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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2024, Publication : 112ème session CIT (2024)

Informations écrites communiquées par le gouvernement

Article 1. Peuples

Les peuples indigènes ou originaires sont identifiés en fonction de critères d’identification conformes à la convention (no 169) relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989, et à la loi no 29785. Cela permet d’actualiser la Base de données officielle des peuples indigènes ou originaires (BDPI), afin d’assurer des services publics en fonction de caractéristiques culturelles ou linguistiques.
Selon la BDPI, 55 peuples indigènes ou originaires sont traditionnellement présents sur le territoire. Ils sont répartis dans 9 211 localités (5 153 communautés paysannes, 2 303 communautés natives, 1 708 dont le type n’a pas été identifié et 47 étant des peuples indigènes en situation de contact initial). Sur ce total, 4 327 sont géoréférencées (49 pour cent), 7 455 sont reconnues (81 pour cent) et 5 825 disposent de titres de propriété (63 pour cent). En tout, 2 880 352 personnes vivent dans ces communautés (9,8 pour cent de la population péruvienne).
Depuis 2022, des fonctionnaires de la BDPI se sont rendus dans 144 communautés dans 12 départements pour identifier des peuples. On ne disposait pas d’informations au sujet de 1 393 communautés, mais ce chiffre est descendu à 1 251 en 2023. Au cours de la même année, la liste a été actualisée à quatre reprises (mai, juin, septembre et décembre), et 192 nouvelles localités y ont été incluses.

Articles 2 et 33. Action coordonnée

La proposition de politique nationale sur les peuples indigènes ou originaires vise à garantir l’exercice effectif des droits collectifs de plus de 5,9 millions de personnes appartenant à un peuple indigène ou originaire. Cette politique compte trois phases: i) actualisation; ii) consultation préalable; et iii) approbation.
En 2024, la proposition en est au stade de la consultation préalable, laquelle comprend sept étapes: i) identification de la mesure soumise à consultation; ii) identification de peuples; iii) publicité; iv) étape d’information; v) évaluation; vi) dialogue; et vii) décision.
Entre mai et décembre 2023, les activités suivantes ont été menées:
  • 4 réunions avec des organisations qui ont débouché sur un consensus à propos de la proposition;
  • 9 réunions pour donner davantage d’informations sur la proposition;
  • 17 activités d’assistance technique en vue de la validation multisectorielle de la proposition;
  • 6 réunions avec le Centre national de planification stratégique (CEPLAN) pour évaluer les problèmes qui se posent dans le domaine public;
  • projets comportant des réalisations escomptées 1, 2 et 3 approuvées par le CEPLAN.
Entre mars et avril 2024, les activités suivantes ont été déployées:
  • renforcement de la participation de 45 entités;
  • 56 réunions avec 37 entités pour examiner des propositions;
  • présentation des propositions de services lors de la 5e réunion (6 et 9 mai) avec 8 organisations indigènes et 33 entités publiques;
  • identification de 61 services et élaboration de 102 propositions pour révision.
Au sujet de la commission multisectorielle instituée en vertu du décret suprême no 0052021-MC, en mai 2024, ses membres avaient rendu compte de la réalisation d’actions stratégiques.
Sur 122 actions stratégiques, 41 ont été menées à bien, 50 sont en cours de réalisation et 31 sont en attente. Selon le groupe de travail technique (GTT), ces actions sont les suivantes:
  • GTT no 1. Accès à la santé intégrale/interculturelle: 16 actions stratégiques réalisées et 7 en cours de réalisation;
  • GTT no 2. Développement/économie indigène: 5 actions stratégiques réalisées et 15 en cours de réalisation;
  • GTT no 3. Accès à l’éducation interculturelle: 9 actions stratégiques réalisées et 12 en cours de réalisation;
  • GTT no 4. Droits des femmes indigènes: 7 actions stratégiques réalisées et 1 en cours de réalisation;
  • GTT no 5. Sécurité juridique des terres: 4 actions stratégiques réalisées et 15 en cours de réalisation.

Articles 3 et 12. Droits humains. Femmes indigènes

À partir des lignes directrices approuvées en vertu du décret suprême no 0092019MC, les mesures suivantes ont été menées:
  • 11 ateliers de formation de fonctionnaires en matière de violence sexuelle (septembredécembre 2023);
  • actualisation, traduction (en six langues indigènes) et diffusion de messages axés sur la prévention de la violence sexuelle dans trois régions (Loreto, Ucayali et Puno) (décembre 2023);
  • distinction «Personnalité méritante de la culture» décernée à six femmes indigènes pour leur contribution (septembre-décembre 2023);
  • «Première rencontre nationale des femmes indigènes entrepreneures» (11 au 14 décembre 2023) pour renforcer leur rôle dans la relance économique; y ont participé 53 femmes (Awajún, Ashaninka, Bora, Kichwa, Matsigenka, Quechuas-Secoya et Shipibo-Konibo) de 15 régions;
  • «Rencontre nationale de dirigeantes indigènes» (14 décembre 2023) pour présenter le réseau d’entrepreneuriat féminin axé sur le renforcement des capacités, à laquelle ont participé notamment 18 dirigeantes de neuf régions (Pasco, Cusco, Ayacucho, Loreto, San Martín, Amazonas, Puno, Huancavelica et Áncash);
  • création du «Réseau national de femmes entrepreneures indigènes et afro-péruviennes» (Décision ministérielle no 0862024MC) pour faciliter l’accès d’entreprises au marché du travail;
  • 19e réunion de formation (août-septembre 2023, Tarapoto, San Martín) qui, pour la première fois, s’adressait à 50 femmes de 15 régions où sept langues sont utilisées, afin de renforcer leurs capacités d’interprètes ou de traductrices;
  • inscription de femmes formées dans le cadre de 19 cours au Registre national d’interprètes et de traducteurs en langues indigènes ou originaires du ministère de la Culture (MINCUL).

Article 3: Droits de l’homme et droits fondamentaux

Conformément à la loi no 31405, qui promeut la protection et le développement intégral des filles, garçons et adolescents orphelins, une assistance a été fournie aux bénéficiaires énumérés ci-après:
Défenseur décédé Mineur orphelin Situation actuelle
Edwin Chota Andi Chota Inscrit – 17 avril 2023
Leoncio Quintisima Leoncio et Leyner Quintisima Inscrits – 1er juin 2023
Jorge Ríos Robert, Mario, Luis et Junio Ríos Déclaration du décès présumé en cours – PJ
Francisco Pinedo Elmer, Aníbal et Diana Pinedo Renouvellement en cours de la carte nationale d’identité
À la suite du signalement d’éventuelles situations de risque pour les membres de familles de victimes (11 septembre 2023), dans le cadre du Mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, le ministère de la Justice et des Droits de l’Homme (MINJUSDH) a demandé de leur accorder des garanties pour leur sécurité personnelle, ce qui a été fait (29 septembre 2023).
Le 4 décembre 2023, diverses entités se sont réunies avec des membres des familles de victimes pour faire le point sur les avancées du «Plan d’action Saweto».
Le 11 avril 2024, le tribunal pénal collégial de la Cour supérieure de justice d’Ucayali a condamné les entrepreneurs forestiers Hugo Soria et José Estrada (auteurs directs d’homicide qualifié) et Josimar et Segundo Atachi (coauteurs) à vingt-huit ans et trois mois de prison, pour le meurtre de dirigeants, et a ordonné le versement de 200 000 soles à titre de réparation civile. Le procès de M. Eurico Mapes a été reporté dans l’attente de son arrestation.
Dans le cadre du Mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, à la date du 31 mars 2024, le «Registre des situations de risque pour des défenseurs des droits de l’homme» comptait:
  • 339 situations de risque qui concernent 599 défenseurs, dont 397 (66,28 pour cent) s’identifient eux-mêmes en tant que membres des peuples Shipibo-Konibo (74), Kichwa (65), Asháninka (42), Tallán (41) ou Kakataibo (38).
  • Ces 397 personnes ont indiqué avoir été confrontées à un ou plusieurs types de risques – menaces à leur sécurité (59,43 pour cent), agressions (16,67 pour cent), destruction de biens (5,98 pour cent), diffamation (4,89 pour cent) et harcèlement (4,71 pour cent).
  • Des situations de risque pour des défenseurs des peuples indigènes qui se sont identifiés comme tels. Parmi ces situations, 170 étaient liées à des activités illicites – exploitation forestière illégale (87), trafic de drogue (74), exploitation minière illégale (36) et trafic de terres (35).
Afin de renforcer le mécanisme intersectoriel, les mesures suivantes ont été prises:
  • Sept tables rondes régionales pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (Madre de Dios, Ucayali, San Martín, Loreto, Amazonas, Junín et Piura) afin d’organiser à l’échelle territoriale la prévention des situations de risque liées à des activités illicites, avec la participation du gouvernement et des acteurs sociaux.
  • Deux tables rondes techniques (Ucayali) sur: i) la délivrance de titres de propriété pour des territoires communautaires, avec la participation des autorités et des peuples (19 mars 2024); et ii) le développement socio-économique avec les communautés (21 mars 2024).
  • Sept réunions avec les autorités et les organisations sociales dans cinq régions (Piura, Iquitos, Chachapoyas, Satipo et Huánuco) afin de créer des espaces à plusieurs niveaux aux fins de la protection de défenseurs.
  • Six visites publiques de haut niveau (avec la participation des ministères suivants: MINJUSDH, ministère de l’Environnement (MINAM) et ministère de la Culture (MINCUL) à Ucayali (3), Huánuco (1), Piura (1), et Madre de Dios (1). Des visites dans les communautés de Flor de Ucayali et de San Francisco ont eu lieu pour déterminer les situations de risque.
  • Intervention pilote dans le cadre de l’activité «Conception d’un système d’alerte précoce pour prévenir l’impact négatif du trafic de drogues» (Communauté Flor de Ucayali, 28 février 2024), afin d’identifier les situations de risque.
  • Participation à trois initiatives du Congrès: i) session sur la prévention de la déforestation due à des activités illicites (8 septembre 2023); ii) audience publique sur la question des défenseurs des droits de l’homme à Ucayali (23 octobre 2023); et iii) session délocalisée de la Commission du budget pour accroître le budget du mécanisme intersectoriel (24 octobre 2023).
  • Présentation du projet de renforcement du Mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, par le MINJUSDH, le MINCUL et le MINAM (26 février 2024).
  • Trois activités de formation: i) atelier sur les défenseurs des droits de l’homme confrontés à des situations de risque pour 95 policiers de six régions (Madre de Dios, Ucayali, Loreto, Huánuco, Junín et Amazonas); ii) atelier sur le mécanisme intersectoriel pour 126 dirigeants de 53 organisations de sept régions (San Martín, Ucayali, Huánuco, Madre de Dios, Loreto, Pasco et Amazonas); et iii) formations sur le rôle des défenseurs des droits de l’homme et de la protection policière contre les risques pour 115 policiers de sept régions (Madre de Dios, Ucayali, Loreto, Huánuco, Junín, Amazonas et San Martín).
À propos des nouveaux cas d’assassinats de dirigeants:
  • Dans le cas de M. Quinto Inuma Alvarado (dirigeant de la communauté Kichwa, Santa Rosillo de Yanayacu), le MINJUSDH s’est chargé: i) de transférer à la communauté l’exercice de l’autorité; ii) de procéder à la mise au jour de restes humains; iii) de sauvegarder la vie et l’intégrité de la famille de la victime et d’autres dirigeants; iv) de gérer, avec le ministère de la Femme et des Populations vulnérables et le ministère de la Santé, les actions axées sur le soutien psychologique de la famille et de la communauté; et v) de porter assistance à la famille de la victime.
  • Dans le cas de M. Santiago Contoricón Antúnez (chef des Asháninka de la communauté de Puerto Ocopa-Junín), le MINJUSDH a mené les activités suivantes: i) service de défense publique des victimes pour des membres de la famille de la victime; ii) rencontre avec la communauté pour l’informer sur le mécanisme intersectoriel, et identifier leurs situations de risque; iii) administration de la bourse d’orphelin de l’Université continentale (accordée le 5 mai 2023); iv) octroi de garanties à la famille de la victime (19 mai 2023); v) assistance sociale à la famille de la victime au moyen du programme JUNTOS; et vi) suivi du cas (MINJUSDH et Défenseur du peuple).
Le pouvoir exécutif a présenté le projet de loi no 7752/2023PE, dans lequel le MINCUL propose le paragraphe 3.8.5 pour la «Modification des articles 108, 108C et 200 du Code pénal» afin d’introduire des circonstances aggravantes dans le cas où la victime est un défenseur indigène.
En ce qui concerne les mesures pour prévenir l’usage excessif de la force, sont concernées: la décision ministérielle no 9522018IN; les directives nos 0152022CG PNPEM, 0082022IN, 132023CG PNP/EMG et 0142023CG PNP/EMG; et la décision de la direction générale de la police nationale no 2802023CG PNP/EMG. Quant aux force armées, sont concernées les décisions ministérielles nos 00662022DE, 00652022DE, 00672022DE, 0382022DE et 0132023DE.
Ce cadre adopte une approche fondée sur les droits de l’homme et l’interculturalité. Il a été mis en œuvre entre décembre 2023 et avril 2024, et les activités ci-après ont été déployées:
  • Cinq activités de formation pour les policiers: i) formation pour les instructeurs sur l’application des droits de l’homme dans l’exercice du métier de policier destinée à 25 policiers; ii) atelier d’évaluation à la suite d’une action pour 40 officiers supérieurs, chefs de régions et d’unités de police; iii) programme de remise à niveau sur les interventions et les opérations de police pour 11 000 officiers et sous-officiers; iv) séminaire/atelier sur l’usage de la force et les droits de l’homme lors des conflits sociaux pour 60 officiers généraux; et v) ateliers sur l’interculturalité destinés à 446 policiers.
  • Cinq programmes axés sur les droits de l’homme et le droit international humanitaire pour les membres de forces armées: i) deux programmes de base pour les officiers et le personnel civil; ii) deux programmes avancés pour les officiers et le personnel civil, les techniciens et les sous-officiers; et iii) un programme pour les conseillers juridiques opérationnels. Le Centre de droit international humanitaire et des droits de l’homme des forces armées a formé 1 094 personnes (membres des forces armées, policiers et personnel civil).
  • Formations et conférences sur l’interculturalité, les droits de l’homme et les normes pour l’usage de la force publique pour les procureurs, conformément à la directive adoptée par la décision no 5342022MPFN du Bureau du procureur général de la nation.

Article 6. Consultation

En ce qui concerne la Commission permanente multisectorielle pour l’application du droit à la consultation préalable, en avril 2024, le MINCUL a communiqué des informations sur:
  • la mise en œuvre de 95 consultations (dont 83 sont achevées);
  • l’envoi de 166 demandes d’informations à des entités chargées d’exécuter des accords et l’organisation de 102 réunions d’assistance technique;
  • l’exécution du plan de travail pour 2023 et d’actions supplémentaires de suivi;
  • le suivi de 52 processus de consultation préalable (1 183 accords conclus). Parmi ceux-ci, 14 portent sur des zones naturelles protégées;
  • un suivi de l’exécution des accords contenus dans les procès-verbaux des consultations concernant le lot 192. Dans ce contexte, le ministère de l’Énergie et des Mines (MINEM) a transmis des informations sur:
    • le renforcement du suivi des accords de consultation préalable de la «table ronde technique pour la prévention des conflits et la prise en compte des communautés du groupe des quatre bassins de la zone du lot 192 de la région de Loreto»;
    • la formation de sous-groupes de travail (éducation, santé, logement et titres de propriété) et actions de coordination pour l’exécution des accords.

Articles 7 et 15. Consultation et projets miniers

L’évaluation environnementale des projets d’exploration ou d’exploitation minière en vue d’études d’impact environnemental et les déclarations d’impact environnemental, en fonction de l’ampleur de l’activité minière concernée, relèvent du Service national de certification environnementale (SENACE), et du MINEM et des gouvernements régionaux, respectivement, avec la participation des peuples. Ainsi, le 22 décembre 2023, le MINCUL a formulé 181 avis à la demande du SENACE et du MINEM, dont trois sont contraignants.
En ce qui concerne les critères que le MINEM utilise pour déterminer les peuples qui doivent être consultés à propos d’un projet, chaque entité de promotion doit identifier les mesures qui peuvent concerner les droits collectifs des peuples et, si elles les affectent, elle doit mettre en œuvre une consultation préalable.
En ce qui concerne les mesures visant à informer les peuples de l’importance de la consultation et à encourager leur participation à ces processus, on note les mesures suivantes en 2023:
  • participation de 16 entités: cinq ministères (MINEM, ministère de l’Éducation (MINEDU), MINCUL, ministère des Transports et des Communications et MINAM), trois organismes publics (Service national des zones naturelles protégées par l’État, Centre national de santé interculturelle et Service national des forêts et de la faune sauvage), quatre gouvernements régionaux (Loreto, Cusco, Huancavelica et Ucayali) et trois gouvernements locaux (Ucayali, Manseriche et Nueva Requena). Les questions abordées portent sur les zones naturelles protégées, les projets miniers et les lots d’hydrocarbures;
  • mise en œuvre de 141 mesures d’assistance technique sur la consultation préalable pour 2 389 participants (865 fonctionnaires et 1 524 habitants);
  • examen de 21 cas, dont 12 concernent la consultation préalable;
  • activités de renforcement des capacités pour 3 106 personnes: 931 fonctionnaires, 1 118 habitants indigènes ou originaires et 1 057 autres;
  • organisation de 11 cours virtuels sur le droit et le processus de consultation préalable à destination de 3 890 personnes; une 12e formation est en cours;
  • élaboration d’un plan pour la mise en œuvre de mécanismes de diffusion interculturelle sur le statut des accords de consultation préalable.

Article 14. Terres

Le MINCUL accompagne 49 communautés de 9 départements – San Martín (22), Ayacucho (9), Huánuco (5), Ucayali (3), Loreto (4), Pasco (3), Amazonas (1), Madre de Dios (1) et Cusco (1) – pour faire valoir la garantie du droit collectif à la terre et au territoire. Jusqu’à présent, les actions suivantes ont été menées:
  • renforcement des capacités de 32 dirigeants indigènes de Loreto et d’Ucayali;
  • participation à des espaces de dialogue et à des groupes de travail sur la délivrance des titres de propriété, organisés par les directions régionales de l’agriculture de trois régions (San Martín, Huánuco et Ucayali);
  • organisation de réunions de coordination avec les autorités pour accélérer la régularisation de la propriété agraire de cas de défenseurs dans cinq régions (San Martín, Huánuco, Ucayali, Pasco et Loreto);
  • assistance technique aux gouvernements régionaux d’Ucayali, de Pasco et d’Huánuco pour la création de «groupes de travail sur la délivrance des titres de propriété» en vue de régler les conflits et de mener à bien la procédure de démarcation du territoire et de délivrance des titres de propriété.

Articles 26 et 27. Éducation

En ce qui concerne les services d’éducation, en 2024, les actions du MINEDU ont porté sur:
  • la répartition de 73 092 enseignants en fonction du niveau de maîtrise de la langue originaire, la majorité ayant un niveau avancé (39 493);
  • l’édition de 98 manuels dans 14 langues originaires et de 305 ouvrages dans 43 langues originaires pour l’enseignement de base;
  • la publication de 16 manuels d’écriture et de 9 glossaires pédagogiques en tant qu’outils linguistiques pour les enseignants;
  • l’élaboration d’un plan de perfectionnement pour les enseignants en éducation interculturelle bilingue afin de combler les lacunes.
En ce qui concerne la défense et la protection des droits des peuples dans l’éducation interculturelle bilingue, en 2024, le Défenseur du peuple, après examen de la politique sectorielle d’éducation interculturelle bilingue, a formulé des recommandations à l’adresse de 23 administrations régionales de l’éducation, portant sur:
  • l’attribution des postes vacants d’enseignants en éducation interculturelle bilingue dans le respect des conditions;
  • l’assurance de disposer des moyens nécessaires pour la distribution du matériel éducatif.

