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Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

Convention (n° 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 - Venezuela (République bolivarienne du) (Ratification: 1982)

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La commission prend note des observations relatives à l’application de la convention, en droit et dans la pratique, formulées par les organisations suivantes: Fédération des associations de professeurs d’université du Venezuela (FAPUV), les 12 mars et 3 juin 2021; Mouvement MOV 7 «La Voz Alcasiana», le 6 avril 2021; Confédération des travailleurs du Venezuela (CTV), Centrale des travailleurs Alliance syndicale indépendante (ASI) et FAPUV, les 22 juillet et 30 août 2021; ASI, le 31 août 2021; Fédération des chambres et associations de commerce et de production du Venezuela (FEDECAMARAS), avec l’appui de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), le 1er septembre 2021; Centrale bolivarienne socialiste des travailleurs et travailleuses de la ville, de la campagne et de la pêche du Venezuela (CBST-CCP), le 8 septembre 2021. La commission prie le gouvernement de transmettre ses commentaires à ce sujet.

Suivi des recommandations de la commission d’enquête (plainte déposée au titre de l’article 26 de la Constitution de l’OIT)

Dans son observation précédente, la commission a pris note des conclusions et des recommandations du rapport de la commission d’enquête relatives à l’application de la convention. La commission prend note de la discussion qui s’est tenue à la 343e session (novembre 2021) du Conseil d’administration sur l’examen de toutes les mesures, y compris celles prévues par la Constitution de l’OIT, qui devraient être prises pour s’assurer que la République bolivarienne du Venezuela applique les recommandations de la commission d’enquête, ainsi que de la décision adoptée à ce sujet. La commission note que le Conseil d’administration réexaminera à sa 344e session (mars 2022) les progrès accomplis par le gouvernement pour garantir l’application des recommandations de la commission d’enquête et qu’il examinera l’ensemble des mesures qui pourraient être prises pour atteindre cet objectif.
Libertés civiles et droits syndicaux. Climat exempt de violence, de menaces, de persécutions, de stigmatisation, d’intimidations ou d’autres formes d’agression dans lequel les partenaires sociaux pourront exercer leurs activités légitimes, notamment participer à un dialogue social présentant toutes les garanties. La commission rappelle que la commission d’enquête a recommandé: i) de mettre fin immédiatement à tous les actes de violence, à toutes menaces, persécutions, stigmatisations, manœuvres d’intimidation ou autres formes d’agression contre des personnes ou des organisations en relation avec l’exercice d’activités syndicales légitimes et d’adopter des mesures propres à garantir que de tels actes ne se reproduiront pas; ii) de ne pas recourir à des procédures judiciaires ni à des mesures conservatoires ou à des mesures de substitution dans le but de restreindre la liberté syndicale, notamment de ne pas soumettre des civils à la juridiction militaire; iii) de remettre immédiatement en liberté tout employeur ou syndicaliste qui serait encore détenu en lien avec l’exercice d’activités légitimes de son organisation, comme c’est le cas de M. Rodney Álvarez; iv) de diligenter sans délai une enquête indépendante sur toutes les allégations de violence, menaces, persécutions, stigmatisations, manœuvres d’intimidation et autres formes d’agression qui n’ont pas été dûment élucidées afin d’établir les responsabilités et d’identifier les auteurs matériels et les auteurs intellectuels, en veillant à ce que des mesures appropriées de protection, de sanction et d’indemnisation soient prises; v) d’adopter les mesures nécessaires pour garantir l’état de droit, en particulier l’indépendance des organes des autres pouvoirs de l’État vis-à-vis du pouvoir exécutif; et vi) d’élaborer, avec le BIT, des programmes de formation visant à promouvoir la liberté syndicale, la consultation tripartite et le dialogue social en général, y compris le plein respect de ses conditions essentielles et des normes fondamentales, conformément aux normes internationales du travail. À la lumière des informations fournies par le gouvernement et les partenaires sociaux, dans son observation précédente, et exprimant sa profonde préoccupation devant l’absence quasi totale de progrès, la commission a instamment prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour enquêter et donner rapidement suite à toutes les allégations concernant une violation de la convention eu égard aux libertés civiles et aux droits syndicaux qui avaient déjà été formulées.
