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Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Argentine (Ratification: 1960)

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La commission prend note des observations formulées par les organisations suivantes: Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA autonome) et Centrale des travailleurs de l’Argentine (CTA des travailleurs), reçues le 13 juillet 2017 – ainsi que la réponse du gouvernement à ces observations; CTA autonome et CTA des travailleurs – toutes deux reçues le 1er septembre 2017; Confédération générale du travail de la République argentine (CGT RA), reçues le 31 août 2018; Confédération syndicale internationale (CSI) et CTA autonome, toutes deux reçues le 1er septembre 2018; Fédération internationale des ouvriers du transport (FIT), reçues le 4 septembre 2018; CTA des travailleurs, reçues le 12 septembre 2018. La commission observe que certaines des questions soulevées par les partenaires sociaux sont examinées par le Comité de la liberté syndicale (en particulier les cas nos 3229, 3257, 3272) – la commission renvoie donc à ces cas en ce qui concerne l’examen, les recommandations formulées et le suivi de ces cas.
La commission note les autres observations sur des questions qui font l’objet du présent commentaire ainsi que les allégations de violation sérieuses de la convention dans la pratique: la répression violente de manifestations syndicales, d’agressions physiques et de menaces contre des travailleurs pour des raisons syndicales, de détention, de poursuites judiciaires et d’emprisonnement de syndicalistes; d’attaques contre les sièges des syndicats; d’obstacles et d’interdictions à la réalisation de grèves, d’imposition de sanctions, de remplacements et de licenciements de grévistes; d’intervention et d’ingérence indues des autorités dans la vie des syndicats; d’obstacles au prélèvement des cotisations syndicales et d’imposition d’amendes disproportionnées en raison d’actions directes pendant la conciliation obligatoire; et d’agressions verbales du gouvernement contre le mouvement syndical.
La commission note également que le gouvernement, dans ses réponses aux observations de 2016 de la CTA autonome et de la CGT RA, indique avoir besoin d’informations complémentaires pour enquêter sur certaines des allégations précédemment formulées. La commission note également que le gouvernement: i) affirme que dans le pays certains secteurs ont tendance à accompagner le conflit du travail sans tenir compte des droits d’autres citoyens et des institutions de la République; ii) considère que la protestation sociale remet en cause la gouvernance politique et que cela va au-delà de l’exercice de la liberté syndicale; et iii) en ce qui concerne le protocole d’intervention des forces de sécurité de l’Etat lors des manifestations publiques du 17 février 2016 – qui limite les activités des piquets de grève, selon les organisations de travailleurs –, le gouvernement communique une copie de ce protocole et indique que son seul but est de préserver les droits de tous les citoyens – tels que le droit à la libre circulation ou au travail – et qu’il encadre le développement prévisible du conflit et préserve la paix sociale. La commission note également, selon ce que fait observer le gouvernement, que de nombreux litiges se trouvent devant les organes de contrôle de l’OIT concernant le pays, et ce en raison: du prestige dont jouit l’OIT au sein du pays et des partenaires sociaux; de la présence active de cette Organisation dans la vie sociale, politique et institutionnelle du pays; et du fait que l’Argentine, pays fondateur de l’OIT, a toujours appuyé tous ses organes. Dans ces conditions, le gouvernement propose de créer deux comités tripartites avec l’assistance du BIT pour traiter des questions en suspens ou futures concernant le respect des normes internationales du travail, conformément à la convention (no 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976: i) une commission chargée d’examiner les questions relevant du système de contrôle périodique, en vertu des articles 19, 22 et 23, et les réclamations présentées en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT; et ii) une autre commission chargée de la procédure spéciale de plaintes relatives à la liberté syndicale.
Tout en notant que le gouvernement et les partenaires sociaux sont préoccupés par la multiplication des conflits et des protestations, la commission veut croire que l’initiative proposée pour promouvoir le dialogue social pourra se concrétiser dans un proche avenir en consultation avec les partenaires sociaux. La commission encourage le gouvernement à soumettre aux nouvelles commissions tripartites les questions qui font l’objet du présent commentaire, ainsi que les allégations présentées dans les observations des organisations de travailleurs, et invite ces dernières à fournir tout complément d’information qui pourrait être nécessaire pour traiter les questions d’application pratique de la convention encore en suspens. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute évolution à cet égard.