Discussion par la commission

Président – J’invite maintenant le représentant gouvernemental du Pérou, Monsieur le ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi, à prendre la parole.
Représentant gouvernemental – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les délégués, c’est un honneur de prendre la parole au nom de l’État péruvien pour réaffirmer notre volonté de mettre en œuvre les obligations juridiques qui découlent des conventions de l’OIT, remercier les organes du système de contrôle des normes internationales pour leur soutien continu et leurs recommandations, et écouter les commentaires et préoccupations des différents interlocuteurs sociaux qui nous aident sans cesse à améliorer notre travail.
En vertu de la convention, qui est entrée en vigueur en 1995 au Pérou, les peuples indigènes disposent non seulement du droit de conserver leurs cultures et leurs modes de vie mais également celui de participer de façon efficace aux décisions qui les concernent. Je souhaite donc vous informer de l’application de cette convention dans le cadre des procédures judiciaires relatives à l’assassinat de plusieurs dirigeants indigènes.
Je tiens en premier lieu à vous signaler que dans les affaires relatives aux assassinats de MM. Edwin Chota, Leoncio Quintísima, Jorge Ríos et Francisco Pinedo, le gouvernement, par le biais du bureau du Procureur général de la République, est parvenu à rendre un jugement historique contre les responsables de ces crimes en développant une stratégie efficace qui s’appuie sur des preuves indiciaires.
En effet, le 11 avril de l’année en cours, les accusés ont été condamnés à vingt-huit ans et trois mois d’emprisonnement pour homicide aggravé et les familles des victimes ont obtenu réparation au civil.
Cette condamnation, intervenue dans le cadre de l’«affaire Saweto», représente un tournant pour la justice amazonienne et pour les défenseurs des droits de l’homme. Elle a été prononcée après quasiment dix ans d’une procédure judiciaire complexe et servira certainement de précédent pour mon pays et pour tous les États Membres de l’OIT.
Cette condamnation a été prononcée en présence de M. Eduardo Arana Ysa, ministre de la Justice et des Droits de l’homme, qui a ainsi souhaité montrer son engagement et son soutien aux victimes de cet acte révoltant.
Je souhaite également informer la présente commission que le gouvernement de mon pays a pris des mesures visant à protéger la vie et l’intégrité physique et psychologique des familles des victimes. Ainsi, les enfants mineurs ont été inscrits au registre des bénéficiaires afin d’obtenir une aide économique et psychologique. Les veuves des dirigeants indigènes assassinés ont également été intégrées au programme de protection et d’assistance des victimes et des témoins, et tous les proches ont obtenu des garanties personnelles face à des risques éventuels.
D’autre part, le gouvernement est en train de mettre en place des mesures dans le cadre d’un programme intitulé «Plan d’action Saweto» qui vise à améliorer les conditions de vie de la communauté grâce à des projets de production, d’infrastructure, d’assainissement, de transport, de sécurité et d’électrification, entre autres.
S’agissant des cas plus récents d’assassinats de dirigeants indigènes, notamment ceux de M. Quinto Inuma, chef de la communauté Kichwa et Yanayacu, et de M. Santiago Contoricón, chef de la communauté de Puerto Ocupa, Junín, le gouvernement a réagi immédiatement en nommant des procureurs dans le cadre de l’enquête du ministère public afin d’identifier les responsables et de les punir sévèrement.
Permettez-moi d’attirer également votre attention sur le fait que le gouvernement est en train de mettre en œuvre les mesures concrètes suivantes pour lutter contre les pratiques de travail forcé, l’exploitation minière illégale et l’abattage illégal de bois: l’adoption d’une approche globale centrée non seulement sur la poursuite et la sanction des délits mais également sur la prise en charge et la réinsertion des victimes; l’approbation du troisième Plan national de lutte contre le travail forcé qui tient compte des aspects interculturels et intersectionnels dans le cadre du travail et de la promotion de l’emploi; la création de l’Observatoire national du travail forcé; le lancement d’un numéro unique, le 1819, pour toutes les personnes désirant dénoncer un cas de travail forcé en protégeant leur identité si elles le souhaitent; et la mise en œuvre du Protocole intersectoriel de lutte contre le travail forcé. Enfin, un projet pilote de réinsertion des victimes du travail forcé sur le marché du travail est en train d’être mis en place.
Concernant l’usage excessif de la force contre des défenseurs indigènes lors de manifestations et la diffusion de propos stigmatisants et à connotation raciste envers des communautés indigènes, veuillez prendre note de ce qui suit: les faits décrits dans le paragraphe cidessus font l’objet d’une enquête de la part du ministère public. Le gouvernement a investi 99 millions de soles pour renforcer les équipes d’enquête de cette institution. Le ministère public est un organe qui bénéficie d’une autonomie constitutionnelle et qui ne dépend donc pas du pouvoir exécutif ou judiciaire. Il rendra donc compte des faits lorsque l’occasion se présentera et, le cas échéant, identifiera les responsables pour qu’ils soient sévèrement sanctionnés.
Soyez assurés que nous rejetons toute forme de discrimination et sommes en train de mettre en place des politiques visant à supprimer ces pratiques. Il s’agit notamment des mesures suivantes:
La réglementation en matière de recours à la force a été renforcée en intégrant une démarche fondée sur les droits de l’homme et l’interculturalité dans le cadre des interventions de la police, du ministère public et des forces armées.
Des activités de sensibilisation et de formation ont été organisées pour 11 571 agents de police ainsi que pour des officiers et sousofficiers des forces armées.
Une stratégie intitulée «Pour un Pérou sans racisme» a été mise en place afin d’encourager le respect et la valorisation de notre diversité culturelle, et contribuer ainsi à réduire les discriminations ethniques et raciales dans le cadre de politiques publiques inclusives.
S’agissant de la protection des défenseurs des droits de l’homme, le gouvernement a renforcé le fonctionnement du mécanisme intersectoriel pour la protection de ces personnes, reconnaissant ainsi la nécessité de protéger en particulier les défenseurs indigènes qui dénoncent les activités illicites, comme l’abattage illégal de bois et l’exploitation minière illégale. Ce mécanisme permet également de donner effet aux obligations de tous les secteurs qui mènent des activités de protection et de sensibilisation avec la participation du gouvernement et des acteurs sociaux.
Ainsi, sept tables rondes régionales ont été organisées pour prendre des décisions sur les situations de risque pour les défenseurs et des projets sont en train d’être mis en œuvre sur un système d’alerte précoce visant à prévenir le trafic illicite de drogues et à repérer les situations de risque pour les défenseurs des droits de l’homme.
Enfin, sept cours sur le rôle des défenseurs des droits de l’homme, en particulier leur protection et les réponses à apporter en cas de risque, ont été dispensés à 210 policiers, 266 dirigeants de 53 organisations indigènes, 120 juges et 40 procureurs spécialisés dans les droits de l’homme et l’interculturalité.
Quant au droit à la consultation, à partir du travail réalisé par la Commission multisectorielle pour l’application du droit à la consultation préalable, je souhaite vous communiquer ce qui suit: 88 processus de consultation préalable ont été mis en place, parmi lesquels 59 ont abouti à des accords de consultation; et 1 238 accords ont été conclus et font l’objet d’un suivi par la commission.
Concernant les processus de consultation dans le secteur minier, les critères de consultation préalable suivent le guide méthodologique d’identification des peuples indigènes ou originaires établi par le ministère de la Culture. Le gouvernement encourage l’utilisation des mécanismes de dialogue prévus dans la loi sur le droit à la consultation, en appliquant les principes d’opportunité, d’interculturalité, de bonne foi, d’absence de contrainte ou de conditionnement et d’informations nécessaires afin que des relations harmonieuses s’établissent entre les secteurs et les communautés concernées.
Afin de progresser dans les procédures d’identification, de délimitation et de régularisation des terres traditionnellement occupées par les peuples indigènes, des lignes directrices ont été établies pour simplifier les processus de reconnaissance, d’assainissement et de délivrance de titres de propriété aux communautés paysannes et autochtones.
Nous apportons une assistance technique aux administrations régionales afin qu’elles créent des groupes de travail techniques chargés de mener à bien les procédures de démarcation du territoire et de délivrance des titres de propriété.
Nous espérons avoir pu vous donner, dans le temps bref qui nous est imparti, les informations demandées concernant l’application de la convention dans notre pays. Comme vous allez le voir, même si le Pérou, comme beaucoup d’autres pays, doit faire face à de grands défis structurels, soyez assurés que nous mettons en place des politiques en faveur de l’application de cette convention.
Ces politiques font de nous un pays dont les efforts visant à faire face à ces difficultés et ces défis sont reconnus.
Nous souhaitons profiter de cette occasion pour unir nos forces à celles des autres pays Membres de l’OIT et partager nos expériences afin de continuer ensemble à mettre en place des politiques publiques de protection des droits de l’homme en faveur de nos peuples.
La pauvreté et la pauvreté extrême qui existent dans notre région constituent une véritable atteinte aux droits de l’homme car elles ne permettent pas d’accéder à l’alimentation et aux services de base comme l’éducation et la formation, sans lesquelles il est impossible de développer des compétences et entrer sur le marché du travail officiel. Génération après génération se forme une chaîne de pauvreté qu’il est essentiel de briser car la pauvreté et la pauvreté extrême sont à la base du travail forcé, du travail des enfants, de l’économie informelle et d’autres fléaux.
Du fait de son cadre fondateur, l’OIT peut être l’interlocuteur idéal pour coordonner les efforts des employés, des travailleurs et des gouvernements en faveur des droits de l’homme de nos peuples.
Membres travailleurs – La convention est un des piliers essentiels de la protection des droits des peuples indigènes au niveau mondial. Cependant, au Pérou, sa mise en œuvre est encore largement insuffisante et donne lieu à des violations graves et persistantes des droits des peuples indigènes.
Nous constatons avec préoccupation et regret que ce n’est pas la première fois que nous devons discuter du cas du Pérou dans le cadre de violations graves de la convention. En 2009 et 2010, notre commission avait déjà dû examiner des actes de violence commis envers les peuples indigènes, en particulier des faits graves qui se sont produits à Bagua.
En juin 2009, pendant plus de cinquante jours, des milliers de manifestants indigènes ont bloqué la route vers Bagua, dans la région de l’Amazonie. Cette manifestation avait été organisée pour protester contre une série de décretslois émis sans consultation préalable qui menaçaient les droits fondamentaux des indigènes à la terre et aux ressources naturelles. Cette mobilisation s’est soldée par un massacre qui a fait plus de 33 morts. C’est un chapitre sombre et sanglant de l’histoire du Pérou.
Quatorze ans après, le gouvernement péruvien continue de faire preuve d’un manque flagrant de volonté s’agissant des droits indigènes et du respect de la convention. Nous ne pouvons oublier les faits qui se sont produits en 2014 et sont devenus emblématiques de la façon dont l’État péruvien bafoue les droits de l’homme des peuples indigènes.
Depuis des années, la commission d’experts demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour enquêter et sanctionner les responsables des assassinats de quatre dirigeants indigènes de la communauté Asháninka de Saweto qui se sont produits en septembre 2014.
Ces dirigeants ont été assassinés après avoir dénoncé l’abattage illégal de bois dans leur communauté. Bien que les responsables aient été condamnés à vingt-huit ans de prison, la Cour supérieure de justice d’Ucayali a annulé cette décision six mois plus tard et a ordonné la tenue d’une nouvelle procédure en arguant que les preuves et le motif n’étaient pas suffisants. Cette procédure, entachée de nombreuses irrégularités, reflète le manque de volonté politique du gouvernement lorsqu’il s’agit de rendre justice et de protéger les défenseurs des droits indigènes.
Selon les informations reçues des organisations syndicales du Pérou, le gouvernement a indiqué que le 11 avril 2024, les responsables de ces assassinats ont de nouveau été condamnés. Cependant, selon ces mêmes informations, aucun des responsables ne serait actuellement incarcéré.
Dix ans plus tard, l’impunité est donc toujours de mise dans cette affaire et les menaces envers les familles des victimes n’ont pas cessé. La porteparole principale de ces victimes a fait l’objet de représailles à Pucallpa, ce qui montre bien les risques auxquels ces personnes continuent d’être exposées.
Comme l’indique la commission d’experts, il est essentiel que les procédures judiciaires soient menées à bien rapidement car la lenteur de la justice risque de constituer un déni de justice.
L’affaire de Saweto dévoile l’existence d’un problème bien plus important: le trafic illicite de bois, facilité par un système de travail forcé qui exploite les personnes indigènes pris dans le cercle vicieux de la dette. La commission d’experts regrette que le gouvernement n’ait pas fourni de renseignements sur les progrès de l’enquête relative à ces pratiques illicites ou sur le travail forcé à Ucayali. Cette inaction non seulement perpétue l’exploitation et la violence mais sape également la confiance envers le système judiciaire péruvien.
De plus, le Protocole de procédure du ministère public pour la prévention et l’instruction de délits contre des défenseurs des droits de l’homme, approuvé en 2022, est dans l’impasse faute de ressources financières.
Cette situation est extrêmement préoccupante au vu de l’augmentation des activités illicites, comme l’abattage du bois et l’exploitation minière sur des terres indigènes, et des menaces constantes reçues par ceux qui défendent leurs terres et l’environnement. On peut citer par exemple l’assassinat de M. Santiago Contoricón en 2023 ou, en avril de cette année, l’assassinat dans l’Amazonie péruvienne de M. Victorio Dariquebe, un garde-forestier membre de la communauté Harakbut qui avait reçu des menaces car il défendait sa communauté et ses terres ancestrales. Le dirigeant indigène rentrait dans sa communauté un vendredi soir quand il a été attaqué, probablement par des membres de mafias associés à l’abattage illégal du bois. Son fils de 18 ans a également été poursuivi, frappé et torturé par les attaquants.
Selon l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne – composée de neuf organisations indigènes d’Amazonie décentralisées qui se trouvent au nord, au centre et au sud de la forêt péruvienne – au cours des dix dernières années, 33 défenseurs de leurs terres et forêts ont été assassinés.
La commission d’experts a également pris note des observations du HautCommissariat des Nations Unies aux droits de l’homme sur l’usage excessif de la force et la diffusion de propos stigmatisants à l’encontre des manifestants indigènes lors de manifestations ayant eu lieu entre décembre 2022 et septembre 2023. Par ailleurs, un rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme a souligné que les manifestations à Apurímac, Ayacucho, Puno et Arequipa, organisées en grande partie par des peuples indigènes, ont été les plus violentes et celles pour lesquelles il y a eu le plus de victimes.
Les articles 7 et 15 relatifs à la consultation et à l’évaluation de l’incidence des activités de développement sont d’autres points essentiels de la convention. Au Pérou, cela fait plusieurs années que le manque de consultation est signalé, en particulier dans le cadre de la réalisation de projets miniers.
Un rapport du bureau du médiateur de 2022 indique que le processus de consultation n’est pas garanti pendant l’évaluation de l’incidence sur l’environnement de projets qui affectent directement les communautés indigènes. Le manque de clarté concernant l’identification des peuples indigènes devant être consultés et les procédures à suivre lorsque les communautés refusent de participer est flagrant. Il s’agit là d’une violation directe de la convention, qui exige que les communautés indigènes soient consultées et participent activement aux décisions qui touchent à leurs terres et leurs ressources.
Enfin, la commission d’experts regrette qu’aucun progrès n’ait été fait en vue d’identifier, de délimiter et de régulariser les terres traditionnellement occupées par les peuples indigènes. Selon le bureau du médiateur, environ 1 700 communautés attendent leur titre foncier et il est nécessaire de simplifier les procédures administratives en vigueur pour régulariser leurs terres.
Il est important de souligner que les procédures visant à octroyer des titres de propriété des terres appartenant aux communautés indigènes se basent sur la Constitution de 1933. L’État péruvien a une dette historique envers les peuples d’Amazonie et doit appliquer la législation nationale pour garantir leurs droits à la terre, conformément aux normes internationales, et arrêter de mettre des terres à disposition.
Le Comité des droits de l’homme de l’ONU s’est également déclaré préoccupé par l’insécurité juridique et la forte pollution qui règnent dans les territoires indigènes en raison de l’exploitation d’hydrocarbures et de minerais.
En conclusion, la mise en œuvre de la convention reste insuffisante. Nous exigeons que les droits des peuples indigènes soient garantis par un engagement réel et effectif au quotidien. Il est essentiel que le gouvernement prenne d’urgence des mesures concrètes pour protéger ceux qui sont traditionnellement marginalisés et veiller à ce que leurs droits et leurs terres soient pleinement respectés. La communauté internationale et les organes de contrôle de l’OIT doivent continuer de surveiller et de faire pression sur le gouvernement pour qu’il remplisse ses obligations internationales et garantisse justice et dignité aux communautés indigènes.
Membres employeurs – En premier lieu, nous souhaitons remercier le gouvernement du Pérou pour les informations orales et écrites qu’il a fournies concernant la mise en œuvre dans la loi, et dans la pratique, de la convention.
Comme à l’habitude, nous souhaitons vous donner un aperçu général afin de mieux comprendre le contexte. Comme l’a indiqué le porte-parole des travailleurs, c’est la troisième fois que la commission discute de ce sujet, la première fois ayant été en 2009, et la deuxième, en 2010. La commission d’experts a ensuite émis des observations à ce sujet en 2017, en 2021 et, finalement, en 2023, prenant note des informations fournies par le gouvernement dans ses rapports et des commentaires émis par les travailleurs comme par les employeurs.
Dans le cadre du suivi effectué par la commission d’experts dans ses dernières observations de 2023, plusieurs thèmes de première importance sont soulevés, notamment le respect de l’article 3 de la convention.
S’agissant du processus judiciaire relatif à l’assassinat de dirigeants indigènes de l’Alto Tamaya Saweto, la commission d’experts regrette qu’aucun progrès n’ait été fait pour sanctionner les responsables des assassinats des quatre dirigeants indigènes qui se sont produits il y a plus de dix ans. De même, la commission prend note avec préoccupation des allégations de menaces et d’atteintes à l’intégrité physique visant des personnes proches des victimes, et prie instamment le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour achever la procédure et protéger ces personnes.
Nous souhaitons faire part de notre préoccupation et de notre opposition face à tout acte de violence et de menace, et sommes inquiets des retards excessifs que prend la justice pour résoudre les cas comme ceux mentionnés. Cela montre que l’administration de la justice péruvienne est confrontée à un problème structurel qui devrait être réglé en urgence et en priorité.
Nous sommes conscients du fait que le Pérou souffre d’un climat de violence généralisée, comme le mentionne la commission d’experts, et qu’elle existe surtout dans certains territoires où des activités économiques illégales se développent, comme l’exploitation minière et l’abattage de bois illicites.
Il serait donc important de savoir si la violence est liée au fait d’appartenir à des communautés indigènes ou si elle découle plutôt du climat de violence qui prévaut dans ces territoires, ou encore des activités illégales qui y sont pratiquées.
Les membres employeurs reconnaissent les progrès effectués par le gouvernement au travers de différentes initiatives visant à protéger les défenseurs indigènes, comme indiqué dans le rapport de la commission d’experts ou par les biais des informations supplémentaires présentées devant cet organe. Cependant, la mort d’autres dirigeants en 2023 et la persistance d’actes de violence perpétrés à l’encontre de ces populations dans le cadre de manifestations organisées au Pérou en 2022 montrent bien que le gouvernement doit résoudre ces problèmes de manière plus globale.
Par le biais de la Confédération nationale des institutions des entreprises privées (CONFIEP), les employeurs nationaux ont fait part de leur inquiétude, comme indiqué dans le rapport, face à l’augmentation des activités illégales et informelles, comme l’abattage de bois et l’exploitation minière, sur le territoire des peuples indigènes, et de la nécessité de prendre des mesures préventives.
Nous demandons instamment au gouvernement qu’il redouble d’efforts pour renforcer la justice et la protection des droits des peuples indigènes, et pour lutter contre le secteur informel et les activités illégales qui se multiplient dans ces territoires et affectent particulièrement ces communautés.
En second lieu, concernant les articles 6, 7 et 8 sur la tenue de consultations, nous souhaitons souligner que le Pérou fait partie des rares pays de la région à bénéficier d’une procédure réglementée de consultation et de la structure institutionnelle qui l’accompagne. Nous tenons compte du fait que le Pérou a ratifié la convention en 1994 et que la loi sur la consultation préalable a été promulguée en 2011. Enfin, le règlement qui accompagne cette loi a été mis en place en 2012.
Conformément à la loi sur la consultation préalable et son règlement, le processus de consultation au Pérou compte sept étapes. En tant qu’employeurs, nous souhaitons mettre en avant certains aspects positifs qui ont permis de progresser dans sa mise en œuvre et représentent d’importantes avancées: la relation qui se noue entre les fonctionnaires de l’État et les populations indigènes; l’application de mesures qui devraient accélérer le processus et le rendre plus participatif; la fin anticipée des processus de consultation lorsque les peuples indigènes le décident; l’accréditation de non existence des peuples indigènes au ministère lorsque des informations adéquates et suffisantes sont disponibles; et la possibilité de parvenir à des accords dans le cadre interculturel, qui sont le fruit de propositions faites par les représentants des peuples indigènes.
En dépit de ces progrès, la commission d’experts, après avoir analysé le droit en vigueur et le rapport remis par le bureau du Médiateur, a indiqué que le gouvernement devait prendre des mesures afin d’identifier et de lever les obstacles à la mise en œuvre des processus de consultation dans le secteur minier, et a demandé des informations supplémentaires à ce sujet.
Le secteur des employeurs nationaux a signalé que la façon d’identifier les peuples indigènes devant être consultés n’était pas claire, tout comme celle de déterminer les effets directs d’un projet. La procédure à suivre lorsque les peuples indigènes refusent de participer aux consultations n’est pas clairement établie non plus.
En l’espèce, nous souhaitons mettre en lumière certaines des difficultés rencontrées dans le cadre des consultations.
En premier lieu, la base de données sur les peuples indigènes est référentielle car leur identification n’est pas prévisible. Pour identifier les peuples indigènes et les inscrire dans la base de données, il n’est pas garanti que les critères objectifs ou de continuité historique seront remplis. La façon de déterminer quels sont les effets directs d’un projet sur les droits collectifs des peuples originaires n’est pas clairement établie non plus, et les délais prévus pour mettre en œuvre les processus de consultation préalable sont trop longs.
Par ailleurs, comme il n’existe pas de délai imparti pour l’étape de l’évaluation, certains projets sont retardés de plusieurs mois, voire de plusieurs années. Dans la pratique, l’organisme public chargé de prendre la décision n’assure pas le suivi du processus jusqu’à ce qu’une décision soit adoptée, ce qui fait courir le risque d’un véto de facto aux projets de d’investissement et, par conséquent, au progrès.
Ce qui précède nuit aux investissements, se traduit par d’énormes pertes économiques et sociales car des milliers d’emplois formels ne sont pas créés, et empêche toute possibilité de progrès dans des zones qui en ont pourtant besoin.
Il est donc nécessaire d’adopter des mesures qui garantissent que les consultations sont menées de bonne foi, comme établi par la convention, et qui permettent de mettre en place des projets productifs et de créer des emplois formels.
Finalement, nous faisons écho aux observations de la commission d’experts et demandons au gouvernement de mettre en œuvre des mesures visant à protéger la vie et l’intégrité des proches des dirigeants indigènes assassinés, de mettre à disposition tous les moyens nécessaires afin que les auteurs et les instigateurs de ces assassinats soient poursuivis et définitivement sanctionnés, de s’informer sur les critères utilisés pour déterminer quels peuples indigènes doivent être consultés et de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir, investiguer et sanctionner l’usage excessif de la force publique contre des membres de communautés indigènes lors des manifestations organisées pour défendre leurs droits.
Membre travailleur, Pérou – Je souhaite commencer par signaler que les assassinats de MM. Edwin Chota, Jorge Ríos, Leoncio Quintisima et Francisco Pinedo, dirigeants défenseurs des peuples indigènes de la communauté Asháninka de Saweto, montrent bien que l’État n’est plus présent et qu’un climat d’impunité règne clairement depuis ces événements, sans justice efficace. La preuve: au Pérou, pendant les dix dernières années, plus de 30 défenseurs indigènes ont été assassinés et, à ce jour, justice n’a pas été rendue.
Malheureusement, comme pendant la conférence précédente, je reproche au gouvernement de ne pas appliquer la convention, ce qui n’est pas la première fois puisqu’en 2009 déjà, des actes de violence contre les peuples indigènes à Bagua avait été examinés par cette même commission.
Le 11 avril 2024, soit plus de dix ans après les assassinats de ces quatre dirigeants indigènes par des abatteurs illégaux de bois, le tribunal pénal collégial de la Cour supérieure de justice d’Ucayali a condamné les entrepreneurs forestiers (auteurs directs d’homicide aggravé) à vingt-huit ans et trois mois d’emprisonnement et a ordonné le versement de 50 000 soles à titre de réparation civile pour chacune des victimes. Le procès de M. Eurico Mapes, un des suspects, a été reporté dans l’attente de son arrestation.
Avant d’arriver à ce jugement, la route a été longue et la procédure a été entachée d’irrégularités lors desquelles les intérêts et les pressions des groupes criminels ont primé. Cependant, le gouvernement a omis de préciser qu’aucune des personnes condamnées n’a été incarcérée. Je répète donc, dix ans après les assassinats des dirigeants indigènes de Saweto, l’impunité continue. La commission doit en outre prendre note qu’il a été fait appel de la sentence du 11 avril 2024 et que les assassins sont en liberté et peuvent continuer à menacer les proches des victimes. Un climat d’insécurité règne dans toute la communauté et aux alentours, poussant les familles des dirigeants assassinés à déménager. Leurs enfants ne peuvent pas aller étudier et les représailles sont monnaie courante. Ils ont demandé à bénéficier d’une protection mais aucune ne leur a été octroyée.
Aujourd’hui, les familles des victimes ne savent pas encore si elles devront attendre dix autres années avant qu’un jugement soit enfin rendu. Entretemps, l’impunité prévaut.
Précisons que le climat de violence et d’impunité que les autorités péruviennes acceptent aux niveaux national et régional constitue un grave obstacle à l’exercice des droits des peuples indigènes de l’Amazonie péruvienne, tels qu’énoncés dans la présente convention.
Au Pérou, les défenseurs des droits de l’homme ne peuvent pas agir dans un environnement sûr et propice. Ils doivent supporter les actes de délinquance et de stigmatisation, le harcèlement judiciaire, les menaces, les attaques et les intimidations, sans compter le manque d’accès à la justice et la non-exécution des décisions judiciaires, l’absence de protection effective de la police et du système judiciaire, et le problème de délivrance des titres de propriété des communautés indigènes.
En général, les communautés indigènes ou paysannes et les défenseurs du droit à la terre et de l’environnement sont les groupes qui courent le plus de risques au Pérou, malgré le fait qu’ils font le travail de l’État en surveillant et en dénonçant des délits comme l’abattage illégal de bois, le travail forcé ou l’exploitation minière illégale.
D’un autre côté, le Mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme n’a fait que créer des attentes. Objectivement, les progrès enregistrés concernaient davantage la gestion et la coordination entre les instituions pour les cas urgents. Personne ne sait quelles stratégies sont mises en place pour résoudre les problèmes de fond qui mettent en danger les défenseurs de l’environnement et des terres indigènes. Le mécanisme ne s’occupe que de quelques situations d’urgence et ne résout pas les problèmes structurels qui mettent les personnes en danger. On peut en dire autant des protocoles et des tables rondes régionales: on dirait que le gouvernement a décidé de laisser les défenseurs sans défense. L’efficacité des mécanismes d’exécution rapide approuvés grâce à des financements suffisants n’est pas prouvée non plus.
En résumé, nous pouvons dire, concernant la protection des défenseurs indigènes, que seules des mesures d’urgence sont prises mais que rien n’est fait pour prévenir ou sanctionner l’incidence sur les communautés indigènes.
Une telle situation favorise un environnement propice à la violence, comme l’assassinat en avril 2023 de M. Santiago Contoricón, dirigeant indigène, après avoir dénoncé l’existence d’activités illégales sur le territoire Ashánika, dans la province de Satipo, ou encore celui du dirigeant indigène M. Quinto Inuma Alvarado, apu (leader) de la communauté indigène de Santa Rosillo de Yanayacu et défenseur de l’environnement, qui militait contre l’abattage illégal de bois.
Nous nous posons donc la question: faudra-t-il attendre encore dix ans avant que les coupables soient condamnés? Cela montre en tout cas que le gouvernement ne s’occupe pas de protéger l’intégrité des peuples indigènes et de leurs dirigeants. Nous pensons également aux proches des victimes, qui se retrouvent sans défense aucune, sans argent ni protection sociale, menacés, sans possibilité de travailler ni d’étudier pour les enfants. Qu’estce que l’État a fait pour eux pendant ces dix dernières années?
Il est donc important de renforcer ces mécanismes de protection et qu’une réelle volonté politique se forme pour débloquer un budget en faveur des défenseurs et de leur entourage, et des ressources qui leur permettent de survivre et qui soient en accord avec l’interculturalité des peuples indigènes.
Quant aux observations sur la situation relative aux droits de l’homme lors des manifestations au Pérou, le HautCommissariat aux droits de l’homme a déclaré qu’il y a eu, entre décembre 2022 et septembre 2023, 49 exécutions extrajudiciaires, dont des membres des populations indigènes. La diffusion de propos stigmatisants et à connotation raciste contre les manifestants appartenant à des communautés indigènes a également été rapportée. À l’heure actuelle, les responsables directs sont toujours en liberté. Les enquêtes sont délibérément retardées, par suite d’arrangements douteux entre pouvoirs délégitimés de l’État, dans un contexte d’instabilité politique, sociale et économique, et de corruption.
Concernant le droit à la consultation, le gouvernement n’a pas procédé à la mise en conformité de sa législation nationale afin d’honorer ses engagements internationaux. La mise en œuvre du droit à la consultation des peuples indigènes n’est pas comprise conformément à la convention. Elle est plutôt considérée comme un mécanisme d’information partial.
Aujourd’hui, le processus de consultation n’est pas encore vu comme un dialogue transparent entre le gouvernement et les peuples indigènes. Il existe bien un organe chargé de mettre en œuvre le processus de consultation dans le secteur minier mais celuici ne commence qu’une fois la certification environnementale émise et se poursuit jusqu’à ce que la concession minière soit autorisée. La consultation avec les peuples indigènes n’est donc pas garantie au cours de la phase d’évaluation de l’incidence du projet sur l’environnement, en ignorant que, conformément à la convention, les gouvernements devraient faire en sorte, s’il y a lieu, de réaliser des études, en coopération avec les peuples intéressés.
La commission doit prendre note du fait que le gouvernement doit garantir une consultation libre, préalable et éclairée, comme l’indique la Déclaration des Nations Unies.
Bien que le Pérou soit un pays pluriculturel, les différentes cultures ne sont pas mises en valeur.
Enfin, nous espérons que, maintenant qu’il a été élu membre titulaire du Conseil d’administration, le gouvernement fixera une date pour la mission de contacts directs de la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, qu’il se montrera ouvert pour suivre les conclusions de cette commission et qu’il acceptera la visite d’une nouvelle mission.
Membre employeuse, Pérou – Merci de nous donner la possibilité de partager l’opinion des employeurs du Pérou, représentés par la CONFIEP, concernant l’application de la convention dans notre pays.
En tant que représentants du secteur employeurs du Pérou, nous rejetons et condamnons tout acte de violence, et regrettons qu’ils se soient produits à plusieurs reprises au cours des dernières années contre des dirigeants indigènes. De même, nous déplorons que la justice n’agisse pas rapidement devant de tels actes, faisant ainsi régner l’impunité et exposant les dirigeants indigènes et leurs proches à un danger constant. Il est clair que cette situation est contraire à un des objectifs de la convention, qui vise à garantir que les peuples indigènes bénéficient, sur un pied d’égalité, des droits et possibilités que la législation nationale accorde à tous les citoyens.
Tout en saluant le fait que pratiquement dix ans après les faits, un jugement ait été prononcé à l’encontre des coupables des assassinats de quatre dirigeants indigènes de la communauté de l’Alto Tamaya-Saweto, conformément à ce que le gouvernement a récemment annoncé, nous regrettons que, comme l’a signalé le représentant des travailleurs, aucune personne n’ait été jusqu’à présent incarcérée pour ces faits déplorables.
Nous savons également que les organisations criminelles à l’œuvre dans le domaine de l’exploitation minière et de l’abattage de bois illicites continuent de menacer les peuples indigènes et leurs dirigeants et de leur nuire, comme l’a mis en évidence la CONFIEP lors des différentes discussions à ce propos.
Comme l’a indiqué le porte-parole des travailleurs de mon pays, le 19 avril dernier, M. Victorino Dariquebe, garde forestier de la réserve communal Amarakaeri et membre de la communauté indigène Harakbut, a été assassiné. Selon l’enquête, des mineurs du secteur informel seraient les responsables. De leur côté, le peuple indigène Wampís a averti le gouvernement que des mineurs illégaux avaient envahi son territoire. En avril de cette année, les dirigeants du peuple Wampís se sont rendus à Lima pour lancer un appel au gouvernement central afin qu’il agisse face à cette situation.
Au Pérou, l’abattage de bois et l’exploitation minière illicites vont de pair avec d’autres actes criminels comme le trafic de drogue, le travail forcé, le travail des enfants, la traite de personnes, les meurtres, l’extorsion, les homicides, le vol des terres et l’évasion fiscale. Ces activités portent également atteinte à l’environnement car elles abîment les forêts et exacerbent les effets du changement climatique: entre 2011 et 2022, ce sont 2,6 millions d’hectares de forêts qui ont disparu dans notre pays en raison de ces pratiques.
L’exploitation minière illégale est devenue la principale économie criminelle de notre pays: elle équivaut à 2,5 pour cent de notre produit intérieur brut. Il est donc urgent que le gouvernement adopte des politiques efficaces de lutte contre la délinquance et le crime organisé qui touchent la population au niveau national, en particulier les personnes les plus vulnérables, comme c’est le cas des communautés indigènes. Ces politiques doivent être approuvées par l’ensemble des acteurs impliqués, dont les travailleurs et les employeurs.
Les travailleurs de notre pays et nous-mêmes, avons été actifs. Depuis sept mois, les organisations syndicales et les associations professionnelles, dont la CONFIEP, ont travaillé de façon concertée afin de trouver des solutions pour atténuer les problèmes d’insécurité dans le pays. Le mois dernier, nous avons présenté au gouvernement plusieurs propositions pour y faire face, cette insécurité entraînant des pertes pour le pays estimées à 3,09 pour cent de notre produit intérieur brut.
Enfin, pour clore ce chapitre concernant l’article 3 de la convention, nous tenons à rappeler qu’il est nécessaire de garantir l’application de la convention dans un contexte de dialogue social et de compréhension mutuelle, exempt d’actes de violence et d’intimidation.
De plus, en vertu des articles 6, 7 et 15 de la convention, le processus de consultation doit être mené de bonne foi et de façon efficace, afin de ne pas se transformer en véto déguisé à l’investissement privé, qui est le seul mécanisme susceptible de générer un travail décent. En effet, au Pérou, il génère 80 pour cent de l’investissement et 71 pour cent de l’emploi formel.
Le système actuel demande à être perfectionné. Il faut surmonter les difficultés d’application de la convention afin de permettre la création d’emplois directs et indirects, avec le bien-être et le progrès qui vont avec pour les zones les plus pauvres, notamment les territoires indigènes. En ce sens, il est nécessaire d’examiner les points suivants:
Premièrement, le processus d’identification des peuples indigènes devant être consultés ne doit pas souffrir de retards bureaucratiques.
Il faudrait également que les délais impartis pour mettre en œuvre le processus de consultation préalable soient bien déterminés afin d’éviter les retards excessifs. D’une part, aucun délai n’est fixé pour l’étape d’évaluation qui implique l’identification des peuples et la détermination qu’il existe une atteinte à des droits collectifs, ce qui entraîne des retards de plusieurs mois, voire de plusieurs années. D’autre part, l’étape de mise en œuvre doit se dérouler dans un délai de 120 jours. Cependant, dans la pratique, ce délai n’est pas respecté et cette étape peut également durer des mois ou des années. C’est par exemple le cas du projet Antapaccay-Coroccohuayco, qui dure depuis plus de trois ans, et du projet Tajo Chalcobamba, qui dure depuis deux ans.
Troisièmement, il ne faut pas confondre consultation et approbation préalable. Le fait de ne pas parvenir à un accord ne veut pas dire que le processus de consultation n’ait pas été mené dans les conditions établies par la convention.
Autre point, les situations dans lesquelles les peuples indigènes ne participent pas au processus de consultation ne sont pas claires. Il est nécessaire de préciser si le gouvernement a fait appel à toutes les mesures possibles et quels sont les mécanismes qui garantissent que les consultations ont été menées de bonne foi, comme indiqué dans la convention.
Dernier point, tout aussi important et qui demande que le gouvernement s’en occupe en priorité, concerne la nécessité de combler les différents fossés socioéconomiques car ceux-ci participent à dénaturer l’objectif de la consultation. En raison des multiples et nombreux besoins des peuples indigènes, les processus de consultation sont utilisés à tort pour canaliser les demandes sociales auxquelles le gouvernement doit répondre. Cette situation s’est encore aggravée en raison du contexte actuel dans lequel le pays se trouve, où 29 pour cent de la population vit dans la pauvreté.
Enfin, nous souhaitons réitérer que le secteur employeurs du Pérou se tient prêt à travailler sous forme tripartite pour remédier aux difficultés et ainsi pouvoir appliquer pleinement la convention, créant ainsi la sureté et la sécurité juridique nécessaires pour renforcer les investissements générateurs d’emplois décents. Nous souhaitons également réitérer la demande des employeurs de la région de pouvoir bénéficier d’un Bureau et d’une personne spécialisée dans la convention afin d’obtenir l’assistance technique et l’accompagnement souhaités.
Membre du gouvernement, Mexique, s’exprimant au nom du groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC) Je souhaite intervenir au nom de la majorité des pays du GRULAC au sujet de l’information fournie par le gouvernement relative aux recommandations de la commission d’experts sur l’application de la convention. Le GRULAC prend note des efforts déployés par le gouvernement pour donner une visibilité et protéger ses populations indigènes et tribales, des communautés vulnérables qui revêtent une importance particulière pour notre région. Nous saluons le gouvernement pour les mesures qu’il a adoptées concernant la prévention, l’instruction et la sanction d’actes de violence contre les défenseurs indigènes, ainsi que pour les efforts qu’il déploie pour promouvoir et protéger leurs droits de l’homme, surtout ceux des personnes qui se trouvent confrontées à des activités illégales, comme l’exploitation minière illégale et l’abattage illicite de bois. Nous prenons enfin note des mesures prises par le gouvernement pour inclure les peuples indigènes dans l’évaluation des projets d’exploration ou d’exploitation minière et renforcer ainsi la participation directe de ces communautés.
Au vu de ce qui précède, nous encourageons le gouvernement à continuer de mettre en œuvre des mesures concrètes qui lui permettent d’appliquer les principes et les règles contraignantes prévues dans la convention, raison pour laquelle nous demandons au Bureau d’apporter l’assistance technique demandée.
Membre travailleur, Espagne – Je souhaite m’exprimer au nom de l’Union générale des travailleurs (UGT) et de la Confédération syndicale des commissions ouvrières (CCOO) d’Espagne. Le rapport de la commission d’experts met en évidence le nonrespect général de la convention de la part du gouvernement, qui inclut des assassinats de dirigeants indigènes, une impunité ambiante, des menaces envers les proches des victimes, une répression aveugle pendant les manifestations, l’absence de consultations et des discours stigmatisants, entre autres violations. Il est évident que nous sommes là devant un cas extrêmement grave qui touche une population très vulnérable. La commission d’experts ellemême rappelle dans son rapport «qu’un climat de violence et d’impunité constitue un sérieux obstacle à l’exercice des droits des peuples indigènes inscrits dans la convention».
Si nous regardons de près les cas présentés par les travailleurs, comme celui de Saweto, nous voyons bien que, derrière les violations des droits des communautés, qui incluent des assassinats et un climat d’impunité, se cache une situation sociale et économique liée à des activités illégales, comme l’abattage illicite de bois et le travail forcé.
L’abattage illégal de bois au Pérou suppose qu’il existe un commerce qui génère d’importantes sommes d’argent pour les groupes criminels impliqués, à hauteur de pratiquement 40 pour cent du total du bois produit dans le pays. Le rapport de la commission d’experts reprend l’information donnée par la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) selon laquelle la motivation principale du crime a été la dénonciation des activités de trafic illégal de bois utilisant le travail forcé de personnes indigènes qui, au vu de leurs conditions de vie précaires et du manque de ressources auxquels elles sont confrontées, sont recrutées par des groupes criminels qui les emploient de façon informelle, en violation de toute norme de travail.
De plus, ces groupes criminels imposent aux travailleurs indigènes d’acheter les produits alimentaires par leur biais, ce qui génère de la dette et les condamne à une relation sans fin de soumission.
Cette pratique qui, sans aucun doute, suppose une situation de travail forcé, est connue sous le nom d’«habilitación» et représente clairement une violation de l’article 20 de la convention selon lequel le gouvernement doit garantir que les travailleurs appartenant aux peuples indigènes «ne soient pas soumis à des systèmes de recrutement coercitifs, y compris la servitude pour dette sous toutes ses formes».
Il convient de souligner que les organisations de travailleurs n’ont pas été les seules à dénoncer cette situation. Comme cela a déjà été dit et comme indiqué dans le rapport de la commission d’experts, la CONFIEP a également fourni des renseignements sur l’augmentation des activités illégales et informelles comme l’abattage de bois et l’exploitation minière dans les territoires des peuples indigènes du pays.
Dans son rapport, la commission d’experts ellemême a dit regretter que le gouvernement n’ait pas fourni les informations demandées sur les enquêtes liées à l’abattage illicite du bois et sur les cas de travaux forcés qui est lié à cette activité sous la forme connue d’«habilitación».
Je terminerai en indiquant qu’il s’agit d’un cas pour lequel la commission doit demander au gouvernement, avec la plus grande fermeté, qu’il mette en place des mesures urgentes pour interdire ces activités économiques illicites qui bafouent les droits énoncés dans la convention, et qu’il en adopte d’autres destinées à renforcer les mécanismes de protection des défenseurs des peuples indigènes qui dénoncent ces délits.
Membre du gouvernement, RoyaumeUni de GrandeBretagne et d’Irlande du Nord – Le Royaume-Uni suit de près la situation concernant les droits de l’homme et les défenseurs de l’environnement, y compris ceux des peuples indigènes du Pérou, et se félicite de l’occasion qui lui est donnée de discuter de ces questions. Il estime que les peuples indigènes et les communautés locales jouent un rôle fondamental, notamment dans le cadre de la protection et de l’utilisation durable de l’environnement.
Le RoyaumeUni salue les efforts du gouvernement visant à renforcer la protection des droits de ces groupes. Il note également qu’après dix ans, des progrès significatifs ont été enregistrés dans l’affaire Saweto et espère que justice sera rendue pour les proches des quatre défenseurs de l’environnement indigènes assassinés en 2014 par des exploitants forestiers illégaux.
Nous prenons également note de la volonté des autorités péruviennes d’enquêter sur les assassinats de dirigeants et de défenseurs de l’environnement indigènes, notamment MM. Santiago Contoricón et Quinto Inuma Alvarado, et nous espérons que justice sera aussi rendue dans ces affaires. Le Royaume-Uni demande au gouvernement de redoubler d’efforts afin de protéger les peuples indigènes, de respecter ses propres engagements visant à protéger leurs droits fondamentaux et collectifs, et de remplir ses obligations au titre de la convention.
Nous encourageons le gouvernement à protéger le droit des peuples indigènes à participer aux consultations préalables et à accéder à des services publics tenant compte des spécificités culturelles. Nous lui demandons également de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les activités illégales comme l’abattage de bois et l’exploitation minière illicites, qui menacent ces groupes et leurs territoires.
Nous prions également le gouvernement d’agir rapidement pour montrer à toute personne portant atteinte aux droits des peuples indigènes ou à leurs territoires qu’elle sera tenue de répondre de ses actes et traduite en justice.
Le RoyaumeUni avait précédemment souligné la nécessité d’enquêter de façon impartiale sur les allégations de mauvais traitement et d’usage excessif de la force de la part de la police et des forces armées, y compris à l’encontre de groupes indigènes pendant les manifestations nationales qui ont eu lieu en 2022 et 2023 au Pérou. Le Royaume-Uni encourage le gouvernement à faire progresser les enquêtes et à traduire les responsables en justice.
En conclusion, le Royaume-Uni salue les efforts déployés par le gouvernement pour mettre en œuvre les recommandations de ce rapport et remplir ses engagements visàvis des groupes mentionnés, et espère sincèrement qu’il prendra rapidement les mesures nécessaires afin de respecter pleinement la convention.
Membre employeur, Chili – Nous déplorons le décès de ces dirigeants indigènes, ainsi que la lenteur du système judiciaire du Pérou qui tarde à traiter ces affaires, sanctionner les responsables et garantir à leurs proches les réparations et la protection nécessaires. Il est également préoccupant de savoir que les peuples indigènes et leurs dirigeants continuent de subir ce type de violence.
Comme cela a déjà été souligné, cette situation d’insécurité est liée au développement d’activités économiques illégales, en particulier l’abattage de bois et l’exploitation minière illicites. À ce sujet, nous souhaitons attirer l’attention sur le fait que, pour combattre ces activités, il faudrait créer un environnement propice à la mise en place de projets officiels qui apportent aux communautés une perspective de développement en toute légalité en offrant des emplois conformes aux normes de travail et en éloignant les personnes, y compris les membres des communautés indigènes, des activités informelles et précaires qui nuisent à leur santé et mettent leur vie en danger.
D’autre part, s’agissant du processus de consultation, il a déjà été mentionné qu’un des problèmes auxquels le pays fait face est la difficulté d’identifier de façon certaine les personnes qui doivent être consultées. À cet égard, la commission d’experts a signalé en 2023 que le gouvernement n’avait pas fourni d’information sur les progrès réalisés en matière d’identification, de délimitation et de régularisation des terres traditionnellement occupées par les peuples concernés par la convention.
Nous prenons note des informations fournies par le gouvernement sur la création de la commission multisectorielle visant à donner suite aux accords signés dans le cadre du processus de consultation et sur le fait que le ministère de la Culture a apporté son soutien à ces processus. Cependant, ces activités d’assistance technique sont insuffisantes. Il est nécessaire que les mesures se concentrent davantage sur le fait de garantir aux 1 700 communautés qui le demandent encore l’octroi de titres de propriété afin d’éclaircir la question de l’identité des personnes habilitées à participer aux consultations.
Membre travailleur, Honduras – Nous dénonçons, condamnons avec fermeté et déplorons les agissements du gouvernement concernant les violations perpétrées contre des manifestants et l’impunité qui règne dans un grand nombre d’affaires d’assassinats de dirigeants des communautés indigènes. Ces irrégularités n’ont pas cessé malgré les efforts déployés par des organisations des droits de l’homme et le vigoureux appel lancé au gouvernement par l’OIT.
Le rapport de la commission d’experts met une fois de plus l’accent sur les assassinats de quatre dirigeants de la communauté Asháninka de l’Alto Tamaya, dans le département de l’Ucayali, qui semblent se transformer en un cauchemar sans fin depuis qu’ils ont eu lieu en 2014, après que ces dirigeants ont dénoncé l’abattage de bois illicite dans la région. Le jugement pénal des responsables a non seulement été à plusieurs reprises retardé mais a en plus été annulé sur décision d’une cour supérieure qui a ordonné le retour à l’étape de l’enquête pour vices de procédure allégués. Nous ne sommes pas contre les garanties dont toute personne accusée doit pouvoir bénéficier mais, dans les faits, la lenteur de la procédure a permis aux accusés de bénéficier d’une réelle impunité concernant les violents assassinats perpétrés sur des personnes qui ne faisaient rien d’autre que de défendre les droits de leur communauté de manière pacifique.
Les données fournies par les organisations syndicales à la commission d’experts laissent entrevoir l’existence d’irrégularités au niveau même du parquet, envoyant ainsi un signal négatif préoccupant sur le fonctionnement du pouvoir judiciaire dans ce pays. L’administration de la justice étant une des fonctions essentielles de l’État, l’impunité dont jouissent ceux qui ont perpétré ces assassinats montre bien qu’il existe trois problèmes graves et significatifs: la violation des droits de l’homme les plus basiques comme la sécurité, l’intégrité physique et la vie même, la violation des droits des peuples indigènes tels que reconnus par la convention et les graves dysfonctionnements existant au sein de l’État, qui ne parvient pas à s’acquitter de ses devoirs les plus essentiels comme rendre la justice en temps voulu et en bonne et due forme.
En l’espèce, l’impunité est telle que les accusés ont harcelé et menacé les proches des victimes avant leur jugement. Bien que ces cas soient tragiques, ils sont loin d’être isolés. Des assassinats ont toujours lieu, avec la même violence, comme le montrent le meurtre, en avril 2023, de M. Santiago Contoricón, un dirigeant indigène qui venait de dénoncer les activités illégales qui avaient lieu sur le territoire Asháninka, dans la province de Satipo, ou le meurtre, en novembre 2023, du dirigeant indigène M. Quinto Inuma Alvarado, à Santa Rocío de Yanayacu, dans la région de San Martín. Il faut ajouter à ces crimes les nombreux déplacements forcés de dirigeants et militants d’autres communautés pour des raisons de sécurité, et les déracinements qui en résultent.
Enfin, autre fait grave, la police a fait un usage excessif de la force envers des personnes indigènes lors des manifestations populaires qui se sont déroulées en décembre 2022 et en septembre 2023 dans des régions autres que celle de la capitale.
Membre employeur, Mexique – Nous souhaitons intervenir pour rappeler que les garants d’une consultation libre, préalable, éclairée et culturellement adéquate sont précisément les États, et que toute consultation doit être menée «de bonne foi», un principe fondamental qui garantit qu’il ne s’agit pas simplement d’une formalité, comme souligné à la Conférence internationale du travail en 1988. La commission ellemême a indiqué «qu’un dialogue véritable doit se fonder sur le respect des droits et de l’intégrité des peuples indigènes».
La commission d’experts a souligné que les processus de consultation aidaient à renforcer la confiance entre le gouvernement et les peuples indigènes. Nous devons donc nous rappeler que la consultation doit donner aux peuples la possibilité d’exprimer leur point de vue concernant le processus d’élaboration des décisions qui les concernent. Il est essentiel que le gouvernement garantisse que les peuples indigènes disposent de toutes les informations nécessaires et que cellesci soient comprises dans leur totalité en octroyant le temps nécessaire pour qu’ils organisent leur propre procédure de prise de décision et qu’ils participent efficacement aux décisions qui seront adoptées.
Conformément aux informations fournies par les employeurs à la commission d’experts, la méthode d’identification des peuples indigènes à consulter et la manière dont l’incidence est évaluée manquent de clarté. Il n’existe pas non plus de cadre précis sur la façon de procéder lorsque les peuples indigènes refusent de participer aux consultations, ce qui entraîne une grande incertitude sur deux points: d’un côté, le droit de consultation n’est pas entièrement garanti et, de l’autre, cela génère un climat d’incertitude juridique peu propice aux projets du secteur employeur.
De plus, certaines autorités font l’erreur de demander à ce que des actes administratifs fassent l’objet d’une consultation préalable alors qu’ils ne vont pas forcément toucher les communautés directement, ce qui n’est pas prévu par l’article 15 de la convention, celuici disposant que, pour les activités extractives, les procédures de consultation concernent les actes administratifs qui autorisent la prospection ou l’exploitation des ressources mais que la certification environnementale ne demande pas l’organisation d’une telle consultation.
Membre travailleuse, Norvège – Les syndicats des pays nordiques se déclarent profondément inquiets des graves violations des droits de l’homme des peuples indigènes au Pérou. Ce pays compte 55 groupes indigènes différents, ce qui confère au gouvernement la responsabilité particulière d’appliquer les dispositions de la convention et de veiller à leur bonne application, dans l’intérêt de sa population indigène et pour sa protection.
Les communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne font l’objet de discrimination, de violence, de menaces et sont soumises au travail forcé lié à des activités économiques illégales, les plus connues étant l’abattage de bois, l’extraction minière et la culture du cacao. L’affaire des meurtres violents de quatre dirigeants Ashánkina de l’Alto Tamaya-Solto en 2014 en est l’illustration. Bien que ces crimes aient eu lieu il y a dix ans et que les coupables aient été condamnés en 2023, leur détention est encore en attente d’approbation par une juridiction supérieure. Nous demandons que justice soit définitivement faite. Les familles des victimes et leur communauté méritent qu’on les protège. Les coupables doivent être immédiatement incarcérés.
Malheureusement, les défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement sont les cibles d’attaques au Pérou. De 2012 à 2022, 54 d’entre eux ont été assassinés; parmi eux, la moitié étaient indigènes. Même si le Pérou a établi un registre des situations de risque et un mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, ces mesures sont sousemployées puisque des dirigeants indigènes continuent de se faire tuer.
Le gouvernement prévoit la réactivation de son économie, mais il est inacceptable que les acteurs économiques qui travaillent sur des terres indigènes ne demandent pas le consentement préalable et éclairé de ses habitants et choisissent à la place d’utiliser le harcèlement et la violence. En permettant que ces actes restent impunis, le gouvernement autorise tacitement ces pratiques contre des personnes indigènes qui ne font que défendre leurs droits les plus élémentaires.
Enfin, tant que les droits basiques d’occupation des terres des personnes indigènes ne sont pas reconnus, les acteurs illégaux peuvent plus facilement accéder à ces terres et en prendre possession. L’officialisation des titres fonciers de 1 700 communautés indigènes ou paysannes au Pérou aidera à renforcer les droits des peuples indigènes et à améliorer leur protection.
Nous demandons au gouvernement de garantir les droits des peuples indigènes, d’améliorer leur protection et de délimiter leurs territoires afin de lutter contre les violences directes à leur encontre et de mettre fin à l’impunité de leurs instigateurs.
Membre employeuse, Guatemala – Nous appuyons les propos de notre porte-parole et, en tant qu’employeurs, rejetons tout acte de violence ou de menace. Nous exprimons également notre préoccupation quant à la lenteur injustifiée de la justice pour sanctionner les responsables de ce type d’affaires et mettre en place des mécanismes pertinents de réparation et de protection des proches des victimes.
D’autre part, il est intéressant de signaler que, même si la convention n’exige pas qu’une réglementation nationale soit mise en œuvre pour la consultation préalable, le gouvernement a choisi d’adopter une législation interne pour régir ce processus de façon générale. Cependant, dans la pratique, cette législation est régulièrement ignorée lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes clés comme l’identification des peuples indigènes devant être consultés ou la marche à suivre lorsque la communauté indigène refuse de participer aux processus de consultation, s’éloignant ainsi du principe de bonne foi inscrit dans la convention. Il est indispensable de résoudre ces problèmes. Pour ce faire, il faudra tenir compte des deux éléments suivants:
  • i) l’observation générale de la commission d’experts sur cette convention, adoptée en 2011, dans laquelle la commission indique que ces consultations n’impliquent pas un droit de véto et qu’elles ne se concluent pas nécessairement par un accord pour parvenir à un consentement;
  • ii) l’obligation de garantir la tenue de consultations adéquates, qui revient clairement et explicitement aux gouvernements et non aux personnes ou aux entreprises privées.
Il nous semble important de mentionner la façon dont les blocages dans le cadre des consultations paralysent les projets formels générateurs d’emplois, qui respectent les normes de travail décent, ce qui encourage l’apparition et le développement d’activités illégales comme l’abattage de bois ou l’exploitation minière, qui nuisent gravement au bienêtre et à la sécurité des peuples indigènes, de l’environnement et de la société en général.
Nous demandons donc au gouvernement de s’occuper en priorité des problèmes susmentionnés, en consultation avec les interlocuteurs sociaux les plus représentatifs.
Membre travailleur, Costa Rica – Un point essentiel de la convention est le droit à la consultation de la part des gouvernements sur des éléments pour lesquels ces communautés ont un intérêt dans le cadre de projets qu’ils souhaitent mettre en œuvre.
En vertu de l’article 7 de la convention, les consultations impliquent parfois que des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés afin d’évaluer l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement que les activités de développement pourraient avoir sur eux. L’article 15 oblige quant à lui les gouvernements à établir ou maintenir des procédures dans le but de déterminer si et dans quelles mesures les intérêts de ces peuples sont menacés avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres.
Dans le cas du Pérou, les observations de la commission d’experts semblent indiquer que le gouvernement n’a pas garanti la consultation des peuples indigènes au cours de la phase d’évaluation de l’incidence sur l’environnement de mesures qui affectent directement ces communautés, raison pour laquelle la commission d’experts a rappelé au gouvernement qu’il devait se conformer à l’article 7 de la convention.
Sur le fond, la commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour identifier et surmonter les difficultés qui continuent de se poser dans la mise en œuvre des processus de consultation dans le secteur minier.
Nous souhaitons ajouter qu’il ne s’agit pas simplement de se conformer à la convention en appliquant le devoir de consultation des peuples concernés. En effet, la consultation comporte deux dimensions essentielles: elle protège les intérêts des personnes directement impliquées, par exemple par un projet de prospection et d’exploitation minière ou autre; mais elle met également en avant le droit à la reconnaissance des peuples indigènes en tant que sujet unique d’un point de vue historique, social, spirituel et culturel.
Cette double dimension de la consultation est essentielle pour se conformer pleinement à la convention. Le gouvernement doit s’acquitter de ce devoir pour que la reconnaissance et la participation ne soient pas réduites à un simple écrit.
Membre employeur, Honduras – En premier lieu, en tant que membres employeurs, nous rejetons tout type de violence envers les populations indigènes en particulier et envers tout autre groupe de personnes au Pérou.
Ces cas doivent nous faire réfléchir à l’application effective de la convention, qui semble difficile pour certains pays, en particulier en Amérique latine. Aujourd’hui nous nous penchons sur la situation au Pérou, où des actes de violence à l’encontre de dirigeants indigènes sont signalés, ce qui est condamnable dans tous les sens du terme. Cependant, il s’agit là d’une preuve de l’absence d’action de la part du gouvernement, qui permet que des activités illégales aient lieu dans de nombreux secteurs, notamment dans celui de l’exploitation minière, dans un contexte de concurrence déloyale mettant en danger l’intégrité et la vie de beaucoup de personnes au Pérou.
Dans le cas du Pérou, je voudrais signaler que le pays possède un mécanisme de consultation qui a servi de référence à beaucoup de pays. Il faut malgré tout reconnaître que ces mécanismes de consultation présentent de nombreux défis, le principal étant l’intervention d’autres éléments qui viennent créer de nouveaux concepts très différents de celui de consultation préalable établi par la convention. Il s’agit là d’un problème qui commence à s’étendre au Pérou du fait que les populations indigènes ne connaissent pas les procédures de consultation, ce qui donne lieu à une sorte de véto non prévu par la convention. C’est une réalité à laquelle le Bureau doit prêter davantage attention.
Notons que, à plusieurs reprises, il a été demandé au Bureau d’accorder plus d’attention à la convention, surtout dans les pays d’Amérique latine, où il est nécessaire que des spécialistes aident les différents pays ayant ratifié la convention à construire des mécanismes de consultation efficace, de forme tripartite, pour que la convention soit respectée et pour exercer un contrôle et une bonne gouvernance sur une convention si importante car elle garantit le droit à la consultation préalable ainsi que d’autres droits essentiels des peuples indigènes.
Enfin, nous souhaitons réitérer l’appui du secteur employeur dans la poursuite du travail en formation tripartite pour ainsi veiller au bon respect de la convention.
Membre travailleuse, Canada – La commission appelle le gouvernement péruvien à remédier aux problèmes relatifs à la mise en œuvre des processus de consultation dans le secteur minier. Plus de 70 entreprises d’exploitation minière sont actives au Pérou. Ensemble, elles représentent près de 10 milliards de dollars en actifs, soit 4,5 pour cent du PIB du Pérou en 2021. Le Canada, qui regroupe 75 pour cent des entreprises minières du monde, apporte son appui à l’industrie et salue le Pérou, qui est un partenaire minier stratégique.
Bien que le gouvernement applique des politiques favorables au secteur minier, le Canada estime que les deux pays ont tout à gagner d’une augmentation des activités extractives. Cependant, les profits tirés des mesures qui encouragent ces activités ne sont pas répartis équitablement, la majorité de la population étant, comme cela est souvent le cas, subordonnée aux intérêts et profits d’une élite minière transnationale.
Les partenaires autochtones d’organisations non gouvernementales canadiennes indiquent que l’industrie minière tente d’exploiter les terres à tout prix, peu importe le lieu ou les moyens employés, sans faire participer les personnes concernées. Par exemple, la province de Puno, au sud du pays, près de la frontière avec la Bolivie, compte un grand nombre d’activités d’extraction minière, dont certaines sont à la phase de prospection et d’autres ont déjà commencé la production. Début 2023, pendant les manifestations nationales, Puno a été le théâtre de graves violences policières lorsque des communautés indigènes et paysannes se sont regroupées pour exiger des réformes afin de s’occuper du passif écologique toxique laissé par les projets existants et pour respecter leurs droits à consultation concernant les futurs projets par le biais de procédures justes, transparentes et impulsées par les communautés.
Les communautés et organisations locales ont condamné le manque de transparence qui entoure les futurs projets, le manque de cadre réglementaire pour bien administrer les mines et les risques qu’elles représentent pour la santé publique et l’environnement. Faire primer les profits des entreprises transnationales et accélérer la mise en place des gros projets d’extraction minière vont à l’encontre des besoins réels des populations pour qui les produits alimentaires, l’eau et la crise climatique sont les principales préoccupations auxquelles il faut s’attaquer. Pourtant, selon elles, il n’est jamais fait mention de ces questions dans les plans mis en œuvre par le autorités nationales et régionales.
Selon les propos de M. Ban Kimoon, ancien Secrétaire général de l’ONU, il ne peut y avoir de développement pour les peuples autochtones sans leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, et sans qu’ils soient impliqués dans chaque étape. Cela met en relief l’appel des syndicats et des acteurs de la société civile du Canada à la mise en place d’une législation solide sur le devoir de diligence raisonnable en matière des droits de l’homme afin de s’assurer que les entreprises canadiennes prennent toutes les mesures nécessaires dans le cadre des opérations qu’elles mènent à l’étranger pour éviter qu’elles aient des effets néfastes sur l’environnement, les droits de l’homme et la santé sur le long terme des communautés, notamment l’obligation de respecter le droit de participation et de consultation des communautés indigènes, comme le prévoit la convention.
Membre travailleur, Chili – En tant que dirigeant syndical et membre du peuple mapuche, je regrette profondément la situation de nos frères indigènes du Pérou, qui dénoncent des activités illégales comme l’abattage de bois et l’extraction minière, ainsi que le travail forcé. Ces activités mettent en danger leur vie et celle de leurs proches, sans que l’État ne leur fournisse une protection adéquate, efficace, durable, préventive et immédiate, et des ressources suffisantes, ni n’affiche une réelle volonté politique d’aide en faveur des Péruviens, conformément aux dispositions de l’article 4.1 de la convention.
Nous parlons ici de cas concrets, avec le nom et prénom des personnes concernées: M. Edwin Chota et trois dirigeants indigènes de Saweto, assassinés pour avoir dénoncé l’abattage illégal de bois; M. Quinto Inuma, dirigeant indigène de la région de San Martín, assassiné pour avoir également dénoncé l’abattage illégal de bois, en dépit du mécanisme de protection qui avait été mis en place pour lui; Mme Augostina Mayán, dirigeante Awajún du Cenepa, département d’Amazonas, qui a dû quitter sa communauté en raison des menaces de morts qui pèsent sur elle pour avoir dénoncé des activités minières illégales et qui bénéficie également d’un mécanisme de protection mais pas du soutien de l’État; M. Zebelio Kayap, dirigeant de la communauté Huampami du Cenepa, département d’Amazonas, qui bénéficie également du mécanisme de protection mais qui est abandonné par l’État; Mme Georgina Rivera Paz, dirigeante Awajún de la communauté de Nazareth, Chiriaco, également du département d’Amazonas, menacée de mort par des narcotrafiquants et des violeurs d’enfants, qui a demandé la mise en place d’un mécanisme de protection mais qui ne bénéficie d’aucun soutien étatique; M. Isaías Mayán, dirigeant indigène de la communauté de Canga, du Cenepas, département d’Amazonas, qui ne bénéficie d’aucune forme de protection malgré sa demande en 2021; MM. Julián Gonza et Batman Chujandam, dirigeants indigènes de la communauté Anak Kurutuyacu, qui ont été déplacés car ils ont reçu des menaces de mort pour avoir dénoncé l’abattage illégal de bois et qui bénéficient également du mécanisme de protection mais sans aucune attention de l’État.
Comme nous pouvons le voir, les systèmes d’alerte précoce et les mécanismes de protection des défenseurs des droits de l’homme en faveur de ces dirigeants indigènes qui dénoncent des activités illicites ne sont pas efficaces et cette inaction de la part du gouvernement les expose et leur font prendre des risques. L’État prend connaissance de ces faits sans pour autant apporter une solution immédiate et concrète, en violation de l’article 4 de la convention. La commission devrait exiger une action immédiate pour réguler les mécanismes de protection, avec des budgets adéquats et en tenant compte de l’interculturalité des peuples indigènes.
Membre travailleur, Mexique – Je m’exprime au nom de l’Union nationale des travailleurs du Mexique. L’affaire doit être analysée dans son intégralité du fait de la gravité et de la complexité des violations des droits de l’homme de la population indigène du Pérou. Je fais plus particulièrement référence à deux signalements contenus dans le rapport et que je souhaite souligner ici.
Au Pérou, le droit à une justice rapide, diligente, complète et impartiale continue d’être violé de manière flagrante et la situation n’a pas changé depuis dix ans. Le rapport déplore vivement les assassinats brutaux de quatre dirigeants indigènes dans la région de l’Alto Tamaya-Saweto en 2014, qui, outre le fait de porter atteinte à la vie humaine, violent directement les droits fondamentaux et la dignité de nos frères indigènes.
Ces dirigeants ont été assassinés pour avoir défendu leurs terres et leurs communautés face à un système qui réduit les personnes à de simples marchandises. Dans la région, le mécanisme de l’«habilitación» est devenu un système d’esclavage moderne dans lequel les indigènes sont recrutés et forcés de travailler dans des conditions inhumaines. On les oblige à fournir du bois à la personne bénéficiaire de cette pratique dans le cadre d’un système générant une dette continue en échange de denrées alimentaires, perpétuant ainsi un système d’exploitation et de misère.
Nous condamnons fermement la violence qui s’est installée dans les villages indigènes péruviens et qui cible ceux qui défendent leurs droits. Il est inadmissible que la force publique soit utilisée de façon disproportionnée pour réprimer ces personnes indigènes qui ne font que demander que justice soit faite et que leurs droits soient respectés. Ces actes de violence, auxquels s’ajoutent des propos racistes et haineux qui incitent à encore plus de violence, sont absolument inacceptables et doivent cesser immédiatement.
Il est impératif que cette commission fasse pression sur le gouvernement afin qu’il prenne des mesures fortes et urgentes pour protéger les défenseurs des droits indigènes dans la région de l’Amazonie, qu’il mette en place des politiques efficaces qui garantissent la sécurité et la justice aux communautés indigènes et qu’il organise des procédures judiciaires qui permettent de défendre la vérité et la justice, et prévoient des réparations aux victimes.
La justice ne peut pas être un privilège réservé à quelques-uns, elle doit être un droit accessible à tous. Cette commission doit continuer à demander que justice soit faite pour les victimes des assassinats de l’Alto Tamaya-Saweto et continuer de lutter jusqu’à ce que nos frères indigènes puissent vivre en paix sans être exploités.
Président – Comme personne d’autre ne semble vouloir prendre la parole, j’invite le représentant du gouvernement à formuler ses observations finales.
Représentant gouvernemental – Je remercie tous les délégués qui ont salué nos efforts mais également ceux qui ont été les plus critiques envers notre travail, car ils nous permettent d’apporter des précisions sur certains faits qui se sont produits dans mon pays. Moi-même, en les écoutant, je me suis dit que je ne reconnaissais pas le pays qu’ils décrivaient. En vérité, c’est un pays complexe qui, selon certains, a une certaine tolérance pour l’exploitation minière illégale, l’abattage illégal de bois et d’autres activités.
Je vais donc commencer par ce sujet, en vous parlant de notre combat, notre lutte féroce contre l’exploitation minière illégale et l’abattage illégal de bois. Au Pérou, nous avons déclaré la guerre à ces crimes et je souhaite vous informer qu’en 2023 nous avons mené 979 opérations contre l’exploitation minière illégale, la pollution de l’environnement et les délits commis à l’encontre la faune, la flore et les ressources hydrologiques.
Cette année, nous avons déjà organisé 1 219 interventions grâce auxquelles, je tiens à informer tous les délégués qui ont tenu à s’exprimer, nous avons réussi à arrêter 1 151 personnes impliquées dans l’exploitation minière illégale et les crimes contre l’environnement. Nous avons également réussi à démanteler quatre bandes criminelles et à confisquer 622 véhicules utilisés pour ces activités. De plus, 19 embarcations ont été suspendues et 19 armes à feu récupérées. Enfin de l’argent et 37 millions de pieds-planches de bois ont été confisqués.
De plus, 1 479 radeaux et 3 522 moteurs destinés à l’exploitation illégale ont été saisis, 38 galeries ont été détruites, 1 250 campements fermés et 180 430 litres de combustible et 19 produits chimiques, confisqués. Par ailleurs, 89 machines lourdes ont été interdites et 312 autres, saisies.
Tout cela s’est produit en 2023 et 2024. Outre ces actions, six décrets suprêmes déclarant l’état d’urgence ont été promulgués pendant cette même période dans les districts de Tambopata, Inambali, Las Piedras et le labyrinthe de la province de Tambopata, et Madre de Dios afin de pouvoir continuer à réaliser des opérations policières organisées pour combattre et neutraliser les activités minières et l’abattage de bois illicites, ainsi que d’autres infractions.
Par ces informations, nous souhaitons montrer la constance avec laquelle le Pérou se bat et la lutte frontale qu’il mène contre l’exploitation minière illégale et l’abattage illégal de bois.
J’ai également écouté avec beaucoup d’attention les critiques selon lesquelles il régnerait au Pérou une certaine impunité, notamment en raison de l’affaire Saweto car la procédure a pris du temps. Il s’agit là d’un cas complexe pour lequel le gouvernement, à travers le bureau du Procureur et le ministère public, n’a pas ménagé ses efforts pour développer une stratégie efficace basée sur des preuves indiciaires car, dans mon pays, comme dans beaucoup d’autres de la région et du monde, il existe une séparation des tâches, une séparation des pouvoirs. Ce n’est pas le gouvernement qui condamne mais le pouvoir judiciaire, un organe indépendant en vertu de la Constitution de notre pays, et le bureau du Procureur et le ministère public sont eux chargés d’instruire les affaires de délit. Dans le cas qui nous intéresse, il s’agit d’une affaire difficile car il n’y a pas de preuves directes. Il est donc difficile pour les avocats et les procureurs d’établir qui est responsable par des éléments dignes de foi.
Heureusement, grâce au traitement de preuves indiciaires, connues également comme des preuves indirectes, le bureau du Procureur comme le ministère public ont réussi à établir de manière probante la responsabilité de ceux qui ont commis ces crimes qualifiés, les condamnant donc sévèrement à vingt-huit ans de prison.
Le Pérou a fourni un énorme effort pour que cette affaire aboutisse à une condamnation qui, comme vous le savez, est difficile à obtenir pour ce type de délit. Nous y sommes donc parvenus et cela constitue désormais un précédent pour mon pays mais également pour la région et pour l’ensemble des pays membres de l’OIT.
Nous avons également reçu des commentaires sur des nouvelles affaires, notamment celle concernant l’assassinat de M. Quinto Inuma Alvarado. Signalons que, dans ce cas, le gouvernement a également réagi immédiatement en octroyant des garanties afin de protéger la vie et l’intégrité des proches et d’autres dirigeants. Il a également fourni un soutien psychologique aux familles, ainsi qu’une aide économique.
Dans l’affaire concernant M. Santiago Contoricón Antúnez, le gouvernement est chargé de défendre les proches de la victime. Il a également supervisé le versement d’une bourse d’études à sa fille, Yesenia Contoricón. Enfin, il a accordé des garanties personnelles aux proches et les a inscrits au programme JUNTOS, qui fournit une aide économique aux personnes les plus vulnérables.
Il s’agit là, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les délégués, d’actes concrets.
La question des consultations préalables a également été soulevé, et je salue le fait que la quasi-majorité de cette commission ait reconnu qu’il existait désormais au Pérou une institutionnalisation de la consultation préalable.
Dans mon pays, le droit des peuples indigènes et tribaux à la consultation préalable est inscrit dans le système juridique péruvien depuis l’entrée en vigueur de la convention qui, conformément à l’article 55 de la Constitution, a valeur constitutionnelle, c’estàdire la plus haute dans la hiérarchie des lois. Une loi sur la consultation préalable a également été adoptée; elle est régie par le décret suprême no 01-2012.
En outre, le gouvernement encourage l’utilisation des mécanismes de dialogue prévus dans la loi sur le droit à la consultation et a fourni 141 assistances techniques relatives à la consultation préalable en faveur de 865 fonctionnaires car parfois, comme sans doute dans beaucoup d’autres pays, il faut former les personnes concernées à appliquer les nouvelles normes adoptées. Nous avons donc choisi de former le personnel du gouvernement national, des administrations régionales et locales afin qu’il puisse pleinement mettre en œuvre ces nouvelles normes.
Nous avons également formé 1 524 personnes des communautés indigènes, avec la participation de cinq ministères. Il s’agissait donc de mesures multisectorielles. Trois organismes publics et quatre administrations régionales ont participé.
Un programme de renforcement des capacités a en outre été suivi par 931 fonctionnaires, 1 118 habitants indigènes et 1 057 autres personnes.
Enfin, 11 cours de formation sur le droit et la procédure de consultation préalable ont été organisés pour 3 890 personnes.
Nous estimons qu’il faut poursuivre les efforts pour résoudre ces problèmes et qu’il reste encore beaucoup à faire. Nous serions reconnaissants de pouvoir bénéficier de l’assistance technique du BIT pour nous enseigner d’autres bonnes pratiques et étudierons avec intérêt celles des délégués qui sont intervenus aujourd’hui, afin de pouvoir les mettre en œuvre dans notre pays également.
J’ai par ailleurs pris note du fait que, selon certains employeurs, la consultation préalable représente parfois un obstacle à l’investissement. Or tous arguent, comme au Pérou, que la meilleure façon de lutter contre la pauvreté et la pauvreté extrême qui touchent parfois les communautés indigènes est d’investir pour que ces habitants aient accès à l’éducation et à l’alimentation, et puissent ainsi sortir de cette impasse.
Ce sont des questions que nous devons étudier dans mon pays comme, sûrement, dans tous les pays de la région.
Concernant la délivrance de titres de propriété de territoires traditionnellement occupés par les peuples indigènes, nous souhaitons signaler que, en application de la loi no 29785, 55 communautés indigènes et tribales sont traditionnellement présentes sur le territoire et qu’elles sont réparties en 9 211 localités (5 135 communautés paysannes, 2 303 communautés indigènes et 1 708 qui sont en cours d’identification). Parmi elles, 4 327 sont géoréférencées (soit 49 pour cent), 7 455 sont reconnues (soit 81 pour cent) et 5 825 bénéficient d’un titre de propriété (soit 63 pour cent), ce qui concerne environ 2 880 552 personnes au total, donc un grand nombre d’habitants.
Dans ce cadre, le gouvernement, par le biais du ministère de la Culture, a fourni des mesures d’accompagnement afin de garantir des droits collectifs à la terre et au territoire à 49 communautés indigènes et paysannes, dont 22 à San Martín, 9 à Ayacucho, 5 à Huánuco, 3 à Ucayali, 4 à Loreto, 3 à Pasco, 1 à Amazonas, 1 à Madre de Dios et 1 à Cusco.
Il reste sans doute encore beaucoup à faire dans mon pays pour progresser et résoudre les problèmes en cours, mais je peux vous assurer que notre gouvernement fait tout pour que la situation s’améliore, et nous y parviendrons plus facilement avec l’assistance du BIT, qui peut nous enseigner les meilleures pratiques des pays de la région ou d’autres continents. Nous lui en sommes très reconnaissants.
Membres employeurs – Nous souhaitons remercier les différents intervenants qui ont pris la parole, en particulier le gouvernement pour les explications et les informations qu’il nous a fournies.
Dans le cadre de nos observations finales, nous souhaiterions souligner l’importance de la convention en tant qu’instrument promoteur de dialogue social, de bonne gouvernance et de structure institutionnelle. Ces éléments sont nécessaires pour établir la confiance, apporter la paix et nouer des accords avec les communautés indigènes.
Nous souhaitons également préciser que, conformément à l’article 13 de la convention et s’agissant des activités extractives, la consultation préalable s’applique aux mesures administratives qui autorisent le début de la prospection ou de l’exploitation des ressources naturelles, raison pour laquelle il n’est pas nécessaire de soumettre à consultation la certification environnementale ou d’autres actes administratifs, complémentaires ou préparatoires.
Nous prenons note de toutes les initiatives lancées par le gouvernement et des progrès réalisés au cours des deux dernières années. Cependant, afin de pouvoir progresser dans la mise en œuvre de la convention, nous estimons que des efforts supplémentaires doivent être accomplis au niveau national.
Ainsi, conformément aux recommandations de la commission d’experts, les membres employeurs souhaitent demander au gouvernement de prendre les mesures suivantes:
  • 1) allouer les ressources et la capacité technique nécessaires pour mettre en place les mécanismes de protection des dirigeants défenseurs des droits de l’homme;
  • 2) prendre des mesures urgentes pour prévenir, investiguer et sanctionner les actes de violence à l’encontre de la population indigène;
  • 3) en tenant compte du fait que la convention exige que les consultations soient menées de bonne foi, prendre des mesures immédiates pour que les processus de consultation soient effectifs lorsque les peuples indigènes décident de ne pas participer;
  • 4) à la demande des employeurs de la région qui souhaitent pouvoir compter sur un spécialiste de la convention, demander l’assistance technique du BIT pour rédiger une feuille de route qui permette de progresser dans le cadre de l’application de ladite convention.
Membres travailleurs – Nous remercions Monsieur le ministre pour les informations qu’il nous a fournies. Malgré les efforts entrepris, les graves violations des droits des peuples indigènes et la menace ainsi que les persécutions constantes auxquelles ils doivent faire face au Pérou restent profondément préoccupantes. Au moins 33 dirigeants indigènes ont été assassinés au cours des dix dernières années.
Nous regrettons l’absence de volonté du gouvernement lorsqu’il s’agit de fournir une protection adaptée aux dirigeants et défenseurs des peuples indigènes, les exposant ainsi à des menaces de morts, des agressions physiques et des assassinats.
Nous notons avec satisfaction que la porte-parole des employeurs partage également ces préoccupations.
Le gouvernement ne peut continuer d’ignorer cette situation et doit prendre des mesures immédiates et fermes pour mettre fin à la violence endémique à l’encontre des peuples indigènes et de leurs défenseurs, et lutter contre l’impunité et le climat de peur qui règnent dans ces régions.
Le gouvernement nous a fait part de toute une série de données sur les détentions, mais nous souhaiterions savoir combien de personnes réellement ont été condamnées, cela n’ayant malheureusement pas été mentionné.
De plus, nous insistons fermement sur la nécessité pour le gouvernement d’établir des procédures adéquates de consultation et de participation afin que les droits, les cultures et les moyens de subsistance des peuples indigènes soient garantis, respectés et protégés.
Nous rappelons également les propos de la commission d’experts: «un climat de violence et d’impunité constitue un sérieux obstacle à l’exercice des droits des peuples indigènes inscrits dans la convention».
C’est pourquoi nous demandons instamment au gouvernement de prendre les mesures suivantes:
  • 1) protéger la vie et l’intégrité physique et psychologique des proches de tous les dirigeants assassinés, notamment les familles des victimes de l’Alto Tamaya-Saweto;
  • 2) mettre à disposition tous les moyens nécessaires pour que les auteurs et les instigateurs des assassinats des membres des communautés indigènes soient poursuivis et sanctionnés de façon définitive;
  • 3) veiller à ce que le Protocole de procédure du ministère public pour la prévention et l’instruction de délits contre des défenseurs des droits de l’homme bénéficie de ressources matérielles, humaines et économiques suffisantes afin de pouvoir être appliqué de manière réactive comme préventive;
  • 4) renforcer les mécanismes de protection des défenseurs des droits de l’homme et de l’environnement en établissant un budget et en s’adaptant davantage à leur réalité interculturelle;
  • 5) réaliser les enquêtes nécessaires et prendre les mesures qui s’imposent concernant les plaintes relatives à l’abattage illégal de bois et aux cas de travail forcé dans le cadre de la pratique de l’«habilitación» dans le département d’Ucayali;
  • 6) garantir le droit à la consultation préalable libre et éclairée des peuples indigènes;
  • 7) prendre toutes les mesures nécessaires afin de progresser dans les processus d’identification, de délimitation et de régularisation des terres traditionnellement occupées par les peuples indigènes couverts par la convention dans les différentes régions du pays;
  • 8) adapter le droit national pour octroyer des titres de propriété aux peuples indigènes et arrêter de mettre leurs terres à disposition, par le biais des programmes de formalisation qui sont mis en œuvre dans le pays.
Enfin, nous invitons le gouvernement à accepter les missions de contact direct de l’OIT.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations écrites et orales fournies par le gouvernement et de la discussion qui a suivi.
La commission a noté avec une profonde préoccupation la persistance d’actes de violence et d’atteintes à la vie des membres des peuples indigènes dans le cadre de la défense de leurs droits, ainsi que la situation d’impunité qu’engendre ce phénomène.
Prenant en compte la discussion qui a suivi, la commission a prié instamment le gouvernement de:
  • mener des enquêtes rapides sur les allégations de violence et d’incitation à la violence, et veiller à ce que les auteurs et les instigateurs des assassinats de dirigeants indigènes de l’Alto Tamaya-Saweto soient poursuivis et sanctionnés de toute urgence;
  • prendre sans délai toutes les mesures nécessaires pour protéger la vie, l’intégrité physique et le bien-être psychologique des membres des familles des dirigeants indigènes assassinés;
  • prendre sans délai des mesures efficaces pour prévenir la violence visant des membres des peuples indigènes et leurs défenseurs;
  • prendre des mesures, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs les plus représentatives, pour identifier et surmonter les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre des processus de consultation des peuples indigènes, notamment en ce qui concerne le secteur minier;
  • fournir des informations à la commission d’experts sur:
    • les mesures prises pour identifier, délimiter et régulariser les terres que les peuples couverts par la convention occupent traditionnellement dans les différentes régions du pays;
    • les progrès réalisés dans les enquêtes concernant les plaintes relatives à l’abattage illégal de bois et aux cas de travail forcé dans le cadre de la pratique de l’«habilitación» dans le département d’Ucayali;
    • les activités de la Commission permanente multisectorielle pour la mise en œuvre du droit à la consultation, en expliquant de quelle façon elle assure le suivi des accords et réagit en cas de non-respect des accords conclus dans le cadre des processus de consultation;
    • la manière dont est assurée la coopération des peuples indigènes lors de l’évaluation de l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement de projets d’exploration ou d’exploitation minière qui pourraient affecter les droits de ces peuples indigènes;
    • les critères que le ministère de l’Énergie et des Mines utilise pour déterminer les peuples indigènes à consulter dans le cadre d’un projet;
    • les mesures prises pour sensibiliser les peuples indigènes à l’importance de la consultation et encourager leur participation à ces processus.
La commission a prié instamment le gouvernement de se prévaloir de l’assistance technique du BIT pour mettre en œuvre les recommandations susmentionnées et donner pleinement effet à la convention, et de soumettre un rapport détaillé à la commission d’experts d’ici au 1er septembre 2024.
Représentant gouvernemental – Je vous transmets les salutations du ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi du Pérou qui, en raison d’autres engagements, n’a pas pu se joindre à nous pour cette session. En tant que représentant du gouvernement du Pérou, nous remercions cette commission pour les recommandations qu’elle partage avec nous aujourd’hui et souhaitons réitérer notre engagement à continuer de progresser dans l’application des principes et règles consacrées par la convention. Nous sommes également disposés à établir un programme de travail avec l’assistance technique du BIT qui nous aidera certainement à continuer de mettre en œuvre la convention avec succès.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2010, Publication : 99ème session CIT (2010)

Une représentante gouvernementale a déclaré que le gouvernement de son pays s’est montré constamment ouvert au dialogue en vue de trouver une solution aux justes revendications des peuples indigènes, à travers des instances telles que le Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, dans lequel siègent des représentants de l’exécutif, des gouvernements régionaux et les organisations indigènes de l’Amazone. Le Groupe national de coordination a, entre autres missions, celle d’étudier et analyser les événements qui se sont produits dans la zone de Bagua, de revoir et mettre à jour la législation concernant le volet forestier et la faune sylvestre, de concevoir un mécanisme de consultation préalable au titre de l’application de la convention et d’élaborer le Plan national de développement des peuples amazoniens. Le gouvernement a confirmé sa volonté non équivoque de diligenter toutes enquêtes de nature à permettre d’établir les responsabilités politiques et pénales, suite aux événements de Bagua, au cours desquels il y a eu 23 policiers et 10 civils tués, outre la disparition d’un autre policier. Plusieurs procédures d’enquête ont été ouvertes dans le cadre du groupe national susmentionné, du pouvoir exécutif, du Congrès de la République et du ministère public, avec toutes les garanties d’administration régulière de la justice inséparables d’un Etat de droit. De même, le Congrès de la République a créé une commission multipartite pour enquêter sur les incidents de Bagua. Le ministère public et le pouvoir judiciaire ont engagé des actions en justice contre de hauts fonctionnaires de la police nationale et contre des indigènes, sur le chef de plusieurs délits. L’Etat fournit un appui juridictionnel à toutes les personnes qui sont traduites en justice en lien avec les événements de Bagua, de manière à garantir l’intégrité de leurs droits de citoyen. L’Etat garantit que les enquêtes et les poursuites qui concernent des autorités politiques, policières et indigènes soient menées de manière objective et impartiale, suivant les règles d’une bonne administration de la justice, afin que ces regrettables événements ne restent pas impunis.