En ce qui concerne la situation de Rodney Álvarez, la commission note que le gouvernement indique que ce syndicaliste a été condamné, le 11 juin 2011, à 15 ans de prison pour homicide (infraction de droit commun) et non pour l’exercice d’activités syndicales. Le gouvernement précise que le condamné jouit des garanties nécessaires pour former les recours correspondants auprès des tribunaux supérieurs et qu’il est garanti que, lorsque la condamnation prendra force exécutoire, la durée de la privation de liberté avant jugement sera décomptée de la durée de la peine. Le gouvernement nie à nouveau en bloc le fait que les procédures judiciaires seraient utilisées en tant que pratique antisyndicale. Par ailleurs, la commission prend note des observations de différents partenaires sociaux (CTV, ASI et FAPUV) qui dénoncent, comme a pu le constater la commission d’enquête, le fait que la procédure visant M. Álvarez reflète l’absence de séparation des pouvoirs dans le pays et a supposé un déni de justice clair, avec huit interruptions et jusqu’à 25 audiences préliminaires, ainsi que trois agressions graves portées contre M. Álvarez par arme blanche et arme à feu, en toute impunité, pendant les plus de 10 années qu’a duré sa détention avant jugement. Pour ce qui concerne le procès, ces organisations dénoncent le fait qu’aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que M. Álvarez était armé et encore moins qu’il était l’auteur des tirs, le fait que le juge a rejeté tous les témoins présentés par la défense qui se trouvaient sur les lieux et qui ont vu que le tueur était quelqu’un d’autre et le fait que la déclaration du garde national qui était en faction dans l’entreprise au moment des faits a été également occultée, déclaration dans laquelle il affirmait qu’il avait arrêté cette autre personne parce qu’elle avait tiré. Tout en prenant note avec une profonde préoccupation des nouvelles allégations graves d’atteinte aux garanties de la procédure en l’espèce, la commission prie instamment le gouvernement d’appliquer immédiatement les recommandations de la commission d’enquête relatives à ce cas.
Quant aux autres questions en suspens, la commission note que le gouvernement rejette l’allusion aux défaillances présumées de l’état de droit ou de la séparation des pouvoirs dans le pays et qu’il affirme que les allégations présumées et les observations présentées par les partenaires sociaux ont été reçues, analysées et transférées aux instances des pouvoirs publics correspondants. Le gouvernement affirme également qu’il a accompli des progrès pour améliorer l’application de la convention, comme le montre le dialogue social large et inclusif, présentant toutes les garanties et sans aucune exclusive, tenu avec les organisations de travailleurs et d’employeurs qui souhaitaient volontairement y participer. À ce sujet, le gouvernement réitère les informations qu’il a transmises au Conseil d’administration: i) depuis février 2020, des réunions de dialogue bipartite ont été instaurées pour traiter des éléments liés à la convention et d’autres sujets d’intérêt national mis en avant par les partenaires sociaux. La FEDECAMARAS, la Fédération des chambres et associations des artisans et des micro, petites et moyennes entreprises et industries du Venezuela (FEDEINDUSTRIA), la CBST-CCP, l’ASI, la Confédération générale du travail (CGT), l’Union nationale des travailleurs du Venezuela (UNETE), la Confédération des syndicats autonomes (CODESA, qui a déposé un document puis s’est retirée) et la CTV (qui a envoyé une communication dans laquelle elle a dit qu’elle refusait de participer au dialogue proposé comme mécanisme de règlement des différends) ont répondu à cet appel; ii) des réunions se sont par la suite déroulées à la demande des partenaires sociaux et il y a eu des avancées sur certains aspects évoqués dans les observations de la commission; iii) entre le 21 mai et le 23 juin 2021, des assises nationales de dialogue social sur le monde du travail ont été menées de