National Legislation on Labour and Social Rights
Global database on occupational safety and health legislation
Employment protection legislation database
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Un représentant gouvernemental a souligné que la Mauritanie apparaît pour la deuxième année consécutive devant la commission, offrant par conséquent au gouvernement l’opportunité de partager des informations sur les efforts déployés et les projets mis en œuvre pour donner effet aux recommandations formulées lors de la précédente session de la Conférence. Ainsi, le gouvernement s’est prévalu de l’appui technique du BIT, et il y a lieu de se féliciter de la mise en place d’un projet d’appui à l’application la loi no 2015-031 du 10 septembre 2015 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes (ci-après loi de 2015). Ce projet, d’une durée de 4 ans, permet de renforcer les efforts entrepris par le gouvernement pour mettre fin aux séquelles de l’esclavage. Il couvre les volets de la prise de conscience publique et de la connaissance de la problématique du travail forcé; de l’amélioration des politiques nationales et des législations sur le travail forcé, leur application et leur évaluation; et de l’accès aux programmes de subsistance en faveur des victimes de travail forcé. Au terme d’une large concertation impliquant toutes les parties prenantes et avec le soutien de la communauté internationale, la Mauritanie a adopté, en 2014, une feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Cette feuille de route comprend 29 recommandations réparties en trois volets: révision du cadre légal et institutionnel; sensibilisation; et programmes économiques et sociaux. La responsabilité de la mise en œuvre des recommandations a été confiée à un comité interministériel, présidé par le Premier ministre, qui s’appuie sur une commission technique de suivi composée des représentants des différents départements et institutions concernés et d’autres organismes. En ce qui concerne le volet légal, il convient de rappeler l’adoption de la loi de 2015 et l’installation de trois cours criminelles spéciales compétentes en matière d’esclavage (à Nouakchott, Nouadhibou et Nema); l’actualisation de la réglementation sur l’assistance judiciaire et la mise en place de bureaux d’aides juridictionnelles; la révision du cadre légal relatif à l’accès à la propriété foncière et domaniale; l’adoption de mesures spécifiques de suivi de la politique pénale en matière d’exécution des décisions de justice relatives au recouvrement des dommages-intérêts alloués aux victimes; l’adoption d’une stratégie nationale d’institutionnalisation du genre et la formation des ONG dans ce domaine; l’élaboration du Code de l’enfant; la généralisation de tables rondes régionales de protection de l’enfance; l’élaboration d’une loi-cadre sur les violences basées sur le genre; la mise en place d’un mécanisme de concertation pour faciliter l’accès à l’établissement des personnes sans filiation; la mise en œuvre du plan d’action national de lutte contre le travail des enfants; le renforcement des capacités de l’administration du travail; l’adoption d’un guide de bonne conduite au profit des sociétés étrangères opérant en Mauritanie et l’instauration de contrôles réguliers dans ces entreprises; et la révision de la loi portant statut de la magistrature.
Dans le domaine de la sensibilisation, il convient de citer les campagnes de sensibilisation menées au profit des personnes cibles au sujet de leurs droits ainsi que celles destinées aux acteurs de la société civile et des médias et celles menées au profit des leaders religieux et des notables traditionnels; la mise en œuvre d’une stratégie nationale de communication pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage; la formation de réseaux et d’associations de presse sur la lutte contre les séquelles de l’esclavage; l’adoption d’une Fatwa délégitimant l’esclavage; la vulgarisation d’un guide de bonne conduite au profit des entreprises; l’intégration d’un module de formation sur les droits de l’homme et la lutte contre les séquelles de l’esclavage en faveur des Imams et dans les programmes d’alphabétisation; la diffusion à la radio et à la télévision d’émissions débats sur l’illégitimité des pratiques esclavagistes; la formation et la sensibilisation des juges et agents d’application de la loi de 2015; la commémoration d’une journée nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. S’agissant du dernier volet de la feuille de route qui est consacré au domaine socio- économique, les acquis les plus concrets concernent les domaines de l’éducation, la mise en place des lignes de crédits pour faciliter le financement des activités génératrices de revenus, les formations professionnelles ciblées au profit des jeunes issus des Adwabas, l’appui aux ONG nationales pour assurer la réalisation de projets de développement au profit des personnes affectées par les séquelles de l’esclavage. Des progrès ont également été réalisés en ce qui concerne la mise en œuvre des recommandations formulées par la mission de contacts directs en octobre 2016. S’agissant de l’étude qualitative et/ou quantitative qui devait permettre de poser en des termes concrets et objectifs les discussions, contribuant ainsi à apaiser le débat et le démystifier, tant au niveau national qu’international, ses termes de référence sont en cours de validation. Il a été également donné suite à la recommandation visant à doter les trois cours spéciales du personnel nécessaire et des ressources matérielles et logistiques adéquates puisque des équipements ont été installés et le personnel a reçu plusieurs formations. Quant à la nécessité de mettre en place un mécanisme de prise en charge des victimes dès que celles-ci portent plainte ou sont identifiées, cette mission est assurée par l’Agence Tadamoun pour l’insertion et la lutte contre les séquelles de l’esclavage ou par les organisations de la société civile qui reçoivent, à ce titre, des subventions de l’Etat. En ce qui concerne les domaines socio-économiques, les programmes de l’Agence Tadamoun se poursuivent, et son budget a été augmenté pour renforcer la cadence des réalisations dans ce domaine. La mission a également recommandé au gouvernement de procéder à une évaluation de la mise en œuvre de la feuille de route. Cette évaluation a eu lieu en avril 2017 et les progrès identifiés sont répertoriés ci-dessus. La dernière recommandation de la mission se réfère à la nécessité d’impliquer les partenaires sociaux dans les dispositifs de suivi des actions de lutte contre les séquelles de l’esclavage. Cela est désormais effectif pour le Comité de suivi de la feuille de route qui s’est élargi pour tenir compte de cet impératif. Quant à la présence des partenaires sociaux au sein de l’organe délibérant de l’Agence Tadamoun, le décret portant nomination de ses membres sera révisé pour tenir compte de la nécessité d’aller vers plus d’inclusivité. L’orateur a conclu en rappelant que la mission de contacts directs a souligné que de notables progrès ont été accomplis. Toutes les informations fournies démontrent les efforts entrepris par la Mauritanie pour mettre un terme aux séquelles de l’esclavage et de toutes les formes d’exclusion ou de marginalisation. Les efforts se poursuivent pour achever ce travail et garantir la dignité à tous les Mauritaniens et leur offrir des opportunités d’épanouissement et de développement.
Les membres travailleurs ont rappelé leur profonde préoccupation quant à la situation de la Mauritanie en matière de lutte contre l’esclavage, forme la plus grave de travail forcé. La récurrence de l’examen de ce cas témoigne de cette préoccupation. Une des tâches essentielles de la commission est d’évaluer le degré d’application des normes internationales du travail et leur mise en œuvre concrète sur le terrain. Dans le cas de la Mauritanie, le fossé entre les déclarations d’intentions et leur concrétisation est gigantesque. L’organisation de la mission de contacts directs en octobre 2016 n’a pas mis un terme aux préoccupations des travailleurs. Pour faire suite aux conclusions adoptées par la commission en 2016, le gouvernement aurait dû mettre en place, à l’échelle nationale, une enquête statistique sur le travail en servitude afin de disposer des données objectives qui permettent aux autorités de saisir l’ampleur du phénomène et de définir les actions spécifiques à entreprendre. Ces données statistiques permettraient de mener un débat sur la base de données détaillées et objectives. L’adoption de la loi de 2015 témoigne de la volonté affichée par le gouvernement de s’atteler au problème des pratiques esclavagistes. Les premiers retours concernant la mise en œuvre concrète de cette nouvelle législation ne sont malheureusement pas rassurants. La mise en place des trois cours spéciales constitue un progrès sérieux. Mais, comme l’indique la commission d’experts, au-delà de ces cours spéciales, c’est toute la chaîne pénale qui doit être renforcée, formée et dotée de tous les moyens nécessaires afin de ne laisser aucun cas d’esclavage impuni. La création d’un parquet et d’un corps de police spécialisés en matière d’esclavage pourraient également être une piste utile. La première décision rendue par la Cour spéciale de Nema, qui a condamné deux personnes à une peine de 5 ans de prison, dont 4 ans avec sursis, ne paraît pas conforme aux exigences de l’article 25 de la convention qui impose au gouvernement de s’assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces. Une peine d’un an de prison ferme ne peut pas raisonnablement constituer une sanction réellement dissuasive et n’est en rien proportionnelle à la gravité du crime d’esclavage. Cette sanction ne contribuera pas à éradiquer les pratiques esclavagistes. Cette même cour a par ailleurs entériné un règlement amiable entre un auteur de pratiques esclavagistes et sa victime, cette dernière retirant sa plainte. Il s’agit d’un très mauvais signal, indiquant à tout auteur de ce type de pratiques qu’il pourrait échapper aux poursuites pénales moyennant un règlement amiable avec sa victime. Le gouvernement devra également fournir des données statistiques relatives aux poursuites et à leurs résultats afin de pouvoir évaluer les progrès réalisés en matière de lutte contre les pratiques esclavagistes. Le gouvernement doit s’engager à pleinement mettre en œuvre dans la pratique les mesures adoptées en matière de lutte contre l’esclavage et à saisir l’opportunité que représente le projet Bridge, dont la mise en œuvre prévue jusqu’en septembre 2019 constitue un soutien décisif pour mettre un terme aux pratiques esclavagistes.
Le protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930 (protocole de 2014), prévoit l’obligation d’assurer aux victimes de travail forcé une protection et un accès à des mécanismes de recours et de réparation appropriés et efficaces, tels que l’indemnisation. Pour respecter cette obligation, le gouvernement doit pouvoir identifier les victimes. Cette tâche est particulièrement difficile tant les situations de dépendance peuvent varier. Il est à craindre qu’un grand nombre de personnes en situation d’esclavage n’en ont même pas conscience et ne dénoncent donc pas la situation dans laquelle elles se trouvent. Les campagnes de sensibilisation qui atteignent toutes les victimes de pratiques esclavagistes sont donc essentielles. Une fois ces victimes identifiées, le gouvernement doit pouvoir leur garantir une protection qui leur permettra de poursuivre les démarches en vue de dénoncer les pratiques esclavagistes dont elles sont victimes, sans crainte de représailles ni d’exclusion sociale. La loi de 2015 répond en partie à cette obligation de protection, et il serait utile que le gouvernement fournisse des informations relatives à l’application en pratique de ces mesures de protection et aux résultats qu’elles ont permis d’obtenir. Le gouvernement affirme, s’agissant de la feuille de route adoptée en 2014, que 70 pour cent des recommandations ont été mises en œuvre. Cependant, l’absence d’indicateurs clairs et qualitatifs permettant de mesurer objectivement les changements intervenus en pratique est une grande source d’inquiétude. De nombreux acteurs de terrain s’accordent à dire que la pauvreté et l’éducation entretiennent un lien très étroit avec la survivance de pratiques esclavagistes. Les actions de l’Agence Tadamoun sont donc indispensables en vue d’assurer un soutien aux victimes et leur permettre de sortir de leur situation de dépendance. Le gouvernement doit donc continuer à doter l’agence des moyens nécessaires afin qu’elle puisse réaliser sa mission et que ses actions bénéficient prioritairement aux anciens esclaves. Il conviendrait en outre que les organisations représentatives des travailleurs et de la société civile puissent prendre part aux discussions relatives aux politiques de lutte contre l’esclavage et ses séquelles. Les organisations représentatives des travailleurs ne sont pas représentées au sein du comité interministériel chargé de la mise en œuvre de la feuille de route ni au sein de l’Agence Tadamoun. Les membres travailleurs ont exprimé leur profonde inquiétude face aux arrestations de militants de l’Initiative de résurgence du mouvement abolitionniste (IRA), qui ont par ailleurs été condamnés à de lourdes peines de prison. Ainsi, MM. Moussa Ould Bilal Biram et Abdallahi Matala Salek, militants abolitionnistes, ont été initialement condamnés à 15 ans de prison, avant que les tribunaux ne ramènent ces sentences à 3 ans. Il est choquant que les peines de prison infligées aux militants abolitionnistes soient donc plus lourdes que celles infligées par les cours spéciales aux auteurs de pratiques esclavagistes. Les dernières arrestations de membres dirigeants de l’IRA datent du 2 mai 2017. L’OIT ne peut tolérer ces pratiques. Il doit être exigé du gouvernement qu’il cesse la répression à l’égard des organisations de lutte contre l’esclavage, qu’il annule les arrestations et condamnations de militants de ces organisations et qu’il ordonne la libération dans les plus brefs délais des militants encore en détention. Le gouvernement doit travailler en étroite collaboration avec les organisations de lutte contre l’esclavage plutôt que de réprimer leurs activités.
Les membres employeurs ont souligné que l’éradication du travail forcé est une obligation de droit international, fondée sur un devoir moral fondamental de tous les mandants de l’Organisation. La Mauritanie apparaît pour la neuvième fois devant cette commission pour la question de l’esclavage et de ses séquelles. Il s’agit cette année d’examiner le suivi qui a été donné aux précédentes conclusions de la commission, à savoir les actions effectivement menées par la Mauritanie pour éradiquer définitivement le travail forcé et l’esclavage, ainsi que pour sanctionner les auteurs et soutenir les victimes. Comme l’a souligné la commission d’experts, des mesures ont été prises: la création de l’Agence Tadamoun; l’adoption d’une «feuille de route» dont la mise en œuvre relève d’un comité technique interministériel; l’adoption en 2015 d’une loi incriminant l’esclavage et prévoyant la possibilité pour les associations de défense des droits de l’homme d’ester en justice, ainsi que d’une loi instaurant un système d’aide judiciaire; l’établissement des trois cours spéciales. En plus de ces efforts qui doivent être encouragés et soutenus, deux événements récents revêtent également une importance particulière: la ratification par la Mauritanie, en mars 2017, du protocole de 2014 qui démontre l’engagement ferme du gouvernement à éradiquer dans la pratique toutes les formes de travail forcé. Le gouvernement a par ailleurs accueilli la mission de contacts directs du BIT qui a pu constater les efforts mis en œuvre ainsi que les progrès accomplis dans l’éradication du travail forcé et dans la protection des victimes. Les efforts pour faire évoluer les mentalités sur la question de l’esclavage – phénomène lié à des facteurs historiques, culturels et religieux – nécessitent du temps avant de porter leurs fruits. Les autorités mauritaniennes ne peuvent cependant pas relâcher leur vigilance, et elles doivent persévérer sur la voie poursuivie, avec le soutien de la communauté internationale.
Les membres employeurs se sont référés aux quatre thèmes traités par la commission d’experts dans son observation sur la base des informations réunies par la mission de contacts directs. S’agissant tout d’abord de la question de l’application effective de la législation nationale, il est essentiel que les ressources et les moyens matériels soient alloués aux trois cours spéciales. A cet égard, des chiffres devraient être fournis par le gouvernement sur le nombre d’affaires traitées, l’indemnisation des victimes et les sanctions prononcées. Il est également encourageant de constater que le gouvernement collabore avec les autorités locales et religieuses pour sensibiliser sur les nouveaux mécanismes de protection légale. Le gouvernement bénéficie également d’une assistance technique, notamment à travers le projet Bridge, pour renforcer les capacités de toute la chaîne des intervenants dans ce domaine. En ce qui concerne l’état des lieux de la réalité de l’esclavage, il est important d’encourager le gouvernement à solliciter l’assistance technique du BIT pour, comme l’a souligné la mission de contacts directs, disposer d’une étude qualitative et/ou quantitative permettant de connaître l’ampleur du phénomène en 2017 et les activités et les populations concernées. S’agissant des actions inclusives et coordonnées, le gouvernement a indiqué qu’il menait un dialogue inclusif et ouvert sur l’éradication de l’esclavage et que ses efforts portaient sur l’éducation, la sensibilisation de l’opinion publique et le développement de programmes de lutte contre la pauvreté. Les membres employeurs ont encouragé vivement le gouvernement à intensifier les efforts en la matière, considérant que la pauvreté et l’ignorance font le lit des pratiques abusives. Les partenaires sociaux sont conscients qu’ils doivent jouer leur rôle d’information et de formation envers leurs membres afin que ceux-ci exercent leurs activités dans le respect de la loi. A cet égard, les organisations d’employeurs nationales souhaitent être partie prenante de tout processus mis en place pour lutter contre le travail forcé et l’esclavage. Seule une stratégie d’union nationale basée sur des constats objectifs aura une chance de porter ses fruits sur le terrain. Enfin, s’agissant de l’identification et de la protection des victimes, la mission de contacts directs a relevé que la relation existant entre les victimes et leur maître est multidimensionnelle et que la dépendance économique, sociale et psychologique dans laquelle se trouvent les victimes revêt des degrés divers et entraîne un large éventail de situations qui appellent un ensemble de mesures complémentaires. Le programme global et transversal à développer par le gouvernement doit viser à déconstruire le schéma de dépendance dans lequel ces victimes se trouvent. La mission a recommandé au gouvernement de prendre en charge les victimes dès qu’elles portent plainte afin de les protéger de toute pression sociale, traditionnelle ou familiale. En conclusion, les membres employeurs ont rappelé que sous aucun prétexte le travail forcé ne peut être organisé à l’initiative d’un gouvernement, d’une autorité publique ou d’une entreprise quelle qu’elle soit. Si des pratiques de travail forcé ou d’esclavage sont découvertes, les victimes de ces pratiques doivent être identifiées et protégées. En outre, les bénéficiaires de ces pratiques illégales doivent être identifiés et, après un procès équitable, faire l’objet de sanctions efficaces, proportionnelles à la gravité des faits commis.
Un membre travailleur de la Mauritanie s’est référé aux différentes mesures prises par le gouvernement, et notamment à l’adoption de la loi de 2015, en soulignant que l’esclavage est désormais considéré comme un crime contre l’humanité et est passible de peines de 10 à 20 ans de prison; la création des trois cours spécialisées; l’adoption de la feuille de route; la création de l’Agence Tadamoun; et la ratification du protocole de 2014. Toutefois, des pratiques liées à l’esclavage, ancrées dans des mœurs anciennes, persistent, et leurs manifestations constituent des cas troublants qui soulignent la nécessité de poursuivre et d’approfondir la lutte. Cette lutte sera de longue haleine, et des associations comprenant des représentants des anciennes victimes et des anciens esclavagistes doivent mener des campagnes soutenues dans tous les milieux sociaux afin d’ancrer l’égalité de tous dans toutes les consciences. L’indifférence des autorités administratives, judiciaires et policières devant ces manifestations doit être combattue et l’Etat doit impliquer les citoyens dans cette lutte. L’éducation des jeunes générations doit faire cas de ce fléau et enraciner une conscience citoyenne nouvelle faite d’égalité, de justice sociale, de liberté et de responsabilité. Les programmes décentralisés de développement local doivent être déployés dans les zones rurales, urbaines et semi-urbaines du pays et menés avec l’implication effective des citoyens de toutes les couches sociales. Des émissions de radio et de télévision sur les séquelles de l’esclavage donnant la parole à tous ceux impliqués, victimes comme esclavagistes, permettront à la population de former ses propres convictions. Au XXIe siècle, il est inadmissible que l’esclavage persiste en Mauritanie et que les pouvoirs publics pratiquent la politique de l’autruche pour ne pas entreprendre des stratégies radicales pour éradiquer ces pratiques. Il est également nécessaire que les partenaires au développement soutiennent la Mauritanie dans la réalisation de programmes participatifs visant l’exécution d’ouvrages destinés aux populations extrêmement pauvres afin de permettre aux anciennes victimes de l’esclavage de se soustraire de l’assistance des anciens maîtres pour devenir autonomes. La mobilisation de la société civile, des syndicats et des forces économiques et politiques dans un élan national en faveur de l’éradication des séquelles de l’esclavage constitue une priorité essentielle. L’orateur a considéré que le comité technique interministériel ne relevait pas suffisamment ce défi qui nécessite l’engagement de tous.
Une autre membre travailleuse de la Mauritanie, s’exprimant au nom de l’Union des travailleurs de Mauritanie (UTM) et de l’intersyndicale composée de 20 centrales syndicales sur les 28 que compte la Mauritanie, a rappelé les énormes progrès enregistrés qui témoignent de la volonté du gouvernement à éradiquer définitivement les séquelles de l’esclavage. Parmi ces progrès, on peut citer l’adoption de la loi de 2015 et de ses textes d’application. Il s’agit d’un arsenal juridique complet qui prend en compte les spécificités de la société mauritanienne et a été élaboré de manière inclusive. Pour l’application de cette loi, saluée par l’ensemble de la société civile et des partenaires étrangers, les autorités ont mis en place trois cours spéciales couvrant l’ensemble du territoire national et dont le personnel a bénéficié d’une formation appropriée. Les séquelles de l’esclavage sont essentiellement liées à la pauvreté et à un déficit d’éducation. Pour cette raison, les autorités ont créé l’Agence Tadamoun, dont les programmes sont orientés vers la construction d’écoles, les formations sanitaires, la fourniture des services de base, y compris l’eau, l’éclairage et les routes, et le financement d’activités génératrices de revenus dans les zones adwaba, habitées en majorité par d’anciens esclaves. L’organisation conjointe avec la Confédération syndicale internationale (CSI) d’un atelier sous-régional sur les formes contemporaines de l’esclavage a permis de mettre en place un plan d’action national de lutte contre les séquelles de l’esclavage. La liberté d’expression, tout comme la liberté syndicale et le libre accès à l’information, est une réalité en Mauritanie. Ces faits indéniables attestent de la volonté politique réelle et des progrès réalisés, qui doivent continuer avec l’appui du BIT, de la CSI, et avec une implication plus grande des syndicats dans toutes les structures et programmes concernés, y compris l’Agence Tadamoun. L’oratrice a souhaité que ce cas soit cité en tant que cas de progrès par la commission, ce qui serait un encouragement apprécié pour aller de l’avant.
Le membre employeur de la Mauritanie a rappelé que, depuis 2015, la Mauritanie s’est expliquée devant la commission à trois reprises. L’inclusion de la Mauritanie dans la liste des cas est d’autant plus paradoxale qu’elle ne semble pas tenir compte des efforts entrepris pour mettre en œuvre les recommandations de la commission. Le gouvernement a pourtant entrepris un ensemble de mesures parmi lesquelles figurent la criminalisation de l’esclavage, la création des cours spéciales, la création de l’Agence Tadamoun qui réalise de nombreux projets d’infrastructures, scolaires et autres au profit des populations concernées. Ces actions s’inscrivent dans le cadre de la feuille de route et se concrétisent également à travers le projet Bridge coordonné par le BIT. L’orateur a estimé que, dans un esprit de bon sens, de logique et d’équité, la Mauritanie aurait dû être félicitée ou tout au moins encouragée et appuyée en vue de renforcer et pérenniser les importants efforts qu’elle déploie pour éradiquer les séquelles de l’esclavage.
Le membre gouvernemental de Malte, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Norvège et de la Serbie, a réaffirmé son attachement à la ratification universelle et à l’application des conventions fondamentales de l’OIT, et il a appelé tous les pays à protéger et promouvoir les droits de l’homme et les libertés fondamentales. Etre en conformité avec les conventions est essentiel pour respecter l’engagement que la Mauritanie a pris au titre de l’Accord de Cotonou visant à veiller au respect de la démocratie, de l’état de droit et des principes relatifs aux droits de l’homme. La mission de contacts directs reconnaît les développements positifs, et en particulier les efforts fournis afin de faire respecter la loi de 2015 ainsi que la création de tribunaux à Nema, Nouakchott et Nouadhibou qui sont désormais opérationnels. L’orateur a salué la coopération étroite avec le BIT et le renforcement des acteurs, y compris les autorités policières et judiciaires, pour la détection des pratiques esclavagistes. Afin de combattre l’impunité et éliminer l’esclavage dans tout le pays, les auteurs doivent être poursuivis en justice de manière effective et les sanctions doivent être suffisamment dissuasives et correctement appliquées. Un état précis de la situation de l’esclavage dans le pays est essentiel afin de cibler les interventions publiques. Le gouvernement doit réaliser une étude afin de fournir des données qualitatives et quantitatives et des analyses sur les pratiques esclavagistes. Il est également important que le gouvernement travaille avec la société civile, en particulier avec les partenaires sociaux et les autorités religieuses, dans la lutte contre l’esclavage et qu’il continue à mener des campagnes de sensibilisation du public. Il est demandé au gouvernement d’assurer la protection des victimes afin qu’elles puissent faire valoir leurs droits, et l’orateur a préconisé la mise en œuvre des 29 recommandations de la feuille de route de 2014 ayant pour but de combattre les séquelles de l’esclavage. Afin qu’elle puisse remplir son mandat, il faut octroyer les moyens nécessaires à l’Agence Tadamoun dont le travail dans les zones ciblées plus exposées aux pratiques esclavagistes et où l’Etat est peu présent est remarqué. Il est également fait état de la volonté de coopérer avec le gouvernement afin de promouvoir le développement et le plein exercice des droits de l’homme.
La membre gouvernementale de la Suisse a regretté que ce cas soit à nouveau soumis à la commission. Cet état de fait montre l’urgence de lutter efficacement et rapidement contre toute forme d’esclavage. Alors que des étapes ont été franchies grâce à l’établissement de trois cours spéciales et au travail effectué par l’Agence Tadamoun, les efforts doivent continuer en collaboration avec le BIT. L’efficacité de la mise en œuvre des lois et leur application stricte sont des éléments indispensables à une lutte pleine et entière contre le travail forcé. Il y a lieu d’encourager le gouvernement à continuer ses actions de prévention et de communication et le dialogue avec les partenaires sociaux pour un engagement de tous les acteurs. Enfin, l’oratrice a exprimé l’espoir que le gouvernement puisse mettre en place des mesures de protection des victimes.
Le membre travailleur du Nigéria, s’exprimant également au nom du membre travailleur du Ghana, a salué les progrès accomplis grâce aux travaux de la commission et à l’appui du BIT depuis de nombreuses années. Un comité technique interministériel, dirigé par le Premier ministre, a été créé et les tribunaux ont instruit certains cas d’esclavage. Le gouvernement a également l’intention de mener des recherches afin de constater l’ampleur du problème et de mesurer les progrès. Toutefois, il reste beaucoup à faire. L’esclavage est une pratique profondément ancrée dans le tissu social du pays. C’est un sujet complexe. L’histoire du Nigéria et du Ghana dans ce domaine montre que, pour lutter contre un phénomène si complexe et si ancré dans la société, il faut que tous les acteurs étatiques et sociaux se confrontent à son existence, qu’ils lui enlèvent toute légitimité et qu’ils s’engagent à l’éliminer ensemble. Comme l’esclavage a une grande légitimité dans la société mauritanienne, il ne peut être traité comme un problème pénal ou un fléau social ordinaire. Il est probablement illusoire d’escompter que des institutions enracinées dans les traditions de l’esclavage s’empressent de mener des enquêtes, d’engager des poursuites et de prendre des mesures correctives pour remédier au problème. On peut raisonnablement s’attendre à ce que les victimes de l’esclavage et les militants antiesclavagistes n’aient pas confiance dans ces institutions. Le gouvernement, en tant que principal responsable du respect des obligations, devra poursuivre ses efforts, mais il est temps de demander la mise en place d’une commission indépendante et inclusive chargée de la lutte contre l’esclavage, dotée d’attributions spéciales pour mener des enquêtes, engager des poursuites et promouvoir des politiques afin d’encadrer l’élimination de cette pratique et de ses vestiges en Mauritanie. L’orateur a prié instamment le gouvernement d’impliquer les syndicats et de continuer à solliciter l’assistance technique du BIT pour améliorer la situation.
Le membre gouvernemental des Etats-Unis a rappelé que, ces dernières années, le gouvernement a pris plusieurs mesures pour s’attaquer au problème de l’esclavage. Il faut citer à cet égard la feuille de route de 2014, la loi de 2015 et la ratification du protocole de 2014. De plus, le gouvernement a accepté la mission de contacts directs effectuée à la suite des conclusions de cette commission en 2016. Ces initiatives témoignent du fait que le gouvernement est conscient de la persistance du problème et du rôle qui lui revient pour combattre l’esclavage et ses séquelles, mais les efforts entrepris pour éliminer cette pratique et traduire les auteurs en justice demeurent insuffisants. Si trois juridictions spéciales ont été créées, seules deux personnes coupables du crime d’esclavage ont été condamnées à ce jour. Ces cours manquent toujours cruellement de moyens et de personnels. Selon des informations, la police et les autorités judiciaires répugnent à enquêter ou à entamer des poursuites. Le gouvernement doit veiller à ce que les autorités compétentes disposent des ressources suffisantes pour éliminer les séquelles de l’esclavage, tout en sensibilisant davantage l’opinion publique. Plus particulièrement, le gouvernement doit financer pleinement les trois cours spéciales compétentes en matière d’esclavage et les doter des effectifs nécessaires, enquêter efficacement et engager des poursuites judiciaires en cas d’esclavage, faire en sorte que tous les membres de la société civile mauritanienne puissent exprimer de manière pacifique leur soutien ou leur opposition, notamment les militants antiesclavagistes, s’abstenir d’engager des poursuites contre des abolitionnistes pour des motifs politiques, comme le récent procès de 13 membres de l’IRA, et permettre à l’Agence Tadamoun de poursuivre sa mission qui est d’identifier et de faire en sorte que les esclavagistes soient poursuivis en justice, et offrir des programmes d’assistance et de réadaptation aux victimes d’esclavage. L’orateur a prié le gouvernement de tirer pleinement parti de l’assistance technique fournie par le BIT et de redoubler d’efforts pour assurer l’éradication totale de l’esclavage, y compris ses séquelles et les formes modernes d’esclavage.
Un observateur, représentant la Confédération syndicale internationale (CSI), a constaté que, bien que le phénomène odieux de l’esclavage constitue un affront pour la communauté internationale, une insulte à l’humanité et une violation grave des droits de l’homme, il persiste en Mauritanie. Le gouvernement mauritanien continue à fustiger, occulter et étouffer la réalité de toute une population assujettie et condamnée à vivre dans la pauvreté extrême et l’exclusion. Cette situation préoccupante détruit chez les victimes tout espoir de changer de statut et de s’insérer dans la vie active. Les anciens esclaves sont confrontés à l’absence de mesures complètes de réadaptation et de réinsertion. Le harcèlement, les intimidations, l’expropriation des terres ainsi que la discrimination dans l’emploi et l’absence d’opportunités les fragilisent et les maintiennent dans la dépendance de leurs maîtres. La commission d’experts fait référence à l’Agence Tadamoun prétendument créée pour le développement économique et social de la population harratine. Cette agence a trois missions, dont la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Cependant, l’Etat n’a pas l’intention d’entreprendre des actions concrètes, préférant prendre des mesures pour satisfaire l’opinion internationale. Il en est ainsi de la loi foncière qui devait permettre aux anciens esclaves d’accéder à la terre ou des cours spéciales qui, dans la pratique ne sont pas opérationnelles, faute de textes d’application. Malgré des difficultés évidentes – absence de structures d’accueil, d’assistance matérielle ou d’indemnisations pour préjudice qui permettraient aux victimes d’avoir une autonomie économique, et absence de volonté gouvernementale d’endiguer le phénomène –, les esclaves continuent à manifester leur désir de quitter leur maître. Les affaires sont multiples, qu’il s’agisse du cas des travailleuses domestiques, victimes de traite vers l’Arabie saoudite, dont les plaintes n’ont pas été reçues, ou du témoignage de 10 anciens esclaves qui ont quitté leur maître en 2016. L’orateur a estimé que les mesures prises évoquées par le gouvernement ainsi que les données qu’il a communiquées ne sont ni fiables ni justes. Il est à espérer que les recommandations de la commission d’experts par rapport à la mise en œuvre de la feuille de route soient effectivement mises en œuvre par le gouvernement, en coopération avec toutes les parties concernées.
Le membre gouvernemental de la République bolivarienne du Venezuela a dit apprécier les informations communiquées par le représentant gouvernemental et a souligné la bonne disposition du gouvernement qui a accepté de recevoir une mission de contacts directs en octobre 2016. Il a mentionné en particulier les juridictions spéciales compétentes en matière d’esclavage – les tribunaux en activité, dotés du personnel nécessaire et des moyens adéquats – en formulant l’espoir qu’ils prononceront des sentences justes et exemplaires. Il faut aussi mettre en exergue la coopération technique que le Bureau fournit à la Mauritanie dans les domaines de l’application de la loi et de l’éradication des séquelles de l’esclavage, ainsi que pour le respect des recommandations contenues dans la feuille de route contre les séquelles de l’esclavage. Compte tenu de la bonne disposition et de la détermination du gouvernement mauritanien, il y aurait lieu que la commission prenne en considération les aspects positifs du cas en adoptant des conclusions objectives et équilibrées et en continuant à encourager et appuyer le gouvernement dans ses efforts pour éradiquer le travail forcé et ses séquelles.
La membre travailleuse de l’Espagne a souligné que de nombreux établissements officiels nient l’existence de l’esclavage, ce qui compromet et ralentit la lutte contre ce fléau. Le gouvernement devrait collaborer sérieusement avec les organisations de lutte contre l’esclavage plutôt que d’incriminer et de persécuter ces organisations et leurs membres. En effet, au lieu de se concentrer sur le traitement des plaintes des Mauritaniens, dont certains sont des descendants d’esclaves ou d’anciens esclaves, qui continuent de se plaindre du manque de possibilités à leur portée, le gouvernement dénonce les militants contre l’esclavage en tant que responsables des manifestations. Ces organisations et leurs membres font part d’un grand nombre de cas de mauvais traitement et de persécution. Monsieur Biram Dah Abeid, un éminent militant, a été récemment libéré grâce aux efforts considérables de groupes de défenseurs des droits de l’homme qui ont obtenu gain de cause devant la Cour suprême de justice; il risque cependant d’être à nouveau emprisonné. Par ailleurs, M. Amadou Tidjane Diop a été arrêté en juin 2016 avec 12 autres membres de l’IRA. Son arrestation est liée à une manifestation spontanée d’habitants de Bouamatou, un quartier où vit une majorité de Haratines, des descendants d’esclaves menacés d’expulsion en juillet 2016. Malgré des fouilles et des perquisitions arbitraires, la police a été incapable d’établir un lien entre les militants de l’IRA et la manifestation dans le quartier de Bouamatou. Au cours de leur détention, les militants arrêtés ont été torturés, maltraités et menacés de mort. Depuis 2008, l’IRA demande la reconnaissance de sa personnalité juridique, mais, jusqu’à présent les autorités ne l’ont ni reconnue ni autorisée. Par conséquent, tous les militants de l’IRA risquent à tout moment d’être condamnés pour appartenance à une organisation non reconnue. Les organisations de la société civile et leurs militants ont prouvé leurs capacités et leur détermination à prendre part à la solution. Il s’agirait donc de les soutenir plutôt que de les persécuter.
Le membre gouvernemental de l’Egypte a remercié le gouvernement pour les informations fournies concernant les actions prises par les autorités en vue de combattre le problème de l’esclavage, notamment sur les lois qui ont été adoptées, l’institution de cours spéciales, l’organisation de campagnes de sensibilisation et les sessions de formation. Le gouvernement développe une stratégie pour combattre le problème. L’orateur a exprimé l’espoir que l’assistance technique sollicitée par le gouvernement lui sera accordée.
Le membre employeur de l’Algérie a constaté avec satisfaction que la question de l’esclavage est bien prise en charge au niveau de la loi fondamentale du pays, qui constitue la référence et l’ancrage juridique des textes législatifs et réglementaires subséquents qui incriminent toutes les formes de travail forcé. L’orateur s’est félicité de cette grande avancée et des efforts déployés par le gouvernement pour la mise en conformité de sa législation avec la convention, efforts qui méritent tout le soutien et l’accompagnement de cette commission.
Le membre gouvernemental de l’Algérie a souligné qu’il ressort des informations fournies par le représentant gouvernemental que les mesures prises pour combattre le travail forcé revêtent un caractère pratique et efficace et qu’elles s’inscrivent dans la mise en œuvre de la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Au-delà des mesures visant à renforcer le cadre législatif et institutionnel, des mesures de sensibilisation et de formation des acteurs concernés ont également été adoptées avec, en parallèle, la mise en place d’un mécanisme de suivi dans lequel toutes les parties prenantes et la société civile sont associées. Il apparaît donc que beaucoup de résultats positifs ont été enregistrés et qu’il existe une mobilisation collective pour mettre en œuvre les mesures visant à combattre le travail forcé. Par conséquent, il y a lieu de saluer les efforts déployés par la Mauritanie et de continuer à l’appuyer pour qu’elle poursuive sur cette voie.
La membre travailleuse de la France s’est référée au rapport de la commission d’experts soulignant que «les victimes de l’esclavage se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité qui requiert une action spécifique de l’Etat» et qu’elles «ne connaissent pas leurs droits et une pression sociale peut s’exercer sur elles si elles dénoncent leur situation». A cet égard, le gouvernement a ratifié le protocole de 2014 qui affirme que la suppression effective et durable du travail forcé implique des mesures afin d’assurer aux victimes une protection et un accès à des mécanismes de recours et de réparation appropriés et efficaces, tels que l’indemnisation, et la nécessité d’identifier et de protéger les victimes afin de permettre leur réadaptation et de leur prêter assistance et soutien. Il y a lieu de se féliciter de cette ratification et des efforts déployés en matière législative, mais il est maintenant essentiel de mettre en œuvre l’ensemble de ces dispositions afin d’éradiquer les pratiques esclavagistes en Mauritanie. Un nombre très important de personnes sont réduites en esclavage en Mauritanie. Ceux qui osent franchir le pas de la dénonciation auprès des autorités font face au mieux à la banalisation de leur situation, au pire à la répression policière et au renvoi chez leur maître. En 2009, la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage a effectué une visite en Mauritanie et a noté que l’absence d’autres moyens de subsistance, l’analphabétisme et le manque d’informations ainsi que le recours à la religion contribuaient à maintenir la domination des maîtres. Des organisations antiesclavagistes offrent différents types d’aide aux victimes, tels que des abris, des programmes de formation et d’alphabétisation et des informations concernant leurs droits. Leurs activités sont sévèrement entravées et leurs membres actifs poursuivis en justice. Rappelant que le protocole de 2014 affirme la nécessité d’associer et de consulter les organisations de travailleurs et d’employeurs, l’oratrice a appelé le gouvernement à faire preuve d’engagement et à coopérer avec les partenaires sociaux et la société civile afin de mettre en œuvre la loi de 2015 dans le but d’éradiquer l’esclavage et de mettre fin à l’impunité.
Le représentant gouvernemental a remercié les délégués étant intervenus au cours de la discussion, et en particulier ceux qui ont fait l’effort de comprendre la situation et qui ont salué les progrès tangibles réalisés par la Mauritanie dans la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’encourageant à persévérer sur cette voie. Le gouvernement coopère avec les instances internationales, notamment le Conseil des droits de l’homme, et donne effet aux recommandations qu’elles émettent. Cet esprit d’ouverture et de coopération participe de la volonté du gouvernement d’associer tous les acteurs concernés par cette question qui est liée aux vestiges légués par l’Histoire. Le gouvernement agit par devoir et conviction et non pas sous la pression de quiconque. Il tiendra compte des préoccupations émises par certains intervenants, et notamment ceux représentant les travailleurs. A cet égard, les programmes actuellement mis en œuvre répondent d’ailleurs déjà à certaines de ces préoccupations. Il est toutefois regrettable de constater que certaines allégations relèvent de la surenchère et ignorent les évolutions positives. Un tel esprit de négation ne sert pas les victimes. Il faut en effet déployer et conjuguer tous les efforts pour répondre à l’impératif qui consiste à bien comprendre la situation des victimes. L’orateur a conclu en réaffirmant que le gouvernement agissait et qu’il tiendrait compte des préoccupations exprimées, notamment en ce qui concerne l’étude qui est déjà programmée dans le cadre du projet Bridge.
Les membres employeurs ont déclaré avoir pris bonne note des multiples initiatives prises pour prévenir toute forme de travail forcé en Mauritanie, identifier et protéger les victimes de l’esclavage et sanctionner les abus constatés en la matière. Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’il est de la responsabilité collective des mandants de l’OIT de garantir que, au XXIe siècle, les droits sociaux fondamentaux soient respectés dans l’ensemble des Etats Membres. Toute plainte dans ce domaine doit être sérieusement examinée par les autorités nationales, en particulier par des fonctionnaires et des magistrats compétents et indépendants. Il en est ainsi du travail forcé qui doit sans attendre être éradiqué de manière permanente. Il y a lieu de se réjouir des efforts déployés par le gouvernement; cependant, l’éradication de l’esclavage et ses séquelles requiert un arsenal de mesures préventives et curatives permanentes. Le gouvernement doit donc poursuivre ses efforts et notamment:
– renforcer l’efficacité et les capacités de tous les maillons du système administratif et judiciaire;
– récolter, analyser et fournir périodiquement des informations sur le nombre de cas d’esclavage dénoncés auprès des autorités, le nombre de ceux qui ont abouti à une action en justice, les indemnisations accordées aux victimes, et les sanctions infligées;
– continuer de mettre en œuvre les 29 recommandations de la feuille de route, en particulier celles concernant l’assistance apportée aux victimes et leur indemnisation ainsi que la lutte contre la pauvreté;
– s’assurer que le Comité technique interministériel évalue l’impact des mesures prises dans le cadre de la feuille de route, en impliquant activement tous les acteurs de la société civile, les autorités religieuses et les partenaires sociaux, y compris les syndicats représentatifs;
– sensibiliser de manière encore plus efficace la société civile, compte tenu des racines culturelles de l’esclavage, qui sont profondément ancrées dans les mentalités et qui opposent encore des forces contraires aux efforts du gouvernement.
Les membres travailleurs ont salué la volonté politique affichée par le gouvernement de faire de la lutte contre l’esclavage et ses séquelles une de ses priorités. Le gouvernement doit néanmoins assurer la concordance entre ses déclarations et les résultats de ses actions. A cette fin, il convient de mettre en place en Mauritanie une collecte permanente et systématique de données statistiques relatives à l’esclavage dans l’ensemble du pays. Le BIT bénéficie à cet égard d’une expertise dont la Mauritanie pourrait bénéficier. L’application stricte de la loi de 2015 est nécessaire afin de s’assurer que des enquêtes sont effectivement diligentées à l’égard des auteurs responsables de pratiques d’esclavage. Ces derniers doivent être poursuivis et condamnés à des peines proportionnelles à la gravité du crime commis, afin de garantir l’effet dissuasif du dispositif répressif. Toute possibilité de règlement amiable dans une affaire d’esclavage doit être exclue. Le gouvernement est également invité à mettre en place un parquet et un corps de police spécialisés en matière de lutte contre l’esclavage. La justice doit être dotée de moyens suffisants afin d’assurer que les poursuites initiées devant les trois cours spéciales sont traitées dans un délai raisonnable. Les autorités chargées de ces poursuites doivent être formées et le public doit être sensibilisé aux infractions en lien avec l’esclavage afin de mettre un terme aux réticences de la police et des autorités judiciaires constatées dans le traitement de plaintes. L’efficacité et la réussite des poursuites en matière d’esclavage passeront par le développement et la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation à l’adresse du grand public, des victimes de l’esclavage, de la police, des autorités administratives, judiciaires et religieuses. Elles exigeront également qu’il soit accordé aux victimes une protection et des moyens de subsistance, et ce dès leur identification ou dès l’introduction d’une plainte. A cet égard, il est demandé au gouvernement de fournir des informations statistiques relatives aux poursuites entamées ainsi que des informations relatives à l’application pratique des mesures de protection prévues dans la loi de 2015. Le gouvernement devra développer des indicateurs clairs, qualitatifs et objectifs permettant de mesurer les résultats obtenus dans la lutte contre les pratiques esclavagistes. Ce point est particulièrement important pour l’analyse des résultats obtenus dans le cadre de la feuille de route. En outre, l’Agence Tadamoun devra bénéficier de tous les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs importants qui lui sont assignés, en vue de soutenir et d’autonomiser les communautés ou les personnes affectées par l’esclavage. Le gouvernement doit pleinement saisir l’opportunité du soutien que lui apporte le projet Bridge pour la réalisation de ces recommandations. De plus, l’implication des partenaires sociaux et la société civile dans toutes les initiatives de lutte contre l’esclavage, en permettant notamment à ces acteurs de participer aux travaux de l’Agence Tadamoun et du comité interministériel chargé de la mise en œuvre de la feuille de route, est une nécessité impérieuse. Enfin, le gouvernement doit libérer dans les plus brefs délais les membres de l’IRA encore emprisonnés et cesser à l’avenir d’entraver le travail des organisations de lutte contre l’esclavage. Le gouvernement doit au contraire coopérer avec ces organisations afin d’augmenter les chances de succès de l’éradication de l’esclavage dans le pays. Pour réaliser toutes ces recommandations, qui rejoignent pour une grande partie celles formulées par les membres employeurs, il est demandé au gouvernement de solliciter l’assistance technique du BIT.
Conclusions
La commission a pris note de la déclaration orale du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi.