Le gouvernement a pris un certain nombre d’initiatives en vue d’harmoniser la définition des peuples indigènes par référence à la convention. A cette fin, le 19 mai 2010, le Congrès de la République a approuvé le projet de loi sur «le droit des peuples indigènes et tribaux à la consultation préalable, reconnu par la convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail». La loi, désormais approuvée, a été transmise à la présidence de la République pour promulgation. Cette loi tient compte de la proposition normative du Défenseur du peuple ainsi que des accords obtenus par la voie de la consultation avec les représentants des peuples indigènes. La loi approuvée par le Congrès inclut une définition des peuples indigènes qui est conforme à celle de la convention et qui réunit les éléments suivants: les caractéristiques propres des peuples indigènes eu égard à leurs institutions sociales, à leurs schémas culturels et aux coutumes qui les distinguent des autres composantes de la collectivité nationale; l’identification de la descendance directe des peuples originels du territoire national; et la conscience que le groupe a de son identité indigène ou originelle.

La loi prévoit que l’Institut national de développement des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) constitue l’organe technique compétent du pouvoir exécutif en matière indigène. Il s’agit d’une entité de caractère multisectoriel et transversal, et son directeur sera un chef indigène désigné en consultation avec les peuples indigènes.

S’agissant de la conception du mécanisme de dialogue et de consultation, la loi précise qu’il convient de tenir des consultations préalables quant à tout plan, programme ou projet de développement national et régional qui a une incidence sur les droits des peuples indigènes. La loi dispose également que la finalité de la consultation est de trouver un accord entre l’Etat et les peuples indigènes ou bien le consentement de ces peuples à l’égard des mesures législatives ou administratives qui les affectent, à travers un dialogue interculturel qui garantira leur participation dans les procédures de prise de décision de l’Etat et l’adoption de mesures respectueuses de leurs droits collectifs. La loi a été accueillie par des appréciations positives de la part des organisations les plus représentatives des peuples amazoniens du Pérou. En outre, divers secteurs disposent de mécanismes de dialogue et de participation spécifiques, comme c’est le cas du secteur de l’environnement, du secteur minier et du secteur des hydrocarbures. La participation citoyenne dans ces activités s’effectue à travers des mécanismes de consultation pendant l’élaboration et l’évaluation des études environnementales et postérieurement à l’approbation des études environnementales, sous la forme de programmes de surveillance et/ou de vigilance citoyenne.

Le Pérou a remporté d’importants succès sur le plan du développement social et de la lutte contre la pauvreté. Ces succès ont été rendus possibles par des politiques sociales déployées par le gouvernement afin de promouvoir l’emploi productif et le travail décent, dans le droit-fil du Pacte mondial pour l’emploi et de la Déclaration de 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable. De ce fait, il s’avère extrêmement difficile d’accepter que la commission d’experts ait recommandé la suspension des activités d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles affectant des peuples couverts par la convention, excédant, ce faisant, ses pouvoirs. Les activités extractives ont joué un rôle fondamental dans le progrès réalisé par la société dans le contexte de la crise internationale. Leur apport a été particulièrement important pour le développement des économies locales et pour l’amélioration des conditions de vie des habitants des districts dans lesquels ces industries sont implantées. Suspendre les activités d’exploration et d’exploitation affecterait plus de 120 000 postes de travail, ainsi que les revenus perçus par les gouvernements régionaux et locaux au titre de leur participation aux bénéfices des activités extractives.

Le groupe national de coordination a constitué un bureau, qui a élaboré et approuvé par consensus la proposition de plan national de développement des peuples amazoniens, plan qui prévoit des actions positives pour le développement de ces peuples dans des domaines d’importance vitale pour leur développement, comme: les droits de propriété, l’éducation interculturelle bilingue, l’extension de la couverture de santé publique; la participation des peuples indigènes à la gestion des zones naturelles protégées et la participation aux bénéfices de cette gestion, et l’exploitation des ressources naturelles, le milieu ambiant, le respect de la culture et des connaissances collectives des peuples indigènes, entre autres. Ce plan est en cours de mise en oeuvre.

Conformément à l’article 89 de la Constitution politique du Pérou, le droit de propriété des peuples indigènes est imprescriptible. Les communautés peuvent faire valoir leurs droits de propriété ou de possession devant n’importe quelle instance administrative ou judiciaire s’il y est porté atteinte. Dans ce contexte, il existe toute une série de règles conçues pour déterminer les terres occupées traditionnellement par les communautés natives et les communautés paysannes et pour promouvoir l’officialisation des propriétés des peuples indigènes, avec la participation de ceux-ci, afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits de propriété ou de possession devant n’importe quelle instance administrative ou judiciaire, dans le cas où il y serait porté atteinte.

En ce qui concerne l’adoption des mesures éducatives visant à éliminer les préjugés de l’Etat à l’égard des peuples indigènes, des mesures ont été prises afin de garantir que les supports éducatifs soient diffusés à des fins d’éducation, de collecte d’informations suivant des critères d’équité et d’intégration en ce qui concerne les sociétés et cultures propres à ces peuples. Le ministère de l’Education a édité des matériaux éducatifs pour l’éducation initiale et primaire dans non moins de 10 langues indigènes et en espagnol à titre de deuxième langue.

Le gouvernement et la société péruvienne ont déployé des efforts considérables en faveur de la participation des peuples indigènes et de leurs institutions représentatives, en utilisant les mécanismes de participation, la consultation et le dialogue systématique et effectif, et en affirmant son identité propre en tant que nation multiethnique et pluriculturelle.

Les membres employeurs ont déclaré que ce cas est un de ceux qui illustrent ce que devrait être le fonctionnement idéal des mécanismes de contrôle de l’OIT, et qu’il démontre aussi combien la diversité des cas soumis à la commission est importante. Dans les informations qu’il a fournies, le gouvernement a répondu directement à la quasi-totalité des points soulevés par le rapport de la commission d’experts et par les conclusions de la commission de l’année dernière. S’agissant de la loi sur le droit des peuples indigènes et tribaux à une consultation préalable reconnu par la convention no 169 de l’OIT, il convient de noter que: 1) la définition que cette loi donne des peuples indigènes et tribaux est conforme à celle contenue dans la convention; 2) la loi définit le droit des peuples indigènes et tribaux à une consultation préalable sur toute mesure législative ou administrative les affectant; 3) les consultations envisagées par la loi doivent avoir pour objectif de dégager un consensus sur les mesures proposées et, si un accord est introuvable, le gouvernement est tenu de prendre une décision en tenant compte des droits des peuples indigènes; 4) la loi doit être interprétée conformément aux dispositions de la convention no 169; 5) les organisations représentatives des peuples indigènes et tribaux ont été consultées avant l’adoption de la loi de consultation préalable; et 6) pour l’élaboration de la loi, il a été tenu compte de plusieurs documents, dont: les propositions présentées par le Défenseur du Peuple et les groupes parlementaires (Bloque Popular, Nacionalista et Unión por el Perú), les résultats du groupe de travail no 3 du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, dans lequel ont siégé des représentants de l’exécutif et d’organisations indigènes de l’Amazone, et le rapport sur la consultation préalable préparé par la commission spéciale constituée en vue d’étudier et de recommander des solutions sur les questions relatives aux peuples indigènes. Bien que ce soit à la commission d’experts qu’il revient d’évaluer la conformité des dispositions de la loi sur la consultation préalable avec la convention, il est néanmoins important de reconnaître la valeur des mesures prises par le gouvernement et de l’en féliciter. Le gouvernement a largement donné la preuve de sa volonté de donner suite aux conclusions des organes de contrôle de l’OIT.

Les membres employeurs ont noté que plusieurs acteurs et organisations ont remis un avis favorable sur la loi. Plusieurs organisations, dont l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Confédération nationale agraire (CNA), la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI) et la Confédération des nationalités amazoniennes du Pérou (CONAP), voient en elle une réalisation importante. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones s’est félicité de l’adoption de cette loi, considérant qu’elle pourrait constituer un précédent majeur en tant que pratique optimale pour d’autres pays de la région et du monde. S’agissant de la requête de la commission d’experts demandant que l’exploration et l’exploitation de ressources naturelles soient suspendues jusqu’à ce que les populations affectées visées par la convention aient été consultées, ils réaffirment que la convention ne prévoit ni n’envisage un tel pouvoir d’injonction. Faisant valoir que des injonctions de cette nature peuvent avoir des conséquences graves pour l’activité économique d’une nation, en particulier pour sa capacité à attirer les investissements étrangers directs, les membres employeurs ont insisté sur la nécessité de réexaminer cette demande de la commission d’experts. La commission d’experts doit comprendre que ce qui est remis en cause, c’est l’activité économique qui génère des taxes et des revenus en vue de supporter des communautés locales. La conclusion des experts selon laquelle l’activité économique doit être arrêtée n’est pas justifiée par l’histoire législative et met en danger l’investissement direct étranger.

Les membres employeurs ont rappelé que l’article 6 de la convention constitue la disposition principale relative au droit à la consultation, et que la définition de ce terme a été largement débattue au cours des discussions ayant précédé l’adoption de la convention. Il ressort clairement du compte rendu de ces discussions que la consultation ne requiert pas ou n’équivaut pas au consentement des parties consultées. Le compte rendu de la seconde séance de discussions ayant précédé l’adoption de la convention indique que le groupe des employeurs avait la conviction que le terme «consultations» signifiait «dialogue, à tout le moins», et le Bureau avait lui-même déclaré qu’il ne considérait pas que les consultations évoquées requièrent l’accord ou le consentement de ceux qui sont consultés. Or, dans son observation, la commission d’experts semble avoir interprété ce terme dans un sens qui impose une exigence plus rigoureuse au gouvernement et qui va au-delà de celle envisagée par la convention; les conséquences potentielles de cette interprétation seront discutées et examinées bientôt par plusieurs membres employeurs.

Les membres travailleurs ont indiqué que la discussion de ce cas s’inscrit dans le cadre du suivi des débats qui ont déjà eu lieu en 2009 et des graves incidents qui se sont produits à Bagua et fait 33 morts. Ces évènements sont liés à 1’adoption par le gouvernement de décrets affectant les droits des peuples indigènes et tribaux sur les terres et les ressources naturelles et qui ne sont pas en conformité avec les dispositions de la convention no 169 qui prévoient la consultation des peuples intéressés, par des procédures appropriées, notamment à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que des mesures législatives ou administratives sont susceptibles de les affecter directement. Suite à sa visite dans le pays, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de 1’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a également attesté de la gravité de la situation. Suite aux incidents de 2009, une commission d’investigation sur les violences survenues à Bagua a été établie. Néanmoins, la plus grande confusion règne encore sur le fonctionnement de cette commission et surtout sur son impartialité. Bien qu’un rapport ait été publié, il ne fait pas la lumière sur les responsabilités directes et n’a pas été signé par les représentants des peuples indigènes.

Dans ce contexte, les peuples indigènes ont demandé qu’une loi obligeant l’Etat à les consulter soit adoptée. Le 19 mai 2010, le parlement a approuvé un projet de loi de consultation préalable qui, semble-t-il, contient une liste exhaustive de principes à suivre pour réussir une consultation au sens de la convention et pourrait ainsi servir de premier pas dans l’amélioration des relations. Ni la commission d’experts ni la présente commission n’ont cependant jusque-là examiné la loi en question, même si le gouvernement s’était engagé à fournir des informations sur la mise en conformité de la législation nationale avec la convention. La Commission de la Conférence ne peut donc pas se prononcer sur le point de savoir si la loi de mai 2010 respecte ou non la convention, tant en ce qui concerne son champ d’application qu’au niveau des actions de protection, des procédures de consultation ou en ce qui concerne la notion de «terres» visée aux articles 13 et suivants de la convention. La loi doit être en conformité avec la définition des peuples indigènes mais également avec le fait que ces peuples sont en «possession de terres» avec lesquelles ils entretiennent un lien spécial. Le gouvernement s’était également engagé à préparer ou adopter, en consultation avec les organisations indigènes, un plan d’action, comme en témoignent les conclusions de la commission de 2009 évoquant la mise en place d’une table ronde pour le dialogue permanent entre le gouvernement et les peuples indigènes d’Amazonie et d’une commission multisectorielle constitutive d’un autre espace de dialogue. Toutefois, un an plus tard, aucun plan n’a été adopté et 1’instance de dialogue ad hoc n’a pas produit d’effet tangible.

L’INDEPA pose également problème en raison de son manque de connaissance des problèmes et de la non-représentation des peuples indigènes en son sein. En juillet 2009, l’INDEPA, qui a pourtant un rôle essentiel dans l’application de la loi et la promotion des peuples indigènes, a commis des actes d’ingérence politique dans le fonctionnement de 1’organisation amazonienne AIDESEP et visant à en contrecarrer les actions. Ces accusations de partialité sont dommageables à cette institution et ne pourront que nuire à l’application de la loi, une fois celle-ci votée. Il semble également que l’AIDESEP n’ait pas été consulté sur un projet de déplacement des peuples d’Amazone alors que ce projet met en danger l’intégrité sociale, politique et économique des communautés et des peuples de l’Amazonie. Or les questions de déplacement sont couvertes par l’article 16 de la convention. Derrière ces consultations défaillantes se cachent des enjeux économiques majeurs. Le ministre de l’Energie et des Mines continue à attribuer des autorisations d’exploitation d’hydrocarbures sans aucune consultation et en dépit de la loi de consultation préalable. Au cours des dernières semaines, 25 nouvelles zones d’exploitation pétrolière et gazière, ont été octroyées, majoritairement en Amazonie.

Pour conclure, les membres travailleurs ont indiqué que, même si la loi sur le droit de consultation représente une avancée, il convient de rester prudent et la commission ne doit pas relâcher la pression exercée sur le gouvernement. En effet, cette loi doit encore être approuvée par le Président. En outre, elle ne tient pas compte des recommandations de la commission d’experts relatives à la suspension des concessions dans les territoires indigènes, ne traite pas de la question de l’abrogation de la législation antérieure ni de la réparation des conséquences des actes antérieurs contraires à la convention. Il serait donc important que la loi soit revue par le BIT avant sa signature par le Président. Des doutes subsistent quant à la volonté politique réelle du gouvernement de respecter les procédures de consultations préalables, plusieurs accords obtenus entre le pouvoir exécutif et les organisations indigènes d’Amazonie dans le cadre du dialogue n’ayant en effet pas été soutenus par le pouvoir exécutif devant le Congrès. Un cadre de collaboration efficace avec 1’INDEPA serait essentiel pour l’application dans la pratique des obligations de la convention. Pour cela, 1a composition de l’INDEPA devrait être revue afin de représenter effectivement les intérêts des peuples visés par cet instrument. Le gouvernement pourrait, à ce titre, bénéficier de l’assistance technique du Bureau.

Une membre travailleuse du Pérou a fait observer que les événements tragiques survenus à Bagua sont dus au non-respect de la convention, ce dont témoignent les huit points soulevés par la commission d’experts. Aucune enquête véritable et impartiale n’a été réalisée sur ce qui s’est passé à Bagua. L’organisme chargé d’enquêter n’a pas pu rédiger un rapport objectif, les représentants du gouvernement refusant d’admettre une quelconque responsabilité des pouvoirs législatif et exécutif. Le gouvernement n’a conçu aucun plan d’action en consultation avec les organisations représentatives des peuples indigènes. Les discussions mentionnées par le gouvernement dans le cadre de tables rondes ne constituent pas une réponse adaptée. Il s’agit d’un dialogue incomplet qui inclut les peuples amazoniens mais pas les peuples andins.

S’agissant de l’INDEPA, les mesures nécessaires n’ont toujours pas été prises pour réformer cette institution de façon à lui permettre d’élaborer des politiques et des plans d’action à long terme avec la participation des peuples indigènes; n’y participent pas de véritables représentants des peuples indigènes; ses organes demeurent très bureaucratisés et ne comptent aucun mécanisme de consultation; ses fonctionnaires manquent de connaissances sur les peuples indigènes. L’INDEPA a soutenu l’établissement d’un conseil de direction parallèle au sein de l’AIDESEP qui a eu pour but d’affaiblir celle-ci. L’absence d’impartialité de cet organisme aura de graves conséquences sur l’application de la loi.

La loi adoptée par le Congrès le 19 mai 2010 est une mesure positive obtenue grâce à la pression interne et internationale, mais elle n’a pas encore été adoptée officiellement. Il est regrettable que, durant toutes ces années, aucun des mécanismes de consultation préliminaire prévus par la convention n’ait été adopté. On peut fortement douter de la volonté réelle du gouvernement d’appliquer les dispositions de la convention en matière de consultation. Il est fait état également de situations de conflits nombreux et graves imputables à une intensification radicale de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des communautés andines et indigènes, sans consultations de ces dernières. Ainsi, 72 pour cent du territoire de l’Amazonie a fait l’objet de concessions pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures et les mécanismes de participation en vigueur ne constituent pas une véritable consultation. Il faut progresser dans la mise en oeuvre de la récente loi sur le droit à la consultation préliminaire et dans l’application de chacune des étapes de la consultation. En outre, aucune mesure législative visant à garantir la participation des indigènes aux droits d’exploitation des mines, du pétrole et du gaz, ou pour l’indemnisation des dommages causés par ces activités n’a été adoptée. La question de l’absence de titre officiel de propriété des terres en question n’a, elle non plus, pas été réglée. Le gouvernement n’a pas non plus adopté de mesures dans l’éducation afin d’éliminer les préjudices des peuples indigènes, et le manque de professeurs indigènes est préoccupant.

Un autre membre travailleur du Pérou a souligné l’importance de la liberté d’expression et les garanties offertes par un Etat de droit. Il a confirmé que le gouvernement maintient le dialogue avec les apus (chefs de tribus), les organisations non gouvernementales et les paysans. Il est essentiel que le pouvoir judiciaire fasse son travail et enquête sur la mort des indigènes et des policiers ainsi que sur les disparitions et que le pouvoir législatif approuve officiellement la loi sur la consultation préalable. Il conviendrait également de renforcer les actions visant à faire connaître aux communautés paysannes et indigènes leurs droits et obligations de manière à ce qu’elles puissent décider de leur avenir de manière souveraine et démocratique.

Le membre employeur du Pérou a fourni des informations détaillées sur la législation relative au droit de consultation préalable. Bien que ce soit l’Etat qui accorde la concession d’exploitation des ressources naturelles, le titre de concession ne veut pas dire que l’entreprise ou le titulaire est propriétaire des terres, pas plus qu’il ne lui accorde le droit de démarrer l’exploitation. Pour entreprendre toute exploration ou toute exploitation d’un site, le titulaire de la concession doit obtenir l’accord du propriétaire de la terre. Lorsque la concession se trouve dans le secteur d’une communauté, la Constitution prévoit que les communautés paysannes et locales sont autonomes dans l’utilisation de leurs terres, dont elles peuvent disposer librement, dans le cadre prévu par la loi. Il existe diverses lois nationales, qui visent à sauvegarder des droits et coutumes des peuples indigènes ainsi qu’une législation en vigueur en vue de la protection de l’environnement. L’orateur a décrit le système intégré d’évaluation de l’impact sur l’environnement, qui fait appel à des critères et des procédures harmonisés et transparents afin de garantir que ce système fonctionne dans le cadre de processus participatifs appropriés. De plus, grâce à la nouvelle loi sur la consultation préalable des peuples indigènes, il ne fait aucun doute que le pays dispose de normes de haut rang, qui répondent à l’objectif de consultation des peuples indigènes, conformément à la convention. En ce qui concerne le secteur minier et énergétique, les normes en vigueur prévoient qu’avant d’entreprendre ou de réaliser de telles activités il convient de vérifier que les intérêts des peuples indigènes qui habitent dans la zone directement concernée par le projet ne risquent pas d’en être affectés. Il s’agit d’analyser et de prendre en considération les préoccupations exprimées quant aux conséquences éventuelles du projet en termes sociaux, économiques, environnementaux et culturels. D’après l’orateur, les observations formulées par la commission d’experts ne sont pas appropriées et la réglementation nationale répond pleinement aux objectifs fixés par la convention.

Pour conclure, l’orateur a indiqué que les communautés indigènes profitent des avantages économiques tirés de l’exploitation des ressources naturelles par le biais d’une redevance, qui correspond à la participation dont bénéficient les gouvernements locaux et les gouvernements régionaux sur les revenus et rentes touchés par l’Etat pour l’exploitation économique de ces ressources – revenus et rentes qui sont indépendants des compensations et des indemnisations correspondantes que les entreprises offrent aux propriétaires en contrepartie de l’utilisation de leurs terres.

Le membre gouvernemental de la République bolivarienne du Venezuela, intervenant au nom des membres gouvernementaux des Etats membres de la commission, du groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a souligné les progrès réalisés pour assurer l’application de la convention, comme en témoignent l’élaboration d’un plan de développement pour les peuples de l’Amazonie, auquel ont participé les intéressés, ainsi que l’approbation par le Congrès de la loi sur la consultation préalable qui prévoit l’obligation de réaliser des consultations préalables en vue d’obtenir l’accord ou le consentement des peuples indigènes au sujet des plans, programmes et projets de développement national et régional qui affectent leurs droits. L’orateur a exprimé l’espoir que les conclusions qui seront adoptées restent dans le cadre de la discussion et ne négligent pas les nouvelles données, chiffres et arguments exposés par le gouvernement. Pour conclure, l’orateur a réitéré le ferme espoir que la commission d’experts se limite au mandat que le Conseil d’administration lui a confié.

Le membre travailleur du Paraguay a exprimé sa solidarité et son soutien absolu aux peuples indigènes et paysans du Pérou et a fait part de sa profonde préoccupation au sujet des problèmes d’application de la convention. La Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) et les Fédérations des paysans et des indigènes ont dénoncé à plusieurs reprises l’augmentation du nombre de conflits dans les régions où vivent les paysans et les indigènes – conflits étroitement liés à l’accès et au contrôle des ressources naturelles. Le gouvernement impose systématiquement des projets dans les territoires amazoniens et andins, qui ne prévoient aucune garantie en matière de protection de l’environnement. Soixante-douze pour cent de la région amazonienne est dédiée à l’exploitation d’hydrocarbures, de là l’importance stratégique et politique d’un mécanisme de participation active des paysans et des peuples indigènes au sujet de ces activités. Il est regrettable que la loi actuelle ne prévoie que des actions à caractère administratif et informatif, ce qui ne correspond pas à l’obligation de consultation prévue dans la convention. Face au risque de recrudescence des conflits sociaux liés à l’exploitation des ressources naturelles et au manque de consultations préalables, l’orateur a demandé que le droit à la consultation soit rapidement mise en oeuvre.

Le membre employeur du Mexique a soutenu que la commission d’experts avait dépassé son mandat. Il a souligné que, en tant que porte-parole des membres employeurs lors des discussions en vue de l’adoption de la convention no 169, il connaît la lettre et l’esprit de ses dispositions. Ainsi, il n’est pas correct d’affirmer que les consultations doivent aboutir à des accords, de même la demande d’arrêt ou de suspension des activités économiques résulte d’une interprétation erronée de la convention. L’article 6 de la convention ne revêt pas et n’a jamais revêtu un caractère contraignant. La commission d’experts ne devrait pas pouvoir changer le sens des dispositions des conventions. L’orateur a conclu en considérant que le gouvernement procédait à l’adoption de mesures législatives appropriées pour donner effet à la convention.

Le membre travailleur de la République bolivarienne du Venezuela a insisté sur l’importance des droits ancestraux des peuples indigènes en tant que peuples originaires. Il y a lieu de rappeler que 70 pour cent des habitants du Pérou, ou leurs ancêtres, ont des origines indigènes. Il serait souhaitable que le gouvernement comprenne ce que signifie le droit des peuples indigènes à préserver leur culture et leurs traditions. Le gouvernement doit être instamment prié d’approuver la loi sur la consultation préalable, de mettre fin à la surexploitation irraisonnée des ressources naturelles, de mettre un terme à la persécution des dirigeants andins et syndicaux et de garantir le droit des peuples indigènes à être obligatoirement consultés sur les décisions qui les concernent.

Le membre employeur de la Colombie a déclaré que seules cinq dispositions de la convention se réfèrent à des questions de travail et que les autres sujets abordés dans cet instrument ne relèvent pas de la compétence de l’OIT. Il existe de nombreux instruments régionaux et internationaux et des organismes spécialisés qui ont pour objectif de protéger les peuples indigènes, et l’OIT devrait s’en tenir aux questions concernant le monde du travail. En outre, il est inquiétant de voir la commission d’experts affirmer qu’il y a lieu de prendre des mesures conservatoires à travers la suspension des activités alors que cela n’est pas prévu par la convention. Il a également souligné que l’on ne saurait déduire de la convention une quelconque obligation de parvenir à des accords au travers des processus de consultation.

Le membre travailleur de la France a réagi à certaines déclarations des membres employeurs en rappelant que la convention no 169 n’est pas la seule convention dans laquelle l’OIT a abordé des problèmes de civilisation, et cela en étroite liaison avec les Nations Unies. Cette convention a été adoptée par la Conférence, il s’agit donc d’un traité international qui, une fois ratifié par un Etat Membre, doit être mis en oeuvre dans sa totalité. S’agissant de la mise en cause du mandat et de l’objectivité de la commission d’experts, il convient de rappeler que l’interprétation du texte d’une convention est indispensable pour savoir comment atteindre efficacement le but que s’est assigné la convention. Il faut donc réaffirmer que la commission d’experts n’est pas hors sujet. L’orateur a souligné que, si le mot «consultation» a été retenu dans le texte de la convention, cela signifie que des consultations doivent avoir lieu et de bonne foi, c’est-à-dire en tenant compte des avis exprimés. Or, en l’espèce, la commission d’experts considère que le gouvernement n’a pas répondu à l’objectif de la convention. Pour conclure, il y a lieu d’espérer que la loi sur la consultation préalable mentionnée par le gouvernement permettra de résoudre le problème. Toutefois, le fait que les trois quarts du pays soient déjà concédés à l’exploitation est préoccupant. Ces territoires ont une valeur qui va bien au-delà de leur valeur marchande. Au cours de cette discussion, deux philosophies s’affrontent: une philosophie capitaliste et l’autre qui veut le développement durable.

Le membre employeur de l’Equateur s’est déclaré préoccupé par l’interprétation qui a été donnée de l’article 6 de la convention. La convention ne confère pas aux groupes indigènes ou tribaux le pouvoir de créer des organes législatifs parallèles qui auraient la faculté de créer des normes, ou qui auraient un pouvoir de veto contre les actes légitimes du pouvoir national central lorsque celui-ci agit dans le cadre de ses compétences. Lors des discussions préparatoires à l’adoption de la convention, le groupe des travailleurs avait proposé un amendement tendant à remplacer les mots «consulter les» par les mots «obtenir le consentement des», amendement qui n’avait pas été accepté, considérant que par principe les résultats de consultations n’ont pas un caractère contraignant. L’esprit de la convention est de recueillir l’avis des populations indigènes lorsqu’un acte du gouvernement, ou toute autre initiative qui émane des pouvoirs publics, risque de porter atteinte aux traditions et à la culture de ces peuples. Mais on ne saurait en inférer en aucune façon que cela permet à ces peuples d’empêcher ou de s’opposer de manière définitive, sans tenir compte de la volonté de l’ensemble de la société, à un modèle déterminé de développement ou de projets qui dépassent les intérêts propres à ces communautés. Ces consultations doivent également servir à déterminer si les groupes décident de participer aux projets qui se déploient à proximité de leur zone d’influence ou bien si ces groupes décident de s’en tenir à l’écart et, dans le cas où ils décident de participer, sous quelle forme ils le feront. Cependant, on ne saurait déduire de ce qui précède que l’on a conféré à ces peuples la possibilité d’émettre un avis qui l’emporterait sur celui des pouvoirs nationaux habilités à décider. En dernier lieu, il a déploré que la commission d’experts ait excédé son mandat en demandant le gel du projet d’exploitation de ressources naturelles.

Le membre employeur de l’Espagne a relevé les progrès accomplis par le gouvernement, au nombre desquels la loi sur la consultation préalable. S’agissant du débat sur la notion de consultation, il a souligné l’importance qui s’attache au respect des droits des peuples indigènes et tribaux à la terre, au respect de l’environnement, à la recherche d’un développement durable et équilibré et enfin à la responsabilité sociale des entreprises, mais a indiqué que, de la notion de consultation, on ne saurait conduire à celle de veto. De ce fait, il est erroné de considérer que les consultations prévues par la convention no 169 revêtent un caractère contraignant.

La représentante gouvernementale s’est félicitée des opinions et des commentaires qui ont été formulés sur les progrès réalisés. Le rôle de l’INDEPA a été modifié car, à la demande des dirigeants des peuples indigènes, celui-ci a été confié en février 2010 à la présidence du Conseil des ministres. C’est désormais un organisme technique spécialisé qui remplit ses fonctions dans plusieurs secteurs et de manière transversale, à tous les niveaux du gouvernement. Un apu sera désigné pour le diriger et des consultations sont en cours auprès des peuples indigènes en vue de cette désignation. En outre, le Groupe national de coordination a mis au point le Plan national de développement de l’Amazonie, composé de ministres, gouvernements régionaux et de deux organisations représentatives des peuples amazoniens, à savoir l’AIDESEP et le CONAP. L’oratrice a ensuite décrit les mesures actuellement prises pour lutter contre la discrimination et le racisme, ainsi que des nouvelles ressources destinées à l’éducation dans les zones rurales.

Il existe un souci constant d’assurer que les populations et communautés qui vivent sur les terres où sont exploitées les ressources naturelles dérivent un certain bénéfice des activités d’extraction de ces ressources. Ainsi, six types de redevances ont été instaurés en fonction des différentes activités d’extraction. Au cours de l’année 2009, 1,2 milliard de dollars ont été distribués sous forme de redevances. L’oratrice a conclu en réaffirmant la volonté du gouvernement de poursuivre ses efforts pour offrir un autre futur aux membres des communautés indigènes du Pérou.

Les membres employeurs ont remercié le gouvernement pour les informations qu’il a fournies au cours de la séance, tout en notant que la commission d’experts devra évaluer les actions mentionnées par le gouvernement au sujet de la loi sur la consultation préalable et signaler dans son prochain rapport tout manquement ou lacune éventuel. Alors qu’il faut en général des années, voire des décennies, aux gouvernements pour répondre aux observations, le gouvernement du Pérou a pris des mesures rapides en moins d’une année et doit en être félicité. Aucune personne ni aucune institution n’est infaillible et, sur la base des témoignages et des preuves présentées, il serait prudent pour la commission d’experts de reconsidérer ses conclusions au sujet de certaines des dispositions de la convention auxquelles les membres employeurs se sont référés.

Les membres travailleurs ont considéré que les membres employeurs venaient de faire le procès de la convention no 169, et leur cours de droit sur l’interprétation des traités peut laisser croire qu’ils n’avaient rien à dire sur le fond. Pourtant, ce cas est très grave et a valeur d’exemple dans toute la région. La loi sur la consultation préalable récemment adopté pourrait constituer un premier pas en vue de l’amélioration de relations qui sont aujourd’hui caractérisées par la violence. Des questions semblent néanmoins subsister en ce qui concerne: les circonstances ayant entouré les graves incidents de Bagua; la pleine conformité de la loi avec la convention; la composition et le fonctionnement impartial de l’INDEPA; l’abrogation des lois antérieures; le droit à réparation accordée aux victimes de préjudices résultant de l’application de la précédente législation. Le gouvernement vient de faire un premier pas encourageant et, pour prouver sa bonne volonté, il devrait accepter une mission d’assistance technique du Bureau dans les plus brefs délais afin que la commission d’experts dispose d’informations qui permettent de répondre aux questions susmentionnées.

La représentante du Secrétaire général a déclaré qu’elle souhaitait apporter certaines clarifications. Le terme «consultation» figure probablement dans tous les instruments de l’OIT; il est au coeur des normes internationales du travail, car toutes les conventions et toutes les recommandations contiennent une disposition prévoyant la consultation des organisations de travailleurs et d’employeurs, ou l’obligation de consulter «les travailleurs et les employeurs intéressés» ou les groupes de personnes intéressées, tels que les personnes handicapées. Toutefois, ce concept commun, et néanmoins très important, doit être interprété dans le contexte général de l’instrument dans lequel il se trouve. La consultation est une obligation, quel que soit le langage utilisé, par exemple l’expression «doit consulter». L’article 6 de la convention no 169 met cette expression plus en exergue que la plupart des dispositions et, pour l’interpréter correctement, il est nécessaire d’examiner l’article dans son ensemble et pas seulement une partie de cet article. Le paragraphe 2 de l’article 6 prévoit que les consultations doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d’obtenir un consentement. Cette disposition n’exige pas que l’on parvienne à un accord mais elle va au-delà du simple échange de points de vue. Il est donc nécessaire de consulter en bonne foi en vue de parvenir à un consensus. Le texte anglais est tout aussi clair. Il n’exige pas que l’on parvienne à un accord ou que l’on obtienne un consensus. C’est également ce qui ressort de l’observation de la commission d’experts actuellement examinée par cette commission.

En tant que convention de l’OIT, la convention no 169 ne peut pas renier sa filiation, il s’agit d’une convention qui révise la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957. L’OIT est la première organisation à avoir adopté une convention sur les peuples indigènes et c’est la seule à avoir un instrument contraignant sur les peuples indigènes. Ces éléments de clarification sont donnés, en sachant qu’il s’agit là d’une question qui demeure sensible et controversée.

Les membres employeurs ont remercié le Bureau pour ces éclaircissements, mais ont indiqué que le mot «consulter» a un sens différent en anglais et en français, car en français le mot a une plus forte connotation. Cette différence mise à part, il est clair que l’absence de consultation ne doit pas être interprétée comme signifiant qu’il faut cesser les activités économiques. Ainsi, lorsqu’ils ont mis en cause la commission d’experts en ce qui concerne la véritable signification de la convention, les membres employeurs se référaient-ils à cette injonction.

Les membres travailleurs ont tenu à préciser qu’ils avaient accepté ces conclusions en faisant preuve d’une grande souplesse. Il s’agit d’une main tendue au gouvernement et il est à espérer que ce dernier acceptera l’assistance technique du Bureau.

Conclusions

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a noté qu’elle avait examiné ce cas en 2009 et que la commission d’experts, se référant aux conclusions de cette commission, avait prié le gouvernement de prendre une série de mesures d’ordre législatif, institutionnel, éducatif et de sensibilisation.

La commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle le Congrès de la République du Pérou avait adopté, le 19 mai 2010, une loi sur le droit des peuples indigènes et tribaux à la consultation préalable reconnu par la convention no 169, qui contient, entre autres, des dispositions relatives à l’identification des peuples concernés. Le gouvernement a également fourni des informations au sujet du décret présidentiel no 022-2010 qui accorde à l’INDEPA le statut d’organe technique spécialisé. Le gouvernement a fourni en outre des informations sur les travaux des quatre tables rondes de dialogue instituées en juin 2009 avec la participation des peuples de l’Amazonie, lesquels ont consisté, notamment, en des enquêtes sur les incidents de Bagua et sur l’élaboration d’un plan de développement pour la région amazonienne. Il a également fait référence à l’accès des peuples indigènes à l’éducation, aux mesures visant à éliminer les préjugés envers les peuples indigènes, ainsi qu’aux initiatives destinées à améliorer leurs conditions.

La commission s’est félicitée de la reconnaissance par le gouvernement de l’importance des consultations, suivies de l’adoption, par le Congrès de la République, de la loi sur la consultation préalable des peuples indigènes ou premiers. Elle veut croire que cette loi sera rapidement promulguée par le Président de la République. La commission a prié instamment le gouvernement de fournir à la commission d’experts des informations complètes sur la promulgation et l’application de la loi, afin que ladite commission puisse en vérifier la conformité avec les dispositions de la convention. Elle a prié instamment le gouvernement de veiller à ce que cette nouvelle loi soit signée et mise en oeuvre, et d’assurer, le cas échéant, l’adoption de mesures transitoires, conformément aux articles 6, 7 et 15 de la convention, comme elle en a discuté. Elle a également rappelé la nécessité de développer une action coordonnée et systématique afin de protéger les droits des peuples indigènes, comme le prévoient les articles 2 et 33 de la convention, ce qui requiert la présence d’institutions étatiques auxquelles les peuples indigènes accordent leur confiance et au sein desquelles ces peuples peuvent participer pleinement. La commission a pris note des informations fournies, selon lesquelles la loi sur la consultation préalable attribue un rôle central à l’INDEPA en tant qu’organe technique spécialisé pour les questions indigènes. En conséquence, elle a estimé que la réforme de cet organe, qui doit se dérouler avec la pleine participation des organisations représentatives des peuples indigènes, est nécessaire pour assurer sa légitimité et sa capacité réelle d’agir et pour garantir l’application de cette importante loi.

La commission a pris note de l’élaboration d’un plan de développement pour la région amazonienne qui ne comprendra cependant pas les peuples indigènes de la région andine. Elle a également noté que des progrès doivent être faits en ce qui concerne l’élaboration et la mise en oeuvre de plans d’action destinés à régler de façon systématique les problèmes en suspens relatifs à la protection des droits des peuples couverts par la convention, conformément à la demande de la Commission de la Conférence et de la commission d’experts. Elle a insisté sur la nécessité de veiller à ce que ces plans d’action soient élaborés et mis en oeuvre avec la participation des organisations représentatives des peuples indigènes, conformément aux articles 2 et 6 de la convention.

La commission a prié le gouvernement de fournir des informations complètes dans un rapport qu’il devra soumettre à l’examen de la prochaine session de la commission d’experts, afin de répondre aux questions qu’elle-même et la commission d’experts ont soulevées. Ce rapport devra fournir, entre autres, des informations détaillées sur la promulgation et la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur la consultation préalable, sur les mesures transitoires s’y rapportant, et sur la mise en oeuvre du plan de développement pour la région amazonienne, ainsi que des informations sur l’effet de la résolution ministérielle no 0017-2007-ED qui définit les critères d’admission pour la formation d’enseignants bilingues. La commission a encouragé le gouvernement à faire appel à l’assistance technique du Bureau afin de garantir que des progrès adéquats soient faits en termes d’application de la convention.

Les membres travailleurs ont tenu à préciser qu’ils avaient accepté ces conclusions en faisant preuve d’une grande souplesse. Il s’agit d’une main tendue au gouvernement et il est à espérer que ce dernier acceptera l’assistance technique du Bureau.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2009, Publication : 98ème session CIT (2009)

Un représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi, faisant référence aux observations contenues dans le rapport de la commission d’experts de 2009 sur l’application de la convention no 169, a tout d’abord indiqué qu’en ce qui concerne l’article 1, le Pérou avait ratifié cette convention, présumant de la compatibilité de ses dispositions avec la notion juridique de «communautés paysannes et aborigènes», qui est le terme utilisé dans la Constitution et le système juridique péruvien. Or le Congrès a élaboré un projet de loi intitulé «loi-cadre sur les peuples indigènes ou originels du Pérou», qui inclut les communautés paysannes et aborigènes ainsi que les indigènes vivant en situation d’isolement, et où les termes «peuples indigènes ou originels» sont définis comme étant une transcription exacte de l’article 1 de la convention no 169.

S’agissant de la deuxième observation de la commission d’experts, à propos des articles 2 et 33 de la convention, le gouvernement a créé une série d’institutions chargées de gérer les programmes relatifs aux peuples susmentionnés. En 2005, la loi no 28.495 a créé l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA), organe participatif jouissant d’une autonomie administrative et budgétaire, et dont le mandat est de proposer des politiques et des programmes de développement des peuples indigènes. Dans la mesure où il s’agit d’une entité récente dont les responsabilités doivent être encore consolidées, le gouvernement compte solliciter auprès du bureau sous-régional du BIT pour les pays andins une assistance technique en vue du renforcement institutionnel de cet organisme.

Le Pérou progresse vers la décentralisation et la dévolution des pouvoirs aux gouvernements régionaux et locaux, grâce à des politiques de concertation, de développement et de formation dans les secteurs public et privé, en faveur des peuples andins, des peuples d’Amazone, des peuples afro-péruviens et des peuples asiatico-péruviens. La loi organique sur les municipalités (loi no 27.972) de mai 2003 en est la preuve. Cette loi instaure les conseils de coordination, dont les membres sont des représentants des peuples aborigènes provenant des juridictions correspondantes, et établit des mécanismes de contrôle participatif. Dans ce contexte, il convient de souligner également qu’il existe diverses lois qui ont eu une action positive sur les droits politiques des peuples indigènes, en stipulant par exemple que 15 pour cent au moins des candidats aux assemblées municipales et régionales figurant sur les listes électorales doivent appartenir à un peuple indigène.

Afin de répondre aux revendications des peuples indigènes d’Amazonie et d’ouvrir un espace de dialogue avec leurs représentants, ces questions faisant l’objet de la troisième observation de la commission d’experts concernant les articles 2, 6, 15 et 33 de la convention, plusieurs décrets-lois, qui avaient été cités explicitement dans le rapport de la commission, ont été abrogés, et une commission plurisectorielle a été créée le 20 avril 2009 afin de traiter les points relatifs aux propositions présentées par l’Association inter-ethnique de développement de la forêt amazonienne (AIDESEP), au sujet de l’abrogation de plusieurs décrets-lois. Cette mesure a été exécutée après accord du Congrès.

De même, des conseils de coordination locale ont été instaurés, ainsi que d’autres procédures de consultation destinées à encourager la participation des populations et à inclure les communautés paysannes ou aborigènes dans les processus touchant le milieu dans lequel elles vivent, conformément aux procédures de consultation établies à l’article 6 de la convention no 169 de l’OIT. Pourtant, malgré cette nouvelle législation, il apparaît nécessaire d’établir une norme nationale et plurisectorielle qui garantisse le droit de participation et de consultation à tous les niveaux du gouvernement, norme que le Congrès devrait approuver prochainement. Dans ce contexte, il convient de citer le Plan de participation citoyenne, destiné à faire intervenir de façon organisée les communautés dans les programmes de contrôle et de surveillance des effets sociaux et environnementaux découlant de l’exécution de projets d’exploitation des ressources naturelles, lorsque ces derniers mettent en danger les personnes, les institutions, les biens, le travail, les cultures et l’environnement des populations concernées. A cet égard, l’orateur se réfère aux cas concernant le projet de Rio Blanco, dans la région de Piura, et l’exploitation des gisements miniers des collines de Condohuain.

Enfin, le représentant gouvernemental a fait état des événements qui se sont produits à la fin de la semaine précédente dans la zone de Bagua, dans la région de Cajamarca. Bien que les faits et les responsabilités fassent encore l’objet d’enquêtes, les protestations et les mobilisations qui ont eu lieu ont été, de l’avis du gouvernement, le fruit de l’action de groupes incontrôlés qui ont détourné les revendications des communautés aborigènes dans l’intention d’interrompre l’exploitation du pétrole et de mettre en danger les installations du gazoduc, acte qui aurait pu avoir des conséquences graves pour des millions de Péruviens. Tout en déplorant de tels événements, le gouvernement s’est dit ouvert au dialogue.

Les membres employeurs ont remercié le ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi du Pérou de s’être personnellement présenté à la session de la commission et pour les informations fournies. C’est le 20e anniversaire de l’adoption de la convention no 169, mais c’est la cinquième fois que l’application de cette convention est discutée par cette commission. Les membres employeurs ont souligné l’importance de la discussion pour le Pérou et les 19 autres pays qui ont ratifié la convention, ainsi que pour la région en général. Il s’agit du premier examen dans cette commission de l’application de la convention no 169 par le Pérou, même si la commission d’experts a déjà formulé huit observations depuis la ratification de la convention en 1994. La commission d’experts continue de regretter que le gouvernement n’ait pas transmis les informations demandées. Par ailleurs, le gouvernement ne répond pas aux communications des organisations de travailleurs. Les membres employeurs ont noté les problèmes rencontrés par le gouvernement, et ont cru comprendre que soixante jours d’état d’urgence aient été déclarés en mai 2009 dans les régions de l’Amazonie. Une confrontation a par ailleurs récemment eu lieu à Bagua. La situation paraît très simple sur le terrain mais le but de la commission est d’examiner l’application de la convention en se référant au rapport de la commission d’experts.

Les membres employeurs ont reconnu que le Pérou se heurte à des difficultés pratiques pour appliquer la convention. Le gouvernement est tenu, entre autres, d’établir des mécanismes efficaces et appropriés de consultation et de participation des peuples indigènes et tribaux sur les questions les concernant. Ces mécanismes représentent la pierre angulaire de la convention no 169. La convention prévoit que la consultation et la participation des peuples indigènes et tribaux sont un élément essentiel pour l’équité et la garantie de la paix sociale à travers l’intégration et le dialogue social. Cependant, s’il existe dans un sens un certain degré de participation au Pérou et des consultations ad hoc, cela n’est pas considéré comme suffisant par la commission d’experts pour être conforme avec les exigences de la convention. Des préoccupations et des confusions perdurent sur le critère législatif appliqué pour la détermination de la population péruvienne couverte par la convention. Sans un tel critère, des difficultés dans l’application pratique de la convention persisteront. La commission d’experts a demandé au gouvernement de définir clairement le champ d’application de la convention, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes, et d’assurer que tous les peuples auxquels se réfère l’article 1 de la convention soient couverts. Les membres employeurs considèrent cependant que la convention permet une interprétation de son champ d’application, les peuples «indigènes» ou «tribaux» n’étant jamais définis dans cet instrument. A cet égard, ils ont encouragé le gouvernement à prendre en considération les définitions du Thesaurus du BIT lorsqu’il répondra aux experts. Ils ont souligné également que, sans résolution des problèmes liés au champ d’application, les problèmes d’application des articles 2 et 33 de la convention perdureront. Le gouvernement devrait clairement s’occuper de savoir pourquoi certains peuples restent non couverts et en expliquer les raisons de façon à ce que cette information soit prise en compte par la commission d’experts.

Les membres employeurs ont également noté les problèmes liés à l’application des articles 6 et 17 (consultation et législation) de la convention. Ils ont souligné, une fois encore, le lien évident avec leurs commentaires sur l’article 1, la commission d’experts recommandant instamment au gouvernement de prendre des mesures, avec la participation des peuples indigènes, pour établir des mécanismes de consultation et de participation appropriés et de consulter les peuples indigènes avant d’adopter ces mesures. En ce qui concerne les problèmes d’application des articles 2, 6, 7, 15 et 33, la commission d’experts se réfère aux nombreuses situations sérieuses de conflits, à propos desquelles le gouvernement n’a pas donné de réponse. Les membres employeurs ne peuvent pas examiner les informations législatives fournies par le gouvernement à cette commission, mais encouragent le gouvernement à communiquer chaque année des informations aux experts et à considérer la possibilité de mettre en oeuvre un plan d’action pour s’occuper des problèmes d’application faisant clairement référence aux faits sur le terrain, en identifiant les situations urgentes liées à l’exploitation des ressources naturelles qui pourraient constituer une menace pour les personnes, les institutions, la propriété, le travail, la culture et l’environnement des peuples concernés. Selon les membres employeurs, il s’agit d’un cas de manquement grave de non-soumission de rapports et, de plus, la convention ne semble pas être pleinement mise en oeuvre. Ils aimeraient voir le gouvernement prendre des mesures positives immédiates en communiquant à la commission d’experts les informations qu’elle demande, de manière à permettre une évaluation correcte de ces questions.

Les membres travailleurs ont observé que le Pérou a ratifié la convention no 169 en 1994. L’application de cette convention a fait l’objet de commentaires de la commission d’experts en 2006 et 2008, mais ce pays n’a jamais été appelé devant la Commission de la Conférence au sujet de cette application.

Ils ont évoqué le contexte particulier dans lequel se déroulent les présentes discussions. Suite à un violent conflit dans le nord du pays de Bagua, lié à la répression d’une action menée depuis plusieurs jours par 30 000 autochtones et qui a fait 33 morts le 5 juin 2009, des marches de solidarité avec les peuples autochtones du Pérou ont eu lieu dans de nombreux pays en soutien aux mouvements indigènes. Cette répression a en outre été fermement condamnée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et les libertés fondamentales des peuples indigènes et tribaux qui appellent le gouvernement à éviter à l’avenir toutes les formes de violence et à appliquer ou adopter des mesures pour protéger les droits et les libertés fondamentales des peuples indigènes et tribaux. Les membres travailleurs ont rappelé que la commission d’experts avait déjà mis en évidence en 2008 diverses situations de conflits graves, imputables à une intensification de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes.

Ils ont souligné les problèmes législatifs posés par ce cas. Comme les autres pays andins, le Pérou a une population où les communautés indiennes sont restées importantes. Ces communautés sont toutefois tenues à l’écart du pouvoir et ne sont pas consultées lorsque des droits qui les concernent sont en cause. De plus, même si le Pérou a formellement reconnu dans sa Constitution le caractère multiethnique et multiculturel du pays, il existe un réel décalage entre l’action parlementaire et celle du pouvoir exécutif. Quatre décrets, dont le décret no 1090, dérogent à des lois ayant prévu des restrictions d’ordre social à l’extraction de matières premières, ce qui a amené la Commission interaméricaine des droits de l’homme à rappeler le rôle que devrait jouer le pouvoir judiciaire dans la résolution des conflits et la réparation des dommages causés aux peuples indigènes et tribaux. Le décret législatif no 1090 du 28 juin 2008, connu sous le nom de loi de la forêt, modifie la loi forestière de 2000 en vue de l’adapter à l’Accord de libre-échange signé avec les Etats-Unis. Ce décret a récemment été suspendu par le Congrès du Pérou pour une durée de quatre-vingt-dix jours. Les conclusions de la Commission de la Conférence pourraient donc être de première importance.