manière virtuelle à travers six séances de travail, dont une entière et une partie d’une deuxième ont été consacrées à l’examen de sujets législatifs et concrets liés à l’application de la convention; iv) au cours de ces séances, les partenaires sociaux ont pu exprimer leur point de vue et faire des exposés sur des sujets relatifs à l’application de la convention, dans un climat respectueux et propice, séances auxquelles ont largement participé une partie de ces organisations (FEDECAMARAS, FEDEINDUSTRIA, CBST-CCP, ASI, UNETE, CTV – qui ont participé aux deux premières séances –, CODESA – qui n’a assisté qu’à la première séance – et CGT – qui avait manifesté son intérêt mais qui a rencontré des problèmes de connexion); v) pour ce qui concerne les employeurs, la Direction nationale pour la défense des droits économiques (SUNDDE) a publié un communiqué public dans lequel elle a lancé un appel général à toutes les personnes qui sont sous le coup d’une mesure d’occupation temporaire imposée en application de la loi sur les prix justes et dont la procédure est toujours en instance pour qu’elles se mettent en relation avec cette instance gouvernementale; vi) au cours de ces assises, le gouvernement s’est engagé à constituer un groupe de travail technique, qui se réunira en présentiel, sur la convention, et qui sera notamment chargé des cas particuliers tels que ceux touchant la question des terres. Ce groupe a entamé ses travaux le 30 juillet 2021, puis élaboré son programme de travail, le 17 août 2021; et vii) d’autres espaces de dialogue ont été ouverts entre l’exécutif et les partenaires sociaux, au plus haut niveau: à titre d’exemple, l’appel lancé par la vice-présidente exécutive de la Présidence qui a appelé la FEDECAMARAS à participer au Conseil supérieur de l’économie productive. Le gouvernement conclut en affirmant que, contrairement à la politique présumée de violence, de menaces, de persécution ou d’autres formes d’agression à l’endroit des partenaires sociaux, des efforts sont déployés pour continuer à renforcer les espaces de dialogue. S’agissant des allégations relatives aux terres, la commission prend bonne note des informations que le gouvernement a adressées au Conseil d’administration sur les mesures prises pour répondre aux demandes de la FEDECAMARAS, en particulier: la tenue de réunions au siège de l’Institut national des terres (INTI) dans le but de trouver des solutions aux cas soulevés par la Fédération nationale des éleveurs du Venezuela (FEDENAGA), réunions au programme desquelles figure la liste de la FEDECAMARAS; et la constitution d’une commission technique chargée de traiter des sujets intéressant la FEDENAGA et l’INTI, y compris la liste de cas d’exploitations parties à un litige (le gouvernement a indiqué qu’à ce jour la FEDENAGA aurait donné la priorité à 12 cas au sujet desquels un réexamen des procédures administratives exécutées serait entrepris en vue de définir des solutions possibles et que des avancées étaient réalisées dans la procédure de certification des exploitations candidates au statut d’exploitation à améliorer ou d’exploitation productive).
La commission note également que la CBST-CCP affirme que l’État encourage la bonne application de la convention et souligne que, cette année, un dialogue social a été organisé, dialogue dans lequel la large inclusion des organisations de travailleurs et d’employeurs a été garantie puisque celles-ci y ont volontairement participé. La CBST-CCP rejette catégoriquement les observations des partenaires sociaux qui affirment que l’État insuffle une politique de violence, de persécution et d’agression et affirme qu’il est en réalité le garant du libre exercice syndical pour toutes les organisations, sans distinction.
Par ailleurs, la commission note qu’il est affirmé, dans les observations reçues des autres partenaires sociaux, qu’il n’y a pas eu de progrès dans l’application de cet ensemble de recommandations et qu’il y a eu d’autres violations de la convention, énumérées ci-après.