La commission a pris note des efforts déclarés du gouvernement pour lutter contre l’esclavage et ses séquelles et a prié instamment le gouvernement de poursuivre ces efforts. Toutefois, la commission s’est déclarée vivement préoccupée par la persistance de l’esclavage à grande échelle en dépit de nombreuses discussions au sein de la commission. La commission est déçue que le gouvernement n’ait engagé que très peu de poursuites à l’égard des auteurs du crime d’esclavage depuis le dernier examen de ce cas devant la commission.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié instamment le gouvernement de la Mauritanie de:
- appliquer strictement la loi de 2015 contre l’esclavage pour garantir que les responsables de pratiques esclavagistes font effectivement l’objet d’enquêtes, qu’ils sont poursuivis, sanctionnés et purgent une peine à la mesure de la gravité du crime;
- fournir des informations sur le nombre de cas d’esclavage dénoncés auprès des autorités, le nombre de ceux qui ont abouti à une action en justice, et le nombre et la nature des condamnations prononcées;
- fournir des informations sur les mesures de réparation prises en faveur des victimes;
- renforcer l’inspection du travail et autres mécanismes d’application de la loi pertinents afin de combattre l’imposition du travail forcé;
- constituer des unités spécialisées au sein du ministère public et des forces de l’ordre pour rassembler les preuves et diligenter les procédures judiciaires correspondantes;
- veiller à ce que les poursuites engagées devant les tribunaux spéciaux pour les crimes d’esclavage soient facilitées et traitées dans un délai raisonnable, des campagnes d’information étant menées sur les condamnations encourues;
- établir des indicateurs clairs et objectifs pour évaluer si la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage est pleinement mise en œuvre;
- réaliser une analyse complète sur la nature et l’incidence de l’esclavage pour permettre d’affiner les actions visées pour éradiquer ce fléau;
- accroître la visibilité des campagnes de sensibilisation en direction du public, des victimes, de la police, des autorités administratives, judiciaires et religieuses;
- faciliter l’intégration sociale et économique des victimes en assurant l’accès aux services et ressources leur permettant de reconstruire leur vie et de ne pas retomber dans l’esclavage;
- fournir des informations détaillées sur les opérations, programmes et ressources dont disposent l’Agence nationale pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté, «Tadamoun»;
- veiller à ce que les victimes ayant dénoncé leur situation soient protégées contre des mesures de représailles et toutes pressions sociales, et libérer sans condition les personnes ayant dénoncé publiquement des situations d’esclavage.
A cet égard, la commission demande au gouvernement de continuer à solliciter activement l’assistance technique du BIT pour mettre en œuvre les recommandations et d’accepter une mission de haut niveau. La commission demande également au gouvernement de communiquer, à la prochaine réunion de la commission d’experts en novembre 2017, des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations.
Un représentant gouvernemental, rappelant que la Mauritanie, à l’instar de 2015 où elle avait été appelée à partager avec la commission les efforts déployés dans le cadre de l’application de la convention, a remercié la commission pour l’opportunité accordée afin d’informer sur les progrès réalisés et qui continuent de s’affermir dans le domaine de la promotion et de la défense des droits de l’homme, et en particulier en ce qui concerne la lutte contre les pratiques esclavagistes et les séquelles de l’esclavage. S’agissant du cadre juridique de lutte contre le travail forcé, conformément aux recommandations adoptées par la commission en juin 2015, celui-ci a été revu et modernisé afin de lutter pleinement contre ce fléau et être en mesure d’assurer la mise en œuvre de l’effectivité des objectifs assignés par le programme électoral du Président du pays engagé dans un combat pour l’égalité entre tous les citoyens, tout en veillant de manière particulière à rendre leur dignité aux victimes d’une certaine injustice de l’histoire. A cet égard, le rapport du gouvernement soumis à la commission d’experts en septembre 2015 indique la panoplie des textes juridiques nouvellement adoptés. Conformément aux modifications de la Constitution qui ont érigé l’esclavage en crime contre l’humanité et à la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, adoptée par le Conseil des ministres le 6 mars 2014, l’adoption en septembre 2015 d’une nouvelle loi (no 2015–031), portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes consolide les orientations du gouvernement et abroge la législation no 2007/48 de 2007 sur le même sujet. Conformément aux recommandations de la commission, cette loi introduit un ensemble de définitions qui en facilitent l’application en se basant sur une terminologie claire et précise relative à l’esclavage; elle incorpore les infractions prévues par les conventions internationales de lutte contre l’esclavage tout en affirmant leur imprescriptibilité; elle aggrave les sanctions relatives aux pratiques esclavagistes en les alignant sur celles prévues pour les crimes; et institue le locus standi pour des tierces parties, en particulier les organisations non gouvernementales (ONG), qui peuvent, désormais, ester en justice et se constituer partie civile dans les litiges auxquels l’application de la loi donnerait lieu, sans que cette qualité ne leur confère un avantage patrimonial. Cette importante réforme a été accompagnée par la mise en place de trois juridictions spéciales pour connaître des infractions relatives aux pratiques esclavagistes qui couvrent l’ensemble du pays, avec, pour l’ensemble du pays et pour les cinq dernières années, l’ouverture de 40 procédures portant sur le travail forcé. Certains de ces cas ont déjà connu leur dénouement à travers deux condamnations, d’autres ont fini par bénéficier de non-lieu, tandis que le reste est en cours de jugement. D’autres textes ont été adoptés afin de compléter cette nouvelle loi: la loi no 2015-033 du 10 septembre 2015, relative à la lutte contre la torture qui abroge et remplace la loi no 2013/011 du 23 janvier 2013, portant répression des crimes d’esclavage et de torture en tant que crimes contre l’humanité; la loi no 2015-034 du 10 septembre 2015 instituant un Mécanisme national de prévention de la torture (MNP); et la loi no 2015-030 du 10 septembre 2015 portant aide judiciaire. S’agissant de la recommandation demandant au gouvernement de faire appel à l’assistance technique du BIT pour l’aider à concrétiser ses efforts de lutte contre le travail forcé, suite à la demande officielle adressée par le Premier ministre au Directeur général du BIT en février 2015, un projet d’une durée de quatre ans, destiné à appuyer la mise en œuvre de la loi portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, a commencé le 2 mai 2016 et comporte l’identification de tous les axes d’intervention. Ce dernier vise notamment à appuyer et à accompagner les juridictions spéciales de répression des crimes liés à la pratique esclavagiste, les auxiliaires de justice, en particulier les avocats qui seront commis aux enquêtes qui seront menées sur l’incidence des pratiques esclavagistes et des séquelles de l’esclavage, mais aussi l’appui direct aux victimes. En ce qui concerne certains cas en instance devant les juridictions pour travail forcé et qui concernent les enfants, la Mauritanie a adopté, avec, le soutien du BIT, un plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants. Celui-ci sera mis en œuvre dès que les financements seront mobilisés, et contribuera à lutter, entre autres, contre les séquelles de l’esclavage. La Mauritanie fait partie des cinq premiers pays à avoir ratifié le protocole de 2014 relatif à la convention (no 029) sur le travail forcé, 1930. Au-delà de l’importance de l’initiative, il est à souligner qu’elle rencontre l’adhésion totale des partenaires sociaux et des acteurs de la société civile à la démarche du gouvernement, adhésion qui fut constatée au cours de la large concertation entreprise avant la ratification du protocole et qui permettra à terme une mise en œuvre des dispositions de l’instrument dans les conditions les plus idoines. Par ailleurs, dans le cadre de la vulgarisation des textes juridiques relatifs à la lutte contre les pratiques esclavagistes, la Mauritanie a publié, en partenariat avec le Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, un numéro spécial du Journal officiel sur les conventions internationales ratifiées en matière des droits de l’homme, ce qui permettra aux juridictions nationales d’intégrer ces instruments dans l’univers juridique interne. Malgré la grande importance du cadre juridique, celui-ci ne saurait à lui seul venir à bout du travail forcé et des séquelles de l’esclavage. Aussi, en application des recommandations adoptées par la commission en juin 2015, le gouvernement a pris des actions audacieuses dans le domaine socio-économique, notamment à travers la création d’une Agence nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage et pour l’insertion, l’agence Tadamoun. Ces actions s’articulent autour de la mise en œuvre d’un ensemble de projets dans les domaines prioritaires qui bénéficient directement aux populations souffrant des séquelles de l’esclavage afin de leur permettre de combler le retard dans les domaines suivants: l’éducation, avec la construction d’écoles; la santé; l’eau; l’habitat social; les barrages; le maraîchage; les aménagements agricoles; la modernisation des moyens de production avec la distribution de charrues à traction animale aux populations victimes des séquelles de l’esclavage ainsi que l’acquisition de tricycles dans les quartiers précaires; et des centaines d’activités génératrices de revenus mises en place. Ces initiatives ont sensiblement relevé le niveau de vie des populations, tout en créant de l’emploi décent, et peuvent être consultées sur le site de l’agence. S’agissant de la sensibilisation et de la conscientisation autour du travail forcé, le gouvernement a focalisé ses efforts sur la formation des autorités administratives, judiciaires et de sécurité, tout en impliquant les acteurs de la société civile évoluant dans le domaine de la promotion ou de la défense des droits humains. Plusieurs formations ont été organisées pour les hakem (préfets), les maires, les gendarmes, les policiers, les magistrats et les auxiliaires de justice sur la nécessité d’une application rigoureuse des dispositions du cadre juridique incriminant l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes. Par ailleurs, des caravanes de sensibilisation, visant en particulier les leaders religieux et les notabilités traditionnelles, ont sillonné le pays pour vulgariser la fatwa par laquelle la communauté des Oulémas réaffirme l’interdiction formelle et péremptoire de toute exploitation. Ces efforts de sensibilisation vont se poursuivre notamment à travers le projet d’appui à la mise en œuvre de la loi portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, financé par le BIT. Pour conclure, il convient de souligner l’engagement de la Mauritanie à la promotion et à la défense des droits humains, notamment à travers la mobilisation de tous les moyens et les efforts du pays à ces fins. La Mauritanie reste ouverte à tous ceux qui souhaiteraient contribuer à la réalisation de cette ambition.
Les membres travailleurs ont rappelé que la commission a fait preuve d’une grande patience à l’égard du gouvernement et ont observé la récurrence de ce cas devant la commission, signe d’une inertie inacceptable. La non-conformité aux dispositions de la convention ne peut être justifiée par le contexte politique et économique difficile du pays, un des derniers pays au monde où des formes traditionnelles d’esclavage persistent. L’extrême vulnérabilité des victimes de l’esclavage – et en particulier des groupes les plus vulnérables, tels que le groupe des Haratines – nécessite une forte mobilisation des autorités afin de les protéger. Malgré de nombreuses condamnations internationales, le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires afin de lutter contre ce fléau. En 2016, l’esclavage n’est plus tolérable, et il est urgent que le gouvernement prenne toutes les mesures nécessaires afin de l’éradiquer définitivement. Tout en rappelant que la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes a démontré son inefficacité, la ratification du protocole relatif à la convention ainsi que l’introduction de certaines modifications à la législation est à saluer. La loi no 2015-031 du 10 septembre 2015 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, qui abroge la loi no 2007/48, reprend l’ensemble des dispositions de cette dernière en y définissant plus en détail les éléments constitutifs de l’esclavage, du placement, du servage et de la servitude pour dettes, et prévoit des peines plus sévères; elle introduit également la possibilité pour les associations de défense des droits de l’homme ayant la personnalité juridique depuis au moins cinq ans, de se constituer partie civile. La loi no 2015-032 portant aide judiciaire permet de couvrir les frais normalement mis à la charge des parties pour les personnes indigentes ou à faible revenu. Tout en soulignant ces avancées positives qui visent à renforcer le dispositif législatif de lutte contre l’esclavage, il faut constater que la Mauritanie n’est pas en mesure de mettre en œuvre de manière effective et d’appliquer les réformes législatives, se heurtant à des difficultés souvent dues à l’insuffisance des mécanismes d’inspection du travail et du contrôle de l’application des lois. Le gouvernement est incapable de démontrer que les auteurs de crimes d’esclavages sont systématiquement poursuivis et condamnés, et que l’accès à la justice des victimes d’esclavage est garanti. Des actions spécifiques sont donc nécessaires afin de garantir cet accès aux victimes. Le gouvernement doit prendre toutes les mesures nécessaires afin d’identifier, de libérer et de réinsérer les victimes et de punir les responsables, en renforçant les mécanismes d’inspection du travail et du contrôle de l’application des lois. S’agissant des 40 cas de pratiques assimilées à l’esclavage qui ont été traités par les juridictions, ce nombre est insuffisant et il serait intéressant de savoir combien d’acquittements ont été prononcés dans ces cas. En ce qui concerne les sanctions appliquées aux crimes d’esclavage, celles-ci ne sont pas assez sévères. La première condamnation par le Tribunal spécial de lutte contre l’esclavage de Nema en mai 2016 est très décevante et fait l’objet d’une procédure d’appel. Il convient de rappeler qu’un niveau de sanctions dissuasif effectivement appliqué est essentiel pour éradiquer ces pratiques conformément à l’article 25 de la convention. La commission d’experts constate dans la pratique une réticence des autorités administratives et policières à enquêter sur les cas d’esclavage portés à leur connaissance par les associations. Les classements sans suite et les requalifications des faits restent fréquents, ce qui constitue un obstacle de plus à la poursuite des crimes d’esclavage.
S’agissant de l’agence Tadamoun, il est regrettable qu’elle néglige l’un de ses objectifs initiaux, celui de lutter contre l’esclavage, et se concentre particulièrement sur le développement de projets sociaux et économiques, ce qui ne répond qu’indirectement à la nécessité urgente de mettre un terme aux pratiques d’esclavage. L’agence souffre également du manque de moyens afin de lutter contre l’esclavage. Il est également regrettable que les ONG et les organisations syndicales soient écartées du fonctionnement de cette agence. Suite à la recommandation formulée par la commission en 2015 au sujet de la feuille de route pour l’élimination des vestiges de l’esclavage adoptée en mars 2014, le gouvernement a établi une Commission de suivi de la feuille de route et un Comité interministériel. Il n’est toutefois pas certain que ces deux organes entretiennent des contacts, et il ne semble pas non plus exister d’indicateurs clairs permettant de mesurer les changements intervenus. Il est à espérer que le gouvernement garantisse le bon fonctionnement de ces organes et qu’il prenne les mesures appropriées afin d’atteindre des résultats concrets et rapides dans la pratique. Se référant aux traditions et à la culture en tant que raisons profondes à la persistance de pratiques importantes et durables de l’esclavage en Mauritanie, il est essentiel que des transformations sociales profondes soient opérées au sein de la société et, en premier lieu, avec le chef du gouvernement, le Président, qui semble nier la réalité. Un tel déni de l’esclavage discrédite toute action entreprise par les autorités publiques pour endiguer ce fléau et nécessite une prise de conscience dans le chef de l’exécutif ainsi que la conduite d’une enquête nationale sur le travail en servitude afin de permettre aux autorités de saisir l’ampleur du phénomène et de définir les actions spécifiques à entreprendre. Le gouvernement doit également lancer de larges campagnes de promotion, de sensibilisation et d’éducation de l’opinion publique ainsi que des autorités administratives, policières et judiciaires pour combattre de manière systématique toute forme de travail forcé. Pour conclure, les autorités doivent s’abstenir d’entraver sans cesse le travail des associations, syndicats et ONG luttant contre l’esclavage, tant en Mauritanie qu’ailleurs. A cet égard, il est fort regrettable que le gouvernement ait fait obstruction à la délivrance du visa du Secrétaire général de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM), qui a malheureusement été empêché de se présenter devant cette commission pour y exposer sa vision de la situation dans le pays.
Les membres employeurs ont exprimé leur accord avec la déclaration des membres travailleurs et ont fait remarquer que cette session de la commission est le prolongement de la discussion de l’année dernière. La Mauritanie a ratifié la convention en 1961 et, depuis lors, la commission a examiné le cas à de multiples reprises alors que la commission d’experts a fait 14 observations depuis 1997. Des missions de l’OIT ont également eu lieu dans le pays en 2004 et 2006 et une série de recommandations ont été adoptées en conséquence. Bien qu’il s’agisse du cas lié au travail forcé le plus fréquemment examiné, l’orateur souligne le manque de progrès accomplis. Par ailleurs, ils remercient le gouvernement pour les informations fournies à propos des mesures adoptées et pour ses efforts en vue de combattre l’esclavage. Ils prennent notamment acte de la loi de 2007, la loi de 2015, la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage adoptée en 2014 et la création d’un tribunal spécial. Ils prennent également note de la ratification du protocole relatif à la convention. Cependant, ils ont indiqué que bien que le gouvernement ait mis en place un cadre juridique complet, l’application de la loi dans la pratique demeure faible. Des questions existent quant à la volonté du gouvernement de s’acquitter de ses obligations. Les membres employeurs doutent que la ratification du protocole puisse résoudre le problème d’application persistant depuis 55 ans. Faisant référence à l’article 25 de la convention, les membres employeurs signalent l’absence de mise en œuvre adéquate et stricte des sanctions prévues par la loi. Dans ce contexte, ils estiment que les principales difficultés sont liées aux barrières culturelles et aux lacunes de l’administration nationale en termes de poursuites. Comme indiqué dans les observations de la commission d’experts, il demeure difficile pour les victimes de porter leur cas devant les instances administratives et judiciaires compétentes. Le fait que, sur 31 affaires, une seule a abouti à un emprisonnement est un exemple d’une application inefficace de la convention. Les membres employeurs ont conclu en rappelant au gouvernement que c’est son devoir de protéger les citoyens vulnérables.
Le membre gouvernemental des Pays-Bas, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’Islande, la Norvège et la République de Moldova, a rappelé que, en vertu de l’accord de Cotonou, la Mauritanie s’est engagée à respecter la démocratie, la primauté du droit et les principes des droits de l’homme, dont l’abolition du travail forcé. Le respect de la convention est essentiel à cette fin. L’orateur a pris note de l’évolution positive qu’a été l’adoption en 2015 de deux nouvelles lois qui pénalisent et sanctionnent l’esclavage, établissent des tribunaux collégiaux chargés spécifiquement d’entendre des cas liés à l’esclavage et créent un système d’aide juridictionnelle. Il a salué le fait que 31 cas de pratiques esclavagistes ont été entendus par les tribunaux, certains ayant abouti à des sanctions, et que deux cas d’esclavage ont récemment débouché sur des peines de cinq ans d’emprisonnement. Le gouvernement est encouragé à poursuivre ses efforts pour garantir la pleine application de la nouvelle législation, y compris en donnant aux autorités compétentes les moyens suffisants pour mener rapidement et impartialement des enquêtes et entamer des procédures judiciaires. Il est essentiel de veiller à ce que les victimes d’esclavage puissent faire valoir leurs droits et que les auteurs soient dûment sanctionnés par des peines dissuasives. Le gouvernement est également encouragé à mettre en œuvre les 29 recommandations de la feuille de route qui a été adoptée en 2014 pour lutter contre les séquelles de l’esclavage et pour s’assurer que l’agence Tadamoun dispose des moyens nécessaires pour agir dans tous les domaines qui relèvent de son mandat. Il faut espérer que le gouvernement continuera d’informer la population et les autorités compétentes sur le problème de l’esclavage et sur la nécessité de l’éliminer. L’orateur a conclu en déclarant que l’UE reste prête à coopérer avec le gouvernement en vue de la promotion du développement et du plein exercice des droits humains.
Le membre travailleur du Sénégal a rappelé que le cas de la Mauritanie avait été très souvent évoqué devant la commission depuis 1990. La mission d’investigation qui s’est rendue dans le pays en 2006 a mis en avant une série de recommandations qui auraient dû permettre d’importantes avancées. En 2010, la commission avait exhorté le gouvernement à faire comprendre à la population et aux autorités qu’il était impératif d’éradiquer l’esclavage, notamment au travers de l’adoption, dans les plus brefs délais, d’un plan national de lutte contre l’esclavage, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux, et de mesures pour s’assurer que les victimes puissent effectivement avoir accès aux autorités policières et judiciaires. Il faut dénoncer la mauvaise volonté du gouvernement – comme en témoigne son obstruction à la participation des travailleurs mauritaniens aux travaux de la commission – et la légèreté des sanctions prises à l’encontre de personnes se rendant coupables d’esclavage. Il convient de faire référence aux conclusions de la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage qui avait noté, au sujet de la loi de 2007 portant incrimination de l’esclavage réprimant les pratiques esclavagistes, que, si la loi a fait l’objet d’une large publicité afin de favoriser la compréhension de la nature criminelle de l’esclavage, les victimes continuent à rencontrer des difficultés pour être entendues et pour faire valoir leurs droits, tant au niveau des autorités administratives que des autorités judiciaires. La création en 2013 de l’agence Tadamoun était un développement positif, mais la commission d’experts met en doute sa capacité à mettre en œuvre la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Cette agence semble limiter son mandat aux séquelles de l’esclavage et non à la pratique continue de l’esclavage. Enfin, si l’introduction d’une feuille de route représentait un pas positif, celle-ci ne prévoit pas de mesures de protection spécifiques pour les victimes.
La membre travailleuse de la France a souligné que la ratification du protocole de 2014 relatif à la convention démontre que la Mauritanie souhaite se doter des instruments lui permettant de lutter contre l’esclavage et ses séquelles. Cependant, la mise en œuvre effective du protocole au travers de sa transcription législative, qui prévoit que les victimes peuvent faire valoir leurs droits, n’a pas porté ses fruits et des réticences existent aux niveaux policier et judiciaire. Les tentatives d’explications socio-économiques et culturelles des causes de l’esclavage et des difficultés à l’éradiquer ne rendent pas l’esclavage tolérable et ses conséquences ne sont pas combattues à la hauteur de leur ancrage dans la société. Dans ses observations à la commission d’experts, la Confédération syndicale internationale (CSI) s’est référée aux réticences des autorités à enquêter sur les cas d’esclavage et à la tendance des autorités judiciaires à classer les affaires sans suite et à requalifier des faits afin d’éviter l’application des dispositions incriminant l’esclavage. L’absence de conscience que la plupart des victimes ont de leur sort ainsi que les réticences des autorités sont les deux difficultés auxquelles il faut faire face, et l’agence Tadamoun peine à faire évoluer la situation malgré son mandat à cet effet, ce qui met en cause sa crédibilité. Les travailleurs mauritaniens soulignent régulièrement l’absence de volonté politique réelle et le gouvernement se rend fautif en continuant d’imposer la charge de la preuve aux victimes et en ne mettant pas en place une campagne de sensibilisation et d’éducation, tel que requis par l’article 2 du protocole. Certains secteurs de l’économie sont plus vulnérables et certains travailleurs sont plus exposés au risque. Le concours des inspecteurs du travail, des magistrats et des pouvoirs publics est nécessaire afin de satisfaire aux exigences du protocole. La mobilisation des autorités compétentes et de l’ensemble de la société est indispensable pour l’amélioration de la situation et pour le respect des droits des victimes. Enfin, l’existence d’institutions chargées de contrôler l’application de la législation, en droit et dans la pratique, est essentielle afin d’éviter que la législation reste lettre morte.
Le membre gouvernemental de l’Algérie a salué les efforts déployés par la Mauritanie pour mettre en œuvre les recommandations de la commission, notamment moyennant l’adoption de la loi de 2015 portant incrimination de l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, consolidant ainsi les mesures prises par le gouvernement depuis 2007. Selon les indications du gouvernement, d’autres textes portant application de la loi précitée ont été adoptés, notamment la loi de 2015 relative à la lutte contre la torture. L’orateur a également pris note de la coopération entre la Mauritanie et le BIT en vue de la concrétisation des efforts du gouvernement contre le travail forcé. De plus, des efforts socio-économiques ont été réalisés afin de lutter contre le travail forcé, notamment dans le domaine de l’éducation, de la santé et de la modernisation des moyens de production.
Le membre travailleur de l’Argentine a indiqué que, depuis la ratification de la convention en 1961, la commission d’experts a formulé près de 20 observations et que la commission a examiné ce cas à de nombreuses reprises. Au niveau national, le gouvernement a adopté des lois, mis en œuvre des plans et des programmes et créé des organismes de lutte contre le travail forcé qui touche une grande partie de la population et qui, d’après les informations disponibles, demeure profondément ancré dans la société. Toutefois, ces mesures ont eu des effets limités et les victimes ont toujours du mal à faire valoir leurs droits et à obtenir réparation puisque les plaintes ne font pas l’objet d’enquête ou de suivi, et que, les autorités s’opposent, parfois, aux plaintes. Les victimes sont ainsi doublement victimes, à la fois de leurs oppresseurs et des autorités. La situation des enfants en domesticité qui travaillent pour un «maître» pour lequel ils effectuent des travaux domestiques ou des travaux liés à l’agriculture et qui n’ont que peu accès à l’éducation (phénomène similaire à celui du «criadazgo» en Amérique latine) constitue un crime abominable qui non seulement détruit l’enfance de ces enfants mais aussi conditionne la génération actuelle et les générations suivantes en perpétuant la pauvreté et la marginalisation. La commission rappelle depuis plusieurs années que, face à ce phénomène, le gouvernement devrait agir dans le cadre d’une stratégie globale couvrant tous les domaines de la sensibilisation et de la prévention, de la coopération avec la société civile, ainsi que de la protection et de la réinsertion des victimes. Ce processus devrait être participatif grâce à l’inclusion de larges pans de la société et bénéficier de l’aide de la communauté internationale. Le gouvernement devrait consulter les partenaires sociaux sur l’élaboration de plans permettant d’éliminer ce fléau une fois pour toutes, et les y associer, et se prévaloir de l’assistance technique du BIT. L’orateur a instamment prié le gouvernement de respecter l’engagement en faveur de la consolidation de l’état de droit pour assurer la permanence de la paix sociale. Tous les gouvernements devraient ratifier le protocole à la convention et s’engager à éradiquer le travail forcé, qui constitue une violation flagrante des droits de l’homme et de la dignité humaine.
La membre travailleuse de l’Italie a déclaré que, depuis l’abolition et la criminalisation de l’esclavage en 2007, la Rapporteure spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage a constaté que près de 20 pour cent des citoyens de Mauritanie sont toujours privés de leurs droits fondamentaux à la liberté et à l’autodétermination, ce qui fait de ce pays celui ayant le taux d’esclavage le plus élevé au monde. Le gouvernement a adopté en 2015 une loi qui érige l’esclavage en crime contre l’humanité et double la durée de la peine d’emprisonnement prévue pour ce délit. Or, du fait de la collusion des pouvoirs et des conflits d’intérêt existant au sein des pouvoirs politique, militaire et judiciaire, rien n’a été fait concrètement pour mettre fin à l’esclavage malgré la présence, en théorie, des mécanismes de mise en application requis à cet effet. L’élite du pays, qui contrôle toutes les institutions nationales, n’a pas intérêt à mettre fin à l’ordre établi sur lequel se fondent ses privilèges et sa prospérité. Au contraire, elle a intérêt à mettre sa puissance et son influence à profit pour écraser le mouvement abolitionniste, tout en niant par la même occasion l’existence même de l’esclavage. Au cours des dernières années, de nombreux militants et activistes du mouvement contre l’esclavage ont été arrêtés et condamnés, la police a utilisé les gaz lacrymogènes plus d’une fois lors de manifestations contre l’esclavage, et des participants ont été battus et torturés pendant leur détention. Les facteurs ethniques et historiques de l’esclavage sont toujours présents, et une partie de la population reste soumise à des traitements dégradants, sans salaire pour son travail, exclue de l’enseignement et de la politique, avec interdiction d’acquérir un bien fonds ou d’en hériter. Les femmes sont doublement discriminées, par leur servitude et par leur genre; elles sont fréquemment battues et violées par leurs «maître» qui les considèrent comme leur propriété. Leurs enfants sont souvent considérés également comme la propriété du «maître» qui peut les louer, les prêter ou les offrir en cadeau. Il est donc essentiel que la loi de 2015 portant incrimination de l’esclavage soit effectivement appliquée et que des poursuites pénales soient engagées contre les actes d’esclavage, notamment par le biais de l’Agence Tadamoun. Bien qu’elle ait bénéficié d’un financement public de 25 millions de dollars des Etats–Unis, la campagne de sensibilisation de la Tadamoun n’a eu guère d’impact. L’oratrice a conclu en priant instamment le gouvernement de cesser d’agir de manière ambiguë sur la question de la lutte contre l’esclavage afin de mettre un terme à ces abus quotidiens constants.
Le membre travailleur du Japon a remarqué que le gouvernement avait modifié et adopté des lois visant à faire des pratiques assimilables à l’esclavage un délit pénal et à les réprimer et qu’il avait adopté la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Il a souligné que ces réformes n’ont pas été réellement mises en œuvre et que de telles pratiques persistent dans le pays. Malgré le nombre élevé de personnes (4 pour cent de la population) asservies dans le domaine domestique ou agricole, peu de cas ont été traduits devant la justice. Concernant l’incident du 27 janvier 2012, quand les autorités locales de Dar Naim ont interdit la manifestation organisée par la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM), il a déclaré que le militantisme abolitionniste était sévèrement réprimé par les autorités. La Mauritanie a été un des premiers pays à ratifier le protocole relatif à la convention. Cependant, si les principes de la convention ne sont pas incorporés dans la législation et la pratique nationales, cela affaiblirait l’importance de la ratification et la valeur de tout instrument de l’OIT. L’orateur a demandé que la commission recommande au gouvernement de prendre des actions immédiates afin de rendre ses pratiques conformes à la convention et de respecter les obligations qui en découlent.
Le membre travailleur du Burkina Faso a rappelé que l’esclavage et la traite des personnes ont été reconnus comme des crimes contre l’humanité et que la Mauritanie a ratifié la convention en 1961: en conséquence, celle-ci doit être mise en œuvre avec la plus grande rigueur. Il s’est interrogé sur la question de savoir si la Mauritanie était consciemment ou inconsciemment encouragée par d’autres Etats dans ses pratiques. Lorsqu’un état ferme les yeux sur l’application de la convention (no 81) sur l’inspection du travail, 1947; de la convention (no 129) sur l’inspection du travail dans l’agriculture, 1969; et la convention (no 150) sur l’administration du travail, 1978, il expose gravement les inspecteurs et contrôleurs du travail à toutes formes de répression de la part des employeurs, ce qui encourage une culture d’impunité et des pratiques esclavagistes. Toute forme d’esclavage, qu’elle soit traditionnelle ou moderne, est condamnable. L’orateur a félicité les travailleurs mauritaniens pour le combat qu’ils mènent afin de faire cesser l’esclavage et a encouragé les autorités gouvernementales à aller de l’avant dans la mise en œuvre des conventions ratifiées. Il est nécessaire que le respect de la convention soit analysé dans les différents pays en relation avec, d’une part, les conditions de travail, l’indépendance et la protection des inspecteurs et des contrôleurs du travail et, d’autre part, le respect de la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
Le représentant gouvernemental a rappelé la présentation exhaustive qu’il avait faite pour mettre en relief le chemin parcouru depuis la dernière session de la Conférence internationale du Travail et qui se focalisait sur les efforts fournis pour répondre aux recommandations de la commission. Les formes traditionnelles d’esclavage n’existent plus en Mauritanie, comme l’a rappelé le Président de la République, et tous les efforts sont faits pour lutter contre des formes modernes d’esclavage qui pourraient subsister. Si l’inspection du travail n’est pas suffisamment équipée pour pouvoir lutter efficacement contre le travail forcé, ces insuffisances sont un phénomène commun dans beaucoup de pays africains. Mais, depuis deux ans, des réformes ont été introduites pour pouvoir répondre aux exigences et aux impératifs d’un contrôle méticuleux de l’application de la législation du travail dans ce domaine. Un projet d’appui au renforcement des institutions du travail est en train d’être mis en place avec l’appui du BIT. Des autorités administratives ou de sécurité qui n’agiraient pas de la manière prévue par la loi quand un cas d’esclavage est porté à leur connaissance, s’exposeraient à des sanctions pénales et disciplinaires. Contrairement à ce qui a été dit, la société civile est bien représentée au sein de l’agence Tadamoun. Des poursuites et des procédures judiciaires ont bien été mises en œuvre. L’orateur a rappelé qu’il avait porté à la connaissance de la commission les cas qui avaient aboutis comme ceux qui avait donné lieu à une relaxe pour faute de preuves. Si des travailleurs mauritaniens n’ont pas obtenu leur visas à temps pour venir participer à la Conférence, cela n’est pas imputable au gouvernement qui a rempli ses obligations. D’ailleurs, une partie de la délégation gouvernementale a été confrontée au même problème. L’orateur a conclu en rappelant les progrès faits depuis 2015. Tous les efforts sont mobilisés pour combattre ce fléau et il est à regretter que le cas de la Mauritanie soit discuté encore une fois devant la commission mais a indiqué qu’il existait sans doute à cela des raisons exogènes à rechercher ailleurs.
Les membres employeurs ont remercié le gouvernement des informations complètes qu’il a fournies sur les mesures qu’il a prises depuis juin 2015, y compris l’adoption de la nouvelle législation qui prévoit des sanctions plus sévères et la ratification du protocole relatif à la convention. Malgré les efforts qu’il a déployés au cours de l’année passée, et compte tenu de la situation que la commission examine depuis de nombreuses années, beaucoup reste à faire dans le pays. La situation reste très préoccupante en raison de la vulnérabilité des victimes d’esclavage. Dans ses conclusions, la commission devrait demander instamment au gouvernement de: i) mettre effectivement en œuvre la nouvelle loi, qui remplace la loi de 2007; ii) mettre effectivement en œuvre le plan national et la feuille de route pour lutter contre les séquelles de l’esclavage, y compris en prévoyant une aide et des mesures complètes pour les victimes; iii) doter de ressources financières suffisantes l’agence Tadamoun et les inspecteurs du travail pour qu’ils puissent faire le nécessaire à ce sujet; iv) poursuivre son programme visant à sensibiliser la population, les autorités centrales, les autorités religieuses et le pouvoir judiciaire; et v) demander l’assistance technique continue du BIT. Le gouvernement est également prié instamment de fournir des informations détaillées que la commission d’experts examinera à sa session de 2016 sur la mise en œuvre des mesures d’application, y compris des statistiques sur le nombre de cas ayant fait l’objet d’enquêtes et de poursuites.
Les membres travailleurs ont relevé les efforts déployés par le gouvernement mauritanien pour se doter d’un arsenal juridique le plus complet possible pour lutter contre l’esclavage. Ils ont salué en particulier la ratification rapide du protocole relatif à la convention, tout en regrettant profondément l’incapacité du gouvernement à mettre en œuvre et à appliquer les instruments juridiques dont il se dote. Consacrer des droits sans en assurer l’exercice effectif est inutile: le gouvernement doit prendre les mesures appropriées pour que des résultats concrets et rapides puissent être constatés. Une première étape serait de reconnaître formellement l’existence de l’esclavage en Mauritanie après qu’une collecte de données détaillées sur la nature et l’incidence de l’esclavage ait été effectuée, comme cela a été recommandé par la commission d’experts. Le gouvernement devrait également établir des procédures afin d’assurer le suivi et évaluer la mise en œuvre des efforts en vue d’éradiquer l’esclavage. L’application stricte de la législation contre l’esclavage de 2015 est nécessaire afin d’assurer que des enquêtes soient diligentées et que les responsables de pratiques d’esclavage soient poursuivis et condamnés à des peines proportionnelles au crime commis. Le renforcement des services d’inspection du travail et des mécanismes de contrôle de l’application de la législation sont indispensables pour réaliser cet objectif. La justice doit être dotée de moyens suffisants afin que les poursuites soient traitées dans un délai raisonnable. Les autorités chargées de ces poursuites doivent être formées et le public doit être sensibilisé aux infractions en lien avec l’esclavage. Le gouvernement devrait mettre en œuvre la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage. Il faut également soutenir l’agence Tadamoun et permettre à la société civile et aux partenaires sociaux de participer à ses travaux. Le développement et la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation à l’adresse du grand public, des victimes de l’esclavage, de la police, des autorités administratives et judiciaires et des autorités religieuses est une mesure indispensable à la lutte contre les pratiques d’esclavage ancrées dans la culture et la tradition. Afin de promouvoir l’intégration économique et sociale des personnes sujettes à l’esclavage, les autorités doivent garantir l’accès aux ressources et services de l’Etat aux groupes qui y sont vulnérables. Les autorités doivent collaborer avec les associations, syndicats et ONG luttant contre l’esclavage et cesser d’entraver leur travail. Le gouvernement doit recourir à l’assistance technique du BIT et accepter une mission de contact direct afin d’être assisté dans les nombreuses actions à entreprendre. Les membres travailleurs ont exprimé l’espoir que le gouvernement fera rapport à propos des mesures prises, en particulier en ce qui concerne la mise en œuvre de la loi de 2015 portant incrimination de l’esclavage, d’ici à la réunion de la commission d’experts de 2016. Enfin, pour conclure, les membres travailleurs ont vivement déploré l’absence des travailleurs mauritaniens qui avaient à cœur de partager leur expérience de vive voix avec la commission.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi sur les points soulevés par la commission d’experts.
La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement, mais s’est dite profondément préoccupée par le fait que, dans la pratique, le gouvernement doive encore prendre les mesures voulues pour combattre l’esclavage, bien que le gouvernement ait été à de nombreuses reprises appelé devant la commission. Elle est en particulier préoccupée par le fait que le gouvernement a engagé très peu de poursuites à l’égard des auteurs du crime d’esclavage et qu’il a imposé des sanctions pénales légères qui n’ont eu que peu ou pas d’effet dissuasif.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu sur ce cas, la commission a prié instamment le gouvernement de:
A cet égard, la commission a prié instamment le gouvernement de solliciter l’assistance technique du BIT et une mission de contacts directs. Elle a également demandé au gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations, en particulier celles concernant l’application de la loi de 2015 contre l’esclavage, à la prochaine réunion de la commission d’experts, en novembre 2016.
La commission a également pris note avec préoccupation du fait que le gouvernement n’a pas fait en sorte que des visas soient délivrés aux délégués travailleurs pour leur permettre de participer aux travaux de la commission.
Le représentant gouvernemental a déclaré avoir écouté avec intérêt les conclusions de la commission. La plupart des recommandations formulées ont déjà été mises en œuvre ou sont en voie de l’être. Ces questions font partie des priorités du gouvernement, qui continuera à travailler pour les résoudre. Pour ce qui est des allégations d’obstruction dans la délivrance de visas aux représentants des travailleurs à la Conférence, le gouvernement a bien fait le nécessaire dans les délais impartis. A cet égard, dans l’intérêt du développement normal du mouvement syndical et de la promotion du dialogue social auquel le gouvernement est profondément attaché, il serait souhaitable que les parties intéressées s’inspirent des principes de la Résolution concernant l’indépendance du mouvement syndical adoptée en 1952 par la Conférence, notamment en ce qu’elle précise que, «lorsque les syndicats décident, en se conformant aux lois et usages en vigueur dans leurs pays respectifs et à la volonté de leurs membres, d’établir des relations avec des partis politiques ou d’entreprendre une action politique conformément à la Constitution pour favoriser la réalisation de leurs objectifs économiques et sociaux, ces relations ou cette action politique ne doivent pas être de nature à compromettre la continuité du mouvement syndical ou de ses fonctions sociales et économiques». La Mauritanie a donné les preuves tangibles de son engagement résolu à se conformer aux normes de l’OIT comme priorité absolue.
Un représentant gouvernemental, après avoir salué le travail de la commission, a indiqué que le gouvernement s’est engagé résolument depuis plusieurs décennies à lutter contre toutes les séquelles de l’esclavage, de mauvais traitements et d’exploitation, notamment par des réformes juridiques et institutionnelles ainsi que la mise en œuvre de programmes de développement économique et social pour lutter contre les séquelles de l’esclavage. Des réformes juridiques et institutionnelles sérieuses et audacieuses ont été adoptées en 2012. D’après la loi constitutionnelle no 2012-015 du 20 mars 2012, portant révision de l’article 13 de la Constitution de 1991, l’esclavage est défini comme un crime imprescriptible contre l’humanité et est puni comme tel. Cette loi vient notamment renforcer la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination de l’esclavage et des pratiques esclavagistes. La loi de 2007 a ainsi défini pour la première fois l’esclave et l’esclavage et a institué la possibilité pour toute association des droits de l’homme légalement reconnue à dénoncer les infractions constatées et à apporter assistance aux victimes. Cela constitue une avancée de taille, qui expose les réfractaires éventuels à la loi à la vindicte populaire. En sus des mesures d’accompagnement à la loi qui ont été prises, le Parlement examine deux projets de loi. Le premier porte sur la loi relative à la lutte contre la torture qui abrogera et remplacera la loi no 2013-011 du 23 janvier 2013 portant répression des crimes d’esclavage et de torture en tant que crimes contre l’humanité. Le second projet de loi soumis au Parlement concerne l’ordonnance no 2006.05 du 26 janvier 2006. Il permettra aux personnes dont les ressources financières sont insuffisantes, ce qui est le cas des victimes des séquelles de l’esclavage, de défendre leurs droits devant la justice. Par ailleurs, l’orateur mentionne la décision de création d’un tribunal chargé de réprimer les crimes inhérents à l’esclavage et indique que les magistrats qui y travailleraient sont en train d’être sélectionnés afin d’être formés. Le gouvernement élabore des programmes dédiés à la lutte contre les séquelles de l’esclavage avec l’appui du BIT. Le 6 mars 2014, le gouvernement a adopté la feuille de route relative à la lutte contre les séquelles de l’esclavage suite à un consensus participatif. Cette stratégie est assortie d’un plan d’action qui s’articule sur les priorités dans les domaines juridiques, socio-économiques ainsi que la sensibilisation. Un comité interministériel, présidé par le Premier ministre et comportant tous les départements concernés, a été institué et se réunit régulièrement afin de faire le suivi de la mise en œuvre de cette stratégie. L’évaluation d’étapes de mai 2015 a constaté la réalisation de progrès réels dans le cadre du volet socio-économique, notamment par l’Agence Tadamoun, créée en mars 2013 pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, pour favoriser l’insertion et pour lutter contre la pauvreté. Les efforts de cette agence ont permis notamment la construction d’écoles, de dispensaires, de postes de santé et de logements sociaux ainsi que la distribution de terrains assainis et l’accès à l’eau potable dans des localités habitées pour l’essentiel par des personnes souffrant des séquelles de l’esclavage. Le gouvernement communiquera au BIT toutes les statistiques relatives aux réalisations de l’agence et leurs impacts sur la réduction des séquelles de l’esclavage. En outre, le gouvernement a lancé une large campagne d’information sur ces questions: une fatwa interdisant l’esclavage a été adoptée par l’Assemblée des Oulemas et a été largement diffusée. L’orateur indique que le négationnisme ne peut plus continuer à être perpétué par les détracteurs de cette politique. Le gouvernement continuera à œuvrer pour le renouveau, la modernité et l’Etat de droit, dont les premiers bénéficiaires sont les victimes des séquelles de l’esclavage. L’orateur souligne à cet égard que le gouvernement est en train d’élaborer, avec l’appui du BIT, deux programmes importants qui vont renforcer l’effort national mentionné. Le premier, qui porte sur l’élimination du travail des enfants, a mené à l’élaboration d’un plan d’action national d’élimination du travail des enfants en Mauritanie (PANET-RIM) qui a été adopté par le Conseil des ministres le 14 mai 2015. Le second programme tend également à éradiquer les séquelles de l’esclavage et sera élaboré avant la fin de l’année, et portera sur l’appui au changement législatif, le renforcement des institutions, le renforcement des capacités pour la mise en application de la loi, la recherche, la sensibilisation et le soutien aux victimes. L’orateur mentionne que, en dépit de ces nombreuses avancées, la Mauritanie fait à nouveau partie des cas individuels pour l’application de cette convention, en raison d’informations obsolètes ou incomplètes mises à la disposition de la commission. Il conclue en réaffirmant la détermination du gouvernement à éradiquer définitivement les séquelles de l’esclavage.