Les membres travailleurs se sont ensuite penchés sur l’analyse détaillée de la situation des peuples indigènes du Pérou, réalisée dans le rapport de la commission d’experts. Une des grandes difficultés, source d’insécurité juridique et d’abus, est la question de la définition, par la législation péruvienne, des peuples auxquels la convention devrait s’appliquer. La notion juridique de «peuples indigènes» n’est pas définie dans la Constitution, et plusieurs termes sont utilisés pour se référer aux peuples indigènes, créant ainsi une ambiguïté certaine et préjudiciable. La commission d’experts a plusieurs fois prié sans résultat le gouvernement d’établir, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes, un critère unifié d’appartenance aux peuples susceptibles d’être couverts par la convention.

Dans le cadre de l’application combinée des articles 2 et 33 de la convention, le gouvernement doit établir des institutions ou autres mécanismes, dotés des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions, pour administrer les programmes affectant les peuples intéressés. Les membres travailleurs ont déclaré que la création en 2005 de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA), en tant qu’organisme participatif doté de l’autonomie administrative et budgétaire, ne semble toutefois pas apporter les garanties voulues. La diversité dans la représentation en son sein favorise l’imposition des décisions de l’Etat, et l’INDEPA n’a pas de pouvoirs réels. Par conséquent, ils appuient la demande faite au gouvernement par la commission d’experts de se doter, avec la participation des peuples indigènes, d’institutions réellement efficaces.

Pour conclure, les membres travailleurs ont regretté que le gouvernement ne fasse que très peu d’efforts pour mettre en oeuvre la convention et résoudre, par la consultation des peuples concernés, les nombreuses situations de conflits graves, imputables à une intensification de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes.

Le membre gouvernemental de la Colombie a remercié le ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi du Pérou pour les informations qu’il a fournies. Le gouvernement de la Colombie reconnaît la volonté du gouvernement du Pérou de dialoguer, et encourage les acteurs sociaux à renforcer les espaces de dialogue et à les utiliser de manière efficace afin de parvenir à une meilleure entente et conclure des accords. Le Bureau doit considérer favorablement la demande d’assistance technique formulée par le gouvernement du Pérou.

La membre travailleuse du Pérou a indiqué que le non-respect de la convention no 169 par le gouvernement a eu de graves conséquences pour les peuples indigènes de son pays. Les faits actuels offrent un panorama de violence désolant. Le vendredi 5 juin, la police a violemment réprimé la manifestation menée depuis deux mois par les communautés de la région de Bagua, département d’Amazonas. Les manifestations des communautés indigènes visent à exiger l’abrogation des décrets législatifs qui ont été promulgués par le gouvernement sans consultation préalable, et qui privent les communautés de leurs droits légitimes à l’eau et au territoire, en violation flagrante de la convention no 169 de l’OIT ratifiée par le Pérou. Selon les informations disponibles, l’intervention armée pour mettre fin à la grève indigène aurait coûté la vie à au moins 30 membres des communautés indigènes et 23 membres des forces de police.

Des 55 millions d’hectares qui constituent le territoire de l’Amazonie, 49 millions d’hectares, c’est-à-dire 72 pour cent, ont fait l’objet de concessions octroyées par le gouvernement actuel pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures, alors qu’au Brésil ces concessions ne représentent que 13 pour cent seulement du territoire et 11 pour cent en Equateur. Dans la pratique, les convictions des peuples indigènes péruviens de la nécessité d’un développement intégral n’ont pas été prises en considération. La déforestation d’immenses étendues de forêt vierge, la pollution des rivières au plomb et autres métaux lourds, découlant de l’activité minière et de l’extraction du pétrole en toute irresponsabilité, sont des conséquences qui portent préjudice non seulement au Pérou, mais aussi à des nations et à l’humanité tout entières. Par exemple, entre 2006 et 2009 uniquement, 48 déversements accidentels de pétrole ont eu lieu entre les lots 8 et 1AB de Pluspetrol, entraînant la pollution des rivières Tigres et Corrientes et de leurs affluents ainsi que des conséquences néfastes pour 34 communautés indigènes. Selon les rapports du ministère de la Santé, 98 pour cent des filles et des garçons de ces communautés affichent un taux de métal toxique dans le sang supérieur à la limite acceptable. Alors qu’aujourd’hui le gouvernement est appelé à s’expliquer devant l’OIT sur le non-respect de la convention no 169, au Pérou a lieu une journée d’action nationale contre ces événements, et pour exiger du gouvernement le respect de tous les droits des communautés indigènes.

Un front de solidarité a été formé, composé d’organisations indigènes, syndicales et populaires, pour exiger le respect des 1 400 communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne et de ses 65 groupes ethniques. La commission d’experts a formulé à huit reprises des commentaires sur l’application de la convention no 169, dans lesquels elle a exhorté le gouvernement à adapter la législation et la pratique aux obligations découlant de cette convention. La CGTP, ainsi que des organisations indigènes, paysannes et de défense des droits de l’homme ont présenté un rapport alternatif en 2008. Mais le gouvernement n’a pas donné suite aux observations contenues dans ce rapport. La violation du droit à la consultation préalable a soulevé la préoccupation de la commission d’experts dans son dernier rapport. Alors que, depuis dix ans, des rapports sont publiés par l’OIT, au sujet de la consultation préalable des peuples indigènes sur les mesures ayant un impact sur eux, des plaintes continuent d’être présentées pour le non-respect de cette règle. La convention no 169 énumère une série de droits qui, dans leur ensemble, protègent la vie et le développement des communautés indigènes. Parmi ces droits, figure la consultation préalable de ces communautés au sujet des décisions qui les affectent. Il s’agit d’un droit fondamental d’une importance majeure aux plans historique et politique. Dès lors qu’ils reconnaissent ce droit, les gouvernements ont l’obligation de respecter le droit des peuples indigènes de déterminer leur forme et leur rythme de développement culturel, politique, social et économique.

La crise sociale et politique que connaît actuellement le pays est une source de préoccupation majeure. Hier, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la question des peuples indigènes a appelé le gouvernement à adopter toutes les mesures complémentaires nécessaires pour protéger les droits humains et les libertés fondamentales des personnes concernées. Les interventions publiques du gouvernement ridiculisent la lutte indigène, la défense de son territoire et l’exploitation durable des ressources, faisant fi du débat mondial sur les mesures à prendre pour laisser aux générations futures une planète viable. Tous les pays, dans le contexte des Nations Unies, considèrent que cette question est fondamentale. L’une des mesures les plus importantes prises par l’Assemblée générale des Nations Unies est la nomination du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones. En outre, une instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies a été mise en place. La Déclaration des droits des peuples autochtones a ensuite été adoptée, et le Pérou est l’un des pays ayant activement appuyé l’approbation de cet instrument.

Malgré les discours du gouvernement au niveau international sur l’adoption de ces mécanismes et l’appui à ces derniers, les politiques gouvernementales défendent et encouragent l’enrichissement de quelques-uns au détriment des droits des populations ancestrales, et le gouvernement développe ses activités sans prévenir les conséquences néfastes qu’elles entraînent pour l’environnement. Les travailleuses et les travailleurs du Pérou exigent que le gouvernement maintienne un dialogue social réel et propose des solutions pour surmonter cette crise profonde. Ils rejettent les accusations que le Président porte contre les indigènes, les syndicalistes et les dirigeants populaires, en les stigmatisant comme terroristes opposés au progrès du pays. Ils sont convaincus de la nécessité urgente de se conformer au principe fondamental établi par la Constitution de l’OIT, que le gouvernement péruvien s’est aussi engagé à respecter: une paix durable et universelle ne peut être établie que sur la base de la justice sociale.

L’oratrice, en réponse à la gravité de la situation actuelle des peuples indigènes, a demandé que soit envoyée dès que possible une mission de haut niveau pour évaluer la gravité de la situation relativement au non-respect de la convention no 169, et a prié instamment le gouvernement de protéger la vie des membres des communautés indigènes; de garantir le plein exercice des droits des peuples indigènes; d’abroger les décrets législatifs controversés; de lever l’état d’urgence et le couvre-feu dans la forêt amazonienne; et d’appliquer les mesures urgentes qui s’imposent pour sauvegarder les institutions, les personnes, les biens, la culture, le travail et l’environnement des peuples indigènes. Enfin, elle a estimé qu’il est nécessaire de renforcer les capacités du bureau du BIT à Lima, afin de couvrir les besoins de suivi et d’assistance technique des partenaires sociaux, dans le cadre de l’application de la convention no 169.

Un observateur, s’exprimant au nom de la Fédération syndicale mondiale (FSM), s’est félicité de la préoccupation exprimée par la commission d’experts relativement au non-respect de la convention no 169 de la part du gouvernement et a déclaré que ladite commission avait réalisé un travail professionnel de très haute qualité. Les problèmes des peuples indigènes ne sont pas nouveaux pour les Péruviens. Sur la base des informations communiquées par la présidente de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), l’orateur a déclaré que l’on pouvait conclure que le gouvernement avait contrevenu de manière systématique à la convention no 169. Il a fait référence à un crime de lèse-humanité contre les travailleurs indigènes de l’Amazonie du nord du Pérou, qui doit être examiné dans le contexte politique approprié; il ne s’agit pas d’un acte ponctuel mais d’un acte relevant de politiques néolibérales que le gouvernement actuel continue d’appliquer, malgré des résultats catastrophiques pour le Pérou et pour d’autres pays d’Amérique latine.

L’orateur a déclaré que l’un des objectifs de ces politiques nationales, outre l’anéantissement des mouvements syndicaux, vise à la privatisation d’entreprises stratégiques et des ressources naturelles au profit d’entreprises transnationales. Dans le pays, entre 1990 et 2000, plus de 90 pour cent des entreprises publiques ont été vendues aux enchères. La richesse de l’Amazonie est considérée comme l’un des poumons de la planète, mais ces entreprises, loin de protéger la région, ne font que la polluer et en exploitent ses richesses à grande échelle: pétrole, bois et biodiversité, tout cela avec la complicité des gouvernements. La convention no 169 sert de planche de salut pour empêcher les violations et les abus perpétués contre les peuples indigènes de l’Amazonie et, en même temps, pour défendre l’environnement et la vie de ces peuples, étant donné que la voracité des entreprises transnationales et la complicité des gouvernements néolibéraux sont sans limites.

L’orateur a déclaré que le gouvernement péruvien n’a pas l’intention de se conformer aux dispositions de la convention no 169, malgré les appels répétés de la commission d’experts à cet égard. Le gouvernement a fait usage des «habilitations déléguées» grâce à la majorité parlementaire menée par le gouvernement et ses alliés pour promulguer une série de décrets législatifs, parmi lesquels figure le décret relatif à la vente de territoires amazoniens où vivent des communautés indigènes, lesquelles ont dénoncé ces décrets devant les organismes nationaux et internationaux. La CGTP a été le point de départ de l’action de mobilisation. Les décrets législatifs en question sont inconstitutionnels et constituent une violation de la convention no 169 puisque les populations amazoniennes concernées n’ont pas été préalablement consultées; c’est la raison pour laquelle ces dernières ont exigé l’abrogation immédiate de ces décrets. Un dialogue aurait pu être initié dans le cadre des consultations prévues par la convention, mais le gouvernement a refusé l’abrogation du décret, faisant ainsi étalage de son autoritarisme. Devant cette position intransigeante, les peuples indigènes concernés ont entamé une action de mobilisation et, devant le silence du gouvernement, ils ont déclaré une grève générale dans la région de Bagua-Jaen. Cinquante-cinq jours plus tard, le gouvernement, au lieu d’abroger ces décrets, a entamé une action répressive fortement armée, à l’aide d’hélicoptères d’où les populations ont été mitraillées, entraînant le massacre qui bouleverse aujourd’hui le peuple péruvien et la communauté internationale. La responsabilité est attribuable au pouvoir exécutif et au parlement qui, en démontrant une volonté politique, auraient pu régler le problème et éviter la mort de dizaines d’indigènes et de policiers. Ces meurtres ne sont pas les premiers perpétués par le gouvernement actuel puisque, lors de son premier mandat, entre 1985 et 1990, des centaines de prisonniers politiques et de paysans ont été également massacrés. A cet égard, la lecture du rapport de la Commission pour la vérité et la réconciliation a été recommandée. Il est regrettable que, lors son deuxième mandat, le gouvernement emploie les mêmes méthodes extrêmes qui vont jusqu’à criminaliser les manifestations syndicales et sociales en faisant usage d’armes à feu contre les manifestants. Depuis l’arrivée du gouvernement actuel, il y a trois ans, plus de 27 ouvriers et paysans ont perdu la vie en raison d’interventions répressives armées.

L’orateur a demandé à l’OIT d’envoyer une mission de haut niveau au Pérou pour faire cesser immédiatement la répression à l’encontre des peuples indigènes; abroger les décrets législatifs en question; entamer un dialogue avec les populations touchées dans le cadre des consultations prévues par la convention; mettre immédiatement fin à l’état d’urgence et à la suspension des garanties constitutionnelles décrétées par le gouvernement; et faire en sorte que tous les responsables de ces meurtres soient jugés et punis. Les crimes de lèse-humanité ne peuvent être ni oubliés ni pardonnés.

Suite au dépôt de deux motions d’ordre, le Président de la commission a rappelé que, dans l’intérêt des débats, il y a lieu de respecter les règles qui régissent les travaux de la présente commission depuis 1926 et a prié les intervenants de s’en tenir aux commentaires de la commission d’experts qui font l’objet de la discussion.

Le membre employeur du Pérou a déclaré que les questions soulevées par la commission d’experts dans ses observations, concernant la convention no 169 qui a été ratifiée par le biais de la résolution législative no 26.253 du 2 février 1994, ont fait l’objet de commentaires formulés par le porte-parole des membres employeurs. Cependant, étant donné qu’il a été fait mention d’événements survenus récemment auxquels ces observations ne font pas référence, il est pertinent d’indiquer ce qui suit: l’état de droit d’un pays comprend deux piliers fondamentaux. Le premier est la «suprématie de la loi». Personne ne peut être au-dessus de la loi et de la légalité. Le second est la «séparation des pouvoirs». Chacun des pouvoirs de l’Etat dispose d’habilitations, de fonctions et de compétences qui lui sont propres. Les normes de l’OIT font partie du droit péruvien, en vertu de l’article 55 de la Constitution politique de l’Etat et, en tant que telles, ces normes doivent être respectées. Le fait que, pour des raisons d’urgence, il n’a pas été possible de respecter certaines de ces normes ne saurait justifier des actes délictueux, étant donné que des moyens existent pour remédier à cette situation, lorsque cela est nécessaire.

Le décret législatif no 1090, qui unifie les procédures applicables aux communautés paysannes et indigènes des régions montagneuses et de la forêt avec celles applicables aux communautés des régions côtières, afin d’améliorer leur production et leur compétitivité agricole, a été promulgué au titre de «l’habilitation déléguée» au pouvoir exécutif par le Congrès pour la loi no 29157, en vue de légiférer sur diverses questions relatives à l’application de l’Accord de promotion commerciale entre le Pérou et les Etats-Unis. Etant donné que cette norme a été remise en question, le décret suprême no 031-2009 PCM du 20 mai 2009 a créé une Commission multisectorielle pour examiner de manière permanente la problématique des peuples amazoniens. Un accord a été conclu pour analyser point par point le contenu de ce décret législatif. Malgré cet accord, les dirigeants des communautés indigènes ont ensuite changé de position concernant la révision de cette norme pour demander son abrogation immédiate, ce qui a donné lieu à des affrontements violents en dehors des procédures légales, étant donné qu’une loi ne peut être abrogée ou modifiée que par une autre loi.

En sa qualité de représentant de la Confédération nationale des institutions et des entreprises privées (CONFIEP), ainsi que de la Société nationale des industries et de la Chambre de commerce de Lima, l’orateur a fait lecture de la déclaration des employeurs péruviens par laquelle ils condamnent énergiquement les actes de violence survenus ces derniers jours et présentent leurs condoléances aux proches des forces de police et de la population civile. Ils ont appuyé le gouvernement dans les mesures prises pour rétablir le principe d’autorité et de sécurité des citoyens, dans le strict respect des droits humains et, en particulier, de la police nationale et des forces armées qui agissent dans le plein d’exercice des pouvoirs que leur confère la Constitution.

Les citoyens sont appelés à ne pas se laisser manipuler par des groupes qui cherchent à créer des troubles, et l’orateur a lancé un appel au calme pour que cessent les actes de violence et pour que soient respectées la démocratie, les institutions et la législation. Il a appelé les autorités régionales et locales ainsi que les employeurs de toutes les régions du pays, à travailler ensemble pour trouver des mécanismes de concertation et de dialogue qui répondent de la meilleure façon aux aspirations des citoyens.

Enfin, il a réaffirmé l’engagement des employeurs en faveur du développement durable du Pérou. Les activités continueront à se développer dans le cadre d’un calendrier national qui, laissant de côté les intérêts particuliers et à court terme, permettront de bâtir un pays prospère, dans le maintien de son identité et de la paix sociale.

La membre gouvernementale du Danemark, s’exprimant également au nom de la Norvège, a rappelé que le Pérou a ratifié la convention no 169 de l’OIT et qu’il a souscrit à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des populations autochtones, qui impose le respect absolu des droits des populations indigènes, du droit aux terres, territoires et ressources qu’elles possèdent et occupent traditionnellement et du droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. S’agissant des violences survenues depuis le 5 juin à Bagua, l’oratrice a exprimé ses vives préoccupations et fait sienne la déclaration publiée le 5 juin par la présidente du Forum permanent des Nations Unies sur les questions autochtones et celle du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations indigènes du 10 juin 2009. Elle a insisté sur le fait qu’il est important que toutes les parties renoncent à la violence et a présenté ses plus sincères condoléances à toutes les victimes et à leurs familles.

D’après les informations reçues, la mobilisation des populations indigènes d’Amazonie répondait à une série de décrets législatifs facilitant l’octroi de concessions minières dans la région. Ces décrets avaient été pris sans consultation adéquate des populations indigènes et dans le mépris de leur droit à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Compte tenu de la gravité de la situation, elle a appelé le gouvernement à nouer un dialogue sans réserve, par le biais de mécanismes adéquats, avec les organisations représentant les populations indigènes, conformément aux articles 2, 6, 15, 17 et 33 de la convention no 169 et à la Déclaration des Nations Unies, et à ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur les incidents de Bagua avec la participation du médiateur et d’institutions internationales.

Une observatrice représentant l’Internationale des services publics (PSI) a déclaré que, dans le cadre du traité de libre-échange signé par l’Etat péruvien et le gouvernement des Etats-Unis, en décembre 2007, le Congrès de la République a délégué au pouvoir exécutif la faculté de légiférer sur diverses matières touchant à la mise en oeuvre de l’Accord de promotion commerciale Pérou-Etats-Unis d’Amérique, de son protocole d’amendement et des mesures tendant à l’amélioration de la compétitivité de l’économie. Le gouvernement légifère au moyen de décrets législatifs et de décrets suprêmes qui violent non seulement la Constitution politique de l’Etat péruvien, mais principalement la convention no 169 de l’OIT. En juillet 2007, le gouvernement a adopté plusieurs décrets suprêmes ayant pour effet de criminaliser les mouvements pacifiques, la libre expression, la libre association et l’exercice des droits de l’homme fondamentaux. Il a autorisé la police nationale et les forces armées à faire usage de leurs armes dans leur prétendue mission de maintien de l’ordre. Ces décrets suprêmes n’ont pas été avalisés par le Congrès de la République et pourtant, sur leur fondement, 13 dirigeants syndicaux sont actuellement traduits en justice pour terrorisme international. En juin 2008, le gouvernement a adopté 103 décrets législatifs. Deux de ces normes autoritaires modifient le régime juridique actuel de la procédure judiciaire, portant principalement atteinte aux principes fondamentaux de l’administration de la justice que sont la légalité et le droit à la défense. Le plus grave, cependant, qui a provoqué un soulèvement de la société et un massacre d’indigènes, c’est la violation de la convention no 169 de l’OIT, à travers le refus de reconnaître les peuples indigènes en tant que sujets de droit ayant la faculté de préserver leur culture dans leurs territoires respectifs, sans exclusion, discrimination ni contrainte aucune. On a refusé aux peuples indigènes le droit de vivre librement sur leurs terres et territoires en préservant la propriété collective de ses territoires pour les générations futures au moyen de sauvegardes spéciales afin de ne pas laisser se dégrader cet espace vital ni de le perdre, et de pouvoir continuer de jouir de ses ressources.

L’intervenante a souligné que le droit de consultation et de participation des peuples indigènes se trouve violé à travers la loi qui a été adoptée et à travers l’élimination de la participation indigène au sein du Conseil de direction de l’INDEPA, qui n’est plus aujourd’hui qu’un organe d’Etat et non un forum de concertation avec les peuples indigènes, comme le prévoyait la loi au moment de sa création. Le but recherché à travers ces normes autoritaires, c’est la privatisation des forêts exploitables situées sur les territoires des peuples indigènes et des communautés andines et paysannes.

L’intervenante a indiqué que le gouvernement péruvien prétend que ces nouvelles règles n’ont pour but que d’améliorer certains points de la mise en oeuvre de l’Accord de promotion commerciale avec les Etats-Unis, argumentation qui a été rejetée par la porte-parole de l’agence d’étude de l’environnement, Mme Andrea Johnson, qui a exprimé sa préoccupation devant le contenu de la nouvelle loi, tout autant que devant les procédés par lesquels elle a été approuvée, en l’absence de toute consultation des peuples indigènes et de toute transparence de la part du gouvernement péruvien, procédés inacceptables pour un pays qui se considère démocratique. En l’occurrence, c’est le gouvernement péruvien lui-même qui compromet le traité de libre-échange, et non les indigènes ou les citoyens péruviens qui exercent leur droit de protester.

L’intervenante a exposé une série de faits concernant les communautés indigènes. D’après le dernier recensement, il existe 1 786 communautés indigènes, dont 1 183 détiennent des titres de propriété sur leurs terres et 603 sont inscrites aux Registres publics; 65 ethnies, dont 45 sont établies dans la forêt équatoriale péruvienne; et au total, plus de 300 langues. Soixante pour cent du territoire est amazonien; il existe 13 langues ou dialectes et 14 peuples ou segments de peuples alliés concentrés dans la zone frontalière avec le Brésil, 66 millions d’hectares sont des forêts tropicales. Les instances internationales compétentes ont consacré le lien spécial que les peuples indigènes entretiennent avec leurs territoires, leur culture et leur mode de vie. Ces communautés indigènes occupent leurs territoires depuis une époque antérieure à la création même de l’Etat du Pérou en tant que tel. En dépit de cette réalité, la politique actuelle du gouvernement consiste à ignorer les peuples indigènes, à remettre leur existence en question de manière réitérée et publique, et à remettre aussi en question la validité du principe de propriété collective de leurs terres, en incitant à la vente de celles-ci, et en déclarant que la seule alternative de développement, c’est que ces terres soient gérées par les grands capitaux, tant et si bien que plus de 70 pour cent du territoire de l’Amazonie se trouvent aujourd’hui alloués en concessions d’exploitation d’hydrocarbures et en concessions minières, qui se concentrent dans la région andine du pays, précisément dans les régions où il existe le plus grand nombre de communautés paysannes.

L’intervenante a ensuite détaillé les actes de violence commis contre des paysans, des indigènes et des militants pour la protection de l’environnement. Elle a évoqué l’affrontement entre indigènes et militaires qui a fait deux morts en septembre 2007. Au terme d’une consultation populaire dans les districts d’Ayabaca et de Huancab, le projet minier Rio Blanco de l’entreprise chinoise Majaz, que le gouvernement avait cherché à imposer au mépris du droit de libre détermination des peuples prévu par la convention no 169, a été rejeté à 90 pour cent par les 31 000 votants. Pour parvenir à ses fins, le gouvernement a accusé de terrorisme 28 Péruviens, parmi lesquels des membres de conseils municipaux, des défenseurs de l’environnement et des membres d’ONG.

En mars 2008, lorsque 97 pour cent des votants ont rejeté également par consultation populaire dans la région de Loreto Iquitos la politique de privatisation du gouvernement, la répression qui a suivi a fait deux morts chez les indigènes, et les autorités ont arrêté 52 indigènes, encore en prison aujourd’hui. Les plus jeunes ont subi des tortures physiques et mentales, et on en a même pendu plusieurs par le cou à des arbres pour faire un exemple à l’intention des autres indigènes.

L’intervenante a cependant considéré que le plus grave est la présence du groupe paramilitaire Comando Canela, qui infiltre les mouvements pacifiques et répand la violence. Ce groupe paramilitaire compte parmi ses membres un certain nombre de policiers détachés dans les services secrets en application de la résolution directoriale no 2718-2008. Les agissements de ce groupe lors du mouvement de grève des paysans de Barranca et d’Ayacucho les 18 et 19 février 2008 ont fait trois morts chez les paysans.

En dernier lieu, l’intervenante a demandé qu’une mission de haut niveau du BIT soit envoyée au Pérou, étant donné qu’il s’agit d’un cas humanitaire, notamment parce que des indigènes blessés et sans défense sont transférés dans des périmètres militaires où ils sont traduits en justice pour terrorisme sans bénéficier d’une défense appropriée pour des motifs financiers. L’oratrice a également évoqué la vulnérabilité des indigènes et la violence extrême entretenue par le gouvernement.

La membre travailleuse du Royaume-Uni a exprimé sa vive inquiétude à propos des événements survenus la semaine précédente à Bagua. Ces événements font suite à deux mois de protestations pacifiques des peuples indigènes du Pérou et de leurs sympathisants contre une législation imposée par le gouvernement en violation de la convention no 169, qui prévoit le droit des peuples indigènes d’être dûment consultés. Cette convention prévoit la reconnaissance des droits des populations indigènes de vivre sans être l’objet d’exclusions ou de discriminations, à vivre librement sur leurs terres et territoires et à perpétuer la propriété collective pour les générations futures. Elle assure une protection spéciale pour éviter la disparition des moyens de subsistance et le bénéfice de l’utilisation des ressources. Or, l’année précédente, le Pérou a adopté des lois permettant de disposer plus facilement des terres communautaires. Ces lois constituent une violation non seulement des droits constitutionnels des communautés rurales et indigènes en matière de participation et de consultation, mais aussi des droits fondamentaux reconnus par la Constitution péruvienne.

Depuis des décennies, les ressources naturelles sont implacablement exploitées en l’absence de toute participation ou consultation des populations qui occupent ces terres. La politique minière et pétrolière du Pérou n’offre aucune garantie de participation aux peuples indigènes. Des millions d’hectares de gisements pétroliers et gaziers sont exploités, des millions d’hectares de forêt vierge sont abattus pour être replantés, tout cela sans tenir compte des populations dont la convention no 169 garantit les droits. Cela s’est également fait sans offrir de dédommagements justes pour les dégâts provoqués à ces territoires, tandis que les profits tirés de cette exploitation vont à l’Etat et aux entreprises concernées. Au lieu de promouvoir une politique agraire qui réserve un territoire suffisant aux communautés indigènes et protège le pluralisme culturel et ethnique de la nation péruvienne, comme l’exige la convention no 169, le gouvernement favorise plutôt la dissolution de leurs communautés dans l’intérêt et au profit de quelques producteurs.

Se référant au rapport de la commission d’experts, l’oratrice a fait remarquer que la Constitution péruvienne est contradictoire et vague et ne précise pas clairement quelles sont les populations qui peuvent se prévaloir des garanties offertes par la convention. Plutôt que le terme «population indigène», la Constitution péruvienne utilise les expressions «communauté native» ou «communauté rurale», qui sont des vestiges de l’époque coloniale et sèment la confusion quant à la portée des protections légales existantes.

Il n’est pas surprenant que le Pérou n’ait pas répondu à la commission d’experts et n’ait pas harmonisé sa législation avec les requêtes de cette dernière; de précédentes critiques contre ses pratiques de travail n’avaient pas non plus été suivies d’effets, et le fait de ne pas remédier aux infractions à la convention no 169 relève de la même démarche. Actuellement, la politique du gouvernement consiste à nier l’existence des populations indigènes et leurs droits. Le président Garcia a publiquement remis en cause la validité des terres communautaires et déclaré que la seule manière de garantir le développement est de le confier à des grandes entreprises et des multinationales. Il a par ailleurs rejeté les demandes d’organisations de défense des indigènes et de l’environnement en prétendant qu’elles sont uniquement motivées par une idéologie anticapitaliste ou protectionniste et sont opposées au développement du Pérou. Le Président est opposé à la reconnaissance de populations indigènes isolées, considérant que l’existence de tels groupes relève de la fiction, en dépit de leur reconnaissance par de nombreuses institutions et organisations telles que le médiateur du Pérou, le ministère de la Santé et la Commission interaméricaine des droits de l’homme.

Plus de 70 pour cent de l’Amazonie péruvienne sont maintenant grands ouverts au profit privé, et des compagnies pétrolières et gazières géantes, telles que l’anglo-française Perenco, l’américaine Conoco Phillips et Talisman Energy, ont investi des milliards de dollars dans l’extraction des ressources naturelles de cette région. Depuis des décennies, les populations indigènes voient ces industries dévaster la forêt vierge qui est leur refuge, mais aussi un trésor inestimable pour l’humanité. Il est du devoir de cette commission de réagir en affichant sa ferme détermination face à cette violation flagrante de la convention no 169 et aux souffrances qu’elle inflige à des populations qui voulaient défendre leurs droits en s’opposant à l’effroyable et terrifiante destruction de ces terres.

Le membre employeur de la Colombie a déclaré que l’OIT doit aborder uniquement les sujets qui la concernent, c’est-à-dire le monde du travail. Les questions plus générales relatives aux peuples indigènes et tribaux sont de la compétence d’autres organisations des droits de l’homme et de divers pactes internationaux, et seront traitées par les instances correspondantes, par exemple le système interaméricain des droits de l’homme. Seuls les articles 20 et 25 de la convention no 169 concernent les questions de travail. L’examen du projet de loi qui vise à réglementer la question des peuples indigènes du pays et d’autres questions au sein des instances appropriées, avec l’aide des populations touchées, doit être effectué rapidement et le texte adopté. S’agissant de l’INDEPA, les peuples indigènes y participent mais il s’agit d’une procédure en évolution. Le bureau régional du BIT a offert son assistance technique. En outre, des instances de dialogue ont été créées dans la forêt amazonienne et il existe une participation et une consultation au niveau local, avec le secteur pétrolier, pour la prospection et l’exploitation des terres des peuples indigènes, et également avec les secteurs de l’énergie et de l’environnement.

Le nom des entreprises dont il est question ne doit pas figurer dans le rapport de la commission d’experts car il revient à l’Etat de répondre et non pas aux entreprises. Tout en exprimant son regret à l’égard des actes de violence qui ont eu lieu récemment, il a rappelé la volonté du gouvernement du Pérou à dialoguer. Enfin, l’orateur s’est référé à l’article 34 de la convention, qui dispose que la nature et la portée des mesures prises pour donner effet à cet instrument doivent être déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions particulières à chaque pays. Enfin, il a exprimé le souhait que des sanctions soient infligées aux responsables des récents événements.

Le membre gouvernemental de l’Uruguay, s’exprimant au nom du Groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a souligné les informations fournies par le ministre de l’Emploi et de la Promotion du travail du Pérou relatives aux progrès réalisés pour assurer la mise en oeuvre de la convention no 169, qui se sont traduits par l’établissement de mécanismes régionaux et locaux de dialogue avec les peuples indigènes, la création de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens ainsi que d’un mécanisme de dialogue contenu dans les normes qui réglementent les activités extractives. En outre, il faut souligner l’indication du ministre de l’Emploi et de la Promotion du travail du Pérou selon laquelle le gouvernement de son pays a la volonté politique inébranlable de poursuivre son dialogue avec les peuples indigènes afin de parvenir à un consensus sur les questions qui touchent leurs intérêts. Il faut se féliciter de la reconnaissance par le Pérou des défis auxquels il doit faire face pour parvenir à la pleine application de la convention. Il a demandé au Bureau de fournir l’assistance technique nécessaire comme l’a sollicité le gouvernement. Plusieurs pays de la région ont été appelés à se présenter devant cette commission, même s’ils coopèrent avec les mécanismes de contrôle de l’OIT et déploient des efforts au niveau national afin de mettre pleinement en oeuvre les droits au travail. Il est à craindre que cette situation ne se poursuive indéfiniment, au détriment de l’examen par cette commission de situations graves dans les différentes régions du monde. Finalement, l’orateur a demandé que les conclusions de la commission prennent en compte les progrès importants réalisés par le Pérou dans la mise en oeuvre de la convention.

La membre travailleuse de la République bolivarienne du Venezuela a indiqué que le gouvernement péruvien est obligé de reconnaître, respecter et protéger les peuples indigènes, en tenant compte des dispositions de sa propre Constitution et des traités internationaux, dont la convention no 169, ratifiée il y a quinze ans. Toutefois, il existe une politique établie contre les peuples indigènes, depuis le premier mandat du Président en exercice, en passant par Fujimori et Toledo. Cette politique se développe encore pendant le deuxième mandat du Président. Ceci s’exprime principalement dans les réformes législatives consécutives visant à criminaliser les protestations des indigènes, des organisations populaires, des dirigeants syndicaux et paysans. Tout cela est destiné à limiter, voire réduire à néant, la capacité de défense de ces travailleurs et à confisquer les droits des peuples indigènes que le peuple péruvien leur a toujours reconnus. L’oratrice a souligné qu’en vertu de l’article 3 de la convention no 169, le gouvernement est tenu de garantir aux peuples indigènes la jouissance de toutes les libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination. Il ne faut pas faire usage de la force ou de la contrainte en violation de leurs droits et libertés. La caractéristique du modèle de développement de l’Etat péruvien est largement basée sur l’exploitation des ressources naturelles, ce qui entraîne la destruction des conditions de vie des peuples indigènes sans que soit pris en compte l’impact négatif direct de ces politiques sur ces derniers. L’important est de définir le contexte dans lequel ces quatre décrets ont été adoptés. Lesdits décrets ont déclenché les récents événements qui ont été décrits comme étant du terrorisme d’Etat et un génocide. Le contexte est l’imposition par le gouvernement du traité de libre-échange, sans consultation démocratique du peuple péruvien, telle qu’organisée pour la Constitution de l’Union européenne. L’oratrice a souligné le rôle important de l’OIT et a soutenu la demande présentée à la commission concernant l’envoi d’une mission de haut niveau visant à mettre fin aux exécutions, à la violence et, elle a plaidé pour l’abrogation des quatre décrets qui violent les droits des indigènes péruviens.

Un membre du Forum permanent des Nations Unies sur les questions autochtones a remercié l’OIT de lui donner l’opportunité de s’adresser à la Commission de l’application des normes. Il a fait part de sa vive préoccupation concernant les violences qui ont éclaté à Bagua le 5 juin. Il s’est référé aux informations fournies par la mission permanente du Pérou auprès des Nations Unies et communiquées au forum permanent, ainsi qu’à une déclaration dans laquelle la présidente du forum permanent appelle notamment toutes les parties à mettre un terme à ces violences et a exprimé ses plus sincères condoléances à toutes les victimes et à leurs familles.

Les événements du 5 juin faisaient suite à l’état de siège décrété par le gouvernement le 8 mai 2009 en réaction à la mobilisation des populations indigènes de la région de l’Amazone contre une série de décrets législatifs facilitant l’octroi de concessions minières sans consultation adéquate et dans le mépris du droit des peuples indigènes à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Auparavant, la présidente du forum permanent avait déjà exprimé ses inquiétudes devant les conséquences de l’état de siège qui suspend les libertés individuelles et politiques des populations indigènes de la région de l’Amazone, incrimine les dirigeants indigènes et les défenseurs des droits de l’homme et militarise un peu plus les territoires indigènes.

L’orateur a rappelé que, en tant que partie à la convention no 169 de l’OIT ainsi qu’à d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, le gouvernement est tenu de respecter les droits de l’homme des peuples indigènes. De plus, le Pérou a conduit la négociation de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et a été un des plus ardents partisans de l’adoption de ce texte qui proclame le respect absolu des droits des peuples indigènes, dont le droit à la vie, à l’intégrité physique et mentale, à la liberté et la sécurité de la personne, ainsi que le droit aux terres, territoires et ressources qu’elles possèdent et occupent traditionnellement et le droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, comme le prévoient les articles 26, 29 et 32.

Compte tenu de l’extrême gravité de la situation et de l’urgente nécessité d’éviter que de tels événements se reproduisent, l’orateur a appelé le gouvernement à: collaborer avec les peuples indigènes en vue d’instaurer un dialogue authentique et empreint de respect entre le gouvernement et les organisations représentant ces peuples; ouvrir d’urgence une enquête indépendante et impartiale sur les incidents de Bagua, avec la participation du médiateur et d’institutions internationales; fournir d’urgence des soins médicaux à tous ceux qui ont été blessés et venir en aide aux familles des victimes; et se conformer à ses obligations nationales et internationales s’agissant de la protection de tous les droits de l’homme, y compris les droits des peuples indigènes et des défenseurs des droits de l’homme, et en particulier leur droit à la vie et à la sécurité.

Enfin, l’orateur a indiqué que le forum permanent est prêt à aider le gouvernement ainsi que les peuples indigènes concernés à chercher les moyens de parvenir à un accord fondé sur le dialogue, la compréhension réciproque, la tolérance et le respect des droits de l’homme. Il est urgent que le gouvernement et les peuples indigènes affectés redoublent d’efforts en vue de régler les conflits dans la région d’une manière ouverte et transparente qui favorise le dialogue, évite la violence et respecte les droits de l’homme.

Le représentant gouvernemental du Pérou, ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi, après avoir remercié la commission pour l’intérêt qu’elle a manifesté, a déclaré que l’expression de cet intérêt doit s’accompagner d’actions de bonne foi afin que le gouvernement puisse dialoguer avec les communautés concernées, exprimant son désaccord par rapport à certaines interventions, dont il a estimé qu’elles étaient erronées et donnaient une fausse impression de la réalité.

En ce qui concerne les consultations auxquelles se sont référés les divers représentants des travailleurs, il a cité, à titre d’exemple, un site Internet sur lequel il a été récemment affirmé que l’OIT avait mis son pays sur le banc des accusés et a lancé un appel pour un dialogue social de bonne foi, qui a toujours été l’un des piliers de l’OIT. Le dialogue social suppose la recherche, par les interlocuteurs, d’une base d’accords susceptibles de répondre à leurs intérêts communs.

Dans le domaine législatif, le Congrès de la République vient d’approuver la loi no 29 376 en vertu de laquelle le délai de suspension des décrets législatifs est supprimé. Le 24 mars 2009, une instance permanente de dialogue où sont représentés le gouvernement et les communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne a été instaurée par décret. Cela montre la ferme volonté du gouvernement de dialoguer avec les communautés indigènes. Le 31 mars 2009, une commission de travail a été créée. Ces initiatives, qui s’ajoutent à la création de la commission multisectorielle, démontrent le renforcement des institutions indigènes, c’est-à-dire la bonne volonté du gouvernement dans le sens du dialogue social.

S’agissant des décrets législatifs, ceux-ci sont autorisés par la législation, et le pouvoir législatif peut ainsi déléguer au pouvoir exécutif son pouvoir de légiférer. Il existe des tribunaux garantissant le respect des règles constitutionnelles, qui peuvent prononcer l’inapplicabilité d’un instrument s’il excède le cadre légal. Le décret législatif no 1090 a été pris dans le but de mettre de l’ordre dans une législation dispersée. A cet égard, il est important de souligner que plus de 1 250 communautés se sont vu attribuer des terres dans le cadre d’un programme; 240 communautés n’ont pu en bénéficier, du fait que toute la documentation a été détruite dans un incendie. Il convient de souligner que l’Amazonie connaît des pratiques de déforestation illégale et de travail forcé: plus de 10 millions d’hectares de forêt ont été détruits à cause de l’absence de réglementation. A l’heure actuelle, le Congrès est saisi d’un projet de loi visant à l’adoption d’une loi-cadre. On ne saurait admettre que l’on veuille abroger toutes les règles avant de s’asseoir pour dialoguer. Enfin, l’orateur a ajouté que, lorsque le gouvernement actuel est entré en fonctions, plus de 50 pour cent de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté. Ce taux est aujourd’hui descendu à 35,8 pour cent, et l’on espère qu’il diminuera encore pour atteindre 30 pour cent à la fin de l’année 2010.

Les membres employeurs ont déclaré qu’il s’agit là d’un cas grave qui cumule la non-soumission de rapports et un défaut d’application de la convention. Etant donné que les peuples indigènes et tribaux figurent souvent parmi les plus désavantagés de la société, ils ont instamment prié le ministre d’envisager l’adoption d’un plan d’action pour régler les problèmes afférents à l’application de la convention no 169. S’agissant de l’article 34 de cette convention, il convient également de souligner que «la nature et la portée des mesures à prendre pour donner effet à la présente convention doivent être déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions particulières à chaque pays». Le gouvernement doit prendre immédiatement des mesures positives afin de fournir à la commission d’experts les informations qu’elle demande pour pouvoir analyser correctement la situation. Quant à la requête du gouvernement demandant une assistance technique juridique, ce point devrait figurer dans les conclusions afin d’assurer qu’une assistance constructive soit apportée, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation de l’article 1 de la convention no 169. Une explication exhaustive des difficultés rencontrées et des préoccupations exprimées au niveau national, en coopération avec les partenaires sociaux, aiderait la commission d’experts à formuler des solutions en vue d’une application correcte de la convention no 169, en éliminant les obstacles d’ordre juridique et pratique. Les conclusions devraient évoquer l’analyse de la convention no 169 et les commentaires de la commission d’experts. Les membres employeurs ont également ajouté que le gouvernement avait été prié par la commission d’experts de répondre de manière détaillée à ses commentaires en 2009.

Les membres travailleurs ont souligné que les déclarations des différents orateurs ont démontré l’existence d’une situation d’extrême urgence. Les assassinats qui ont été dénoncés sont liés au thème couvert par la convention no 169. Il convient de respecter tout autant la liberté d’expression que le langage parlementaire. En ce qui concerne le décret législatif no 1090, qui est suspendu pendant 90 jours, le temps est compté car il faut faire comprendre au gouvernement que le texte doit en être modifié afin de le mettre en conformité avec les exigences de la convention relatives notamment à la consultation des peuples indigènes. L’article 7 de la convention établit le droit à la participation des peuples indigènes à l’élaboration des plans de développement des régions dans lesquelles ils habitent. Il prévoit par ailleurs que les projets particuliers de ces régions doivent promouvoir l’amélioration de leurs conditions de vie. La convention no 169 ne se limite pas au droit du travail, comme cela a été affirmé à tort. Elle forme un tout, et l’ensemble de ses articles relèvent de la compétence de cette commission. Les membres travailleurs ont demandé l’envoi d’une mission de haut niveau dans les plus brefs délais, comme l’ont suggéré de nombreux gouvernements ainsi que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et les libertés fondamentales des populations autochtones, afin de mettre en place les conditions politiques et juridiques qui permettront de garantir les droits des peuples indigènes au Pérou de la manière prévue par la convention. Le rapport de cette mission devrait être soumis à la commission d’experts lors de sa session de 2009, afin qu’elle puisse déterminer les étapes qui ont été franchies et celles qui doivent encore l’être.

Les membres travailleurs ont déploré que, malgré la gravité du cas examiné, la demande de mission de haut niveau n’ait pas été acceptée, et ce, alors que le gouvernement a invité le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones à se rendre dans le pays.

Conclusions

La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a noté que la commission d’experts formule des commentaires depuis un certain nombre d’années et qu’elle se dit préoccupée par les problèmes persistants rencontrés dans l’application de la convention dans plusieurs domaines, en particulier en ce qui concerne la nécessité d’établir des critères harmonisés pour identifier les peuples indigènes (article 1), la nécessité de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité (articles 2 et 33), et la nécessité d’établir des mécanismes appropriés de consultation et de participation, disposant des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions, y compris en ce qui concerne l’adoption de mesures législatives et l’exploitation des ressources naturelles (articles 2, 6, 7, 15, 17, paragraphe 2, et 33). La commission se dit préoccupée par le fait que le gouvernement, comme cela a été le cas à maintes reprises, n’a pas répondu aux demandes d’informations formulées spécifiquement par la commission d’experts.

La commission a noté les informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles un projet de loi-cadre sur les peuples indigènes a été élaboré. Ce projet, entre autres, définit les «peuples indigènes et aborigènes» au sens de l’article 1 de la convention. En ce qui concerne les articles 2 et 33, le gouvernement a fait référence à l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) qui a été créé en 2005. En ce qui concerne les articles 6 et 17, le gouvernement a déclaré que les décrets législatifs nos 1015 et 1073 sur les conditions d’aliénation d’un territoire communal ont été abrogés par la loi no 2926 de 2008. En ce qui concerne la consultation et la participation, le gouvernement a mis en place en mars 2009 une table ronde pour le dialogue permanent entre l’Etat du Pérou et les peuples indigènes de l’Amazonie péruvienne et, en avril 2009, il a institué une commission multisectorielle qui constitue un autre espace de dialogue pour répondre aux préoccupations des peuples indigènes de l’Amazonie.

La commission a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle plusieurs décrets législatifs sur l’exploitation des ressources naturelles ont été publiés en 2008, dont les décrets législatifs nos 1064 et 1090, et les mécanismes de dialogue en place risquent de ne pas permettre de résoudre les divergences de vues entre le gouvernement et les peuples indigènes sur ces décrets. Le gouvernement a aussi informé la commission au sujet de la mobilisation des peuples indigènes qui est intervenue par la suite et des incidents qui ont eu lieu à Bagua le 5 juin 2009 et se sont soldés par des morts et des blessés, tant parmi les peuples indigènes que la police.

La commission s’est déclarée gravement préoccupée par ces actes de violence qui ont fait des morts et des blessés et a demandé instamment à toutes les parties de ne pas recourir à la violence. La commission a demandé au gouvernement de déployer davantage d’efforts pour garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales des peuples indigènes, sans discrimination, conformément à ses obligations au titre de la convention (article 3). La commission a noté que la situation actuelle dans le pays a été provoquée par l’adoption de décrets législatifs relatifs à l’exploitation des ressources naturelles sur des terres traditionnellement occupées par des peuples indigènes. La commission a noté que, depuis un certain nombre d’années, la commission d’experts formule des commentaires sur l’adoption, sans consultation des peuples indigènes intéressés, d’une législation réglementant ces questions, ce qui est contraire à la convention.

La commission s’est félicitée que le gouvernement ait déclaré qu’il s’engageait à rétablir le dialogue et à mettre en place un cadre législatif cohérent tenant compte des droits et des préoccupations des peuples indigènes. La commission a souligné qu’un dialogue véritable doit se fonder sur le respect des droits et de l’intégrité des peuples indigènes. La commission s’est félicitée de la suspension récente par le Congrès des décrets législatifs nos 1064 et 1090, et de l’établissement, le 10 juin 2009, d’un Groupe national de coordination pour le développement des peuples indigènes de l’Amazonie, afin de faciliter la recherche de solutions aux revendications de ces peuples. La commission a demandé au gouvernement de s’efforcer davantage de veiller à ce qu’aucune législation sur l’exploration ou l’exploitation des ressources naturelles ne soit appliquée ou adoptée sans consultation préalable des peuples indigènes qui sont concernés par ces mesures, afin de satisfaire pleinement aux exigences de la convention.

La commission a insisté sur l’obligation qu’a le gouvernement de mettre en place des mécanismes appropriés et efficaces pour la consultation et la participation des peuples indigènes, mécanismes qui sont la pierre angulaire de la convention. Les peuples indigènes ont le droit de décider de leurs propres priorités et de participer à l’élaboration, à la mise en oeuvre et à l’évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement, comme le prévoit l’article 7, paragraphe 1, de la convention. Cette question restera un sujet de préoccupation tant que les organes et mécanismes de consultation et de participation des peuples indigènes ne disposeront pas de véritables moyens humains et financiers, qu’ils ne seront pas indépendants et qu’ils n’exerceront pas d’influence dans les processus de décision pertinents. A cet égard, la commission a prié instamment le gouvernement d’entamer immédiatement un dialogue avec les institutions représentatives des peuples indigènes, dans un climat de confiance et de respect mutuels. Elle a appelé le gouvernement à mettre en place les mécanismes de dialogue requis par la convention afin de garantir une consultation et une participation systématiques et efficaces des peuples indigènes. De plus, la commission a appelé le gouvernement à lever les ambiguïtés de la législation en ce qui concerne l’identification des peuples auxquels elle s’applique en vertu de l’article 1; ce point est également essentiel pour progresser durablement dans l’application de la convention.

La commission a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre, sans plus tarder, la loi et la pratique nationales en conformité avec la convention. La commission a demandé au gouvernement d’élaborer un plan d’action à cette fin, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes. La commission s’est félicitée de la demande d’assistance technique formulée par le gouvernement et a estimé que l’OIT peut apporter une précieuse contribution en la matière, notamment par le biais du programme pour la promotion de la convention no 169 de l’OIT (PRO169). La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations complètes dans le rapport qu’il soumettra en 2009 au titre de l’article 22 de la Constitution de l’OIT, afin de répondre à toutes les questions soulevées, d’une part, dans l’observation de la commission d’experts et, d’autre part, dans les communications reçues par la commission d’experts et émanant de différentes organisations de travailleurs, communications qui ont été préparées en collaboration avec des organisations de peuples indigènes.

En conclusion, la commission a noté avec intérêt les informations fournies par le gouvernement selon lesquelles le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a été invité à se rendre dans le pays.