La FEDECAMARAS: a) mentionne des messages hostiles ou intimidants à l’endroit de l’organisation et de son président, en particulier des affirmations stigmatisantes à l’égard de celui-ci portées par le Président de la République, lors d’une intervention diffusée par la chaîne de télévision de l’État, ainsi que des messages de discrédit dans une émission animée par un député, sur cette même chaîne; b) dénonce le fait que des mesures limitant la liberté syndicale sont toujours imposées aux dirigeants de la FEDECAMARAS, à savoir leur convocation au tribunal ou l’interdiction qui leur est faite d’aliéner ou d’hypothéquer leurs biens (raison pour laquelle une liste de cas examinés par la commission d’enquête et une liste des terres illégalement occupées ou saisies ont été soumises au gouvernement); c) indique qu’il n’a pas été donné suite à la recommandation relative à l’organisation de séminaires de formation pour promouvoir la liberté syndicale; et d) tout en reconnaissant que le gouvernement a pris l’initiative d’organiser plusieurs cycles de réunion avec elle et avec d’autres organisations d’employeurs et de travailleurs et que certains représentants du gouvernement l’ont approchée, la FEDECAMARAS souligne qu’à ce jour le gouvernement n’a pas accepté les recommandations de la commission d’enquête, les réunions étant menées sans que les conditions recommandées par la commission d’enquête soient remplies (bien que la FEDECAMARAS ait demandé à de multiples reprises qu’elles présentent les garanties nécessaires afin que les échanges puissent avoir des effets réels) et aucune solution concrète n’ayant été trouvée; pour cette raison, la FEDECAMARAS considère qu’il s’agit de réunions exploratoires et d’approche et non de réunions de dialogue structurées recommandées par la commission d’enquête et prie l’OIT d’actionner les mécanismes qu’elle jugera les plus appropriés pour formaliser sa participation ou apporter son assistance au dialogue.
La CTV, l’ASI et la FAPUV: a) dénoncent de nombreuses détentions arbitraires de syndicalistes et de dirigeants syndicaux, ainsi que de membres d’organisations non gouvernementales qui défendent les droits de l’homme, en lien avec l’exercice du droit de manifester pacifiquement et du droit à la liberté d’expression. Elles dénoncent la criminalisation et la judiciarisation des actions menées pour défendre les droits au travail et les droits de l’homme. Elles affirment que les tribunaux donnent quasi systématiquement suite à l’acte d’accusation du ministère public, la personne détenue étant privée de liberté ou soumise à des mesures conservatoires assorties de restrictions, certaines verbales pour ne pas laisser de traces, et les détenus étant souvent obligés d’accepter un défenseur public qui assiste le ministère public dans les poursuites, situation à laquelle s’ajoute le biais évident des juges, au service du pouvoir exécutif, ce qui prive le mouvement syndical de tout moyen de défense; et b) dénoncent en particulier la détention et l’emprisonnement des dirigeants syndicaux suivants: i) M. Guillermo Zárraga, Secrétaire du Syndicat unique des travailleurs des secteurs du pétrole, de la pétrochimie, du gaz et d’autres secteurs connexes de l’État de Falcón (SUTPGEF), arrêté le 11 novembre 2020 par le Service bolivarien du renseignement national (SEBIN), retenu au siège de la Direction générale du contrespionnage militaire (DGCIM), soumis à une procédure pénale entachée d’irrégularités, accusé de terrorisme, d’association de malfaiteurs et de trahison à la patrie; ii) M. Eudis Girot, dirigeant syndical pétrolier, arrêté par la DGCIM le 18 novembre 2020 à Puerto La Cruz, accusé illégalement de terrorisme, entre autres chefs d’accusation, et détenu dans l’établissement pénitentiaire «Rodeo III»; iii) MM. Mario Bellorín et Robert Franco, respectivement président et secrétaire général du Syndicat des professionnels de l’enseignement-Collège des professeurs du Venezuela SINPRODO-CPV, arrêtés à Carúpano, État de Sucre, le 26 décembre 2020, alors qu’ils y étaient en visite dans une résidence privée qui a été perquisitionnée. M. Bellorín a été libéré quelques heures après son arrestation contrairement à M. Robert Franco, qui a été transféré au siège du SEBIN, à Caracas (à l’Hélicoïde), où il est toujours détenu. Le Mouvement MOV 7 «La Voz Alcasiana» dénonce quant à lui le harcèlement et les attaques visant des travailleurs qui auraient participé à des activités syndicales ou à des actes de protestation.