Articles 2, 3 et 6 de la convention. Autonomie des syndicats et principe de non-intervention de l’Etat. La commission rappelle que, depuis de nombreuses années, elle prie le gouvernement de prendre des mesures pour modifier les dispositions ci-après de la loi no 23551 de 1988 sur les associations syndicales (LAS) et du décret réglementaire no 467/88 correspondant, qui ne sont pas conformes à la convention:
– Privilège de représentation (personería gremial ): i) l’article 28 de la LAS, qui impose à toute association, pour pouvoir disputer à une autre le privilège de représentation (personería gremial), de compter un nombre d’adhérents «considérablement supérieur», et l’article 21 du décret réglementaire no 467/88, qui définit le sens des termes «considérablement supérieur» comme signifiant que l’association qui le revendique doit compter au moins 10 pour cent d’adhérents cotisants de plus que sa rivale; ii) l’article 29 de la LAS, qui dispose que le privilège de représentation (personería gremial) ne sera accordé à un syndicat d’entreprise qu’en l’absence d’un autre syndicat ayant déjà ce privilège dans le secteur d’activité, la catégorie ou le secteur géographique considéré; et iii) l’article 30 de la LAS, qui fait obligation aux syndicats de corps de métier, de profession ou de catégorie, pour obtenir le privilège de représentation (personería gremial), de prouver qu’ils défendent des intérêts différents de ceux du syndicat préexistant, et que le privilège de représentation qu’ils revendiquent n’empiétera pas sur le privilège de celui là.
– Avantages découlant du privilège de représentation (personería gremial ): i) l’article 38 de la LAS qui autorise uniquement les associations ayant le privilège de représentation (personería gremial) – et pas celles qui sont simplement enregistrées – à percevoir les cotisations syndicales par retenue directe; et ii) les articles 48 et 52 de la LAS, qui prévoient que seuls les représentants des organisations ayant le privilège de représentation (personería gremial) bénéficient d’une protection spéciale (immunité syndicale).
Dans ses commentaires précédents, la commission avait noté que la Cour suprême de justice de la nation et d’autres juridictions nationales et provinciales avaient déclaré inconstitutionnels divers articles de la législation précitée, notamment ceux concernant le privilège de représentation (personería gremial) ainsi que la protection syndicale. La commission avait également observé que le gouvernement avait mentionné diverses initiatives d’ordre législatif visant à réformer la LAS.
La commission note que les observations de la CTA autonome et de la CTA des travailleurs réitèrent la nécessité de modifier la LAS et dénoncent l’inaction du gouvernement à cet égard, malgré les décisions judiciaires. Elle souligne que celui-ci n’a pas organisé de table ronde tripartite et n’a encouragé aucune modification du régime actuel, ni soutenu aucun des projets présentés à cet égard devant le Congrès national par les législateurs de divers groupes, tenant le gouvernement pour responsable de l’absence de débat parlementaire.
En outre, la commission note que le gouvernement indique que: i) les législateurs du parti gouvernemental sont les principaux instigateurs des projets d’amendements de la LAS; ii) depuis longtemps, il est impossible de faire avancer ce débat, même dans d’autres conditions politiques; et iii) la situation est beaucoup plus difficile pour le gouvernement actuel, entré en fonctions en 2015, car il s’agit d’une réforme législative délicate qui nécessite une intervention parlementaire, et le Congrès actuel est le théâtre d’un conflit chaque fois qu’il s’agit d’une question sociale – où les méthodes appliquées par certains syndicats s’accompagnent de comportements qui sont contraires à, et influent sur, la gouvernance; iv) dans ce contexte politique, les conditions nécessaires à un dialogue social au sens de l’OIT ne sont pas réunies; v) dans ces conditions, les efforts que le gouvernement pourrait faire actuellement pour mettre en œuvre les amendements proposés par l’OIT sont infructueux; et vi) le gouvernement a l’intention de créer une commission tripartite chargée de traiter les questions soulevées par le système de contrôle périodique de l’OIT – y compris la réforme de la LAS – pour autant que les partenaires sociaux soient disposés à y participer et s’engagent à obtenir des résultats.