Les membres travailleurs ont déploré que, malgré la gravité du cas examiné, la demande de mission de haut niveau n’ait pas été acceptée, et ce, alors que le gouvernement a invité le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones à se rendre dans le pays.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, grâce aux travaux de terrain menés par des entités chargées de promouvoir les processus de consultation préalable et le ministère de la Culture, et/ou sur la base d’informations sociodémographiques de la base de données officielle des peuples indigènes ou originaires (BDPI), environ 4 993 communautés ont été identifiées en tant que peuples indigènes ou originaires. En 2022, 1 251 communautés paysannes ne disposaient pas d’informations suffisantes, fiables et actualisées pour pouvoir être identifiées en tant que peuples indigènes ou originaires. Le gouvernement indique qu’il est nécessaire de poursuivre les travaux de la BDPI et, en ce sens, la priorité est accordée au travail de terrain en vue de l’identification des peuples indigènes. De la même façon, le ministère de la Culture a demandé aux différentes entités chargées de promouvoir les processus de consultation de fournir des informations sur les communautés indigènes identifiées au cours de ces processus afin de les inclure dans la BDPI. La commission prend note que la Direction générale des peuples indigènes du ministère de la Culture poursuit une stratégie d’identification des peuples indigènes dont l’objectif est de recueillir et d’analyser des informations relatives aux communautés paysannes qui n’ont pas encore pu être intégrées à la BDPI en tenant compte des critères de la convention. La commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur les progrès accomplis dans l’identification et l’enregistrement des peuples indigènes. Elle prie également le gouvernement de transmettre, dans la mesure du possible, des données statistiques actualisées sur les conditions socio-économiques de ces peuples.
Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique. La commission note que le gouvernement indique que dans le cadre de la commission permanente multisectorielle, créée en 2021 et chargée de proposer, suivre et contrôler la mise en œuvre des mesures et actions stratégiques pour le développement intégral des peuples indigènes et originaires, 122 actions stratégiques ont été adoptées; celles-ci répondent aux demandes des organisations indigènes en matière d’accès à la santé, de développement et d’économie, d’accès à l’éducation, de droits des femmes indigènes et de sécurité juridique de la terre et du territoire. La commission salue le fait que la Direction générale des peuples indigènes dirige l’élaboration de la première politique nationale multisectorielle sur les peuples indigènes et originaires, en collaboration avec les peuples indigènes. Le gouvernement indique que le projet de politique sera soumis dans son intégralité à un processus de consultation préalable au niveau national avec les organisations indigènes représentatives. Une première version de la politique a été présentée à l’examen des organisations indigènes en 2022, qui, avec l’appui technique de la Direction générale des peuples indigènes, ont formulé des commentaires sur la proposition. Le projet de politique se trouve actuellement dans une phase de consolidation pour y intégrer les différentes demandes et recommandations des peuples indigènes. En outre, le ministère de la Culture, en tant que principal responsable pour les questions indigènes, a réactivé l’espace de travail multisectoriel qui inclut 16 branches du pouvoir exécutif pour assurer la mise en œuvre efficace de la politique une fois qu’elle aura été approuvée.
La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour progresser dans l’élaboration d’une politique nationale sur les peuples indigènes et originaires et espère qu’elle sera rapidement adoptée. Elle le prie de fournir des informations sur la manière dont les peuples indigènes participeront au processus de mise en œuvre et d’évaluation de la politique une fois adoptée. Enfin, la commission prie le gouvernement de fournir des exemples d’actions stratégiques adoptées dans le cadre de la commission permanente multisectorielle chargée de proposer, suivre et contrôler la mise en œuvre des mesures et actions stratégiques pour le développement intégral des peuples indigènes et originaires.
Articles 3 et 12. Droits de l’homme. Procédures légales. Femmes indigènes. La commission prend note de l’absence d’informations à ce sujet dans le rapport du gouvernement. La commission prie à nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées pour garantir que les femmes indigènes ont accès à des informations sur leurs droits ainsi qu’à des procédures légales efficaces pour garantir le respect de leurs droits et obtenir réparation lorsque ces droits ont été bafoués.
Article 15. Consultation et participation aux avantages. Exploitation d’hydrocarbures dans le Lot 192. La commission prend note des informations transmises par le gouvernement sur la tenue de consultations et la conclusion d’accords avec les communautés à propos de l’exploitation dans le Lot 192.
Article 18. Protection des peuples indigènes en situation d’isolement. La commission prend dument note que, dans le cadre de la loi no 28736 sur la protection des peuples indigènes ou originaires en situation d’isolement et de contact initial, le ministère de la Culture a mis en place 16 postes de contrôle et de surveillance dans des zones stratégiques pour accéder à des zones de réserves pour les peuples indigènes en situation d’isolement et de contact initial (PIACI) dans les départements d’Ucayali, de Cusco, de Madre de Dios et de Loreto. Cette surveillance est assurée par des patrouilles fluviales, terrestres et aériennes. Des plans de protection des réserves pour les PIACI ont également été approuvés (par exemple, pour les réserves indigènes Yavari Tapiche et Kakataibo Nord et Sud) et sont mis en œuvre par un comité de gestion composé d’acteurs publics locaux, de communautés indigènes et de membres du ministère de la Culture.
Article 20, paragraphe 3 c). Protection contre toutes les formes de servitude pour dettes.En ce qui concerne la pratique d’«habilitación», la commission renvoie à son observation. Elle prend également note des informations fournies par le gouvernement sur le Plan national de lutte contre le travail forcé, lesquelles seront examinées au titre de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930.
Article 24. Santé. La commission prend note des informations détaillées transmises par le gouvernement sur les différentes mesures adoptées pour éviter le COVID19 dans les communautés indigènes.
Articles 26 et 27. Éducation. La commission note que, selon les informations fournies par le ministère de l’Éducation, le bilan de l’application du Plan national d’éducation interculturelle bilingue révèle que l’intégration du modèle d’éducation interculturelle a progressé de 46,5 pour cent au niveau de l’éducation préscolaire et de 50,5 pour cent au niveau de l’enseignement primaire. En outre, 1 503 établissements secondaires ont adopté une approche pédagogique interculturelle. L’évaluation a également mis en évidence la nécessité de décentraliser l’enseignement et le manque de spécialistes bilingues. La commission note que dans son rapport du 28 septembre 2022 (annexe du rapport en vue du quatrième cycle de l’Examen périodique universel), le Défenseur du peuple signale qu’une réduction budgétaire progressive a été observée pour les actions visant à renforcer l’éducation bilingue interculturelle. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour continuer à promouvoir et mettre en œuvre des services d’éducation pour les peuples indigènes qui répondent à leurs besoins particuliers et prennent en considération leurs aspirations sociales, économiques et culturelles. Elle le prie de fournir des informations sur les mesures prises à cette fin.

Observation (CEACR) - adoptée 2023, publiée 112ème session CIT (2024)

La commission prend note de la réponse du gouvernement aux observations de la Confédération nationale des institutions des entreprises privées (CONFIEP), reçues en 2021. Elle prend également note des nouvelles observations de la CONFIEP, reçues le 31 août 2023, ainsi que des observations de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), reçues le 15 septembre 2023. La commission prie le gouvernement de transmettre ses réponses à leur sujet.
Article 3 de la convention. Droits de l’homme et droits fondamentaux. 1. Procédure judiciaire concernant l’assassinat de dirigeants indigènes de l’Alto Tamaya-Saweto. Depuis plusieurs années, la commission demande au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que des enquêtes soient menées et des sanctions imposées à l’encontre des responsables des violents assassinats de quatre dirigeants de la communauté indigène ashaninka du village de Saweto (département d’Ucayali), survenus en septembre 2014, après qu’ils eurent dénoncé la coupe illégale de bois dans leur communauté. La commission prend note que le gouvernement indique dans son rapport que le 23 février 2023, le tribunal pénal collégial d’Ucayali a rendu une décision et condamné cinq auteurs des assassinats à 28 ans de prison pour homicide qualifié avec préméditation.
La commission note que dans ses observations, la CATP indique que: 1) le 29 août 2023, le collège de la première chambre d’appel pénale de la Cour Supérieure de Justice d’Ucayali, statuant sur un appel interjeté par les défendeurs, a décidé d’annuler le jugement du tribunal pénal condamnant les auteurs présumés du crime et d’ordonner la tenue d’une nouvelle procédure orale; 2) dans son arrêt, la Cour supérieure a établi que le jugement du tribunal de première instance n’avait pas respecté les conditions de l’appréciation des preuves indiciaires et contenait une motivation apparente qui devait être confirmée dans le cadre d’une procédure orale; 3) la Cour supérieure a en outre souligné que la procédure avait pâti de la faiblesse de l’enquête du ministère public qui n’avait pas fourni de preuves suffisantes pour établir un lien entre les accusés et les faits visés par l’enquête; 4) des retards excessifs ont été enregistrés dans l’enquête sur les crimes qu’a menée le ministère public et les mesures nécessaires n’ont pas été prises pour localiser tous les auteurs des homicides malgré les informations fournies par des témoins; et 5) le ministère public a divulgué des informations relatives aux poursuites sans qu’une procédure administrative n’ait été engagée contre les procureurs en charge de l’affaire.
Enfin, la CATP réaffirme que le mobile de l’affaire était le trafic illicite de bois, favorisé par la pratique de l’«habilitación» en vigueur dans la région, qui consiste à soumettre des membres des communautés indigènes à du travail forcé et à les obliger ainsi à fournir du bois à la personne bénéficiaire de cette pratique dans le cadre d’un système générant une dette continue en échange de la fourniture de denrées alimentaires. Elle affirme également que: les auteurs des crimes n’ont pas été appréhendés, mais se trouvent toujours dans des zones proches de la communauté et continuent à se livrer des activités illicites sur le territoire de la communauté de Saweto, ce qui crée une situation d’insécurité constante pour la famille des victimes et la communauté tout entière; et certains proches des victimes qui ont déménagé en ville continuent d’être menacés et le principal porte-parole des familles des dirigeants assassinés a été victime de reglaje (représailles) dans la ville de Pucallpa.
La commission déplore profondément que dix ans après les assassinats des dirigeants indigènes de l’Alto Tamaya-Saweto, les procédures pénales pour sanctionner tous les auteurs matériels et/ou intellectuels de ces meurtres soient toujours en cours. Elle rappelle combien il est important que les procédures judiciaires soient menées à bien rapidement car la lenteur de la justice risque de constituer un déni de justice. De plus, la commission prend note avec préoccupation des nouvelles allégations relatives aux menaces et aux atteintes à l’intégrité physique visant des personnes proches des victimes. La commission rappelle qu’un climat de violence et d’impunité constitue un sérieux obstacle à l’exercice des droits des peuples indigènes inscrits dans la convention, et prie à nouveau instamment et fermement le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires et urgentes pour: i) protéger la vie et l’intégrité physique et psychologique des proches des dirigeants indigènes assassinés; et ii) mettre à disposition tous les moyens nécessaires pour que tous les auteurs matériels et/ou intellectuels de ces assassinats soient poursuivis et effectivement sanctionnés.
De même, la commission note avec regret que le gouvernement n’a pas fourni les informations demandées sur les progrès réalisés dans les enquêtes concernant les plaintes relatives à l’abattage illégal de bois et aux cas de travail forcé dans le cadre de la pratique de l’«habilitación» dans le département d’Ulcayali. La commission prie instamment le gouvernement de fournir des informations détaillées à cet égard.
2. Protection des défenseurs des peuples indigènes. En réponse aux commentaires de la commission sur la nécessité de protéger l’intégrité des peuples indigènes et de leurs dirigeants lorsqu’ils défendent leurs droits, la commission note que le gouvernement fait part de l’adoption en 2022 du Protocole de procédure du ministère public pour la prévention et l’instruction des délits aggravés contre des défenseurs des droits de l’homme, qui vise à: i) mettre en place des procédures pour prévenir tout acte délictueux lié à une atteinte aux droits légaux des défenseurs des droits de l’homme; ii) formuler des directives pour enquêter sur des délits visant ces derniers; et iii) établir des procédures pour soutenir et protéger les défenseurs, y compris leurs proches et les témoins. Selon le protocole, les peuples indigènes sont considérés comme des défenseurs des droits de l’homme.
Le gouvernement indique également que, dans le cadre du mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, un registre des situations de risque pour les défenseurs des droits de l’homme a été créé. Il permet de recueillir, d’examiner et de gérer les informations sur les zones où il est plus dangereux de mener des activités pour les défenseurs des droits de l’homme, ainsi que sur les types d’attaques les plus fréquentes et ce, dans le but d’appliquer des mesures de prévention et de protection. Le mécanisme intersectoriel peut être activé par une procédure d’alerte préalable qui permet l’adoption de mesures urgentes pour éliminer ou atténuer les risques encourus par les défenseurs des droits de l’homme. Par ailleurs, la commission note que le ministère de la Justice et des Droits de l’homme a encouragé la création de tables régionales pour la protection des défenseurs des droits de l’homme afin de tenir compte des risques que ces derniers courent lorsqu’ils dénoncent des activités illégales, comme le trafic de drogue, l’abattage illégal de bois et le trafic de terres, et d’assurer le suivi de ces situations de risque. En 2023, trois tables régionales ont vu le jour dans les régions de Madre de Dios, d’Ucayali et de San Martín. Le ministère de la Justice et des Droits de l’homme a aussi mené des visites de haut niveau dans des zones considérées comme à haut risque, notamment Ucayali, Huánuco, Piura et Madre de Dios. Dans ce contexte, des membres du ministère ont rencontré des représentants indigènes de la jungle péruvienne pour échanger sur les progrès réalisés en ce qui concerne la protection des défenseurs des droits de l’homme.
La commission note que, dans ses observations, la CONFIEP se déclare fortement préoccupée par l’augmentation des activités illégales et informelles, comme l’abattage illégal de bois et l’exploitation minière illégale sur des territoires de peuples indigènes du pays, notamment parce que les peuples indigènes sont menacés lorsque, dans ce contexte, ils défendent leur territoire et l’environnement. La CONFIEP ajoute que le gouvernement ne prévoit que des mesures réactives à l’égard des défenseurs des droits de l’homme, se contentant de lancer des alertes ou de soutenir les victimes une fois que les faits sont survenus.
De plus, la commission prend note des informations du Défenseur du peuple relatives à l’assassinat du dirigeant indigène Santiago Contoricón, en avril 2023, alors qu’il venait de dénoncer des activités illégales sur le territoire asháninca dans la province de Satipo. Elle note également que, dans un communiqué conjoint publié le 30 novembre 2023, quatre ministères ont fait part de l’assassinat du dirigeant indigène Quinto Inuma Alvarado, apu de la communauté indigène de Santa Rosillo de Yanayacu (région de San Martin) alors qu’il rentrait dans sa communauté. Quinto Inuma Alvarado était un défenseur indigène de l’environnement qui, selon le journal officiel El Peruano, militait contre l’abattage illégal de bois. Selon le communiqué, la police mène une enquête approfondie sur ce crime.
Par ailleurs, la commission note que selon les observations sur la situation des droits de l’homme dans le contexte des manifestations au Pérou, publiées par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme le 19 octobre 2023, il existe plusieurs témoignages soulignant que, lors des manifestations nationales qui ont eu lieu entre décembre 2022 et septembre 2023: i) la police a fait un usage excessif de la force envers des peuples indigènes dans des régions autres que la capitale; et ii) des propos stigmatisants ont été diffusés et des actes de harcèlement raciste ont eu lieu, visant des manifestants appartenant à des communautés indigènes, surtout des femmes indigènes, et incitant à la violence. Elle note également que, d’après le rapport que la Commission interaméricaine des droits de l’homme a publié en 2023 sur la situation des droits de l’homme au Pérou dans le contexte des mouvements de protestation sociale, les participants aux manifestations qui ont débuté en décembre 2022 étaient majoritairement issus de peuples indigènes des régions d’Apurímac, d’Ayacucho, de Puno et d’Arequipa, où le plus grand nombre de victimes de violences a été enregistré.
La commission prend note avec une profonde préoccupation de ces informations qui révèlent la persistance d’actes de violence et d’atteintes à la vie des membres des peuples indigènes dans le cadre de la défense de leurs droits.
Tout en reconnaissant les différentes mesures prises par le gouvernement pour prévenir les actes de violence et mener des enquêtes à leur sujet, ainsi que pour protéger l’intégrité des défenseurs indigènes, y compris dans des zones reculées, la commission prend note avec une profonde préoccupation que ce type d’actes continue et prie par conséquent instamment le gouvernement de renforcer ses efforts pour garantir à tous les peuples indigènes et à leurs défenseurs un climat exempt de toute forme de violence. À cet égard, elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour prévenir, enquêter sur et sanctionner l’usage excessif de la force publique contre des membres de peuples indigènes dans le contexte de manifestations organisées pour défendre leurs droits ainsi que la diffusion de propos racistes incitant à la violence. De même, la commission prie le gouvernement de renforcer le mécanisme intersectoriel pour la protection des défenseurs des droits de l’homme, en particulier pour protéger les défenseurs indigènes qui dénoncent des activités illicites, comme l’abattage illégal de bois et l’exploitation minière illégale dans la région de l’Amazonie.
Article 6. Consultation. En réponse aux observations de la CONFIEP sur la nécessité de donner suite aux accords conclus à la suite de consultations, le gouvernement indique que la commission permanente multisectorielle pour la mise en œuvre du droit à la consultation, qui est rattachée au ministère de la Culture et à laquelle participent des organisations nationales de peuples indigènes, assure le suivi de tels accords. Le ministère de la Culture fournit également une assistance aux entités chargées de promouvoir la consultation sur les points essentiels d’un accord (bénéficiaires, activités à réaliser et calendrier de mise en œuvre, source de vérification, etc.). Jusqu’à septembre 2023, le secrétariat technique de la commission multisectorielle a comptabilisé un total de 1 155 accords, correspondant à 45 processus de consultation. Le gouvernement indique également qu’entre juillet 2021 et avril 2023, la Direction de la consultation préalable a formé 4 570 fonctionnaires et membres de peuples indigènes.
La commission note que le Défenseur du peuple du Pérou, dans l’annexe à son rapport qu’il a communiqué pour le quatrième cycle de l’Examen périodique universel (publiée le 28 septembre 2023), fait référence à l’absence de règlement pour mettre en œuvre la consultation des peuples indigènes en ce qui concerne des mesures législatives.
La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts pour la réalisation effective des processus de consultation des peuples indigènes et le prie de fournir des informations sur les activités de la commission permanente multisectorielle pour la mise en œuvre du droit à la consultation, en expliquant de quelle façon elle assure le suivi des accords et en précisant les mesures prises en cas de non-respect des accords conclus dans le cadre des processus de consultation. Elle prie par ailleurs le gouvernement de communiquer des informations sur la procédure suivie pour consulter les peuples indigènes en ce qui concerne les mesures législatives qui pourraient les toucher directement.
Articles 7 et 15. Consultation et évaluation de l’incidence. Projets miniers. La commission note que selon les informations du gouvernement, depuis l’adoption de la décision ministérielle no 254-2021-MINEM/DM, l’entité chargée de mettre en œuvre la consultation dans le secteur minier est la Direction générale de gestion sociale (OGGS) du ministère de l’Énergie et des Mines. En 2023, la Direction générale de gestion sociale avait mené 34 processus de consultation, dont 27 liés à des projets d’exploration minière et 7 à des projets d’exploitation. La commission note que, conformément à l’article 3 de la décision, le processus de consultation peut commencer une fois que le ministère de l’Environnement a émis la certification environnementale correspondante et se prolonger jusqu’à l’autorisation de la concession minière. La Direction générale de gestion sociale ne procédera à l’identification des peuples indigènes dont les droits pourraient être affectés qu’une fois que l’instrument de gestion environnementale approuvé aura été soumis; cet instrument doit inclure des informations de la part du titulaire du droit minier sur les possibles atteintes aux droits collectifs. En outre, la commission note que le rapport que le Défenseur du peuple a publié le 28 septembre 2022 à l’occasion du quatrième cycle de l’Examen périodique universel indique que le gouvernement n’a pas garanti la consultation des peuples indigènes au cours de la phase d’évaluation de l’incidence sur l’environnement des mesures qui affectent directement les peuples indigènes.
La commission rappelle que conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la convention, les gouvernements doivent faire en sorte que, s’il y a lieu, des études soient effectuées en coopération avec les peuples intéressés, afin d’évaluer l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement que les activités de développement prévues pourraient avoir sur eux. Elle estime que pour que le processus de consultation soit complet et que les peuples indigènes disposent de toutes les informations nécessaires pour prendre une décision en connaissance de cause, il convient de veiller à la coopération des peuples concernés, tant en ce qui concerne l’évaluation de l’incidence sur l’environnement que l’évaluation de l’incidence sociale, spirituelle et culturelle du projet en question.
Par ailleurs, la commission prend note des observations détaillées de la CONFIEP sur la mise en œuvre de la consultation préalable dans le secteur minier. À cet égard, elle note que, selon la CONFIEP, la méthode d’identification des peuples indigènes à consulter et la manière dont l’affectation est évaluée manquent de clarté. Du reste, il n’existe pas non plus de cadre précis sur la façon de procéder lorsque les peuples indigènes refusent de participer aux consultations.
La commission prie le gouvernement de prendre des mesures pour identifier et surmonter les difficultés qui continuent de se poser dans la mise en œuvre de processus de consultation dans le secteur minier, et le prie de fournir des informations sur:
  • la manière dont est envisagée la coopération des peuples indigènes lors de l’évaluation de l’incidence sociale, spirituelle, culturelle et sur l’environnement de projets d’exploration ou d’exploitation minière qui pourraient affecter leurs droits;
  • les critères que le ministère de l’Énergie et des Mines utilise pour déterminer les peuples indigènes à consulter dans le cadre d’un projet;
  • les mesures prises pour sensibiliser les peuples indigènes à l’importance de la consultation et encourager leur participation à ces processus.
Article 14. Terres. La commission note avec regret que le gouvernement n’a pas fourni d’informations sur les progrès réalisés dans les processus visant à identifier et délimiter les terres que les peuples couverts par la convention occupent traditionnellement, et à octroyer les titres de propriété correspondants.
La commission prend note que le Défenseur du peuple souligne dans son rapport du 28 septembre 2022 qu’environ 1 700 communautés, indigènes ou paysannes, attendent leur titre foncier et fait référence à la nécessité de simplifier les procédures administratives en vigueur pour la régularisation des terres des communautés. Elle prend également note des observations finales du Comité des droits de l’homme des Nations Unies pour le Pérou dans lesquelles il fait part de sa préoccupation face à l’insécurité juridique quant à la délivrance de titres de propriété sur les territoires indigènes et au niveau élevé de pollution due aux hydrocarbures et à l’extraction de minerais (CCPR/C/PER/CO/6).
La commission prie une nouvelle fois le gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire progresser les processus visant à identifier et délimiter les terres que les peuples couverts par la convention occupent traditionnellement dans les différentes régions du pays, et à octroyer les titres de propriété correspondants. Elle le prie aussi de fournir des informations détaillées à cet égard.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2024 .]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

La commission prend note des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) reçues en 2018, des observations de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) reçues en 2018 et 2019, et des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues en 2019. La commission prend note de la réponse du gouvernement à ces observations. Enfin, elle prend note des observations de la Confédération nationale des institutions des entreprises privées (CONFIEP), reçues le 10 septembre 2021. Elle prie le gouvernement de transmettre ses commentaires à ce sujet.
Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. Dans ses précédents commentaires, la commission a pris note du fonctionnement de la base de données officielle des peuples indigènes ou originaires (BDPI) ainsi que du troisième recensement indigène, effectué en 2017, qui a incorporé le critère de l’auto-identification ethnique. La commission a prié le gouvernement d’en communiquer les résultats. À ce sujet, la commission note l’indication du gouvernement selon laquelle le recensement de 2017 a montré que 22,3 pour cent de la population s’identifiait comme quechua, 2,4 pour cent comme aymara, 0,9 pour cent comme natif ou indigène de l’Amazonie et 0,2 pour cent comme appartenant ou faisant partie d’un autre peuple indigène ou originaire. La commission prend note également des informations détaillées transmises en 2018 sur le fonctionnement de la BDPI et des données sur les peuples indigènes ou originaires qui figurent dans la BDPI. La commission note que le gouvernement souligne que le fait de figurer dans la BDPI n’est pas constitutif de droits et n’implique donc pas un enregistrement. Si une ou plusieurs communautés ne figurent pas dans la BDPI, mais répondent aux critères d’identification établis, leurs droits doivent être garantis. La commission souligne de nouveau l’importance de disposer de données statistiques fiables sur les peuples couverts par la convention en tant qu’outil pour définir et orienter efficacement les politiques publiques. À cet égard, la commission encourage le gouvernement à continuer de prendre des mesures pour que la BDPI continue d’actualiser et de produire des informations sociodémographiques, statistiques et géographiques sur les peuples indigènes et le prie de continuer à communiquer des informations à ce sujet.
Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique. Dans ses commentaires précédents, la commission a pris note de la création du Groupe de travail des politiques indigènes (GTPI) au sein du vice-ministère de l’Interculturalité, auquel participent sept organisations représentatives des peuples indigènes. La commission a prié le gouvernement de continuer à assurer la participation des peuples indigènes à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de la politique indigène nationale. La commission prend dûment note des informations détaillées du gouvernement sur les espaces qui ont permis de dialoguer avec des peuples indigènes. Ces espaces, coordonnés par le ministère de la Culture, ont porté sur des questions telles que la santé, l’éducation, les projets productifs, l’octroi de titres fonciers et le développement intégral. La commission note également avec intérêt que le GTPI a examiné plusieurs instruments de gestion publique et propositions normatives dans le but d’y incorporer une approche interculturelle. Le gouvernement indique que, compte tenu de la demande légitime des organisations indigènes visant à instituer et à renforcer un espace institutionnel, la commission multisectorielle permanente a été créée (décret suprême no 005 2021-MC). Cette dernière est chargée de proposer, suivre et superviser la mise en œuvre de mesures et d’actions stratégiques en vue du développement intégral des peuples indigènes ou originaires. L’objectif principal de la commission multisectorielle est de renforcer le dialogue entre le pouvoir exécutif et sept organisations indigènes au niveau national. À cette fin, elle dispose de cinq groupes techniques de travail qui traitent des demandes spécifiques émanant des peuples indigènes aux niveaux régional et local dans les domaines de la santé, du développement économique, de l’éducation, des droits des femmes et de la sécurité territoriale. Enfin, la commission note que le gouvernement indique que, en vertu du décret suprême no 10-2021-MC, il a approuvé les Principes directeurs pour la création de services culturellement pertinents en incorporant la variable ethnique dans les entités publiques, principes que doivent appliquer toutes les entités de l’administration publique. La commission salue les mesures prises par le gouvernement pour renforcer le dialogue et promouvoir la participation des peuples indigènes à l’élaboration de politiques et de plans pour la réalisation de leurs droits, et elle prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les activités du GTPI. La commission prie aussi le gouvernement de fournir des informations sur l’action de la commission multisectorielle, en particulier sur la suite donnée aux demandes spécifiques formulées par les peuples indigènes.
Articles 3 et 12. Droits de l’homme. Procédures légales. Femmes indigènes. La commission prend note des informations détaillées concernant la situation des droits des femmes indigènes au Pérou contenues dans le rapport sur la situation des droits des femmes indigènes au Pérou, publié par le Défenseur du peuple en 2019, et communiqué par le gouvernement. Selon le rapport, en 2017, en tout, 18 376 femmes indigènes ne possédaient pas de carte d’identité nationale, plus d’un demi-million de femmes indigènes (notamment du peuple indigène ashaninka) ne savaient ni lire ni écrire, et 73 pour cent des femmes indigènes en âge de travailler n’avaient pas d’emploi rémunéré. Le rapport indique aussi que 70 pour cent des femmes quechuas ont été victimes de violences domestiques. La commission prie le gouvernement de fournir des informations détaillées sur les mesures prises pour combler les lacunes auxquelles sont confrontées les femmes indigènes dans l’exercice de leurs droits, telles qu’identifiées par le Défenseur du peuple dans son rapport de 2017. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises pour que les femmes indigènes aient accès à des informations sur leurs droits ainsi qu’à des procédures légales efficaces pour garantir le respect de leurs droits et obtenir réparation lorsque ces droits ont été enfreints.
Article 15. Consultation et participation aux avantages. 1. Exploitation d’hydrocarbures dans le lot 192. La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur le processus de consultation concernant la concession pétrolière dans le lot 192, situé dans les bassins des fleuves Pastaza, Corrientes et Tigre. La commission note qu’à la suite des accords conclus dans le cadre de ce processus, le fonds social du lot 192 a été créé. Ce fonds bénéficie à 25 communautés des peuples indigènes achuar, quechua et kichwa qui se trouvent dans la zone d’influence du lot. Il est géré par ces communautés et facilite la mise en œuvre de projets de développement ainsi que le suivi environnemental. Le gouvernement indique que le fonds a permis entre autres de construire des ponts et des locaux communautaires ainsi que de mettre en œuvre des projets axés sur l’amélioration de la production. La commission observe que la CATP indique, dans ses observations de 2018, que le processus de consultation mené à propos du lot 192 n’a abouti à des accords qu’avec un des groupes des organisations consultées. En réponse, le gouvernement indique que l’entité promotrice a dialogué avec des représentants des peuples kichwa, quechua et achuar des bassins des fleuves Tigre, Pastaza et Corrientes se trouvant dans la zone du lot 192, et que les procès-verbaux de consultations ont été signés avec les peuples du bassin supérieur du Pastaza et avec le peuple kichwa du bassin du Tigre. En outre, le gouvernement souligne que les communautés qui n’ont pas signé les procès-verbaux de consultations bénéficieront elles aussi des accords. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations détaillées sur la mise en œuvre des accords conclus avec les communautés qui se trouvent dans la zone du lot 192.
2. Consultations sur les projets de centrales hydroélectriques de Pakitzapango et de Tambo dans des territoires occupés traditionnellement par des communautés ashaninka. Dans ses précédents commentaires, la commission a noté que, dans le cadre de la réclamation examinée en 2016 par le comité tripartite, ce dernier avait souligné la nécessité de faire participer, le plus tôt possible, les communautés ashaninka aux processus de décision sur les projets de centrales hydroélectriques de Pakitzapango et de Tambo (document GB.327/INS/5/3). La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations sur les mesures prises à cet égard.
Article 18. Protection des peuples indigènes en situation d’isolement. Dans ses commentaires précédents, la commission a prié le gouvernement de continuer à transmettre des informations sur les mesures prises pour protéger les peuples indigènes en situation d’isolement ou de contact initial (PIACI). La commission note que le gouvernement se réfère à l’adoption du décret législatif no 1374 de 2018 qui établit le régime de sanctions en cas d’inobservation des dispositions de la loi no 28736 pour la protection des peuples indigènes ou originaires en situation d’isolement et de contact initial. Le décret habilite le ministère de la Culture à contrôler le respect de la législation relative aux PIACI, en diligentant des enquêtes et en menant des activités de supervision, de contrôle ou d’inspection, et à imposer des sanctions administratives en cas d’inobservation. La commission prend également bonne note des activités de surveillance terrestre, fluviale et aérienne menées dans les zones de réserves habitées par les PIACI. Entre 2018 et 2021, 189 activités de surveillance ont eu lieu dans les réserves et 1821 patrouilles dans des zones d’accès aux réserves. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les activités de surveillance menées par le ministère de la Culture dans les zones habitées par les PIACI, et sur les sanctions imposées en cas d’inobservation de la loi no 28736.
Article 20, paragraphe 3 c). Protection contre toutes les formes de servitude pour dettes. La commission observe que la CATP affirme que les habitants des communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne, en particulier dans la région d’Ucayali, continuent d’être victimes de la pratique du travail forcé connue sous le nom de «habilitación». À travers cette pratique, en lien avec l’extraction illégale de bois, un acheteur de bois extérieur à la communauté fournit à un travailleur indigène les biens nécessaires à sa subsistance, lesquels constituent une dette que le travailleur doit rembourser en effectuant un travail et en fournissant du bois. La CATP indique que, malgré les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre le travail forcé, personne n’a été condamné pour avoir mis en place le système d’«habilitación», y avoir participé ou en avoir tiré profit dans la forêt d’Ucayali. La commission renvoie aux commentaires qu’elle formule au titre de la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, et prie le gouvernement de fournir des informations concrètes sur les mesures spécifiques prises pour prévenir la pratique de l’«habilitación» dont les communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne continuent d’être victimes, et pour enquêter sur cette pratique et la sanctionner.
Article 25. Santé. 1. Mesures pour faire face à la pandémie de COVID 19. La commission prend note des informations détaillées fournies par le gouvernement sur les mesures prises pour faire face à la pandémie de COVID-19 dans les communautés indigènes. Elle note en particulier: 1) l’adoption du décret suprême no 0010-2020-MC portant adoption des principes directeurs pour la mise en œuvre de la stratégie d’alerte - qui est destinée à identifier les cas suspects de COVID-19 chez les peuples indigènes ou originaires et le peuple afro-péruvien - et pour le suivi et la surveillance des cas pendant le traitement médical, dans le contexte de l’urgence sanitaire déclarée en raison de la COVID-19; 2) les principes directeurs soulignent notamment la nécessité de coordonner, avec les directions décentralisées de la culture et les organisations indigènes nationales, régionales et locales, la gestion des alertes précoces dans les cas de COVID-19; 3) une équipe de 33 responsables, hommes et femmes, des alertes sur le plan interculturel a été déployée dans les départements d’Amazonas, Apurímac, Ayacucho, Cusco, Huánuco, Junín, Lima, Pasco, Puno, Loreto, Madre de Dios, San Martín et Ucayali. Ces personnes ont notamment pour fonction de suivre la prise en charge et le traitement des cas, afin de contribuer à réduire l’impact sanitaire de la transmission communautaire; et 4) des campagnes de communication et de prévention ont été menées dans différentes langues originaires des peuples indigènes. La commission salue les mesures prises par le gouvernement et l’encourage à continuer de prendre des mesures culturellement pertinentes pour faire face à la pandémie de COVID-19 et à ses conséquences sur les populations indigènes, avec la participation des peuples concernés. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les mesures prises et leurs résultats.
2. Impact des activités pétrolières et minières sur la santé des peuples indigènes d’Amazonie. La commission note que le gouvernement se réfère au rapport, publié en 2018, par le Défenseur du peuple sur la santé des peuples indigènes amazoniens et l’exploitation pétrolière dans les lots 192 et 8. Dans ce rapport, le Défenseur du peuple conclut que la population dans la zone d’influence des lots 192 et 8, dont les activités sont situées dans les bassins des fleuves Pastaza, Tigre, Corrientes, Marañón et Chambira, risque d’être exposée à des métaux lourds, risque aggravé par les déversements constants d’hydrocarbures et le report du commencement des activités de réparation environnementale. En ce qui concerne les mesures prises en réponse au déversement en juin 2010 de déchets miniers dans les fleuves du département d’Huancavelica, le gouvernement souligne qu’en 2010 le ministère de l’Environnement avait déclaré la situation d’urgence environnementale dans la zone touchée, ce qui avait permis de prendre immédiatement des mesures pour restaurer la qualité de l’environnement et les conditions de vie dans les zones touchées. En outre, l’Organisme d’évaluation et de contrôle environnemental (OEFA) a pris des mesures pour surveiller et contrôler l’entreprise responsable des dommages pour l’environnement, laquelle a également été sanctionnée. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour prévenir l’impact sanitaire causé par les activités pétrolières sur les peuples indigènes se trouvant dans la zone d’influence de ces activités, et pour remédier à cet impact. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mesures mises en œuvre pour réparer les dommages environnementaux qu’ont subis les communautés indigènes à la suite du déversement de déchets dans des fleuves du département d’Huancavelica.
Articles 26 à 31. Éducation et moyens de communication. Dans ses précédents commentaires, la commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur la mise en œuvre du Plan national d’éducation interculturelle bilingue (PNEIB), qui vise à garantir à la population indigène l’accès à une éducation qui corresponde à ses racines culturelles. La commission note que, dans ses observations, la CGTP indique que, selon les chiffres de 2016 de l’Institut national de la statistique et de l’informatique (INEI), 31,6 pour cent des adolescentes indigènes des zones rurales, âgées de 12 à 16 ans, fréquentent le niveau secondaire mais sont en retard dans leur scolarité, et que seulement 27 pour cent des adolescentes indigènes âgées de 15 ans vivant dans des zones rurales atteignent le niveau secondaire, contre 43,8 pour cent des garçons. La CGTP souligne également que, bien que le PNEIB ait été approuvé lors d’une consultation nationale préalable, sa mise en œuvre est lente faute d’un budget suffisant. Le gouvernement n’ayant pas fourni d’informations sur la mise en œuvre du PNEIB, la commission le prie de nouveau de fournir des informations sur les mesures prises pour atteindre les objectifs énoncés dans le PNEIB, et sur les résultats obtenus. La commission le prie également de communiquer, dans la mesure du possible, des informations statistiques actualisées sur les taux de scolarisation et de rétention scolaire des enfants et des adolescents, garçons et filles, tant dans le primaire que dans le secondaire, dans des zones rurales habitées par les peuples indigènes.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]

Observation (CEACR) - adoptée 2021, publiée 110ème session CIT (2022)

La commission prend note des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), reçues en 2018, de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), reçues en 2018 et 2019, ainsi que des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), reçues en 2019. La commission prend note de la réponse du gouvernement à ces observations. Enfin, elle prend note des observations de la Confédération nationale des institutions des entreprises privées (CONFIEP), reçues le 10 septembre 2021, et prie le gouvernement de transmettre ses commentaires à ce sujet.
Article 3 de la convention. Droits de l’homme. 1. Faits survenus à Alto Tamaya-Saweto. Dans ses précédents commentaires, la commission a déploré les assassinats de quatre dirigeants indigènes (Edwin Chota Valera, Jorge Ríos Pérez, Leoncio Quinticima Meléndez et Francisco Pinedo) de la communauté indigène ashaninka d’Alto Tamaya-Saweto, lesquels avaient dénoncé l’abattage illégal de bois dans leur communauté. Ces faits ont été examinés dans le rapport de 2016 du comité tripartite chargé d’examiner la réclamation présentée en 2014 pour inexécution de la convention (document GB.327/INS/5/3). La commission a prié instamment le gouvernement de continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables de ces assassinats, et d’enquêter sur les allégations de violence et d’abattage illégal de bois dans la communauté en question.
La commission note que, dans ses observations, la CATP indique que malgré les procédures judiciaires engagées contre les auteurs présumés des assassinats, les principaux responsables des assassinats restent en liberté et n’ont pas été sanctionnés. La CATP souligne que des autorités ont contribué au retard de la procédure dans les enquêtes et que d’autres personnes ayant participé aux assassinats n’ont pas encore été inculpées. La commission note également que, selon la CATP, les enquêtes ont permis d’établir que le principal motif des assassinats était le trafic illicite de bois dans le cadre du système d’«habilitación», système qui engendre des pratiques de travail forcé. La commission note que le gouvernement joint à son rapport copie des rapports du ministère public et du pouvoir judiciaire au sujet de l’état d’avancement des procédures pénales contre les responsables présumés des assassinats en 2014 des dirigeants indigènes d’Alto Tamaya-Saweto. La commission note que, d’après le rapport de 2019 de la Cour supérieure de justice d’Ucayali, une procédure pénale pour homicide qualifié, avec la circonstance aggravante de préméditation, a été engagée contre cinq auteurs présumés des assassinats. Cette procédure en est à un stade intermédiaire, et les réquisitions correspondantes sont sur le point d’être prononcées. De plus, le rapport du ministère public de la même année indique que les auteurs des assassinats n’avaient pas été tous identifiés, mais que les services du procureur (Fiscalía) poursuivaient la procédure pour établir les faits. La commission prend bonne note de la tenue en juin 2021 de l’audience au cours de laquelle le tribunal transitoire, spécialisé dans la confiscation de biens, de la Cour supérieure de justice d’Ucayali a émis un acte d’accusation contre cinq auteurs présumés des assassinats (le contenu de l’audience est disponible sur le canal officiel du pouvoir judiciaire). Lors de l’audience, la juge compétente a précisé que, à ce stade, ni la détention préventive ni aucune autre mesure provisoire n’avait été décidée à l’encontre des accusés. Rappelant la gravité des faits survenus il y a sept ans et l’importance d’éviter l’installation d’un climat d’impunité susceptible d’affecter les peuples indigènes et tribaux, la commission prie instamment et fermement le gouvernement de continuer de prendre toutes les mesures nécessaires pour que, sans délai, les autorités compétentes mènent à leur terme les enquêtes en cours afin de permettre la poursuite et la condamnation des auteurs matériels et intellectuels des assassinats des dirigeants indigènes de la communauté Alto Tamaya-Saweto survenus en 2014. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les progrès réalisés dans les enquêtes concernant les allégations d’actes de violence liés à l’abattage illégal de bois dans cette communauté.
2. Allégations de criminalisation de la protestation sociale. La commission a précédemment souligné la nécessité de garantir que les peuples indigènes puissent exercer pleinement, librement et en toute sécurité les droits consacrés par la convention, et de s’assurer qu’aucune forme de force ou de coercition n’est utilisée en violation de leurs droits et de leurs libertés fondamentales. La commission note que la CATP et la CGTP font état de la criminalisation de la protestation sociale ainsi que d’actes de violence à l’encontre des défenseurs indigènes, hommes et femmes, dont certains ont été poursuivis par les tribunaux pénaux et administratifs dans le contexte de protestations socio-environnementales. En particulier, la CATP souligne le climat de violence affectant les communautés indigènes de la région amazonienne d’Ucayali qui expriment leurs revendications territoriales. La commission note également que la CONFIEP: i) se déclare très préoccupée par les menaces dont sont l’objet les peuples indigènes qui défendent leurs territoires et l’environnement; ii) souligne la création du mécanisme intersectoriel de protection des personnes qui défendent les droits de l’homme (décret suprême no 004 - 2021 - JUS) de 2021 - mécanisme qui vise à garantir la prévention, la protection et l’accès à la justice de ces personnes dans les cas de situations de risque dues à leurs activités; et iii) espère que cette mesure contribuera à stopper les activités qui nuisent gravement à l’environnement et à la sécurité des peuples indigènes.
Tout en saluant l’adoption de ce mécanisme, la commission note que les partenaires sociaux du pays sont préoccupés par les actes de violence perpétrés à l’encontre des représentants des peuples indigènes qui exercent leur droit de manifester. La commission rappelle qu’il est important que les gouvernements prennent des mesures pour prévenir et enquêter sur les actes de violence dont sont victimes les peuples indigènes et leurs représentants dans le cadre de l’action pacifique de défense de leurs droits. Par conséquent, la commission veut croire que le mécanisme intersectoriel de protection des personnes qui défendent les droits de l’homme assurera efficacement le respect de la vie et de l’intégrité physique et psychologique des dirigeants et dirigeantes indigènes, et engendrera un climat de confiance, exempt de menaces, afin que les dirigeants et dirigeantes indigènes puissent défendre les droits de leurs peuples, y compris à travers leur droit de protester sans recourir à la violence. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur les activités du mécanisme intersectoriel, et sur toute autre mesure prise ou envisagée à cette fin.
Article 6. Consultation. La commission note qu’en réponse à sa demande d’adoption de mesures pour renforcer les capacités des fonctionnaires chargés de mettre en œuvre les processus de consultation, et pour assurer que les peuples concernés peuvent y participer pleinement, le gouvernement indique ce qui suit: 1) le nombre de processus de consultation réalisés au niveau national, ainsi que le nombre d’accords conclus dans ce cadre; 2) le vice-ministère de l’Interculturalité, par le biais de la Direction de la consultation préalable, a mené en tant qu’entité coordinatrice des activités de formation et d’accompagnement dans les processus de consultation: 3) jusqu’en 2021, en tout, 837 accords de consultation préalable avaient été recensés par le Secrétariat technique de la commission permanente multisectorielle pour la mise en œuvre du droit à la consultation, et 57 pour cent de ces accords avaient été conclus; 4) l’une des mesures ayant fait l’objet de consultations a été le projet de loi-cadre de réglementation sur le changement climatique; à la suite de cette mesure, il a été convenu de créer une plateforme climatique indigène, espace dans lequel les peuples indigènes pourront élaborer, présenter, gérer et suivre les propositions d’action face au changement climatique; et 5) entre 2019 et juin 2021, en tout, 4 009 fonctionnaires et 9 290 membres des peuples indigènes ont reçu une assistance technique de la Direction de la consultation préalable du ministère de la Culture, et 2 746 fonctionnaires et membres des peuples indigènes ont été formés au droit de consultation et aux processus de consultation préalable dans le cadre de 94 ateliers de formation, en présentiel et virtuellement.
La commission note avec intérêt les progrès continus réalisés dans la mise en œuvre de consultations avec les peuples indigènes, ainsi qu’en ce qui concerne la réalisation d’activités de formation en matière de consultation. La commission encourage le gouvernement à poursuivre ses efforts afin de créer les conditions propices pour que les peuples indigènes participent pleinement aux consultations et influent sur le résultat final de celles-ci, et pour permettre la conclusion d’accords sur les mesures proposées. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les consultations menées, les accords conclus et leur mise en œuvre.
Articles 6 et 15. Consultation. Projets miniers. Faisant suite à sa demande d’informations sur les procédures établies pour identifier correctement les peuples indigènes dont les intérêts pourraient être affectés par les concessions minières, et sur les consultations menées avec les peuples intéressés, la commission note que le gouvernement indique qu’en tout 15 processus de consultation sur des projets miniers ont été menés (13 sur des résolutions autorisant des activités d’exploration et 2 autorisant des activités d’exploitation). La commission note également la création d’espaces de dialogue avec les peuples indigènes ou originaires dans le cadre de la commission multisectorielle permanente de lutte contre les activités minières illégales et informelles. Le gouvernement mentionne également la création, en vertu de la résolution ministérielle no 326 – 2018-EF/10, du bureau exécutif du secteur minier énergétique pour le développement productif du pays. Composé de représentants de plusieurs ministères et du secteur privé, le bureau exécutif vise à identifier, promouvoir et proposer des actions pour dynamiser les secteurs des mines, des hydrocarbures et de l’énergie, en mettant l’accent sur la durabilité. Le bureau exécutif a souligné la nécessité de disposer d’informations actualisées et fiables sur l’existence de localités de peuples indigènes ou originaires, dans la zone de projets miniers importants pour le développement économique et productif du pays. Dans ce contexte, le ministère de la Culture a identifié les peuples indigènes ou originaires concernés par 23 projets miniers considérés comme prioritaires. Ainsi, six localités de peuples indigènes ou originaires qui n’avaient pas encore été inscrites dans la base de données officielle des peuples indigènes, et 90 localités qui y étaient déjà inscrites, ont été identifiées.
La commission note que, d’une manière générale, la CATP affirme que, lors des consultations avec les peuples indigènes au sujet d’activités minières, les mesures faisant l’objet des consultations ne sont pas justifiées et leur impact n’est pas déterminé. De même, les informations spécifiques sur le projet dont il est question dans ces mesures ne sont pas transmises. Ainsi, le processus aboutit à des accords à caractère assez général qui ne protègent pas les droits des peuples concernés. À ce sujet, le gouvernement indique que l’Organisme d’évaluation et de surveillance de l’environnement (OEFA) agit pour ouvrir des voies de communication avec les communautés indigènes qui vivent dans la zone d’influence d’un projet soumis à une surveillance, et pour promouvoir ainsi leur participation aux évaluations environnementales préalables et aux activités de surveillance environnementale. La commission prie le gouvernement d’indiquer toute action menée en complément des activités développées par la commission multisectorielle permanente de lutte contre l’exploitation minière illégale et informelle et par le bureau exécutif du secteur minier énergétique pour le développement productif du pays, afin de garantir que les peuples vivant dans les zones où sont prévues des activités de prospection ou d’exploitation minière sont identifiés et consultés, de manière à déterminer dans quelle mesure ces activités pourraient nuire à leurs intérêts. La commission prie également le gouvernement: i) de continuer à indiquer le nombre de consultations menées avec les représentants des peuples indigènes concernés par des projets de prospection ou d’exploitation minière, ainsi que leurs résultats; et ii) de s’assurer que les peuples indigènes consultés disposent des informations pertinentes et les comprennent pleinement afin de parvenir à un dialogue complet entre les parties.
Article 14. Terres. Politique nationale en matière de titres fonciers. La commission observe que la CATP et la CGTP font de nouveau état de l’absence de politique publique en matière de titres fonciers, de la faiblesse et du manque de coordination des institutions chargées du processus de régularisation des terres des communautés paysannes et natives, et de l’absence de protection juridique de ces communautés face à l’occupation ou la spoliation de leurs terres traditionnelles par des tiers. À ce sujet, la commission note que le gouvernement indique que les procédures de reconnaissance de terres et d’octroi de titres à des communautés incombent aux gouvernements régionaux, le ministère de l’Agriculture et de l’Irrigation étant l’entité compétente pour la régularisation et l’officialisation. Par ailleurs, le gouvernement indique que quatre réserves indigènes pour des peuples indigènes en situation d’isolement ou de contact initial (PIACI) ont été officiellement délimitées dans les régions de Cusco, Madre de Dios, Ucayali et Loreto (correspondant à 3 967 341,56 hectares). Toutefois, la commission constate de nouveau l’absence d’informations détaillées sur l’état d’avancement des demandes de titres fonciers présentées par les peuples indigènes qui ne sont pas en situation d’isolement ou de contact initial. En outre, la commission note que le rapport no 002 - 2018 - AMASPPI PPI, élaboré par les services du Défenseur public et mentionné par le gouvernement dans son rapport, indique que, en raison du manque de ressources budgétaires et d’effectifs affectés auprès des gouvernements régionaux pour mener à bien cette tâche, et à cause de différends dans des zones pas encore reconnues, il n’y a pas eu de progrès dans la régularisation communale, la reconnaissance de terres et l’octroi de titres aux communautés natives et paysannes. À ce sujet, la commission a souligné dans son observation générale de 2018 que l’occupation traditionnelle comme source du droit de propriété et de possession est la pierre angulaire sur laquelle repose le système des droits fonciers établis par la convention. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour donner suite aux processus d’identification, de délimitation et de régularisation des terres occupées traditionnellement par les peuples couverts par la convention dans les différentes régions du pays. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées et ventilées, si possible par région, sur les processus d’octroi de titres fonciers menés à bien ou en cours. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les mécanismes en place pour résoudre les différends fonciers entre des peuples indigènes et des tiers, y compris si possible des exemples de différends qui ont été résolus grâce à ces mécanismes.
Titres fonciers des communautés shawi. La commission prie de nouveau le gouvernement de fournir des informations détaillées sur la manière dont on a garanti aux communautés shawi la protection effective de leurs droits de propriété et de possession sur le domaine mentionné dans le rapport du comité tripartite de 2016.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre de manière complète aux présents commentaires en 2023.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