Tout en saluant les rapprochements et les rencontres, ouvertes à tous les partenaires sociaux, qui ont eu lieu, ainsi que le fait que le gouvernement s’est engagé à poursuivre le dialogue sur l’application de la convention au moyen de réunions techniques, la commission note avec regret l’absence de résultats concrets soulignée par la majorité des partenaires sociaux, ainsi que l’absence de réponses et d’informations concrètes sur les faits dénoncés par les partenaires sociaux dans des observations précédentes (même s’il affirme que les allégations et les observations soumises par les partenaires sociaux ont été reçues, analysées et transférées aux instances correspondantes, le gouvernement ne fournit aucune information précise à ce sujet). La commission prend également note avec une profonde préoccupation du fait que différentes organisations d’employeurs et de travailleurs font part de nouvelles allégations graves de violations des libertés civiles et des droits syndicaux. Ces organisations affirment que, dans les réunions de dialogue – où, d’après le gouvernement, les questions en suspens sont abordées – des considérations générales sont faites mais aucune solution concrète n’a encore été trouvée et les modalités de dialogue recommandées par la commission d’enquête n’ont pas été respectées (il n’y aurait eu ni rédaction d’un procès-verbal, ni établissement d’un ordre du jour d’un commun accord et d’un calendrier, ni nomination d’une présidence et d’un secrétariat indépendant, ni présence de l’OIT, malgré ses demandes à ce sujet).
Compte tenu de ce qui précède, la commission réitère les recommandations de la commission d’enquête et prie instamment le gouvernement de prendre rapidement, en concertation avec les organisations concernées au moyen des réunions de dialogue bipartite ou tripartite pertinentes, toutes les mesures nécessaires pour garantir l’application de ces recommandations. Ainsi, la commission prie fermement le gouvernement d’enquêter sur les allégations en suspens de violations de la convention relatives aux libertés publiques et aux droits syndicaux, et d’y donner suite, allégations qui figurent dans le rapport de la commission d’enquête ou qui ont été ultérieurement communiquées à la commission, en vue de garantir un climat exempt de violence, de menaces, de persécutions, de stigmatisation, d’intimidations ou de toute autre forme d’agression dans lequel les partenaires sociaux peuvent exercer leurs activités légitimes, y compris participer à un dialogue social présentant toutes les garanties. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la suite donnée à cela.
Articles 2 et 3 de la convention. Respect de l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs, en particulier vis-à-vis du gouvernement et des partis politiques, et abstention des autorités de l’État de toute ingérence ou favoritisme. La commission rappelle que la commission d’enquête a recommandé ce qui suit: 1) adopter les mesures nécessaires pour garantir que, tant en droit que dans la pratique, l’enregistrement est une simple formalité administrative qui ne peut en aucun cas être subordonnée à une autorisation préalable; 2) supprimer la situation de retard électoral et réviser les règles et les procédures des élections syndicales de telle sorte que l’intervention du Conseil national électoral (CNE) soit véritablement facultative et que celui-ci ne constitue pas un mécanisme d’ingérence dans la vie des organisations, que la prééminence de l’autonomie syndicale soit garantie dans les élections et qu’il n’y ait pas de retards dans l’exercice des droits et les actions des organisations d’employeurs et de travailleurs; 3) mettre fin à tout recours à des mécanismes institutionnels ou formes d’action visant à s’immiscer dans l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs ou dans les relations entre ces organisations. En particulier, la commission d’enquête a recommandé aux autorités de prendre toutes les mesures nécessaires pour mettre un terme à l’imposition d’institutions ou de mécanismes de contrôle qui, tels que les conseils au sein desquels les travailleurs participent à la gestion des activités de production (Consejos productivos de trabajadoras y trabajadores (CPT)), peuvent, en droit ou dans la pratique, restreindre l’exercice de la liberté syndicale; 4) établir, avec l’aide du BIT, des critères objectifs, vérifiables et pleinement respectueux de la liberté syndicale pour déterminer la représentativité tant des organisations d’employeurs que des organisations de travailleurs; et 5) d’une manière générale, supprimer en droit et dans la pratique toutes les dispositions ou institutions incompatibles avec la liberté syndicale, notamment l’obligation de communiquer des informations détaillées sur les membres des organisations, compte tenu des conclusions de la commission d’enquête et des observations des organes de contrôle de l’OIT.
La commission note que le gouvernement rejette les allégations d’ingérence et de non-respect de l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs, ainsi que de favoritisme de la part des autorités à l’égard d’organisations qui lui seraient attachées, en indiquant qu’il a apporté la preuve de son attachement strict à la liberté syndicale et qu’il a adopté une politique consistant à tenir compte de toutes les organisations représentatives.
