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Demande directe (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Belgique (Ratification: 1951)

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La commission prend note des observations émises par la Fédération générale du travail de Belgique (FGTB), la Confédération des syndicats chrétiens (CSC) et la Centrale générale des syndicats libéraux de Belgique (CGSLB), en date du 25 août 2021, ainsi que de la réponse du gouvernement du 29 octobre 2021, qui portent sur des questions examinées dans le cadre du présent commentaire. La commission prend également note des observations complémentaires des organisations précitées reçues le 17 novembre 2021.
Article 3 de la convention. Droit des organisations d’organiser leurs activités et de formuler leur programme d’action. Entraves méchantes à la circulation (art. 406 du Code pénal). Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application de l’article 406 du Code pénal ainsi que sur le résultat des procédures pénales engagées. La commission note que selon le gouvernement il existe une jurisprudence constante dont on peut déduire que lorsque certains actes peuvent être qualifiés de délits portant atteinte à la sécurité et à la liberté de tous les citoyens (en l’espèce, l’incrimination de l’entrave méchante à la circulation), ceux-ci ne peuvent être purement et simplement écartés pour certains droits fondamentaux et que la liberté syndicale n’en est pas pour autant compromise. Le gouvernement souligne que la ratio legis de l’article 406 du Code pénal ne consiste pas à porter atteinte au droit de grève ou au libre exercice de ce droit: l’article ne cible pas ces actions, mais traite de toutes les circonstances dans lesquelles des barrages routiers sont mis en place de manière malveillante, quel que soit le motif sous-jacent. La commission note que le gouvernement se réfère à l’état d’avancement de deux affaires dans lesquelles des poursuites pénales ont été entamées par le parquet en vertu de l’article 406 du code pénal à l’encontre de représentants syndicaux qui avaient mis en place un barrage routier dans le cadre d’une action de grève. La première affaire concerne des actes commis à l’occasion de la grève interprofessionnelle du 24 juin 2016 menée contre la politique du gouvernement sur les mesures concernant les pensions; à cette occasion, certaines routes d’accès au port d’Anvers ont été fermées, dans le but de causer des dommages économiques afin que les entreprises concernées fassent pression sur le gouvernement. Sur cette affaire, le gouvernement indique que la Cour a jugé que l’acte délibéré d’entraver la circulation suffit à démontrer l’élément moral de ce délit, à savoir la malveillance, et qu’il n’est donc pas nécessaire «que l’auteur de l’infraction sût ou aurait dû savoir qu’en entravant la circulation, celle-ci pouvait devenir dangereuse». Le gouvernement souligne que selon la Cour: i) «le simple fait qu’une infraction soit commise dans le cadre d’une grève ou d’une manifestation ne supprime pas l’élément moral de l’infraction, quels que soient les motifs de cette action. Ainsi, le fait qu’une entrave à la circulation soit organisée pour soutenir des revendications syndicales n’enlève pas nécessairement que cette entrave à la circulation soit malveillante au sens de l’article 406, premier alinéa, du code pénal»; et ii) «il résulte des articles 10 et 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que le droit de grève ou le droit de manifester ne sont pas des droits absolus, mais que leur exercice peut être soumis à des restrictions, pour autant que celles-ci répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général et ne puissent être considérées comme une intervention démesurée et intolérable portant atteinte à la substance de ces droits protecteurs; le juge statue souverainement à cet égard, sur la base des faits qu’il constate».