Les membres travailleurs ont regretté que les informations fournies par le gouvernement ne figurent pas dans un document écrit. La convention a été ratifiée par la Mauritanie en 1961 et, depuis, ce cas a été examiné par la présente commission de nombreuses fois. Suite aux discussions de la commission en 2002 et 2003, plusieurs missions ont eu lieu dans le pays (en 2004 et 2006) et une série de recommandations a été formulée. En 2010, la présente commission, tout en accueillant favorablement certains éléments, avait exhorté le gouvernement à jouer un rôle clé dans la sensibilisation pour faire comprendre à la population et aux autorités qu’il était impératif d’éradiquer l’esclavage. Elle avait également demandé l’adoption d’un plan national de lutte contre l’esclavage, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile. Le gouvernement devait prendre des mesures afin de permettre aux victimes de s’adresser aux autorités judiciaires et policières et fournir des informations à cet égard, y compris des informations fiables, tant quantitatives que qualitatives, sur les caractéristiques de l’esclavage et de ses séquelles. A ce jour, la Mauritanie est l’un des derniers pays dans le monde où subsistent des formes traditionnelles d’esclavage. Les membres travailleurs ont relevé que la commission d’experts avait noté avec regret l’absence de rapports en 2013 et 2014. En outre, selon la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage, malgré l’abolition de l’esclavage en 1981, sa qualification de crime contre l’humanité en 2012 et l’annonce de la création d’un tribunal spécial chargé de poursuivre les crimes d’esclavage, les lois et politiques pertinentes ne sont pas pleinement appliquées et le manque d’informations fiables est particulièrement préoccupant. Les membres travailleurs ont déclaré que l’esclavage ne peut tout simplement pas être toléré et que la Mauritanie doit s’engager sans délai dans la voie du changement. Bien que, selon la commission d’experts et la Rapporteuse spéciale, la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes ait fait l’objet d’une large publicité, les victimes continuent à rencontrer des difficultés pour faire valoir leurs droits auprès des autorités compétentes, ces dernières ne donnant pas suite aux plaintes. Il faut également rappeler que, pour qu’une enquête puisse être ouverte, une plainte doit être déposée. Or la loi n’autorise pas les organisations des droits de l’homme à porter plainte au nom des victimes. De plus, la police refuse de diligenter des enquêtes sur les allégations d’esclavage ou celles-ci se limitent à une confrontation entre les parties au cours de laquelle les victimes, qui se trouvent dans une position d’extrême vulnérabilité, se voient contraintes de modifier leurs dépositions, le cas étant alors requalifié en conflit du travail ou exploitation de mineurs. Les autorités judiciaires refusent aussi de poursuivre les esclavagistes présumés. Malgré l’obligation pour le procureur de notifier au plaignant la décision d’intenter ou non des poursuites dans un délai de huit jours, de nombreuses plaintes sont restées en suspens sans que le procureur ait donné d’informations aux plaignants. Les plaintes aboutissent rarement à un procès car les délais légaux sont systématiquement dépassés. A cet égard, SOS-Esclaves attire l’attention sur la réticence des juges, majoritairement issus de la communauté Beidan, à condamner les propriétaires d’esclaves et à accorder des réparations aux victimes, par peur d’être ostracisés au sein de leur propre communauté. Bien que la présente commission ait fait preuve de compréhension par rapport au poids des traditions, de la culture et des croyances, il convient de constater que les conclusions qu’elle a formulées en 2010 n’ont pas été suivies d’effet. Les victimes d’esclavage ignorent toujours que leur situation est illégale ou injuste et vivent dans l’acceptation de leur statut inférieur. C’est pour cette raison qu’il leur est très difficile de faire usage de la loi de 2007.
S’agissant de l’Agence nationale pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté (Agence Tadamoun), dont la création en 2013 a été saluée, la commission d’experts met en doute sa capacité institutionnelle et financière à mettre en œuvre la feuille de route pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, adoptée en 2014. Il semblerait qu’elle n’ait rien fait pour répondre aux problématiques de l’esclavage et que son mandat ait été limité aux séquelles de l’esclavage et non aux pratiques persistantes d’esclavage, ce qui démontre l’absence de volonté des autorités à cet égard. Quant à la feuille de route, elle représente une avancée positive mais ne prévoit pas de mesures de protection spécifiques pour les victimes, n’accorde pas le locus standi aux tiers et continue d’imposer le fardeau de la preuve à la victime. Elle prévoit toutefois la constitution d’un fonds d’urgence destiné à procurer une aide sociale et économique aux personnes libérées de l’esclavage et des actions positives en faveur des descendants d’esclaves. Le délai d’un an pour sa mise en œuvre était peu réaliste compte tenu de la situation. Les membres travailleurs ont tenu à souligner également la situation des enfants asservis qui travaillent pour un maître dès leur plus jeune âge et n’ont aucun accès à l’éducation. Considérés comme étant la propriété du maître, ils peuvent être loués, prêtés, offerts en guise de cadeau de mariage ou être laissés en héritage aux descendants du maître. En outre, les descendants d’esclaves qui ne sont plus sous le contrôle de leur maître ont généralement un accès limité à l’éducation dû à leur marginalisation. Ils n’acquièrent donc pas les compétences qui leur permettraient d’entreprendre des travaux autres que les travaux domestiques ou des activités liées à l’élevage de bétail ou à l’agriculture. Les syndicats ont mené une lutte active contre l’esclavagisme. Cependant, en janvier 2015, les autorités mauritaniennes sont intervenues pour empêcher la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) d’organiser une campagne de sensibilisation de l’opinion publique à la législation anti-esclavage, montrant ainsi qu’elles continuent à réprimer ceux qui osent dénoncer la persistance à grande échelle de ce fléau. La situation est extrêmement grave et le gouvernement semble peu disposé à abolir définitivement l’esclavage. Même si l’on peut comprendre qu’il y ait des obstacles politiques, culturels et économiques, le gouvernement doit agir sans délai.
Les membres employeurs ont indiqué que cette session de la présente commission examine la dix-huitième observation de la commission d’experts sur ce cas, qui est un exemple tragique d’esclavage persistant qui touche la population même du pays. Les membres employeurs ont remercié le gouvernement des informations fournies sur les mesures adoptées et de ses efforts pour lutter contre l’esclavage. Il est toutefois profondément préoccupant de constater que le gouvernement n’ait pas présenté de rapport en 2013 et en 2014, ce qui est en soi un grave manquement à ses obligations. La loi no 2007/48 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes a été adoptée et a fait l’objet d’une large publicité. Mais, comme l’indique la commission d’experts dans son observation, il demeure difficile pour les victimes de porter leur cas devant les instances administratives et judiciaires compétentes, comme en témoigne le fait qu’une seule personne ait été jusqu’à présent condamnée en application de la loi. Il est clair que le gouvernement ne fait preuve d’aucune volonté d’appliquer et de mettre en œuvre la loi, ce qui est contraire à l’article 25 de la convention. Les principales difficultés dans l’application efficace de la convention résident dans les obstacles culturels et la réticence dont fait preuve l’administration publique dans le traitement des cas d’esclavage. Mis à part le cas susmentionné de condamnation d’un individu, tous les autres cas n’ont pas donné lieu à des poursuites, compte tenu de l’absence de preuve ou des pressions exercées sur les victimes afin qu’elles retirent leur plainte. Cet état de fait constitue un déni de justice, d’égalité et de liberté et perdure depuis la ratification de la convention par la Mauritanie en 1961. Même si les explications apportées devant cette commission par le gouvernement sur les mesures adoptées depuis l’année dernière sont un élément positif, le gouvernement demeure néanmoins soumis à l’obligation, mais aussi à un devoir moral, d’agir immédiatement. Les membres employeurs l’ont donc appelé à adopter une stratégie globale de lutte contre l’esclavage et les pratiques esclavagistes, incluant: 1) en priorité, le renforcement de l’administration de la justice pour les cas d’esclavage, grâce à la création de juridictions spécialisées, la nomination d’inspecteurs et de procureurs et la mise en place de centres de soins pour les victimes; 2) des dispositions législatives relatives à la prévention; 3) des filets de sécurité pour les victimes (par exemple, centres de réinsertion, programmes de formation professionnelle et aide financière) et des programmes d’éradication de la pauvreté; et 4) des activités de sensibilisation en vue d’instaurer une conception partagée de l’esclavage comme phénomène inacceptable dans la société actuelle, de faciliter le signalement anonyme de cas par les victimes et les acteurs de la société civile et la gestion des traumatismes des victimes. Le gouvernement ne devrait pas pouvoir choisir de ne pas présenter de rapport sur l’application des conventions. Un nombre important de personnes en Mauritanie sont soumises à l’esclavage au moment même où cette commission se réunit, et l’échange de discours diplomatiques ne suffit plus.
Un membre travailleur de la Mauritanie a fait part de sa douleur de voir la Mauritanie traduite devant les instances internationales de façon récurrente. Le problème vient de la manière dont les politiques et les actes sont posés, gérés et évalués. Toute approche qui n’est pas participative ne produira pas les effets escomptés. Ainsi, il faut noter que l’Agence nationale Tadamoun est sous contrôle exclusif du gouvernement, sans que la population ni les organisations non gouvernementales (ONG) ne soient impliquées, et que les organisations syndicales n’ont pas été non plus impliquées dans le processus d’élaboration de la feuille de route. Ces dernières ont été invitées à la cérémonie d’ouverture du séminaire d’évaluation de la feuille de route, en mai 2015, mais on ne leur a pas permis de participer aux ateliers de travail. Il s’agit maintenant de poursuivre le dialogue social avec le gouvernement et toutes les organisations concernées et de définir des objectifs, en dehors des instances internationales. Lorsque le gouvernement explique que la loi de 2007 permet aux ONG de porter assistance aux victimes, il omet de préciser que le droit de constituer une organisation relève d’un régime d’autorisation préalable et que de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas pu se faire enregistrer; un dirigeant d’une organisation a même été emprisonné pour avoir géré une organisation illégale. Le dialogue doit être engagé de façon inclusive pour parvenir à une politique consensuelle et pour que la Mauritanie puisse tourner la page. A cet égard, la ratification du protocole de 2014 relatif à la convention sur le travail forcé, 1930, est un élément essentiel qui permettrait de donner un cadre cohérent à cette politique.
Un autre membre travailleur de la Mauritanie a exprimé son total désaccord avec les interventions des membres employeurs et des membres travailleurs, car la situation qu’ils ont décrite ne reflète en aucun cas la réalité dans le pays. Certes, l’esclavage est un crime qui doit être dénoncé, mais il existe un complot autour de cette question au sein des instances internationales. Cette question ressort toujours pour faire pression sur le pays. Bien que persistent des séquelles de l’esclavage, il n’est pas possible d’accepter ce qui a été dit sur le pays. L’esclavage en Mauritanie a touché toutes les composantes de la population. Le gouvernement fait des efforts et ceux qui souhaitent l’aider sont invités à y participer. La Mauritanie est sortie de l’esclavage et il convient de parler désormais de séquelles de l’esclavage. L’orateur a conclu en protestant contre la façon dont la Mauritanie avait été traitée au sein de la présente commission.
Le membre employeur de la Mauritanie a déclaré soutenir toutes les mesures destinées à consolider l’Etat de droit car seules la démocratie, l’égalité et la justice pourront assurer l’avènement et la pérennité de la paix sociale dans tout le pays. Le gouvernement poursuit ses efforts pour éradiquer les séquelles de l’esclavage. En effet, de nombreuses réalisations, tant en milieu urbain que rural, ont été accomplies dans plusieurs domaines, dont l’éducation et la santé. Les efforts législatifs du gouvernement ont abouti à qualifier l’esclavage de crime imprescriptible contre l’humanité, et d’importantes mesures institutionnelles, dans le cadre d’un programme plus vaste et ambitieux de développement économique, ont été prises par le gouvernement. Ayant participé à la conception de l’essentiel de ces politiques et stratégies, l’orateur s’est félicité de la réelle volonté du gouvernement de déployer tous les efforts nécessaires pour éradiquer les séquelles de l’esclavage et a demandé au gouvernement de faire davantage car cet objectif n’est pas facile à atteindre et requiert des moyens humains et financiers importants. Dans sa contribution à l’éradication de l’esclavage, le BIT doit recueillir des informations plus complètes et objectives et se doit de soutenir les multiples efforts du pays. Le patronat mauritanien poursuivra, aux côtés du gouvernement et des partenaires sociaux, sa contribution à des politiques sociales en faveur de l’emploi et de la formation et contre la pauvreté.
La membre gouvernementale de la Lettonie, s’exprimant au nom de l’Union européenne (UE) et de ses Etats membres, ainsi que de l’Albanie, de l’Arménie, de la République de Moldova, du Monténégro, de la Norvège, de la Serbie et de l’ex-République yougoslave de Macédoine, a rappelé l’engagement qu’avait pris la Mauritanie dans le cadre de l’Accord de Cotonou de respecter la démocratie, l’Etat de droit et les principes relatifs aux droits de l’homme, y compris les principes visés par la convention. S’il est vrai que des mesures juridiques ont été prises, notamment la loi no 2007/48 qui incrimine et sanctionne les pratiques analogues à l’esclavage, le gouvernement doit continuer de prendre des mesures, étant donné que les victimes du travail forcé peinent toujours à se faire entendre et à faire valoir leurs droits. L’oratrice a également encouragé le gouvernement à mettre pleinement en œuvre les 29 recommandations de la feuille de route, au moyen de mesures visant à obtenir des résultats spécifiques et rapides. Le gouvernement doit remplir ses obligations en matière de présentation de rapports en ce qui concerne les conventions de l’OIT. L’oratrice a rappelé que l’UE est disposée à coopérer avec le gouvernement afin de promouvoir le développement et la pleine jouissance de tous les droits de l’homme.
Le membre travailleur de l’Afrique du Sud, s’exprimant au nom des membres travailleurs de l’Angola, du Ghana, du Libéria, du Nigéria, de la Sierra Leone et du Swaziland, a souligné le rôle essentiel de cette commission dans la lutte contre l’esclavage. La situation des victimes de l’esclavage est comparable à celle des migrants. L’esclavage en Mauritanie est ancré dans son histoire et sa culture, et les personnes en quête de pouvoir le tolèrent. Bien que la loi no 2007/48 incrimine l’esclavage, sanctionne les pratiques analogues à l’esclavage et prévoit le rôle des défenseurs des droits de l’homme, l’esclavage continue de sévir et des personnes d’être réduites en esclavage et traitées comme des biens. L’existence persistante de l’esclavage est due à l’absence d’application de la loi et de politiques de tolérance zéro, comme le montre le fait que, depuis l’adoption de la loi no 2007/48, un seul cas d’esclavage a abouti à une condamnation. De plus, l’orateur a déploré l’attitude indulgente et partiale du gouvernement à l’égard des personnes pratiquant l’esclavage ainsi que l’intimidation dont sont l’objet les victimes qui demandent justice. En conclusion, il faut souligner la nécessité de mettre en place des programmes d’aide aux victimes pour les rendre moins dépendantes au moyen d’un emploi sûr et viable, avec la participation des institutions sociales, des autorités publiques et des partenaires sociaux.
La membre gouvernementale de l’Egypte a pris note des efforts déployés par le gouvernement afin de mettre un terme au travail forcé et de créer les conditions permettant aux travailleurs mauritaniens de travailler dans des conditions dignes et décentes. La législation pertinente, notamment la loi no 2007/48, a également été adoptée. Cette loi incrimine l’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage et prévoit des sanctions à l’égard des coupables. L’oratrice a également mentionné la feuille de route pour combattre les vestiges de l’esclavage. L’objectif est de mettre un terme au travail forcé de sorte que le pays respecte les engagements qu’il a pris à l’égard des normes internationales du travail. Appuyant les efforts du gouvernement qui semblent prometteurs, l’oratrice a exprimé l’espoir que cette commission prenne dûment note de ce qui a été accompli à cet égard.
La membre travailleuse du Royaume-Uni, s’exprimant également au nom du membre travailleur du Mali, a déclaré que les textes de loi et les programmes adoptés pour incriminer l’esclavage, alors que 18 pour cent de la population mauritanienne sont dans cette situation, ont eu un impact minimal. Les victimes continuent de souffrir d’un esclavage ancré dans la société et la culture, comme l’ont noté des instances internationales telles que la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage ou Anti-Slavery International. La loi no 2007/48 n’a apporté ni justice ni réparation aux victimes. Elle ne prévoit que des poursuites pénales contre le maître sans donner aux victimes les moyens d’échapper à la servitude. La loi n’autorise que la victime à intenter un recours, et la charge de la preuve lui incombe. Il s’agit d’une procédure juridique lourde pour les victimes parce qu’elles n’ont pas les moyens financiers ni le niveau d’éducation nécessaires. L’instruction des plaintes aboutit souvent à un non-lieu. Les maîtres sont arrêtés et rapidement remis en liberté sous caution, comme ce fut le cas dans la seule affaire où une condamnation a été prononcée en application de la loi no 2007/48. Les interrogatoires de victimes en présence de leurs maîtres soumettent les victimes à une pression énorme. Les autres programmes n’ont guère fait progresser les choses. L’Agence nationale Tadamoun n’a pas été très active sur le thème de l’esclavage. Le processus de la feuille de route n’a associé ni les syndicats ni les employeurs à sa mise en œuvre et n’a pas provoqué de réelle évolution. Un projet de loi visant à remplacer la loi no 2007/48 est actuellement devant l’Assemblée nationale; il comporte certaines améliorations, dont la possibilité pour des ONG de porter plainte au civil pour le compte des victimes. L’oratrice a souligné que les dispositions légales sont insuffisantes et qu’il faudrait une réelle volonté de s’attaquer à cette pratique et des mesures concertées associant pleinement les partenaires sociaux pour pouvoir éradiquer le travail forcé et l’esclavage.
Le membre gouvernemental du Mali a pris note des informations fournies par le gouvernement sur les mesures prises pour assurer l’application de la convention, éradiquer le travail forcé de manière générale et, plus particulièrement, lutter contre les séquelles de l’esclavage. Il faut reconnaître et encourager les efforts déployés et la détermination montrée par le gouvernement, au cours de ces dernières années, pour circonscrire le phénomène de l’esclavage, notamment grâce aux mesures suivantes: 1) la loi constitutionnelle incriminant l’esclavage; 2) le projet de loi pour lutter contre la torture; 3) le projet de loi sur l’aide judiciaire; 4) la création d’un tribunal spécial pour la répression des crimes liés à l’esclavage et la formation de magistrats; 5) l’adoption de la feuille de route pour combattre les séquelles de l’esclavage; et 6) les différents programmes établis avec l’appui du BIT. L’orateur a encouragé le gouvernement à poursuivre sans relâche ses efforts et a demandé au BIT de renforcer son assistance et sa coopération pour le soutenir.
La membre travailleuse de la France a souligné le besoin de cohérence et rappelé que, dans le cadre de l’Accord de partenariat économique entre les Etats de l’Afrique de l’Ouest, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA), d’une part, et l’UE et ses Etats membres, d’autre part, la Mauritanie doit supprimer 75 pour cent de ses droits de douane, ce qui la privera de recettes budgétaires considérables et indispensables pour les populations locales. Cette politique commerciale agressive, qui affaiblit la compétitivité des exploitations agricoles et des petites industries locales, met une pression supplémentaire sur l’économie et peut aboutir à perpétuer les pratiques esclavagistes dénoncées par les syndicats et de nombreuses organisations de la société civile. L’UE ne doit pas, d’un côté, signer des accords commerciaux susceptibles de perpétuer les pratiques de travail forcé et, de l’autre, demander au gouvernement, comme elle l’a fait par une résolution du Parlement européen de décembre 2014, de poursuivre ses efforts en matière de lutte contre les formes contemporaines d’esclavage. Cette résolution souligne également que les défenseurs des droits de l’homme sont persécutés. En effet, trois militants de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) (MM. Brahim Jaddou, Yacoub Inalla et Salar Ould Houssein) ont été condamnés à plusieurs mois de prison, et M. Biram Dah Abeïd, figure emblématique de la lutte contre l’esclavage dans le pays et reconnu comme tel, a été condamné en janvier 2015 à deux ans de prison ferme et risque aujourd’hui la peine de mort pour avoir organisé des réunions contre l’esclavage. Le Parlement européen, dans sa résolution, appelle le gouvernement à libérer M. Biram Dah Abeïd et à «permettre aux militants anti-esclavagistes de poursuivre leurs activités non violentes sans qu’ils aient à craindre de subir harcèlement et pratiques d’intimidation». Si des lois importantes ont été adoptées en 1981 et 2007, il est essentiel qu’elles soient mises en œuvre dans la pratique, ce qui inclut la libération de tous les défenseurs des droits de l’homme qui luttent contre l’esclavage.
Le membre gouvernemental du Maroc a souligné que les commentaires de la commission d’experts concernent l’application effective de la législation en matière de travail forcé de même que le cadre stratégique et institutionnel de lutte contre l’esclavage. Le gouvernement fournit des éléments de réponse à cet égard car les réformes juridiques et institutionnelles apportées au dispositif mis en place tendent à incriminer l’esclavage ou toutes formes d’asservissement de l’être humain. Deux projets de loi sont prévus, lesquels portent sur la lutte contre la torture et sur le droit des victimes des séquelles de l’esclavage de recourir à la justice. Par ailleurs, des programmes et des projets ont été initiés avec l’assistance des institutions des Nations Unies. Ces mesures démontrent la volonté du gouvernement d’harmoniser sa législation et sa pratique nationales avec les dispositions et les principes de la convention. Il faut donc soutenir les efforts déployés par le gouvernement et lui accorder davantage de temps afin qu’il puisse répondre aux demandes en suspens.
La membre gouvernementale de la Tunisie a pris note des efforts déployés par le gouvernement afin de lutter contre les séquelles de l’esclavage, de promouvoir les droits des travailleurs et de mettre en œuvre la convention. Les réformes juridiques et institutionnelles, les programmes de développement ainsi que la création d’un tribunal pour la répression des crimes liés à l’esclavage et la feuille de route adoptée en 2014 constituent des preuves irréfutables de l’engagement et de la détermination du gouvernement à lutter efficacement contre l’esclavage et ses séquelles. Convaincue que le Programme pour l’abolition du travail des enfants (IPEC) de l’OIT et le programme d’appui à la feuille de route contribueront à réaliser les objectifs visés par le gouvernement, l’oratrice a appelé le BIT à continuer de fournir une assistance technique au gouvernement et a encouragé ce dernier à poursuivre ses efforts en vue d’éradiquer définitivement les séquelles de l’esclavage et de se conformer ainsi aux dispositions de la convention.
Le membre gouvernemental de l’Algérie a salué les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre les séquelles de l’esclavage. Selon les informations fournies par le gouvernement, des mesures juridiques et économiques sont prises à travers l’adoption de plusieurs textes afin d’interdire l’esclavage et d’indemniser les victimes. Plusieurs ministères mettent en œuvre des programmes de développement destinés aux populations vulnérables dans certaines zones. Il convient de noter avec intérêt la création de l’Agence Tadamoun, chargée de lutter contre les séquelles de l’esclavage et d’assurer la réinsertion des victimes. Ces mesures permettent l’application des normes internationales pertinentes. L’orateur a également tenu à souligner les efforts accomplis par le gouvernement et l’a encouragé à poursuivre sur cette voie. Dans ses conclusions, la présente commission doit tenir compte des informations fournies par le gouvernement, qui démontrent son entière disponibilité pour mettre en œuvre les mesures nécessaires afin de garantir l’application effective de la convention.
Le membre gouvernemental du Qatar a pris note de la déclaration du gouvernement et des mesures qu’il a prises et l’a encouragé à poursuivre ses efforts afin d’appliquer pleinement la convention.
Le représentant gouvernemental a rappelé qu’il avait informé la commission des efforts déployés de concert avec l’OIT et d’autres organisations internationales. Il s’est déclaré choqué par la déclaration des membres employeurs, laquelle montre un tel manque de respect envers la Mauritanie qu’il a considéré qu’il s’agissait d’une provocation. Cela ne contribue pas à résoudre les problèmes. Quant au réquisitoire des membres travailleurs, il s’agit d’un ensemble de contre-vérités qui ne prend pas en compte les efforts consentis. En effet, des efforts importants ont été entrepris, tant sur le plan juridique qu’en ce qui concerne la mise en œuvre de programmes qui luttent efficacement contre le phénomène, ainsi qu’un ensemble de campagnes de sensibilisation. Le rôle important des autorités religieuses a aussi été relevé durant la discussion. L’orateur s’est félicité que les employeurs et les travailleurs mauritaniens aient reconnu les mesures positives prises par le gouvernement. Il les a assurés qu’aucun effort ne serait épargné pour leur réserver une place dans le dialogue en cours auquel il les a invités à participer. En Mauritanie, la liberté de la presse est assurée et un ensemble de débats ont lieu. Il est sidérant d’entendre dire qu’il n’y a, en Mauritanie, que des esclaves et que la seule perspective est l’émigration vers l’Europe. Si de nombreux Mauritaniens se rendent en Europe, cela représente une proportion de la population largement inférieure à un pour mille. En ce qui concerne l’application de la loi, 26 cas ont été traduits devant les juridictions mauritaniennes. Ce sont là de véritables efforts qui doivent être soulignés. La feuille de route a été élaborée de manière concertée, et les partenaires sociaux y ont été associés. La personne qui était la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage est d’ailleurs revenue en tant que consultante dans le cadre de l’assistance technique fournie par le BIT. C’est la preuve qu’elle estime qu’il est utile de continuer à soutenir les efforts du gouvernement. L’attitude du gouvernement démontre sa réelle volonté de mettre fin aux pratiques dénoncées. Le représentant gouvernemental a remercié tous ceux, dont le BIT, qui ont soutenu la Mauritanie dans la mise en œuvre des programmes susmentionnés.
Les membres employeurs ont déclaré avoir entendu les réponses du gouvernement et souligné que la situation était très préoccupante, en particulier en raison de la vulnérabilité des victimes de l’esclavage. Le gouvernement est prié de continuer à utiliser tous les moyens à sa disposition pour éliminer l’esclavage dans le pays. Il est invité instamment: 1) à appliquer de manière effective la loi de 2007 qui fait de l’esclavage un délit pénal, le Plan national de lutte contre les séquelles de l’esclavage (PESE) et la feuille de route, en mettant sur pied des procédures et une aide aux victimes ayant un caractère complet, par le renforcement des capacités des autorités chargées des poursuites et de l’administration de la justice s’agissant de l’esclavage, par des programmes de prévention, des programmes spécifiques permettant aux victimes de s’échapper et des programmes de sensibilisation, notamment en direction du grand public, des autorités centrales, des juges et des autorités religieuses; 2) à doter le PESE de ressources suffisantes et à inciter l’Agence nationale Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté à agir comme elle le doit; 3) à solliciter l’assistance technique du BIT; et 4) à rendre compte en détail de l’amélioration des mesures mises en œuvre à la session de la commission d’experts de novembre 2015.
Les membres travailleurs ont remercié le gouvernement pour les informations fournies mais ont souligné que l’important était l’envoi du rapport que le gouvernement devait fournir à la commission d’experts. En l’absence de ce rapport, on ne peut que fonder l’analyse de la situation sur les informations existantes par ailleurs, comme dans le rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines d’esclavage. Les débats ont malheureusement démontré une situation extrêmement grave où les pratiques esclavagistes sont protégées, voire encouragées, par le gouvernement. L’important pour la Commission de l’application des normes est que les «haratines» représentent, non pas un groupe isolé, mais une majorité de la population. C’est un problème qui menace l’unité et la cohésion nationales. Ces travailleurs sont non seulement exploités mais discriminés dans tous les domaines de la vie professionnelle et civile: privation de promotion sociale, culturelle ou économique; déni du droit de propriété; absence d’infrastructures de base au détriment des travailleurs (école, centres de santé, routes, puits...). Le gouvernement doit prendre les mesures qui s’imposent pour assurer l’intégration sociale et économique des anciens esclaves dans la société. Il ne s’agit pas de dire que le gouvernement n’a rien fait mais il est important de souligner les problèmes existants. Le gouvernement entrave l’action des organisations de travailleurs de Mauritanie et de la CLTM en particulier alors que celle-ci s’efforce de dénoncer les faits mais aussi de mener des campagnes de sensibilisation. En 2010, la commission avait très précisément demandé au gouvernement de mettre en œuvre ces campagnes de sensibilisation. Il n’a pas donné suite efficacement à cette demande. Il est temps de faire prendre conscience aux bourreaux – et aux victimes également –, ainsi qu’aux autorités administratives et judiciaires, du caractère inhumain des pratiques d’esclavage. Le gouvernement doit comprendre que son inertie, dénoncée par tous depuis si longtemps, n’est plus excusable, surtout après les actions entreprises à l’initiative de cette commission et du BIT. L’objectif de la commission est de trouver des solutions constructives pour éradiquer ce fléau. Les membres travailleurs ont prié le gouvernement de recueillir des données détaillées sur la nature et l’incidence de l’esclavage en Mauritanie et de les fournir à la commission d’experts avant sa prochaine session. Il doit également tout mettre en œuvre pour que soit assuré un traitement rapide et efficace des plaintes en matière d’esclavage, en lien avec la loi de 2007 et la révision de la Constitution de 2012. Des magistrats indépendants doivent être nommés au tribunal spécialement chargé des plaintes en matière d’esclavage et celui-ci doit se doter de procédures garantissant un accès aisé et libre aux plaignants et à toutes les organisations représentatives qui les assistent. Autoriser les tiers à représenter les victimes de l’esclavage aidera à mettre les personnes exploitées à l’abri des pressions. De même, l’Agence nationale Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté devrait recevoir les moyens financiers et humains lui permettant d’exercer efficacement son mandat, lequel devrait être réorienté vers la lutte contre les dégâts liés à l’esclavage. Quant à la feuille de route de 2014, qui est une référence, elle devrait contenir un chapitre spécifique relatif à la protection des victimes et à la question de la charge de la preuve qui ne peut en aucun cas incomber aux victimes plaignantes. Les membres travailleurs ont prié le gouvernement d’apporter à la loi de 2007 les modifications permettant: a) d’accorder à des tiers, tels que les syndicats et les organisations des droits de l’homme, un droit à agir et à porter des accusations au nom des victimes; b) d’assurer que la charge de la preuve ne porte pas sur la personne considérée comme «l’esclave présumé»; c) d’aggraver la peine de prison pour le crime d’esclavage, afin de la faire concorder avec les normes internationales et la jurisprudence relatives aux crimes contre l’humanité. Le gouvernement devrait comprendre l’intérêt de collaborer plus systématiquement avec les organisations syndicales qui ont démontré leur capacité à mener des actions et des campagnes de sensibilisation bien structurées au lieu d’interférer dans leurs activités. Les membres travailleurs ont demandé l’envoi d’une mission de contacts directs, ceci étant la mesure la plus susceptible de permettre de trouver des solutions et de réaliser des activités de sensibilisation à la lutte contre l’esclavage et à la réparation des dégâts qu’il cause. Les membres travailleurs ont demandé la libération de M. Biram Ould Dah Abeïd, condamné à deux ans de prison ferme et qui risque la peine de mort. Au vu de la persistance du cas et du manque flagrant de résultats depuis de nombreuses années, ils ont également demandé l’inscription de ce cas dans un paragraphe spécial du rapport de la commission.
La commission a pris note des informations que le représentant gouvernemental a fournies oralement et de la discussion qui a suivi. Elle a rappelé qu’elle a déjà étudié le présent cas à six reprises et qu’une mission d’enquête s’est rendue en Mauritanie en 2006, à la demande de la Commission de la Conférence.
La commission a noté que les questions en suspens soulevées par la commission d’experts concernent la mauvaise application de la loi no 2007/48 du 9 août 2007 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes, notamment le mal qu’ont les victimes d’esclavage à faire valoir leurs droits auprès des autorités de police et des autorités judiciaires compétentes, comme le montre le nombre peu élevé de procédures judiciaires engagées. Elles concernent également la nécessité d’engager des mesures de sensibilisation de la population et des autorités chargées de l’application de la loi de 2007 à l’illégalité et à l’illégitimité de l’esclavage, et la nécessité d’appliquer efficacement les différentes recommandations figurant dans la feuille de route, adoptées en mars 2014, qui vise à combattre les séquelles de l’esclavage.
La commission a noté que le gouvernement a donné les grandes lignes des lois et politiques mises en place pour combattre toutes les séquelles de l’esclavage. Cela inclut les modifications constitutionnelles ainsi que l’adoption et la mise en œuvre de la loi de 2007 qui définit l’esclavage pour la première fois et donne aux associations de défense des droits de l’homme les moyens de dénoncer les infractions à la loi de 2007 et d’aider les victimes. La commission a également noté que le gouvernement a indiqué qu’un projet de loi est à l’examen et qu’il prévoit notamment la création d’un tribunal spécial chargé des infractions liées à l’esclavage et aux pratiques assimilées à l’esclavage. Elle a également pris note des informations sur les différentes activités de sensibilisation menées et sur les mesures prises dans le cadre de programmes visant à réduire les inégalités économiques et sociales en améliorant les moyens d’existence et les conditions d’émancipation des groupes sociaux vulnérables touchés par l’esclavage et ses séquelles. Enfin, la commission a noté que le gouvernement déclare qu’il continuera à solliciter l’assistance technique du BIT afin de réaliser des avancées tangibles en ce qui concerne l’application de la convention.
Prenant en compte la discussion qui a eu lieu, la commission a demandé instamment au gouvernement:
- d’appliquer de manière effective la loi de 2007 pour garantir que les responsables de pratiques esclavagistes font effectivement l’objet d’enquêtes, qu’ils sont poursuivis, sanctionnés et purgent une peine proportionnelle au crime commis;
- de modifier la loi de 2007 pour accorder à des parties tierces, notamment les syndicats, le locus standi leur permettant d’engager des poursuites au nom des victimes, d’envisager de transférer la charge de la preuve et d’alourdir les peines de prison pour le crime d’esclavage, en les portant à une durée conforme aux normes internationales relatives au crime contre l’humanité;
- de mettre pleinement en œuvre le Plan national de lutte contre les séquelles de l’esclavage (PESE) et la feuille de route pour lutter contre les séquelles de l’esclavage, comprenant des procédures et une aide aux victimes ayant un caractère complet. Ceci devrait comprendre les éléments suivants:
– renforcement des capacités des autorités chargées des poursuites et de l’administration de la justice s’agissant de l’esclavage;
– programmes de prévention liés à l’esclavage;
– programmes spécifiques permettant aux victimes de s’échapper;
– programmes de sensibilisation;
- de doter l’Agence nationale Tadamoun pour la lutte contre les séquelles de l’esclavage, l’insertion et la lutte contre la pauvreté des ressources nécessaires, et veiller à ce que ses programmes comprennent, entre autres, des programmes visant à lutter contre l’esclavage;
- d’élaborer et mettre en œuvre des campagnes de sensibilisation en direction du grand public, des victimes d’esclavage, de la police, des autorités centrales, des juges et des autorités religieuses;
- de faciliter l’insertion sociale et économique des anciens esclaves dans la société, à court, à moyen et à long terme, et veiller à ce que les «haratines» et d’autres groupes marginalisés ayant été soumis à l’esclavage et à des pratiques assimilées à l’esclavage bénéficient d’infrastructures de base et de ressources économiques;
- de recueillir des informations précises sur la nature et l’incidence de l’esclavage en Mauritanie et mettre en place des procédures propres à surveiller et à évaluer la mise en œuvre de mesures visant à mettre fin à l’esclavage;
- de solliciter l’assistance technique du BIT pour mettre en œuvre ces recommandations;
- de rendre compte en détail des mesures prises pour mettre en œuvre ces recommandations, en particulier, pour faire appliquer la législation sur l’esclavage, à la réunion de la commission d’experts de novembre 2015.
La commission a décidé d’inclure ses conclusions dans un paragraphe spécial du rapport.
Le représentant gouvernemental a pris bonne note des conclusions de la commission, et a déclaré que le gouvernement ferait tout son possible pour refléter ces conclusions dans la législation nationale et a exprimé le souhait que ces changements se reflètent dans une collaboration efficace avec le BIT.
Un représentant gouvernemental a indiqué que toutes les recommandations formulées par la mission d’investigation, qui s’est rendue dans le pays en 2006, ont été mises en oeuvre et ont permis d’importantes avancées dans de nombreux domaines. En effet, une loi criminalisant et réprimant le travail forcé a été adoptée en 2007 et une campagne de sensibilisation a été réalisée sur tout le territoire. En outre, les capacités de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) ont été renforcées et un programme ambitieux de lutte contre les séquelles de l’esclavage a été mis en place.
L’adoption de la loi no 2007/48 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes (ci-après loi de 2007) a en effet été suivie d’un vaste programme de sensibilisation qui a permis l’organisation de séminaires et de rencontres sur les objectifs et le contenu de la loi. Ces séminaires étaient destinés au public, aux autorités administratives territoriales, aux autorités judiciaires, aux forces de l’ordre, aux oulémas et aux notables. Dans ce cadre, une campagne nationale de sensibilisation à laquelle ont participé tous les acteurs concernés, y compris les organisations de droits de l’homme, les élus et les autorités judiciaires, a été menée en 2007 dans tous les chefs-lieux de l’ensemble des wilayas. En outre, des ateliers régionaux ont été réalisés en 2009 dans les wilayas du Brakna, de l’Assaba et du Gorgol.
Conscient de l’interdépendance entre la survivance des pratiques esclavagistes et la pauvreté, le gouvernement a mis en place, depuis mars 2009, un programme d’éradication des séquelles de l’esclavage dont le budget est d’un milliard d’ouguiyas, pris sur les fonds propres de l’Etat. Ce programme vise la réduction des inégalités sociales et économiques et l’amélioration des moyens d’existence et des conditions d’émancipation des populations affectées par les pratiques traditionnelles et les séquelles de l’esclavage. Plus de 1 000 actions, qui ont bénéficié à plus de 93 000 personnes, dans 282 localités, ont été réalisées dans ce cadre.
L’orateur a également donné des informations sur un autre programme intitulé «Prévention des conflits et cohésion sociale en Mauritanie» qui est actuellement mis en oeuvre et a déjà permis d’identifier des projets de développement à exécuter dans certaines régions ainsi que la réalisation d’ateliers régionaux, dont un atelier de formation destiné à des femmes leaders, sur la prévention et la gestion des conflits.
En ce qui concerne l’assistance juridique et judiciaire aux groupes vulnérables, prévue aux articles 12 et 15 de la loi de 2007, à laquelle le gouvernement accorde un intérêt particulier, un projet financé par le fonds japonais pour le développement social, visant à renforcer la capacité institutionnelle des organisations de droits de l’homme en vue de promouvoir l’accès à la justice des personnes pauvres, a été lancé. Par ailleurs, des instructions ont été données aux autorités administratives et judiciaires afin qu’elles tiennent des statistiques fiables sur les cas de violation ainsi que sur les suites qui leur ont été réservées. Ces statistiques seront communiquées avec le prochain rapport du gouvernement sur l’application de la convention.
En conclusion, l’orateur a indiqué que la question des séquelles de l’esclavage est un axe majeur de la politique du Président et que des orientations précises ont été données à cet égard à l’ensemble du gouvernement. Malgré les difficultés politiques auxquelles le pays a été confronté, le gouvernement est résolument engagé à éradiquer toute séquelle de l’esclavage et souhaiterait bénéficier de l’assistance technique du BIT pour atteindre ce noble objectif.
Les membres travailleurs ont indiqué que ce cas a été examiné pour la première fois en 1982 et pour la dernière en 2005, c’est-à-dire il y a cinq ans. La commission d’experts fait état de progrès au niveau législatif, avec l’adoption d’une loi en 2007 incriminant et réprimant les pratiques esclavagistes. Certes, cette loi constitue un pas important dans la lutte contre le travail forcé dans le pays, mais cela ne suffit pas.
Depuis de nombreuses années, la commission d’experts examine la question des personnes, descendants d’anciens esclaves, qui sont soumises à des conditions de travail relevant de la convention, dans la mesure où elles sont obligées de travailler pour un maître. La persistance de ce type de travail forcé est en outre attestée par des rapports de différentes ONG, telles que SOS Esclavage et la CNDH, qui travaillent sur cette question. Ces informations montrent que, en Mauritanie, le travail forcé est très répandu et qu’il est d’ordre structurel, le phénomène de l’esclavage étant profondément enraciné dans l’histoire du pays et faisant partie intégrante de la société. L’esclavage existe dans différents groupes de la population et sous différentes formes. Ce sont actuellement des milliers d’enfants, d’hommes et de femmes qui vivent en Mauritanie dans des conditions inhumaines, et ce sont ces conditions qu’il convient de redresser dès lors qu’elles relèvent de la convention. De par leur naissance, les descendants d’esclaves, qui sont paysans, bergers ou travailleurs domestiques, ont toujours un statut inférieur. Ils sont complètement dépendants de leur maître pour leur survie et n’ont pas la possibilité de refuser certains travaux. Il est donc particulièrement choquant que le gouvernement considère qu’il s’agit seulement de séquelles d’un ancien système social ou de cas isolés et qu’il affirme que l’esclavage a disparu de la société mauritanienne.
La loi de 2007 constitue en effet une avancée positive, qui devrait démontrer qu’au moins le gouvernement reconnaît l’existence du problème. Il y a les lois, mais il y a aussi les actes. Il est donc important que cette loi soit connue de la population, et particulièrement des victimes et des organisations qui les défendent, mais également des autorités chargées d’en assurer le respect, afin que des poursuites puissent être engagées de manière effective et que des sanctions sévères puissent être infligées. La loi prévoit certes des sanctions, mais rien n’indique que celles-ci soient appliquées dans les faits. Le gouvernement doit également préciser si les victimes ont la possibilité de s’adresser, librement et sans risque de représailles, aux autorités policières et judiciaires afin de faire valoir leurs droits, et si ces autorités mènent des enquêtes diligentes, objectives et efficaces.
En plus des dispositions juridiques et administratives, il est nécessaire que soient adoptées des mesures économiques, sociales et éducatives afin de permettre aux victimes d’acquérir l’autonomie nécessaire pour se réinsérer. Les organisations syndicales, les ONG et autres organisations intéressées doivent être impliquées dans un plan d’action visant à éradiquer cette forme de travail forcé.
Les membres travailleurs ont pris note du programme national de lutte contre les séquelles de l’esclavage qui a été mis en place et ont demandé des informations sur sa mise oeuvre et sur son impact. Comme il ne s’agit pas seulement de séquelles de l’esclavage, mais bien de pratiques encore très répandues et affectant des milliers de personnes, le gouvernement doit établir un plan d’action comprenant une série d’engagements concrets et un calendrier bien défini afin de mettre sa pratique en conformité avec la convention. Dans ce cadre, le gouvernement est prié de: 1) renforcer ses efforts en matière sensibilisation sur la loi et sur l’esclavage; 2) mettre en place des mécanismes facilitant l’accès des victimes à la justice et leur permettant de sortir de leur situation de dépendance; 3) collaborer avec les organisations syndicales, les ONG et autres organisations sociales et de la société civile concernées; 4) mettre en place un plan d’action économique et sociale de lutte contre la pauvreté et l’esclavage; et 5) fournir, dans son prochain rapport sur l’application de la convention, des informations concrètes sur les mesures prises.
Les membres employeurs ont rappelé que ce cas est examiné par cette commission pour la sixième fois et qu’il a été examiné pour la dernière fois en 2005. L’observation de la commission d’experts porte essentiellement sur les éléments suivants: l’envoi en 2006 d’une mission de l’OIT dans le pays qui avait permis de constater une avancée quant aux engagements du gouvernement de combattre l’esclavage et ses séquelles; et l’adoption en 2007 de la loi no 2007/48 incriminant et réprimant les pratiques esclavagistes, qui définit la notion d’esclavage, établit le crime d’esclavage et le punit d’une peine de prison allant de cinq à dix ans. La loi définit également toute une série de délits connexes, tels que l’appropriation du produit du travail d’une personne présumée esclave ou encore la privation de l’accès à l’éducation pour les enfants présumés esclaves. Les fonctionnaires qui ne donneraient pas suite à des plaintes relatives à des pratiques esclavagistes sont passibles d’une peine de prison et d’une amende. La commission d’experts a considéré que l’adoption de cette loi constitue un premier pas, tout en soulignant que le véritable défi réside dans son application effective. Le gouvernement a fait état d’une campagne de sensibilisation sur la teneur de cette loi, qui a été menée en 2008 avec la participation des autorités publiques et religieuses, de la CNDH et d’un certain nombre d’ONG. Cependant, alors que l’article 25 de la convention no 29 impose à tout Etat d’assurer l’application effective de la législation au moyen de sanctions pénales efficaces, le gouvernement ne fournit pas d’information sur les plaintes déposées ni sur les actions en justice. En 2008, une mission d’assistance technique s’est rendue en Mauritanie et a examiné les suites données aux recommandations de la mission d’investigation. Elle a appris que la CNDH avait reçu plusieurs plaintes pour esclavage. Le gouvernement, de son côté, a indiqué dans son rapport qu’il n’avait pas adopté la stratégie nationale de lutte contre l’esclavage faute d’être parvenu à un accord avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et l’Union européenne sur le financement correspondant. Enfin, la commission d’experts a signalé que le gouvernement ne dispose pas de données fiables qui permettraient d’apprécier l’ampleur du phénomène.
Les membres employeurs ont déclaré apprécier les informations présentées par le gouvernement au sujet des efforts déployés pour donner effet à la convention. Cependant, le fléau du travail forcé continue de sévir dans le pays, sans qu’on puisse toutefois en connaître l’ampleur, faute de données fiables. Sur le plan législatif, le pays a fait des progrès, depuis l’adoption d’un premier décret abolissant l’esclavage, en 1905, jusqu’à l’adoption du Code du travail en 2004, qui interdit toute forme de travail forcé. Mais le problème n’est pas d’ordre normatif, il réside plutôt dans l’application de la législation nationale pertinente par les autorités de l’Etat. Il est donc important que le gouvernement donne des informations sur la juridiction compétente pour connaître des plaintes, le nombre de plaintes enregistrées et les sanctions infligées.
Un membre travailleur de la Mauritanie a déclaré que l’esclavage existe et persiste sous toutes ses formes en Mauritanie, avec la complicité des dirigeants politiques. Harcèlements, intimidations et discriminations dans l’emploi sont devenus des pratiques courantes de la part des autorités administratives, policières et judiciaires qui synchronisent leurs actions pour imposer un système féodal esclavagiste. En 2007, le gouvernement a adopté une loi incriminant et réprimant les pratiques esclavagistes et une vaste campagne de sensibilisation a été menée. Ces actions et mesures prises en 2007 ont été sabordées et abandonnées dans les faits. Pourtant, suite à l’adoption de la loi de 2007, de nombreux esclaves qui voulaient quitter leur maître avaient demandé de l’aide et plusieurs missions de la CNDH et de SOS Esclave, ainsi que de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM), ont été effectuées à cette fin dans le pays. Des cas concrets existent et sont documentés dans les rapports de ces organisations. En conclusion, l’orateur a souligné que, en dépit de l’absence de structures d’accueil et d’assistance matérielle en vue de leur réinsertion, ainsi que de l’absence de toute volonté politique réelle d’endiguer l’esclavage, les esclaves continuent néanmoins à manifester leur souhait de quitter leur maître.