En ce qui concerne les questions relatives à l’enregistrement des syndicats, la commission note que, dans les informations qu’il a communiquées au Conseil d’administration, le gouvernement a indiqué qu’il aurait été question, au sein du groupe de travail technique chargé de l’application de la convention, d’inscrire à l’ordre du jour le Registre national des organisations syndicales (RNOS). La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations sur tout fait nouveau à ce sujet.
En ce qui concerne la création des CPT, la commission note que le gouvernement redit ce qu’il avait indiqué aux organes de contrôle, y compris à la commission d’enquête, à savoir que loin d’exclure la liberté syndicale et de lui nuire, les CPT encouragent l’organisation de la classe ouvrière, donnent un élan à sa participation à la gestion des activités de production et ne remplacent nullement les syndicats ni ne leur sont contraires, conformément à l’article 17 de la loi constitutionnelle sur les CPT. Le gouvernement ajoute que le ministère du Pouvoir populaire pour le processus social du travail n’a reçu aucune dénonciation ni plainte concernant un cas concret dans lequel l’organisation des CPT dans une entité de travail en aurait empêché le bon fonctionnement. Par ailleurs, la commission fait observer que, si les observations de la CBST-CCP réaffirment également que les CPT ne sont pas de nature syndicale ni n’ont d’attributions qui font obstacle à l’exercice de la liberté syndicale, tout en rappelant que la CBST-CCP œuvre à organiser la classe ouvrière en tant que protagoniste et agent du changement par l’intermédiaire des CPT et qu’elle s’emploie à une production efficace, les observations des autres partenaires sociaux (FEDECAMARAS, ASI, CTV et FAPUV) appellent l’attention sur le fait qu’au lieu de donner suite aux recommandations de la commission d’enquête, par exemple en ce qui concerne la soumission de la loi sur les CPT à une consultation tripartite, le gouvernement continue à encourager la constitution de CPT et leur action, et dénoncent le fait que, dans la pratique et aux côtés des milices ouvrières, les CPT sont utilisés pour attaquer ou supplanter le mouvement syndical autonome.
S’agissant des élections syndicales, le gouvernement indique que, dans le cadre des assises nationales de dialogue social sur le monde du travail, il a été question des élections des comités directeurs et des explications ont été apportées sur ce point. Le gouvernement a réitéré que le CNE ne procédait à un accompagnement qu’à la demande de l’organisation syndicale et que les organisations pouvaient tenir leurs élections avec ou sans l’assistance du CNE, selon que prévu par leurs statuts, ainsi que leurs modifications ultérieures, conformément à la liberté d’organisation de chaque organisation. À ce sujet, la commission fait observer que, même si le gouvernement répète que l’intervention du CNE est facultative, la commission d’enquête avait constaté que cette affirmation ou précision ne suffisait pas à régler les problèmes repérés ni à répondre aux nombreuses allégations d’ingérence dans des élections. Ainsi, la commission fait observer que, même si la CBST-CCP, dans ses observations, indique que plusieurs organisations affiliées à la centrale auraient entamé ou achevé un processus de réforme de leurs statuts afin de permettre la tenue d’élections en toute autonomie et affirme que les organisations affiliées à la centrale bolivarienne exercent librement leur droit de tenir des élections syndicales sans la moindre ingérence des autorités électorales, les autres organisations de travailleurs (en particulier ASI, CTV et FAPUV), dans leurs observations, soulignent qu’il n’y a pas eu de changements, ni en droit, ni dans la pratique, pour ce qui concerne la politique du gouvernement au sujet de l’enregistrement des organisations syndicales et du retard électoral. Ces organisations affirment que les problèmes constatés par la commission d’enquête servent toujours à soumettre à conditions l’autorisation accordée, par l’exécutif, aux organisations syndicales d’exercer des fonctions aussi fondamentales que la négociation collective. Elles soulignent qu’il n’y a pas de progrès concernant l’intervention du CNE dans les élections syndicales, ce qui continuerait à repousser la tenue d’élections et le renouvellement des directions. À titre d’exemple: i) elles dénoncent le fait que le CNE continue de s’immiscer et d’entraver le processus électoral d’organisations telles que le Syndicat national des fonctionnaires de la carrière législative, travailleurs et travailleuses de l’Assemblée nationale (SINFUCAN) et le SUTPGEF; ii) appellent l’attention sur le temps que prend l’approbation des réformes des statuts (par exemple, 28 mois avant l’approbation de la réforme des statuts du Syndicat national des travailleurs de l’INCES (SINTRAINCES)), dont la longueur est imputable aux autorités; et iii) affirment que le ministère de l’Enseignement universitaire non seulement empêche la participation des organisations membres de la FAPUV dans la négociation collective (alléguant qu’elles sont en situation de retard électoral, ce qui d’après leurs affirmations, est la conséquence de l’ingérence du CNE) mais traite aussi les organisations de manière inégale parce qu’il négocie néanmoins avec une organisation minoritaire qui n’aurait jamais tenu d’élections.