La commission prend note de la communication, reçue en mars 2017, par laquelle la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a transmis le rapport régional comparatif de l’Organe de coordination des organisations autochtones du bassin de l’Amazone (COICAI). La commission prend également note des observations de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), reçues en novembre 2015, et des commentaires présentés à ce sujet par le gouvernement en février 2017. La commission note en outre que, le 4 septembre 2015, la CGTP a communiqué le rapport alternatif de 2015 sur l’état d’observation de la convention, rapport préparé par sept organisations autochtones nationales, qui ont été appuyées par le Groupe de travail des peuples autochtones de l’Organe de coordination nationale des droits de l’homme.
Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. Dans ses commentaires précédents, la commission a rappelé que la conscience de sa propre identité autochtone est un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels la convention s’applique. La commission a prié le gouvernement de communiquer des informations sur le fonctionnement de la base de données des peuples autochtones ou originels (BDPI). Le gouvernement indique qu’en 2014 le ministère de la Culture a adopté une directive qui établit des principes de collecte d’informations ainsi que des critères objectifs et subjectifs pour identifier les populations indigènes, et un guide méthodologique expliquant en détail comment les autorités chargées de procéder aux consultations devraient mener à bien le processus d’identification des peuples indigènes. Le gouvernement souligne que le vice-ministère de l’Interculturalité a identifié 55 peuples autochtones ou originels. Le gouvernement souligne aussi que la BDPI contient des informations sur 2 938 communautés rurales et natives identifiées comme faisant partie de peuples indigènes. Le gouvernement précise qu’il s’agit d’une première liste de référence qui sera progressivement actualisée en incorporant les communautés qui, dans le cadre des processus de consultation préalable, auront été identifiées comme faisant partie de peuples indigènes. La BDPI est élaborée sur la base des critères objectifs mentionnés dans la convention, et sur le critère subjectif de la conscience qu’a un groupe collectif d’avoir une identité indigène ou originelle. Le gouvernement signale que la BDPI a un caractère déclaratif et qu’elle n’est pas constitutive de droits. Par conséquent, la protection des droits collectifs des peuples indigènes et originels est reconnue, que ces peuples figurent ou non dans la base de donnée. La commission observe qu’en octobre 2017 trois recensements nationaux ont été effectués, dont le IIIe recensement indigène. La commission salue le fait que, pour la première fois, une question portant sur l’auto identification ethnique à laquelle toute la population devait répondre a été incluse. Cette question visait à recueillir des informations sur l’auto-identification ethnique en prenant en compte divers éléments (ascendance, coutumes, traditions, fêtes, expressions artistiques ou autres) dans le but de visualiser et de mieux connaître la réalité culturelle de chaque peuple. La commission prie le gouvernement de communiquer les résultats du IIIe recensement indigène ainsi que des indications sur les informations recueillies au moyen de la question sur l’auto-identification ethnique. La commission prie aussi le gouvernement de fournir des informations sur l’actualisation de la BDPI et sur toute difficulté rencontrée au cours des processus de consultation quant à l’identification de peuples autochtones.
Article 3. La commission note que le rapport alternatif de 2015 contient des informations sur la situation des femmes indigènes, ainsi que des statistiques qui montrent les difficultés auxquelles elles se heurtent pour accéder à l’éducation, aux terres ou aux instances de prise de décisions. Le rapport souligne que la société patriarcale et «patrimonialiste» a pour conséquence de perpétuer une situation de discrimination et de violence dans laquelle le travail des femmes indigènes est occulté et, dans la pratique, leur sont données moins d’opportunités et/ou leur participation politique est faible. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises ou envisagées pour promouvoir l’accès des femmes indigènes à l’éducation, au marché du travail, à la propriété foncière ainsi que leur participation aux processus de consultation préalable dans des conditions d’égalité.
Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique. La commission rappelle que le vice-ministère de l’Interculturalité est chargé de concevoir, d’élaborer et de superviser des politiques publiques visant à garantir les droits des peuples indigènes. La commission prend note de la création, en novembre 2014, du Groupe de travail des politiques indigènes (GTPI). Le GTPI, formé par le vice ministère de l’Interculturalité et par sept organisations représentatives des peuples indigènes, est chargé de proposer et de suivre les politiques publiques touchant les peuples indigènes et qui, par conséquent, doivent être conçues et appliquées selon une approche interculturelle. La commission note en outre que, selon les informations disponibles sur le site Internet du vice-ministère, sont en cours de formulation les grandes lignes d’une politique interculturelle pour les peuples indigènes, dans le cadre d’un plan national de politiques interculturelles. La commission note aussi que, dans le rapport alternatif de 2015, il est considéré que le Pérou n’a pas encore établi «l’institutionnalité» et la politique nationale permettant une participation indigène constante et ayant une réelle influence sur les processus de prise de décisions. Ainsi, les peuples indigènes insistent sur la nécessité de créer un organisme spécialisé ayant pleine autonomie administrative et budgétaire, ainsi que la capacité de conduire et de coordonner les politiques et programmes en matière indigène. La commission rappelle qu’une action coordonnée et systématique, avec la participation des peuples indigènes, est fondamentale pour la bonne application de la convention. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les mesures prises par la direction des politiques indigènes du vice-ministère de la Culture pour élaborer, mettre en œuvre et coordonner une politique indigène garantissant les droits collectifs des peuples indigènes prévus dans la convention. Prière également d’indiquer les mesures prises pour assurer la participation des peuples intéressés à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation de cette politique. Prière enfin de transmettre des informations sur la nécessité de renforcer l’institutionnalité indigène à laquelle se réfère le rapport alternatif de 2015.
Article 14. Terres. La commission a noté que 16 pour cent des 6 069 communautés paysannes et des 1 469 communautés natives reconnues ne disposaient pas encore de titres de propriété. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur les processus d’octroi de titres et d’enregistrement de terres effectués par les gouvernements régionaux, et sur les terres pour lesquelles des titres de propriété avaient été octroyés. La commission note que le gouvernement décrit en détail le cadre normatif relatif à la reconnaissance et à l’octroi de titres pour des terres des communautés indigènes, ainsi que les attributions des gouvernements régionaux et du ministère de l’Agriculture et de l’Irrigation (MINAGRI) dans ce domaine, mais qu’il ne communique pas d’informations spécifiques sur les processus d’octroi de titres. A ce sujet, le rapport alternatif de 2015 indique que le statut juridique des territoires autochtones ne s’est pas amélioré, et souligne que les gouvernements régionaux n’ont pas lancé les processus de réorganisation et de formalisation de territoires, au motif du manque de ressources et de capacités. Le rapport indique aussi que le Défenseur du peuple a attiré l’attention sur le manque de ressources budgétaires pour mettre en œuvre le processus d’octroi de titres et sur l’absence de lignes directrices pour régler les conflits découlant de la superposition de droits. La commission demande à nouveau au gouvernement de communiquer des informations concrètes et actualisées sur les progrès accomplis dans les processus d’octroi de titres et d’enregistrement de terres, menés par les autorités compétentes nationales et régionales, sur la superficie des terres pour lesquelles des titres de propriété ont été octroyés ainsi que sur les conflits découlant de ces processus.
Article 15. Réglementation de l’exploitation des ressources forestières. Dans ses commentaires précédents, la commission a prié le gouvernement de donner des informations sur les résultats de la révision de la politique nationale forestière et des consultations préalables au sujet des articles pertinents du règlement d’application de la loi forestière. La commission prend dûment note des informations détaillées sur les différentes étapes de la consultation préalable au sujet du règlement d’application de la loi forestière et de la faune sylvestre réalisée par le service national forestier et de la faune sylvestre (identification de peuples, participation, plan de consultation, information, évaluation, dialogue). Les accords conclus sont étroitement liés au droit des peuples autochtones de participer à l’utilisation, à l’administration et à la conservation de ces ressources. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’application pratique des dispositions de la loi forestière et de la faune sylvestre et de son règlement relatives à la consultation et la participation des peuples indigènes en ce qui concerne l’exploitation des ressources forestières.
Article 18. Protection des peuples en situation d’isolement. La commission a pris note du cadre légal de la protection des peuples en situation d’isolement ainsi que de la création du Registre des peuples indigènes en situation d’isolement et de contact initial (PIACI), et du Registre des réserves indigènes. La commission a prié le gouvernement de communiquer des informations sur l’impact qu’on eues les mesures prises pour protéger et préserver les conditions de vie des PIACI. Le gouvernement reconnaît que les PIACI se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité. Il communique des informations sur les divers mécanismes créés pour mettre en œuvre les mesures de protection prévues dans la loi, et sur le processus et les critères établis pour la catégorisation de réserves territoriales en réserves indigènes, ces dernières ayant pour objectif de protéger et d’assurer l’existence et l’intégrité des PIACI. La commission note que, dans ses observations, la CGTP indique qu’en juillet 2016 les trois premières réserves indigènes ont été reconnues dans le département de Ucayali au bénéfice des peuples en situation d’isolement et/ou de contact initial (leur superficie totale est de 1,5 million d’hectare). Le rapport alternatif de 2015 indique que, malgré les progrès que constituent les mesures visant à établir des procédures de reconnaissance et d’enregistrement des PIACI, et l’existence d’un cadre légal de protection, le principal problème reste la mise en œuvre de ce cadre et l’absence d’une stratégie nationale claire, ainsi que de mesures de protection. La commission prie le gouvernement d’indiquer si sont en instance d’autres processus de catégorisation de réserves territoriales en réserves indigènes, et de fournir des informations sur les éventuelles difficultés rencontrées par les autorités pour protéger et assurer l’intégrité des PIACI, et sur les mesures prises pour les surmonter.
Article 25. Santé. La commission salue le fait que le processus de consultation sur la politique sectorielle de santé interculturelle a abouti à l’approbation en avril 2016 de cette politique par le Conseil des ministres. Est également prévue la création de la commission multisectorielle permanente qui sera chargée d’élaborer le Plan sectoriel de santé interculturel 2016-2021, de suivre la mise en œuvre de la PSSI et d’élaborer les mécanismes nécessaires pour son application effective. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur l’adoption du Plan sectoriel de santé interculturel et sur les mesures prises pour mettre en œuvre la PSSI, et sur les résultats obtenus dans l’accès à des services de santé et dans la reconnaissance de la médecine traditionnelle. Prière également de fournir des informations sur le processus participatif qui a été mené à cette fin.
Article 26. Education. Dans ses commentaires précédents, la commission a prié le gouvernement de communiquer des informations statistiques montrant comment les activités menées en matière d’éducation interculturelle et bilingue répondent aux besoins particuliers des peuples indigènes. La commission note que le gouvernement reconnaît que les opportunités insuffisantes d’accès à l’éducation des communautés indigènes constituent un problème structurel sur le long terme, et que le ministère de l’Education s’efforce d’accroître l’offre d’éducation supérieure en accordant des bourses. La commission salue le fait que, à la suite d’une consultation engagée préalablement par le ministère de l’Education, le Plan national d’éducation interculturel bilingue (PNEIB) à l’horizon 2021 a été adopté. Il a pour objectif général d’améliorer l’ensemble des étapes, niveaux et modalités du système éducatif national et de garantir l’accès des enfants, garçons et filles, adolescents et adolescentes, jeunes et adultes membres des peuples originels à des établissements d’enseignement qui correspondent à leurs racines. Le plan est organisé en fonction de quatre objectifs: i) améliorer l’accès à l’éducation et assurer la scolarisation jusqu’à son terme des membres des peuples indigènes; ii) garantir l’élaboration de processus d’apprentissage et d’enseignement; iii) assurer la mise en œuvre de programmes de formation initiale et continue d’enseignants EIB; et iv) promouvoir une gestion décentralisée et participative qui contribue à la mise en œuvre de la politique nationale. La commission note, à la lecture des informations contenues dans l’enquête nationale auprès des ménages de l’Institut national de statistique et d’informatique, que le taux d’achèvement de l’enseignement primaire pour les enfants âgés de 12 à 14 ans est de 74,3 pour cent pour les enfants de langue maternelle indigène, contre 88,1 pour cent pour ceux de langue maternelle espagnole. En ce qui concerne l’achèvement de l’enseignement secondaire, le taux est de 48,7 pour cent pour les enfants de langue maternelle indigène contre 71,8 pour cent pour ceux de langue maternelle espagnole. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour atteindre les quatre objectifs fixés dans le Plan national d’éducation interculturelle bilingue, ainsi que sur tout rapport ou évaluation ayant analysé l’impact des mesures prises dans ce domaine. Prière aussi de communiquer des informations, ventilées par sexe, sur les résultats obtenus dans la lutte contre l’analphabétisme et l’abandon scolaire, et sur les programmes de bourses destinés à favoriser l’accès des peuples autochtones à l’enseignement universitaire.
Se référant à son observation, la commission prie le gouvernement de transmettre des informations complémentaires sur les points suivants, qui ont été analysés par le comité tripartite dans son rapport adopté en 2016.
1. Consultations sur les projets de centrale hydroélectrique de Pakitzapango et Tambo sur les territoires occupés traditionnellement par des communautés ashaninkas. La commission note que le gouvernement a indiqué, dans le cadre de la réclamation examinée par le comité tripartite, qu’il n’y a pas de procédure administrative en vue de l’octroi de la concession définitive de génération, transmission et distribution de ces projets énergétiques. Par conséquent, le processus de consultation préalable au sujet des projets des centrales hydroélectriques de Pakitzapango et Tambo n’a pas été mis en œuvre. La commission note que le comité a souligné la nécessité de faire participer, dans les meilleurs délais, les communautés ashaninkas au processus de prise de décisions concernant les projets des centrales hydroélectriques de Pakitzapango et Tambo. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour s’assurer que les obligations prévues aux articles 6, 7, 15 et, le cas échant, 16 de la convention ont été respectées.
2. Pollution environnementale par le déversement de résidus miniers dans le département de Huancavelica. Se référant aux conclusions du comité tripartite, la commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour assurer le respect de la convention dans la situation qui a été créée par le déversement de résidus miniers dans les fleuves du département de Huancavelica, qui s’est produit en juin 2010. De plus, la commission prie le gouvernement d’indiquer si l’existence d’une pollution environnementale a été constatée et, le cas échéant, de préciser les mesures prises pour protéger la vie et la santé des membres des communautés indigènes affectées.
3. Coupe illégale de bois sur les terres occupées par la communauté Alto Tamaya – Saweto. La commission note que plus de dix années se sont écoulées avant que ne soit reconnu le droit de propriété de la communauté autochtone Alto Tamaya – Saweto sur les terres qu’elle occupe traditionnellement. La commission prie le gouvernement d’indiquer les mesures prises pour que de réels progrès soient constatés dans les enquêtes qui ont été ouvertes à la suite des dénonciations de coupe illégale de bois formulées par la communauté Alto Tamaya – Saweto et dans l’examen des plaintes éventuellement déposées à ce sujet (article 15, paragraphe 2, de la convention).
4. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations spécifiques et actualisées sur la manière dont a été garantie aux communautés shawi la protection effective de leur droit de propriété et de possession sur le domaine mentionné dans la réclamation.

Observation (CEACR) - adoptée 2017, publiée 107ème session CIT (2018)

La commission prend note de la communication, reçue en mars 2017, par laquelle la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a transmis le rapport régional comparatif de l’Organe de coordination des organisations indigènes du bassin de l’Amazone (COICAI). La commission prend note aussi des observations de la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP), reçues en novembre 2015, et des commentaires présentés à ce sujet par le gouvernement en février 2017. La commission note également que, le 4 septembre 2015, la CGTP a adressé le rapport alternatif 2015 sur l’état d’observation de la convention, rapport préparé par sept organisations indigènes nationales, qui ont été appuyées par le Groupe de travail des peuples indigènes de l’Organe de coordination nationale des droits de l’homme.

Suivi des recommandations du comité tripartite (réclamation présentée en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT)

La commission prend note du rapport du comité tripartite chargé d’examiner la réclamation présentée par la Confédération syndicale internationale (CSI), la Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques (CSA) et la Centrale autonome des travailleurs du Pérou (CATP) en vertu de l’article 24 de la Constitution de l’OIT. Ce rapport a été approuvé par le Conseil d’administration en juin 2016.
Article 3 de la convention. Droits de l’homme et libertés fondamentales. Dans ses commentaires précédents, se référant aux faits survenus en 2009 dans la ville de Bagua, la commission a souligné la nécessité de prendre des mesures pour éviter le recours à la force ou à la coercition en violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples indigènes. La commission note que, dans la réclamation examinée en juin 2016, le comité tripartite a examiné les informations des organisations plaignantes sur le niveau élevé de conflictualité et la criminalisation de la protestation sociale, ainsi que les informations fournies par le gouvernement au sujet de différents événements. Le comité a déploré les décès et les actes de violence mentionnés dans la réclamation et, tout en notant que des enquêtes avaient été diligentées, il a prié le gouvernement de présenter à la commission des informations détaillées sur les avancées concrètes réalisées dans chacune des enquêtes portant sur les décès et les faits évoqués par les organisations plaignantes concernant les protestations sociales indigènes entre 2011 et 2014. Le comité a également déploré profondément les assassinats de quatre dirigeants de la communauté native Alto Tamaya – Saweto, qui ont eu lieu le 1er septembre 2014, et souligné que ces actes exigeaient que les autorités prennent des mesures sévères. La commission note aussi que le rapport alternatif 2015 dénonce les campagnes qui visent à relier les revendications et les protestations à des mouvements subversifs, et souligne que des préoccupations ont été exprimées en raison du recours abusif à la force.
A l’instar du comité tripartite, la commission déplore les décès et les actes de violence mentionnés dans la réclamation. La commission rappelle que le respect des droits collectifs des peuples indigènes reconnus dans les différentes parties de la convention constitue un élément essentiel pour créer un climat de confiance entre les autorités et les peuples indigènes et garantir la cohésion et la paix sociales par l’inclusion et le dialogue. La commission prie instamment le gouvernement de continuer à prendre les mesures nécessaires pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables d’assassinat des quatre dirigeants de la communauté native Alto Tamaya – Saweto. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations détaillées sur les avancées concrètes des enquêtes relatives aux décès et aux autres cas de violence mentionnés dans la réclamation qui sont menées pour déterminer les responsabilités et sanctionner les coupables. De plus, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour garantir que les peuples indigènes pourront exercer pleinement, en liberté et en sécurité, les droits consacrés par la convention, et pour s’assurer qu’aucune forme de force ou de coercition n’est utilisée en violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples indigènes.
Article 6. Processus de consultation. Dans ses commentaires précédents, la commission a considéré que l’adoption de la loi no 29785 sur le droit à la consultation préalable des peuples indigènes ou originels constituait un progrès dans la mise en place de mécanismes efficaces de consultation prenant en compte la conception des gouvernements et des peuples indigènes et tribaux quant aux procédures à suivre pour donner effet à la convention. Conformément à la loi, le vice-ministère de l’interculturalité a entre autres fonctions celle de définir, articuler et coordonner la politique publique de mise en œuvre du droit de consultation préalable. En vertu de l’article 9, les entités de l’Etat doivent identifier les propositions de mesures législatives ou administratives touchant directement les droits collectifs des peuples indigènes ou originels afin que, dans le cas où leurs droits collectifs seraient affectés directement, la consultation soit effectuée. L’article 3 du règlement de la loi dispose que l’entité publique responsable de prendre des mesures législatives ou administratives qui doivent faire l’objet de consultations sera l’entité promotrice. La commission a prié le gouvernement de fournir des informations sur les consultations effectuées par les entités promotrices, en particulier sur consultation quant aux propositions de mesures législatives et administratives susceptibles d’affecter les droits collectifs des peuples indigènes.
La commission prend dûment note des informations fournies par le gouvernement sur les ateliers de formation à l’exercice du droit à la consultation et sur les outils juridiques permettant d’en exiger la mise en œuvre, qui ont été élaborés et réalisés avec les représentants d’organisations indigènes. Ainsi, en 2014, 61 ateliers de formation se sont tenus. Y ont participé quelque 3 634 personnes (67 pour cent étaient des dirigeants, hommes ou femmes, indigènes) dans les départements de Loreto, Ucayali et Junín. Le gouvernement indique aussi que le vice-ministère de l’interculturalité a apporté une assistance technique dans ce domaine à des entités publiques au sujet du bien-fondé de la consultation préalable. En ce qui concerne les processus de consultation réalisés, le gouvernement communique des informations détaillées sur les 22 processus qui ont été menés depuis l’entrée en vigueur de la loi no 29785 et qui portaient, entre autres, sur des contrats de prospection et d’exploitation (par exemple le renouvellement de la concession pétrolière dans le lot 192), le règlement de la loi forestière et de la faune sylvestre, la politique sectorielle de la santé interculturelle ou le plan national d’éducation interculturelle bilingue. Ont participé à ces processus des représentants des sept organisations à l’échelle nationale et, dans 20 de ces processus, des accords ont été conclus entre l’Etat et les peuples indigènes concernés.
La commission prend note des difficultés évoquées dans le rapport alternatif 2015 pour faire respecter effectivement le droit à la consultation, difficultés liées à la méconnaissance des questions indigènes de la part des fonctionnaires chargés du processus, ainsi qu’aux limites des organisations indigènes elles mêmes (manque de ressources financières et logistiques, manque de connaissances techniques dans les différents sujets). Il est signalé, dans le rapport alternatif, que le déséquilibre dans la relation Etat-peuples indigènes transforme les processus de consultation en de simples formalités administratives.
La commission encourage le gouvernement à continuer de mettre tout en œuvre pour effectuer des consultations sérieuses et approfondies avec les peuples indigènes chaque fois que sont prévues des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. Elle prie le gouvernement de continuer à communiquer des informations actualisées à ce sujet. Prière également de continuer à prendre des mesures pour renforcer la formation des peuples indigènes ainsi que des fonctionnaires responsables et des autres acteurs en ce qui concerne les objectifs, les étapes et l’importance des processus de consultation, et d’indiquer toute mesure destinée à créer les moyens appropriés par lesquels les peuples peuvent participer pleinement aux processus de consultation.
Articles 6, 7 et 15. 1. Consultation avant d’entreprendre ou d’autoriser les concessions minières. La commission a prié le gouvernement de communiquer des exemples de projets soumis au ministère de l’Energie et des Mines qui ont requis la consultation préalable et la participation des peuples intéressés aux avantages que comportent ces activités. La commission note que, dans le cadre de la réclamation examinée en 2016 par le comité tripartite, les organisations plaignantes ont considéré que des concessions minières sont octroyées sans consulter les peuples intéressés et sans évaluer le territoire pour lequel la concession est octroyée. A ce sujet, le gouvernement indique que la concession minière est un titre d’habilitation qui donne le droit exclusif de prospection et d’exploitation de ressources minières dans une zone déterminée, mais qui n’autorise pas à entamer l’activité de prospection ou d’exploitation. La concession minière n’affecte donc pas directement les droits collectifs des peuples indigènes et, par conséquent, n’exige pas la réalisation d’une consultation préalable avant l’octroi de la concession. Le gouvernement ajoute que les situations dans lesquelles il convient d’effectuer la consultation préalable sont l’octroi de la concession d’avantages, l’autorisation pour entamer des activités de prospection dans des concessions minières et l’autorisation pour entamer des activités d’exploitation dans des concessions minières de minéraux métalliques ou non. A ce sujet, la commission prend note des indications du gouvernement dans son rapport selon lesquelles, entre 2014 et 2015, ont été soumises à la Direction générale des mines 95 demandes d’autorisation pour entamer des activités de prospection, 7 demandes de concession d’avantages et 26 demandes d’autorisation pour entamer des activités d’exploitation. L’autorité administrative a observé que les communautés rurales présentes ne réunissaient pas les critères permettant de les identifier comme des peuples indigènes, raison pour laquelle il n’y a pas eu de consultation préalable. La commission considère qu’il est important d’identifier les communautés indigènes sur les terres desquelles les concessions minières sont demandées, et de les associer, au plus tôt, aux processus de prise de décisions concernant l’octroi de concessions minières. La commission prie le gouvernement d’indiquer comment les procédures établies permettent d’identifier correctement les peuples indigènes dont les intérêts pourraient être affectés par les concessions minières. La commission prie également le gouvernement de fournir des informations sur les consultations effectuées avec des représentants des peuples indigènes intéressés avant de commencer ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources minières, pour déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de ces peuples seraient menacés. En outre, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur le nombre de demandes faites auprès de la Direction générale des mines en vue d’obtenir l’autorisation de commencer l’exploration et/ou l’exploitation, le nombre de cas dans lesquels des consultations ont été menées avec les représentants des peuples indigènes intéressés, ainsi que des informations sur tout litige ayant découlé de ces processus.
2. Réglementation des activités minières et hydroélectriques. Dans ses commentaires précédents, la commission a noté que l’Organisme d’évaluation et de contrôle environnemental (OEFA) a pour fonction de prendre des mesures correctives et préventives pour atténuer et réduire les risques environnementaux que comportent les opérations et les installations des projets d’investissement. La commission a prié le gouvernement d’indiquer comment ce nouveau régime de contrôle environnemental a contribué à protéger et à préserver l’environnement des territoires où habitent les peuples intéressés.
Dans son rapport, le gouvernement se réfère aux mesures prises pour renforcer la participation des citoyens aux actions de contrôle environnemental de l’OEFA, ainsi que la fonction de supervision et de contrôle de cet organisme. La commission note que le gouvernement ne communique pas d’informations concrètes sur les activités menées par l’OEFA. Il n’en fournit pas non plus sur les cas de pollution environnementale et d’absence de consultations préalables au sujet d’activités de prospection et d’exploitation de ressources naturelles dans les territoires indigènes mentionnés dans le rapport alternatif 2013, activités sur lesquelles la commission avait demandé des informations. La commission note à cet égard que tant le rapport alternatif 2015 que les observations de 2017 de la CGTP font état de l’adoption des Paquetazos Ambientales, qui sont un ensemble de dispositifs normatifs pour assouplir les normes environnementales de protection des droits des peuples indigènes et de l’environnement. Il est considéré, dans ces communications, que tout un ensemble de décrets et de lois ont été adoptés pour faciliter l’accès à des terres en vue de projets d’investissements publics ou privés qui sont susceptibles d’affecter les droits des peuples indigènes. La commission prie le gouvernement de transmettre ses commentaires à ce sujet et de préciser comment la coopération des peuples intéressés à l’élaboration d’études d’impact environnemental est assurée (articles 7 et 15).
3. Législation sur la consultation, la participation et la coopération. La commission a observé précédemment que les normes fiscales ou budgétaires ne font pas l’objet de consultations (art. 5 k) du règlement de la loi sur le droit à la consultation préalable). La commission a également noté que le règlement n’oblige pas non plus à soumettre à consultation ni les décisions des pouvoirs publics, à caractère extraordinaire ou provisoire, qui visent à faire face aux situations d’urgence entraînées par des catastrophes naturelles ou technologiques (art. 5 l) du règlement), ni les mesures administratives considérées comme complémentaires (douzième disposition complémentaire, provisoire et finale du règlement). Par ailleurs, la législation en vigueur a laissé en suspens la réglementation des mécanismes de participation, notamment de la participation aux bénéfices (cinquième et dixième dispositions complémentaires, provisoires et finales du règlement) qu’exige la convention. A ce sujet, la commission note que le rapport alternatif 2015 demande l’abrogation des exceptions prévues dans le règlement.
La commission prie le gouvernement, en consultation avec les peuples indigènes et les autres parties intéressées, de prendre les mesures législatives correspondantes et de réexaminer en conséquence le cadre législatif en vigueur, étant donné qu’il n’est pas donné plein effet aux dispositions relatives à la participation et à la coopération des peuples indigènes de l’article 6, paragraphe 1 b) et c), de l’article 7 et de la Partie II (Terres) de la convention.
La commission soulève d’autres questions dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

Se référant à son observation de 2013, la commission demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des indications sur l’effet donné aux dispositions des Parties IV, V, VI et VIII de la convention. Prière aussi de donner des indications sur les points suivants.
Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. Le gouvernement indique dans le rapport reçu en septembre 2013 que le vice ministère de l’Interculturalité a dressé et publié une liste de 52 peuples indigènes, dont quatre se trouvent dans la zone andine et 48 en Amazonie, liste qui servira à actualiser la base de données officielle des peuples indigènes ou originels. Le gouvernement indique que les entités chargées de promouvoir les mesures administratives ou législatives qui doivent être l’objet de consultations sont chargées aussi d’identifier, dans chaque cas concret, les peuples indigènes, y compris les communautés natives et paysannes. La commission rappelle qu’avoir conscience de sa propre identité indigène est un critère fondamental pour déterminer les groupes auxquels la convention doit s’appliquer. La commission invite le gouvernement à donner dans son prochain rapport des indications sur le fonctionnement de la base de données officielle des peuples indigènes ou originels et sur la manière dont on s’assure que des groupes déterminés de la population nationale n’ont pas été exclus des mesures destinées à donner effet à la convention.
Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique. Le gouvernement fournit des informations sur les réunions qu’a tenues entre octobre 2012 et septembre 2013 le Groupe provisoire de travail sur les institutions publiques en matière de peuples indigènes ou originels, qui est composé de dix organisations indigènes. Ce groupe de travail a estimé que l’entité chargée des politiques publiques indigènes devrait disposer d’un budget et d’un mécanisme permanent pour assurer la participation effective des représentants des peuples indigènes. La commission prend note des programmes sociaux du ministère du Développement et de l’Inclusion sociale (MIDIS) qui ont été élaborés en tenant compte des droits collectifs des peuples indigènes. La commission demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises par les gouvernements régionaux pour appliquer la convention, et sur la mise en œuvre des plans et programmes des ministères qui ont pris en compte les questions couvertes par la convention. La commission invite à nouveau le gouvernement à indiquer comment a été assurée la participation des peuples intéressés dans l’élaboration des programmes et plans susmentionnés (article 2, paragraphe 1). La commission souligne que la planification, la coordination, l’exécution et l’évaluation doivent être menées à bien en coopération avec les peuples indigènes intéressés (article 33, paragraphe 2) et exprime l’espoir que le prochain rapport contiendra une évaluation des programmes et plans, comme prévu par la convention.
Article 14. Terres. Le gouvernement indique que le ministère de l’Agriculture, en sa qualité d’entité nationale de la Politique nationale agraire, est chargé d’élaborer le processus de réorganisation et de formalisation de la propriété agraire, et que les autorités régionales sont responsables de sa mise en œuvre. Le rapport alternatif 2013 indique que 16 pour cent des 6 069 communautés paysannes et des 1 469 communautés natives reconnues ne disposent pas encore de titres de propriété. La commission demande au gouvernement de donner dans son prochain rapport des informations précises sur les processus d’octroi de titres et d’enregistrement de terres effectués par les gouvernements régionaux, sur les terres pour lesquelles des titres de propriété ont été octroyés et sur les communautés qui en ont bénéficié dans chaque région du pays. La commission prie aussi le gouvernement de fournir dans son rapport des exemples de la manière dont ont été résolues les difficultés auxquelles les communautés indigènes se heurtent pour résoudre la question de l’octroi de titres sur des terres.
Article 15. Réglementation de l’exploitation des ressources forestières et du secteur énergétique et minier. Le gouvernement rappelle dans son rapport que se poursuit la révision de la Politique nationale forestière avec la participation des peuples indigènes de l’Amazonie péruvienne et des peuples andins. Le gouvernement donne des informations détaillées sur les divers progrès accomplis par le ministère de l’Agriculture en ce qui concerne les ressources forestières, notamment l’adoption d’un guide méthodologique sur le processus participatif et décentralisé en vue de l’adoption de la nouvelle politique nationale forestière et de la faune, et le fait que le règlement d’application de la loi forestière devrait être soumis préalablement à une consultation. Le rapport alternatif 2013 indique que, s’il est vrai que chaque entité de promotion a toute discrétion pour identifier les mesures devant être soumises à une consultation préalable, les Textes uniques de procédure administrative (TUPA) de certaines entités n’ont pas déterminé quelles mesures doivent faire l’objet de consultations, comme c’est le cas dans le secteur de l’électricité, pas plus qu’ils ne garantissent les consultations à tous les stades des projets, comme dans le secteur des hydrocarbures. Ce dernier secteur ne prévoit pas non plus de modalités particulières pour garantir la participation des peuples indigènes à la rédaction des études d’impact environnemental et social. La commission invite le gouvernement à donner dans son prochain rapport des informations sur les résultats de la révision de la Politique nationale forestière et des consultations préalables au sujet des articles pertinents du règlement d’application de la loi forestière. La commission demande au gouvernement d’indiquer les mesures prises pour s’assurer que la législation qui régit les activités minières et énergétiques envisage des consultations à tous les stades des projets ainsi que la coopération des peuples intéressés à l’élaboration d’études d’impact environnemental (articles 7 et 15).
Activités minières et hydroélectriques. La commission note que la loi no 30011 du 26 avril 2013, modifiant de la loi no 29325 sur le Système national d’évaluation et de contrôle environnemental, prévoit l’imposition de sanctions économiques aux entreprises lorsqu’est constatée la véracité d’une plainte ou que n’est pas respectée la législation environnementale, et confie à l’Organisme d’évaluation et de contrôle environnemental (OEFA) la fonction de prendre des mesures correctives et préventives pour atténuer et réduire les risques pour l’environnement des opérations et des installations des projets d’investissement. Le gouvernement donne des informations détaillées sur les interventions effectuées dans le cadre de la Commission multisectorielle en vue d’améliorer les conditions sociales et environnementales des populations des bassins du Pastaza, de Tigre, de Corrientes et de Maraňón (département de Loreto), parmi lesquelles figure le lancement du plan d’identification des dégâts liés aux hydrocarbures qui, en 2013 et 2014, prévoit d’identifier les dommages environnementaux qui sont facteurs de pollution dans la zone. Le rapport alternatif 2013 évoque de nouveaux cas: pollution environnementale et absence de consultations préalables au sujet d’activités de prospection et d’exploitation de ressources naturelles dans des territoires indigènes; prospection et exploitation d’hydrocarbures dans les territoires de la communauté native de Canaán de Cachiyacu (région de Loreto); concession à des fins de prospection et d’exploitation de gaz du lot 88 dans la réserve territoriale Nahua Kugapakori (RTKNN) dans le bas Urubamba; concessions des gisements miniers sur les terres de la communauté paysanne de San Juan de Caňaris (région Lambayeque); et concessions forestières sur les territoires des communautés natives de Santa Sofía, Santa Rosa de Quebrada Matador et San Manuel de Nashatauri (régions San Martín et Loreto). La commission demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises pour assurer le respect de la convention, et en particulier de l’article 15, dans les situations identifiées dans ses commentaires précédents et dans les cas présentés dans les rapports alternatifs 2012 et 2013. La commission prie le gouvernement de donner dans son rapport des exemples de la manière dont l’application du nouveau régime pour le contrôle environnemental a contribué à protéger et à préserver l’environnement des territoires dans lesquels habitent les peuples intéressés.
Protection des peuples en situation d’isolement. La commission note qu’en juin 2013 ont été créés le Registre des peuples indigènes en situation d’isolement et de contact initial et le Registre des réserves indigènes. Le rapport alternatif 2013 indique que, malgré l’interdiction de créer des établissements humains ou de déployer des activités économiques à l’intérieur des réserves, la Neuvième disposition complémentaire, provisoire et finale du règlement d’application de la loi sur le droit aux consultations préalables prévoit que le vice-ministère de l’Interculturalité doit donner un avis technique ayant force contraignante sur les études d’impact environnemental en vue de l’exploitation de ressources naturelles sur les territoires où vivent des peuples indigènes en situation d’isolement et de contact initial. Le rapport alternatif 2013 rappelle également que le contact de ces peuples avec le monde extérieur comporte des risques d’épidémies, de déplacements et de conflits liés à l’espace vital. De plus, l’adaptation des réserves territoriales à des réserves indigènes implique de réduire leurs superficies actuelles, comme c’est le cas avec la réserve territoriale RTKNN. La commission invite le gouvernement à communiquer dans son prochain rapport des informations sur l’impact qu’ont eu les mesures prises pour protéger et préserver les conditions de vie des peuples indigènes en situation d’isolement et de contact initial.
Education. Le gouvernement présente des informations détaillées sur les activités du Groupe technique national et de la Commission nationale de l’éducation interculturelle bilingue et rurale auxquels participent des représentants des communautés indigènes dans le but de contribuer à la planification et à la mise en œuvre des politiques d’éducation interculturelle et bilingue. La commission prend note d’un projet de règlement d’application de la loi no 29735 sur les langues, qui traite de l’exercice du droit collectif linguistique de la population indigène, et d’un plan de consultations préalables des peuples indigènes sur ce projet. Le gouvernement fournit aussi des informations sur les actions visant à développer dans des zones rurales la politique interculturelle bilingue et la politique d’éducation, notamment le projet de plan stratégique d’éducation interculturelle bilingue et le processus d’enregistrement des institutions éducatives interculturelles bilingues. Le rapport alternatif 2013 indique que, en juin 2013, les peuples indigènes amazoniens ont déclaré que l’éducation qui leur est dispensée ne respecte ni la diversité culturelle ni les niveaux garantis par la convention. La commission invite le gouvernement à inclure dans son prochain rapport des informations statistiques (nombre d’écoles, de professeurs et d’élèves) et des documents montrant comment les activités menées à bien en matière d’éducation interculturelle et bilingue répondent aux besoins particuliers des peuples indigènes, conformément à la Partie VI de la convention. La commission demande au gouvernement d’indiquer les résultats de la consultation préalable sur le projet de règlement d’application de la loi sur les langues.
Santé. Le gouvernement indique que le Centre national de santé interculturelle élabore actuellement un plan de consultations sur la politique sectorielle de santé interculturelle. Le rapport alternatif indique que, en avril 2013, un tribunal de la province de Datem del Maraňon (région de Loreto) a estimé qu’était fondé le recours en amparo intenté contre le ministère de la Santé et le gouvernement de Loreto pour violation du droit à la santé au détriment des peuples indigènes candoshi et shapras. La commission demande au gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport les mesures prises pour mettre à disposition des peuples intéressés les services de santé appropriés. La commission demande aussi au gouvernement de communiquer des informations sur les progrès accomplis dans la consultation au sujet de la politique sectorielle de santé interculturelle.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2015.]

Observation (CEACR) - adoptée 2013, publiée 103ème session CIT (2014)

La commission prend note du rapport du gouvernement reçu en septembre 2013 qui contient des informations détaillées ainsi que, à titre d’exemples, des documents complémentaires en réponse à l’observation formulée en 2012. La commission prend note de la communication reçue en juillet 2013 dans laquelle la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a inclus le rapport parallèle 2013 élaboré par sept organisations indigènes nationales et régionales et le groupe de travail des peuples indigènes du Groupe national de coordination des droits de l’homme. En octobre 2013, le gouvernement a présenté ses commentaires à ce sujet et indiqué que le rapport alternatif est l’occasion de réflexions et de délibérations sur les droits des peuples indigènes, et considéré que les institutions qui soumettent ce rapport conviennent avec le ministère de la Culture de la nécessité de perfectionner des mécanismes garantissant la protection des droits des peuples mentionnés. La commission invite le gouvernement, lorsqu’il élaborera son prochain rapport, à continuer de prendre en compte les vues exprimées par les partenaires sociaux et les organisations indigènes pour avancer dans l’application de la convention (Points VII et VIII du formulaire de rapport).
Article 3 de la convention. Droits de l’homme et libertés fondamentales. Enquête sur les événements survenus dans la province de Bagua (Amazonas). Le gouvernement indique que le cas portant sur les faits survenus dans la province de Bagua a été transmis le 5 octobre 2012 à la Chambre pénale nationale et qu’un service de défense technique et juridique est fourni par des défenseurs publics pour les questions indigènes à 29 personnes impliquées dans le cas. Le rapport parallèle 2013 fait état de cas d’actes de répression contre des indigènes et de procédures intentées contre leurs défenseurs. La commission demande au gouvernement d’indiquer les mesures prises pour éviter le recours à la force ou à la coercition en violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples indigènes et pour éviter que les actions auxquelles participent les peuples indigènes soient traitées comme délictuelles. Prière de donner des indications sur les cas dans lesquels il y a encore des inculpés pour les faits survenus à Bagua.
Article 6. Consultation. La commission prend note des ordonnances des gouvernements régionaux de l’Amazonas et de Loreto sur la mise en œuvre du droit à la consultation préalable. Le gouvernement illustre son rapport de cinq cas dans lesquels a été identifiée la nécessité de mettre en œuvre le droit à la consultation préalable. En juillet et octobre 2013, les représentants des peuples maijunas et kichwas ont accepté la proposition visant à créer la zone de conservation régionale maijuna-kichwa. PERUPETRO SA, en sa qualité d’organisme de parrainage de promotion, en est au stade de la planification de la consultation préalable de peuples indigènes pour la parcelle d’hydrocarbures 192 (ex 1-AB) (département de Loreto). De plus, le ministère de l’Education a élaboré un projet de règlement de la loi sur les langues et un plan pour mener à bien la consultation préalable. La commission invite le gouvernement à fournir dans son prochain rapport des informations sur les consultations effectuées par les entités de promotion, et en particulier la consultation sur les propositions de mesures législatives et administratives susceptibles d’affecter directement les droits collectifs des peuples indigènes.
Articles 6 et 15. Consultation. Ressources naturelles. Participation aux avantages. La commission note que, selon le ministère de l’Energie et des Mines, les situations dans lesquelles il convient d’effectuer la consultation préalable sont l’octroi de la concession d’avantages et l’autorisation pour entamer des activités de prospection et d’exploitation dans des concessions minières. La Direction générale des mines a reçu 86 demandes d’autorisation pour entamer des activités de prospection et l’existence de peuples indigènes n’a été identifiée que dans quelques demandes. Le gouvernement indique aussi que le ministère de l’Energie et des Mines n’a pas reçu de demandes d’octroi d’avantages ou d’autorisation pour entamer des activités d’exploitation dans lesquelles a été identifiée l’existence de peuples indigènes. La commission note que le rapport parallèle 2013 indique que les gouvernements régionaux et locaux dans les circonscriptions desquels sont exploitées des ressources naturelles qui donnent lieu à des redevances et à des redevances extraordinaires pétrolières devraient attribuer des ressources financières aux communautés paysannes et natives qui se trouvent dans les zones d’exploitation de ressources naturelles pétrolières. Néanmoins, des éléments tels que les critères d’identification des peuples et les faibles niveaux d’exécution du budget accordé aux gouvernements régionaux et locaux au titre de redevances et de redevances extraordinaires et de droits d’exploitation diminuent l’impact concret de ces mesures sur la vie des peuples indigènes. La commission renvoie à sa demande directe et prie le gouvernement de donner dans son prochain rapport des exemples de projets soumis au ministère de l’Energie et des Mines qui ont requis la consultation préalable et la participation des peuples intéressés aux avantages que comportent ces activités. La commission demande au gouvernement d’indiquer les mesures prises, tant au niveau national que régional, pour s’assurer que les fonds destinés aux communautés indigènes ont un impact positif sur la vie de ces peuples.
Législation sur la consultation, la participation et la coopération. La commission avait noté que les normes fiscales ou budgétaires ne font pas l’objet de consultation (art. 5, k), du règlement de la loi sur le droit à la consultation préalable). Ne sont pas soumises non plus à consultation ni les décisions des pouvoirs publics, à caractère extraordinaire ou provisoire, qui visent à faire face aux situations d’urgence entraînées par des catastrophes naturelles ou technologiques (art. 5, l), du règlement), ni les mesures administratives considérées comme complémentaires (douzième disposition complémentaire, provisoire et finale du règlement). Par ailleurs, la législation en vigueur a laissé en suspens le développement législatif des mécanismes de participation, notamment de la participation aux bénéfices (cinquième et dixième dispositions complémentaires, provisoires et finales du règlement) qu’exige la convention. Le gouvernement affirme à nouveau que, la convention ayant rang constitutionnel, les normes nationales doivent toujours être interprétées en fonction de ce qu’établit la convention. Tenant compte du fait qu’il n’est toujours pas donné pleinement effet aux dispositions relatives à la participation et à la coopération des peuples indigènes qui se trouvent à l’article 6, paragraphe 1 b) et c), à l’article 7 et à la Partie II sur les terres de la convention, la commission invite à nouveau le gouvernement à prendre, en consultation avec les peuples indigènes et les autres parties intéressées, les mesures législatives correspondantes et à réviser en conséquence les dispositions de la législation en vigueur.
Dans une demande directe, la commission prie le gouvernement de continuer de fournir des informations sur l’identification des peuples indigènes, la protection des peuples en situation d’isolement et les progrès en matière de santé et d’éducation des peuples indigènes. La commission se réfère aussi aux questions en suspens qui portent sur la consultation préalable et la participation aux activités ayant trait aux ressources naturelles et à l’octroi de titres et à l’enregistrement de terres.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2015.]