Un autre membre travailleur de la Mauritanie a rappelé qu’une loi criminalisant les pratiques esclavagistes a été adoptée en 2007 et que des commissions de sensibilisation ont parcouru le pays pour expliquer son contenu et insister sur son caractère obligatoire. Comme l’a rappelé la commission d’experts, les pratiques associées à l’esclavage demeurent liées à des moeurs sociales anciennes. La lutte contre ces pratiques sera longue et des campagnes soutenues et généralisées doivent être menées dans tous les milieux sociaux pour ancrer l’égalité de tous les citoyens dans les consciences. L’orateur s’est déclaré par ailleurs préoccupé par les récents changements intervenus dans la composition de la CNDH, qui ne comprend plus de membres des ONG indépendantes du gouvernement ni de membres des syndicats les plus représentatifs. Il a également indiqué que, la semaine dernière, une émission de radio sur l’esclavage a été censurée. Selon lui, l’Etat n’a pas seulement la responsabilité de faire appliquer la loi, il lui appartient également d’impliquer les citoyens et les victimes dans toute politique de lutte contre l’esclavage. Pour donner la parole à tous les acteurs (anciennes victimes, anciens esclavagistes, citoyens), il est nécessaire de mettre à profit tous les moyens de communication, tels que la télévision et la radio. Enfin, les partenaires en matière de développement doivent soutenir la Mauritanie dans la mise en oeuvre de programmes de développement participatifs qui permettront aux victimes de l’esclavage de devenir autonomes.
Le membre employeur de la Mauritanie a indiqué que des progrès notoires ont été accomplis et qu’ils sont clairement matérialisés par l’organisation de campagnes de sensibilisation ainsi que par l’adoption et la mise en oeuvre d’instruments législatifs et réglementaires, tels que la loi de 2007, dans le respect des dispositions de la convention. Ces progrès sont également illustrés par les réalisations significatives de la CNDH et concrétisés par l’adoption de nombreux projets de lutte contre la précarité et la pauvreté. Au lieu d’être citée devant cette commission, la Mauritanie mérite plutôt d’être encouragée et de recevoir une assistance technique pour poursuivre ses actions visant à appliquer la convention.
Le membre travailleur de la Colombie a rappelé que la Mauritanie a ratifié la convention en 1961, et que l’esclavage est interdit dans ce pays depuis que la Déclaration universelle des droits de l’homme a été intégrée dans la Constitution nationale. Toutefois, la non-application de la législation dans la pratique, mise en évidence par les plaintes déposées par la Ligue mauritanienne des droits de l’homme et par le maintien de nombreuses personnes dans une situation d’esclavage, est préoccupante. La législation de la Mauritanie, même si elle comporte certaines lacunes, donne au gouvernement des moyens suffisants pour éradiquer l’esclavage une fois pour toutes. La persistance de l’esclavage est malheureusement fréquente dans de nombreux pays, ce phénomène revêtant la forme de la servitude pour dettes, de la prostitution, de la location d’enfants, ou d’autres formes inacceptables. L’orateur a pris note des campagnes de sensibilisation mentionnées par le gouvernement, mais s’est déclaré préoccupé par le fait que le gouvernement ait indiqué, notamment dans son rapport, qu’il n’a pas été défini de stratégie nationale de lutte contre l’esclavage au moment où il est plus nécessaire que jamais de s’engager fermement à éliminer les pratiques de travail forcé.
Le représentant gouvernemental a déclaré que la Mauritanie se considère comme un Etat de droit et a précisé qu’à cet effet des mécanismes ont été inclus dans la loi de 2007 afin d’en assurer l’application. Les dispositions de cette loi sanctionnent de manière claire les autorités qui ne font pas suivre d’effets les cas de violation. De plus, les ONG et les syndicats disposent du droit de dénonciation et bénéficient de la gratuité des procédures judiciaires. Les ONG et syndicats concernés sont membres de droit de la CNDH et du Conseil économique et social et sont, à ce titre, parties prenantes de tout ce qui se fait au sein de ces institutions. Si la stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage n’a pas encore été adoptée, pour des questions de financement, il y a lieu de réitérer que le gouvernement a récemment lancé deux grands programmes dont les principales activités ont été précédemment présentées. L’orateur a conclu en soulignant que les syndicats sont invités à se joindre au gouvernement dans ce combat pour la dignité humaine.
Les membres travailleurs ont souligné que le Conseil économique et social, auquel le représentant gouvernemental s’est référé, n’est pas opérationnel et que les ONG indépendantes n’y sont pas représentées. Les informations fournies par le gouvernement portent sur des éléments qui datent d’avant le coup d’Etat, et le gouvernement actuel ne s’est pas encore engagé dans la voie du progrès. Des avancées ont eu lieu sur le plan législatif en 2007, toutefois c’est la pratique qui pose problème. Le gouvernement doit établir un plan d’action, comprenant des engagements ainsi qu’un calendrier précis, afin de faire preuve de sa volonté réelle de mettre fin aux pratiques d’esclavage. A cette fin, il doit prendre les mesures nécessaires pour: 1) renforcer ses efforts en matière de sensibilisation à la loi et à l’esclavage, en particulier à l’égard des groupes vulnérables de la population; 2) mettre en place des mécanismes permettant aux victimes de faire valoir leurs droits et de sortir de cette situation de dépendance; 3) collaborer dans ce cadre avec les organisations syndicales, les ONG et autres organisations qui s’occupent de ces personnes; 4) mettre en place un plan d’action économique et sociale pour lutter contre la pauvreté et l’esclavage; et 5) donner des informations concrètes sur les efforts déployés dans le prochain rapport sur l’application de la convention.
Les membres employeurs ont fait observer que le phénomène du travail forcé semble persister dans le pays. La convention no 29 est l’une des huit conventions fondamentales de l’OIT et constitue par conséquent un élément clé du travail décent. En vertu de l’article 1 de la convention, l’Etat qui la ratifie doit supprimer le recours au travail forcé sous toutes ses formes dans le plus bref délai possible. Dans le cas de la Mauritanie, les difficultés ne sont pas d’ordre normatif, mais tiennent à l’application effective de la législation. En conséquence, il est nécessaire d’élaborer un plan national de lutte contre l’esclavage et d’aide aux personnes qui en sont victimes. Il est également nécessaire de renforcer l’inspection du travail pour améliorer les contrôles, dans l’économie formelle comme dans l’économie informelle, et de mener une nouvelle campagne de sensibilisation. De plus, étant donné les informations contradictoires sur l’ampleur des pratiques de travail forcé, il est essentiel de pouvoir compter sur des données fiables qui décrivent précisément l’ampleur du phénomène du travail forcé dans le pays. Le gouvernement doit également fournir des informations complètes sur la juridiction compétente pour recevoir les plaintes, ainsi que sur les procédures et les sanctions imposées. Enfin, les membres employeurs ont encouragé le gouvernement à continuer de solliciter l’assistance technique du BIT et d’autres donateurs, afin de surmonter ces difficultés dans l’application de la convention no 29.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental ainsi que de la discussion qui a suivi. La commission a rappelé qu’elle a discuté ce cas à plusieurs reprises et qu’une mission d’investigation s’est rendue en Mauritanie en 2006, à la demande de cette commission.
La commission a observé que la commission d’experts relève un certain nombre de développements positifs témoignant de l’engagement du gouvernement de combattre l’esclavage et ses séquelles, en particulier l’adoption de la loi no 2007/48 portant pénalisation et répression des pratiques esclavagistes et la campagne de sensibilisation qui a suivi. Les préoccupations de la commission d’experts portent principalement sur l’application effective de la loi dans la pratique, notamment l’absence d’informations démontrant que les victimes parviennent à faire valoir leurs droits.
La commission a noté les informations fournies par le gouvernement, y compris les données statistiques, sur le programme d’éradication des séquelles de l’esclavage, qui a débuté en mars 2009 et vise la réduction des inégalités économiques et sociales à travers l’amélioration des moyens d’existence et des conditions d’émancipation des populations affectées par l’esclavage et ses séquelles. La commission a noté également les informations sur les actions de sensibilisation menées et les mesures relatives à l’assistance juridique et judicaire destinées aux groupes sociaux vulnérables. Elle a noté en outre que le gouvernement a demandé à continuer de bénéficier de l’assistance technique du Bureau.
La commission s’est dite consciente du fait que l’esclavage et ses différentes manifestations ont des causes diverses, relevant du poids de la tradition, de la culture et des croyances, aggravées par la situation économique. Considérant qu’il s’agit d’une question devant être traitée par la société mauritanienne dans son ensemble, la commission a demandé au gouvernement de jouer un rôle clé dans la sensibilisation de la population et des autorités à cette problématique et d’adopter, dans les plus brefs délais, un plan national de lutte contre l’esclavage, en étroite collaboration avec les partenaires sociaux et les organisations de la société civile indépendantes qui agissent dans ce domaine.
La commission s’est déclarée préoccupée par l’absence d’informations sur les affaires portées devant la justice. Elle a considéré, comme la commission d’experts, que ceci tend à démontrer que les victimes continuent à rencontrer des difficultés pour être entendues et faire valoir leurs droits. La commission a demandé instamment au gouvernement de prendre toutes les mesures appropriées pour s’assurer que les victimes sont effectivement en mesure de s’adresser aux autorités policières et judiciaires afin de faire valoir leurs droits et que les enquêtes sont diligentées de manière rapide, efficace et impartiale. La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations sur le nombre de plaintes déposées auprès des autorités compétentes ou des ONG, sur la manière dont ces plaintes sont traitées par les autorités, ainsi que sur les procédures judiciaires engagées.
Tout en considérant que les mesures prises pour lutter contre la pauvreté constituent un élément important de la stratégie de lutte contre l’esclavage, la commission a exprimé l’espoir que le gouvernement tiendra compte du fait que les programmes mis en oeuvre doivent se fixer pour objectif de garantir l’indépendance économique des personnes victimes de l’esclavage, et prévoir les mesures d’accompagnement et de réinsertion des victimes. La commission demande au gouvernement de prendre les mesures visant à améliorer les conditions économiques des populations les plus vulnérables pour qu’elles puissent sortir du cercle vicieux de la dépendance. La commission a prié le gouvernement de fournir dans son prochain rapport sur l’application de la convention des informations sur les mesures prises à cet égard, y compris des informations fiables, tant quantitatives que qualitatives, sur les caractéristiques de l’esclavage en Mauritanie et ses séquelles et, en particulier, sur la population affectée et les zones géographiques concernées.
Enfin, notant que le gouvernement a réaffirmé son engagement d’éradiquer l’esclavage, la commission a exprimé l’espoir que la commission d’experts sera en mesure de constater les progrès réalisés lors de son prochain examen de ce cas et a demandé au Bureau de fournir au gouvernement, tel qu’il l’a demandé, toute l’assistance technique adéquate à cette fin.
Un représentant gouvernemental a déclaré que l'inscription de ce cas dans la liste des cas à l'examen est interprétée par son pays comme une démarche constructive, animée par le souci de faire le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations de la commission d'experts, notamment suite à la mission de contacts directs effectuée en mai 2004.
Le représentant gouvernemental a présenté les mesures prises par son gouvernement depuis lors: 1) adoption du projet de Code du travail élaboré avec l'assistance du BIT et entrée en vigueur de ce code le 6 juillet 2004; 2) extension de la définition du travail forcé prévue à l'article 5 du projet de Code du travail au travail forcé qui ne résulte pas de l'exécution d'un contrat de travail, conformément à la formulation proposée par la commission d'experts; 3) pénalisation du travail forcé à travers la loi du 17 juillet 2003 et en vertu de l'article 5 du nouveau Code du travail et de son article 435. Les peines prévues sont également applicables aux violences caractérisées ou aux menaces de violence exercées par une personne sur une autre afin de s'assurer du maintien de ses services ou du produit de son activité. Selon le Code du travail, les violences caractérisées s'entendent des violences portant atteinte à la liberté d'aller et de venir, à la liberté du travail, à la libre disposition de ses biens et au libre exercice de ses responsabilités parentales (peines prévues: cinq à dix ans de travaux forcés, amendes, déchéance des droits civils et politiques); 4) abrogation des dispositions du Code du travail qui étaient discriminatoires vis-à-vis des étrangers, relatives à l'administration et à la direction des syndicats, par l'article 273 du nouveau Code du travail, qui admet que des étrangers assument de telles fonctions s'ils remplissent certaines conditions, conformément à la convention no 87; 5) abrogation de l'ordonnance de 1962 déléguant aux chefs de circonscription certains pouvoirs en matière de maintien de l'ordre par effet de la loi du 27 janvier 2005. Il convient de noter que cette ordonnance n'a pas été remplacée et que celles de ses dispositions qui étaient jugées contraires à l'article 2 de la convention no 29 n'existent plus; 6) établissement de la liste des services essentiels pour la population, par effet de l'arrêté no 566/MFPT/MFPE, pris par les ministres de l'Intérieur et de l'Emploi, cette liste excluant désormais la poste et les transports en commun.
Le représentant gouvernemental a également exposé les diverses mesures prises par son gouvernement dans le but d'améliorer les conditions de vie des travailleurs, promouvoir les normes et consolider l'état de droit: 1) ouverture, le 4 juillet 2004, des premières négociations collectives libres organisées depuis plus de vingt ans, négociations qui ont abouti notamment à un relèvement de plus de 365 pour cent du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) et auxquelles avaient pris part les employeurs et les cinq centrales syndicales; 2) élaboration d'un programme de coopération technique pour promouvoir la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail; 3) mise en œuvre des programmes de lutte contre la pauvreté, avec des résultats encourageants, qui portent à croire que les objectifs fixés en matière de santé, d'éducation et de logement seront atteints d'ici 2015; 4) création d'une structure interministérielle destinée, premièrement, à familiariser les organes responsables de l'application des lois avec les normes relatives au travail forcé (deux séminaires tenus à Nouakchott et Kiffa) puis, dans un deuxième temps, à sensibiliser les populations, notamment dans les zones défavorisées, avec l'appui de l'ambassade des États-Unis d'Amérique en Mauritanie; 5) le programme national de bonne gouvernance contient une composante "promotion des droits de l'homme et renforcement des capacités de la société civile". La Fédération luthérienne mondiale s'y est associée. Le gouvernement a reconnu trois associations des droits de l'homme: l'Association mauritanienne des droits de l'homme, le Groupement d'études et de réflexion sur le développement économique et social et SOS Esclaves.
Le gouvernement s'apprête à approuver un plan national de promotion et de protection des droits de l'homme, élaboré avec l'assistance du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, qui comprend un volet Groupes les plus vulnérables et un volet Partenariat gouvernement - société civile. Au titre de ce deuxième volet, le gouvernement a sollicité le concours du BIT et du PNUD.
Les membres employeurs ont rappelé que la convention no 29 exige la suppression du travail forcé sous toutes ses formes, qu'elle fait de l'emploi illégal du travail forcé un délit passible de sanctions, et qu'elle prévoit que les sanctions imposées doivent être appropriées et strictement appliquées. La Mauritanie a adopté en 1905 un premier décret abolissant l'esclavage; le Code du travail de 1963 interdisait le travail forcé et imposait des sanctions pénales appropriées. Toutefois, comme l'a noté la commission d'experts, les dispositions du Code ne s'appliquaient qu'aux employeurs et travailleurs liés par une relation d'emploi formelle. En 1980, le gouvernement a adopté une déclaration abolissant l'esclavage, et en 1981 une ordonnance abolissant elle aussi l'esclavage et prévoyant l'indemnisation des anciens propriétaires d'esclaves. Entre 1990 et 2000, le gouvernement a réaffirmé à plusieurs reprises que le travail forcé n'existait plus dans le pays.
Les membres employeurs ont fait observer que, dans ses précédentes observations, la commission d'experts avait conclu que l'esclavage perdurait en Mauritanie, en citant des informations contenues dans le rapport du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies sur la prévention de la discrimination et la protection des minorités. Dans ses présentes observations, la commission cite également les termes du rapport de la mission de contacts directs de mai 2004, selon lesquels le gouvernement considère que "la pratique du travail forcé est tout à fait exceptionnelle, somme toute pas plus développée que dans certaines métropoles du monde industrialisé". La mission de contacts directs a également pris note du point de vue de la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM), selon laquelle "les situations de travail forcé existent sur une large échelle en Mauritanie". Les membres employeurs ont en outre relevé que la mission de contacts directs a conclu qu'il fallait engager des travaux de recherche et des investigations supplémentaires sur l'existence du travail forcé, et ont donc vivement encouragé le gouvernement à coopérer avec les personnes chargées de ces investigations afin de déterminer dans quelle mesure le travail forcé existe encore.
Les membres employeurs ont également pris note des dispositions amendées du Code du travail de 2004, qui abolissent le travail forcé dans toute relation d'emploi et non plus uniquement lorsqu'elles sont régies par un contrat de travail. De plus, la loi no 2003-025 du 17 juillet 2003 relative à la traite des personnes rend de tels actes passibles de peines d'emprisonnement. Les membres employeurs ont pris note de la position du représentant gouvernemental selon laquelle cette législation a également pour but d'interdire tout acte de violence en relation avec la liberté de mouvement.
Compte tenu de ce qui précède, et à la lumière des conclusions de la mission de contacts directs, il apparaît que, si des progrès ont bien été enregistrés en ce qui concerne les mesures législatives interdisant le travail forcé, il n'en convient pas moins d'obtenir davantage d'informations au sujet des sanctions pénales encourues en cas de violation de cette législation. Ils ont instamment demandé au gouvernement de fournir des informations sur les juridictions compétentes pour recevoir les plaintes et sur les sanctions imposées en vertu du Code du travail et de la loi relative à la traite des personnes, y compris sur le nombre de plaintes déposées et sur les décisions respectives des tribunaux.
Ils ont félicité le gouvernement pour les mesures qu'il a prises afin de lutter contre la pauvreté par des moyens économiques et sociaux. Cela étant, ils ont considéré que ce cas relève d'un problème d'application et de contrôle de l'application de la législation nationale pertinente par le gouvernement. Ils ont fermement encouragé le gouvernement à mettre l'accent sur l'application de la législation nationale et les mesures visant à la faire respecter, y compris l'application effective des sanctions prévues pour tout délit d'emploi du travail forcé. Enfin, comme l'a noté la mission de contacts directs, il n'existe aucun mécanisme de mise en œuvre de la législation du travail, et les ressources allouées à l'inspection du travail sont faibles. Les membres employeurs ont tenu à souligner que l'affectation de moyens supplémentaires à l'inspection du travail n'est qu'un des moyens parmi d'autres qui permettraient de mettre en œuvre plus efficacement la législation nationale. Pour conclure, ils ont encouragé le gouvernement à reconnaître les problèmes qui persistent et à lancer, avec l'assistance du BIT, une campagne d'information et de sensibilisation de toutes les couches de la population, y compris les personnes les plus susceptibles d'être victimes du travail forcé.
Rappelant que cette commission avait, pour la première fois, examiné ce cas en 1982, les membres travailleurs ont posé la question de son évolution presque vingt-cinq ans plus tard. En dépit de nombreuses références par la commission d'experts à la question des personnes descendant d'anciens esclaves, obligées de travailler pour une personne revendiquant la qualité de "maître", et de la persistance de ce phénomène attestée par un rapport de 2004 de l'organisation SOS Esclaves, le gouvernement n'a toujours pas fourni de réponses sur des cas concrets, pas plus qu'il n'a indiqué quelles enquêtes avaient été menées dans ces cas précis. Le gouvernement continue de minimiser, voire de nier, la pratique du travail forcé en la qualifiant, devant la mission de contacts directs de 2004, de tout à fait exceptionnelle, et pas plus développée que dans certaines métropoles des pays industrialisés. Il est paradoxal qu'un gouvernement nie l'existence de pratiques esclavagistes et entreprenne néanmoins des adaptations de sa législation visant à interdire de telles pratiques, donnant ainsi suite aux requêtes formulées par la commission d'experts demandant l'élargissement de l'interdiction du travail forcé à toute relation de travail, l'imposition de sanctions conformes à la convention, l'abrogation de l'ordonnance permettant aux chefs de village de réquisitionner de la main-d'œuvre et de dresser une liste complète des services essentiels où cette pratique est autorisée. Les membres travailleurs ont, à ce propos, noté avec intérêt et satisfaction l'adoption d'un nouveau Code du travail étendant l'interdiction du travail forcé à toute relation de travail, même lorsqu'elle ne repose pas sur un contrat de travail, l'introduction de sanctions pénales par la loi de 2003 contre la traite des personnes, l'établissement d'une liste complète des services essentiels, et l'abrogation du texte permettant la réquisition de personnes. Ils ont toutefois observé que ces changements normatifs ne sont pas encore suivis d'effets pratiques et des mesures restent nécessaires afin de les rendre opérationnels. En effet, l'application de nouvelles lois risque de semer la confusion dans la mesure où le principe d'interdiction du travail forcé et les sanctions imposées en cas de non-respect se trouvent dans deux textes normatifs distincts. Par ailleurs, le Code du travail ne fait aucune mention des personnes travaillant au domicile de leurs anciens maîtres et privées de la liberté de circuler et travailler ailleurs. Comme le spécifie le rapport de la mission de contacts directs, l'exercice d'un droit de recours est, de ce fait, déterminant. Comme l'illustre le rapport de SOS Esclaves, il y a collusion entre les "maîtres" et le système judiciaire. Les descendants de maîtres constituent la majorité écrasante du personnel dirigeant, y compris au niveau subalterne de l'administration, de l'armée, de l'appareil judiciaire et des forces de l'ordre. La mission de contacts directs a, en outre, souligné qu'il n'existe pas de mécanisme de mise en œuvre de la législation du travail en raison des moyens trop faibles dont dispose l'inspection du travail. En parallèle, une mise en œuvre stricte de mesures économiques, sociales et éducatives permettant de réintégrer et indemniser les victimes est nécessaire. Les membres travailleurs ont accueilli favorablement les avancées juridiques en souhaitant qu'elles soient suivies d'effets dans la pratique et que le gouvernement soit expressément prié de prendre des engagements en ce qui concerne l'unification au sein d'un texte unique de l'interdiction du travail forcé et des sanctions applicables, la réalisation de rapports détaillés sur les cas de travail forcé, les juridictions compétentes et les sanctions infligées, l'organisation d'une campagne ciblée d'information sur l'esclavage, l'élaboration d'un plan d'action économique et social de lutte contre la pauvreté et les séquelles de l'esclavage, la ratification et l'application de la convention no 144 sur les consultations tripartites et la garantie du droit de s'exprimer librement aux syndicats et à la société civile. En outre, constatant les succès obtenus par la mission de contacts directs, les membres travailleurs ont proposé une nouvelle mission de ce genre pour assister le gouvernement dans la mise en œuvre de ses engagements et évaluer les besoins en assistance technique. Ils ont déclaré qu'ils seraient heureux de voir l'esclavage éradiqué de manière définitive avant le 25e anniversaire du premier examen de ce cas par cette commission.
Un membre travailleur de la Mauritanie a déclaré que des progrès importants avaient été réalisés et que l'assistance technique du BIT permettrait d'accompagner ce mouvement. Le travail forcé est lié au problème de la pauvreté et c'est un fléau que les pays en développement doivent combattre. La manière dont SOS Esclaves a présenté le problème de l'esclavage en Mauritanie est biaisée, elle relève de l'exagération et du sensationnel. De même, l'orateur a réfuté les déclarations selon lesquelles il n'y avait pas de liberté syndicale. Enfin, il n'est pas non plus possible d'affirmer qu'en Mauritanie des personnes ne sont pas libres de leurs mouvements. La mission de contacts directs n'a pas pu en rencontrer.
Un autre membre travailleur de la Mauritanie a indiqué que son pays revenait sur la liste des cas parce que le gouvernement continue de nier l'existence de l'esclavage, alors que l'esclavage existe et est pratiqué sous toutes ses formes. Cette année, trois personnes dont un journaliste ont été emprisonnées pendant deux mois environ, accusées d'avoir aider une esclave à fuir ses maîtres. Cette affaire est toujours pendante devant la justice. Cela prouve la sévérité des pratiques. Des milliers de personnes subissent l'esclavage, et le gouvernement a toujours argumenté en évoquant les mesures prises contre la pauvreté ou l'analphabétisme. Cependant, ces mesures ne bénéficient pas aux esclaves, en raison de leur condition, puisqu'ils sont la propriété de leur maître. Il convient aujourd'hui de parvenir à leur libération, leur émancipation et leur promotion, au moyen de politiques spécifiques et de campagnes de sensibilisation.
Les dispositions prévues par le nouveau Code du travail sont confuses, très générales, et ne constituent pas une base réglementaire appropriée pour le traitement des cas de travail forcé ou de traite. De même, les sanctions pénales ne sont pas appliquées à l'encontre des contrevenants, et aucun jugement n'a été rendu au profit des esclaves, malgré le nombre de plaintes déposées pour des pratiques de travail forcé. Tout cela prouve le manque d'engagement du gouvernement concernant l'éradication de l'esclavage et l'amélioration des conditions des personnes victimes en vue de leur intégration dans la vie active du pays.
Le gouvernement a récemment reconnu quelques organisations syndicales et de promotion des droits de l'homme, dont SOS Esclaves. Cela est courageux, néanmoins la question fondamentale est celle de l'éradication effective de l'esclavage par des mesures concrètes. Le gouvernement doit au préalable reconnaître l'existence de ce phénomène et affirmer son engagement à prendre des mesures sur les plans économique, social et juridique.
L'orateur a indiqué que son organisation, la CLTM, soutenait les recommandations de la mission de contacts directs du BIT, et a assuré le gouvernement de sa collaboration en vue d'éliminer ce fléau, en estimant que la promotion du dialogue social et la création d'un cadre permanent de concertation seraient très positives pour les droits de l'homme. Il a enfin souligné que la CLTM, son organisation, est une organisation syndicale libre et indépendante des partis politiques et du gouvernement.
Le membre employeur de la Mauritanie s'est déclaré surpris de constater que la Mauritanie se trouve sur la liste des cas individuels. Il convient de voir les choses en face, de traiter ce cas avec toute l'objectivité requise et de se méfier des ONG et des partis politiques qui utilisent la situation pour arriver à certains objectifs politiques. L'esclavage n'existe plus en Mauritanie et le gouvernement a mis en place les structures appropriées pour éradiquer l'inégalité et lutter contre la pauvreté. Les informations présentées par le gouvernement sont objectives et réelles. Par conséquent, l'orateur a considéré que la Mauritanie avait été citée en raison des progrès précieux et substantiels réalisés.
Le membre travailleur de la République centrafricaine a rappelé que l'émergence de nouvelles formes de travail forcé ne devait pas conduire à faire oublier celles qui sont considérées comme anciennes mais n'en demeurent pas moins d'actualité compte tenu du fait que les descendants d'esclaves sont les esclaves d'aujourd'hui. Malgré l'incertitude quant à son ampleur, ce phénomène existe réellement et place les nombreuses personnes touchées dans les diverses régions du pays en proie à tous types d'abus, totalement invraisemblables mais bien réels. Les informations disponibles ne permettent pas de savoir si des sanctions à l'encontre de ces pratiques sont imposées et il n'existe aucune preuve de condamnation prononcée en la matière. Le gouvernement ne fournit que des réponses d'ordre général. Il formule par contre des allégations précises à l'encontre d'une organisation syndicale accusée d'utiliser ce thème à des fins politiciennes contrairement au principe, contenu dans la convention no 87, de non-ingérence dans les activités syndicales agissant pour défendre les droits des travailleurs, y compris ceux des esclaves, et alors que la solution aurait dû être recherchée dans le dialogue social et non la confrontation. L'orateur a observé qu'il était temps que le gouvernement fournisse des données chiffrées précises sur le nombre de travailleurs en situation d'esclavage, sur les sanctions imposées ainsi que sur les mesures pratiques de réinsertion mises en œuvre. Pour conclure, l'orateur a rappelé la nécessité d'un véritable dialogue par rapport au travail forcé. Les organisations syndicales souhaitent vivement qu'un tel dialogue s'établisse très prochainement et que le gouvernement accomplisse des efforts afin que, dans son prochain rapport, la commission d'experts soit à même de constater de véritables progrès en la matière.
Le membre gouvernemental de la France a déclaré qu'il convenait de savoir ce que la commission attendait aujourd'hui du gouvernement mauritanien, ce dernier ayant accueilli une mission de contacts directs, conformément au souhait de la commission exprimé en 2002 et 2003. Le gouvernement a également mis en œuvre l'essentiel des préconisations juridiques de la mission.
Les précédentes observations de la commission d'experts concernaient trois points: à l'époque, le recours au travail forcé ne pouvait être sévèrement sanctionné, les dispositions alors en vigueur, prévues par le Code du travail, exigeaient un contrat de travail, rare en matière de travail forcé, et les seules peines prévues étaient des amendes; la seule voie était de recourir à d'autres qualifications pénales; la commission d'experts critiquait de surcroît un exercice trop large du droit de réquisition et une liste extensive des services dits essentiels. Sur tous ces points, la nouvelle législation apporte des progrès considérables. La liste des services essentiels a été révisée, et surtout le nouveau Code du travail a créé un délit autonome de travail forcé, passible d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans. Il faut continuer de s'appuyer sur le travail en cours avec le BIT et le PNUD.
Le cas de la Mauritanie pourrait relever des cas de progrès dans ses développements juridiques. Mais, là et ailleurs, le problème est celui des séquelles de l'esclavage. La convention no 29 ne peut pas régler des situations de pauvreté et d'aliénation culturelle vécues par les descendants d'anciens esclaves, alors même qu'ils ne subissent aucune contrainte. L'orateur a indiqué que l'OIT devrait définir de meilleurs instruments de régulation de l'économie informelle et de soutien aux descendants d'esclaves, en vue de leur intégration économique, sociale et culturelle.
La membre gouvernementale de la Finlande, s'exprimant également au nom des membres gouvernementaux du Danemark, de l'Islande, de la Norvège et de la Suède, a noté que, si le gouvernement semble considérer que la question de l'esclavage constitue un problème marginal, les sources d'informations auxquelles fait référence le rapport de la commission d'experts confirment que l'esclavage est une réalité en Mauritanie, réalité d'une ampleur inconnue. Il est à craindre que les victimes de cette pratique abjecte soient souvent des individus vulnérables appartenant à des groupes économiquement faibles, comme les femmes et les enfants. Rien ne peut justifier l'esclavage qui constitue un crime contre les droits fondamentaux de chaque individu à la liberté et à l'intégrité de sa personne. L'esclavage affecte tant la dignité que le développement psychologique individuel et mène souvent à des situations sociales déplorables. L'oratrice a noté les efforts du gouvernement en cette matière, mais a souligné que ces efforts ne sont pas suffisants. En conséquence, elle a demandé au gouvernement de donner plein effet, en droit et en pratique, aux points soulevés par les experts; de s'assurer que les organisations de travailleurs et d'employeurs, de même que les ONG impliquées dans ce processus, pourront profiter de l'assistance technique du BIT; et de fournir une réponse détaillée à toutes les questions soulevées dans le rapport de la commission d'experts.
Le représentant gouvernemental a souhaité répondre à certaines questions qui avaient été posées au cours de la discussion. En ce qui concerne la référence des membres employeurs à l'ordonnance de 1981, celle-ci est intervenue dans le contexte particulier de l'adaptation de la législation nationale à la loi islamique. Il ne s'agissait pas de combler un vide juridique mais de donner davantage d'autorité morale à l'interdiction de l'esclavage déjà prévue par le Code du travail.
S'agissant de la notion de travail forcé, il faut se référer à la définition donnée par la convention no 29. Le travail forcé ne doit pas être confondu avec le problème de la pauvreté. Les lacunes juridiques qui existaient ont été comblées et, si les Mauritaniens qui se trouvent dans la pauvreté et la précarité représentent environ 40 pour cent de la population, ce ne sont pas tous des descendants d'esclaves. Les situations de pauvreté et de vulnérabilité qui découlent d'un statut social ne sont pas faciles à éradiquer et le gouvernement a mis en œuvre un programme d'action économique, social et culturel volontariste ces dernières années qui vise spécialement les descendants d'esclaves. Il n'est pas conforme à la réalité d'affirmer que le gouvernement mauritanien ne fait pas d'efforts ou ne prend pas de mesures ciblant les descendants d'esclaves. Il a mené, par exemple, un programme ambitieux dans les villes, notamment en matière de logement, ainsi que dans les zones rurales. Il convient par ailleurs de noter que des descendants d'esclaves sont présents au sein des couches dirigeantes, dans la magistrature, l'armée, la police, la fonction publique, etc.
En ce qui concerne la question de l'application des sanctions appropriées prévues par la législation, toutes les juridictions sont compétentes pour examiner les cas et appliquer, s'il y a lieu, les sanctions correspondantes. A cet égard, le gouvernement s'est déjà engagé à fournir des informations précises et exhaustives sur les cas cités dans le rapport de SOS Esclaves. Par ailleurs, il n'est pas acquis que ces allégations soient exactes.
Quant à la nécessité de renforcer l'inspection du travail, la Mauritanie dispose en effet des moyens faibles caractérisant les pays moins avancés et l'aide internationale permettant de renforcer l'inspection du travail est bienvenue.
L'orateur s'est étonné du fait que les membres travailleurs se réfèrent à l'existence d'une contradiction entre le fait de légiférer et la pratique nationale. La commission d'experts a, dans ses commentaires, demandé des changements de la législation. Ces changements ont été apportés et la Mauritanie dispose désormais, notamment grâce aux modifications apportées au Code du travail, d'un dispositif législatif efficace pour faire face à toute situation qui pourrait relever du travail forcé. En même temps, le gouvernement a pris une série de mesures dans la pratique pour lutter contre la pauvreté et également dans le domaine de la scolarisation, l'éducation et la santé. Le gouvernement fait tout ce qui est de son ressort compte tenu des moyens limités dont il dispose en tant que pays moins avancé. Nul ne peut apporter la preuve qu'en Mauritanie qui que ce soit travaille sous la contrainte.
S'agissant de la campagne de sensibilisation demandée par plusieurs orateurs, le représentant gouvernemental a considéré que cette campagne avait déjà débuté dans le cadre notamment de l'assistance du BIT, d'un plan d'action de promotion des droits de l'homme comprenant un volet important d'information, de communication et d'éducation, qui doit prochainement être approuvé par le gouvernement. Par ailleurs, ces dernières années, cinq ateliers ont été organisés sur le travail domestique des jeunes filles.
Enfin, en ce qui concerne l'affaire relative à l'emprisonnement d'un journaliste, l'orateur a tenu à indiquer que les faits mentionnés étaient inexacts. Son gouvernement est disposé à accepter toutes les actions positives et constructives qui pourront aider à améliorer les imperfections qui continuent à exister.
Les membres employeurs ont remercié le représentant gouvernemental d'avoir répondu aux points soulevés lors de la discussion. Ils ont déclaré que les conclusions devaient refléter les mesures positives prises par le gouvernement, relatives à l'amendement au Code du travail qui a étendu la portée de la disposition relative à l'interdiction du travail forcé. Le travail forcé constitue désormais, en vertu du Code du travail amendé, une infraction passible des sanctions prévues par la loi sur la traite des personnes. Par conséquent, les membres employeurs ont noté les progrès accomplis par le gouvernement pour mettre sa législation en conformité avec la convention. Ils ont cependant souligné que des informations complémentaires étaient nécessaires au sujet des juridictions compétentes pour recevoir les plaintes et des sanctions imposées en vertu du Code du travail et de la loi sur la traite des personnes, comme l'a demandé la commission d'experts.
Les membres employeurs ont fait remarquer que, face aux informations contradictoires fournies respectivement par le gouvernement et par les organisations de travailleurs, il n'était pas facile de déterminer le degré de persistance du problème du travail forcé. Il convient de mener de plus amples recherches ainsi que des investigations concernant la persistance du travail forcé et l'ampleur de ce problème, ce qui pourrait impliquer l'organisation d'une mission de contacts directs.
Les membres employeurs se sont dits très préoccupés par le maintien des allégations de travail forcé et ont demandé instamment au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour éradiquer les pratiques de travail forcé sous toutes ses formes, en mettant un accent particulier sur l'application effective de la législation nationale, y compris des sanctions prévues pour l'imposition de travail forcé. Les membres employeurs se sont également référés aux commentaires de la commission d'experts relatifs à l'absence de mécanisme de mise en œuvre de la législation du travail, et en particulier aux très faibles moyens dont dispose l'inspection du travail, qui avait été constatée par la mission de contacts directs en 2004. Ils ont estimé nécessaire de mentionner dans les conclusions que l'allocation de ressources supplémentaires ne constituait qu'un des nombreux mécanismes par lesquels la mise en œuvre de la législation pourrait être assurée de manière plus effective. Enfin, les membres employeurs ont exhorté le gouvernement à mener, avec l'assistance du BIT, une campagne d'information et de sensibilisation de toutes les parties de la population sur le grave problème du travail forcé.
Les membres travailleurs ont accueilli favorablement les avancées réalisées sur le plan juridique et apprécié la contribution apportée par la mission de contacts directs. Ils ont souhaité pouvoir observer des effets sur le plan pratique et demandé au gouvernement une série d'engagements concrets de nature juridique, à savoir l'abrogation des pouvoirs des chefs de village, l'introduction de sanctions au sein du nouveau Code du travail lui-même et des rapports sur les cas soumis à la justice, et aussi de nature politique au moyen d'une campagne de sensibilisation destinée à l'ensemble de la population, d'un plan d'action contre la pauvreté et les séquelles de l'esclavage et de la garantie de liberté pour la société civile. Ils ont également invité le gouvernement à prendre des engagements internationaux, notamment en ratifiant la convention no 144 sur les consultations tripartites. Dans un esprit positif, les membres travailleurs ont proposé l'organisation d'une nouvelle mission de contacts directs en vue de pouvoir déterminer, de manière définitive, si l'esclavage existe ou non en Mauritanie et de mettre en œuvre les engagements ainsi que la coopération technique précédemment évoqués.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. La commission a rappelé que ce cas avait déjà fait l'objet de discussions au sein de cette commission, en particulier en 2002 et en 2003. A cet égard, la commission a noté que le gouvernement avait accepté la visite d'une mission de contacts directs, en mai 2004. La commission a pris note de toutes les informations contenues dans le rapport de la commission d'experts, et en particulier de l'adoption, en juillet 2004, du nouveau Code du travail qui prévoit l'interdiction du travail forcé en étendant cette interdiction à toute relation de travail même si elle ne résulte pas d'un contrat de travail, ainsi que l'application de sanctions pénales.
La commission a pris note des informations fournies par le représentant gouvernemental en ce qui concerne l'adoption du nouveau Code du travail; le fait que le travail forcé est passible de sanctions pénales en vertu de la loi portant répression de la traite des personnes; l'adoption du décret fixant la liste des établissements assumant des services essentiels; l'augmentation du salaire minimum interprofessionnel; les programmes de lutte contre la pauvreté et, en particulier, le programme de coopération technique élaboré avec le BIT en vue de la promotion de la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail; et la création d'une structure interministérielle ayant pour mission de sensibiliser les responsables de l'application des normes du travail, y compris celles sur le travail forcé. La commission a également pris note de la déclaration du représentant gouvernemental relative à la reconnaissance des associations de défense des droits de l'homme qui concentrent leur action sur les questions de travail forcé.
La commission a signalé avec préoccupation que, dans son rapport, la mission de contacts directs s'était référée aux allégations de certaines organisations de travailleurs faisant état de la persistance de certaines pratiques de travail forcé, séquelles de l'esclavage juridiquement aboli.
La commission a constaté la préoccupation de la commission d'experts face aux conséquences pratiques possibles du fait que l'interdiction générale du travail forcé se trouve dans le Code du travail, mais que les sanctions figurent dans une loi spécifique réprimant un autre délit, à savoir la loi de 2003 portant répression de la traite des personnes.
La commission a voulu croire que les mesures législatives adoptées conduiront rapidement à des résultats pratiques mettant fin aux séquelles de l'esclavage et que le gouvernement sera en mesure de fournir des informations sur les recours intentés devant les différentes juridictions en vertu de l'article 5 du Code du travail, ainsi que sur les sanctions imposées.
La commission, prenant note des progrès accomplis par le gouvernement sur le plan législatif, l'a prié de soumettre un rapport complet et détaillé qui:
1) répondra à tous les commentaires de la commission d'experts;
2) contiendra des informations complètes sur la juridiction compétente pour recevoir les plaintes et sur les sanctions imposées; 3)
3) contiendra tous les éléments relatifs à la campagne de sensibilisation;
4) fournira des informations sur les consultations menées auprès des partenaires sociaux.
La commission a invité le gouvernement à continuer à bénéficier de la coopération technique de l'OIT et d'autres donateurs, laquelle devrait comprendre une campagne de sensibilisation sur le thème du travail forcé.
Compte tenu des informations contradictoires au sujet de la persistance des pratiques de travail forcé et d'esclavage, la commission a décidé qu'une mission d'investigation devait être entreprise. Cette mission devrait vérifier l'application effective de la législation nationale.
Un représentant gouvernemental a rappelé que son gouvernement s'est engagé à respecter trois engagements: fournir des réponses précises et détaillées à la commission d'experts, adopter un projet de Code du travail avec l'assistance du BIT et autoriser l'envoi d'une mission technique du BIT en Mauritanie. Concernant l'adoption d'un projet de Code du travail, il a indiqué qu'un tel projet a été approuvé en première lecture, le 2 juin dernier. Celui-ci prévoit l'interdiction du travail forcé. Cette interdiction couvre toutes les relations de travail même si elles ne résultent pas d'un contrat. Le gouvernement a approuvé un projet de loi sur la traite des personnes, incluant une large définition de ce terme, ainsi que des peines et des sanctions précises en cas de violation. Se référant à la mission technique du BIT, il a souligné que la charge de travail pour finaliser le Code du travail et la loi sur la traite des personnes est très importante. Il a aussi fait mention des événements graves et douloureux qui ont récemment eu lieu en Mauritanie et qui ont failli balayer le gouvernement légitime en place. Il a assuré la présente commission que, dès que la situation se stabilisera, le gouvernement fixera une date précise pour inviter une mission technique du BIT à Nouakchott.
Les membres travailleurs ont déclaré que la commission discute une fois de plus de ce grave problème de violation des droits de l'homme en Mauritanie. Lors de la première discussion, en 1982, ils avaient espéré que le gouvernement s'engagerait sérieusement à éliminer l'esclavage dans le pays. Il ressort toutefois de l'observation formulée par la commission d'experts que certaines formes d'esclavage persistent dans le pays. En effet, il semble qu'aux yeux de certaines personnes, la naissance impose toujours un statut inférieur aux descendants d'esclaves. Ces personnes de statut inférieur, qui travaillent comme paysans, bergers de troupeaux ou domestiques, dépendent entièrement de leur maître à qui elles donnent l'argent qu'elles gagnent ou pour lequel elles travaillent directement en échange de nourriture et d'un logement. Il est donc regrettable que le gouvernement continue de soutenir qu'il s'agit de séquelles de l'ancien système social ou de cas isolés, et que l'esclavage a été aboli en Mauritanie.
Malgré l'adoption de trois législations interdisant le travail forcé ou obligatoire, à savoir la Constitution du 20 mai 1961, la loi no 36-023 du 23 janvier 1963 portant Code du travail et l'ordonnance de 1980, la pratique de l'esclavage existe encore en Mauritanie. Le refus du gouvernement de reconnaître ce problème grave cautionne l'existence de cette pratique. A plusieurs reprises, la commission d'experts a demandé au gouvernement: i) d'adopter une disposition imposant des sanctions légales conformément à l'article 25 de la convention no 29; ii) d'étendre le champ d'application de l'interdiction du travail forcé ou obligatoire à toutes les relations de travail; iii) d'abroger l'ordonnance de 1962 conférant aux chefs de circonscription de très larges pouvoirs de réquisitionner des personnes; et iv) de dresser une liste complète des établissements considérés comme des services essentiels pour la population pouvant être concernée par une éventuelle réquisition. Malgré ces demandes, rien n'a changé.
S'agissant des sanctions légales, aucune disposition n'a été adoptée pour donner effet à l'article 25 de la convention. S'agissant de l'extension de l'interdiction du travail forcé, la modification en cours de l'article 5 du Code du travail, prévoyant que toute violation est passible des sanctions prévues par la législation en vigueur, donnerait effet aux recommandations de la commission d'experts. Concernant l'abrogation de l'ordonnance de 1962 et l'établissement d'une liste des établissements considérés comme des services essentiels, le gouvernement n'a communiqué aucune information. Ces constatations font preuve de la mauvaise volonté du gouvernement. Malgré certaines mesures prises sur le plan législatif, rien ne permet de constater des changements dans la pratique. L'absence d'imposition de sanctions aux auteurs des pratiques d'esclavage ne permet pas d'être confiant dans la bonne volonté du gouvernement d'éliminer le travail forcé ou obligatoire. L'adoption de dispositions juridiques n'est pas suffisante. Il faut également prendre des mesures économiques afin de réintégrer les victimes d'esclavage dans la société et de les indemniser. Des campagnes de sensibilisation de la population doivent également être menées.