Tout en rappelant que, depuis de nombreuses années, la commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre la législation en conformité avec la convention, elle espère vivement que les commissions tripartites susmentionnées par le gouvernement offriront un espace de dialogue social approprié pour l’examen des questions en suspens avec l’ensemble des partenaires sociaux. La commission prie instamment une nouvelle fois le gouvernement de prendre sans délai, après ledit examen tripartite, les mesures nécessaires pour mettre la LAS et son décret réglementaire en pleine conformité avec la convention et rappelle au gouvernement qu’il peut solliciter l’assistance technique du Bureau à cet égard.
Article 3. Droit des syndicats d’élire librement leurs représentants et d’organiser leur administration et leurs activités. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note des allégations d’organisations de travailleurs alléguant l’ingérence du gouvernement dans les processus électoraux des syndicats, et a observé avec préoccupation que ces allégations avaient fait l’objet de recommandations du Comité de la liberté syndicale (en particulier dans les cas nos 2865 et 2979). La commission note que, dans leurs observations, la CGT RA et la CTA autonome allèguent une ingérence dans les processus électoraux, et ces organisations, avec la CSI, dénoncent de nouvelles formes d’ingérence indue du gouvernement dans la vie des syndicats, en faisant notamment référence à la mise sous contrôle de syndicats – notamment la nomination d’administrateurs externes – et à des retards injustifiés des autorités administratives en ce qui concerne la certification des dirigeants syndicaux – qui entraînent, pour les organisations de travailleurs concernées, une incapacité à agir. De même, la CGT RA et la CTA autonome allèguent la publication de la disposition 17-E/2017 par la Direction nationale des associations syndicales – qui ordonne de refuser l’enregistrement des syndicats qui n’ont pas accrédité dans les trois ans leur activité opérationnelle, conformément aux obligations légales périodiques énoncées dans la LAS –, la CTA autonome indiquant que cette disposition confère un énorme pouvoir discrétionnaire de sanctionner les syndicats principaux. La commission note également que le gouvernement renvoie le traitement de ces questions aux commissions tripartites proposées. Rappelant l’importance de veiller à ce que les autorités administratives n’interviennent pas dans les processus électoraux et qu’il n’y ait pas de retard indu dans la certification des dirigeants syndicaux, ainsi que de toute autre intervention portant atteinte au droit des syndicats d’élire librement leurs représentants et d’organiser leur administration et leurs activités, la commission espère vivement que les questions soulevées par les organisations de travailleurs seront examinées par les nouvelles commissions tripartites, afin que les mesures nécessaires puissent être prises, et demande au gouvernement de fournir des informations sur toute évolution à cet égard.
Procédure administrative pour obtenir l’enregistrement d’un syndicat ou la reconnaissance du privilège de représentation (personería gremial). La commission rappelle que, dans ses commentaires antérieurs, elle avait demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme au retard injustifié dans le traitement des demandes d’enregistrement d’un syndicat ou d’obtention du privilège de représentation (personería gremial). La commission note que la CSI, la CTA des travailleurs et la CTA autonome allèguent encore une fois la persistance des retards et des refus des autorités administratives de procéder à l’enregistrement de syndicats ou de reconnaître le privilège de représentation (personería gremial) (citant de nombreux exemples, notamment que le privilège de représentation (personería gremial) n’a toujours pas été accordé à la Fédération des travailleurs de l’énergie de la République argentine (FeTERA) ni à la CTA des travailleurs, leur demande initiale remontant à dix-huit et quatorze ans, respectivement). La commission note également l’indication du gouvernement selon laquelle ces questions pourraient aussi être traitées par les commissions tripartites proposées. Rappelant que ces allégations de retard injustifié ont fait l’objet de plusieurs cas présentés au Comité de la liberté syndicale, qui a renvoyé à la commission les aspects législatifs de ce cas, la commission se voit obligée une fois encore de prier instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires, notamment celles susceptibles de découler des discussions tripartites susmentionnées, pour éviter les retards ou les refus injustifiés de procéder à l’enregistrement de syndicats ou à la reconnaissance du privilège de représentation (personería gremial), et de fournir des informations sur toute évolution à cet égard.
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