Compte tenu de ce qui précède, en lien avec ces deux catégories de recommandations relatives à l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs, la commission déplore que le gouvernement ne fournisse pas d’informations sur les avancées spécifiques concernant les allégations concrètes exprimées dans les observations précédentes par de multiples partenaires sociaux et se limite à répéter des affirmations générales déjà communiquées à la commission d’enquête. La commission observe également avec préoccupation que sont toujours présentes, dans les observations les plus récentes de la FEDECAMARAS, de l’ASI, de la CTV et de la FAPUV, les dénonciations des partenaires sociaux concernant les agissements des CPT ainsi que l’ingérence et les obstacles en lien avec les élections et l’enregistrement des syndicats.
Dans ces conditions, la commission se réfère à nouveau aux conclusions de la commission d’enquête et réitère les recommandations spécifiques susmentionnées sur la nécessité de garantir le respect de l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs, ainsi que la suppression de toute ingérence et de tout favoritisme de la part des autorités de l’État. Ainsi, la commission prie instamment le gouvernement de soumettre toutes les allégations en suspens aux réunions correspondantes tenues avec les organisations concernées, y compris celles relatives à l’ingérence et aux obstacles concernant les élections et celles relatives à l’utilisation des CPT comme mécanismes qui limitent l’exercice de la liberté syndicale, en vue de parvenir rapidement à des avancées concrètes.
Articles 2 et 3. Questions d’ordre législatif. La commission rappelle qu’elle prie le gouvernement, depuis plusieurs années, de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, pour réviser différentes dispositions de la loi organique sur le travail, les travailleurs et les travailleuses (LOTTT), en particulier ses articles 367, 368, 387, 388, 395, 402, 403, 410, 484 et 494. La commission rappelle également que la commission d’enquête a recommandé, de manière générale, de soumettre à consultation tripartite la révision des lois et des normes qui se situent dans le champ couvert par la convention, comme la LOTTT, et qui posent des problèmes de compatibilité avec cet instrument, à la lumière des conclusions de la commission d’enquête et des commentaires des organes de contrôle de l’OIT.
La commission note que le gouvernement indique ce qui suit: i) dans le cadre des réunions de dialogue menées en février et mars 2021, les commentaires de la commission sur la révision des lois et des normes qui se situent dans le champ d’application des conventions de l’OIT ont été transférés à l’Assemblée nationale; et ii) dans le cadre des assises nationales de dialogue social sur le monde du travail, les acteurs du monde du travail ont été invités à présenter des contributions en vue de la mise à jour du règlement d’application de la LOTTT. La commission salue également l’engagement pris par le gouvernement auprès du Conseil d’administration d’engager des consultations avec les partenaires sociaux sur les projets de loi ou leur réforme, engagée à l’initiative de l’Assemblée nationale, liée aux normes internationales du travail.
Par ailleurs, la commission prend note avec préoccupation des observations de la CTV, de l’ASI et de la FAPUV qui appellent l’attention sur le fait que la loi constitutionnelle contre la haine, pour la coexistence pacifique et la tolérance et les accusations de terrorisme servent de prétexte à la criminalisation des activités syndicales, à la détention arbitraire de dirigeants syndicaux et de syndicalistes et à la condamnation de ces personnes à des peines de prison pour avoir exercé leur liberté d’expression.