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

La commission prend note avec intérêt du rapport du gouvernement reçu en septembre 2012 qui, en réponse à l’observation formulée en 2011, contient des informations détaillées sur les progrès de la mise en œuvre de la loi sur le droit à la consultation préalable, promulguée en septembre 2011, et sur le processus d’élaboration du règlement de la loi, qui est entré en vigueur le 4 avril 2012. La commission examine aussi les informations détaillées fournies par le gouvernement dans un rapport reçu en septembre 2011.
Communication de l’Organisation internationale des employeurs (OIE). La commission note que l’OIE a soumis, en août 2012, des observations concernant l’application en droit et dans la pratique des articles 6, 7, 15 et 16 relatifs aux consultations requises par la convention. A cet égard, l’OIE soulève les questions suivantes: l’identification des institutions représentatives, la définition du territoire indigène et l’absence de consensus chez les peuples indigènes et tribaux, ainsi que l’importance que revêt le fait que la commission soit consciente des conséquences de cette question sur le plan de la sécurité juridique, du coût financier et de la certitude, pour l’investissement public comme privé. L’OIE se réfère aux difficultés, aux coûts et à l’impact négatif qui peuvent résulter du manquement, par un Etat, à son obligation de consultation lorsqu’il est question de projets menés par des entreprises publiques ou privées. L’OIE estime, entre autres choses, qu’une application et interprétation erronées de la règle de la consultation préalable peut se révéler un obstacle sur le plan légal, entraîner des difficultés dans les négociations, affecter la réputation des entreprises et engendrer des coûts pour celles-ci. L’OIE déclare que les difficultés pour satisfaire à l’obligation de consultation peuvent avoir une incidence sur les projets que les entreprises pourraient vouloir réaliser afin de susciter un contexte propice au développement économique et social, à la création d’emplois décents et productifs et au développement durable de la société dans son ensemble. La commission invite le gouvernement à inclure, dans son prochain rapport, tous commentaires qu’il jugera opportuns sur les observations de l’OIE.
Point VIII du formulaire de rapport. Communications de peuples indigènes. La commission prend note de la communication par laquelle la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a transmis le rapport alternatif 2012 qu’ont préparé cinq organisations indigènes nationales et régionales et le Groupe de travail des peuples indigènes du Groupe national de coordination des droits de l’homme. Ce rapport, qui a été diffusé sur Internet, a également été transmis par le BIT au gouvernement du Pérou en août 2012. La commission invite le gouvernement, lorsqu’il élaborera son prochain rapport, à continuer de consulter les partenaires sociaux et les organisations indigènes au sujet des mesures prises pour donner effet à la convention. La commission espère que le gouvernement présentera en 2013 un rapport qui contiendra des indications spécifiques sur les questions évoquées dans la présente observation et sur les résultats obtenus grâce aux mesures prises pour donner effet à chacune des dispositions de la convention.
Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. Dans ses commentaires précédents, la commission avait souligné la nécessité que toutes les communautés indigènes soient couvertes par la convention, quelle que soit leur dénomination. La commission prend note des critères d’identification des peuples indigènes ou originaires établis dans le règlement qui dispose que les critères prévus à l’article 7 de la loi du droit à la consultation préalable «doivent être interprétés dans le cadre de l’article 1 de la convention» (art. 3 k) du règlement). De plus, en vertu de la résolution ministérielle no 202-2012-MC du 22 mai 2012, une directive a été adoptée qui règlemente le fonctionnement de la base de données officielle des peuples indigènes ou originaires. La base de données a un caractère déclaratif et de référence, et ne constitue pas un registre constitutif de droits. La commission invite le gouvernement à indiquer dans son prochain rapport quels peuples indigènes ont été référencés, comment son contenu a été actualisé et comment son utilisation a été évaluée.
Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique. En réponse à des commentaires précédents, le gouvernement fait mention dans son rapport de septembre 2011, entre autres, de plans élaborés par le Centre national de planification stratégique (CEPLAN), du Plan 2010-2021 de développement intégral des peuples andins d’Apurímac, d’Ayacucho et de Huancavelica (DIPA), des activités (2007-2021) du gouvernement régional de Madre de Dios et de la participation de peuples indigènes aux plans de développement du gouvernement régional d’Ucayali. La stratégie nationale intitulée «CRECER» dans les districts où vivent des peuples indigènes avait l’objectif, pour 2011, de faire reculer de plusieurs points de pourcentage la dénutrition des enfants, garçons ou filles. La commission rappelle que les fonctions de l’Institut national pour le développement des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) ont été intégrées dans le ministère de la Culture. Par ailleurs, le vice-ministère de l’Interculturalité remplit les fonctions d’un organe technique spécialisé du pouvoir exécutif dans les questions indigènes (art. 19 de la loi sur le droit à la consultation préalable et art. 28 du règlement correspondant). Les rapports alternatifs transmis par la CGTP soulignent la nécessité de mettre en œuvre des réformes institutionnelles ayant une approche interculturelle. La commission invite le gouvernement à préciser quelles sont les autorités responsables à l’échelle nationale ou régionale des questions que recouvre la convention et d’indiquer les mesures prises pour veiller à ce que ces autorités nationales ou régionales disposent des moyens nécessaires pour s’acquitter dûment de leurs fonctions. La commission demande au gouvernement d’indiquer comment la participation des peuples intéressés dans l’élaboration des programmes et plans mentionnés dans ses rapports a été assurée (article 2, paragraphe 1). La commission souligne que la planification, la coordination, l’exécution et l’évaluation doivent être menées à bien en coopération avec les peuples indigènes intéressés (article 33, paragraphe 2). Elle exprime l’espoir que le rapport contiendra aussi une évaluation de ces programmes et plans, comme l’exige la convention.
Article 3. Droits de l’homme et libertés fondamentales. Enquête sur les événements de la province de Bagua (Amazonas). Dans ses commentaires précédents, à l’instar de la Commission de la Conférence en juin 2009 et 2010, la commission avait demandé au gouvernement d’indiquer l’issue des poursuites judiciaires en cours au sujet des événements survenus dans la province de Bagua le 5 juin 2009. Le gouvernement, dans son rapport reçu en septembre 2011, a résumé les diverses recommandations formulées par les organismes publics et autres entités qui ont enquêté sur ces événements, y compris les conclusions formulées par le Congrès de la République en juin 2010. Le Congrès de la République a demandé au ministère public d’identifier les individus et les autorités impliquées, et aussi de trouver les responsables politiques. Le gouvernement a ajouté dans son rapport des informations détaillées sur les différentes procédures judiciaires en cours. Les rapports alternatifs transmis par la CGTP insistent sur le fait que les événements de Bagua montrent qu’il faut un dialogue interculturel de bonne foi et qu’il faut empêcher la criminalisation des protestations sociales. La commission demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations récentes sur les procès en cours contre des personnes impliquées dans les événements de Bagua. Prière aussi d’indiquer les mesures prises pour éviter le recours à la force ou à la coercition en violation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples indigènes et pour éviter la criminalisation des actions auxquelles participent les peuples indigènes.
Article 6. Consultation. La commission se félicite à nouveau de l’adoption de la loi sur le droit à la consultation préalable et de son règlement, qui contiennent de nombreuses références aux dispositions de la convention. De même, il est fait souvent mention de la convention et de l’assistance technique et de la documentation du BIT dans le guide méthodologique que le vice-ministère de l’Interculturalité a publié pour orienter les activités du secteur public qui visent les peuples indigènes et pour gérer ces activités. La loi et son règlement établissent la procédure et les étapes de la consultation, permettent de faciliter l’identification des peuples indigènes et définissent les mesures qui doivent faire l’objet de consultations. Ces instruments insistent sur l’importance de consultations de bonne foi et sur la génération d’un véritable dialogue interculturel, et sur la nécessité de se soucier tout particulièrement de la situation des femmes, des enfants, des personnes handicapées et des personnes âgées (art. 5 a) et g) du règlement). Le droit de requête des organisations indigènes a été incorporé dans l’article 9 du règlement. Le gouvernement indique que des organisations indigènes n’ont pas participé au processus de consultation prévu dans le règlement. On trouve dans les rapports alternatifs transmis par la CGTP les critiques formulées au sujet de cette procédure ainsi que le contenu de la loi et de son règlement. La commission note que les normes fiscales ou budgétaires ne font pas l’objet de consultation (art. 5 k) du règlement). Ne sont pas soumises non plus à consultation ni les décisions des pouvoirs publics à caractère extraordinaire ou provisoire, qui visent à faire face aux situations d’urgence entraînées par des catastrophes naturelles ou technologiques (art. 5(1) du règlement), ni et les mesures administratives considérées comme complémentaires (douzième disposition complémentaire, provisoire et finale du règlement). Par ailleurs, la législation en vigueur a laissé en suspens le développement législatif des mécanismes de participation, notamment des mécanismes de participation aux bénéfices (cinquième et dixième dispositions complémentaires, provisoires et finales du règlement) qu’exige la convention. La commission croit comprendre que la loi sur le droit à la consultation préalable et son règlement, la mise en place de la base de données officielle des peuples indigènes, la diffusion d’un guide méthodologique et la procédure de sélection d’interprètes indigènes pour les former à la traduction, à l’interprétation et à la consultation préalable montrent un progrès dans «l’établissement de mécanismes de consultations efficaces permettant de prendre en compte la conception des gouvernements et des peuples indigènes et tribaux quant aux procédures à suivre» pour donner effet à la convention, comme y avaient été encouragés les gouvernements dans l’observation générale formulée en 2010. La commission espère que le prochain rapport contiendra des informations qui permettront d’examiner comment ont été mises en pratique les nouvelles mesures prévues dans le cadre de la loi sur le droit à la consultation préalable et de son règlement. Compte tenu qu’il n’a pas encore été donné pleinement effet aux dispositions relatives à la participation et à la coopération des peuples indigènes qui sont prévues à l’article 6, paragraphe 1 b) et c), à l’article 7 et à la Partie II (Terres) de la convention, la commission encourage le gouvernement à prendre, en consultation avec les peuples indigènes et les autres parties intéressées, les mesures législatives correspondantes et à réviser en conséquence les dispositions de la législation en vigueur.
Article 12. Procédures légales. En réponse à des commentaires précédents de la commission, le gouvernement indique dans le rapport reçu en septembre 2011 que l’exigibilité du droit de consultation est lié à l’entrée en vigueur, le 2 février 1995, de la convention. Le gouvernement donne aussi des informations sur les activités menées pour renforcer les capacités des fonctionnaires du pouvoir judiciaire en ce qui concerne les droits des peuples indigènes. Dans le rapport reçu en septembre 2012, le gouvernement décrit l’action menée pour renforcer la justice de paix et la justice interculturelle. La commission invite le gouvernement à fournir, dans son prochain rapport, un complément d’information sur les décisions de justice qui ont porté sur des questions de principe relatives aux droits garantis par la convention. Prière aussi de donner des exemples de décisions rendues par la justice de paix à propos de la convention (Point IV du formulaire de rapport) et des suites qui leur ont été données.
Article 14. Terres. Dans le rapport reçu en septembre 2011, le gouvernement indique que les autorités régionales sont chargées de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit de propriété des communautés indigènes et pour progresser dans la délivrance de titres de propriété. La commission note qu’ont été reconnues 6 067 communautés paysannes, dont 5 095 ont reçu des titres de propriété foncière, cette procédure étant en instance pour les 972 communautés. Sur les 1 447 communautés natives inscrites ou reconnues, en janvier 2010, 1 265 en tout avaient reçu un titre de propriété, et les 182 communautés restantes attendaient la délivrance d’un titre de propriété. Le gouvernement confirme que la première disposition complémentaire du décret suprême no 020-2008-AG établit que les terres appartenant à des communautés paysannes ou natives ne sont pas considérées comme des terres arables en friche aux effets du décret législatif no 994 de 2009 qui promeut l’investissement privé dans des projets d’irrigation afin d’accroître les surfaces agricoles. Dans des commentaires précédents, la situation de la communauté de Santo Domingo de Olmos (Lambayeque) avait été examinée, une communauté qui était parvenue à un consensus pour promouvoir l’utilisation optimale de l’eau ainsi qu’une nouvelle structure d’irrigation. La commission invite le gouvernement à continuer de fournir des informations sur les procédures de délivrance de titres de propriété et d’enregistrement de terres menées à bien par les autorités régionales, sur les surfaces pour lesquelles un titre de propriété a été délivré et sur les communautés qui ont bénéficié de ces mesures dans chaque région du pays. Prière aussi de donner dans le rapport des exemples de la manière dont ont été résolues les revendications foncières émanant des peuples indigènes.
Réglementation de l’exploitation des ressources forestières et du secteur énergétique et minier. Se référant à ses commentaires précédents, la commission note avec intérêt qu’ont été incorporés dans la loi no 29763, publiée le 22 juillet 2011, sur les forêts et la faune silvestre la reconnaissance et le respect des droits des peuples indigènes ainsi que les dispositions relatives aux forêts qui se trouvent sur les terres de communautés natives. Le gouvernement indique dans son rapport de septembre 2011 que, la législation étant éparse, un projet de loi en vue de l’adoption d’un texte unique codifié des normes qui régissent les activités du secteur électrique avait été présenté au Congrès de la République. La commission invite le gouvernement à fournir dans son prochain rapport des informations sur le recours dans la pratique aux dispositions de la législation en vigueur relatives à la consultation et à la participation des peuples indigènes en vue de l’exploitation des ressources forestières. En ce sens, la commission demande au gouvernement de préciser comment ont été consultés les peuples indigènes en ce qui concerne la législation relative aux activités du secteur de l’électricité, et d’indiquer les normes applicables aux activités énergétiques et minières qui donnent spécifiquement effet à l’article 15 de la convention.
Activités minières et hydroélectriques. La commission prend note des indications fournies par le gouvernement dans son rapport de septembre 2011 au sujet des activités menées dans la communauté paysanne San Lucas de Colán (Piura), dans la zone touchée par la centrale hydroélectrique Sallca Pucará (Cuzco), dans la communauté paysanne San Antonio de Juprog (Ancash) et sur le territoire du peuple matsés (Loreto). Selon le gouvernement, il a pu intervenir en temps utile dans certaines de ces situations pour éviter que les conflits ne s’aggravent. Dans un cas, une entreprise qui s’était engagée à embaucher et à former des jeunes et à construire des routes n’a pas tenu pleinement ses engagements, d’où des tensions entre les parties. Le Syndicat général des grossistes et détaillants du centre commercial Grau Tacna (SIGECOMGT) a exprimé à nouveau en avril 2011 sa préoccupation au sujet de la situation de certaines communautés paysannes aymará. Les observations du SIGECOMGT ont été transmises au gouvernement en août 2007, mai 2008 et août 2011. Le SIGECOMGT a transmis également les constatations du Comité des droits de l’homme relatives à la communication no 1457/2006, émises en vertu du paragraphe 4 de l’article 5 du Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté à sa 95e session (mars-avril 2009), dans lesquelles il a observé l’absence de consultation préalable au sujet de la construction de puits (paragr. 7.7 du document CCPR/C/95/D/1457/2006 du 24 avril 2009). Le SIGECOMGT fait état de nouvelles mesures administratives prises entre août 2009 et février 2011 au sujet de l’exploitation aurifère, du forage de puits et de l’exploitation de ressources hydriques. Le rapport alternatif 2012 transmis par la CGTP réunit et présente des documents sur de nouveaux cas importants: le projet minier Conga, qui a conduit en septembre 2011 à la déclaration de l’état d’urgence dans quatre provinces et à la persistance des tensions sociales en 2012. La pollution par une exploitation minière qui touche la population et le bassin du fleuve Tintaya a donné lieu à une plainte des communautés paysannes devant les autorités de la province de Espinar en novembre 2011. Dans la cordillère du Condor (Amazones), en novembre 2011, 114 droits miniers, liés à un titre de propriété délivré ou en cours de délivrance, auraient été enregistrés. Ils portent sur une superficie d’environ 99 000 hectares qui se superpose à une zone occupée par des communautés natives. La commission demande au gouvernement de fournir dans son prochain rapport des informations détaillées sur les mesures prises pour veiller au respect de la convention, et en particulier de son article 15, dans les situations évoquées dans ses commentaires précédents et dans les cas présentés par les partenaires sociaux et les organisations indigènes. La commission invite le gouvernement à fournir, dans son prochain rapport, des indications sur l’impact des mesures prises pour enquêter sur les plaintes portées devant les autorités compétentes au sujet de la pollution environnementale dans les territoires occupés par les peuples indigènes. La commission demande au gouvernement, dans le cas où une pollution environnementale aurait été confirmée, de tout mettre en œuvre pour protéger la vie et l’intégrité des membres des communautés touchées.
Participation aux avantages. Le gouvernement indique, dans le rapport reçu en septembre 2011, qu’en vertu du décret d’urgence no 079-2009 les autorités locales et régionales doivent consacrer 5 pour cent des ressources qui leur ont été attribuées, au titre de la redevance et de la redevance extraordinaire pétrolières, à l’exécution de projets d’investissement public et de dépenses sociales. Conformément au décret d’urgence no 026-2010, les obligations financières des autorités régionales ont été augmentées à 10 pour cent, et des ressources plus importantes consacrées à un domaine plus ample d’investissements dans des systèmes d’irrigation et des microentreprises, et à la construction de chemins, de ponts et de murs de contention. Le gouvernement fait aussi état de la redevance au titre de l’exploitation de gisements gazifères et des ressources disponibles du Fonds de développement socio économique du gisement gazifère de Camisea (Cuzco). Trois cent participants ont bénéficié d’un programme de stages pour les dirigeants indigènes dans le domaine de l’exploitation des hydrocarbures, et quatre étudiants de l’Amazonie ont obtenu des bourses d’études universitaires. La commission se réfère à l’article 15 qui établit les droits des peuples indigènes sur les ressources naturelles ainsi que la façon dont ils doivent participer aux avantages de la prospection ou exploitation des ressources naturelles dont sont dotées leurs terres. La commission se réfère aux autres thèmes, se rapportant à l’exploitation des ressources naturelles, évoqués dans cette observation. Elle demande au gouvernement de donner, lors de son prochain rapport, des exemples de l’impact concret que les redevances et autres mesures prises par les autorités locales ou régionales ont eu sur la vie des peuples indigènes, telles que leur participation aux avantages sur leur développement et sur les zones dans lesquelles ils habitent.
Education. Moyens de communication. Le gouvernement indique que, dans le rapport reçu en septembre 2011, plus de 20 000 enseignants d’écoles bilingues ont bénéficié d’une formation de 2006 à 2009. Jusqu’au milieu de 2011, près de 193 000 enseignants ont reçu une formation dans le cadre du Programme national de promotion des enseignants bilingues de l’Amazonie péruvienne. Selon les informations contenues dans le rapport alternatif 2012 transmis par la CGTP, en août 2012, 20 pour cent des enfants indigènes âgés de 6 à 11 ans n’ont pas accès à un centre éducatif. Ledit rapport indique qu’il manque encore beaucoup d’informations, en particulier de données précises qui rendent compte de la réalité des indigènes en âge scolaire, et sur les institutions d’enseignement interculturel et bilingue dotées d’une proposition pertinente. La commission rappelle l’importance des dispositions sur la coopération et la participation des peuples intéressés à la formulation et à l’exécution des programmes d’éducation (article 27). Elle invite le gouvernement à inclure dans son prochain rapport des informations sur l’impact qu’ont eu les mesures prises pour éliminer les préjugés à l’encontre des peuples indigènes et pour promouvoir l’éducation interculturelle et bilingue, notamment, parmi les filles et les garçons indigènes en âge de scolarité obligatoire (de 6 à 11 ans).

Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

La commission prend note des observations de la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) et du Syndicat général des grossistes et détaillants du centre commercial Grau Tacna (SIGECOMGT) du 28 avril 2011 et des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) du 25 juillet 2011. La commission prend également note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) du 19 octobre 2011. La commission prie le gouvernement de communiquer ses commentaires au sujet de ces observations.
La commission rappelle que, à sa session de 2010, la Commission de la Conférence s’était félicitée de l’adoption de la loi de consultation préalable par le Congrès de la République et s’était déclarée confiante que cette loi serait promulguée rapidement par le Président. Mais, à sa dernière session, la commission a noté que le Président n’avait pas promulgué cette loi et qu’il avait formulé une série d’observations sur celle-ci. La commission prend note avec satisfaction de l’adoption par le Congrès de la République, le 23 août 2011, de la «loi régissant le droit de consultation préalable des peuples autochtones ou des peuples premiers visé dans la convention no 169 de l’OIT», loi promulguée par le Président de la nation le 7 septembre 2011 et dont l’article 1 énonce que la nouvelle loi doit être interprétée conformément à cette convention. Observant que cette loi prévoit que son règlement d’application sera pris dans un délai de 180 jours, la commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que le règlement à adopter tienne pleinement compte des dispositions de la convention. Elle prie le gouvernement de communiquer des informations à cet égard, de même que sur toute mesure relative à l’application de la loi. Ces informations seront examinées par la commission à sa prochaine session, avec le reste des questions en suspens.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

Article 14 de la convention. Communauté de Santo Domingo de Olmos. Dans ses précédents commentaires, la commission avait mentionné le cas de la communauté de Santo Domingo de Olmos. La commission rappelle que, en vertu du décret suprême no 017-99-AG, ont été déclarés en friche 111 656 hectares sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux, et que cette superficie devait être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial Olmos d’irrigation et de production hydroélectrique. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures adéquates, après consultation de la communauté concernée, pour identifier et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui empêchent la communauté de Santo Domingo de Olmos de revendiquer effectivement des terres qui, selon elle, sont occupées traditionnellement, afin qu’elles puissent intenter le recours prévu à l’article 14, paragraphe 3, de la convention. La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles le projet d’irrigation vise à améliorer l’irrigation, à élargir le secteur agricole et à produire de l’électricité. Les terrains incorporés au domaine de l’Etat ne sont enregistrés au nom d’aucune personne physique ou morale, et le projet spécial Olmos Tinajones en dispose depuis plus de dix ans. En vertu d’une entente avec la communauté paysanne de Olmos, 5 500 hectares vont bénéficier d’infrastructures d’irrigation; l’utilisation optimale de l’eau et l’association d’agriculteurs pour réaliser des économies d’échelle vont être encouragées. Un processus de participation a été mis en œuvre en collaboration avec la communauté paysanne de Santo Domingo de Olmos concernant leur déplacement. Les questions concernant le déplacement et l’indemnisation ont été confiées à une équipe de spécialistes. Le président de la communauté paysanne de Santo Domingo de Olmos siège au conseil de direction du projet spécial Olmos Tinajones, à savoir à l’organe suprême de cette entité. Enfin, le gouvernement indique que, en octobre 2009, la communauté de Santo Domingo de Olmos et le projet ont passé un accord spécifique en vertu duquel le projet prend en charge les coûts qu’entraînent les démarches administratives liées à l’octroi de titres de propriété sur les terres de la communauté, afin que celle-ci puisse participer au développement que permet le projet d’irrigation et de production d’énergie. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les effets des accords conclus entre la communauté de Santo Domingo de Olmos et l’Etat, notamment sur le processus participatif qui concerne le déplacement et l’indemnisation, et sur le processus d’octroi de titres de propriété sur les terres.

Article 25. Santé. La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles un projet est mis en œuvre depuis 2002 pour s’intéresser à l’état de santé des populations autochtones. Dans le cadre de ce projet, des informations sont recueillies sur les principaux problèmes de santé de ces populations. Une étude de surveillance épidémiologique sur les maladies sexuellement transmissibles, le VIH/sida et l’hépatite B a été réalisée en 2008 et 2009. De plus, dans plusieurs régions, une campagne a été menée pour accorder une plus grande attention aux questions sanitaires. La commission prie le gouvernement de continuer à communiquer des informations à jour sur les mesures adoptées en application de l’article 25 de la convention.

Article 31. Mesures éducatives. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement d’adopter sans tarder des mesures d’ordre éducatif dans tous les secteurs de la communauté nationale afin d’éliminer les préjugés pouvant exister à l’égard des peuples couverts par la convention. A cet égard, la commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles: 1) la culture des peuples indigènes est prise en considération dans l’ensemble des organismes éducatifs, bilingues ou non; 2) le programme de formation des enseignants assure la formation initiale et continue d’enseignants dans les organismes éducatifs, bilingues ou non; 3) l’utilisation et la réhabilitation de langues autochtones sont encouragées dans tout le pays, et l’utilisation des diverses langues nationales est standardisée; 4) des campagnes ont été menées pour promouvoir les liens interculturels, et du matériel pédagogique a été publié pour s’assurer que les informations présentées tiennent compte de critères d’équité et de l’inclusion; du matériel a également été imprimé dans les langues originaires; et 5) des formations universitaires s’adressant aux fonctionnaires ont été organisées afin de les sensibiliser à la question de l’adoption et de la mise en œuvre de politiques publiques interculturelles. La commission demande au gouvernement de continuer à prendre des mesures pour éliminer les préjugés dont sont victimes les peuples visés par la convention, et le prie de fournir des informations sur toute évolution en la matière.

Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 2010 et de ses conclusions. La commission prend également note des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) formulées avec la collaboration de l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), de la Confédération nationale des communautés du Pérou affectées par les mines (CONACAMI), de la Confédération nationale agraire (CNA), de la Confédération paysanne du Pérou (CCP), de l’Association Paz y Esperanza, du Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique (CAAP), de CARE Perú, de l’organisation Droit, environnement et ressources naturelles (DAR), de l’Institut du bien commun (IBC) et du Service d’information autochtone (SERVINDI) du 27 juillet 2010. Ces observations concernent les questions en suspens, notamment la non‑promulgation de la loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable, l’existence d’un projet de loi qui permet des déplacements de populations en cas de projet de grande envergure ainsi que l’existence de nombreux décrets qui tendent à diviser et à réduire les territoires communautaires. La commission prend également note des observations de la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) du 25 août 2010, qui concernent la non-reconnaissance des peuples autochtones du Pérou, le non-respect du droit des peuples autochtones à être consultés, des problèmes pour identifier les terres que les peuples autochtones occupent traditionnellement, l’absence, dans le pays, d’organismes compétents pour s’occuper des questions des peuples autochtones, puisque l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) ne remplit pas ses fonctions et que les peuples autochtones ne sont pas représentés à son conseil de direction. Selon la CUT, pour cette raison, le gouvernement a dû organiser des tables rondes pour résoudre les conflits avec les peuples autochtones d’Amazonie. La commission note que, dans la communication du 7 octobre 2010, le gouvernement formule des observations pour répondre à celles de la CGTP. La commission souligne que certaines des questions posées par les organisations syndicales font l’objet d’une réclamation en vertu de l’article 24 de la Constitution et que, en conséquence, elles seront examinées dans le cadre de cette réclamation.

Suivi des conclusions de la Commission de la Conférence. En 2009, la Commission de la Conférence avait soulevé plusieurs questions, y compris les incidents à Bagua qui ont entraîné la mort de nombreuses personnes et fait des blessés parmi les membres des communautés autochtones et au sein de la police. En 2010, la Commission de la Conférence a demandé instamment au gouvernement de donner des informations concernant la promulgation et l’application de la loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable, adoptée le 19 mai 2010 par le Congrès, et concernant les mesures provisoires y afférentes afin d’apprécier si les dispositions de la convention sont respectées. La Commission de la Conférence a également estimé que l’INDEPA devait faire l’objet d’une réforme avec la pleine participation des organisations représentatives des peuples autochtones pour garantir la légitimité et la réelle capacité d’action de cet organe, et pour assurer l’application de la loi sur la consultation. La Commission de la Conférence a demandé des informations sur l’application du plan de développement pour la région amazonienne. Elle a également estimé que des progrès devaient être faits concernant l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’action qui traitent de façon systématique les problèmes à l’examen relatifs à la protection des droits des peuples couverts par la convention. Enfin, elle a souligné qu’il fallait garantir que ces plans d’action soient élaborés et mis en œuvre avec la participation des organisations représentatives des peuples autochtones, conformément aux articles 2 et 6 de la convention. Enfin, la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement de communiquer des informations concernant les effets, sur la formation d’enseignants bilingues, de la résolution ministérielle no 0017-2007-ED, qui définit des critères d’admission à la formation d’enseignants. Elle a incité le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT pour s’assurer que des progrès suffisants sont réalisés en vue d’appliquer la convention.

Enquête sur les événements de Bagua. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait instamment demandé au gouvernement de prendre sans tarder les mesures nécessaires pour que les événements de Bagua de juin 2009, qui avaient coûté la vie à 23 policiers et 10 civils, fassent l’objet d’enquêtes efficaces et impartiales, et de fournir des informations précises sur cette question. La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles, dans le cadre du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, la table ronde no 1, composée de trois représentants du pouvoir exécutif, trois représentants des peuples autochtones et un représentant des gouvernements régionaux, a été mise en place. Cette table ronde a établi deux rapports, l’un élaboré par la majorité de ses membres, et l’autre par une minorité. D’après le gouvernement, ces rapports ont été adoptés par la présidence du Conseil des ministres et transmis aux instances compétentes du pouvoir exécutif, du ministère public et du pouvoir judiciaire. La commission note également que le pouvoir législatif a mis sur pied une commission multipartite chargée d’enquêter sur les événements survenus dans la ville de Bagua et aux alentours. Cette commission a élaboré des rapports présentés au Congrès siégeant en séance plénière. Par ailleurs, le parquet provincial d’Utcubamba a engagé des poursuites judiciaires pour homicide, violence, non-respect de l’autorité et détention d’armes à feu. La commission prend note des informations communiquées par la CGTP selon lesquelles le rapport élaboré par la majorité par la table ronde no 1 ne fait pas la lumière sur les événements et n’établit pas les responsabilités. Ce rapport n’a pas été approuvé par les peuples autochtones. La CGTP souligne également que, d’après les conclusions du rapport du Congrès, ces événements sont dus à la violation des droits fondamentaux des peuples autochtones. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées suite aux différents rapports élaborés dans le cadre de la table ronde no 1 du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, aux conclusions formulées par le Congrès et aux rapports élaborés par la commission d’enquête multipartite, et d’indiquer l’issue des poursuites judiciaires en cours concernant les événements de Bagua.

Article 6. Consultation. La commission rappelle que la Commission de la Conférence s’est félicitée de l’adoption, par le Congrès de la République, de la loi sur la consultation préalable, et a indiqué qu’elle voulait croire que cette loi serait promulguée rapidement par le Président de la République. La commission rappelle aussi que cette loi résulte des négociations menées avec le pouvoir exécutif et les organisations amazoniennes dans le cadre de la table ronde no 3, qui avait pour objet de parvenir à un accord sur une loi relative à la consultation. A cet égard, la commission prend note avec regret de l’information du gouvernement selon laquelle la loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable a été adoptée par le Parlement mais n’a pas été promulguée par le pouvoir exécutif, lequel a formulé des observations sur ce texte (communication no 142-2010-DP/SCM). Le gouvernement ajoute que la loi a été renvoyée au Congrès en vue d’être révisée, que la Commission constitutionnelle et réglementaire et la Commission des peuples andins, amazoniens, afropéruviens, de l’écologie et de l’environnement se sont déjà prononcées et que le Congrès siégeant en séance plénière examinera la loi et les observations sous peu. La commission note que, dans ses observations concernant la loi adoptée par le Congrès, le pouvoir exécutif: 1) a relevé qu’il convenait de préciser, dans la loi, que les peuples autochtones n’ont pas le droit de véto dans le processus de consultation sur les projets de prospection et d’exploitation des ressources naturelles lorsque ces projets ont fait l’objet d’une information et d’une analyse assurées en bonne et due forme avec les peuples autochtones situés de la zone où ils doivent être mis en œuvre (observation no 1); 2) a estimé que la possibilité pour les peuples autochtones de contester en justice les décisions du pouvoir exécutif concernant la participation de certains peuples autochtones, prévue à l’article 9 de la loi, existait déjà, puisque toute personne ou organisme peut désormais former des recours en justice en vue d’obtenir une garantie, une annulation ou une indemnisation (observation no 5); et 3) a estimé que la loi devait établir une différence claire entre les territoires d’Amazonie dont la propriété est publique et les zones dont les communautés d’origine sont propriétaires […]. C’est dans ces zones que le droit de consultation doit s’exercer (observation n6).

Dans ce contexte, la commission rappelle l’observation générale qu’elle formule cette année sur l’obligation de «consulter» dans le contexte de la convention qui conclut que: «1) les consultations doivent être menées en bonne et due forme et de bonne foi et doivent être exhaustives; un dialogue authentique doit s’instaurer entre les gouvernements et les peuples autochtones et tribaux, caractérisé par la communication et la compréhension, le respect mutuel, la bonne foi et la volonté sincère de parvenir à un accord; 2) des procédures appropriées doivent être mises en place au niveau national et revêtir une forme appropriée aux circonstances; 3) des consultations doivent être menées à travers des institutions représentatives des peuples autochtones et tribaux en ce qui concerne les mesures législatives et administratives; 4) des consultations doivent être menées avec comme objectif de parvenir à un accord sur les mesures envisagées ou à un consentement à l’égard de ces mesures». Dans ces conditions, la commission souligne que le droit de consultation des peuples autochtones ne peut se limiter exclusivement aux mesures concernant les terres autochtones ayant fait l’objet de titres de propriété, comme semble l’indiquer l’observation no 6 du pouvoir exécutif, mais qu’il concerne toutes les mesures administratives ou législatives susceptibles de les toucher directement, même les mesures relatives à des terres ou des territoires autochtones traditionnellement occupés ou utilisés qu’ils aient ou non fait l’objet de titres. Les peuples autochtones doivent également être en mesure, conformément à l’article 12 de la convention, de pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou collectivement, pour protéger de manière effective leurs droits, notamment leur droit à la consultation. La commission espère vivement que la loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable sera adoptée prochainement par le Congrès, qu’elle sera le fruit d’un processus de consultations continues menées avec les institutions représentatives des peuples autochtones, y compris pour ce qui est des observations du pouvoir exécutif, et qu’elle sera pleinement conforme aux dispositions de la convention. De plus, la commission demande au gouvernement d’assurer le respect du droit de participation et de consultation des peuples autochtones et tribaux avant d’adopter des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. La commission prie également le gouvernement de veiller à ce que la loi contienne des dispositions spécifiques permettant aux peuples autochtones d’agir en justice, individuellement ou par le biais de leurs représentants, s’ils estiment que leur droit d’être consultés sur les mesures qui les touchent directement n’a pas été respecté. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute évolution en la matière.

La commission prend également note de la décision explicative du Tribunal constitutionnel du 24 août 2010 (dans l’affaire no 06316-2008-PA/TC) selon laquelle il faut considérer que l’obligation de respecter le droit de consultation s’impose dès la publication de la décision no 022-2009-PI/TC selon les éléments qu’elle énumère. La commission souligne que la décision no 022-2009-PI/TC est datée du 9 juin 2010, par conséquent, le droit d’être consulté n’était pas considéré comme étant obligatoire avant cette date. A cet égard, la commission rappelle que, conformément à l’article 38 de la convention, cette convention entrera en vigueur pour chaque Membre de l’OIT douze mois après la date où sa ratification aura été enregistrée. Compte tenu du fait que le Pérou a ratifié la convention le 2 février 1994, la commission rappelle que toutes ses dispositions, y compris les dispositions relatives à l’obligation de consultation, sont obligatoires à son égard depuis le 2 février 1995. En vertu de l’article 38 de la convention, et compte tenu de l’article 12 de la convention concernant la protection judiciaire des droits reconnus dans la convention, la commission prie le gouvernement d’indiquer de quelle manière il s’assure que les peuples autochtones peuvent faire valoir efficacement, devant les tribunaux, le droit à la consultation depuis l’entrée en vigueur de la convention.

Articles 2 et 33. Plan d’action coordonnée et systématique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait instamment prié le gouvernement de garantir la participation pleine et effective des peuples autochtones et la consultation de ces derniers, par l’intermédiaire de leurs institutions représentatives, dans l’élaboration du plan d’action, afin d’aborder de manière coordonnée et systématique les problèmes restant à régler concernant la protection des droits de peuples couverts par les dispositions de la convention, et de mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec la convention. La commission avait également demandé au gouvernement de fournir des informations sur cette question et sur les activités des différents organes mentionnés, en indiquant comment sont garanties la participation des peuples intéressés et la coordination des activités de ces organes, et comment est assuré un lien entre leurs activités et l’élaboration du plan d’action. La commission prend note de l’indication de la CGTP selon laquelle il n’existe toujours pas de plan d’action concerté ni de dialogue ou de consultation sur sa future mise en œuvre, et que les différentes entités publiques poursuivent leurs politiques sectorielles sans participation réelle des peuples autochtones. A cet égard, la commission note que le gouvernement indique que, dans le cadre du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, a eu lieu la table ronde no 4 intitulée «Plan national de développement de l’Amazonie». Dans ce cadre, 82 réunions de travail ont eu lieu, et un plan national de développement des peuples amazoniens a été élaboré grâce à un accord entre les représentants du gouvernement national, des gouvernements régionaux et des deux organisations autochtones les plus représentatives (l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP) et la Confédération des nationalités autochtones du Pérou (CONAP)). Ce plan prévoit des mesures, dont certaines étaient demandées par la commission, dans les domaines suivants: droit de propriété et sécurité juridique, éducation interculturelle bilingue, système de santé interculturel, participation des peuples autochtones à l’exploitation des ressources naturelles, politiques de développement et projets productifs, entre autres. La commission exprime à nouveau sa préoccupation par le fait que la multiplication d’organes compétents – dont les prérogatives sont parfois les mêmes – peut empêcher l’élaboration d’une réponse coordonnée et systématique aux problèmes de protection et de garantie des droits des peuples autochtones, et rappelle que les articles 2 et 33 de la convention prévoient une action coordonnée et systématique, ainsi que la participation des peuples autochtones depuis l’élaboration des mesures prévues dans la convention jusqu’à l’évaluation de celles-ci. La commission demande au gouvernement:

i)     d’indiquer si le plan national de développement des peuples amazoniens est appliqué, en indiquant les résultats obtenus;

ii)    d’indiquer s’il existe un autre plan élaboré en consultation avec les peuples autochtones au niveau national ou au niveau régional qui concerne les peuples autochtones en général ou les communautés andines en particulier;

iii)   de communiquer des informations supplémentaires sur les fonctions exercées par les diverses entités mentionnées par le gouvernement et d’indiquer si elles sont toujours en fonctionnement, en précisant comment leur action est coordonnée.

Institut national des peuples andins, amazoniens et afropéruviens (INDEPA). La commission souligne que la Commission de la Conférence a pris note des informations du gouvernement selon lesquelles la loi sur le droit à la consultation préalable des peuples autochtones et d’origine confère un rôle central à l’INDEPA; elle a considéré qu’il était nécessaire de le réformer avec la pleine participation des organisations représentatives des peuples autochtones, pour assurer sa légitimité et sa réelle capacité d’action. La commission note que la CGTP indique, une fois de plus, que la réforme institutionnelle de l’INDEPA n’a pas fait l’objet d’une consultation des peuples autochtones. A cet égard, elle note que le gouvernement indique que, pour faire suite aux conclusions auxquelles sont parvenues les tables rondes organisées dans le cadre du Groupe national de coordination et auxquelles ont participé des représentants des organisations des peuples autochtones, l’INDEPA a été transféré à la présidence du Conseil des ministres et a été reconnu comme organisme public technique spécialisé (décrets suprêmes no 022-2010-PCM et no 048‑2010-PCM). Le gouvernement indique également qu’il a été prévu de constituer un conseil de direction de l’INDEPA comprenant des représentants des peuples andins, amazoniens et afropéruviens. Le gouvernement indique que l’INDEPA est doté de quatre centres de coordination au niveau national, lesquels ont été créés depuis peu et comprennent des représentants autochtones. Ils permettent d’établir des liens entre les peuples andins, amazoniens et afropéruviens et les gouvernements régionaux et locaux, de prévenir les conflits, d’encourager la participation et de créer un espace de participation permanente. En fait, le règlement relatif à l’organisation des fonctions de l’INDEPA fait actuellement l’objet d’une révision par le Conseil des ministres. Depuis l’adoption de la loi no 29565 du 22 juillet 2010, l’INDEPA ne relève désormais plus de la présidence du Conseil des ministres mais des services du ministre adjoint chargé des questions interculturelles, qui dépendent du ministère de la Culture. La commission relève que, depuis plusieurs années, l’INDEPA subit une instabilité institutionnelle: sa hiérarchie a changé plusieurs fois, et il a relevé de ministères et d’autorités divers. La commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la participation effective des institutions représentatives des peuples autochtones à la réforme institutionnelle de l’INDEPA, à la constitution de son conseil de direction et à la révision du règlement relatif à l’organisation de ses fonctions, afin d’assurer sa légitimité et sa réelle capacité d’action. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur ce point, en ce qui concerne les effets de la création récente des quatre centres de l’INDEPA sur le dialogue entre les gouvernements régionaux et locaux et les peuples autochtones intéressés, et la participation de ces peuples aux activités de l’INDEPA ainsi qu’à la prévention des conflits.

Suivi des commentaires de la commission. Article 1. Peuples couverts par la convention. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait pris note d’un projet de loi-cadre sur les peuples autochtones et originaires du Pérou, qui donne une définition des peuples autochtones et originaires afin d’éliminer les ambiguïtés de la législation nationale quant à l’identification des peuples qu’elle vise. A cette occasion, la commission avait prié le gouvernement d’harmoniser, en consultation avec les peuples autochtones, la définition du projet de loi-cadre avec la convention. La commission avait également demandé au gouvernement d’indiquer comment la consultation et la participation effectives des peuples autochtones à l’élaboration du projet de loi avaient été garanties, et de fournir des informations sur les mesures adoptées pour assurer que tous les peuples visés à l’article 1 de la convention soient couverts par toutes les dispositions de la convention, et qu’ils bénéficient des droits prévus par la convention sur un pied d’égalité. La commission prend note des observations de la CUT selon lesquelles il n’existe pas de volonté politique de consulter les peuples autochtones afin d’unifier les critères d’identification de ces peuples. La commission note également que la CGTP indique que les communautés de la zone andine et côtière ne bénéficient pas de la protection prévue par la loi sur le droit à la consultation préalable.

A cet égard, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cadre du Groupe national de coordination, un processus de participation et de consultation des représentants des peuples autochtones a été mis en œuvre pour harmoniser les dispositions de la législation nationale concernant la définition des peuples autochtones (table ronde no 3). Les avis exprimés ont été analysés par la Commission spéciale multipartite chargée d’étudier les problèmes des peuples autochtones, andins, amazoniens et afropéruviens, ainsi que les questions d’écologie et d’environnement, et de recommander des solutions. Cette commission a élaboré un avis préalable concernant le projet de loi sur le droit à la consultation. La commission note que les articles 5 à 7 du projet concernent les personnes couvertes par la loi, et que l’article 7 précise les critères d’identification: descendance directe de peuples originaires, style de vie, liens spirituels et historiques avec le territoire occupé; institutions sociales et coutumes propres, modèles culturels et modes de vie distincts de ceux des autres groupes de la population. La commission note que le gouvernement, dans ses commentaires sur le projet de loi sur le droit à la consultation (no 142-2010-DP/SCM), s’oppose à l’inclusion de la communauté paysanne andine et côtière dans la définition des peuples autochtones (observation no 6). A cet égard, la commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait pris note des informations du gouvernement selon lesquelles l’article 2 de la loi relative à l’INDEPA (no 28495) mentionne les peuples andins, amazoniens et afropéruviens et reconnaît les droits ethniques et culturels des communautés paysannes et des communautés d’origine qui sont assimilées aux peuples autochtones, en mettant l’accent sur les aspects sociaux, politiques et culturels, ce qui va dans le même sens que les dispositions des articles 89 et 149 de la Constitution de la République. La commission rappelle qu’elle avait souligné que la convention devait s’appliquer aux communautés autochtones, quelle que soit la manière de les désigner. La commission note également que l’article 1 de la convention se réfère «au fait qu’ils descendent des populations» et craint que la référence à l’expression «descendance directe» ne soit trop restrictive. Rappelant la nécessité d’assurer que les critères d’identification soient unifiés, en consultation avec les peuples autochtones, la commission demande au gouvernement de faire en sorte que le projet de loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable assure qu’ils bénéficient pleinement de la protection prévue dans la convention, quelle que soit la manière de les désigner; elle lui demande de fournir des informations sur toute évolution en la matière. Elle prie également le gouvernement d’indiquer l’état d’avancement, au Congrès, du projet de loi-cadre sur les peuples autochtones et originaires du Pérou.

Article 7. Participation. Dans sa précédente observation, la commission avait instamment prié le gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec les articles 2, 6, 7 et 15 de la convention, compte tenu du droit des peuples visés par la convention de définir leurs propres priorités et de participer aux plans et programmes de développement national et régional. La commission note que la CGTP indique qu’aucune norme n’a été élaborée et qu’aucune institution permettant aux peuples autochtones d’exercer leur droit de définir leurs priorités de développement n’a été créée, et ajoute qu’aucun espace de concertation n’a été créé en la matière. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le dialogue mené dans le cadre du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, auquel les communautés amazoniennes ont largement pris part, est la mesure la plus importante. La commission prie le gouvernement de continuer à donner des informations sur les mesures adoptées suite au dialogue mené dans le cadre du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, sur leur mise en œuvre et leurs effets. Elle le prie également de donner des informations sur tous les autres plans ou programmes adoptés en faveur des autres communautés ou peuples autochtones. Elle lui demande aussi d’indiquer les mesures adoptées pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec la convention afin de garantir aux peuples autochtones le droit de définir leurs propres priorités, et de participer aux plans et aux programmes de développement national et régional.

Plans, programmes et projets de développement national. La commission relève que le pouvoir exécutif, dans ses observations concernant le projet de loi sur le droit à la consultation préalable (communication no 142-2010-DP/SCM), s’oppose au fait que l’article 2 du projet prévoit que des consultations doivent être également effectuées sur les plans, les programmes et les projets de développement national et régional qui touchent directement les droits collectifs des peuples autochtones. Le pouvoir exécutif affirme que «la convention n’impose pas de consultation concernant les plans, programmes et projets de développement national et régional, car cela reviendrait à élargir la portée de la convention, ce qui n’est pas nécessaire et pourrait entraver la réalisation de travaux d’infrastructures importants pour le pays». A cet égard, faisant observer qu’en vertu de l’article 7 les peuples intéressés doivent participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement, la commission demande au gouvernement d’indiquer les modalités selon lesquelles la participation prévue dans la convention est assurée.

Etudes d’impact et protection de l’environnement. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de donner des informations sur les mesures prises, en coopération avec les peuples autochtones, pour protéger et préserver l’environnement dans les territoires qu’ils habitent, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de la convention. Elle avait notamment demandé des informations sur la coordination entre l’Organisme de contrôle des investissements dans le secteur énergétique et minier (OSINERGMIN) du ministère de l’Energie et des Mines et l’Organisme d’évaluation et de contrôle environnemental (OEFA) du ministère de l’Environnement. A cet égard, le gouvernement indique que le ministère de l’Energie et des Mines est chargé de promouvoir les investissements, et que le contrôle des projets miniers et énergétiques relève du ministère de l’Environnement, qui a délégué les fonctions de contrôle à l’OEFA.

La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles: 1) le règlement concernant la consultation et la participation des citoyens pour les activités liées aux hydrocarbures et à l’électricité (décret suprême no 012-2008-EM et résolution ministérielle no 223-2010-MEM/DM) prévoit la consultation et la participation des citoyens pour l’élaboration d’études sur l’environnement, ainsi que des mécanismes de suivi et de surveillance des citoyens après l’approbation de ces études, afin que les peuples autochtones et la population participent à la protection de l’environnement; 2) le régime spécial d’administration des réserves communautaires approuvé par la résolution administrative no 019-2005-INRENA-IANP prévoit un mécanisme de coordination avec les peuples autochtones pour préserver les zones naturelles protégées; 3) un dialogue tripartite concernant les activités liées aux hydrocarbures dans la forêt péruvienne a été mené pour protéger l’environnement du département de Madre de Dios; 4) l’élaboration d’un programme national de préservation des forêts a été approuvée; dans le cadre de ce programme, 67 consultations ont été menées avec les communautés d’origine à Ashaninkas dans la forêt centrale; et 5) le projet visant à limiter les effets de changements climatiques et à s’y adapter, axé sur les zones protégées de la forêt centrale, a été adopté, un programme sur les activités économiques durables associant les peuples autochtones de cette zone ayant été financé. La commission note aussi que le décret suprême no 002-2009-MINAN approuve le règlement sur la transparence, l’accès aux informations publiques sur l’environnement et la participation et la consultation des citoyens en matière d’environnement. Ce règlement prévoit un mécanisme de participation des citoyens à la définition et à l’application de politiques relatives à l’environnement dans le cadre du processus de prise de décisions publiques sur les questions environnementales, leur mise en œuvre et leur contrôle. Il prévoit aussi que les décisions et les mesures concernant la gestion de l’environnement devraient être prises en concertation avec la société civile (art. 21). En vertu de ce règlement, les mécanismes de consultation peuvent revêtir diverses formes: ateliers participatifs, audiences publiques, enquêtes d’opinions, présentation de propositions, commissions régionales et locales sur l’environnement, groupes techniques et comités de gestion, et doivent être mis en œuvre en espagnol et dans la langue prédominante du lieu en question (art. 29). Le projet concernant les études sur l’environnement doit être élaboré en espagnol ou dans la langue du lieu, dans un langage simple, et doit mentionner les effets identifiés et les mesures prévues pour les atténuer ou accorder une indemnisation (art. 34). La commission se félicite de ces informations, car la convention impose l’instauration, entre les parties intéressées, d’un dialogue véritable qui permette de rechercher des solutions concertées et que, si elles remplissent ces conditions, les consultations peuvent jouer un rôle décisif pour prévenir et régler les conflits. La commission demande au gouvernement de continuer à communiquer des informations sur toutes les mesures adoptées en collaboration avec les peuples autochtones pour protéger et préserver l’environnement dans les territoires qu’ils habitent. La commission demande également au gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique, aux peuples autochtones, du décret suprême no 002-2009-MINAM sur la participation et la consultation des citoyens en matière d’environnement, et sur l’application de la législation sectorielle concernant la participation des citoyens. Elle lui demande d’indiquer si les études d’impact sur l’environnement évaluent également l’impact social, spirituel et culturel des activités de développement sur les peuples autochtones, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la convention.

Article 14. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait mentionné le décret législatif no 994 de 2008, qui prévoit un régime spécial permettant de promouvoir l’investissement privé dans des projets d’irrigation de terres en friche pouvant être exploitées et appartenant à l’Etat. Selon l’article 3 du décret, appartiennent à l’Etat toutes les terres en friche pouvant être exploitées, à l’exception des terres pour lesquelles il existe un titre de propriété privé ou communautaire inscrit dans les registres publics. Elle avait noté que le décret n’accorde pas aux peuples autochtones le droit de posséder les terres qu’ils occupent traditionnellement lorsqu’ils ne disposent pas de titres de propriété officiels. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées pour identifier les terres traditionnellement occupées par les peuples intéressés, et garantir la protection effective des droits de propriété et de possession de ces peuples, notamment par le biais de l’accès à des procédures adéquates leur permettant de faire valoir leurs revendications concernant ces terres. A cet égard, la commission note que la CGTP et la CUT mentionnent cette question en faisant référence au décret législatif n1089 sur l’occupation et la propriété rurales. La commission prend également note des informations du gouvernement selon lesquelles les différents projets sur l’octroi de titres et l’enregistrement des terres réalisés entre 2002 et 2006 ont bénéficié à 550 communautés paysannes et 55 communautés d’origine de la forêt amazonienne. Fin 2009, 84 pour cent de l’ensemble des communautés paysannes et 87,42 pour cent des communautés d’origine s’étaient vues octroyer des titres de propriété. Le gouvernement ajoute que, entre 1975 et 2009, 1 447 communautés d’origine ont été reconnues, et que 1 265 d’entre elles se sont vues octroyer des titres de propriété. Il déclare aussi que les processus de délimitation et d’octroi de titres sont régis par la loi sur les communautés d’origine et le développement agraire des régions forestières (décret-loi no 22175) et par son règlement (décret suprême n003-79-AA). De plus, la loi no 24657 sur la délimitation du territoire des communautés paysannes et l’octroi de titres prévoit la reconnaissance officielle du droit de propriété des communautés d’origine sur les territoires qu’elles occupent. Le gouvernement indique aussi que le décret législatif no 1089 et son règlement d’application (décret suprême no 032-2008-VIVIENDA) prévoient un régime spécial temporaire de reconnaissance officielle et d’octroi de titres sur les propriétés rurales et que ce mécanisme d’octroi de titres ne s’applique pas aux terres situées sur le territoire des communautés paysannes et d’origine. La commission note que le Tribunal constitutionnel a estimé que le décret législatif no 1089 et son règlement d’application ne s’appliquent pas aux territoires des peuples autochtones, qu’ils soient reconnus ou pas, conformément aux articles 3, paragraphe 1, et 15 du règlement (affaire no 0022-2009-PI/TC, décision du 9 juin 2010). La commission prie le gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour assurer la protection des droits des peuples autochtones sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. Notant que le décret législatif no 1089 n’est pas applicable aux territoires des peuples autochtones qu’ils occupent traditionnellement, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont il est donné pleinement effet à l’article 14 de la convention, en donnant notamment des informations sur les procédures d’octroi de titres et d’enregistrement des terres en cours, la surface des terres sur lesquelles des titres de propriété ont été octroyés, les communautés qui en ont bénéficié. Elle lui demande de préciser la législation applicable à ces procédures. La commission demande au gouvernement de veiller à ce que l’article 12 du décret législatif no 994 de 2008, qui prévoit la possibilité d’évacuer les terres en friche en cas d’invasion ou d’usurpation, ne s’applique pas aux peuples autochtones occupant ces terres traditionnellement, même s’ils n’ont pas de titre de propriété officiel.

Article 15. Consultation concernant les ressources naturelles. La commission note qu’il existe un avant-projet de règlement sur la consultation des peuples autochtones pour les activités liées aux mines et à l’énergie. Ce projet a été élaboré par le ministère de l’Energie et des Mines suite à la décision du Tribunal constitutionnel du 30 juin 2010 dans laquelle ce ministère était prié d’élaborer un règlement spécial sur le droit des peuples autochtones à la consultation, conformément aux principes et règles prévus par la convention (décision no 05427-2009-PC/TC). La commission prend également note du projet de loi (no 4335/2010-PE) transmis par le pouvoir exécutif au Congrès, qui modifie le cadre juridique sur les activités de production d’électricité et autorise l’élaboration d’un texte qui réglemente ces activités. Enfin, elle prend note du projet de loi forestière, en cours d’examen au Congrès, au sujet duquel le Défenseur du peuple a demandé la tenue de consultations. La commission prie le gouvernement de transmettre des informations complémentaires sur ces projets et leur état d’avancement au Congrès, et d’indiquer les mesures adoptées pour qu’ils fassent l’objet de consultations avec les organisations représentatives des peuples autochtones.

La commission renvoie à ses précédents commentaires concernant des activités de prospection et d’exploitation de ressources naturelles qui touchent les peuples couverts par la convention et la nécessité d’assurer la participation et la consultation des peuples intéressés via leurs institutions représentatives dans un climat de respect et de confiance. La commission note que le gouvernement souligne l’importance du secteur minier pour développer les économies locales et améliorer les conditions de vie des habitants des districts où sont menées des activités minières. Le gouvernement indique qu’il encourage la responsabilité sociale des entreprises et qu’il n’est octroyé aucune concession minière dans les zones naturelles protégées ni dans les réserves autochtones reconnues. Il indique aussi que les concessions minières donnent uniquement un droit préférentiel pour la prospection ou l’exploitation et que, pour entreprendre des activités, il faut obtenir une autorisation environnementale et mener des négociations avec le propriétaire. Le gouvernement ajoute que, lorsque le titulaire des droits décide de mener des activités de prospection ou d’exploitation, il convient de mettre en œuvre la procédure de consultation et de participation des citoyens prévue dans le règlement sur la participation des citoyens (décret suprême no 28-2008-EM). La commission prend note de ces informations et fait observer que le gouvernement ne fournit aucune information sur les activités de prospection et d’exploitation de ressources naturelles qui touchent les peuples autochtones, mentionnées dans les précédents commentaires et signalées par la CGTP (peuple autochtone Cacataibo vivant volontairement en isolement, peuples Awajun et Wampis et communautés de la province de Chumbivilcas). La commission note que, dans ses dernières observations, la CGTP indique que des activités d’exploitation minière sont menées dans le hameau de San Antonio de Juprog (communauté de langue quechua) et dans le district de San Marcos (province de Huaria), et que ces activités sont polluantes et nocives pour la santé de la population (contamination par le plomb, le cadmium, le zinc et l’arsenic). D’après ces observations, il serait prévu de déplacer cette communauté, mais aucune des mesures adoptées à ce jour n’a fait l’objet de consultations avec les peuples autochtones intéressés. La CGTP indique également que des concessions ont été octroyées pour mener des activités liées aux hydrocarbures sur le territoire du peuple Matses, sans que celui-ci n’ait été consulté au préalable. La commission souligne qu’il importe que l’Etat mène les consultations préalables sur toute mesure susceptible de toucher directement les peuples autochtones. La commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mener, avec les peuples autochtones susmentionnés, des consultations sur les activités de prospection et d’exploitation des ressources naturelles sur les terres qu’ils occupent ou utilisent (article 13 de la convention) avant d’entreprendre ou d’autoriser de telles activités, et de déterminer si, et dans quelle mesure, les intérêts de ces peuples sont menacés, et d’adopter les mesures nécessaires pour atténuer les effets de ces activités et de prévoir une indemnisation appropriée. La commission demande également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient instruites les plaintes concernant la pollution des territoires occupés par les peuples autochtones, en précisant si cette pollution est avérée, et de ne ménager aucun effort pour protéger la vie et l’intégrité des membres de ces communautés.

Participation aux avantages. S’agissant des mesures adoptées pour s’assurer que les peuples intéressés participent aux avantages qui découlent de l’exploitation des ressources naturelles dont sont dotées leurs terres, et qu’ils reçoivent une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de ces activités, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le décret d’urgence no 028-2006 prévoit que les gouvernements régionaux et locaux doivent investir 5 pour cent des crédits alloués au titre de la redevance pour financer des projets d’investissement public et de dépenses sociales en faveur des communautés qui se trouvent sur les zones d’exploitation. Elle note également que le décret d’urgence no 026-2010 prévoit une augmentation de ces crédits (10 pour cent pour les gouvernements régionaux et 5 pour cent pour les gouvernements locaux). La commission note que ce décret prévoit la participation des représentants des communautés paysannes et d’origine au suivi des décisions concernant l’allocation de ces crédits. Le gouvernement mentionne également des initiatives privées qui assurent la participation des peuples autochtones aux avantages et garantissent les indemnisations prévues dans la législation du secteur concerné. Le gouvernement indique que, entre 2007 et 2009, les transferts vers les régions au titre des redevances minières se sont élevés à 13 300 millions de soles, et les transferts au titre des redevances liées aux hydrocarbures à 3,9 millions de soles. Rappelant que, en vertu de l’article 15 de la convention, les peuples autochtones doivent, chaque fois que c’est possible, participer aux avantages découlant des activités d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres, la commission demande au gouvernement de s’assurer que les redevances prévues permettent cette participation en pratique, et de fournir des informations sur les mesures adoptées en la matière, et sur leurs effets réels sur la vie des peuples autochtones, sur leur développement, et les zones dans lesquelles ils vivent.

Articles 26 à 29. Education. La Commission de la Conférence avait demandé des informations concernant les effets, sur la formation d’enseignants bilingues, de la résolution ministérielle no 0017-2007-ED, qui impose une note minimale de 14 sur 20 pour avoir accès à la formation d’enseignant bilingue, ce qui risquait d’exclure les candidats autochtones de cette formation. La commission prend note des informations du gouvernement sur les dispositions légales qui réglementent le secteur de l’éducation. Le gouvernement indique que la Direction de l’enseignement supérieur (DESP) établit des règlements concernant les instituts et les écoles de l’enseignement supérieur pour qu’ils puissent offrir une formation d’enseignant bilingue, et qu’elle approuve les programmes de formation d’enseignants proposés par les institutions des communautés elles-mêmes afin qu’ils répondent aux besoins de formation de ces communautés. La direction réglemente l’élaboration et l’adoption des programmes d’études de l’enseignement supérieur. Cinq instituts de la région andine proposent des formations d’enseignants au niveau primaire. S’agissant des conditions d’accès à la formation d’enseignant, le gouvernement indique que, d’après les statistiques, l’accès en a été élargi, et que les étudiants qui ont obtenu entre 11 et 13,99 sur 20 peuvent y accéder. La commission demande au gouvernement de continuer à communiquer des informations sur les mesures adoptées et sur leur effet sur le nombre d’enseignants autochtones bilingues.

Enfin, prenant note de la suggestion de la Commission d’application des normes de la Conférence, la commission rappelle au gouvernement qu’il peut faire appel à l’assistance technique du BIT.