Il y a un an, le gouvernement s'était engagé à accueillir une mission technique du BIT. Les membres travailleurs ont regretté que cette mission n'ait pu se rendre dans le pays. Ils auraient voulu croire que des raisons d'ordre pratique ont empêché cette mission. Ils ont toutefois rappelé que, depuis des années, le gouvernement interdit soit l'accès au pays, soit l'activité aux organisations œuvrant pour les droits de l'homme. Les membres travailleurs ont demandé l'envoi d'une mission technique en Mauritanie afin que les textes juridiques soient adoptés.
Les membres employeurs ont rappelé que le cas de la Mauritanie a déjà été discuté par la Commission de la Conférence lors de l'année précédente. Ils ont noté que plusieurs formes d'esclavage existent encore dans le pays, en particulier dans les zones rurales. Malgré l'interdiction formelle de l'esclavage, des conditions assimilables à celles de l'esclavage continuent d'exister et doivent être éliminées. Le problème clé consiste à abolir le travail forcé dans la pratique. Se référant à la déclaration faite par le représentant gouvernemental, selon laquelle une nouvelle loi visant l'abolition des pratiques assimilables à l'esclavage a été adoptée le 2 juin 2003, les membres employeurs ont demandé si celle-ci est entrée en vigueur et si elle est appliquée. La pratique du travail forcé n'est pas seulement le vestige d'une vieille tradition, mais possède également des racines systémiques et sera difficile à éradiquer dans l'immédiat. Alors qu'il est possible pour le représentant gouvernemental de renier les exemples spécifiques de travail forcé qui ont été soulevés, l'existence globale du travail forcé dans le pays ne peut être dissimulée.
Ils ont regretté qu'une mission technique n'ait pu avoir lieu, et notent la bonne volonté exprimée par le gouvernement de faire à nouveau appel à l'assistance technique. Essentiellement, ce qui est nécessaire c'est une base légale qui permette l'élimination du travail forcé. Cependant, les lois existantes ne prévoient pas de sanctions adéquates pour les violations et ne sont pas appliquées de manière efficace. Les membres employeurs ont demandé au représentant gouvernemental de fournir l'information nécessaire pour soutenir ses déclarations sur les actions prises dans le but de mettre la législation nationale en conformité avec la convention. Les membres employeurs ont également rappelé qu'en 2002 le gouvernement a annoncé qu'il procéderait à l'amendement de la loi de 1971, qui prévoit la possibilité de réquisitionner des travailleurs dans des circonstances spécifiques d'urgence, pour assurer le fonctionnement de services qu'il considère essentiels pour le pays ou la population. Ils ont insisté sur la nécessité pour le gouvernement de fournir des informations plus précises sur les services couverts par ces dispositions. En se référant au décret no 70-153 du 23 mai 1970, portant règlement interne pour les établissements pénitenciers, ils ont demandé au gouvernement de fournir des informations spécifiques concernant les mesures prises pour amender ce décret. Ils ont indiqué, à cet égard, que des précisions doivent être apportées aux dispositions qui permettent de concéder de la main-d'œuvre pénitentiaire à des particuliers, puisque cela demeure sous la responsabilité des autorités publiques. En conclusion, ils ont insisté sur le fait que d'autres actions de nature législative et administrative sont nécessaires d'urgence afin d'éliminer les pratiques de travail forcé. Ils ont, par conséquent, instamment prié le gouvernement de fournir des informations complètes sur les mesures prises dans le passé et sur celles qu'il envisage dans le futur afin qu'une action urgente puisse être prise pour abolir de façon générale les rares cas d'esclavage restants.
Un membre travailleur de la Mauritanie a déclaré qu'il regrette que la Mauritanie soit de nouveau interpellée sur la convention no 29 de l'OIT. Il regrette que le gouvernement de son pays, en dépit des multiples interpellations, demeure indifférent à ses appels et insensible aux épreuves qu'endurent les victimes de l'esclavage. Le problème de l'esclavage est encore d'actualité en Mauritanie et appelle à des interventions rigoureuses.
L'année dernière, la commission a longuement discuté ce cas, ainsi que des engagements qui avaient été pris par le gouvernement afin de permettre au BIT d'envoyer en Mauritanie une mission technique. Les membres travailleurs ont indiqué que cette attitude leur avait semblé être un signe de bonne volonté, mais s'est plutôt avérée être une façon de contourner une autre décision de la commission et de continuer à violer la convention fondamentale no 29, sur le travail forcé. Cette situation viole les droits humains, économiques et sociaux des hommes et des femmes nés libres, qui aspirent comme tous les êtres humains à la liberté, la dignité et à une vie décente. Aujourd'hui, on évoque les dispositions contenues dans le nouveau Code du travail, comme moyen de protection. Or les problèmes de l'esclavage sont difficiles et complexes et quelques dispositions contenues dans un Code du travail ne suffisent pas pour les résoudre, notamment lorsque l'application, dans la pratique, est à la charge d'inspecteurs du travail, qui sont reconnus pour leur complaisance et le bradage des droits des travailleurs. Cependant, la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM) s'est beaucoup investie ces dernières années pour l'adoption de ce code qui contribuera sans doute à renforcer la protection. Parmi les nouvelles dispositions, certaines concernent la caractérisation de l'esclavage ou de la traite, la protection des victimes et la répression des contrevenants. Toutefois, elles ne contiennent pas de mesures politiques d'assistance, lesquelles devraient comprendre entre autres l'élaboration et l'adoption de programmes économiques et sociaux spécifiques, une politique d'insertion et une campagne de sensibilisation. La CLTM reconnaît que même si des mesures importantes ont été prises dans les années passées, telles que l'ordonnance no 81-234 de 1981, il s'agit de décisions purement politiques, qui n'ont pas d'impact sur le plan pratique et institutionnel. De plus, elles ne sont pas de nature à renforcer les moyens de protection et d'appui puisqu'elles ne sont pas accompagnées de mesures juridiques, économiques et sociales.
Il a rappelé qu'un séminaire de sensibilisation sur le travail forcé, organisé par la CLTM avec le concours de la CMT, qui devait avoir lieu à Kiffa en 2001, a été interdit par les autorités. Aujourd'hui, la CLTM, qui est l'organisation la plus représentative sur le terrain, par ses activités syndicales, ses structures et ses 60 000 adhérents, est l'organisation la plus attaquée par les autorités. Ses membres font l'objet de moyens de pression, d'intimidation ou de licenciement. Ses activités sont bloquées, et plus de 200 dockers ont été licenciés suite à la grève d'octobre dernier. Récemment, une très forte campagne a été menée par les autorités afin d'obliger, par tous les moyens, les militants dans les établissements publics à adhérer à l'Union générale des travailleurs de Mauritanie (UTM). Cette campagne a porté un grand préjudice à la CLTM. Enfin, l'orateur a souhaité que cette fois-ci le gouvernement collabore avec le BIT et accepte de recevoir une mission technique, ainsi que l'assistance du BIT. L'orateur a ajouté que la CLTM est disposée à collaborer avec le BIT et le gouvernement, dans le cadre de la mise en œuvre de la convention no 29 et la promotion du dialogue social qui, malheureusement, n'existe pas en Mauritanie.
Un autre membre travailleur de la Mauritanie a demandé à la Commission de la Conférence d'examiner le rapport de la commission d'experts avec célérité et sans faire de surenchère, afin d'éviter que la commission se politise. Il a souligné qu'il faut faire la distinction entre le "chef de village", qu'on associe à la survivance et qui n'existe plus aujourd'hui, et le "chef de circonscription". Il a déclaré qu'il défend l'intérêt des travailleurs mais qu'il doit être clair que l'esclavage est un phénomène historique qui n'existe plus au sens classique aujourd'hui. Se référant à l'intervention des membres travailleurs, il a souligné qu'il n'a jamais été question d'une mission d'enquête en Mauritanie mais bien d'une mission technique. Il a également indiqué que la mission technique ne devait pas se rendre en Mauritanie pour enquêter mais pour aider, car le Code du travail a récemment été adopté. Finalement, il a souhaité que l'évaluation de la représentativité des organisations syndicales fasse partie du mandat de la mission technique.
Le représentant gouvernemental s'est interrogé sur le fondement des allégations des membres travailleurs et employeurs. Il a indiqué que les discussions doivent se fonder sur le rapport de la commission d'experts et pas être fondées sur des considérations politiques. La justice sociale doit reposer sur une base objective et équilibrée pour résoudre les problèmes et non pour accuser. L'accusation d'esclavage est une accusation extrêmement grave. Jamais le gouvernement n'a reconnu la persistance de pratiques esclavagistes dans le pays. Il est vrai que la Mauritanie a connu les castes, mais les descendants des anciens esclaves ne sont plus aujourd'hui considérés comme des esclaves, et l'attachement d'une personne à telle ou telle ancienne catégorie sociale n'a aujourd'hui aucune répercussion sur ses droits. Il n'y a plus désormais d'emplois réservés aux descendants d'esclaves (bergers, travailleurs domestiques) et ces travaux sont accomplis par l'ensemble des classes. Les personnes employées à ces travaux perçoivent des salaires supérieurs au salaire minimum.
Se référant à l'intervention des membres travailleurs alléguant de graves violations des droits de l'homme en Mauritanie depuis 1982, il a indiqué que le pays est un Etat de droit depuis 1991 et qu'il existe une vingtaine de partis politiques ainsi que cinq organisations syndicales. Le gouvernement assure le respect de la liberté publique, syndicale et du droit d'organisation. Il n'y a pas de prisonniers et il y a 10 journaux libres qui dénoncent le gouvernement sans crainte. Le secrétaire général de la CLTM, lui-même, sait qu'il est libre de faire sans crainte toutes les allégations qu'il souhaite. Il a souligné l'importance d'être responsable et de peser ses mots. Les membres travailleurs doivent vérifier leurs sources avant de porter des accusations et lire les observations écrites du gouvernement. Il a nié l'allégation des membres travailleurs à l'effet que l'origine d'une personne a des répercussions sur son statut. Il a mentionné à titre d'exemple qu'un berger était plus payé qu'un instituteur et que le salaire d'un domestique était plus élevé que celui d'un agent de police. Il n'existe pas de secrets publics, s'il y avait vraiment de l'esclavage le gouvernement ne fermerait pas les yeux. Ce débat est surréaliste. La Mauritanie fait face à beaucoup d'autres problèmes tels que le sous-emploi. A cet effet, il a invité les personnes qui portent des accusations à saisir la justice mauritanienne d'un seul cas prétendu d'esclavage. Le gouvernement a fait beaucoup d'efforts dernièrement pour répondre aux requêtes de la commission d'experts et de la Commission de la Conférence. A cet effet, le représentant gouvernemental a notamment mentionné que le Code du travail en voie d'adoption étend effectivement l'interdiction du travail forcé et prévoit que toute infraction à ses dispositions est passible de sanctions. Il a également réitéré l'intention du gouvernement d'abroger formellement l'ordonnance de 1962. La commission doit comprendre qu'il s'agit d'un fardeau très important et tenir compte de la faiblesse de l'administration. Il a souligné avec force qu'il ne s'agit pas de mauvaise volonté.
Il a mentionné que le pays venait de vivre une secousse mettant en péril l'Etat de droit et il s'est félicité que celui-ci ait été sauvegardé. A son avis, il faut aujourd'hui s'efforcer de sauvegarder l'Etat de droit au lieu de venir porter des accusations. Il est normal que les membres employeurs et travailleurs défendent les normes sociales et la mise en œuvre des normes mais ils ne doivent pas favoriser une approche punitive.
Les membres travailleurs ont rappelé que, dans ce cas, leurs objectifs sont clairs: parvenir au respect des normes, ni plus ni moins. Jusque-là, le gouvernement ne reconnaît pas la réalité du problème, ce qui empêche l'éradication de l'esclavage. Les membres travailleurs se fondent sur des éléments objectifs: le rapport de la commission d'experts. Certes, la base légale interdisant le travail forcé existe, mais il reste à la traduire dans les faits. Les membres travailleurs appellent le gouvernement à ouvrir le débat et laisser la société civile aborder franchement le problème. Au terme de tant d'années, ils estiment qu'une mission de contacts directs est nécessaire pour évaluer la situation dans le pays, avant qu'une assistance technique puisse se révéler utile.
Les membres employeurs ont regretté qu'aucun progrès n'a apparemment été fait dans ce cas, malgré le fait que celui-ci a été discuté l'année dernière, ainsi qu'en 1989 et 1990. Malgré l'éloquence du représentant gouvernemental, celui-ci n'a fourni aucune nouvelle information. De plus, il ne semble pas comprendre la gravité du problème ou réaliser les mesures qui doivent être prises par rapport à la législation et à la pratique. En effet, celui-ci semble vouloir minimiser les problèmes qui demeurent encore. Cependant, par le biais de ses déclarations, il a en fait admis la persistance du travail forcé, en particulier dans l'agriculture, le travail domestique et l'élevage d'animaux. Les membres employeurs notent en outre que quiconque tente d'attirer l'attention sur ces problèmes dans le pays court le risque d'être puni. Ils demandent au gouvernement, par conséquent, de reconnaître ouvertement les problèmes qui existent encore afin que les mesures nécessaires soient prises, en mettant l'accent sur l'application de sanctions effectives pour toutes violations de la législation à cet égard. Ils appuient la proposition des membres travailleurs à l'effet qu'une mission de contacts directs soit envoyée en Mauritanie pour aider à l'application de la convention.
Le représentant gouvernemental a déclaré que l'adoption des conclusions telles qu'elles viennent d'être présentées signifierait que les débats de la présente commission sont totalement dénués de sens. Il n'a, jusqu'à présent, jamais été démontré que les allégations soutenues se soient révélées fondées. Baser des conclusions sur de telles hypothèses remettrait en cause la crédibilité de la commission et serait aussi faire bien peu de cas de la bonne volonté dont le gouvernement a toujours fait preuve.
La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental et du débat qui a suivi. La commission a partagé la préoccupation exprimée par la commission d'experts concernant l'inexistence de dispositions juridiques permettant de sanctionner l'imposition du travail forcé, et a regretté que la mission qui avait été acceptée n'ait pas eu lieu. La commission a pris note de la déclaration du représentant du gouvernement relative à l'adoption en première lecture du Code du travail et d'un projet de loi destiné à interdire la traite des personnes. La commission a exprimé sa profonde préoccupation quant à la persistance des situations qui traduisent de graves violations à l'interdiction du travail forcé. La commission a insisté auprès du gouvernement pour qu'une mission d'assistance technique, constituée sous la forme d'une mission de contacts directs, ait lieu in situ pour aider le gouvernement et les partenaires sociaux dans l'application de la convention. La commission a exprimé l'espoir que des progrès concrets sur le présent cas seront observés dans un avenir rapproché. La commission a décidé que ses conclusions devaient figurer dans un paragraphe spécial de son rapport.
Un représentant gouvernemental a estimé que la présence de son gouvernement devant la commission constitue un véritable paradoxe. En effet, jamais la Mauritanie ne s'est retrouvée dans une meilleure position depuis qu'elle a adhéré à l'OIT il y a de cela quarante ans. De nombreuses activités de promotion des normes internationales du travail y sont organisées. La Mauritanie a maintenant ratifié toutes les conventions fondamentales et a signé un mémorandum technique avec le BIT. Les différentes institutions du travail dans le pays sont remises sur pied, informatisées et rénovées, et des inspecteurs et des contrôleurs du travail sont formés. Le ministre du Travail a demandé au BIT d'entreprendre deux études approfondies sur le travail forcé et le travail des enfants. Le gouvernement a aussi remis au Bureau international du Travail l'ensemble des rapports demandés. Dans ces conditions, on a peine à comprendre que la Mauritanie figure parmi les cas soumis à l'examen de la présente commission
La population de la Mauritanie est composée d'un groupe arabe provenant de l'Afrique du Nord et d'autres groupes négro-africains provenant de l'Afrique subsaharienne. La totalité de la population est de religion musulmane. Chacun de ces groupes a connu un système de hiérarchisation entre hommes libres, professionnels et esclaves. Ce système traditionnel a toutefois été bouleversé et n'existe plus. Par contre, ce système a laissé des séquelles.
De nos jours, ce sont le pouvoir économique et le savoir qui comptent en Mauritanie. Le Code du travail adopté en 1963 interdit le travail forcé ou obligatoire, la Constitution de la Mauritanie reconnaît l'égalité entre les citoyens et des peines sont prévues pour ceux qui contreviennent à l'interdiction du travail forcé. La Mauritanie a également l'intention de réviser son Code du travail afin de renforcer l'interdiction du travail forcé. L'adoption de nouvelles lois ne suffit pas pour abolir le travail forcé. Il faut du temps et des efforts d'éducation pour changer les mentalités.
La Mauritanie est un Etat de droit, comme en atteste l'existence de partis politiques, d'organisations politiques, d'une société civile dynamique, d'une presse libre et d'un parlement doté d'une opposition. La Constitution protège également les libertés publiques. Selon le rapport du PNUD sur le développement humain, la Mauritanie occupait le 137e rang en l'an 2001, comparativement au 147e en l'an 2000. Une loi a rendu l'enseignement obligatoire pour les enfants âgés de 6 à 14 ans. Le taux de scolarisation a presque doublé en dix ans et, dans son rapport 2001, l'UNESCO cite la Mauritanie parmi les trois pays d'Afrique subsaharienne qui ont presque un taux de scolarisation universel. Pour lutter contre la pauvreté, le gouvernement de la Mauritanie a notamment mis sur pied un programme de développement urbain et un programme de lutte contre la pauvreté dans les zones rurales. Les programmes de lutte contre la pauvreté bénéficient à tous ceux répondant au profil de pauvreté, quelle que soit leur ancienne situation sociale. La condition sociale des descendants des anciens esclaves ne diffère guère de celles des personnes issues des autres castes. Ils sont riches, intellectuels, fonctionnaires, commerçants, pauvres, analphabètes.
La commission d'experts a fait preuve d'un certain manque de rigueur dans le traitement des informations dont elle disposait. La Mauritanie n'a pas reçu les observations de la CISL citées par la commission d'experts. Ces observations ont été faites au mois d'octobre 2001. Même si la Mauritanie avait reçu copie de ces observations en octobre 2001, la commission d'experts n'aurait pas dû statuer sur celles-ci avant sa session de novembre 2002. Le gouvernement déplore en outre que sa réponse de six pages n'ait fait l'objet que de trois lignes dans le rapport de la commission d'experts. En ce qui concerne les allégations de la CMT, la Mauritanie y a répondu dans le cadre de son rapport sur le suivi de la Déclaration. La Mauritanie a accepté l'envoi d'une mission en Mauritanie, et la commission d'experts aurait dû attendre le résultat de cette mission.
Le gouvernement tient à respecter les engagements qu'il a pris en ratifiant les conventions de l'OIT et sa législation respecte pleinement leurs dispositions. Le gouvernement respecte son peuple, tient à la justice sociale et ne tolère pas la pratique du travail forcé.
Les membres travailleurs ont remercié le représentant gouvernemental pour sa très longue présentation de la position de son gouvernement, là où des explications sur l'application de la convention auraient suffi. Le gouvernement ne devrait pas être surpris de se trouver sur la liste des cas à discuter puisque les violations à cette convention fondamentale sont manifestes depuis de nombreuses années. Lors de la présentation de la liste des cas l'année dernière, les membres travailleurs avaient indiqué qu'ils suivaient ce cas de près et y reviendraient si des progrès n'étaient pas constatés par la commission d'experts.
L'esclavage en Mauritanie est une réalité et la situation des esclaves et des personnes susceptibles de le devenir y est très préoccupante. Il ressort du rapport de la commission d'experts, qui reprend les communications de la CISL et de la CMT, que des pratiques esclavagistes existent dans le pays. Le problème est étendu et très complexe. Des milliers d'êtres humains sont victimes de ces pratiques et n'ont aucune liberté de quitter leurs soi-disant employeurs ni de refuser certaines tâches. La consécration de l'abolition du travail forcé par les textes n'a pas mis fin aux pratiques esclavagistes dans ce pays. Il est choquant de constater la persistance et la gravité du phénomène, même si le gouvernement prétend qu'il ne s'agit là que de séquelles, ce qui revient à banaliser, voire nier l'existence du problème. Un séminaire sur le travail servile organisé par la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM), qui devait avoir lieu à Kiffa du 15 au 18 septembre 2001, a été interdit par le gouverneur de la ville, au motif qu'il n'avait pas été préalablement autorisé et que le travail forcé n'existait pas dans le pays. Cette négation du problème se manifeste également par l'absence de disposition prévoyant des sanctions dans l'ordonnance no 81-234 de 1981 sur l'abolition de l'esclavage. Ni cette ordonnance ni d'autres normes ne contiennent de dispositions permettant de sanctionner pénalement le fait d'exiger du travail forcé. Il est inconcevable qu'une règle juridique régissant des libertés individuelles fondamentales ne soit pas assortie de sanctions significatives et, comme le souligne la commission d'experts, cela est clairement en contradiction avec l'article 25 de la convention. La gravité des violations des libertés fondamentales mentionnées dans ce cas requiert que le gouvernement prenne des mesures concrètes pour éradiquer le travail forcé, notamment en sensibilisant les intéressés et en sanctionnant sévèrement tous les contrevenants, et qu'il accepte une mission de contacts directs de l'OIT afin de l'aider à mettre un terme à cette situation. Le gouvernement, en concertation avec les acteurs concernés, notamment les organisations de travailleurs et d'employeurs, doit mener une politique cohérente pour régler ce problème.
Les membres employeurs ont remercié le membre du gouvernement pour les informations détaillées qu'il a fournies et dont ils supposent qu'elles sont incluses dans le rapport que le gouvernement a indiqué avoir transmis en octobre 2001. Cette question a été soulevée par les membres employeurs lors de la discussion générale car il semble que le rapport du gouvernement et celui de la CISL, lequel est cité dans les observations de la commission d'experts, ont été reçus au même moment mais que seulement un point de vue a été pris en considération.
Les membres employeurs ont noté que le représentant gouvernemental a mis l'accent sur la ratification par son pays des conventions fondamentales. L'adhésion à ces principes est cependant très différente de l'application pratique des dispositions des conventions. En fait, considérant les commentaires faits sur la situation politique et sociale du pays, on peut conclure que, nonobstant les dispositions de la convention, l'existence du parlement et la législation sur l'égalité de 1963, la question en cause est un problème pratique en relation avec l'application et la mise en œuvre des lois de façon à éradiquer en pratique le travail forcé. Le représentant gouvernemental a admis que des problèmes de comportements doivent être résolus, confirmant ainsi que le travail forcé existe au pays. Le représentant gouvernemental semble dire que la loi existe mais qu'elle n'est pas appliquée en pratique.
Le cas de la Mauritanie a été examiné à quatre reprises par la commission depuis 1982. Vingt ans plus tard, plus de progrès étaient attendus en vue de mettre fin au problème de l'esclavage. Face aux allégations des organisations de travailleurs et des organisations non gouvernementales, précédemment niées par le gouvernement, il a été admis que certaines séquelles de travail forcé demeurent mais se limitent à des groupes économiquement faibles. La seule façon de vérifier la situation réelle est d'aller dans le pays et d'observer ce qui s'y passe. La demande formulée par la commission d'experts afin que le gouvernement accepte une mission de coopération technique est raisonnable. Les membres employeurs ont demandé au représentant gouvernemental s'il trouvait cela acceptable.
Une deuxième question, qui n'a pas été soulevée par le représentant gouvernemental, est de savoir s'il existe une loi en Mauritanie qui punit l'exigence du travail forcé. La commission d'experts note que l'interdiction légale d'exiger du travail forcé est limitée aux relations contractuelles entre employeurs et employés, mais ne couvre pas les relations informelles existantes dans toute société. De l'information supplémentaire devrait être fournie relativement à cette lacune législative et afin de démontrer qu'en pratique des pénalités sont imposées à ceux qui sont responsables du travail forcé.
Une autre question qui n'a pas été abordée par le représentant du gouvernement a trait aux pouvoirs conférés aux dirigeants locaux par l'ordonnance de 1962 leur permettant de réquisitionner du travail et à la possibilité de réquisitionner du travail dans le cadre de services essentiels, sous peine d'emprisonnement ou de l'imposition d'une amende, pour les gens qui refusent d'obéir à l'ordre, en vertu de la loi de 1970. La commission d'experts a demandé de plus amples informations au gouvernement sur les établissements pour lesquels les employés pourraient être appelés à travailler dans l'éventualité d'une grève.
En conclusion, il y a de nombreuses carences dans la législation et un grave problème d'application dans la pratique. Plus d'informations doivent être fournies sur ces aspects même si l'on retrouve de l'information sur ce sujet dans le rapport mentionné par le représentant gouvernemental. Les membres employeurs ont déclaré attendre impatiemment les résultats de l'analyse de cette information par la commission d'experts.
Un membre travailleur de la Mauritanie a rappelé que ce cas porte essentiellement sur deux aspects: des pratiques d'esclavage et les réquisitions de main-d'œuvre, sous la menace de sanctions, que le droit mauritanien autorise encore. Il y a lieu de mener des investigations plus poussées en ce qui concerne le premier élément. La Confédération libre des travailleurs de Mauritanie reste cependant préoccupée par les conséquences de l'échec des réformes foncières qui avaient été décidées lors de l'abolition officielle de l'esclavage. L'accaparement des terres par des milieux affairistes a, en effet, des années plus tard, des conséquences désastreuses sur le plan économique. En ce qui concerne la possibilité, toujours inscrite dans le droit national, de réquisitionner de la main-d'œuvre, bien que le Code du travail n'ait pas encore été révisé, des améliorations sensibles peuvent être constatées. L'abrogation de la loi qui instituait l'unicité syndicale et soumettait la création de syndicats à autorisation préalable, par exemple, atteste de cette évolution positive.
Le membre travailleur du Niger a déclaré que, s'il est important de ratifier une convention, il est non moins important de l'appliquer de manière effective. La convention no 29 sur le travail forcé touche à la dignité de l'être humain, une préoccupation universelle pour tous les Membres de l'OIT. L'esclavage est une triste réalité en Mauritanie et les éléments recueillis par la CMT et la CISL établissent la persistance de ce phénomène. Le gouvernement mauritanien ne fait rien devant cette situation. L'ordonnance no 81-234 de 1981 ne sanctionne pas pénalement le fait d'avoir imposé du travail forcé. En employant des expressions telle que "séquelles de l'esclavage", le représentant gouvernemental démontre sa volonté de minorer le problème. L'interdiction du séminaire sur le travail servile, qui était programmé à Kiffa du 15 au 18 septembre par la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie, interdiction décidée au seul motif que ce séminaire n'était pas autorisé et qu'il n'existe pas d'esclavage en Mauritanie, est beaucoup plus éloquente quant à la volonté réelle du gouvernement.
Un autre membre travailleur de la Mauritanie, rappelant que la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie est affiliée à la CISL, a déclaré que les éléments dont on dispose établissent l'existence incontestable d'une dynamique allant dans le sens de l'éradication des séquelles du fléau que constitue l'esclavage. Il convient d'encourager l'envoi d'une mission sur place afin d'établir la réalité aussi bien des éléments avancés par la CISL que des déclarations du gouvernement.
Le représentant gouvernemental a déclaré que les affirmations avancées par la CISL à propos de certaines pratiques relevant de l'esclavage en Mauritanie conduisent à se demander si c'est bien de ce pays que l'on parle. Il convient en effet de reconnaître que, même sous le régime militaire qui a précédé, ni les organes compétents des Nations Unies ni divers rapports émanant notamment du gouvernement des Etats-Unis n'ont jamais constaté l'existence de telles pratiques. Il n'y a, en Mauritanie, aucune pratique de travail forcé, fût-elle isolée. Le Code du travail prévoit des sanctions et il est dans l'intention du gouvernement de les développer. Sur le plan historique, l'ordonnance de 1980 interdisant le travail forcé ne constituait qu'une démarche formelle entérinant une interdiction déjà acquise.
Un autre représentant gouvernemental a signalé que la Mauritanie n'a jamais été citée devant la Commission de la Conférence à propos de la convention no 29, que ce pays a adhéré à la Déclaration de l'OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qu'il a lui-même demandé au BIT une étude en vue de promouvoir la Déclaration et que les conclusions de cette étude ont d'ailleurs été entérinées par les partenaires sociaux. Par ailleurs, en mars 2002, le Conseil national du travail a examiné un projet de Code du travail, qui comporte, comme l'instrument précédent, des dispositions condamnant le travail forcé. Quant aux décrets concernant le travail obligatoire qui doivent être modifiés, il est certain qu'ils le seront.
Les membres employeurs ont rappelé qu'il n'existe aucune loi sanctionnant l'imposition de travail forcé, ce qui rend toujours possible la réquisition de main-d'œuvre. Une grave carence demeure donc dans la pratique. En refusant apparemment une mission d'assistance technique, le gouvernement n'a pas une attitude cohérente par rapport à ses intentions annoncées lors de son intervention devant cette commission. En conséquence, les conclusions doivent souligner que les discussions qui ont eu lieu pendant la Commission de la Conférence sont analogues à celles qui se sont tenues en 1990, et ce malgré la ratification de toutes les conventions fondamentales par le gouvernement et l'assistance technique fournie dans l'intervalle en vertu de la Déclaration.
Les membres travailleurs ont rappelé que c'est à propos de la convention no 81 que la Mauritanie a été citée devant cette même commission en 2000. En ce qui concerne certaines pratiques signalées dans l'observation de la commission d'experts comme caractéristiques d'une violation de la convention no 29, les éléments avancés proviennent de bonnes sources.
Les membres travailleurs ont déclaré souhaiter que le gouvernement soit prié de faire le nécessaire pour mener une campagne d'information auprès de l'ensemble de la population à propos des problèmes de travail forcé et des alternatives qui se présentent. Le gouvernement doit favoriser l'intégration des personnes tirées de la servitude dans la société et sur le marché du travail. La législation doit être modifiée afin d'être rendue conforme aux dispositions de la convention. En particulier, le droit national doit prévoir des sanctions, lesquelles doivent être effectivement appliquées pour réprimer les pratiques de travail forcé. Enfin, il conviendrait que le gouvernement accepte une mission de contacts directs du BIT, qui pourrait évaluer la situation de manière objective dans toutes les régions du pays et aider le gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux, à mener une politique cohérente face à ce problème.
Le représentant gouvernemental a tenu à rappeler que le gouvernement n'a pas reconnu l'existence de pratiques de travail forcé, fussent-elles isolées, dans le pays.
Le représentant du Secrétaire général a rappelé que, comme indiqué dans sa réponse aux différentes questions soulevées lors de la discussion générale, la pratique veut que les observations émanant d'organisations de travailleurs et d'employeurs soient communiquées systématiquement au gouvernement pour commentaires. Dans l'attente de la réponse du gouvernement, la commission d'experts prend note des observations des organisations d'employeurs comme des organisations de travailleurs et invite le gouvernement à y répondre mais ne tire pas, à ce stade, de conclusions. Ce n'est qu'une fois la réponse du gouvernement reçue, ou bien dans le cas où le gouvernement ne fournit pas de réponse alors qu'il a eu l'occasion de le faire, que la commission examine les observations reçues quant au fond.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et du débat qui a suivi. La commission a rappelé que ce cas a fait l'objet de plusieurs discussions, en 1989 et 1990, à l'occasion desquelles elle avait conclu à une violation grave de la convention. La commission a pris note des informations communiquées par le représentant gouvernemental indiquant que l'état de droit prévalant dans le pays empêche que des situations telles que celles qui ont été décrites puissent exister, que la Mauritanie a ratifié les huit conventions fondamentales, que l'inspection du travail a été renforcée et que des programmes de lutte contre la pauvreté ont été mis en place. La commission a relevé avec préoccupation, comme l'a fait la commission d'experts, que les organisations de travailleurs continuent d'alléguer une violation grave de la convention en raison de l'existence de pratiques de travail forcé, de l'absence de sanctions à l'égard des responsables et de l'ambiguïté des dispositions juridiques en matière de réquisition de main-d'œuvre. Elle a également noté que le gouvernement a réaffirmé que les pratiques alléguées ne pourraient avoir qu'un caractère isolé et ne sauraient être que les séquelles d'un phénomène historique. La commission a pris note du fait que le gouvernement a donné son accord pour qu'une mission technique du BIT se rende dans le pays afin d'examiner avec lui les modalités d'une étude sur le travail forcé et le travail des enfants, et elle espère que ce premier pas sera suivi des mesures nécessaires, sur le plan juridique, économique et éducatif, pour mettre un terme aux pratiques de travail forcé.
Un représentant gouvernemental a déclaré que la situation décrite dans le rapport de la commission d'experts ne correspond plus à la réalité depuis déjà plusieurs années. L'esclavage n'existe plus dans son pays, tous les citoyens ayant les mêmes droits et les mêmes devoirs. Le problème qui se pose est celui de la mise en conformité de l'ordonnance no 81-234 portant abolition de l'esclavage. Cette ordonnance renvoie en effet, pour son application, à la publication d'un décret qui devrait donner effet à son article 3 prévoyant une compensation des ayants droit. Pour verser la compensation prévue par l'article 3 de cette ordonnance, un décret serait donc nécessaire. Le gouvernement est conscient de la nécessité de prendre les dispositions indispensables à la mise en oeuvre de ladite ordonnance, et il étudie actuellement la question de savoir s'il doit abroger l'article 3 relatif à la compensation des ayants droit ou lui donner effet. Le gouvernement a déjà démontré sa bonne foi et sa volonté de tenir compte des observations de la commission d'experts en donnant aux autorités régionales des instructions relatives aux sanctions appliquées aux contrevenants aux dispositions législatives et réglementaires qui interdisent l'esclavage. L'article 56A du Code pénal prévoit des sanctions pénales pour les infractions en la matière. La question qui préoccupe la présente commission est donc à l'étude et celle-ci peut être assurée que son gouvernement y apportera une solution conforme aux observations de la commission d'experts. S'agissant de la réquisition de main-d'oeuvre, l'orateur a réitéré ses déclarations antérieures selon lesquelles des mesures sont envisagées pour mettre la législation nationale en conformité avec les dispositions de l'article 2 de la convention. La réimplantation des structures syndicales permettra de soumettre au Conseil national du travail le projet de Code du travail élaboré avec le concours du BIT. Une fois adopté, ce code permettra de régler plusieurs problèmes en suspens. Son gouvernement a "demandé" l'assistance du BIT pour réexaminer l'ensemble du projet à la lumière de l'évolution de la situation.
Les membres employeurs ont déploré devoir réitérer leurs remarques de l'année précédente puisque la Mauritanie n'a pas présenté de rapport. Depuis longtemps, de nombreuses informations indiquent que l'esclavage n'a pas totalement disparu dans les faits bien que depuis 1963 le travail forcé soit interdit par le Code du travail et passible de sanctions pénales. En outre, en 1980 et 1981, une ordonnance sur l'abolition de l'esclavage et une ordonnance prévoyant le versement de compensations à ceux qui jusque-là avaient des esclaves ont été adoptées. Or aucune disposition d'application n'ayant été prise pour dédommager ceux qui devaient perdre leurs esclaves, de ce fait, ils continuent d'exiger le travail de ces derniers. Le gouvernement refuse maintenant de donner suite à ses propres intentions et de prendre des dispositions pour le versement de compensations car ceci étant interdit n'aurait pas besoin d'être compensé financièrement. Cela paraît logique, mais la pratique semble montrer que le problème ne peut pas être résolu ainsi. Le représentant gouvernemental n'a fait que répéter ce que la présente commission a déjà entendu auparavant, à savoir que le problème n'existe pas dans la pratique, mais que le gouvernement fera de son mieux pour le résoudre. La politique du gouvernement n'est pas conséquente et ne dénote aucune volonté de prendre les mesures nécessaires pour l'élimination effective de l'esclavage. Se référant à la déclaration du représentant gouvernemental selon laquelle la question est à l'étude, les membres employeurs ont rappelé que la présente commission a déjà été saisie du problème en 1984, en 1986 et en 1989, sans résultat semble-t-il. Qu'en est-il en particulier de la question importante des compensations dont le représentant gouvernemental n'a pas soufflé mot aujourd'hui? En tout état de cause, il faut absolument mettre fin à la pratique de l'esclavage. Par ailleurs, en ce qui concerne la réquisition de la main-d'oeuvre, le gouvernement prétend depuis fort longtemps reconnaître la nécessité de réviser la législation et il n'est que temps qu'un projet soit déposé et que l'on dépasse le stade des proclamations d'intention.
Les membres travailleurs ont exprimé leur accord total avec les membres employeurs. En ce qui concerne la question des compensations, il ressort du rapport de la commission d'experts que le gouvernement entend supprimer cette disposition, car il serait aberrant de prévoir des compensations pour une activité déclarée illégale. Il faudrait savoir quelle est exactement la position du gouvernement sur cette question. Est-il disposé oui ou non à verser les compensations prévues?
Le représentant gouvernemental, en réponse aux interventions des membres employeurs et travailleurs, a réaffirmé que l'esclavage n'existe pas en Mauritanie et qu'il est en désaccord avec les observations de la commission d'experts sur ce point précis. Par contre, il est tout à fait exact que l'ordonnance no 81-234 n'est pas conforme à la présente convention et qu'il faut y remédier. En ce qui concerne la question des compensations, la question est à l'étude, cela suppose l'intervention tant du gouvernement que de l'Assemblée nationale. L'alternative sur ce point est la suivante: soit supprimer l'article 3 de l'ordonnance 81-234 qui prévoit l'octroi de compensations par le biais d'un décret d'application, auquel cas l'ordonnance deviendrait conforme à la convention, soit adopter un décret d'application de l'article 3, afin de verser des compensations, ce qui mettrait également l'ordonnance en conformité avec la convention. Ainsi, quelle que soit la solution retenue, elle sera conforme aux exigences de la convention.
Les membres employeurs ont déclaré que le caractère imprécis des déclarations du représentant gouvernemental montrait que le gouvernement n'avait pas encore défini la manière dont il s'acquitterait de ses obligations. En conséquence, les membres employeurs ne peuvent qu'exprimer leur très profonde préoccupation face à la persistance du problème qui a déjà été discuté plusieurs fois par la présente commission.
Les membres travailleurs ont souscrit totalement aux remarques des membres employeurs et se sont associés à l'expression de leur préoccupation. Il faut insister sur le fait qu'il ne suffit pas à un pays qui a ratifié la convention d'interdire l'esclavage, ce pays a aussi l'obligation d'assurer que les sanctions sont réellement efficaces et strictement appliquées. Les demandes d'informations précises de la commission d'experts n'ont reçu aucune réponse sur ce point. En ce qui concerne le problème de la réquisition de la main-d'oeuvre, il est indiqué dans le rapport de la commission d'experts qu'en 1986 le représentant gouvernemental à la présente commission avait annoncé que les mesures nécessaires pour donner effet aux dispositions de la convention avaient été prises. Or aujourd'hui ce problème serait toujours à l'étude. Des précisions seraient utiles en la matière.
Le représentant gouvernemental, en réponse à l'intervention des membres employeurs, a déclaré que son gouvernement ferait tout son possible pour donner satisfaction à l'ensemble des observations de la présente commission. En ce qui concerne la remarque des membres travailleurs sur les mesures prises en matière de réquisition de main-d'oeuvre pour donner effet à la convention, des retards sont intervenus en raison de la réimplantation des structures syndicales qui n'a pris fin qu'en avril 1989, puis des incidents qui ont éclaté aux frontières du pays.
Le membre travailleur du Sénégal a déploré qu'il subsiste en Afrique un pays où l'esclavage soit pratiqué. Il a soutenu les interventions des membres employeurs et des membres travailleurs et a demandé à la commission d'insister fermement sur la nécessité d'appliquer cette convention.
Le membre travailleur du Botswana a demandé des informations plus précises sur les intentions du gouvernement au sujet de l'article 3 de l'ordonnance 81-234 et du versement de compensations. Par ailleurs, des assurances peuvent-elles être données à la présente commission que des informations seront communiquées au BIT en ce qui concerne les poursuites engagées contre ceux qui violent les dispositions interdisant l'esclavage et les sanctions qui leur ont été infligées? Enfin, le gouvernement peut-il communiquer au BIT tout instrument qui porterait abrogation de l'article 3 de l'ordonnance susmentionnée?
Le représentant gouvernemental a, en réponse à ces questions, réitéré l'engagement de son gouvernement de tout mettre en oeuvre pour que la législation nationale soit conforme à la convention.
Les membres travailleurs, exprimant à nouveau leur très grande préoccupation, ont déclaré qu'il fallait insister auprès du gouvernement pour qu'il prenne sans retard des mesures concrètes et envoie les informations concrètes demandées par la commission d'experts. Ils ont exprimé l'espoir que, sur la base de ces informations, la commission pourrait, l'année prochaine, constater des progrès, faute de quoi elle se verrait dans l'obligation de parvenir à des conclusions différentes.
La commission a pris note des informations fournies par le gouvernement mais elle a déploré que celui-ci n'ait pas été plus précis, notamment sur les points soulevés par la commission d'experts. Elle a également pris note de la demande adressée au Directeur général du BIT d'envoyer une mission dans le pays qui pourrait aider à modifier la législation de manière à assurer la mise en oeuvre de la convention. Profondément préoccupée, la commission a exprimé le ferme espoir que le gouvernement serait, dans un très proche avenir, en mesure de donner des informations complètes et détaillées sur la législation et la pratique. Elle a fait observer qu'elle pourrait aboutir à des conclusions de nature différente si le gouvernement manquait de le faire, et elle a prié le gouvernement d'envoyer un nouveau rapport détaillé à temps pour examen par la commission d'experts, de sorte que la présente commission puisse discuter de la situation en 1991.
En ce qui concerne la Mauritanie et la convention no 29, les membres employeurs ont rappelé que la question de l'élimination de l'esclavage a été source de problèmes pendant de nombreuses années. La commission d'experts a noté avec regret que les mesures nécessaires n'ont pas encore été prises pour mettre en oeuvre une loi abolissant l'esclavage. Des discussions ont eu lieu les années passées avec le gouvernement et les membres employeurs ne sont pas convaincus que l'esclavage n'est plus pratiqué. Cela devrait donc figurer au rapport de la commission au titre de la convention no 29 en ce qui concerne la Mauritanie.
Les membres travailleurs se sont associés aux propos des membres employeurs.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Esclavage et pratiques analogues. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que la mission d’investigation qui s’était rendue en Mauritanie en 2006, à la demande de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail, avait pu constater un certain nombre de développements positifs qui témoignaient de l’engagement du gouvernement à combattre l’esclavage et ses séquelles. Elle avait relevé que le gouvernement s’était engagé à tenir compte des recommandations formulées par la mission d’investigation dans l’élaboration de la stratégie nationale de lutte contre les pratiques esclavagistes. A cet égard, la commission avait pu noter l’adoption, le 9 août 2007, de la loi no 2007/48 portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes. Elle avait demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour s’assurer de l’application effective de la loi et de la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre les pratiques esclavagistes.
a) Application effective de la législation. La commission rappelle que la loi no 2007/48 définit, incrimine et réprime les pratiques esclavagistes en distinguant les crimes d’esclavage des délits d’esclavage. Parmi ces délits, «quiconque s’approprie les biens, les fruits et les revenus résultant du travail de toute personne prétendue esclave ou extorque ses fonds est punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50 000 à 200 000 ouguiyas» (art. 6). Constituent également des délits d’esclavage notamment le fait de porter atteinte à l’intégrité physique d’une personne prétendue esclave et le fait de priver un enfant prétendu esclave de l’accès à l’éducation (art. 5 et 7). Par ailleurs, les Walis, Hakems, chefs d’arrondissement, officiers ou agents de police judiciaire qui ne donnent pas suite aux dénonciations de pratiques esclavagistes portées à leur connaissance sont passibles d’une peine de prison et d’une amende (art. 12). Enfin, les associations des droits de l’homme sont habilitées à dénoncer les infractions à la loi et à assister les victimes, ces dernières bénéficiant de la gratuité de la procédure judiciaire (art. 15).
La commission avait considéré que l’adoption de cette loi constituait un premier pas important pour combattre l’esclavage et que le défi résiderait dorénavant dans l’application effective de la législation de telle sorte que les victimes puissent effectivement faire valoir leurs droits et les responsables de la persistance de l’esclavage être condamnés et sanctionnés. Elle avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour que, d’une part, la loi fasse l’objet d’une large publicité auprès des forces de l’ordre et des autorités judiciaires ainsi que de la population en général et pour que, d’autre part, les enquêtes soient diligentées de manière rapide, efficace et impartiale lorsque des dénonciations sont portées à la connaissance des autorités.