La deuxième affaire concerne des actes commis lors d’une journée de grève le 19 octobre 2015. Le gouvernement informe qu’environ 300 manifestants avaient bloqué le viaduc d’une autoroute dans la province de Liège, avec de graves conséquences pour les biens publics et les usagers (dégradation de la chaussée et embouteillages ayant notamment empêché un chirurgien d’opérer à temps une personne hospitalisée qui décèdera par la suite). La commission note que dans un jugement du 23 novembre 2020, le tribunal correctionnel de Liège a condamné 17 syndicalistes pour entrave méchante à la circulation (à quinze jours d’emprisonnement avec sursis et 300 euros d’amende pour les militants et à un mois d’emprisonnement avec sursis et 600 euros d’amende pour les responsables syndicaux) et que le syndicat a fait appel de la décision. La commission note que selon la FGTB, la CSC et la CGSLB l’approche retenue par le tribunal correctionnel est attentatoire au droit de grève, puisque le simple fait d’être présent à un moment ou un autre sur les lieux du blocage permet la criminalisation des participants (les prévenus ont en effet fait valoir qu’ils avaient rejoint un blocus déjà mis en place et que l’action avait été perturbée par des émeutiers qui ne faisaient pas partie du syndicat). La commission note que selon les organisations syndicales les sanctions pénales infligées ont de graves conséquences: elles risquent d’entraîner un effet d’intimidation sur les syndicats en décourageant les actions syndicales et, sur le plan individuel, elles emportent la création d’un casier judiciaire susceptible d’avoir des répercussions en termes d’accès à un emploi. Elles font également observer que l’affaire a donné lieu à une campagne de presse procédant à l’assimilation des syndicalistes à des casseurs ou des criminels de droit commun. La commission note qu‘en date du 19 octobre 2021, la Cour d’appel de Liège a confirmé le verdict du tribunal correctionnel. Les peines d’emprisonnement sont maintenues tandis que le montant des amendes est alourdi. La Cour d’appel a estimé que les défendeurs étaient coupables d’entrave délibérée à la circulation et que le droit de grève ne pouvait être utilisé comme justification. La commission note que la FGTB envisage un pourvoi en cassation.
La commission prend note des informations fournies par le gouvernement comme par les organisations syndicales. Elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur l’application de l’article 406 du Code pénal ainsi que sur le résultat des procédures pénales engagées, en particulier le pourvoi en cassation dirigé contre la décision de la Cour d’appel de Liège du 19 octobre 2021.
Déclaration individuelle de participation à une grève. Dans ses commentaires précédents, la commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l’application dans la pratique de: i) la loi du 29 novembre 2017 sur la continuité du service de transport ferroviaire de personnes en cas de grève, qui impose à chaque membre du personnel appartenant à une catégorie professionnelle opérationnelle considérée comme essentielle de déclarer son intention de participer à une grève, dans des délais déterminés (préavis de 72 heures correspondant au Règlement général des relations syndicales (RGRS)); et ii) sur la loi du 23 mars 2019 sur l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire qui prévoit un dispositif comparable. La commission avait relevé que le dispositif de la déclaration individuelle de faire grève était établi dans des termes comparables, d’une part, dans le cadre des transports ferroviaires qui, selon la commission, ne constituent pas des services essentiels au sens strict du terme, mais des services d’importance primordiale pouvant justifier l’établissement d’un service minimum et, d’autre part, dans le cadre des services pénitentiaires, considérés par la commission comme des services essentiels au sens strict du terme. La commission avait considéré que si la déclaration d’intention de faire grève pouvait être justifiée afin d’organiser le maintien d’une activité minimale au sein des services en question, il convenait de veiller à ce que la mise en œuvre de tels mécanismes, susceptibles d’être utilisés afin d’affaiblir l’action collective des travailleurs et de leurs organisations, ne conduise à aucun type d’ingérence dans les actions menées par les organisations syndicales ni à aucune forme de pression sur les grévistes potentiels. La commission avait noté que la Cour constitutionnelle, dans un arrêt du 14 mai 2020, avait rejeté le recours en annulation introduit contre la loi du 29 novembre 2017, estimant que, dans la mesure où la grève doit faire l’objet d’un préavis de huit jours ouvrables minimum, les membres du personnel soumis à l’obligation de déclaration préalable disposent d’un délai suffisant en vue de prendre une décision au sujet de leur participation à la grève, 72 heures avant celle-ci, et qu’un tel dispositif n’entraînait donc pas d’ingérence disproportionnée dans les droits des travailleurs concernés.