La commission réitère les recommandations susmentionnées relatives aux questions d’ordre législatif et prie instamment le gouvernement de soumettre à consultation tripartite, sans plus de délai et dans le cadre des réunions de dialogue, la révision des lois et des normes qui posent des problèmes de compatibilité avec la convention, comme la LOTTT, à la lumière des conclusions de la commission d’enquête (comme celles relatives à l’enregistrement des syndicats, au retard électoral ou aux CPT) et des commentaires des autres organes de contrôle de l’OIT. La commission prie également le gouvernement d’inclure dans ce dialogue tripartite, compte tenu des allégations des partenaires sociaux, la discussion sur les effets de la loi constitutionnelle contre la haine, pour la coexistence pacifique et la tolérance sur l’exercice de la liberté syndicale, ainsi que sur toute mesure nécessaire pour garantir que l’application de ladite loi ne peut ni limiter ni réprimer cet exercice.
La commission salue les rencontres, réunions et instances de dialogue tenus, ouverts à tous les partenaires sociaux, ainsi que la création d’un groupe de travail technique, se réunissant en présentiel, chargé des questions relatives à l’application de la convention et prend bonne note du fait que le gouvernement réaffirme qu’il est prêt à renforcer ces espaces de dialogue pour améliorer l’application de la convention. La commission note toutefois avec une profonde préoccupation que: i) le gouvernement ne répond pas précisément aux allégations multiples et graves soulevées dans son commentaire précédent; ii) d’après ce qu’il ressort des observations de nombreux partenaires sociaux, le dialogue tenu à ce jour ne remplit pas encore les conditions nécessaires pour être efficace, ni n’aurait apporté de solutions concrètes aux problèmes existants, ce qui fait qu’aucun progrès conséquent et tangible ne peut malheureusement être constaté au sujet de l’application des recommandations de la commission d’enquête; et iii) des allégations graves de violations de la convention sont toujours portées et font allusion à la persistance de situations et de problèmes systémiques sur lesquels la commission d’enquête a appelé l’attention.
La commission note que le gouvernement redit qu’il a demandé l’assistance technique du BIT pour déterminer la représentativité des organisations d’employeurs et de travailleurs, compte tenu que cette assistance sera essentielle pour déterminer la représentativité avec des critères objectifs, vérifiables et pleinement respectueux de la liberté syndicale. Le gouvernement précise qu’il reste attaché, dans l’attente de cette assistance technique importante, à la politique qui consiste à prendre en compte toutes les organisations représentatives sans privilégier l’une ou l’autre. Par ailleurs, la commission fait observer que la FEDECAMARAS affirme que l’assistance ne doit pas se limiter à la question de la représentativité mais porter également sur le traitement de toutes les recommandations et le dialogue, en soulignant que l’accompagnement du BIT en matière de dialogue social constituerait un appui précieux. À ce sujet, la commission réaffirme que, compte tenu que les recommandations sont liées entre elles et qu’elles doivent être examinées dans leur ensemble, leur application doit se faire de manière globale et dans un climat dans lequel les partenaires sociaux peuvent exercer leurs activités légitimes, notamment marqué par la participation à un dialogue social présentant toutes les garanties et le plein respect de l’autonomie des organisations d’employeurs et de travailleurs. La commission recommande à nouveau que l’assistance technique soit définie de manière tripartite dans le cadre des réunions de dialogue et à la lumière de ces considérations.
La commission prie instamment et fermement le gouvernement de prendre, avec l’assistance du BIT, les mesures nécessaires pour qu’effet soit pleinement donné, par l’intermédiaire des réunions de dialogue susmentionnées et comme indiqué dans le rapport de la commission d’enquête, à ses recommandations afin que des avancées concrètes puissent être constatées sans délai. La commission réaffirme également qu’il est fondamental que les questions soulevées ci-dessus reçoivent toute l’attention de l’OIT et de son système de contrôle, et ce, de manière continue, afin de parvenir à l’adoption de mesures solides et efficaces pouvant conduire au plein respect, en droit et dans la pratique, de la convention.
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