S’agissant du premier point, le gouvernement indique dans son rapport que la loi incriminant l’esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes a fait l’objet d’une intense vulgarisation et que toutes les mesures ont été prises pour assurer la publicité des dispositions de la loi de manière à favoriser la compréhension de la nature criminelle de l’esclavage. La commission prend note de cette campagne nationale de sensibilisation sur le contenu de la loi, qui s’est déroulée en février 2008. Elle relève qu’elle a été menée dans de nombreuses régions du pays. Ainsi, les missions de supervision de la campagne au niveau régional ont organisé des meetings ou des réunions au cours desquels les dispositions de la loi ont pu être expliquées à la population. Ces missions étaient généralement composées de représentants du gouvernement, des autorités locales, des autorités religieuses, de la Commission nationale des droits de l’homme et des ONG actives dans ce domaine. La commission observe que cette campagne, menée juste après l’entrée en vigueur de la loi, a certainement constitué un signal important envoyé à la société civile dans la mesure où la campagne a compté avec la présence des membres du gouvernement et des différentes autorités qui ont pu afficher leur volonté de combattre l’esclavage. La commission espère que le gouvernement prendra toutes les mesures adéquates pour continuer à mener des actions de sensibilisation sur la loi et sur la problématique de l’esclavage en général en ciblant plus particulièrement les groupes les plus vulnérables et les personnes qui sont les premières en contact avec les victimes.
La commission souligne qu’il est d’autant plus important que le processus de sensibilisation se poursuive et s’intensifie qu’il ne semble pas, d’après les informations dont dispose la commission, que les victimes parviennent effectivement à faire valoir leurs droits. La commission constate que le gouvernement ne fournit aucune information sur les plaintes déposées par les victimes ou les ONG qui les représentent, sur les enquêtes diligentées, ou sur l’initiation de poursuites judiciaires. La commission est également préoccupée par l’absence d’informations sur les mesures prises par le gouvernement pour inciter et assister les victimes dans leurs démarches. Elle s’était déjà inquiétée, par le passé, du fait que les victimes rencontraient des difficultés pour être entendues et faire valoir leurs droits, tant au niveau des autorités relevant de la force publique que de l’autorité judiciaire. Elle avait à cet égard considéré que les dispositions des articles 12 et 15 de la loi (assistance des victimes, poursuite des autorités qui ne donnent pas suite aux dénonciations de pratiques esclavagistes qui sont portées à leur connaissance) auraient pu contribuer à lever les obstacles à l’accès à la justice.
La commission rappelle que, en vertu de l’article 25 de la convention, les Etats qui ratifient la convention ont l’obligation de s’assurer que les sanctions pénales prévues par la loi pour exaction de travail forcé sont réellement efficaces et strictement appliquées. Elle considère que l’absence d’actions en justice de la part des victimes peut être révélatrice de l’ignorance des recours disponibles, de la crainte de réprobation sociale ou de représailles, ou encore du manque de volonté des autorités chargées d’engager les poursuites. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour s’assurer que les victimes sont effectivement en mesure de s’adresser aux autorités policières et judiciaires afin de faire valoir leurs droits et que les enquêtes sont diligentées de manière rapide, efficace et impartiale. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur le nombre de cas d’esclavage qui ont été signalés aux autorités, le nombre de ceux pour lesquels une enquête a été menée et le nombre de ceux qui ont abouti à une action en justice. Prière d’indiquer si les poursuites ont été initiées suite à l’action de la victime ou du ministère public et de communiquer copie de tout jugement qui aurait été prononcé.
La commission note qu’une mission d’assistance technique s’est rendue en Mauritanie en février 2008 au cours de laquelle le suivi des recommandations de la mission d’investigation a été discuté. La commission relève que la mission a été informée que la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), qui a pour mandat d’examiner les situations d’atteintes aux droits de l’homme constatées ou portées à sa connaissance et d’entreprendre toute action appropriée, a eu à connaître d’allégations d’esclavage. Dans de tels cas, la commission dépêche un de ses membres sur place et, à l’issue des investigations, transmet un rapport contenant des recommandations au Président de la République. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les cas portés à la connaissance de la CNDH, les recommandations formulées et les suites qui ont été données à ces recommandations.
b) Stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. Notant que le Conseil des ministres avait adopté en 2006 le principe de l’élaboration d’une stratégie nationale de lutte contre l’esclavage et qu’un comité interministériel avait été mis en place à cet effet, la commission avait demandé au gouvernement d’indiquer si cette stratégie avait été effectivement adoptée et de fournir des informations détaillées sur les mesures concrètes prises dans ce contexte.
Dans son rapport, le gouvernement indique que la stratégie nationale de lutte contre les pratiques esclavagistes n’a pas été adoptée. Par contre, le Commissariat aux droits de l’homme, à l’action humanitaire et aux relations avec la société civile a mis en place un plan national de lutte contre les séquelles de l’esclavage, budgétisé à un milliard d’ouguiyas, qui couvre les domaines de l’éducation, la santé et les activités génératrices de revenus dans le triangle de la pauvreté. Le gouvernement indique également qu’il n’a toujours pas trouvé un accord avec le Programme des Nations Unies pour le développement et l’Union européenne au sujet des termes de référence de l’étude sur l’esclavage que ces institutions se proposaient de financer.
La commission note la budgétisation du plan national de lutte contre les séquelles de l’esclavage et relève que ce plan, en se concentrant sur l’éducation et les activités génératrices de revenus, entend agir sur la pauvreté dans une région identifiée par le gouvernement comme «zone géographique concernée». La commission observe néanmoins que le gouvernement ne dispose toujours pas de données fiables permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène de l’esclavage et de cerner ses caractéristiques (sociales, géographiques, etc.) et que, par conséquent, certaines victimes ou populations à risque pourraient être exclues du bénéfice des mesures prévues dans le cadre de ce plan national. La commission prie le gouvernement de communiquer copie du plan national de lutte contre l’esclavage et de fournir davantage d’informations sur les actions concrètes prises dans le cadre de ce plan. La commission attire par ailleurs l’attention du gouvernement sur l’importance d’une stratégie globale de lutte contre l’esclavage. En effet, en luttant contre la pauvreté, le plan national constitue l’un des axes de l’action pour combattre l’esclavage, cette action devrait toutefois englober d’autres mesures telles que par exemple, comme indiqué ci dessus, la sensibilisation de la société et des autorités de police et judicaires ou encore des mesures pour lutter contre l’impunité des responsables de ces pratiques. Dans ce contexte, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises ou envisagées en vue de l’adoption d’une stratégie globale de lutte contre l’esclavage et de préciser s’il entend pour cela mener une étude quantitative et qualitative sur la question de l’esclavage en Mauritanie.
La commission considère en outre que, une fois identifiées, il est important de prévoir des mesures d’accompagnement et de réinsertion des victimes. Il convient en effet d’accompagner matériellement et financièrement les victimes afin de les amener à porter plainte, d’une part, et d’éviter qu’elles ne retombent dans une situation de vulnérabilité aux termes de laquelle elles seraient de nouveau exploitées au travail, d’autre part. L’objectif étant que les victimes soient en mesure de reconstruire leur vie en dehors du foyer du maître. La commission prie le gouvernement d’indiquer si le plan national d’action envisage la création de structures destinées à faciliter la réinsertion sociale et économique des victimes. Par ailleurs, la commission souhaiterait également que le gouvernement indique si les victimes ont accès à un mécanisme de compensation du préjudice moral et matériel subi afin de pouvoir être indemnisées.
Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail pénitentiaire. Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires, dont certaines dispositions permettraient de concéder de la main-d’œuvre pénitentiaire à des particuliers. La commission avait attiré l’attention du gouvernement sur les dispositions de l’article 2, paragraphe 2 c), de la convention aux termes desquelles, pour ne pas être considéré comme du travail forcé, le travail exigé d’un individu comme conséquence d’une décision judiciaire doit être exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques, et la personne condamnée ne doit pas être concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Le gouvernement avait indiqué par le passé que, dans la pratique, la main-d’œuvre pénitentiaire n’a jamais été concédée ni mise à la disposition de particuliers. Dans son rapport de 2006, le gouvernement a précisé que le décret no 70-153 ne rentrait pas en contradiction avec les dispositions de la convention dans la mesure où il s’agit d’une «concession interne» résultant d’une décision judiciaire. En l’absence d’informations sur ce point dans son dernier rapport, la commission prie le gouvernement de préciser cette notion de «concession interne» et de confirmer que, dans la pratique, la main-d’œuvre pénitentiaire n’est pas, suite à une décision judiciaire, concédée à une entité privée (particulier ou entreprise), que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. Esclavage et pratiques analogues. La commission prend note du rapport du gouvernement et des commentaires communiqués par la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM).
Depuis de nombreuses années, tant cette commission que la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail examinent attentivement la question de l’esclavage et de ses séquelles en Mauritanie, en particulier les pratiques de travail forcé pouvant être imposées dans ce contexte. Dans ses derniers commentaires, la commission avait noté qu’à la demande de la Commission de l’application des normes de la Conférence le gouvernement avait accepté la visite d’une mission d’investigation en mai 2006. La commission avait relevé avec intérêt que la mission avait constaté un certain nombre de développements positifs témoignant de l’engagement du gouvernement à combattre l’esclavage et ses séquelles, qui n’étaient plus considérés comme une question taboue. Elle avait également noté l’indication du gouvernement selon laquelle les recommandations formulées par la mission d’investigation devraient être prises en compte dans la stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. Sur la base de ces recommandations et des informations communiquées par le gouvernement, la commission avait demandé à ce dernier de prendre des mesures supplémentaires en ce qui concerne le renforcement du dispositif législatif; l’application effective de la législation; et la stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage.
a) Législation applicable. Dans ses précédents commentaires, la commission avait souligné le caractère lacunaire de la législation. Elle avait exprimé l’espoir que, comme l’avait recommandé la mission d’investigation, le gouvernement prendrait les mesures nécessaires en vue d’adopter un texte incriminant les pratiques esclavagistes et en définissant les éléments constitutifs précisément, de manière à permettre aux juridictions de l’appliquer aisément. La commission note l’adoption par l’Assemblée nationale, le 9 août 2007, de la loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes. Dans l’exposé des motifs, le Premier ministre a relevé que l’effort normatif jusque-là entrepris n’avait pas atteint son objectif; les textes adoptés n’ayant pas prévu «de qualification explicite du phénomène ni son incrimination et sa répression dans une mesure qui tienne compte de son inhumanité». La commission note avec satisfaction que cette loi définit, incrimine et réprime les pratiques esclavagistes. L’article 2 de la loi définit l’esclavage comme l’exercice de l’un des attributs du droit de propriété ou l’ensemble de ceux-ci sur une ou plusieurs personnes. La loi distingue le crime d’esclavage des délits d’esclavage. Constitue un crime d’esclavage, passible d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende de 500 000 à 1 000 000 d’ouguiyas, le fait de réduire autrui en esclavage, ou d’inciter à aliéner sa liberté ou sa dignité ou celle d’une personne à sa charge ou sous sa tutelle pour être réduite en esclave (art. 4). Les articles 5 à 13 définissent et répriment les différents délits d’esclavage. Parmi ces délits, la commission note en particulier que «quiconque s’approprie les biens, les fruits et les revenus résultant du travail de toute personne prétendue esclave ou extorque ses fonds est punie d’un emprisonnement de six mois à deux ans et d’une amende de 50 000 à 200 000 ouguiyas». Constituent également des délits d’esclavage notamment le fait de porter atteinte à l’intégrité physique d’une personne prétendue esclave et le fait de priver un enfant prétendu esclave de l’accès à l’éducation. La commission relève en outre avec intérêt que les Walis, Hakems, chefs d’arrondissement, officiers ou agents de police judiciaire qui ne donnent pas suite aux dénonciations de pratiques esclavagistes portées à leur connaissance sont passibles d’une peine de prison et d’une amende (art. 12). Enfin, les associations des droits de l’homme sont habilitées à dénoncer les infractions à la loi et à assister les victimes, ces dernières bénéficiant de la gratuité de la procédure judiciaire (art. 15).
b) Application effective de la législation. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté que jusqu’alors les juridictions nationales n’avaient jamais été saisies d’une action en justice alléguant des pratiques relevant du travail forcé ou de l’esclavage et que les victimes rencontraient des difficultés pour être entendues et faire valoir leurs droits, tant au niveau des autorités relevant de la force publique que de l’autorité judiciaire. Elle avait noté les directives données, d’une part, par le ministre de l’Intérieur aux Walis, Hakems et chefs d’arrondissements afin de faire respecter la loi, traiter les cas dont ils auraient connaissance avec la rigueur requise et soumettre à la justice les cas relevant de leur compétence et, d’autre part, par le ministre de la Justice au parquet afin de se rendre systématiquement sur place lorsqu’une allégation concernant les séquelles de l’esclavage était portée à sa connaissance et d’enquêter.
La commission considère que la loi portant incrimination et répression des pratiques esclavagistes, dans la mesure où elle définit précisément les éléments constitutifs du crime et des délits d’esclavage, pourra être utilisée plus aisément par les autorités de poursuite et les autorités judiciaires. La commission estime qu’il est indispensable que cette loi fasse l’objet d’une large publicité auprès de ces autorités ainsi que de la population en général. Il est en effet essentiel que tant les victimes que les auteurs de ces pratiques réalisent que le climat a changé. La commission note à cet égard que le gouvernement se réfère dans son rapport à «la mobilisation de tous les médias officiels et privés en vue de la démystification de cette problématique et la sensibilisation des populations sur la gravité de la pratique esclavagiste, le frein qu’elle porte à la cohésion nationale et au développement socio-économique du pays».
La commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour assurer la publicité des dispositions de cette nouvelle loi de manière à favoriser la compréhension de la nature criminelle de l’esclavage et ses séquelles ainsi que des conséquences qui en découlent. Cette sensibilisation devrait s’étendre aux autorités publiques ainsi qu’au public en général. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises à cet égard.
La commission rappelle qu’en vertu de l’article 25 de la convention les Etats qui ratifient la convention ont l’obligation de s’assurer que les sanctions pénales prévues par la loi pour exaction de travail forcé sont réellement efficaces et strictement appliquées. La commission prie le gouvernement de prendre les mesures appropriées pour s’assurer que, d’une part, les victimes reçoivent la protection requise pour être en mesure de s’adresser aux autorités policières et judiciaires afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, les enquêtes sont diligentées de manière rapide, efficace et impartiale; les dispositions de la loi relatives à l’assistance des victimes et celles permettant de poursuivre les autorités qui ne donnent pas suite aux dénonciations de pratiques esclavagistes qui sont portées à leur connaissance contribueront certainement à atteindre cet objectif. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute décision de justice rendue en application de la loi portant incrimination de l’esclavage et des pratiques esclavagistes. L’adoption de la loi constitue un premier pas important pour combattre l’esclavage, le défi réside maintenant dans l’application effective de cette législation de manière à s’assurer que ceux qui sont responsables de la persistance de l’esclavage sont effectivement condamnés et que des sanctions dissuasives leur sont infligées.
c) Stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. La commission avait noté que le Conseil des ministres avait adopté, en juillet 2006, le principe de l’élaboration, dans le cadre d’une approche participative, d’une stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage et qu’un comité interministériel avait été mis en place à cet effet en octobre 2006. Elle avait demandé au gouvernement de fournir des informations détaillées sur l’adoption et la mise en œuvre de cette stratégie. Dans son dernier rapport, le gouvernement ne précise pas si cette stratégie a été effectivement adoptée. La commission relève cependant que le gouvernement indique qu’il s’attèlera à trouver les moyens et les mécanismes permettant de traiter les séquelles de l’esclavage à travers un plan national fixant des objectifs suivant des priorités définies englobant les secteurs de l’Etat concernés (enseignement, justice, communication, agriculture, hydraulique, jeunesse et sports). Le plan sera évalué régulièrement jusqu’à ce que ceux qui souffrent des séquelles du phénomène rattrapent le cortège de la construction, de l’égalité et de la justice. Le gouvernement se réfère à la mise en place d’une politique nationale volontariste impliquant tous les Mauritaniens et rejetant l’exclusion en donnant la priorité aux citoyens les plus démunis et les plus vulnérables, en vue de leur insertion dans la vie active. Le gouvernement mentionne, à cet égard, la nécessité de favoriser et appuyer l’émergence d’activités génératrices de revenus au profit des personnes vulnérables et ayant été victimes des séquelles de l’esclavage; de favoriser l’accès des plus pauvres et des plus vulnérables à l’enseignement professionnel en vue de faciliter leur accès à l’emploi; de favoriser, dans les agglomérations rurales pauvres, la création d’infrastructures de base (barrages, écoles, puits) en vue d’assurer une meilleure prise en charge de leurs problèmes essentiels.
La commission prend note de ces informations. Elle souhaiterait que le gouvernement indique si une stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage ou un plan national d’action ont été effectivement adoptés et, le cas échéant, qu’il en communique copie, et qu’il précise les activités menées par le comité interministériel qui avait été établi à cette fin. La commission prie, en outre, le gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur les mesures concrètes qu’il a prises ou qu’il entend prendre dans le cadre de la stratégie ou du plan national adopté. A cet égard, il conviendrait que tous les acteurs appelés à jouer un rôle dans la lutte contre l’esclavage et ses séquelles – notamment les forces de police et de maintien de l’ordre, l’appareil judiciaire, l’inspection du travail et la société civile, y compris la commission nationale des droits de l’homme et les autorités religieuses – soient parties prenantes dans cette stratégie et que la nécessité de mener des actions de sensibilisation aux niveaux national, régional et local, ciblant l’ensemble des acteurs ci-dessus mentionnés, soit prise en compte. La commission souhaiterait que le gouvernement indique de quelle manière les programmes de lutte contre la pauvreté ciblent spécifiquement les communautés au sein desquelles le phénomène lié à l’esclavage et ses séquelles est connu et perdure, ceci afin d’éviter que ces personnes vulnérables soient de nouveau victimes de ces pratiques.
Enfin, comme la mission d’investigation, la commission avait souligné qu’il était important de disposer de données fiables permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène de l’esclavage et ses caractéristiques. Elle avait espéré que le gouvernement pourrait entreprendre une étude qui permettrait de mieux orienter les actions devant être menées par les pouvoirs publics et de cibler les populations et les zones géographiques concernées. La commission relève que le PNUD et la Commission européenne ont accepté de mobiliser les financements pour la réalisation de cette étude et ont proposé au gouvernement des termes de référence, ceci en concertation avec le Bureau, qui met son assistance technique à disposition du gouvernement. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout développement intervenu à cet égard.
Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Travail pénitentiaire. Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires dont certaines dispositions permettraient de concéder de la main-d’œuvre pénitentiaire à des particuliers. Elle avait à cet égard rappelé que, en vertu de cette disposition de la convention, le travail exigé d’un individu comme conséquence d’une décision judiciaire n’est pas considéré comme du travail forcé uniquement si ce travail est exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et si ledit individu n’est pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Le gouvernement avait indiqué par le passé que, dans la pratique, la main-d’œuvre pénitentiaire n’a jamais été concédée ni mise à la disposition de particuliers. Dans son dernier rapport, le gouvernement précise qu’il s’agit d’une «concession interne» découlant d’une décision judiciaire. La commission prie le gouvernement de préciser si la main-d’œuvre pénitentiaire peut, suite à une décision judiciaire, être concédée à une entité privée (particulier ou entreprise) que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire.
1. Réquisition de personnes. La commission note avec satisfaction que l’ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 déléguant aux chefs de circonscription certaines mesures nécessaires à la sécurité de l’Etat et au maintien de l’ordre public, qui conférait aux chefs de circonscription de très larges pouvoirs de réquisition de personnes, a été abrogée par la loi no 2005-016 du 27 janvier 2005.
2. La question des séquelles de l’esclavage en Mauritanie, et les pratiques de travail forcé qui en résultent, fait l’objet d’un examen attentif de la part de la commission ainsi que de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail depuis plusieurs années. A cet égard, la commission prend note de la discussion qui a eu lieu au sujet de l’application de la convention par la Mauritanie, en juin 2005, au sein de la Commission de l’application des normes, à la suite de laquelle cette dernière a considéré que, compte tenu des informations contradictoires au sujet de la persistance des pratiques de travail forcé et d’esclavage, une mission d’investigation devait être entreprise et que cette mission devrait vérifier l’application effective de la législation nationale. Le gouvernement a accepté cette proposition, et une mission s’est rendue en Mauritanie du 13 au 20 mai 2006. La commission prend note du rapport de la mission, et notamment de ses conclusions et recommandations qui ont été communiquées au gouvernement en août 2006. La commission prend également note du rapport du gouvernement reçu au Bureau le 12 octobre 2006 qui met à jour le rapport reçu précédemment en 2005. Elle note par ailleurs que dans une communication reçue au Bureau le 29 novembre 2006, le gouvernement a indiqué que les recommandations contenues dans le rapport de mission «devraient être prises en charge dans la stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage».
a) Reconnaissance de l’existence des séquelles de l’esclavage et engagement du gouvernement à les combattre
La commission relève que la mission a noté dans les conclusions de son rapport que «le gouvernement estime qu’il existe toujours des séquelles d’esclavage résultant essentiellement de la pauvreté endémique» et qu’elle a constaté que «le discours des autorités mauritaniennes sur cette problématique avait évolué et que cette question n’était plus taboue». A cet égard, la commission note avec intérêt qu’il ressort des informations contenues dans le rapport de la mission ainsi que de celle fournies dans le rapport du gouvernement que ce dernier a pris un certain nombre de mesures qui témoignent de son engagement dans ce domaine:
– Reconnaissance des associations les plus actives dans les aspects des droits de l’homme relatifs au travail forcé, telles que SOS esclaves, l’Association mauritanienne des droits de l’homme (AMDH).
– Discussion du problème de l’esclavage ou de ses séquelles lors des journées nationales de la concertation d’octobre 2005. Ce point a été consigné dans les recommandations issues de ces journées et il a été reconnu que des mesures devraient être prises dans ce domaine.
– Organisation par le ministère de la Justice, le 24 mars 2006, d’une Journée de réflexion sur les voies et moyens d’éradiquer les séquelles de l’esclavage en Mauritanie, à laquelle ont participé les membres du gouvernement, les organisations de la société civile, notamment les ONG des droits de l’homme, les ulémas, les représentants des partis politiques, etc. La commission note qu’un comité interministériel a été chargé d’étudier les recommandations issues de cette journée et a proposé dans une communication adoptée en Conseil des ministres, le 12 juillet 2006, que «le gouvernement réaffirme solennellement et sans équivoque sa volonté d’intensifier et de systématiser la lutte contre les séquelles de l’esclavage jusqu’à l’éradication définitive et rapide de celles-ci» ainsi que «l’élaboration, dans le cadre d’une approche participative, d’une stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage».
– Adoption par le Conseil des ministres en juillet 2006 de l’ordonnance portant institution de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH). Cette institution publique indépendante serait dotée de l’autonomie administrative et financière; elle serait composée de membres désignés au titre des institutions, des organisations professionnelles et de la société civile, d’une part, et de membres désignés au titre des administrations, d’autre part. La commission constate que, parmi les fonctions de la CNDH, figure celle de «faire connaître les droits de l’homme et la lutte contre toutes les formes de discrimination et d’atteinte à la dignité humaine, notamment … les pratiques esclavagistes…, en sensibilisant l’opinion publique par l’information, la communication et l’enseignement, et en faisant appel à tous les organes de presse».
b) Législation applicable.
Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que l’article 5 du nouveau Code du travail interdit le travail forcé, défini comme un travail ou un service exigé d’une personne sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel cette personne ne s’est pas offerte de son plein gré et que toute violation de cette interdiction est passible des sanctions pénales prévues par la loi no 2003-025 du 17 juillet 2003 portant répression de la traite des personnes. La commission avait fait part de sa préoccupation face aux conséquences pratiques possibles résultant du fait que l’interdiction générale du travail forcé se trouve dans le Code du travail, alors que les sanctions figurent dans une loi spécifique réprimant un autre délit.
La commission note que la mission d’investigation avait pour objectif d’obtenir des informations sur la législation nationale et d’évaluer si celle-ci est suffisante et effectivement appliquée pour mettre fin aux séquelles de l’esclavage. Il ressort du rapport que le caractère lacunaire de la législation a été souligné par de nombreux interlocuteurs de la mission, y compris par le ministre de la Justice qui a reconnu le besoin de clarification de la législation et a souligné la nécessité de mieux caractériser les pratiques serviles, et de prévoir les sanctions adéquates dans le cadre de la réforme du Code pénal. A cet égard, la commission souscrit aux recommandations de la mission qui «estime que la définition des éléments constitutifs des pratiques esclavagistes et leur incrimination permettraient de renforcer le dispositif législatif». La commission espère que, comme l’a recommandé la mission dans son rapport, le gouvernement prendra les mesures nécessaires en vue d’«adopter un texte incriminant clairement les pratiques esclavagistes et en définissant, de façon précise, les éléments constitutifs de nature à permettre aux juridictions de l’appliquer aisément» et d’«inscrire ces innovations juridiques dans le cadre général de la révision du Code pénal en cours».
c) Application effective de la législation.
Dans ses précédents commentaires, la commission a demandé au gouvernement de communiquer des informations sur les juridictions compétentes pour recevoir les recours et sur les sanctions imposées en cas de violation de l’interdiction de recourir au travail forcé, en particulier sur le nombre de recours déposés, et de fournir copie des décisions judiciaires.
La commission note que, dans ses conclusions, la mission constate que «jusqu’à présent les juridictions nationales n’ont jamais été saisies d’une action en justice alléguant des pratiques relevant du travail forcé ou de l’esclavage. Lorsque les enquêtes sont menées, l’esclavage n’est jamais retenu pour qualifier les faits, ce qui exclut qu’une action en justice puisse être initiée sur cette base.» Il ressort de ce rapport et des informations fournies par le gouvernement dans son rapport sur l’application de la convention que les victimes rencontrent des difficultés pour être entendues et faire valoir leurs droits tant au niveau des autorités relevant de la force publique que de l’autorité judiciaire.
La commission note cependant que des mesures ont été prises dans ce domaine. Ainsi, la commission note la circulaire du 2 janvier 2006 adressée par le ministre de l’Intérieur aux Walis, Hakems et chefs d’arrondissements, suite aux recommandations issues des journées de concertation sur le processus de transition démocratique à l’occasion desquelles il a été décidé de prendre des mesures pour lutter contre les séquelles de l’esclavage. Dans cette circulaire, le ministre a demandé à ces représentants de l’Etat «de faire respecter la loi, notamment en ce qui concerne les séquelles du phénomène de l’esclavage», de traiter les cas dont ils auraient connaissance «avec la rigueur requise et de soumettre à la justice les cas qui relèvent de sa compétence. En tout état de cause, la loi doit demeurer la référence unique en la matière». La commission relève également que le ministre de la Justice a indiqué à ce sujet à la mission qu’il avait personnellement donné instruction au Parquet de se rendre systématiquement sur place lorsqu’une allégation concernant les séquelles de l’esclavage est portée à sa connaissance et d’enquêter.
S’agissant de l’accès des victimes à la justice, la commission note l’adoption, le 26 janvier 2006, de l’ordonnance no 2006-005 relative à l’aide juridique dont l’objectif est d’apporter une assistance juridique et judiciaire aux personnes les plus défavorisées.
La commission rappelle qu’en vertu de l’article 25 de la convention les Etats qui ratifient la convention ont l’obligation de s’assurer que les sanctions pénales imposées par la loi pour exaction de travail forcé sont réellement efficaces et strictement appliquées. Tout en étant consciente des difficultés que rencontre le système judiciaire et des réticences pouvant exister en ce qui concerne la question des séquelles de l’esclavage, la commission considère qu’il est important que les mesures prises par le gouvernement pour mettre fin aux séquelles de l’esclavage (sur le plan de la sensibilisation, de la lutte contre la pauvreté, etc.) s’appuient sur un système judiciaire fiable, capable d’infliger aux coupables des peines dissuasives. La commission espère donc que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour donner suite aux recommandations de la mission demandant au gouvernement «de continuer à tout mettre en œuvre pour s’assurer: que les autorités compétentes (procureurs, magistrats, policiers et gendarmes) ordonnent ou procèdent aux enquêtes, de manière rapide et impartiale, en cas de dénonciation ou de plainte concernant l’esclavage et ses manifestations; que la qualification des faits ne soit pas détournée; que, lorsqu’ils sont fondés, ces cas soient soumis aux juridictions compétentes et traités de manière prioritaire; que, le cas échéant, les sanctions imposées soient suffisamment dissuasives».
d) Stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage.
La commission note que, dans son rapport, la mission a souligné que les problèmes liés aux séquelles de l’esclavage «ont des causes diverses qui relèvent du poids de la tradition, de la culture et des croyances religieuses et qui sont renforcées par la situation de dépendance économique dans laquelle se trouvent les victimes» et que «le gouvernement a un rôle essentiel à jouer en tant que catalyseur du changement. Il doit pour cela adopter une politique active et des mesures législatives adéquates.» La commission note que, depuis lors, le Conseil des ministres a adopté le 12 juillet 2006 le principe de «l’élaboration, dans le cadre d’une approche participative, d’une stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. Cette stratégie, qui fera l’objet d’un processus continu de suivi, aura pour objectif d’identifier et de proposer toutes les mesures susceptibles d’éliminer les séquelles de l’esclavage, à la lumière notamment des recommandations des Journées nationales de la concertation.» Elle note également qu’un comité interministériel a été mis en place à cet effet en octobre 2006.
La commission considère que, dans le cadre de cette stratégie, il est important, comme l’a souligné la mission dans son rapport de disposer «de données fiables permettant d’évaluer l’ampleur du phénomène d’esclavage et ses caractéristiques». L’absence de ces données pouvant «constituer un obstacle à la mise en œuvre d’une politique de lutte efficace». La commission espère que le gouvernement pourra mener à bien une telle étude, avec l’assistance technique du Bureau et des autres organisations internationales qui ont fait part de leur intérêt à coopérer avec le gouvernement dans ce domaine. Une telle étude permettrait de mieux orienter les actions devant être menées par les pouvoirs publics et de cibler les populations et les zones géographiques concernées.
De manière plus générale, la commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre les séquelles de l’esclavage. Elle espère qu’au moment de définir cette stratégie le gouvernement tiendra compte de l’ensemble des recommandations formulées par la mission, comme il l’a indiqué dans une communication adressée au Bureau en novembre 2006. La commission considère à cet égard que tous les acteurs appelés à jouer un rôle dans la lutte contre ces pratiques – notamment les partenaires sociaux, les forces de police et de maintien de l’ordre, l’appareil judiciaire, l’inspection du travail et la société civile, y compris les autorités religieuses – devront être parties prenantes dans cette stratégie. Elle espère également que, parmi les mesures qui seront adoptées dans le cadre de cette stratégie nationale, le gouvernement tiendra compte de la nécessité de mener des actions de sensibilisation aux niveaux national, régional et local, ciblant l’ensemble des acteurs ci-dessus mentionnés. De même, il conviendra de mettre en œuvre dans un cadre concerté des programmes de lutte contre la pauvreté, ciblant plus spécifiquement les communautés au sein desquelles le phénomène lié aux séquelles de l’esclavage est connu et perdure, ceci afin d’éviter que ces personnes vulnérables soient de nouveau victimes de ces pratiques.
Article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires dont certaines dispositions permettraient de concéder de la main-d’œuvre pénitentiaire à des particuliers. Le gouvernement avait antérieurement indiqué son intention de modifier ce décret. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique qu’il s’agit d’une concession interne. La commission rappelle qu’en vertu de cette disposition de la convention le travail exigé d’un individu comme conséquence d’une décision judiciaire n’est pas considéré comme du travail forcé uniquement si ce travail est exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et si ledit individu n’est pas concédé ou mis à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées. Dans ces conditions, la commission espère que le gouvernement pendra les mesures nécessaires pour modifier le décret susmentionné, ceci pour éviter toute ambiguïté et mettre la législation nationale en conformité avec la convention.
La commission rappelle que la question de la persistance de l’esclavage en Mauritanie est discutée depuis de nombreuses années et plus récemment en 2003 à la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail.
1. La commission prend note des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport du 28 septembre 2004 ainsi que du rapport de la mission de contacts directs qui s’est déroulée du 9 au 13 mai 2004. La commission note également les commentaires sur l’application de la convention, communiqués par la Confédération mondiale du travail (CMT) le 30 août et le 2 septembre 2004 et transmis au gouvernement respectivement le 1er et le 13 septembre 2004, ainsi que les commentaires communiqués par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) le 1er septembre 2004 et transmis au gouvernement le 14 septembre.
Eradication dans la pratique des séquelles de l’esclavage. 2. Depuis de nombreuses années, la commission examine la question relative aux personnes, descendants d’anciens esclaves, qui, selon les commentaires reçus des organisations de travailleurs sur l’application de la convention, seraient soumises à des conditions de travail relevant de la convention dans la mesure où elles sont obligées de travailler pour une personne qui revendique le droit de pouvoir imposer ce travail en sa qualité de «maître». La commission prend note de l’adoption du nouveau Code du travail, entré en vigueur le 6 juillet 2004 selon les indications du gouvernement. L’article 5 du nouveau Code prévoit l’interdiction générale du travail forcé, défini comme un travail ou un service exigé d’une personne sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel cette personne ne s’est pas offerte de son plein gré. La commission note avec intérêt que cette nouvelle disposition étend l’interdiction du travail forcéà toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d’un contrat de travail.
Persistance du phénomène. 3. Dans sa précédente observation, la commission avait relevé que les allégations graves et concordantes de certaines organisations syndicales qui font état de la persistance de pratiques de travail forcé, séquelles de l’esclavage juridiquement aboli, n’étaient pas reconnues par le gouvernement. La commission note à cet égard qu’aux termes du rapport de la mission de contacts directs «la pratique du travail forcé est tout à fait exceptionnelle pour les autorités gouvernementales de la Mauritanie, somme toute pas plus développée que dans certaines métropoles du monde industrialisé» et pour le Conseil national du patronat mauritanien (CNPM) et l’Union des travailleurs de Mauritanie, «ces pratiques sont inexistantes». Elle note également que, selon le rapport du gouvernement de septembre 2004, la question de l’esclavage en Mauritanie est traitée dans le cadre d’une campagne fallacieuse et repose sur des allégations fantaisistes.
4. La commission note néanmoins d’après le rapport de la mission de contacts directs que, selon la Confédération générale des travailleurs de Mauritanie (CGTM), «les discours ou les textes ne sont pas suivis d’effet» et, selon la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM), «les situations de travail forcé existent sur une large échelle en Mauritanie». La commission prend également note du rapport de l’organisation SOS esclaves 2004, joint aux commentaires de la Confédération mondiale du travail (CMT) et de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL). Pour la CMT et la CISL, le travail forcé continue d’exister en Mauritanie et les nombreux témoignages contenus dans le document de SOS esclaves illustrent cette réalité. Selon le rapport de SOS esclaves, «les pratiques de l’esclavage sont encore très courantes en Mauritanie, en dépit des textes de son abolition; le personnel de l’Etat, par sa socialisation conservatrice, reste peu sensible au caractère scandaleux de l’esclavage et il y a collusion entre les «maîtres» et le système judiciaire». Les informations contenues dans ce rapport exhaustif, communiqué au gouvernement, font état de nombreux cas dans lesquels les victimes sont identifiées nommément et leur situation est décrite en détail. La commission note que dans sa réponse aux précédents commentaires le gouvernement indique que ces allégations sont d’ordre général «reflétant le point de vue d’un syndicat, la CLTM, qui utilise ce thème à des fins politiciennes». La commission espère que le gouvernement fournira des informations détaillées dans son prochain rapport, sur les investigations menées sur les cas spécifiquement présentés dans le rapport de SOS esclaves et les solutions qui auront été apportées.
Article 25 de la convention. Sanctions. 5. La commission observe que les infractions à l’interdiction générale du travail forcé, prévue désormais dans l’article 5 du Code du travail ci-dessus mentionné, sont passibles de sanctions pénales prévues par la loi no 2003-025 du 17 juillet 2003 portant répression de la traite des personnes. Elle observe que pour ce qui est des sanctions à cette disposition il faut se référer à la loi sur la traite. A cet égard, la commission se réfère aux inquiétudes exprimées dans le rapport de la mission de contacts directs à propos de la combinaison de textes «peu lisibles sur le plan interne et comportant des risques de mauvaise application de la loi par l’appareil judiciaire». En effet, l’interdiction générale du travail forcé se trouve dans le Code du travail et les sanctions dans une loi spécifique réprimant un autre délit.
6. La commission observe également qu’aucune référence n’est faite à la situation spécifique des personnes se trouvant dans la maison des anciens maîtres et qui seraient privées de leur liberté de circuler ou de leur liberté d’aller travailler ailleurs. Comme indiqué dans le rapport de la mission de contacts directs «l’importance d’un exercice effectif de leur droit de recours par les victimes de travail forcé est déterminant, notamment dans des situations ambiguës où la qualification du travail forcé n’est possible que lorsqu’une personne veut faire reconnaître son droit au libre choix contre les pressions ou les menaces du «patron» qui l’accueillait ou dont elle dépendait». Elle note aussi que selon le même rapport «les autorités gouvernementales, notamment le ministre de la Justice et le commissaire aux droits de l’homme, ont insisté sur leur volonté de traiter sans complaisance les cas qui leur seraient soumis». La commission note les informations relatives aux deux cas de travail forcé que le commissariat aux droits de l’homme a eus à traiter. Par ailleurs, le rapport de la mission de contacts directs se réfère à l’action du gouvernement sur le plan de la stratégie économique et sociale de lutte contre la pauvreté et sa contribution au traitement des séquelles de l’esclavage et à la prévention d’éventuelles pratiques de travail forcé. La commission encourage le gouvernement à lancer, avec l’assistance du BIT, une campagne d’information et de sensibilisation en faveur de l’ensemble de la population, y compris les personnes les plus susceptibles d’être victimes de travail forcé.
7. La commission espère que ce premier pas dans l’adoption de sanctions pénales efficaces et strictement appliquées, exigées par la convention, mènera à l’adoption de dispositions prévoyant dans le même texte l’interdiction du travail forcé et les sanctions applicables. Dans cette attente, la commission demande au gouvernement de communiquer des informations sur les juridictions compétentes pour recevoir les recours et les sanctions qui auront été imposées en vertu de l’article 5 du Code du travail et de la loi sur la traite, notamment sur le nombre de recours déposés et copie des décisions judiciaires.
Application de la législation interdisant le travail forcé. 8. La commission note que le rapport de la mission de contacts directs se réfère à l’absence d’un mécanisme de mise en œuvre de la législation du travail, et en particulier aux très faibles moyens dont dispose l’inspection du travail. En outre, elle constate que toutes les parties ont, au cours de la mission, reconnu l’importance du dialogue social dans la recherche d’une meilleure application des droits des travailleurs dans le pays, y compris la ratification et l’application de la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976. La commission encourage le gouvernement à continuer à considérer cette hypothèse et, si nécessaire, à demander l’assistance technique du Bureau.
Article 2, paragraphe 2 d). 9. Suite aux commentaires formulés sur la loi no 70-029 sur la réquisition de personnes pour assurer le fonctionnement des services considérés comme indispensables pour la satisfaction d’un besoin essentiel du pays ou de la population, la commission note avec intérêt l’adoption de l’arrêté no 566 MIPT/MFPE/2004 du 6 juin 2004 qui fixe la liste complète des établissements ou services considérés comme essentiels. A cet égard, la commission renvoie aux commentaires qu’elle formule sous la convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948.
10. La commission note l’indication du gouvernement selon laquelle un projet de loi - portant abrogation de l’ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 délégant aux chefs de circonscription certaines mesures nécessaires à la sécurité de l’Etat et au maintien de l’ordre public - a été approuvé. La commission espère que le gouvernement pourra prochainement faire état de l’adoption de la loi elle-même.
La commission note le rapport soumis par le gouvernement sur l’application de la convention en réponse à son observation précédente et aux commentaires communiqués par la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) et par la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM). En outre, la commission a pris note des informations communiquées par le gouvernement à la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2003 ainsi que des débats qui s’en sont suivis.
1. Dans ses précédents commentaires, la commission avait noté les allégations répétées de la CISL et de la Confédération mondiale du travail (CMT) selon lesquelles des pratiques analogues à l’esclavage persistaient en Mauritanie malgré l’abolition légale de l’esclavage en 1981 (ordonnance no 81-234). Selon ces organisations syndicales et certaines organisations non gouvernementales, la naissance continue à imposer un statut inférieur aux descendants d’esclaves. Ces personnes travaillent généralement comme paysans, bergers de troupeaux ou serviteurs et dépendent entièrement de leur maître à qui elles donnent l’argent qu’elles gagnent ou pour lequel elles travaillent directement en échange de nourriture et d’un logement.
Les commentaires de la CISL, reçus au Bureau au mois de septembre 2002 et communiqués au gouvernement le 31 octobre 2002, indiquent que si l’incidence de l’esclavage a fortement diminué depuis le début des années quatre-vingt ses conséquences ont toutefois laissé de nombreux Mauritaniens dans le dénuement et dans des conditions proches de l’esclavage. L’interdiction légale de l’esclavage n’a pas permis de libérer beaucoup de personnes de la domination qui caractérise l’esclavage. La CISL considère qu’il n’y a eu aucune mesure afin de permettre à ces personnes de s’intégrer.
La CLTM indique, dans ses commentaires reçus en février 2003 et communiqués au gouvernement en mars 2003, que l’Etat protège par son système féodal les pratiques esclavagistes. Une importante frange de la société est ainsi confinée au servage, à la pauvreté et à l’exclusion et privée de tous les droits économiques, sociaux et humains. Le syndicat dénonce le refus du gouvernement de prendre les mesures qui permettraient de libérer les esclaves et de les intégrer dans la vie active, telles que la mise en place de programmes économiques et sociaux spécifiques et l’élaboration d’instruments juridiques destinés à protéger les esclaves et à réprimer les contrevenants. Le syndicat illustre ces allégations par quelques exemples concrets.
En réponse à ces commentaires, le gouvernement indique dans son dernier rapport qu’il a entrepris des réformes juridiques et développé des programmes économiques, sociaux et culturels au cours de ces vingt dernières années qui ont largement contribuéàéliminer les séquelles de l’ancienne stratification sociale et à améliorer le statut des groupes sociaux jadis défavorisés. Le gouvernement déclare que l’accession au poste de Premier ministre, en juillet 2002, d’une personne issue des descendants des anciens esclaves montre que la société mauritanienne a définitivement rompu avec l’ancienne stratification sociale. Ceci témoigne, selon le gouvernement, du manque de crédibilité des allégations de la CLTM. Il souligne en outre que, dans les exemples qu’elle présente, la CLTM ne se réfère qu’à des prénoms de personnes sans donner d’éléments pertinents qui permettraient de mener une enquête. Le gouvernement s’interroge sur les raisons pour lesquelles le syndicat n’a pas porté ces cas devant les juridictions compétentes.
Au cours de la discussion au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence en juin 2003, le représentant gouvernemental a indiqué que: «Jamais le gouvernement n’a reconnu la persistance de pratiques esclavagistes dans le pays. Il est vrai que la Mauritanie a connu des castes mais les descendants d’esclaves ne sont plus aujourd’hui considérés comme des esclaves et l’attachement d’une personne à telle ou telle ancienne catégorie sociale n’a aujourd’hui aucune répercussion sur ses droits.»
La commission prend note de l’ensemble de ces informations. Elle doit une nouvelle fois s’assurer de l’application de la convention dans la pratique avec, d’une part, des allégations graves et concordantes des organisations syndicales qui font état de la persistance de pratiques de travail forcé héritées de l’esclavage et, d’autre part, la négation de ces pratiques par le gouvernement. A cet égard, la commission regrette que la mission technique que le gouvernement avait précédemment acceptée n’ait pu avoir lieu. Elle note en outre que, lors de la discussion de l’application de la convention au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence (juin 2003), cette dernière a exprimé sa profonde préoccupation quant à la persistance des situations qui traduisent de graves violations de l’interdiction de travail forcé et a insisté auprès du gouvernement pour qu’il accepte une mission de contacts directs afin d’aider le gouvernement et les partenaires sociaux dans l’application de la convention. La commission note qu’en août 2003 le Bureau a envoyéà cette fin une communication au gouvernement à laquelle il n’a pas encore donné suite. La commission espère que la mission de contacts directs pourra être menée dans les plus brefs délais et qu’elle permettra effectivement d’évaluer la situation dans la pratique et de favoriser la pleine application de la convention.
2. Article 25 de la convention. La commission note que le Code du travail interdit le travail forcé ou obligatoire, défini comme tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré (art. 3 du Livre I). En outre, en vertu de l’article 56 du Livre V du Code du travail, les auteurs d’infractions aux dispositions de l’article 3 précité sont punis d’une peine d’emprisonnement et/ou d’une amende. La commission observe qu’en vertu de cette disposition l’exaction du travail forcé peut n’être sanctionnée que par une amende. La commission attire l’attention du gouvernement sur la nature pénale des sanctions exigées par l’article 25 de la convention.
La commission avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que le Code du travail ne s’applique qu’aux relations entre employeurs et travailleurs. Le gouvernement avait indiquéà cet égard que l’article 5 du projet de Code du travail en voie d’adoption étendrait l’interdiction du travail forcéà toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d’un contrat, et que toute infraction à cette disposition serait passible des sanctions prévues par la réglementation en vigueur. Dans son dernier rapport, le gouvernement indique que le projet de Code du travail a été approuvé par le gouvernement, le 29 mai 2003, après des modifications de pure forme, et qu’il sera formellement adopté, en priorité, après les élections présidentielles. La commission prend note de ces informations. Elle espère que le nouveau Code du travail sera adopté très prochainement et prie une nouvelle fois le gouvernement d’indiquer quelles sanctions seront applicables en cas d’infraction aux dispositions de l’article 5 du projet de Code du travail.