La commission note que le gouvernement rappelle que la Cour constitutionnelle, dans son arrêt du 14 mai 2020, a estimé disproportionné, au regard des objectifs poursuivis, de considérer comme un manquement disciplinaire le fait pour un agent de ne pas communiquer son intention de ne pas participer à la grève, et, partant, de travailler. En ce qui concerne l’application concrète de la loi, la commission prend note de la circulaire fournie par le gouvernement relative à la continuité du service de transport ferroviaire de personnes, qui s’applique aux grèves initiées dans le cadre de la procédure de préavis et de concertation à l’occasion de conflits sociaux conformément au Statut syndical des Chemins de fer belges (RGPS Fascicule 548). En vertu de ce cadre juridique, les membres du personnel appartenant aux catégories professionnelles opérationnelles considérées comme essentielles par les Comités de direction d’Infrabel et de la SNCB et dont la présence est prévue pour le(s) jour(s) de grève envisagé(s), sont invités à faire connaître leur intention de faire grève ou non, via une procédure traçable préalablement établie par les entreprises et publiée via tous les canaux de communication interne au personnel concerné.
En ce qui concerne la loi du 23 mars 2019 concernant l’organisation des services pénitentiaires et le statut du personnel pénitentiaire, la commission note que le gouvernement rappelle que la loi a cherché et trouvé un équilibre entre la garantie du droit de grève, d’une part, et l’organisation nécessaire de services minimums efficaces pour les détenus, d’autre part, et qu’à ce titre les déclarations d’intention, traitées de manière confidentielle, sont nécessaires pour gérer la grève dans la prison et éviter que les services minimums ne puissent pas être offerts aux détenus. La commission prend note de l’exemple d’instruction donnée aux prisons en cas de préavis de grève, qui s’accompagne de tableaux à remplir par les prisons afin de leur permettre de vérifier que les procédures sont correctement suivies. La commission prend bonne note de l’ensemble des informations fournies par le gouvernement.
Services pénitentiaires. Résolution de conflits. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté les allégations des organisations syndicales précitées concernant la loi du 23 mars 2019 qui instaure un service minimum, ainsi que la possibilité de faire usage d’un système de réquisition du personnel en cas de grève de plus de deux jours. Elles affirmaient notamment que tout désaccord concernant les négociations sur le service minimum devait être réglé par un organisme indépendant, comme par exemple les autorités judiciaires, et non par le ministère concerné, alors que la loi dispose en son article 19 que, si le comité de concertation compétent ne présente pas de plan opérationnel dans les trois mois suivant l’entrée en vigueur de la loi, soit parce qu’il n’a pas pris de décision, soit parce qu’aucun accord n’a été conclu au sein du comité, le ministre détermine les prestations et les mesures à prendre. La commission note que le gouvernement fait observer que les articles 17 et 18 de la loi du 23 mars 2019 fixent les obligations de service minimum à l’égard des détenus et déterminent les personnes dont l’accès à la prison doit être garanti pendant toute la durée de la grève, et qu’il n’y a donc pas de concertation sur ces points déjà fixés par le législateur; en revanche, pour assurer ces services, le personnel doit être en nombre suffisant. Ces informations sont fournies dans des tableaux/plans de services pour chaque prison. Le gouvernement rappelle à cet égard que le législateur ayant souhaité régler les choses autant que possible d’un commun accord, la «planification des postes» par prison a été initialement confiée aux consultations sociales locales (c’est-à-dire aux comités de concertation de base). Si aucun accord n’est trouvé au niveau local, une autre consultation est prévue au niveau supérieur (au sein du Comité supérieur de concertation). Si aucun accord n’est trouvé à ce niveau non plus, le ministre décide. La commission note également l’indication du gouvernement selon laquelle, s’agissant du processus de consultation et de décision pour les tableaux officiels, «le ministre a finalement approuvé le mémorandum avec les plans pour chaque prison après qu’aucun accord n’ait pu être trouvé par le dialogue social». Prenant note des informations qu’il fournit pour assurer le maintien d’un service minimum, la commission prie le gouvernement de fournir des informations additionnelles sur les garanties compensatoires ou les mécanismes de résolution applicables aux conflits dans les services pénitentiaires.
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