois ou encore leur disponibilité pour des emplois à plein temps.
Afin que le gouvernement élabore des mesures appropriées, la commission l’invite à étudier la possibilité de faire une évaluation et une analyse de la situation en matière d’égalité entre hommes et femmes dans le domaine de l’emploi sous son contrôle direct et à encourager la réalisation d’une telle évaluation et analyse dans le secteur privé. Le gouvernement est également prié de continuer de fournir des statistiques actualisées, ventilées par sexe, concernant le taux d’activité des hommes et des femmes dans les divers secteurs de l’économie, dans le privé comme dans le public, ainsi que des statistiques sur la participation des femmes qataries et non qataries aux services d’éducation et de formation professionnelle.
Contrôle de l’application de la législation et sensibilisation. La commission se félicite des informations détaillées fournies par le gouvernement dans son rapport sur les activités menées à bien par les inspecteurs du travail. La commission note en outre que l’un des cinq piliers du programme de coopération technique du BIT concerne l’inspection du travail et elle salue la signature d’un protocole entre le MADLSA et le BIT, visant à fournir une assistance aux travailleurs souhaitant déposer plainte et l’organisation (en octobre 2018) par le MADLSA et le BIT d’un atelier à l’intention des inspecteurs du travail et d’autres fonctionnaires publics sur l’égalité et la non-discrimination dans l’emploi et la profession, y compris une séance consacrée à la présentation des prescriptions de la convention (voir document GB.334/INS/8, 24 octobre 2018, paragr. 21). Soulignant l’importance du rôle des inspecteurs du travail dans la lutte contre la discrimination, la commission demande au gouvernement de continuer de renforcer leurs capacités et celles d’autres autorités chargées de faire appliquer la législation s’agissant de prévenir, déceler et traiter les cas de discrimination et de mettre fin aux pratiques discriminatoires en matière d’emploi et de profession, et d’organiser des campagnes de sensibilisation, par la voie des médias ou autre, sur la discrimination et l’égalité. Le gouvernement est prié de continuer de fournir des informations sur le nombre et la nature des infractions relevées par les inspecteurs du travail ainsi que des plaintes examinées par les tribunaux en matière de discrimination dans l’emploi et la professions, et sur les éventuels obstacles auxquels se heurtent les travailleurs pour soumettre une plainte.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
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