Enfin, se référant à l’article 25 de la convention, la commission note avec intérêt l’adoption de la loi no 025/2003 du 17 juillet 2003 portant répression de la traite des personnes. Elle note qu’en vertu de son article 5 cette loi sanctionne les auteurs des crimes de la traite des personnes d’une peine d’emprisonnement de cinq à dix ans et d’une amende. La commission prie le gouvernement de bien vouloir fournir, le cas échéant, des informations sur l’application de cette législation dans la pratique.
3. Article 2, paragraphe 2 d). La commission avait noté que la loi no 71-059 du 25 février 1971 portant organisation générale de la protection civile limite le pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre à certaines circonstances exceptionnelles qui correspondent à la définition des cas de force majeure donnée à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. Toutefois, l’ordonnance de 1962 qui confère aux chefs de circonscription de très larges pouvoirs de réquisition de personnes demeure en vigueur. Faisant suite à la demande de la commission d’abroger ladite ordonnance, le gouvernement indique dans son dernier rapport que le retard pris dans l’abrogation de ce texte est dûà une charge de travail importante du gouvernement et du Parlement - charge de travail résultant de la nécessité de réformer, voire d’élaborer de nouveaux textes législatifs. La commission note que le représentant gouvernemental a réitéré l’intention du gouvernement d’abroger formellement cette ordonnance, lors de la discussion de l’application de la convention à la Conférence en juin 2003. Elle espère que le gouvernement prendra toutes les mesures nécessaires à cet effet.
Un autre point concerne les dispositions des articles 1 et 2 de la loi no 70-029 du 23 janvier 1970, selon lesquelles diverses catégories de personnes, aussi bien publiques que privées, peuvent être requises d’assurer leurs fonctions lorsque les circonstances l’exigent, notamment pour assurer le fonctionnement d’un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d’un besoin essentiel du pays ou de la population. En vertu de l’article 5 de cette loi, quiconque n’aura pas déféréà un ordre de réquisition pris par l’autorité publique sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an ainsi que d’une amende. Le gouvernement a indiqué que les formes de réquisition prévues par la loi susmentionnée sont conformes à la convention et que les termes «un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d’un besoin essentiel du pays ou de la population» correspondent aux cas de force majeure prévus par l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. Ces dispositions concernent des établissements publics, dont les fonctionnaires pourraient notamment être réquisitionnés en cas de grève. La commission avait prié le gouvernement de communiquer la liste complète des établissements considérés comme des services essentiels pour la population qui pourraient être concernés par la réquisition prévue dans la loi no 70-029. Dans la mesure où le gouvernement n’a communiqué aucun élément de réponse, la commission veut croire qu’il fournira les informations demandées dans son prochain rapport.
4. Article 4, paragraphe 2 c). Depuis de nombreuses années, la commission attire l’attention du gouvernement sur le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires dont certaines dispositions permettraient de concéder de la main-d’œuvre pénitentiaire à des particuliers. Dans son rapport fourni en 2001, le gouvernement a indiqué son intention de modifier ce décret. Notant que depuis lors aucune information n’a été fournie à ce sujet, la commission espère que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour mettre sa législation en conformité avec la convention.
5. Enfin, la commission note les commentaires de la Confédération mondiale du travail (CMT), reçus au Bureau le 5 septembre 2003 et transmis au gouvernement le 3 novembre 2003, contenant des observations sur l’application de la convention no 29 en Mauritanie. La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires sur la communication de la CMT.
Suite à son observation précédente, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement à la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2002 ainsi que des débats qui s’en sont suivis. Elle prend note également du rapport soumis par le gouvernement sur l’application de la convention en réponse à son observation précédente.
1. Dans sa précédente observation, la commission a pris note des commentaires de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), transmis au gouvernement en octobre 2001, faisant état de la persistance de certaines formes d’esclavage en Mauritanie. La CISL alléguait, notamment, qu’aux yeux de certaines personnes la naissance continuait à imposer un statut inférieur aux descendants d’esclaves. Ces personnes de statut inférieur, qui travaillent comme paysans, bergers de troupeaux ou serviteurs, dépendent entièrement de leur maître à qui elles donnent l’argent qu’elles gagnent ou pour lequel elles travaillent directement en échange de nourriture et d’un logement. La commission a noté que, selon la CISL, «le problème central ne relève pas du statut légal de l’esclavage en Mauritanie, mais de l’abolition en pratique de l’esclavage et de la servitude involontaire (ce que le gouvernement nomme «les séquelles de l’esclavage»)».
La commission note que, dans sa déclaration à la Commission de l’application des normes de la Conférence en 2002, le représentant gouvernemental a indiqué que la Mauritanie a l’intention de réviser son Code du travail afin de renforcer l’interdiction du travail forcé, mais «a tenu à rappeler que le gouvernement n’a pas reconnu l’existence de pratiques de travail forcé, fussent-elles isolées, dans le pays».
La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement indique que l’ordonnance de 1980 n’était nécessaire ni sur le plan juridique, car la Constitution du 20 mai 1961 et les lois du pays, en particulier la loi no 63-023 du 23 janvier 1963 portant Code du travail, avaient aboli l’esclavage, ni dans les faits car l’esclavage avait déjà disparu de la société mauritanienne. Selon le gouvernement, les descendants des anciens esclaves ne sont plus aujourd’hui considérés comme des esclaves et le rattachement d’une personne à telle ou telle ancienne catégorie sociale n’a aujourd’hui aucune répercussion sur ses droits. Le gouvernement indique de plus que cette stratification sociale n’a plus d’impact dans la vie réelle car il n’existe plus de métiers réservés à une catégorie de la population ni de privilèges inhérents à d’autres. Le gouvernement indique que des séquelles de l’ancien système social peuvent subsister au niveau des attitudes et mentalités dans certaines zones reculées, malgré les mesures prises et les transformations socio-économiques. Le gouvernement observe par ailleurs que de telles attitudes ne disparaîtront qu’avec le temps mais, pour autant, leur existence ne saurait être assimilée à l’esclavage.
La commission note qu’en ce qui concerne le cas cité dans le rapport de la CISL concernant un jeune homme et une jeune fille de 13 ans forcés par leur maître à travailler respectivement comme berger et gardienne de chameau avant de fuir et d’être rattrapés avec l’aide de la police le gouvernement indique qu’il s’agissait en réalité d’une femme mariée et mère de deux enfants, au sujet de laquelle un responsable politique local avait déclaré au Wali de l’Adrar qu’elle était réduite à l’esclavage, allégation démentie suite à l’ouverture de deux enquêtes par les Walis de l’Adrar et du Tagant. Selon le gouvernement, l’audition de l’intéressée, dans le cadre de la première enquête, aurait révélé qu’elle travaillait dans le cadre d’une relation d’emploi à laquelle elle avait ensuite décidé de mettre fin.
La commission note par ailleurs que la mission technique du BIT, acceptée par le gouvernement, n’a finalement pas pu se rendre dans le pays pour examiner la situation du travail forcé et du travail des enfants. Elle espère que cette mission pourra se rendre prochainement dans le pays afin de rechercher les éléments qui permettront à la commission d’évaluer la réalité de la situation dans les faits et d’assurer la pleine conformité de la législation et de la pratique nationales avec la convention.
2. Article 25 de la convention. Dans sa précédente observation, la commission a noté qu’il n’existe pas dans la législation nationale de disposition juridique imposant des sanctions légales selon l’article 25 de la convention. Elle avait constaté, dans ses précédents rapports, que le travail forcé est interdit par le Code du travail, mais que ce dernier ne s’applique qu’aux relations entre employeurs et travailleurs. Elle avait invité le gouvernement à prendre des mesures pour élargir l’interdiction de toute forme de travail forcéà des relations de travail telles que celles qui pourraient résulter de survivances anciennes. La commission note que le gouvernement se réfère, dans son dernier rapport, à l’article 56 du livre V du Code du travail qui punit d’une peine d’emprisonnement et/ou d’amende les auteurs d’infractions aux dispositions de l’article 3 du livre I du Code du travail, lequel interdit le travail forcé ou obligatoire, défini comme tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré. Elle note l’information contenue dans le rapport du gouvernement selon laquelle l’article 5 du Code du travail en voie d’adoption étendra effectivement l’interdiction du travail forcéà toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d’un contrat. Elle note que cet article prévoit également que toute infraction à ses dispositions est passible des sanctions prévues par la réglementation en vigueur. La commission note que, selon le gouvernement, ces sanctions sont prévues par le projet de Code du travail. La commission prie le gouvernement de préciser quelles sanctions sont applicables en cas d’infraction aux dispositions de l’article 5 du projet de Code du travail. La commission note que ce projet a été adopté par le Conseil national du travail en mai 2002 et qu’il sera présenté au gouvernement en vue de son adoption lors de la prochaine session du Parlement en novembre-décembre 2002. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations sur le processus législatif en cours et de fournir une copie du Code du travail dès son adoption.
3. Dans ses commentaires précédents, qu’elle formule depuis de nombreuses années, la commission a demandé au gouvernement, à la suite de l’adoption de la loi no 71-059 du 25 février 1971 portant organisation générale de la protection civile, qui limite le pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre à des circonstances exceptionnelles spécifiées, correspondant à la définition des cas de force majeure de l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention, de prendre des mesures pour abroger l’ordonnance de 1962 (conférant aux chefs de circonscriptions de très larges pouvoirs de réquisitionner des personnes). La commission a noté l’intention du gouvernement, exprimée dans son précédent rapport, d’abroger formellement l’ordonnance de 1962 et prié le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises à cet effet. Aucune information n’ayant été communiquée par le gouvernement sur ce point dans son dernier rapport, la commission se voit contrainte de réitérer sa demande. Elle prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires dans les plus brefs délais.
4. La commission avait relevé qu’aux termes des articles 1 et 2 de la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 diverses catégories de personnes, aussi bien publiques que privées, peuvent être requises d’assurer leurs fonctions lorsque les circonstances l’exigent, notamment pour assurer le fonctionnement d’un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d’un besoin essentiel du pays ou de la population. En vertu de l’article 5 de cette loi, quiconque n’aura pas déféréà un ordre de réquisition pris par l’autorité publique sera puni d’un emprisonnement d’un mois à un an ainsi que d’une amende. Dans son précédent rapport, le gouvernement a indiqué qu’il estime que les formes de réquisition prévues par la loi susmentionnée sont conformes à la convention et notamment que les termes «un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d’un besoin essentiel du pays ou de la population» désignent les cas de force majeure prévus par l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission avait prié le gouvernement de communiquer la liste complète des établissements considérés comme des services essentiels pour la population et qui sont concernés par une éventuelle réquisition selon la loi no 70-029. La commission note que le dernier rapport du gouvernement ne répond pas à ses commentaires sur ce point. Elle prie instamment le gouvernement de fournir les informations demandées dans son prochain rapport.
5. Dans ses précédents commentaires, qu’elle formule depuis de nombreuses années, la commission avait noté que le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires contenait des dispositions permettant de concéder de la main-d’œuvre pénitentiaire à des particuliers et avait prié le gouvernement de mettre sa législation en conformité avec la convention. Dans son précédent rapport, le gouvernement a indiqué son intention de modifier ce décret. Le gouvernement n’ayant fourni aucune information à cet égard dans son dernier rapport, la commission réitère le ferme espoir que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.
6. La commission prend note des commentaires de la CISL datés du 9 septembre 2002, reçus au Bureau le 10 septembre 2002 et transmis au gouvernement le 31 octobre 2002, contenant des observations sur l’application de la convention no 29 en Mauritanie. La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires sur la communication de la CISL.
La commission a pris note du rapport communiqué par le gouvernement.
La commission avait noté dans ses précédents rapports que le décret no 70-152 du 23 mai 1970 portant organisation et fonctionnement des établissements pénitentiaires et de réinsertion et le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires contenaient des dispositions permettant de concéder de la main-d’oeuvre pénitentiaire à des particuliers et avait prié le gouvernement de mettre sa législation en conformité avec la convention.
La commission note que le décret no 70-152 a été abrogé par le décret no 98-078 portant organisation et fonctionnement des établissements pénitentiaires et de réinsertion.
Dans son dernier rapport le gouvernement a indiqué son intention de modifier le décret no 70-153. La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.
1. La commission prend note des commentaires de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL) qui ont été transmis au gouvernement en octobre 2001. Ces commentaires se réfèrent une fois de plus à la persistance de certaines formes d’esclavage en Mauritanie. La CISL allègue qu’aux yeux de certaines personnes la naissance continue à imposer un statut inférieur aux descendants d’esclave. Elle ajoute que ces personnes de statut inférieur travaillent en général comme paysans, bergers de troupeaux ou serviteurs, mais qu’elles dépendent entièrement de leur maître à qui elles donnent l’argent qu’elles gagnent ou pour lequel elles travaillent directement en échange de nourriture et d’un logement.
Dans ses commentaires, la CISL relève les difficultés que rencontrent les personnes soumises à un maître pour s’affranchir de leur condition d’esclave. Elle cite l’exemple d’un jeune homme et d’une fille de 13 ans qui ont été forcés par leur maître à travailler respectivement comme berger et gardienne de chameau avant de fuir et d’être rattrapés avec l’aide de la police. Selon la CISL, les victimes d’esclavage réussissent rarement àéchapper aux conditions de travail auxquelles elles sont soumises en raison notamment de croyances en certaines valeurs traditionnelles selon lesquelles elles pensent appartenir à leur maître.
La commission note également que selon la CISL «le problème central ne relève pas du statut légal de l’esclavage en Mauritanie, mais de l’abolition en pratique de l’esclavage et de la servitude involontaire (ce que le gouvernement nomme «les séquelles de l’esclavage»)».
La commission avait noté dans ses précédents rapports une communication de la Confédération mondiale du travail (CMT), d’octobre 1997, sur l’application de la convention. La CMT avait allégué la violation de la convention dans la mesure où des pratiques équivalant à l’esclavage persistent en dépit de l’ordonnance no 81-234 de 1981 en vertu de laquelle l’esclavage est aboli. A cet égard, la CMT décrivait précisément le témoignage d’une femme indiquant le nom de ses maîtres successifs, la nature de son travail ainsi que ses contacts avec les autorités.
La commission note que, dans son dernier rapport, le gouvernement déclare que le phénomène de l’esclavage s’est progressivement érodé et qu’il a disparu depuis longtemps de la société mauritanienne.
La commission avait pris note des indications de la CMT selon lesquelles le gouvernement avait déclaré que les personnes continuant à dénoncer l’esclavage en Mauritanie étaient des ennemis du pays et elle avait également noté l’emprisonnement d’un dirigeant d’un parti d’opposition et militant anti-esclavage. La commission note par ailleurs la déclaration d’Anti-Slavery International à la Commission des droits de l’homme en août 1998, selon laquelle plusieurs personnes ont été condamnées et détenues parce qu’elles dénonçaient la persistance de certaines formes d’esclavage. Elle note également que le gouvernement a interdit la tenue d’un séminaire sur le travail servile qui était programméà Kiffa en Assaba du 15 au 18 septembre 2001 par la Confédération libre des travailleurs de Mauritanie (CLTM).
La commission a examiné depuis plusieurs années les allégations cohérentes des organisations de travailleurs et des organisations non gouvernementales concernant la persistance de situations de travail forcé en Mauritanie. La commission a également examiné, tout au long de ces années, les indications réitérées du gouvernement selon lesquelles il est inapproprié de parler de persistance de situations de travail forcé, mais seulement de certaines séquelles du phénomène historique de l’esclavage qui sont des cas isolés dus aux difficultés économiques des groupes sociaux défavorisés.
En examinant le respect de la convention dans la pratique, la commission est confrontée à la difficulté de concilier les contradictions qui résultent des allégations faites, d’un côté, par les organisations de travailleurs et les organisations non gouvernementales et, de l’autre, par le gouvernement. Gardant à l’esprit la gravité des allégations ainsi que la complexité de la situation, la commission suggère que le gouvernement invite l’OIT à envoyer une mission pour clarifier la situation dans les faits. La commission espère qu’il sera alors possible d’évaluer la situation grâce au rapport de cette mission et à la réponse du gouvernement à sa prochaine session en 2002.
2. Article 25 de la convention. La commission a pris note du programme de lutte contre la pauvreté entrepris par le gouvernement en vue d’améliorer le statut des groupes sociaux les plus défavorisés ainsi que de l’intention de réviser le Code du travail afin de renforcer l’interdiction du travail forcé.
La commission note cependant qu’il n’existe pas de disposition juridique imposant des sanctions légales selon l’article 25 de la convention. En effet, ni l’ordonnance no 81-234 de 1981, ni d’autres normes ne contiennent de dispositions permettant de sanctionner pénalement le fait d’exiger illégalement du travail forcé.
La commission avait constaté dans ses précédents rapports que le travail forcé est interdit par le Code du travail, mais que ce dernier ne s’applique qu’aux relations entre employeurs et travailleurs. La commission avait invité le gouvernement à prendre des mesures pour élargir l’interdiction de toute forme de travail forcéà des relations de travail telles que celles qui pourraient résulter de survivances anciennes. Elle avait suggéré que des mesures soient prises pour étendre l’interdiction du travail forcé de l’article 3 du Code du travail à toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d’un contrat. La commission avait également indiqué qu’il serait possible de prévoir expressément que, sous réserve des exceptions admises par la convention, toute situation dans laquelle une personne fournirait un travail ou un service pour lequel elle ne s’est pas offerte de son plein gré est illégale, peut être portée devant un tribunal civil et est passible de sanctions pénales, conformément à l’article 25 de la convention.
La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises afin d’assurer l’application de la convention sur ce point.
3. La commission avait noté l’adoption de la loi no 71059 du 25 février 1971 portant organisation générale de la protection civile, qui limite le pouvoir de réquisitionner de la main-d’oeuvre à des circonstances exceptionnelles spécifiées, correspondant à la définition des cas de force majeure donnée à l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour abroger l’ordonnance de 1962 conférant aux chefs de circonscription de très larges pouvoirs de réquisitionner des personnes.
La commission prend note que dans son dernier rapport, le gouvernement a exprimé son intention de formellement abroger l’ordonnance de 1962 et elle prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises à cet effet.
4. La commission avait relevé qu’aux termes de la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 des personnes peuvent être réquisitionnées, lorsque les circonstances l’exigent, pour assurer le fonctionnement d’un service considéré comme essentiel pour le pays ou la population. En vertu de l’article 5 de la loi no 70-029, les personnes qui n’ont pas déféréà un ordre de réquisition peuvent être sanctionnées par une peine d’emprisonnement d’un mois à un an ainsi que d’une amende.
Dans son dernier rapport, le gouvernement a indiqué qu’il estime que les formes de réquisition prévues par la loi susmentionnée sont conformes à la convention et notamment que les termes «un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d’un besoin essentiel du pays ou de la population» désignent les cas de forces majeures prévues par l’exception de l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. Le gouvernement a indiqué que ces mesures concernaient des établissements publics, dont les fonctionnaires pouvaient notamment être réquisitionnés en cas de grève.
La commission prie le gouvernement de faire parvenir la liste complète des établissements qui sont considérés comme des services essentiels pour la population et qui sont concernés par une éventuelle réquisition selon la loi no 70 029.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé en 2002.]
La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle espère qu’un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu’il contiendra des informations complètes sur les points suivants soulevés dans sa précédente demande directe:
1. La commission avait noté dans des commentaires antérieurs que le gouvernement envisageait de revoir le décret nº 70-152 du 23 mai 1970 concernant l’organisation, l’administration et la surveillance des établissements pénitentiaires, ainsi que le décret nº 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime interne de l’établissement. Certaines dispositions de ces textes prévoient la possibilité de concéder de la main-d’œuvre pénitentiaire à des particuliers. La commission avait noté par ailleurs la déclaration que, sur le plan pratique, le gouvernement ne peut tolérer l’utilisation de la main-d’œuvre pénitentiaire par des particuliers et qu’aucun cas de ce genre n’a été signalé. Elle avait notéégalement que les textes en question n’ont pas encore été modifiés. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport quelles mesures il a prises pour mettre sa législation en conformité avec la pratique et avec les exigences de la convention sur ce point.
2. Se référant à l’observation générale sous la convention figurant dans son rapport présentéà la 87esession de la Conférence de 1999, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur la situation actuelle en droit et en pratique en ce qui concerne les points suivants:
i) prisons administrées par des firmes privées à fins lucratives ou non;
ii) entreprises pénitentiaires privées utilisant des prisonniers dans les établissements pénitentiaires ou en dehors de ceux-ci soit pour leur compte, soit pour celui d’autres entreprises;
iii) admission de particuliers, par les autorités pénitentiaires, dans l’enceinte des prisons, quelle que soit la nature de ces dernières, aux fins d’embauche des prisonniers;
iv) autorisation d’employer des prisonniers hors de l’enceinte des prisons par les autorités publiques ou pour les entreprises privées;
v) conditions d’emploi dans les éventualités mentionnées ci-dessus, en ce qui concerne notamment la rémunération (indiquer le niveau, comparer avec le salaire minimum normalement applicable au travail en question); le droit aux prestations sociales (telles que pension et assurance maladie); l’application des lois sur la santé et la sécurité au travail et sur d’autres conditions de travail (par exemple dans le cadre de l’inspection du travail); et la manière dont ces conditions sont fixées;
vi) source de la rémunération (sur fonds publics ou privés) ainsi que répartition prévue (par exemple pour l’usage privé du prisonnier; déductions obligatoires, etc.);
vii) affectation du produit du travail du prisonnier et du bénéfice qui en découle, après déduction des frais fixes; comptabilisation en la matière;
viii) garanties entourant le consentement des prisonniers, de manière à ce qu’ils soient exempts de toute menace de peine, y compris toute perte de privilège ou autre désavantage résultant du refus de travailler.
La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n’a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente sur les points suivants:
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. 1. La commission avait noté qu’une communication de la Confédération mondiale du travail (CMT) avait été reçue en octobre 1997, comportant une observation sur l’application de la convention. Selon cette observation, la convention est violée dans la mesure où des pratiques équivalant à l’esclavage persistent, en dépit de la déclaration de 1980, en vertu de laquelle l’esclavage est aboli. Cette communication a été envoyée au gouvernement en novembre 1997 pour commentaires. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer ses commentaires sur cette communication dans son prochain rapport.
2. A ce propos, et faisant suite à ses précédents commentaires, la commission rappelle qu’elle examine depuis plusieurs années des questions en rapport avec la situation des anciens esclaves ou les survivances d’anciens rapports d’esclavage. La commission avait noté que l’esclavage a été aboli dans plusieurs textes. Elle avait notéégalement que, selon le gouvernement, des cas isolés de survivances pouvaient encore se produire occasionnellement. A cet égard, la commission a pris connaissance d’une transaction, opérée en décembre 1997, à Timzine, département Kobony, région du Hodh el Gharby, tendant à céder 40 personnes en règlement d’une dette après un décès. La transaction a eu lieu en présence d’un cadi. L’acquéreur a affranchi les personnes ainsi acquises. La commission se félicite de l’acte d’affranchissement. Toutefois, elle tient à manifester une fois de plus sa grande préoccupation devant la persistance de telles situations.
3. La commission considère que des personnes se trouvant dans des conditions de rapports analogues à ceux d’esclave à maître, n’ayant pas la libre disposition de leur personne, se trouvent, en raison même de ces conditions, dans une situation d’effectuer un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes de leur plein gré, et qui ne saurait résulter d’un contrat de travail librement conclu. La commission constate que le travail forcé est interdit par le Code du travail, mais que ce dernier ne s’applique qu’aux relations entre employeurs et travailleurs. La commission invite le gouvernement à prendre des mesures pour élargir l’interdiction de toute forme de travail forcéà des relations de travail telles que celles qui pourraient résulter de survivances anciennes. Par exemple, des mesures pourraient être envisagées pour étendre l’interdiction du travail forcé de l’article 3 du Code du travail à toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d’un contrat. Il serait possible également de prévoir expressément que, sous réserve des exceptions admises par la convention, toute situation dans laquelle une personne fournirait un travail ou un service pour lequel elle ne s’est pas offerte de son plein gré est illégale, peut être portée devant un tribunal civil et est passible de sanctions, conformément à l’article 25 de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures envisagées afin d’assurer l’application de la convention sur ce point.
4. A la suite de l’adoption de la loi no71059 du 25 février 1971 portant organisation générale de la protection civile, qui limite le pouvoir de réquisitionner de la main-d’œuvre à des circonstances exceptionnelles spécifiées, correspondant à la définition des cas de force majeure donnée à l’article 2 d) de la convention, la commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour abroger l’ordonnance de 1962 (conférant aux chefs de circonscriptions de très larges pouvoirs de réquisitionner des personnes). La commission avait noté dans son récent commentaire l’indication du gouvernement que ce texte n’avait pas encore été modifié. La commission en conclut que l’ordonnance est toujours en vigueur: pour des raisons de sécurité juridique et afin d’assurer le respect de la convention, elle invite le gouvernement à envisager l’abrogation expresse de ce texte dans un proche avenir et à fournir des informations dans son prochain rapport sur les mesures prises à cet égard.
5. La commission avait relevé que la loi no70-029 du 23 janvier 1970 prévoit la possibilité de réquisitionner de la main-d’œuvre en dehors des cas de force majeure admis par la convention. En vertu des articles 1 et 2 de cette loi, diverses catégories de personnes peuvent être requises d’assurer leurs fonctions lorsque les circonstances l’exigent, notamment pour assurer le fonctionnement d’un service considéré comme indispensable pour assurer la satisfaction d’un besoin du pays ou de la population. La commission prie le gouvernement de prendre des mesures de manière à limiter le recours aux pouvoirs de réquisition prévus par la loi aux cas de force majeure tels que définis par l’article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission prie le gouvernement d’indiquer quelles mesures ont été prises pour modifier cette loi afin de rendre la législation pleinement conforme, sur ce point, avec la convention.
La commission espère que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.
La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle espère qu'un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu'il contiendra des informations complètes sur les points suivants soulevés dans ses précédents commentaires:
1. La commission avait noté dans des commentaires antérieurs que le gouvernement envisageait de revoir le décret no 70-152 du 23 mai 1970 concernant l'organisation, l'administration et la surveillance des établissements pénitentiaires, ainsi que le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime interne de l'établissement. Certaines dispositions de ces textes prévoient la possibilité de concéder de la main-d'oeuvre pénitentiaire à des particuliers. La commission avait noté par ailleurs la déclaration que, sur le plan pratique, le gouvernement ne peut tolérer l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire par des particuliers et qu'aucun cas de ce genre n'a été signalé. Elle avait noté également que les textes en question n'ont pas encore été modifiés. La commission prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport quelles mesures il a prises pour mettre sa législation en conformité avec la pratique et avec les exigences de la convention sur ce point.
2. Se référant à l'observation générale sous la convention figurant dans son rapport présenté à la 87e session de la Conférence de 1999, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur la situation actuelle en droit et en pratique en ce qui concerne les points suivants:
ii) entreprises pénitentiaires privées utilisant des prisonniers dans les établissements pénitentiaires ou en dehors de ceux-ci soit pour leur compte, soit pour celui d'autres entreprises;
iii) admission de particuliers, par les autorités pénitentiaires, dans l'enceinte des prisons, quelle que soit la nature de ces dernières, aux fins d'embauche des prisonniers;
iv) autorisation d'employer des prisonniers hors de l'enceinte des prisons par les autorités publiques ou pour les entreprises privées;
v) conditions d'emploi dans les éventualités mentionnées ci-dessus, en ce qui concerne notamment la rémunération (indiquer le niveau, comparer avec le salaire minimum normalement applicable au travail en question); le droit aux prestations sociales (telles que pension et assurance maladie); l'application des lois sur la santé et la sécurité au travail et sur d'autres conditions de travail (par exemple dans le cadre de l'inspection du travail); et la manière dont ces conditions sont fixées;
vi) source de la rémunération (sur fonds publics ou privés) ainsi que répartition prévue (par exemple pour l'usage privé du prisonnier; déductions obligatoires, etc.);
viii) garanties entourant le consentement des prisonniers, de manière à ce qu'ils soient exempts de toute menace de peine, y compris toute perte de privilège ou autre désavantage résultant du refus de travailler.
La commission note avec regret que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu. Elle se voit donc obligée de renouveler son observation précédente, sur les points suivants:
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. 1. La commission avait noté qu'une communication de la Confédération mondiale du travail (CMT) avait été reçue en octobre 1997, comportant une observation sur l'application de la convention. Selon cette observation, la convention est violée dans la mesure où des pratiques équivalant à l'esclavage persistent, en dépit de la déclaration de 1980, en vertu de laquelle l'esclavage est aboli. Cette communication a été envoyée au gouvernement en novembre 1997 pour commentaires. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer ses commentaires sur cette communication dans son prochain rapport. 2. A ce propos, et faisant suite à ses précédents commentaires, la commission rappelle qu'elle examine depuis plusieurs années des questions en rapport avec la situation des anciens esclaves ou les survivances d'anciens rapports d'esclavage. La commission avait noté que l'esclavage a été aboli dans plusieurs textes. Elle avait noté également que, selon le gouvernement, des cas isolés de survivances pouvaient encore se produire occasionnellement. A cet égard, la commission a pris connaissance d'une transaction, opérée en décembre 1997, à Timzine, département Kobony, région du Hodh el Gharby, tendant à céder 40 personnes en règlement d'une dette après un décès. La transaction a eu lieu en présence d'un cadi. L'acquéreur a affranchi les personnes ainsi acquises. La commission se félicite de l'acte d'affranchissement. Toutefois, elle tient à manifester une fois de plus sa grande préoccupation devant la persistance de telles situations. 3. La commission considère que des personnes se trouvant dans des conditions de rapports analogues à ceux d'esclave à maître, n'ayant pas la libre disposition de leur personne, se trouvent, en raison même de ces conditions, dans une situation d'effectuer un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes de leur plein gré, et qui ne saurait résulter d'un contrat de travail librement conclu. La commission constate que le travail forcé est interdit par le Code du travail, mais que ce dernier ne s'applique qu'aux relations entre employeurs et travailleurs. La commission invite le gouvernement à prendre des mesures pour élargir l'interdiction de toute forme de travail forcé à des relations de travail telles que celles qui pourraient résulter de survivances anciennes. Par exemple, des mesures pourraient être envisagées pour étendre l'interdiction du travail forcé de l'article 3 du Code du travail à toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d'un contrat. Il serait possible également de prévoir expressément que, sous réserve des exceptions admises par la convention, toute situation dans laquelle une personne fournirait un travail ou un service pour lequel elle ne s'est pas offerte de son plein gré est illégale, peut être portée devant un tribunal civil et est passible de sanctions, conformément à l'article 25 de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures envisagées afin d'assurer l'application de la convention sur ce point. 4. A la suite de l'adoption de la loi no 71059 du 25 février 1971 portant organisation générale de la protection civile, qui limite le pouvoir de réquisitionner de la main-d'oeuvre à des circonstances exceptionnelles spécifiées, correspondant à la définition des cas de force majeure donnée à l'article 2 d) de la convention, la commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour abroger l'ordonnance de 1962 (conférant aux chefs de circonscriptions de très larges pouvoirs de réquisitionner des personnes). La commission avait noté dans son récent commentaire l'indication du gouvernement que ce texte n'avait pas encore été modifié. La commission en conclut que l'ordonnance est toujours en vigueur: pour des raisons de sécurité juridique et afin d'assurer le respect de la convention, elle invite le gouvernement à envisager l'abrogation expresse de ce texte dans un proche avenir et à fournir des informations dans son prochain rapport sur les mesures prises à cet égard. 5. La commission avait relevé que la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 prévoit la possibilité de réquisitionner de la main-d'oeuvre en dehors des cas de force majeure admis par la convention. En vertu des articles 1 et 2 de cette loi, diverses catégories de personnes peuvent être requises d'assurer leurs fonctions lorsque les circonstances l'exigent, notamment pour assurer le fonctionnement d'un service considéré comme indispensable pour assurer la satisfaction d'un besoin du pays ou de la population. La commission prie le gouvernement de prendre des mesures de manière à limiter le recours aux pouvoirs de réquisition prévus par la loi aux cas de force majeure tels que définis par l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission prie le gouvernement d'indiquer quelles mesures ont été prises pour modifier cette loi afin de rendre la législation pleinement conforme, sur ce point, avec la convention.
La commission avait noté dans des commentaires antérieurs que le gouvernement envisageait de revoir le décret no 70-152 du 23 mai 1970 concernant l'organisation, l'administration et la surveillance des établissements pénitentiaires, ainsi que le décret no 70-153 du 23 mai 1970 fixant le régime interne de l'établissement. Certaines dispositions de ces textes prévoient la possibilité de concéder de la main-d'oeuvre pénitentiaire à des particuliers. La commission avait noté par ailleurs la déclaration que, sur le plan pratique, le gouvernement ne peut tolérer l'utilisation de la main-d'oeuvre pénitentiaire par des particuliers et qu'aucun cas de ce genre n'a été signalé. Elle avait noté également que les textes en question n'ont pas encore été modifiés. La commission prie le gouvernement d'indiquer dans son prochain rapport quelles mesures il a prises pour mettre sa législation en conformité avec la pratique et avec les exigences de la convention sur ce point.
La commission note que le rapport du gouvernement n'a pas été reçu.
Article 1, paragraphe 1, et article 2, paragraphe 1, de la convention. 1. La commission avait noté qu'une communication de la Confédération mondiale du travail (CMT) avait été reçue en octobre 1997, comportant une observation sur l'application de la convention. Selon cette observation, la convention est violée dans la mesure où des pratiques équivalant à l'esclavage persistent, en dépit de la déclaration de 1980, en vertu de laquelle l'esclavage est aboli. Cette communication a été envoyée au gouvernement en novembre 1997 pour commentaires. La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer ses commentaires sur cette communication dans son prochain rapport.
2. A ce propos, et faisant suite à ses précédents commentaires, la commission rappelle qu'elle examine depuis plusieurs années des questions en rapport avec la situation des anciens esclaves ou les survivances d'anciens rapports d'esclavage. La commission avait noté que l'esclavage a été aboli dans plusieurs textes. Elle avait noté également que, selon le gouvernement, des cas isolés de survivances pouvaient encore se produire occasionnellement. A cet égard, la commission a pris connaissance d'une transaction, opérée en décembre 1997, à Timzine, département Kobony, région du Hodh el Gharby, tendant à céder 40 personnes en règlement d'une dette après un décès. La transaction a eu lieu en présence d'un cadi. L'acquéreur a affranchi les personnes ainsi acquises. La commission se félicite de l'acte d'affranchissement. Toutefois, elle tient à manifester une fois de plus sa grande préoccupation devant la persistance de telles situations.
3. La commission considère que des personnes se trouvant dans des conditions de rapports analogues à ceux d'esclave à maître, n'ayant pas la libre disposition de leur personne, se trouvent, en raison même de ces conditions, dans une situation d'effectuer un travail pour lequel elles ne se sont pas offertes de leur plein gré, et qui ne saurait résulter d'un contrat de travail librement conclu. La commission constate que le travail forcé est interdit par le Code du travail, mais que ce dernier ne s'applique qu'aux relations entre employeurs et travailleurs. La commission invite le gouvernement à prendre des mesures pour élargir l'interdiction de toute forme de travail forcé à des relations de travail telles que celles qui pourraient résulter de survivances anciennes. Par exemple, des mesures pourraient être envisagées pour étendre l'interdiction du travail forcé de l'article 3 du Code du travail à toute relation de travail, même si elle ne résulte pas d'un contrat. Il serait possible également de prévoir expressément que, sous réserve des exceptions admises par la convention, toute situation dans laquelle une personne fournirait un travail ou un service pour lequel elle ne s'est pas offerte de son plein gré est illégale, peut être portée devant un tribunal civil et est passible de sanctions, conformément à l'article 25 de la convention. La commission prie le gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures envisagées afin d'assurer l'application de la convention sur ce point.
4. A la suite de l'adoption de la loi no 71059 du 25 février 1971 portant organisation générale de la protection civile, qui limite le pouvoir de réquisitionner de la main-d'oeuvre à des circonstances exceptionnelles spécifiées, correspondant à la définition des cas de force majeure donnée à l'article 2 d) de la convention, la commission avait demandé au gouvernement de prendre des mesures pour abroger l'ordonnance de 1962 (conférant aux chefs de circonscriptions de très larges pouvoirs de réquisitionner des personnes). La commission avait noté dans son récent commentaire l'indication du gouvernement que ce texte n'avait pas encore été modifié. La commission en conclut que l'ordonnance est toujours en vigueur: pour des raisons de sécurité juridique et afin d'assurer le respect de la convention, elle invite le gouvernement à envisager l'abrogation expresse de ce texte dans un proche avenir et à fournir des informations dans son prochain rapport sur les mesures prises à cet égard.
5. La commission avait relevé que la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 prévoit la possibilité de réquisitionner de la main-d'oeuvre en dehors des cas de force majeure admis par la convention. En vertu des articles 1 et 2 de cette loi, diverses catégories de personnes peuvent être requises d'assurer leurs fonctions lorsque les circonstances l'exigent, notamment pour assurer le fonctionnement d'un service considéré comme indispensable pour assurer la satisfaction d'un besoin du pays ou de la population. La commission prie le gouvernement de prendre des mesures de manière à limiter le recours aux pouvoirs de réquisition prévus par la loi aux cas de force majeure tels que définis par l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission prie le gouvernement d'indiquer quelles mesures ont été prises pour modifier cette loi afin de rendre sa législation pleinement conforme, sur ce point, avec la convention.
1. Reconnaissance des droits patrimoniaux. La commission rappelle que dans ses précédents commentaires elle s'était référée au décret no 84-009 de 1984, pris en vertu de l'ordonnance no 83-127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale. Elle avait demandé au gouvernement d'indiquer si des mesures avaient été prises dans le cadre de cette législation pour encourager l'octroi de terres à des esclaves affranchis et l'exploitation de ces terres, ainsi que des informations sur toutes autres mesures éventuellement prises pour doter les esclaves affranchis des ressources nécessaires pour les empêcher de retomber dans l'esclavage. Le gouvernement avait répondu en des termes très généraux que les mesures prises étaient de nature à encourager les bénéficiaires à s'insérer plus facilement dans la société. La commission demande à nouveau au gouvernement d'indiquer si des mesures ont été prises, dans le cadre de cette législation ou autrement, pour faciliter cette réinsertion.
2. Vivres contre travail. La commission s'était également référée à ce programme, qui touchait à sa fin, et avait demandé des informations sur tout autre projet éventuellement envisagé pour le remplacer, compte tenu des possibilités de mobilisation de la population rurale dans des conditions de nature à influer sur l'application de la convention. Dans son rapport le plus récent, le gouvernement a indiqué que ce programme n'avait pas encore été remplacé par aucun projet structuré. Veuillez indiquer si ce programme a désormais été remplacé, et fournir copie de textes portant création de ces projets, ainsi que des précisions sur leur fonctionnement pratique.
3. Travail pénitentiaire. La commission avait déjà noté le décret no 70-152 du 23 mai 1970 concernant l'organisation, l'administration et la surveillance des établissements pénitentiaires, ainsi que le décret no 70-153 de la même date, fixant le régime interne de l'établissement. Le gouvernement avait indiqué qu'il envisageait de revoir ces textes compte tenu du fait que le décret no 70-153 prévoit, au chapitre II, article 2, la possibilité de concéder de la main-d'oeuvre pénitentiaire à des particuliers, ce qui est contraire à l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Le gouvernement indique dans son tout dernier rapport que ces textes n'ont pas encore été modifiés, et a réitéré sa précédente déclaration selon laquelle il ne tolérerait pas que des détenus soient mis à la disposition de particuliers.
4. La commission renvoie le gouvernement au débat sur la main-d'oeuvre pénitentiaire figurant dans la partie générale de son rapport. Elle demande à nouveau au gouvernement de modifier cette législation et de fournir des informations pratiques sur les types de travaux exécutés par les détenus et sur leurs conditions de travail.
1. Abolition de l'esclavage. La commission rappelle qu'elle examine depuis plusieurs années la situation en Mauritanie en ce qui concerne les allégations d'esclavage et la condition des anciens esclaves. L'esclavage n'a été aboli dans le pays que très récemment, par la Déclaration du 5 juillet 1980. Elle rappelle aussi qu'une mission de contacts directs effectuée dans le pays en 1992 a constaté que l'esclavage n'était pas complètement éradiqué, et elle continue de recevoir des observations d'organisations de travailleurs dans ce sens.
2. Le gouvernement indique dans son tout dernier rapport que la pratique de l'esclavage a disparu depuis longtemps. Certains types de comportement ou certains états d'esprit peuvent persister, et des mesures sont prises pour les combattre, bien que seul le temps puisse agir de manière positive et définitive. Le gouvernement a indiqué les efforts qu'il déployait en matière d'alphabétisation, de droit à la terre et de sensibilisation, et indique qu'aucun tribunal n'a eu à infliger des sanctions pour cause de travail illégalement exigé, les tribunaux et les autorités nationales n'ayant reçu aucune plainte à ce sujet. Notant l'indication du gouvernement que l'inspection du travail est chargée de faire respecter les exigences de la convention, la commission prie le gouvernement d'indiquer si les services d'inspection ont accordé une attention particulière à la situation des anciens esclaves, quelles ont été leurs conclusions et quelles mesures correctives ont été prises.
3. A cet égard, la commission rappelle qu'elle avait déjà souligné que la Déclaration du 5 juillet 1980 ne contenait pas de dispositions imposant des sanctions légales pour le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire, selon ce que prescrit l'article 25 de la convention. La commission s'est également référée à la circulaire no 003 du 9 janvier 1981 et à la circulaire no 108 du 8 mai 1983, interdisant aux juges de rendre des décisions incompatibles avec les lois en vigueur, et notamment avec les dispositions interdisant l'esclavage. La commission demande au gouvernement d'indiquer quelles décisions de justice ont été récemment rendues dans ce domaine. Elle se réfère en particulier aux cas récents concernant la garde d'enfants, où un magistrat l'a attribuée à un homme que la mère présentait comme leur ancien maître, mais qui prétendait lui-même être le père; et d'autres cas concernant la question de savoir si les droits de succession concernant les biens d'anciens esclaves échoient à leur ancien maître ou à leurs descendants.
4. Prière d'indiquer également dans le prochain rapport quelles mesures ont été éventuellement prises pour réinsérer les anciens esclaves et leur permettre de revenir à une existence normale, compte tenu des rapports selon lesquels de nombreux anciens esclaves continuent de vivre avec leurs anciens maîtres et de travailler pour eux.
5. La commission note que, dans une communication de la CMT (Confédération mondiale du travail) reçue le 23 octobre 1997, une observation a été formulée sur l'application de la convention -- observation adressée au gouvernement le 17 novembre 1997 pour commentaires. Cette observation indique, entre autres, qu'un grand nombre de Mauritaniens sont encore victimes de l'esclavage et que, pour la première fois depuis plusieurs années, un débat public a été ouvert sur la question. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires sur l'observation de la CMT et, en particulier, de communiquer les informations sur le débat public susmentionné.
6. Réquisition de main-d'oeuvre. Dans les observations qu'elle fait depuis plusieurs années, la commission a noté que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 et la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 confèrent de très vastes pouvoirs aux autorités pour réquisitionner de la main-d'oeuvre en dehors des cas de force majeure visés à l'article 2, paragraphe 2 d). Le gouvernement a indiqué, dans ses précédents rapports, qu'il estimait nécessaire de modifier cette législation et d'abroger les dispositions qui n'étaient pas en conformité avec la convention. Il a indiqué dans son dernier rapport que ces textes n'avaient pas encore été modifiés, et assure qu'il ne manquera pas d'en informer la commission dès que ce sera fait. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires au plus tôt.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport complémentaire du 20 janvier 1994.
1. Se référant à ses commentaires antérieurs, la commission a pris connaissance des dispositions du décret no 84-009 du 19 janvier 1984 portant application de l'ordonnance no 83-127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale, dont le texte a été communiqué par le gouvernement. La commission note notamment qu'en matière d'individualisation de la propriété les immatriculations des terrains à usage agricole prises au nom des chefs et notables, et en leur qualité, bénéficient à tous les membres de la collectivité de rattachement qui ont participé à la mise en valeur initiale ou contribué à la pérennité de l'exploitation (art. 7); sont réputés avoir participé tous ceux qui, par leur travail ou par leur assistance, ont permis la réalisation ou le maintien de cette mise en valeur (art. 8). Le partage est effectué individuellement sans discrimination d'aucune sorte et de façon équitable. Les intérêts des ayants droit et des personnes qui auraient pu bénéficier de l'article 8 seront sauvegardés conformément à la Charia (art. 17).
La commission note qu'en ce qui concerne les concessions rurales celles-ci comportent certaines formalités dont le paiement des frais et droits réglementaires pour l'acquisition de la concession provisoire et, pour l'acquisition de la concession définitive, le versement du prix de cession et des frais annexes: bornage, frais d'immatriculation, de mutation foncière d'enregistrement et de timbres (art. 31 et 35). La concession définitive est donnée sous réserve d'une clause résolutoire d'obligation de mise en valeur dans un délai imparti.
La commission relève qu'il a été allégué que la réforme foncière n'a pas eu les effets escomptés, que les anciens maîtres l'ignorent ou ne la respectent pas et que, souvent, les tribunaux décident en leur faveur.
La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées pour favoriser l'allocation de terres aux esclaves affranchis et leur mise en valeur, ainsi que, plus généralement, sur les mesures prises ou envisagées pour fournir aux esclaves affranchis les moyens nécessaires afin d'empêcher qu'ils ne retombent en esclavage.
2. La commission s'est référée précédemment à la structure "vivres contre travail" (VCT). Elle avait noté les indications du gouvernement selon lesquelles cette opération vise à encourager les citoyens à travailler; les recrutements se font par l'organisme compétent (CSA) et les personnes concernées sont payées au moyen de quantités données de produits de première nécessité; le nombre des bénéficiaires avoisine des dizaines de milliers. La commission avait prié le gouvernement de communiquer copie des textes établissant et réglementant la structure "VCT".
Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note des listes de projets et bénéficiaires de vivres fournies pour le gouvernement. Elle a noté également la déclaration du gouvernement devant l'Assemblée nationale en novembre 1992 selon laquelle les programmes d'appui au développement communautaire, par l'octroi de vivres contre le travail, ont été d'un grand apport en matière d'emploi et de lutte contre la pauvreté; 157 projets ont été réalisés et ont porté sur des secteurs tels que la construction des barrages, digues et pistes rurales, le maraîchage, le reboisement et la fixation des dunes, le forage des puits, la construction d'insfrastructures communautaires de base et les travaux d'assainissement urbains. Le gouvernement a indiqué que les programmes vivres contre travail seraient intensifiés dans une perspective de promotion de l'emploi, de l'amélioration des infrastructures communautaires et du développement à la base, ainsi que de la protection de l'environnement.
Etant donné l'ampleur et l'importance de ces programmes dans l'économie nationale et leur intensification prévue dans l'avenir, la commission a exprimé l'espoir que le gouvernement communiquerait les textes établissant et réglementant leur structure, comme elle l'avait demandé précédemment, ainsi que des informations détaillées sur leur mise en oeuvre, y compris des documents sur des projets spécifiques.
La commission note les indications du gouvernement dans son dernier rapport selon lesquelles, face aux effets néfastes de la crise économique accentués par une désertification et une sécheresse implacables et un exode rural massif rendant insuffisantes les structures urbaines d'accueil dans les grandes villes, le gouvernement s'est attelé à mettre sur pied un certain nombre de projets de développement touchant plusieurs régions dans le but de lutter contre le chômage, de protéger l'environnement et d'endiguer l'exode rural. L'opération "VCT" constitue l'un de ces projets et vise à réduire les effets négatifs des distributions gratuites de vivres sur les mentalités des populations et à faire participer les collectivités au développement du pays.
Initialement dénommée "cellule vivres contre travail", cette structure a été créée au sein du CSA pour concevoir et encadrer cette nouvelle politique. C'est dans le cadre de l'assistance du CSA aux populations défavorisées que cette structure a été mise en oeuvre. Le gouvernement ajoute que ce projet touche à sa fin sous la forme "VCT".
La commission, se référant à la déclaration susmentionnée du gouvernement devant l'Assemblée nationale, prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les nouvelles mesures adoptées ou envisagées visant à remplacer le projet sous sa forme "VCT", y compris les textes les instituant et les documents y afférents, notamment sur tout projet spécifique.
3. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les activités de développement et d'assistance aux populations auxquelles seront conviées les forces armées selon la déclaration du gouvernement devant l'Assemblée nationale.
4. La commission a précédemment noté les dispositions du décret no 70-152 du 23 mai 1970 portant organisation, administration et contrôle des établissements pénitentiaires, et du décret no 70-153 de la même date fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires, textes communiqués par le gouvernement en 1986. Le gouvernement avait indiqué qu'il envisage de revoir ces textes, étant donné que le décret no 70-153 prévoit en son chapitre II, section 2, la possibilité de concéder la main-d'oeuvre pénitentiaire à des particuliers, contrairement aux dispositions de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Le gouvernement avait ajouté que, dans la pratique, la main-d'oeuvre pénale n'a jamais été concédée ni mise à la disposition de particuliers.
La commission note les indications du gouvernement selon lesquelles les textes modificatifs ne sont pas encore adoptés. Elle relève que le gouvernement réitère sa déclaration antérieure selon laquelle, dans la pratique, la main-d'oeuvre pénitentiaire n'a jamais été mise à la disposition de particuliers. La commission espère que le gouvernement fera bientôt état des dispositions adoptées afin de mettre le droit en conformité avec la convention et la pratique indiquée.
5. Se référant à l'article 68 de la loi no 93-09 portant statut général des fonctionnaires et agents contractuels de l'Etat, la commission prie le gouvernement d'indiquer les critères guidant l'acceptation ou le refus dans le choix de l'autorité compétente d'une démission et les moyens de recours disponibles en cas de refus.
6. La commission a noté qu'en vertu des dispositions de l'article 41 du décret no 80-286 portant application de l'ordonnance no 80-174 du 22 juillet 1980 sur l'organisation et le statut de la garde nationale, la démission du personnel non officier peut être refusée dans l'intérêt du service, ajournée lorsque les circonstances l'exigent, acceptée lorsque les motivations le permettent.
La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur la nature des motivations visées et les critères guidant l'acceptation ou le refus d'une demande de démission.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport.
1. Abolition de l'esclavage. Dans ses commentaires antérieurs la commission s'est référée à la situation en droit et en pratique de l'abolition de l'esclavage dans le pays. La commission s'est référée aux dispositions suivantes portant abolition de l'esclavage ou interdisant le travail forcé:
- un certain nombre de dispositions adoptées avant l'indépendance, à savoir: le décret de 1905 abolissant l'esclavage; la loi no 46-645 du 11 avril 1946 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d'outre-mer; la loi no 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires d'outre-mer;
- le Code du travail de 1963 dont l'article 3 interdit le travail forcé ou obligatoire sous peine des sanctions pénales prévues à l'article 56 a);
- la déclaration du 5 juillet 1980 proclamant l'abolition de l'esclavage et l'ordonnance no 81-234 du 9 novembre 1981 portant abolition de l'esclavage. La commission a relevé que l'ordonnance ne contient pas de dispositions sanctionnant pénalement le fait d'exiger illégalement du travail forcé;
- la circulaire no 003 du 9 janvier 1981 invitant les juges (al-khoudath) à respecter la déclaration de 1980 et à rester en conformité avec le droit international et le droit interne; cette circulaire se réfère à "la nécessité d'insister auprès des autorités judiciaires pour que cessent à jamais toutes considérations de "maîtres à esclaves" ou vice versa à propos des procédures et précise que la pratique de l'esclavage est illicite et doit, par conséquent, désormais prendre fin sous toutes ses formes";
- la circulaire no 108 du 8 mai 1983 qui a renouvelé aux juges l'interdiction de prendre des décisions incompatibles avec les textes et demandé aux gouverneurs de signaler les défaillances et irrégularités dont ils auraient connaissance;
- l'article 13 de la Constitution de 1991 qui proscrit toute forme de violence morale ou physique.
Dans ses commentaires précédents, la commission a également pris note de certaines informations recueillies par la mission de contacts directs du BIT qui s'est rendue dans le pays en 1992 dont il ressortait que l'esclavage n'est pas éradiqué. Elle a par ailleurs noté des informations selon lesquelles les inspections n'avaient pas été renforcées (notamment en ce qui concerne les esclaves affranchis qui sont restés avec leurs maîtres) et aucun organisme chargé de coordonner la lutte contre l'esclavage n'avait été créé.
La commission a constaté que le gouvernement n'avait pas fourni, au cours des années écoulées, d'informations au sujet d'éventuelles poursuites contre des personnes se rendant coupables d'exaction de travail forcé ou d'esclavagisme.
La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur toutes poursuites engagées et peines infligées pour exaction de travail forcé et sur toutes autres mesures prises ou envisagées pour assurer l'application effective de la législation.
En ce qui concerne les mesures de réadaptation, la commission a rappelé précédemment que la Commission de la Conférence s'était préoccupée du sort des esclaves libérés et des mesures nécessaires pour empêcher qu'ils ne retombent en esclavage faute de moyens de subsistance. Dans ses commentaires antérieurs, la commission a noté les indications du gouvernement selon lesquelles il a mis en oeuvre une véritable politique d'intégration des descendants d'anciens esclaves; le gouvernement s'est référé à cet égard à des mesures en matière d'alphabétisation, de scolarisation, d'accès à la propriété foncière, de promotion dans la hiérarchie politique et administrative. Relevant le caractère général de ces mesures, la commission a exprimé l'espoir que le gouvernement communiquerait des informations détaillées sur les programmes et actions envisagés ou mis en oeuvre spécifiquement en faveur des anciens esclaves.
La commission note les indications du gouvernement dans son dernier rapport selon lesquelles aucun cas de violation des textes relatifs à l'abolition de l'esclavage n'a été introduit devant les instances judiciaires. La commission note également la déclaration du gouvernement selon laquelle, en mettant à la disposition de la commission et de la mission de contacts directs tous les textes et mesures ayant été pris ces dernières années pour l'éradication définitive des séquelles de l'esclavage, le gouvernement montre l'effort considérable entrepris dans ce sens dans les domaines social et culturel (alphabétisation des adultes), économique (égal accès à la propriété, égalité dans l'emploi et la formation professionnelle), politique (promotion à tous les niveaux de la hiérarchie politique et administrative de l'Etat). Cette action, sous-tendue par des campagnes d'information et de sensibilisation, a permis non seulement une prise de conscience générale concernant ce problème, mais aussi l'intégration des descendants d'anciens esclaves dans les divers secteurs de la vie nationale.
La commission a pris note des discussions du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, au cours de sa dix-huitième session, 1993. La commission note que le rapport du groupe de travail (document E/CN.4/SUB.2/1993/30) se réfère à des informations communiquées par Anti-Esclavage International (ASI) sur des enquêtes menées en 1992 sur le terrain montrant que l'esclavage et les institutions et pratiques analogues à l'esclavage, telles que certaines formes de servage, existent encore partout dans le pays. Il est allégué que l'ordonnance no 81-234 n'a pas été suivie d'actes concrets tels qu'une véritable campagne d'information et une indispensable réforme du système juridique; que de nombreux cas illustrent la continuation du phénomène, y compris des cas d'enlèvement et de vente d'enfants et d'exploitation; et que, devant les tribunaux, la pratique juridique quotidienne dément toute affirmation selon laquelle il n'existerait pas de problèmes relatifs à l'esclavage depuis l'abolition en 1981, comme le démontrent par exemple certains procès en matière d'héritage.
La commission espère que le gouvernement créera les conditions nécessaires pour permettre une véritable abolition de l'esclavage et du travail forcé. Se référant à l'article 25 de la convention, la commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les poursuites engagées et les sanctions infligées pour exaction de travail forcé. Elle le prie également de fournir des informations complètes et détaillées sur les programmes et mesures d'ensemble pris ou envisagés en faveur des anciens esclaves - dont certains vivraient dans un état de dénuement extrême - afin de favoriser leur insertion et d'empêcher qu'ils ne retombent en esclavage.
2. Réquisition de main-d'oeuvre. La commission a noté dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 et la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 confèrent aux autorités de larges pouvoirs de réquisition de personnes en dehors des cas de force majeure admis par l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission a noté précédemment la déclaration du gouvernement selon laquelle une commission réunie en décembre 1991 a examiné les textes en question et a jugé nécessaire d'abroger les dispositions non conformes à la convention. Elle a noté également que le gouvernmment avait renouvelé à la mission de contacts directs son intention de modifier la législation en cause.
La commission constate que, dans son dernier rapport, le gouvernement réitère sa position selon laquelle il reconnaît la nécessité d'abroger toute disposition non conforme à la convention, mais estime toutefois que le texte en cause ne prévoit la réquisition que dans des situations exceptionnelles conformément à l'esprit de l'article 2 de la convention.
La commission tient à rappeler que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 donne pouvoirs aux officiers de district de réquisitionner des personnes en vue de pourvoir aux besoins résultant des "circonstances". Elle rappelle également que la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 permet la réquisition sous peine de sanctions pénales d'agents publics et privés pour assurer leurs fonctions lorsque les "circonstances" l'exigent, notamment pour assurer, lorsqu'il est compris, le fonctionnement d'un service considéré comme indispensable pour la satisfaction d'un besoin essentiel du pays ou de la population. La commission avait noté à cet égard que ce dernier exemple illustre les circonstances visées, mais ne limite pas le caractère général des pouvoirs susceptibles d'être exercés lorsque les "circonstances" l'exigent.
La commission espère en conséquence que le gouvernement prendra les mesures nécessaires pour modifier ou abroger les textes en cause de manière à limiter le recours aux pouvoirs de réquisition aux cas de force majeure tels que définis à l'article 2, paragraphe 2 d), et qu'il fournira des informations sur les dispositions adoptées.
[Le gouvernement est prié de communiquer un rapport détaillé pour la période se terminant le 30 juin 1994.]
Se référant également à son observation sous la convention, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les points suivants.
1. La commission a demandé précédemment au gouvernement d'indiquer si des esclaves affranchis se trouvent parmi les bénéficiaires de l'allocation des terres suite à l'adoption de l'ordonnance no 83-127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale, et elle l'a prié de communiquer une copie du décret d'application no 84-009 du 19 janvier 1984.
La commission espère que le gouvernement communiquera copie du décret d'application en question.
La commission prend note des listes de projets et bénéficiaires de vivres fournies pour le gouvernement.
La commission note également la déclaration du gouvernement devant l'Assemblée nationale en novembre 1992 selon laquelle les programmes d'appui au développement communautaire, par l'octroi de vivres contre le travail, ont été d'un grand apport en matière d'emploi et de lutte contre la pauvreté; 157 projets ont été réalisés et ont porté sur des secteurs tels que la construction des barrages, digues et pistes rurales, le maraîchage, le reboisement et la fixation des dunes, le forage des puits, la construction d'insfrastructures communautaires de base et les travaux d'assainissement urbains.
Les programmes vivres contre travail seront intensifiés dans une perspective de promotion de l'emploi, de l'amélioration des infrastructures communautaires et du développement à la base, ainsi que de la protection de l'environnement.
Etant donné l'ampleur et l'importance de ces programmes dans l'économie nationale et leur intensification prévue dans l'avenir, la commission espère que le gouvernement communiquera les textes établissant et réglementant leur structure comme elle l'avait demandé précédemment ainsi que des informations détaillées sur leur mise en oeuvre, y compris des documents sur des projets spécifiques.
3. La commission a précédemment noté les dispositions du décret no 70-152 du 23 mai 1970 portant organisation, administration et contrôle des établissements pénitentiaires, et du décret no 70-153 de la même date fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires, textes communiqués par le gouvernement en 1986. Le gouvernement avait indiqué qu'il envisage de revoir ces textes, étant donné que le décret no 70-153 prévoit en son chapitre II, section 2, la possibilité de concéder la main-d'oeuvre pénitentiaire à des particuliers, contrairement aux dispositions de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention. Le gouvernement avait ajouté que, dans la pratique, la main-d'oeuvre pénale n'a jamais été concédée ni mise à la disposition de particuliers.
Notant que le rapport du gouvernement ne contient pas d'informations en la matière, la commission espère que le gouvernement fera bientôt état des dispositions adoptées.
4. Dans sa demande antérieure, la commission s'est référée aux dispositions du décret no 80-286 du 31 octobre 1980 portant application de l'ordonnance no 80-174 du 22 juillet 1980 sur l'organisation et le statut de la garde nationale, et elle a prié le gouvernement d'indiquer les critères guidant le choix des autorités administratives dans l'acceptation ou le refus de la démission, sur les voies de recours ouvertes contre des décisions de refuser la démission et de communiquer copie du statut applicable aux personnels militaires de l'armée ainsi que des dispositions intégrant la garde civile dans l'armée. La commission avait noté les indications du gouvernement selon lesquelles les textes en question seraient transmis prochainement. La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement communiquera les textes et informations demandées.
5. La commission saurait gré au gouvernement de communiquer une copie du projet de loi sur la réforme du statut du personnel de l'Etat. Elle le prie d'autre part de fournir des informations sur les activités de développement et d'assistance aux populations auxquelles seront conviées les forces armées selon la déclaration du gouvernement devant l'Assemblée nationale.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans des rapports de février et août 1992. La commission a également pris note du rapport de la mission de contacts directs qui, à la demande du gouvernement, s'est rendue en Mauritanie en avril-mai 1992 ainsi que des discussions ayant eu lieu à la Commission de la Conférence à la suite de cette mission.
Esclavage
Dans ses commentaires antérieurs, la commission s'est référée à la situation en droit et en pratique de l'abolition de l'esclavage dans le pays.
Législation et application effective de la loi. 1. Dans ses commentaires antérieurs, la commission s'est référée aux dispositions suivantes portant abolition de l'esclavage ou interdisant le travail forcé:
- un certain nombre de dispositions adoptées avant l'indépendance, à savoir: le décret de 1905 abolissant l'esclavage, la loi no 46-645 du 11 avril 1946 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d'outre-mer, la loi no 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires d'outre-mer;
- la commission a également relevé des informations communiquées aux Nations Unies selon lesquelles une circulaire no 003 du 9 janvier 1981 avait invité les juges et les cadis (al-khoudath) à respecter la déclaration de 1980 et à rester en conformité avec le droit international et le droit interne, et une circulaire no 108 du 8 mai 1983 avait renouvelé aux juges l'interdiction de prendre des décisions incompatibles avec les textes et demandé aux gouverneurs de signaler les défaillances et irrégularités dont ils auraient connaissance.
Le gouvernement a indiqué précédemment que la pratique du travail forcé n'existe plus dans le pays et que l'ordonnance no 81-234 portant abolition de l'esclavage n'a aucune portée, car elle consacre, selon le gouvernement, une situation de fait déjà existante, et l'évolution institutionnelle et sociale empêche l'existence, en droit et en pratique, du travail forcé.
La commission a fait observer que les différents textes adoptés avant l'indépendance avaient interdit l'esclavage ou le travail forcé, sans l'empêcher dans la pratique; de même, en dépit des dispositions du Code du travail adopté en 1963, les pratiques d'esclavage n'en ont pas moins continué puisque aussi bien le gouvernement a jugé nécessaire d'adopter en 1980 et 1981 de nouveaux textes, à savoir la déclaration et l'ordonnance abolissant l'esclavage.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement à la Commission de la Conférence ainsi que dans ses rapports de février et août 1992 selon lesquelles l'esclavage a été aboli dès avant l'accession à la souveraineté, et cette abolition est confirmée par l'ensemble des dispositions juridiques du pays, notamment par les dispositions du Code du travail et par la nouvelle Constitution du 20 juillet 1991 qui proscrit en son article 13 toute forme de violence morale ou physique. Le gouvernement ajoute que l'ordonnance no 81-234 de 1981 avait pour but beaucoup plus l'éradication des séquelles de l'esclavage que son abolition.
La commission relève que la circulaire susmentionnée no 003 du 9 janvier 1981, dont le gouvernement a communiqué une copie, se réfère à "la nécessité d'insister auprès des autorités judiciaires pour que cessent à jamais toutes considérations de "maîtres à esclave" ou vice versa à propos des procédures et précise que "la pratique de l'esclavage est illicite et doit, par conséquent, désormais prendre fin sous toutes ses formes".
La commission constate que le gouvernement n'a pas fourni au cours des années écoulées d'informations au sujet d'éventuelles poursuites contre des personnes se rendant coupables de travail forcé ou d'esclavagisme et que, dans son dernier rapport, le gouvernement déclare qu'il n'y a pas eu de décisions judiciaires rendues par les tribunaux.
La commission a pris note de certaines informations qui ont pu être recueillies par la mission de contacts directs dont il ressort que l'esclavage n'est pas éradiqué et semblerait atteindre encore une certaine échelle.
La commission rappelle également qu'elle a noté précédemment que le rapport du Groupe de travail des formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, au cours de sa quinzième session (document E/CN.4/SUB.2/1990/44), faisait état d'informations selon lesquelles les inspections n'ont pas été renforcées (notamment en ce qui concerne les esclaves affranchis qui sont restés avec leurs maîtres), et qu'aucun organisme chargé de coordonner la lutte contre l'esclavage n'a été créé. La commission note à cet égard que le gouvernement a déclaré à la mission de contacts directs qu'il n'était pas favorable à la mise en place d'un tel organisme, préférant prendre les mesures appropriées dans un cadre général.
La commission rappelle qu'en vertu de l'article 25 de la convention, non seulement le fait d'exiger illégalement du travail forcé sera passible de sanctions pénales, mais encore tout Membre ratifiant la convention aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
La commission ne peut que demander une nouvelle fois au gouvernement de fournir des informations sur toutes poursuites entamées et peines infligées pour exaction de travail forcé et sur toutes autres mesures prises ou envisagées pour assurer l'application effective de la législation, telles que par exemple une action d'information et de formation des milieux judiciaires ou des campagnes d'information à l'adresse des populations concernées et du large public par la voie des différents médias.
Mesures de réadaptation. 2. La commission rappelle que la Commission de la Conférence s'est préoccupée précédemment du sort des esclaves libérés afin d'empêcher qu'ils ne retournent ou retombent en esclavage, faute de moyens de subsistance. Elle note les mesures adoptées par le gouvernement pour faire disparaître ce qu'il considère comme les "séquelles d'une pratique anachronique". Le gouvernement indique qu'il s'est attelé depuis quelques années à la mise en place d'une véritable politique d'intégration des descendants d'anciens esclaves dans les différents secteurs de la vie nationale, notamment en matière de scolarisation par l'ouverture d'écoles modernes et traditionnelles dans des endroits à forte présence de "cette couche sociale"; la création d'un département ministériel pour l'alphabétisation des adultes visant à combattre l'analphabétisme dont cette couche est la principale victime; une politique d'accès à la propriété foncière par la distribution de lots à usage d'habitation au bénéfice essentiellement de cette communauté; le gouvernement se réfère à cet égard à l'ordonnance no 83-127 du 9 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale en indiquant qu'elle interdit tout système de métayage ou de servage et garantit l'accès à la propriété foncière. Le gouvernement ajoute qu'il a appliqué une politique délibérée de promotion des représentants de cette couche sociale à tous les niveaux de la hiérarchie politique et administrative de l'Etat garantissant leur participation effective au processus de prise de décisions.
La commission a pris connaissance du rapport annuel de l'activité du gouvernement durant 1992 et des lignes du programme du gouvernement pour 1993 présentées à l'Assemblée nationale en novembre 1992 qui se réfèrent notamment aux actions et programmes en matière sanitaire, d'éducation et de logement. La commission eût espéré que le gouvernement marquât à cette occasion sa volonté de mettre en pratique la "véritable politique d'intégration des descendants d'anciens esclaves dans les différents secteurs de la vie nationale" dont il fait état dans son rapport d'août 1992 et indiquât les moyens mis en oeuvre à cette fin.
La commission espère en conséquence que le gouvernement communiquera des informations détaillées sur les programmes et actions envisagés ou mis en oeuvre spécifiquement en faveur des anciens esclaves.
3. Se référant aux dispositions de l'ordonnance no 81-234 du 9 novembre 1981, prévoyant que l'abolition de l'esclavage donnerait lieu à compensation des ayants droit dont les modalités seraient fixées par décret ainsi qu'aux discussions ayant eu lieu à la Commission de la Conférence à cet égard, la commission avait prié le gouvernement d'indiquer si ces dispositions ont été abrogées ou, au contraire, mises en application. La commission note les indications fournies par le gouvernement à la mission de contacts directs selon lesquelles il n'entend pas mettre en oeuvre cette ordonnance tant pour des raisons de principe que par défaut de moyens matériels. Il n'a cependant pas l'intention de l'abroger dans un proche avenir.
4. La commission adresse à nouveau directement une demande au gouvernement concernant l'application pratique de l'ordonnance no 83-127 du 5 juin 1983 susmentionnée ainsi que sur d'autres points.
Réquisition de main-d'oeuvre
La commission a noté dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 et la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 confèrent aux autorités de très larges pouvoirs de réquisition de personnes en dehors des cas de force majeure admis par l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission a relevé que le gouvernement avait déclaré précédemment qu'il reconnaissait la nécessité d'abroger des dispositions non conformes à la convention.
La commission note la déclaration du gouvernement dans son rapport de février 1992 selon laquelle une commission composée de cadres du ministère du Travail et du ministère de l'Intérieur, réunie en décembre 1991, a examiné les deux ordonnances susmentionnées et a jugé nécessaire d'abroger les dispositions non conformes à la convention. La commission note également que le gouvernement a renouvelé à la mission de contacts directs son intention de modifier la législation en cause pour la mettre en conformité avec la convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les dispositions adoptées en ce sens.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport pour la période se terminant le 30 juin 1989 parvenu au BIT en mai 1990.
1. Dans ses commentaires antérieurs, la commission, se référant à l'ordonnance no 83-127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale, a notamment relevé qu'en vertu de l'article 6 les droits collectifs légitimement acquis bénéficient à tous ceux qui ont soit participé à la mise en valeur initiale, soit contribué à la pérennité de l'exploitation. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur l'application pratique des dispositions de l'ordonnance, notamment de l'article 6, et de communiquer le texte du décret d'application no 84-009 du 19 janvier 1984.
La commission note les indications du gouvernement dans son rapport selon lesquelles l'application pratique de l'ordonnance no 83-127 ne pose pas de problème et se concrétise par la mise à la disposition des citoyens de terres le long du fleuve. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées, y compris des statistiques, sur la qualité des citoyens ayant bénéficié de l'allocation de terres, et d'indiquer en particulier si des esclaves affranchis se trouvent parmi les allocataires de terres. Notant également les indications du gouvernement selon lesquelles le texte du décret d'application no 84-009 sera communiqué prochainement, la commission espère pouvoir prendre connaissance de ce texte à brève échéance.
La commission prie à nouveau le gouvernement de communiquer des informations sur toutes mesures adoptées pour renforcer l'action entreprise en vue de l'abolition de l'esclavage.
2. La commission avait noté, d'après la réponse du gouvernement à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (document E/CN.4/Sub.2/1987/27 de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités du 17 juillet 1987), que le gouvernement a mis sur pied plusieurs structures visant à parachever l'insertion des anciens esclaves dans les différents secteurs de la vie socio-économique. La commission avait noté en particulier la structure "Vivres contre travail" (VTC) qui, selon le document, était intervenue dans plusieurs régions du pays et a ouvert, en 1987, dans la capitale, différents chantiers au profit de quelque 10.000 personnes, et elle avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur cette structure.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport selon lesquelles cette opération vise à encourager les citoyens à travailler. Les recrutements se font par l'organisme compétent (CSA) et les personnes concernées sont payées au moyen de quantités données de produits de première nécessité; le nombre des bénéficiaires avoisine des dizaines de milliers.
La commission prie le gouvernement de communiquer copie des textes établissant et réglementant la structure "VTC".
3. Dans sa demande antérieure, la commission s'est référée aux dispositions du décret no 80-286 du 31 octobre 1980 portant application de l'ordonnance no 80-174 du 22 juillet 1980, sur l'organisation et le statut de la garde nationale, et elle a prié le gouvernement d'indiquer les critères guidant le choix des autorités administratives dans l'acceptation ou le refus de la démission, sur les voies de recours ouvertes contre des décisions de refuser la démission et de communiquer copie du statut applicable aux personnels militaires de l'armée ainsi que des dispositions intégrant la garde civile dans l'armée. Notant les indications du gouvernement dans son rapport selon lesquelles les textes en question seront transmis prochainement, la commission espère que le gouvernement communiquera les textes et informations demandées à brève échéance.
4. La commission a précédemment noté les dispositions du décret no 70-152 du 23 mai 1970 portant organisation, administration et contrôle des établissements pénitentiaires, et du décret no 70-153 de la même date fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires, textes communiqués par le gouvernement en 1986. Le gouvernement avait indiqué qu'il envisage de revoir ces textes, étant donné que le décret no 70-153 prévoit en son chapitre II, section 2, la possibilité de concéder la main-d'oeuvre pénitentiaire à des particuliers, contrairement aux dispositions de l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention.
La commission note les indications du gouvernement dans son rapport selon lesquelles, dans la pratique, la main-d'oeuvre pénale n'a jamais été concédée ni mise à la disposition de particuliers, et que le gouvernement envisage de prendre des mesures législatives pour que tout travail pénitentiaire soit exécuté sous le contrôle et la surveillance de l'autorité publique, conformément à l'article 2 de la convention.
Se référant à nouveau aux paragraphes 97 et 98 de son Etude d'ensemble de 1979 sur le travail forcé, la commission espère que le gouvernement fera bientôt état des dispositions adoptées.
La commission note les informations communiquées par le gouvernement dans son prapport pour la période se terminant le 30 juin 1989, parvenu au BIT en mai 1990. Elle a également pris note des discussions qui ont lieu à la Commission de la Conférence en juin 1990 au sujet de l'application de la Convention en Mauritanie.
1. Abolition de l'esclavage. Dans ses commentaires antérieurs, la commission s'est référée à la déclaration du 5 juillet 1980 proclamant l'abolition de l'esclavage et à l'ordonnance no 81-234 du 9 novembre 1981 portant abolition de l'esclavage, et elle a relevé que l'ordonnance ne contient pas de dispositions sanctionnant pénalement le fait d'exiger illégalement du travail forcé. La commission avait également noté d'après les indications contenues dans un document soumis à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (document E/CN.4/Sub.2/1984/23) l'adoption de la circulaire no 003 du 9 janvier 1981 (qui invite les juges et les cadis (al-koudath) à respecter la décision de 1980 et à rester en conformité avec le droit international et le droit interne), ainsi que la circulaire no 108 du 8 mai 1983 (qui renouvelle l'interdiction aux juges de prendre des décisions incompatibles avec les textes et demande aux gouverneurs de signaler les défaillances et irrégularités dont ils auraient connaissance). De même, elle avait relevé les indications du gouvernement à la Commission des droits de l'homme (document E/CN.4/Sub.2/1987/27) selon lesquelles de nouvelles circulaires ont été envoyées aux autorités régionales du pays pour réaffirmer la conformité de l'ordonnance no 81-234 avec la charia et rappeler les peines encourues pour les contrevenants à la législation en la matière. La commission a précédemment également noté les indications du gouvernement selon lesquelles, en vertu de l'article 3 du Code du travail, le travail forcé ou obligatoire est interdit et passible, aux termes de l'article 56 a) du même code, de sanctions pénales et que la pratique du travail forcé n'existe plus dans le pays. La commission avait cependant relevé que ces dispositions sont en vigueur depuis 1963, date de l'adoption du Code du travail, mais que les pratiques d'esclavage n'en ont pas moins continué, puisque aussi bien le gouvernement a jugé nécessaire d'adopter l'ordonnance de 1981 pour abolir l'esclavage. La commission a rappelé à cet égard qu'en vertu de l'article 25 de la convention non seulement le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, mais encore tout membre ratifiant la convention aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour assurer l'application des décisions d'abolition de l'esclavage, sur les résultats déjà obtenus ainsi que sur les sanctions imposées à ceux n'ayant pas respecté les dispositions abolissant l'esclavage. Elle l'a prié de communiquer des décisions judiciaires intervenues en la matière, ainsi que les indications fournies par les gouverneurs, conformément à la circulaire no 108 du 8 mai 1983, dont elle l'a prié d'envoyer copie, de même que de la circulaire no 003 du 9 janvier 1981 et des circulaires dont il est fait mention dans la réponse susmentionnée du gouvernement à la Commission des droits de l'homme.
La commission doit constater que le rapport du gouvernement ne contient aucune réponse ni information correspondant aux demandes qu'elle a formulées: le gouvernement se réfère à l'article 1er de la Constitution de 1961 qui garantit l'égalité devant la loi et indique que l'ordonnance no 81-234 portant abolition de l'esclavage n'a aucune portée, car elle consacre, selon lui, une situation de fait déjà existante. Selon le gouvernement, l'évolution institutionnelle et sociale empêche l'existence, en droit et en pratique, du travail forcé. A cet égard, la commission ne peut que reprendre l'observation qu'elle a déjà faite au sujet du Code du travail. La commission relève que différents textes adoptés avant l'indépendance avaient déjà interdit l'esclavage ou le travail forcé, sans l'empêcher dans la pratique, à savoir: le décret de 1905 abolissant l'esclavage, la loi no 46-645 du 11 avril 1946 tendant à la suppression du travail forcé dans les territoires d'outre-mer et la loi no 52-1322 du 15 décembre 1952 instituant un Code du travail dans les territoires et territoires associés relevant du ministère de la France d'outre-mer.
La commission a pris note des discussions du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage de la Sous-commission des Nations Unies de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, au cours de sa quinzième session, 1990. La commission note que le rapport du groupe de travail (document E/CN.4/Sub.2/1990/44) se réfère à des informations communiquées par Anti-Esclavage International selon lesquelles, malgré certains progrès législatifs, en particulier dans le domaine de l'emploi, peu d'indices indiquent que la législation est véritablement appliquée: les inspections n'ont pas été renforcées (notamment en ce qui concerne les esclaves affranchis qui sont restés avec leurs maîtres), aucun organisme chargé de coordonner la lutte contre l'esclavage n'a été créé. Des rapports continuent à faire état de travail forcé, d'enlèvement d'enfants, de tortures auxquelles s'exposent les esclaves qui tentent de s'échapper.
La commission exprime l'espoir que le gouvernement communiquera des informations détaillées sur l'ensemble des demandes qu'elle a formulées précédemment et qu'elle a rappelées ci-dessus et, notamment, sur les mesures prises ou envisagées pour assurer l'application des décisions d'abolition de l'esclavage, les résultats obtenus et les sanctions imposées pour non-respect des dispositions abolissant l'esclavage.
Se référant également aux dispositions de l'ordonnance no 81-234 du 9 novembre 1981, prévoyant que l'abolition de l'esclavage donnerait lieu à compensation des ayants-droit dont les modalités seraient fixées par décret, ainsi qu'aux discussions ayant eu lieu à la Commission de la Conférence à cet égard, la commission prie le gouvernement d'indiquer si ces dispositions ont été abrogées ou, au contraire, mises en application.
2. Réquisition de main-d'oeuvre. La commission a noté dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 et la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 confèrent aux autorités de très larges pouvoirs de réquisition de personnes en dehors des cas de force majeure admis par l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission a relevé que le gouvernement avait déclaré précédemment qu'il reconnaissait la nécessité d'abroger des dispositions non conformes à la convention et qu'il avait élaboré un projet de Code du travail à l'effet d'assurer la pleine conformité de la législation avec la convention, et que ce projet serait soumis pour commentaires au Bureau international du Travail. La commission note les informations communiquées par le gouvernement à la Commission de la Conférence selon lesquelles des mesures sont envisagées pour mettre la législation nationale en conformité avec les dispositions de l'article 2 de la convention, et la réimplantation des structures syndicales permettra de soumettre au Conseil national du travail le projet de Code du travail.
La commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement communiquera, à brève échéance, les textes portant abrogation ou amendement des dispositions en cause, de manière à rendre la législation conforme avec l'article 2 de la convention sur ce point.
La commission note que le rapport n'a pas été reçu. Elle espère qu'un rapport sera fourni pour examen par la commission à sa prochaine session et qu'il contiendra des informations complètes sur les points suivants:
1. Dans ses commentaires antérieurs, la commission, se référant à l'ordonnance no 83-127 du 5 juin 1983 portant réorganisation foncière et domaniale, a notamment relevé qu'en vertu de l'article 6 les droits collectifs légitimement acquis bénéficient à tous ceux qui ont soit participé à la mise en valeur initiale, soit contribué à la pérennité de l'exploitation. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur l'application pratique des dispositions de l'ordonnance, notamment de l'article 6 et de communiquer le texte du décret d'application no 84-009 du 19 janvier 1984. Elle le prie également de communiquer des informations sur toutes mesures adoptées pour renforcer l'action entreprise en vue de l'abolition de l'esclavage.
2. La commission avait noté, d'après la réponse du gouvernement à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (doc. E/CN4/Sub.2/1987/27 de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités du 17.7.1987), que le gouvernement a mis sur pied plusieurs structures visant à parachever l'insertion des anciens esclaves dans les différents secteurs de la vie socio-économique. La commission avait noté en particulier la structure "vivres contre travail" (VTC) qui, selon le document, est déjà intervenue dans plusieurs régions du pays et a ouvert, en 1987, dans la capitale différents chantiers au profit de quelque 10.000 personnes. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur l'organisation de cette structure VTC, notamment sur les conditions de recrutement et de travail, les projets entrepris, le nombre de personnes concernées, etc.
3. Dans sa demande antérieure, la commission s'est référée aux dispositions du décret no 80-286 du 31 octobre 1980 portant application de l'ordonnance no 80-174 du 22 juillet 1980 sur l'organisation et le statut de la garde nationale et elle a prié le gouvernement d'indiquer les critères guidant le choix des autorités administratives dans l'acceptation ou le refus de la démission et sur les voies de recours ouvertes contre des décisions de refuser la démission. La commission avait noté les indications du gouvernement communiquées en mai 1986 selon lesquelles de nouvelles dispositions ont intégré la garde civile dans l'armée. Elle prie à nouveau le gouvernement de communiquer copie du statut applicable aux personnels militaires de l'armée ainsi que des dispositions intégrant la garde civile dans l'armée.
4. Se référant à sa demande antérieure au sujet des dispositions applicables en matière de travail des détenus, la commission avait pris connaissance du décret no 70-152 du 23 mai 1970 portant organisation, administration et contrôle des établissements pénitentiaires et du décret no 70-153 de la même date fixant le régime intérieur des établissements pénitentiaires, dont le gouvernement a communiqué les textes en mai 1986, en indiquant qu'il envisage de revoir ces textes, étant donné que le décret no 70-153 prévoit en son chapitre II, section 2, la possibilité de concéder la main-d'oeuvre pénitentiaire à des particuliers, contrairement aux dispositions de l'article 2, paragraphe 2, de la convention.
La commission, notant avec intérêt cette intention du gouvernement, a rappelé qu'en effet l'article 2, paragraphe 2 c), de la convention exige que le travail pénitentiaire soit exécuté sous la surveillance et le contrôle des autorités publiques et interdit que le prisonnier soit concédé ou mis à la disposition de compagnies privées, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la prison. Comme la commission l'a expliqué aux paragraphes 97 et 98 de son Etude d'ensemble de 1979 sur l'abolition du travail forcé, l'emploi des prisonniers par des employeurs privés ne saurait être compatible avec la convention qu'à condition que l'intéressé l'accepte et sous réserve de garanties, notamment en matière de rémunération, de sécurité sociale, etc.
La commission espère à nouveau que des mesures ont été ou sont en voie d'être prises, comme le gouvernement en a exprimé précédemment l'intention, soit pour interdire que la main-d'oeuvre pénale ne soit concédée ou mise à la disposition de particuliers, compagnies ou personnes morales privées, soit pour assurer que le travail des prisonniers au service de personnes ou entitées privées s'effectue dans les conditions d'une relation de travail libre, c'est-à-dire qu'il devra dépendre du consentement des personnes intéressées et de l'existence des garanties correspondantes, notamment en matière de salaires et de sécurité sociale. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées en la matière.
La commission a toutefois pris note de la déclaration des membres employeurs et travailleurs à la Commission de la Conférence en 1989. Au sujet de l'application de la convention en Mauritanie, les membres employeurs ont rappelé que la question de l'élimination de l'esclavage a été source de problèmes pendant de nombreuses années, et que la commission d'experts avait noté avec regret que les mesures nécessaires n'ont pas encore été prises pour mettre en oeuvre la loi abolissant l'esclavage. Ils ont indiqué qu'ils n'étaient pas convaincus que l'esclavage n'est plus pratiqué. Les membres travailleurs se sont associés aux propos des membres employeurs.
1. Abolition de l'esclavage. Dans ses commentaires antérieurs, la commission s'était référée à la déclaration du 5 juillet 1980 proclamant l'abolition de l'esclavage et à l'ordonnance no 81-234 du 9 novembre 1981 portant abolition de l'esclavage. Elle avait noté qu'aux termes des dispositions de l'ordonnance l'abolition de l'esclavage donnerait lieu à une compensation des ayants droit dont les modalités seraient fixées par décret, et elle avait relevé que l'ordonnance ne contenait pas de dispositions sanctionnant pénalement le fait d'exiger illégalement du travail forcé. La commission avait également relevé les indications contenues dans un document soumis à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (doc. E/CN.4/Sub.2/1984/23 de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités - 2.7.1984) selon lesquelles l'absence de pénalités et la non-adoption du décret d'application en matière de compensations pouvaient amener des maîtres à soutenir devant leurs esclaves qu'ils sont toujours esclaves du fait que les compensations prévues n'ont pas été reçues par les ayants droit, à savoir les maîtres, lesquels ne pouvaient les demander faute de décret d'application. La commission avait également noté, d'après les indications contenues dans le rapport prémentionné, la circulaire no 003 du 9 janvier 1981 (qui invite les juges et les cadis (al-koudath) à respecter la décision de 1980 et à rester en conformité avec le droit international et le droit interne) ainsi que la circulaire no 108 du 8 mai 1983 (qui renouvelle aux juges l'interdiction de prendre des décisions incompatibles avec les textes et demande aux gouverneurs de signaler les défaillances et irrégularités dont ils auraient connaissance).
La commission avait noté les informations communiquées par le gouvernement dans son rapport pour la période se terminant au 30 juin 1987 et à la Commission de la Conférence en 1986 selon lesquelles, en vertu de l'article 3 du Code du travail, le travail forcé ou obligatoire est interdit et passible, aux termes de l'article 56 a) du même code, de sanctions pénales et que la pratique du travail forcé n'existe plus dans le pays. Elle avait noté également que le gouvernement n'envisage pas d'adopter le décret prévu à l'article 3 de l'ordonnance no 81-234 au sujet des compensations, étant donné qu'il est apparu aberrant de prévoir des compensations pour une activité déclarée illégale, et que le gouvernement entend supprimer cette disposition.
La commission avait relevé par ailleurs les indications fournies par le gouvernement dans sa réponse à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies (document E/CN.4/Sub.2/1987/27 de la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités - 17.7.1987) selon lesquelles de nouvelles circulaires ont été envoyées aux autorités régionales du pays pour réaffirmer la conformité de l'ordonnance no 81-234 avec la charia et rappeler les peines encourues pour les contrevenants à la législation en la matière.
La commission avait pris note des indications du gouvernement selon lesquelles l'article 56 a) du Code du travail rend punissable de peines pénales l'exaction illégale de travail forcé. La commmission avait cependant relevé que ces dispositions sont en vigueur depuis 1963, date de l'adoption du Code du travail, mais que les pratiques d'esclavage n'en ont pas moins continué puisque aussi bien le gouvernement a jugé nécessaire d'adopter l'ordonnance de 1981 pour abolir l'esclavage. La commission a rappelé à cet égard qu'en vertu de l'article 25 de la convention non seulement le fait d'exiger illégalement du travail forcé ou obligatoire sera passible de sanctions pénales, mais encore tout membre ratifiant la convention aura l'obligation de s'assurer que les sanctions imposées par la loi sont réellement efficaces et strictement appliquées.
La commission a prié le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises ou envisagées pour assurer l'application des décisions d'abolition de l'esclavage, sur les résultats déjà obtenus ainsi que sur les sanctions imposées à ceux n'ayant pas respecté les dispositions abolissant l'esclavage. Elle l'a prié de communiquer des décisions judiciaires intervenues en la matière ainsi que les indications fournies par les gouverneurs, conformément à la circulaire no 108 du 8 mai 1983, dont elle l'a prié d'envoyer copie, de même que de la circulaire no 003 du 9 janvier 1981 et des circulaires dont il était fait mention dans la réponse susmentionnée du gouvernement à la Commission des droits de l'homme.
La commission a prié également le gouvernement de communiquer tout texte adopté soit pour abroger l'article 3 de l'ordonnance no 81-234 sur les compensations dues, soit pour le mettre en oeuvre et de fournir des informations sur les mesures adoptées pour assurer le respect de la convention tant en droit qu'en pratique.
La commission espère à nouveau que le gouvernement fera tout son possible pour prendre les mesures nécessaires dans un très proche avenir.
2. Réquisition de main-d'oeuvre. La commission a noté dans des commentaires formulés depuis de nombreuses années que l'ordonnance no 62-101 du 26 avril 1962 et la loi no 70-029 du 23 janvier 1970 confèrent aux autorités de très larges pouvoirs de réquisition de personnes en dehors des cas de force majeure admis par l'article 2, paragraphe 2 d), de la convention. La commission a relevé que le gouvernement avait déclaré précédemment qu'il reconnaissait la nécessité d'abroger des dispositions non conformes à la convention et qu'il avait élaboré un projet de Code du travail à l'effet d'assurer la pleine conformité de la législation avec la convention et que ce projet serait soumis pour commentaires au Bureau international du Travail.
Notant également la déclaration du représentant gouvernemental à la Commission de la Conférence en 1986 selon laquelle les mesures nécessaires pour donner effet aux dispositions de la convention ont été prises, la commission exprime à nouveau l'espoir que le gouvernement communiquera, à brève échéance, les textes portant abrogation ou amendement des dispositions en cause de manière à rendre celles-ci compatibles avec l'article 2 de la convention.