La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2011.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

Article 14 de la convention. Communauté de Santo Domingo de Olmos. La commission se réfère à ses observations précédentes, dans lesquelles elle avait examiné le cas de la communauté de Santo Domingo de Olmos. La commission rappelle que, par le décret suprême no 017-99-AG, ont été déclarés en friche 111 656 hectares (non productifs) sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux, et que cette superficie devait être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial d’irrigation et de production hydroélectrique. Elle rappelle également que l’action en amparo intentée par la communauté a été déclarée irrecevable car celle-ci n’était pas inscrite au registre public ou n’avait pas produit le certificat d’inscription. La commission note que, dans son rapport de 2008, le gouvernement réaffirme que, même si la communauté de Olmos jouit officiellement de la personnalité juridique, elle n’a pas de représentation légitime sur le plan juridique, condition indispensable pour obtenir la régularisation de ses terres auprès de l’organisme compétent, à savoir la Direction des affaires agraires du gouvernement régional de Lambayeque, et qu’il incombe par conséquent à cette communauté de régler la question de sa représentation juridique. La commission prie une fois encore le gouvernement de prendre les mesures adéquates, après consultation de la communauté concernée, pour identifier et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui empêchent la communauté de Santo Domingo de Olmos de faire valoir effectivement sa revendication des terres qu’elle allègue comme étant des terres occupées traditionnellement, afin qu’elle puisse intenter le recours prévu à l’article 14, paragraphe 3, de la convention et, le cas échéant, obtenir la protection effective de ses droits. La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement communiquera des informations sur les progrès réalisés à cet égard.

Article 25. Santé. La commission prend note des observations de la CGTP relatives à l’article 25 de la convention. Elle rappelle que dans ses commentaires de 2005 elle avait noté que, selon le rapport du gouvernement, les conditions de vie et de santé des peuples indigènes étaient très inférieures à la moyenne nationale au point d’être extrêmement préoccupantes. La commission demande au gouvernement de communiquer des informations à jour sur les mesures prises pour donner effet à l’article 25 de la convention.

Articles 26 à 29. Education. Dans sa communication de 2009, la CGTP se réfère à l’Enquête nationale des foyers de 2007, conduite par l’Institut national des données statistiques et informatiques (INEI), qui indique que le pourcentage d’apprentissage du quechua a baissé de 3,3 pour cent et celui de l’apprentissage de l’aymara de 0,5 pour cent, par rapport au recensement de 1993. Elle indique que, selon ces pourcentages, il y aurait environ 20 pour cent de la population quechua et aymara qui aurait abandonné l’apprentissage de leur langue. Elle indique aussi que la résolution ministérielle no 0017-2007-ED du ministère de l’Education a imposé l’obtention d’une note de 14 sur 20 au moins pour que les indigènes puissent prétendre à une formation d’enseignants bilingues. Selon la CGTP, cette réglementation pourrait conduire à exclure les indigènes du système éducatif. Elle indique que les examens d’entrée aux institutions de formation ont été mis au point sans tenir compte des différences culturelles et que les connaissances interculturelles des professeurs indigènes n’ont pas été valorisées dans la notation. Elle indique, concernant l’éducation interculturelle bilingue, selon les résultats des examens d’entrée aux institutions de formation des professeurs en 2009, que, sur les 477 candidats à l’éducation primaire bilingue, quatre professeurs bilingues seulement ont été admis. La commission rappelle que, selon les dispositions des articles 26 et 27 de la convention, les Etats doivent assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d’acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d’égalité avec le reste de la communauté nationale, et en même temps de développer des programmes d’éducation, en coopération avec les peuples intéressés, qui couvrent leur histoire, leurs connaissances et leurs techniques, leurs systèmes de valeurs et les autres aspirations sociales, économiques et culturelles. L’article 27, paragraphe 2, de la convention dispose, en outre, que l’autorité compétente doit assurer la formation des membres des peuples intéressés et leur participation à la formulation et à l’exécution des programmes d’éducation. La commission demande au gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour donner effet aux articles 26 et 27 de la convention dans la pratique et l’invite à répondre aux observations formulées par la CGTP.

Observation (CEACR) - adoptée 2009, publiée 99ème session CIT (2010)

La commission prend note de la discussion qui a eu lieu en juin 2009 à la Commission de l’application des normes de la Conférence et des conclusions émises par celle-ci. La commission prend note également des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) du 23 juillet 2009 qui ont été communiquées au gouvernement le 31 août 2009. Ces observations ont été formulées avec la participation de l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI), la Confédération nationale agraire (CNA) et des organisations non gouvernementales qui font partie du Groupe de travail des peuples indigènes relevant de la Commission nationale des droits de l’homme. La commission rappelle également que, dans son observation précédente, elle n’avait pas examiné le rapport du gouvernement dans son intégralité étant donné sa réception tardive et, par conséquent, elle examinera la présente observation conjointement avec le dernier rapport.

La commission note que la Commission de la Conférence, après avoir indiqué qu’elle formulait des commentaires depuis un certain nombre d’années pour exprimer sa préoccupation devant la persistance de problèmes dans l’application de la convention dans certains domaines, s’est dite profondément préoccupée par les incidents de Bagua et a prié instamment toutes les parties aux conflits de mettre un terme à la violence. Elle a observé que la situation actuelle dans le pays était due à la promulgation de décrets législatifs relatifs à l’exploitation de ressources naturelles sur des terres traditionnellement occupées par des peuples indigènes et a prié le gouvernement d’ouvrir immédiatement un dialogue avec les institutions représentatives des peuples indigènes, dans un climat de confiance et de respect mutuel. Elle a également demandé au gouvernement de mettre en place les mécanismes de dialogue imposés par la convention de manière à garantir la consultation et la participation systématiques et efficaces des peuples indigènes. En outre, elle a demandé au gouvernement de supprimer les dispositions législatives ambiguës à propos de la détermination des peuples couverts par la législation et l’a prié de prendre sans délai les mesures nécessaires pour mettre la législation et les pratiques nationales en conformité avec la convention. A cet égard, la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement d’élaborer un plan d’action en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes.

La commission partage la préoccupation profonde de la Commission de la Conférence au sujet des incidents de Bagua de juin 2009, et considère que ces événements sont dus à l’adoption de décrets affectant les droits concernant les terres et les ressources naturelles des peuples couverts par la convention, décrets dont le processus d’élaboration a été réalisé sans la consultation ni la participation des peuples intéressés. La commission note que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones ainsi que le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale se sont dits préoccupés par la situation des peuples indigènes dans le pays (voir respectivement les documents A/HRC/12/34/Add.8 du 18 août 2009, et CERD/C/PER/CO/14-17, du 31 août 2009). La commission rappelle que la Commission de la Conférence avait demandé au gouvernement d’intensifier ses efforts pour garantir sans discrimination les droits de l’homme et les libertés fondamentales aux peuples indigènes conformément aux obligations lui incombant dans le cadre de la convention. La commission estime qu’il est indispensable de conduire une investigation immédiate et impartiale sur les faits survenus à Bagua pour créer un climat de confiance et de respect mutuel entre les parties afin de jeter les bases incontournables d’un dialogue sincère dans la recherche de solutions concertées, comme le prévoit la convention. La commission demande par conséquent au gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête efficace et impartiale sur les événements de Bagua, survenus en juin 2009, et de communiquer des informations spécifiques à cet égard.

Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique, comme il l’avait fait à la Commission de la Conférence, qu’un projet de loi-cadre sur les peuples indigènes et originaires du Pérou, qui donne une définition de ces peuples, a été élaboré pour éliminer toute ambiguïté sur la détermination des peuples indigènes prévue par la législation. La commission note que l’article 3 de ce projet de loi contient cette définition et que l’article 2 dispose que les peuples indigènes ou originaires du Pérou comprennent «les communautés paysannes et les communautés aborigènes désignées; les indigènes vivant en isolement ou en situation de contact initial; et toutes personnes s’auto-identifiant comme descendants de peuples ancestraux installés sur les côtes, dans les régions forestières et montagneuses du Pérou». La commission note que si la définition de l’article 3 du projet de loi reprend les éléments objectifs de la définition de la convention, le critère fondamental d’auto-identification n’est pas contenu dans cet article, contrairement à l’article 2. La commission note également que l’un des éléments objectifs de la définition prévue par le projet de loi est l’élément selon lequel «les peuples sont en possession de terres», qui ne figure pas dans la convention. A cet égard, la commission souligne que l’article 13 de la convention met l’accent sur l’importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés «la relation qu’ils entretiennent avec les terres ou territoires qu’ils occupent ou utilisent d’une autre manière». La commission attire également l’attention du gouvernement sur le fait que l’article 14, paragraphe 1, de la convention et, en particulier, l’expression «les terres qu’ils occupent traditionnellement» utilisée dans cet article doit être lue conjointement avec l’article 14, paragraphe 3, sur les revendications relatives à des terres, dans la mesure où la convention recouvre également des situations dans lesquelles les peuples indigènes et tribaux ont récemment perdu l’occupation de leurs terres ou en ont été expulsés récemment. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement d’harmoniser, en consultation avec les peuples indigènes, la définition contenue dans le projet de loi sur la détermination des peuples indigènes ou originaires du Pérou avec la convention. Prière également de communiquer des informations sur la façon de garantir la consultation et la participation effective des peuples indigènes dans l’élaboration dudit projet. La commission demande aussi une fois encore au gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour garantir que tous les peuples relevant de l’article 1 de la convention sont couverts par toutes ces dispositions, et jouissent des droits prévus par cet article aux mêmes conditions.

Articles 2 et 6. Action coordonnée et systématique et consultation. Plan d’action. Eu égard à la demande de la Commission de la Conférence sur l’élaboration d’un plan d’action en collaboration avec les institutions représentatives des peuples indigènes, la commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles une proposition a présenté les grandes lignes d’un plan d’action pour donner suite aux observations formulées par les organes de contrôle de l’OIT. Bien qu’il soit affirmé dans le rapport que le plan d’action sera élaboré en collaboration avec les représentants des peuples indigènes, la commission note qu’il n’y a pas d’information sur la façon dont aura lieu la participation des peuples indigènes à ce processus; elle note aussi qu’une «réunion avec les représentants des organisations indigènes» est envisagée concernant la phase d’exécution de ce plan.

De même, la commission prend note, d’après le rapport du gouvernement, de la création de plusieurs organes dans l’objectif d’entamer le dialogue avec les peuples indigènes amazoniens et andins. La commission prend note également de la mise en place, en mars 2009, d’une table de négociation permanente entre l’Etat et les peuples indigènes de l’Amazonie péruvienne qui, en vertu des dispositions de l’article 2 du décret suprême no 002-2009-MIMDES ayant porté sa création, «pourra» compter sur la participation des représentants des peuples indigènes. De même, elle note que la commission multisectorielle chargée de la problématique indigène de l’Amazonie a été créée (décret suprême no 031-2009-PCM, du 19 mai 2009) et note qu’à la lecture des minutes de la première session ordinaire de la commission susmentionnée il ne semblait pas y avoir de représentants indigènes à cette réunion. Elle prend également note de la table ronde pour le développement intégral des peuples andins (RS 133-2009-PCM, du 24 juin 2009), de la table de dialogue pour le développement intégral des peuples andins en situation d’extrême pauvreté (RS 135-2009-PCM, du 26 juin 2009) et du groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens qui est chargé d’élaborer un plan intégral de développement durable pour lesdits peuples (résolution suprême no 117-2009-PCM, du 26 juin 2009). En ce qui concerne ce dernier organe, la commission note que le groupe susmentionné a créé quatre groupes de travail sur la formation de la commission d’enquête sur les événements de Bagua, la révision des décrets législatifs, les mécanismes de consultation et le Plan national pour le développement de l’Amazonie. La commission prend également note des préoccupations exprimées par le défenseur du peuple quant à l’état du processus de dialogue mis en place dans le cadre de ce groupe.

La commission ne dispose pas d’information suffisante pour évaluer le niveau de participation garanti aux peuples indigènes dans le cadre des différents organes susmentionnés. Néanmoins, il semblerait, d’après les éléments indiqués, que dans certains cas au moins la participation des peuples indigènes au dialogue entre les parties, par l’intermédiaire de leurs représentants légitimes, ne soit pas effective. La commission exprime sa préoccupation concernant la prolifération d’organes ayant des compétences qui se recoupent parfois et qui pourraient nuire à l’élaboration de mesures coordonnées et systématiques pour répondre aux problèmes liés à la protection et à la garantie des droits des peuples indigènes prévus par la convention. La commission prie instamment le gouvernement de garantir la participation pleine et efficace des peuples indigènes et la consultation de ces derniers, par l’intermédiaire de leurs institutions représentatives, dans l’élaboration du plan d’action susmentionné, telles que prévues aux articles 2 et 6 de la convention, afin d’aborder de manière coordonnée et systématique les problèmes restant à régler concernant la protection des droits des peuples couverts par la convention et de mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec la convention. La commission demande également au gouvernement de communiquer des informations à cet égard et sur les activités des différents organes susmentionnés, en indiquant la façon dont sont garanties la participation des peuples intéressés et la coordination des activités de ces organes, ainsi qu’entre les activités de ces organes et l’élaboration du plan d’action. Prière de communiquer copie du plan d’action susmentionné dès qu’il aura été finalisé.

Articles 2 et 33. INDEPA. La commission se réfère à ses précédents commentaires dans lesquels elle avait pris note des allégations de la CGTP concernant le manque de pouvoir réel de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA). La commission note, d’après la communication de la CGTP de 2009, que malgré le rétablissement de l’autonomie administrative de la INDEPA, la participation des indigènes n’a pas été rétablie au Conseil exécutif et qu’aucune politique concertée n’a été élaborée sur les thèmes qui touchent les peuples indigènes. La CGTP indique également qu’il n’existe pas d’espaces dédiés à la concertation de telles politiques. La commission prend note, d’après les informations du gouvernement, de la création par la résolution ministérielle no 277-2009-MIMDES d’une commission sectorielle chargée d’élaborer un nouveau projet pour «réglementer l’organisation et le fonctionnement de la INDEPA». La commission note que cette commission est composée du vice-ministre pour le Développement social du ministère de la Femme et du Développement social (MIMDES), du président exécutif de la INDEPA et du directeur général du bureau général de planification et du budget de MIMDES, et qu’elle est habilitée à inviter des spécialistes des représentants de diverses institutions du secteur public et privé. La commission note que la résolution susmentionnée ne mentionne pas explicitement la participation des peuples indigènes. La commission note également que la réforme de l’INDEPA est prévue par le plan d’action cité précédemment. La commission rappelle au gouvernement que les peuples indigènes doivent participer à la conception des mécanismes de dialogue et rappelle également les préoccupations exprimées précédemment concernant la coordination entre les différents organes et activités. La commission prie instamment le gouvernement de garantir la participation effective des institutions représentatives des peuples indigènes à la conception et à la mise en œuvre des mécanismes de dialogue et des autres mécanismes nécessaires à la gestion coordonnée et systématique des programmes touchant les peuples indigènes, y compris en ce qui concerne la réforme de la INDEPA. La commission demande également au gouvernement de veiller à ce que ces mécanismes disposent des moyens nécessaires à leur fonctionnement, en toute indépendance et sans influence pour ce qui est des processus décisionnels. Prière de communiquer également les mesures prises à cet égard.

Articles 6 et 17. Consultation et législation. Dans ses précédents commentaires sur l’adoption sans consultation des décrets législatifs nos 1015 et 1073, la commission avait exprimé sa préoccupation en constatant que des communications continuaient à dénoncer l’absence de consultation préalable dans les circonstances prévues aux articles 6 et 17, paragraphe 2, de la convention. La commission avait prié instamment le gouvernement de s’engager immédiatement, avec la participation des peuples indigènes, dans la conception de mécanismes de consultation appropriée. La commission note que, dans sa communication de 2009, la CGTP indique qu’aucun mécanisme de consultation appropriée n’a été établi et qu’en conséquence les peuples indigènes n’ont pas la possibilité d’influencer les décisions spécifiques les concernant. La commission note que la loi no 29261 de septembre 2008 a abrogé les décrets législatifs nos 1015 et 1073 sur les conditions à remplir pour disposer de terrains communautaires, et que la loi no 29382 de juin 2009 a abrogé les décrets législatifs nos 1090 et 1064 approuvant respectivement la loi forestière et sur la faune des forêts et la législation sur l’utilisation de terres à des fins agricoles. La commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles des groupes de travail, qui ont été créés dans le cadre du groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, sont chargés, entre autres, de la révision des décrets législatifs et de la question de la consultation préalable. Néanmoins, la commission croit comprendre que la question de la consultation est également abordée dans le cadre du projet de loi-cadre sur les peuples indigènes ou originaires du Pérou. La commission prend également note du projet de loi no 3370/2008-DP du 6 juillet 2009 concernant la consultation, présenté par le défenseur du peuple devant le congrès. La commission insiste sur la nécessité de faire participer et de consulter les peuples indigènes et tribaux avant l’adoption de mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter directement, notamment concernant l’élaboration de dispositions sur les processus de consultations et la nécessité de faire refléter, en particulier dans la réglementation sur les consultations, les points prévus par les articles 6, 7, 15 et 17, paragraphe 2, de la convention. Elle se réfère également à ses commentaires précédents sur la nécessité d’adopter une approche coordonnée et systématique. La commission prie instamment le gouvernement de mettre en place, avec la participation des peuples intéressés, les mécanismes de participation et de consultation prévus par la convention. Elle demande aussi au gouvernement de communiquer des informations sur la façon dont sont garanties la participation et la consultation des peuples susmentionnés dans l’élaboration de la réglementation concernant les consultations. La commission demande au gouvernement de l’informer sur tout progrès réalisé à cet égard. Rappelant que la Commission de la Conférence s’est félicitée de la demande d’assistance technique du gouvernement, la commission l’encourage à avancer dans ce sens.

Articles 2, 6, 7, 15 et 33.  Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note des communications reçues, faisant état de situations de conflits nombreuses et graves imputables à une intensification radicale de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes, sans participation ni consultation de ceux-ci. La commission note que, dans sa communication de 2009, la CGTP se réfère à l’indication du défenseur du peuple selon laquelle les conflits sociaux environnementaux dans le pays sont en augmentation, ceux-ci étant concentrés dans les zones indigènes et étant liés à l’accès et au contrôle des ressources naturelles. La CGTP affirme que l’Etat péruvien maintient une logique d’imposition verticale de ses projets sur les territoires amazoniens et andins. Elle indique que les politiques de développement ne prévoient pas les garanties appropriées pour protéger l’environnement des peuples indigènes, et que le ministère de l’Environnement n’a pas la compétence d’intervenir dans les secteurs énergétiques et miniers. Elle se réfère à la décision du Tribunal constitutionnel (no 03343-2007-PA-TC), sur la procédure entamée par le gouvernement régional de San Martín qui oppose différentes entreprises et le ministère de l’Energie et des Mines à propos d’activités liées aux hydrocarbures dans une zone de conservation régionale. Cette décision réaffirme le droit des peuples indigènes à être consultés avant le lancement de tout projet pouvant les affecter directement, conformément aux dispositions de la convention et fait également référence à l’article 2, paragraphe 19, de la Constitution qui impose à l’Etat de protéger la pluralité ethnique et culturelle de la nation (paragr. 28). La CGTP se réfère également à différents cas emblématiques concernant des activités d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles affectant les peuples indigènes, comme le peuple indigène cacataibo vivant volontairement en isolement, les peuples ayjun et wampís et la communauté de la province de Chumbivilcas.

La commission prend note, d’après les indications du gouvernement, que l’Etat péruvien entend la consultation au sens du «processus permettant d’échanger des points de vue», et qu’il a organisé une série d’ateliers de socialisation. La commission note également que le gouvernement se réfère au décret no 012-2008-MEM (règlement de participation citoyenne aux activités concernant les hydrocarbures) selon lequel la finalité de la consultation est de «parvenir à une meilleure compréhension de la portée du projet et de ses bénéfices», cette expression étant beaucoup plus limitée que ce que prévoit la convention.

La commission souligne que l’article 6 de la convention dispose que les consultations doivent être menées en vue de parvenir à un accord ou d’obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées. Bien que l’article 6 de la convention n’impose pas de parvenir à un consensus lors du processus de consultation préalable, il impose en revanche, comme le souligne la commission dans son observation générale de 2008 sur la convention, que la forme et le contenu des procédures et mécanismes de consultation permettent la pleine expression des points de vue des peuples intéressés «afin de leur permettre d’influencer les résultats et de parvenir à un consensus». La commission rappelle que la convention prévoit l’ouverture d’un dialogue sincère entre les parties intéressées, en vue de rechercher des solutions concertées, et que le respect de cette disposition permettra aux consultations de jouer un rôle décisif dans la prévention et la résolution des conflits. De même, la commission souligne que de simples réunions d’information ou de socialisation ne satisfont pas aux conditions posées par la convention.

La commission considère que le décret suprême no 020-2008-EM, qui réglemente la participation des citoyens dans le sous-secteur minier, pose les mêmes limites. La commission note en outre que ce décret prévoit une participation des citoyens après conclusion de l’accord relatif aux concessions minières, et considère qu’il ne satisfait pas aux conditions posées par la convention. La commission prie instamment le gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec les articles 2, 6, 7 et 15 de la convention, en tenant compte du droit des peuples couverts par la convention de décider de leurs propres priorités et de participer aux plans et aux programmes de développement régional et national. Rappelant que la Commission de la Conférence s’est félicitée de la demande d’assistance technique du gouvernement, la commission l’encourage à avancer dans ce sens. Elle lui demande également de:

i)     suspendre les activités d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles qui affectent les peuples couverts par la convention, tant que ne seront pas garanties la participation et la consultation des peuples intéressés par l’intermédiaire de leur organisations représentatives, dans un climat de respect et de confiance mutuelle, en application des articles 6, 7 et 15 de la convention;

ii)    communiquer des informations plus détaillées sur les mesures prises, en coopération avec les peuples indigènes, pour protéger et préserver l’environnement des territoires qu’ils occupent, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de la convention, et notamment des informations sur la coordination entre l’organisme de contrôle des investissements dans le secteur énergétique et minier (OSINERGMIN) du ministère de l’Energie et des Mines et l’Organisme d’évaluation et de fiscalisation environnementale (OEFA) du ministère de l’Environnement; et

iii)   communiquer copie du décret suprême no 002-2009-MINAM, du 26 janvier 2009, qui réglemente la participation et la consultation des citoyens concernant des questions environnementales.

En ce qui concerne les bénéfices des activités d’extraction, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement sur le système des droits et des redevances miniers. La commission note également que, dans sa communication de 2009, la CGTP indique que ce système permet de redistribuer des bénéfices au sein de l’appareil de l’Etat et qu’aucun bénéfice ne parvient directement aux communautés touchées. La commission demande au gouvernement de communiquer des informations sur les mesures spécifiques prises pour garantir aux peuples intéressés la participation aux avantages émanant des activités d’exploitation des ressources naturelles sur les terres qu’ils occupent, et la perception d’une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de telles activités.

Article 14. Décret législatif no 994. La commission prend note des observations formulées par la CGTP dans une communication de 2009 concernant le décret législatif no 994 «qui promeut l’investissement privé dans des projets d’irrigation pour élargir le secteur agricole». La commission note, en particulier, que ce décret prévoit un régime spécial permettant de promouvoir l’investissement privé dans des projets d’irrigation de terres en friches pouvant être exploitées et appartenant à l’Etat. La commission note que, selon l’article 3 du décret, appartiennent à l’Etat toutes les terres en friches pouvant être exploitées, à l’exception des terres pour lesquelles il existe un titre de propriété privé ou communautaire inscrit dans les registres publics. La commission note avec préoccupation que cette disposition n’accorde pas aux peuples indigènes le droit de posséder les terres qu’ils occupent traditionnellement, lorsqu’ils ne disposent pas de titre de propriété officiel. La commission rappelle que, en vertu de la convention, les peuples indigènes ont un droit de propriété sur les terres qu’ils occupent traditionnellement, indépendamment de la reconnaissance ou non de ce droit, et qu’en conséquence l’article 14 de la convention protège non seulement les terres pour lesquelles les peuples intéressés ont un titre de propriété, mais aussi celles qu’ils occupent traditionnellement. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour déterminer les terres occupées traditionnellement par les peuples intéressés et garantir la protection effective des droits de propriété et de possession de ces peuples, notamment par le biais de l’accès à des procédures adéquates leur permettant de faire valoir les revendications relativement à ces terres. Prière de communiquer également des informations sur les mesures prises à cet égard.

Article 31. Mesures éducatives. Dans ses commentaires précédents, la commission avait exprimé sa préoccupation face aux déclarations pouvant comporter des préjugés ou étant inexactes concernant les peuples indigènes. La commission exprime la même préoccupation concernant les indications de la CGTP contenues dans sa communication de 2009, selon lesquelles on constate toujours une attitude discriminatoire et agressive à l’égard des peuples indigènes de la part de l’autorité publique. La commission prie instamment le gouvernement d’adopter des mesures urgentes à caractère éducatif dans tous les secteurs de la communauté nationale, afin d’éliminer les préjugés pouvant exister à l’égard des peuples couverts par la convention, en application de son article 31.

La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2010.]

Demande directe (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

La commission prend note d’une communication de la Confédération générale du Pérou (CGTP) relative à l’application de la présente convention par ce pays, contenant le «rapport alternatif 2008» sur l’application de la convention au Pérou, reçue le 5 août 2008 et transmise au gouvernement le 1er septembre 2008. Le rapport en question a été élaboré avec la participation de l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Confédération nationale agraire (CNA) et la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI), l’Association régionale des peuples indigènes de la forêt centrale (ARPI), l’Organisation régionale AIDESEP Ucayali (ORAU) et des organisations non gouvernementales qui font partie du Groupe de travail des peuples indigènes de la coordination nationale des droits de l’homme. En outre, dans son observation de 2007, la commission avait pris note d’une autre communication de la CGTP, qui a été, elle aussi, transmise en temps utile au gouvernement. Ce dernier n’a pas fait tenir de commentaires sur ces diverses communications.

Article 31 de la convention. Peuples avec lesquels il n’y a eu aucun contact. La commission note que, selon la communication de la CGTP, le gouvernement s’est engagé dans une politique et un discours qui méconnaissent et désinforment l’opinion publique sur la nature des peuples indigènes, leurs droits et leurs revendications, en ridiculisant ces peuples. Cette communication inclut diverses citations du Président, notamment celle d’une déclaration selon laquelle «[…] et contre le pétrole, on a inventé le concept de l’indigène sauvage ‘non connecté’, c’est-à-dire inconnu mais dont on peut présumer l’existence […]». Cette même communication fait valoir que ce ne sont pas les organisations indigènes qui ont inventé le concept de population amazonienne non contactée mais que l’Etat péruvien lui-même en a reconnu l’existence et s’est engagé, dans divers instruments légaux qui sont cités, à défendre leurs droits. La commission se déclare préoccupée par les déclarations qui auraient pu donner lieu à des préjugés ou des inexactitudes en ce qui concerne les peuples indigènes. Elle rappelle que l’article 31 de la convention dispose que «des mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale (…), afin d’éliminer les préjugés qu’ils pourraient nourrir à l’égard [des peuples indigènes et tribaux]. A cette fin, des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d’histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés.» La commission demande au gouvernement d’appliquer pleinement cette disposition et de fournir des informations sur les mesures adoptées en la matière.

Point VIII du formulaire de rapport. La commission note que, selon la CGTP, le rapport alternatif a été élaboré avec la participation des organisations indigènes mentionnées, participation dont le point culminant a été les trois réunions qui se sont tenues à Lima les 30 juin, 21 juillet et 4 août 2008; que le ministère du Travail avait reçu une proposition de participation le 19 mai 2008 et avait été invité aux réunions de juillet et d’août mais n’y avait pas participé. Le gouvernement indique qu’il avait prévu d’organiser, la troisième semaine d’août 2008, un atelier de présentation du projet de rapport avec les organisations d’indigènes les plus représentatives, avec l’appui technique et financier de l’OIT, mais que cela n’a pas pu se faire pour des raisons indépendantes de sa volonté. Il précise que les raisons en question étaient des manifestations de protestation qui avaient lieu dans la région amazonienne, en relation avec les décrets relatifs aux terres et aussi au transfert de l’Institut national des peuples andin, amazonien et afro-péruvien (INDEPA) sous l’autorité d’un autre ministère. Notant que la perception que les diverses organisations peuvent avoir quant à l’application de la convention diverge radicalement par rapport à celle du gouvernement, la commission considère qu’il serait hautement profitable que le gouvernement consulte assez longtemps à l’avance les principales organisations indigènes en vue de l’établissement de son prochain rapport et elle prie le gouvernement de fournir des informations à ce sujet.

Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

La commission prend note d’une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) relative à l’application de cette convention dans ce pays et incluant le rapport alternatif 2008 sur l’application de la convention au Pérou, communication qui a été reçue le 5 août 2008 et qui a été transmise au gouvernement le 1er septembre 2008. Ce rapport alternatif a été établi avec la participation de l’Association interethnique du développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Confédération nationale agraire (CNA) et la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI), l’Association régionale des peuples indigènes de la forêt centrale (ARPI), l’Organisation régionale AIDESEP Ucayali (ORAU) et des organisations non gouvernementales qui font partie du Groupe de travail des peuples indigènes de la Coordination nationale des droits de l’homme. La commission a également pris note des deux communications du Syndicat général des commerçants en gros et au détail du centre commercial Grau Tacna (SIGECOMGT), du 17 septembre 2007, communiquées par le gouvernement le 27 septembre 2007, et de celle du 28 mars 2008, communiquée par le gouvernement le 2 mai 2008. Dans son observation de 2007, la commission avait pris note d’une autre communication de la CGTP et d’une communication du SIGECOMGT, transmises en temps opportun au gouvernement, qu’elle n’avait pas examinées suite aux difficultés évoquées par le gouvernement en raison du séisme qui a frappé le Pérou le 15 août 2007. Elle prend note du rapport du gouvernement reçu le 17 octobre 2008, dans lequel celui-ci déclare avoir reçu directement le 5 août dernier de la CGTP le rapport alternatif, mais ne fait pas de commentaires à ce sujet. En raison de cette réception tardive, la commission prendra en considération certains éléments qui portent sur des questions soulevées dans les communications et examinera le rapport de manière plus détaillée en 2009, en même temps que la réponse aux présents commentaires.

Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. Il est indiqué dans les communications susmentionnées que l’on utilise au Pérou plusieurs catégories pour se référer aux peuples indigènes, si bien que l’on ne sait pas clairement quels sont ceux auxquels la convention s’applique. Ainsi, la catégorie juridique des «peuples indigènes» n’est pas mentionnée dans la Constitution, et la notion juridique issue de la colonisation et admise par la Constitution et dans la plus grande partie de la législation est celle de la «communauté». Il existe dans le pays des communautés paysannes et des communautés aborigènes. Il y en a ainsi 6 000 à être enregistrées. Un certain nombre de lois utilisent les termes de «communautés aborigènes», «communautés paysannes» ou «peuples indigènes», de manière parallèle et parfois de manière différenciée; en outre, il existe une différence de degrés dans l’application de la convention, par exemple dans le cas des «communautés aborigènes», qui ont bénéficié d’une série de mesures volontaristes, tendant à mieux garantir leurs droits à la consultation, mais bien peu de progrès auraient été enregistrés par rapport à l’application de la convention en ce qui concerne les communautés paysannes de la côte et de la région montagneuse du pays.

La commission note que le gouvernement indique que le règlement d’application de la loi no 28.945 portant création de l’Institut national des peuples andins mentionne sous son article 2 les définitions qui correspondraient aux peuples andins, aux peuples de l’Amazone et aux peuples afro-péruviens. La commission note que, selon le gouvernement, les communautés paysannes et les communautés aborigènes bénéficient de la reconnaissance de leurs droits ethniques et culturels en tant que collectivités assimilées aux peuples indigènes, eu égard aux aspects sociaux, politiques et culturels. Cette phrase semble être positive, dans le sens où elle confirme de précédents rapports du gouvernement et commentaires de la commission tendant à ce que les communautés indigènes soient couvertes par la convention quelle que soit leur dénomination. Il semble cependant qu’il y ait des différences dans l’application des dispositions de la convention, particulièrement quant à leur portée. La commission considère que, dans la mesure où les communautés paysannes satisfont aux conditions posées par l’article 1, paragraphe 1, de la convention, elles doivent jouir de la protection intégrale de la convention, sans considération des différences ou similitudes qu’elles peuvent avoir avec d’autres communautés, ou encore de leur dénomination.

La commission se réfère à cette question depuis un certain nombre d’années. Dans une demande directe de 1998, «elle [s’était permise de] suggérer au gouvernement d’appliquer un critère homogène aux populations susceptibles d’être couvertes par la convention, étant donné que les différents termes et définitions employés peuvent prêter à confusion entre les différentes populations: paysannes, indigènes, ‘natives’, montagnardes, forestières ou de la lisière de la forêt». D’après les communications reçues, plusieurs gradations seraient faites dans l’application de la convention, en fonction de la dénomination de la communauté concernée. De plus, la terminologie utilisée dans les différentes lois génère une confusion et la dénomination ou les caractéristiques respectives des peuples n’entrent pas en considération quant à l’application de la convention à leur égard, dès lors que ceux-ci répondent aux critères fixés à l’article 1, paragraphe 1, de la convention. La commission répète que le concept de peuple est plus large que celui de communauté qu’il englobe et que, quelle que soit la dénomination de chacun, aucune différence ne doit être faite entre eux quant aux effets de la convention, tant qu’il s’agit des communautés désignées comme «natives», «paysannes» ou autres qui répondent aux critères de l’article 1, paragraphe 1 a) ou b), de la convention, et les dispositions de la convention doivent leur être appliquées d’une manière égale pour tous. Cela ne veut pas dire que des actions différenciées ne peuvent pas être envisagées pour répondre aux nécessités spécifiques de certains groupes, comme les communautés non contactées ou qui vivent volontairement en isolement, par exemple. La commission signale une fois de plus à l’attention du gouvernement que la diversité des dénominations et des traitements dans la loi engendre la confusion et rend l’application de la convention plus difficile. En conséquence, la commission prie à nouveau le gouvernement d’établir, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes, un critère unifié d’appartenance aux peuples susceptibles d’être couverts par la convention, de manière à mettre fin à la confusion créée par la diversité des définitions et des termes, et de fournir des informations sur ce point. En outre, elle demande que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour garantir que tous les peuples qui rentrent dans la définition de l’article 1 de la convention soient couverts par toutes les dispositions de celle-ci et jouissent de manière égale entre eux des droits qui y sont garantis et de fournir des informations à cet égard.

Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique. La CGTP dénonce une inapplication flagrante et systématique de l’article 33 de la convention, en vertu duquel l’autorité gouvernementale doit s’assurer que des institutions ou autres mécanismes appropriés existent pour administrer les programmes affectant les peuples intéressés et qu’ils disposent des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions. La CGTP évoque à ce propos la création, en 2005, de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA), à travers la loi no 28.495, en tant qu’organisme participatif doté de l’autonomie administrative et budgétaire ayant pour principale mission de proposer des politiques nationales de promotion et de défense des peuples indigènes et afro-péruviens, de superviser ces politiques et de veiller à leur mise en œuvre. La CGTP déclare, à propos de cette institution que, si son conseil de direction comporte des représentants indigènes, la disparité de représentation en son sein favorise l’imposition des décisions de l’Etat; qu’en tout état de cause la grande majorité des décisions y sont prises sans la participation de ce conseil et, fondamentalement, l’INDEPA n’a pas de pouvoirs réels et constitue une structure intégrante du ministère de la Femme et du Développement social, au sein duquel sa mission se trouve dénaturée et sa participation étouffée. La CGTP préconise un renforcement de l’INDEPA. Comme elle l’a fait précédemment, la commission rappelle que les articles 2 et 33 de la convention sont complémentaires et que, pour une application correcte de l’article 2, en vertu duquel «il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité», les institutions ou autres mécanismes envisagés à l’article 33 étant indispensables à cette fin. La convention prévoit que l’application de ses dispositions doit s’effectuer de manière systématique et coordonnée, en coopération avec les peuples indigènes. Cela suppose un processus graduel de création d’organes et de mécanismes adéquats. La commission demande que le gouvernement entreprenne, avec la participation des peuples indigènes, et en consultation avec ceux-ci, de se doter des institutions et mécanismes prévus à l’article 33 de la convention, et veille à ce que ces institutions ou mécanismes disposent des moyens nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. Elle demande également que le gouvernement indique les mesures prises.

Articles 6 et 17. Consultation et législation. La commission prend note de l’adoption, le 19 mai 2008, du décret législatif no 1015, qui a pour effet de modifier le nombre des votants requis pour statuer sur l’aliénation d’un terrain communal. La CGTP indique que, devant une levée de protestations, cette norme a été modifiée le 28 juin 2008 avec le décret législatif no 1073, qui assouplit lui aussi les conditions d’aliénation d’un terrain communal. La CGTP ajoute qu’aucune consultation n’a précédé l’adoption de cette législation. La commission appelle l’attention du gouvernement sur l’article 6, paragraphe 1 a), de la convention, en vertu duquel les gouvernements s’obligent à consulter les peuples intéressés par des procédures appropriées et, en particulier, à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l’on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement et, par ailleurs, qu’en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la convention les peuples intéressés doivent être consultés lorsque l’on examine leur capacité d’aliéner leurs terres ou de transmettre d’une autre manière leurs droits sur ces terres, en dehors de leur communauté. La commission rappelle que le Conseil d’administration, abordant une question similaire en 1998 à propos de la loi no 26.845 (document GB273/14/4), a déclaré qu’«en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la convention chaque fois que les gouvernements envisagent d’adopter des mesures qui touchent à la capacité des peuples indigènes ou tribaux d’aliéner leurs terres ou de transmettre d’une autre manière leurs droits sur ces terres en dehors de leur communauté, ces peuples doivent être consultés préalablement. Dans le cas d’espèce, aucun élément n’indique que des consultations sur les conséquences de telles mesures d’aliénation ont eu lieu avec les peuples concernés, comme le prévoit pourtant la convention.» Ce même document rappelait au gouvernement l’obligation qui lui est faite sous cet article 17, paragraphe 2, de mener des consultations qui s’étendent aussi à la portée et aux implications des mesures envisagées. La commission exprime sa préoccupation en constatant que, dix ans après la publication de ce rapport du Conseil d’administration, des communications dénoncent l’absence de consultation préalable dans les circonstances prévues aux articles 6 et 17, paragraphe 2, de la convention. La commission prie instamment le gouvernement de s’engager immédiatement, avec la participation des peuples indigènes, dans la conception de mécanismes de consultation appropriés, et de consulter les peuples indigènes avant l’adoption de mesures dans les circonstances visées aux articles 6 et 17, paragraphe 2, de la convention, et le prie de fournir des informations à cet égard.

La commission note que, d’après le SIGECOMGT, le Congrès va être saisi des projets de lois nos 690 et 840, tendant à promouvoir l’investissement privé dans les territoires des peuples indigènes amazones, sans consultation aucune de ces peuples. La commission prie le gouvernement d’assurer que les peuples concernés soient consultés à propos de ces projets et elle le prie de fournir des informations sur les consultations ainsi menées.

Articles 2, 6, 7, 15 et 33. Participation, consultation et ressources naturelles. Les diverses communications font état de situations de conflits nombreuses et graves, décrites dans le détail, imputables à une intensification radicale de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes, sans participation ni consultation de ceux-ci. Les activités minières, qui occupaient 3 millions d’hectares en 1992, en occupaient 22 millions en 2000, ce qui affectait 3 326 des 5 818 communautés reconnues au Pérou. Parmi les diverses affaires qu’elles considèrent comme emblématiques, elles évoquent le projet minier Río Blanco. La CGTP déclare que, dans cette affaire, le débat de fond concerne le type de développement auquel la population aspire, et elle signale l’existence d’une proposition alternative faite par la région, intitulée «Vision pour un avenir commun et durable» que l’industrie minière n’a pas prise en considération et à laquelle le gouvernement n’accorde aucune attention. Des 75 millions d’hectares que couvre l’Amazonie péruvienne, plus des trois quarts sont couverts par des concessions d’exploitations d’hydrocarbures, occupant des territoires indigènes. Les diverses communications décrivent de manière détaillée les nombreuses affaires d’exploitation de ressources naturelles sans participation ni consultation des populations, et s’appuient sur un rapport du Défenseur du peuple de décembre 2006, intitulé «Los conflictos socioambientales por actividades extractivas en el Perú», qui alerte sur la gravité de la situation et signale que les peuples indigènes et paysans en sont les plus gravement affectés et, sans être opposés par principe à l’exploitation de ces ressources, voudraient avoir leur part de retombées bénéfiques.

La communication de la CGTP se réfère au décret no 012-2008-EM, portant règlement de la participation citoyenne aux activités concernant les hydrocarbures. La CGTP argue que ce décret procure une base légale aux activités de suivi promues par les entreprises, mais ne procure pas les mêmes bases pour un suivi communautaire, créant ainsi des conditions propices à la manipulation et à la cooptation. S’agissant des exploitations forestières, bien que la loi no 27308 protège de manière formelle les droits des peuples indigènes, il n’y a eu dans la pratique aucune mesure d’accompagnement technique ou économique, les contrôles ne sont pas effectifs et, en outre, les concessions d’exploitation sont prises sur des territoires communaux, comme en attestent 18 affaires dans la province d’Ucayali. Dans sa communication, le SIGECOMGT évoque de nombreuses affaires de violations présumées de la convention touchant à l’extraction de ressources naturelles, à la consultation et au droit foncier et aux graves conséquences de pollution du milieu, en particulier de l’eau, par les activités minières. Sont notamment évoquées, entre autres, les activités de l’entreprise Barrick Misquichilca, dans la province Huaraz de Ancash, et les activités de l’exploitation Newmont, dans le Tacna. En matière d’exploitation forestière, 53 000 hectares de la forêt de Loreto, qui est une forêt vierge, auraient été concédés, sans participation ni consultation des communautés indigènes concernées.

Le gouvernement n’apporte pas de réponse à ces commentaires, mais communique les informations suivantes: en mai 2008, il a adopté par voie de décret suprême no 020-2008-EM de la Direction générale des affaires sociales du ministère de l’Energie et des Mines, le règlement de participation citoyenne dans les activités minières qui, de son point de vue, donne effet aux articles 2, 7, 13, 15 et 33 de la convention et qui aurait été adopté avec une vaste participation citoyenne. En outre, les autres instruments suivants ont été adoptés dans ce sens: le décret suprême no 012-2008-EM, portant règlement de participation citoyenne dans le sous-secteur des hydrocarbures; le décret suprême no 015-2006-EM, portant règlement de protection de l’environnement pour le développement de l’exploitation des hydrocarbures; et le décret suprême no 020-2008-EM, portant règlement environnemental des activités d’exploitation minière. Le gouvernement ajoute que, depuis janvier 2008, le ministère de l’Energie et des Mines multiplie les réunions de dialogue, qu’il appelle «dialogue tripartite» entre le gouvernement, le secteur privé et les dirigeants indigènes dans les régions de Madre de Dios, Loreto et Ucayali, où des comités de coordination ont été formés. Le Programme national d’études hydrographiques de préservation des sols (PRONAMACHS) du ministère de l’Agriculture intègre la participation des populations comme élément central de sa stratégie.

La commission note que, d’après son rapport, le gouvernement a déployé un certain nombre d’efforts en matière de consultation et de participation. Cependant, elle ne peut que constater que les communications, établies avec une vaste participation indigène et qui incluent le rapport du Défenseur du peuple, font valoir que ces efforts sont ponctuels et isolés et ne répondent pas à la convention (réunions d’information et non de consultation, par exemple), et qu’il n’y a pas de participation ni de consultation pour répondre aux nombreuses situations de conflits posées par l’exploitation de ressources dans des terres occupées traditionnellement par les peuples indigènes. La commission se déclare préoccupée par les faits allégués et aussi par l’absence de commentaires à ce sujet de la part du gouvernement. La commission prie instamment le gouvernement d’adopter très rapidement, avec la participation des peuples indigènes et en consultation avec ceux-ci, les mesures nécessaires pour garantir: 1) la participation et la consultation des peuples indigènes d’une manière coordonnée et systématique, conformément aux articles 2, 6, 7, 15 et 33 de la convention; 2) l’identification des situations qui nécessitent des mesures spéciales d’urgence en rapport avec l’exploitation de ressources naturelles qui mettent en péril les personnes, les institutions, les biens, le travail, la culture et l’environnement des peuples intéressés, et que des mesures spéciales soient rapidement prises pour assurer leur sauvegarde. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur ces mesures, en même temps que ses propres commentaires sur les communications reçues.

La commission adresse par ailleurs une demande directe au gouvernement.

[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2009.]

Observation (CEACR) - adoptée 2007, publiée 97ème session CIT (2008)

1. La commission prend note du rapport alternatif de 2006 adressé par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) au sujet de l’application de la convention au Pérou. Ce rapport, reçu le 17 octobre 2006, a été adressé au gouvernement le 17 novembre 2006. Il a été élaboré avec la participation du groupe de travail sur les peuples indigènes de l’entité de coordination nationale des droits de l’homme et des organisations suivantes: Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), Confédération paysanne du Pérou (CCP), Confédération nationale agraire (CNA) et Coordination nationale des communautés touchées par les activités minières (CONACAMI). La commission prend aussi note d’une communication du Syndicat général des commerçants grossistes et de détail du centre commercial Grau Tacna (SIGECOMGT) reçue le 30 juillet 2007 et communiquée au gouvernement le 20 août 2007.

2. La commission note que le gouvernement a adressé une lettre en date du 20 août 2007 dans laquelle il indique que les séismes qui ont eu lieu au Pérou le 15 août 2007 ont endommagé gravement les installations du siège central du ministère du Travail et paralysé ses activités, ce qui l’empêche de répondre comme il convient aux demandes de la commission. La commission comprend les raisons évoquées par le gouvernement et exprime sa solidarité envers les personnes affectées par cette catastrophe naturelle. Elle analysera en détail ses communications avec le prochain rapport du gouvernement et les commentaires que celui-ci jugera utiles de formuler.

3. La commission invite le gouvernement à fournir des informations détaillées sur les points suivants:

a)    Article 1 de la convention. Peuples protégés par la convention. Prière d’indiquer les mesures prises, y compris les mesures législatives, pour que tous les peuples visés à l’article 1 de la convention soient couverts par la convention, quelle que soit leur dénomination, en prenant en compte le fait que la notion de peuples indigènes contenue dans la convention est plus ample que celle de communauté, et qu’elle englobe cette notion.

b)    Articles 13, paragraphe 2, et 15. Consultation et ressources naturelles. Prière d’indiquer les mesures prises en consultation avec les peuples indigènes et avec leur participation, en particulier par le biais de leurs institutions représentatives, pour établir ou maintenir des procédures appropriées de consultation des peuples indigènes afin de déterminer si leurs intérêts sont menacés, et dans quelle mesure ils le sont, avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation de ressources naturelles, dans le cas de ressources du sous-sol qui est propriété de l’Etat ou d’autres ressources sur lesquelles l’Etat a des droits, et qui se trouvent sur les terres et territoires définis à l’article 13, paragraphe 2, de la convention.

c)     Articles 2, 7 et 33. Action coordonnée et systématique avec la participation des peuples indigènes. Prière d’indiquer les mesures prises pour institutionnaliser de plus en plus la participation indigène aux politiques publiques qui les concernent, conformément aux dispositions des articles 2, 7 et 33 de la convention. La commission demande aussi au gouvernement de la tenir informée sur les progrès accomplis.

4. La commission demande au gouvernement de communiquer les informations requises avec son prochain rapport, ainsi que les informations qu’elle a demandées en 2005, qui portent en particulier sur l’application de l’article 14 de la convention (terres).

Demande directe (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

1. Article 1 de la convention. Identité et sentiment d’appartenance. La commission relève dans le rapport du gouvernement que la population du Pérou, estimée à environ 24 millions d’habitants, se compose en majorité de métis et que plus de 9 millions de Péruviens sont des indigènes, pour la plupart quechuas et aymaras, qui résident dans la région andine. En Amazonie péruvienne, soit sur 62 pour cent du territoire national, vivent 42 groupes ethnolinguistiques qui présentent des caractéristiques culturelles, économiques et politiques différentes du reste de la population nationale. Les populations indigènes ne sont pas uniquement constituées de communautés paysannes et autochtones mais aussi de colonies éloignées dont certaines vivent dans un isolement volontaire et d’autres entrent sporadiquement en contact avec le monde extérieur. Les langues officielles sont l’espagnol, le quechua parlé par plus de 3 millions de personnes et l’aymara parlé par 350 000 personnes. En Amazonie, on dénombre 40 langues appartenant à 16 familles linguistiques. Le rapport indique que le droit à leur identité propre de tous les peuples, qui ne se définissent pas clairement comme autochtones, indigènes ou membres d’un groupe linguistique déterminé et qui ne font pas partie des 1 265 communautés paysannes et autochtones inscrites dans les registres de l’Etat péruvien, est insuffisamment reconnu. A ce propos, la commission avait précédemment fait état des difficultés que posent les différentes définitions et termes utilisés pour identifier les peuples auxquels s’appliquent les dispositions de la convention: populations paysannes, indigènes, autochtones, montagnarde, forestière ou de lisière de forêts. La commission se permet de suggérer à nouveau au gouvernement de dégager quelques critères fondamentaux communs à toutes les populations auxquelles pourrait s’appliquer la convention, en indiquant par exemple les critères utilisés lors du dernier recensement, et le prie de lui indiquer la manière dont est appliqué le critère d’auto-identité établi au paragraphe 2 de cet article.

2. Articles 2 et 33.  Action coordonnée et systématique en vue d’appliquer les dispositions de la convention avec la participation des peuples indigènes. La commission prend note des différents programmes cités dans le rapport, comme ceux de la Commission des peuples andins, amazoniens et afropéruviens (CONAPA), le programme des communautés autochtones du Défenseur du peuple, qui s’adresse aux communautés autochtones de l’Amazonie, et ceux du Service des zones naturelles protégées (IANP) de l’Institut national des ressources naturelles. Elle prend également note des activités d’autres institutions et notamment du ministère de l’Energie et des Mines. La commission fait observer que, conformément à l’article 2 de la convention, une action coordonnée et systématique menée avec la participation des peuples indigènes est fondamentale pour la bonne application de la convention et souhaiterait par conséquent recevoir des informations sur les mesures prises pour coordonner les programmes existants et associer les peuples indigènes à toutes les phases de leur réalisation, de la planification à l’évaluation. Indiquer, par exemple, si les peuples indigènes de la côte sont représentés au sein de la CONAPA et si cet organisme ou un autre est habilité à élaborer des propositions de portée générale et à en assurer la coordination.

3. Articles 6 et 7. Consultation et participation. La commission note que la procédure de consultation suppose que les organisations indigènes nationales, régionales et locales concernées par le thème traité soient préalablement recensées. Cette procédure est prévue dans le Règlement de la loi sur les zones naturelles protégées (ANP). La désignation d’une ANP garantit l’intangibilité de la zone et des droits coutumiers de la population qui l’habite. La commission note avec intérêt que les ANP invitent la population à faire partie du comité de gestion et que, si plusieurs ethnies sont concernées, toutes sont placées sur un pied d’égalité et bénéficient des services d’un traducteur. Dans le cas particulier des réserves communautaires, des modalités spéciales de participation sont en cours d’élaboration. Le gouvernement indique que l’inconvénient de cette manière de procéder tient aux frais élevés d’organisation qui sont nécessaires pour que la population générale et les peuples indigènes en particulier puissent participer en connaissance de cause. La commission prend note avec intérêt des efforts accomplis et, considérant que la consultation et la participation sont des mécanismes fondamentaux sur lesquels s’appuient les autres dispositions de la convention, elle espère que le gouvernement continuera à œuvrer pour élargir la procédure de consultation et de participation aux autres mesures administratives et législatives susceptibles de toucher directement les peuples indigènes. Elle serait reconnaissante au gouvernement de joindre à son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés, les résultats obtenus et les difficultés rencontrées dans ce contexte.

4. Article 11. Travail forcé. La commission prend note de la publication, établie en 2004, par le Programme sur la promotion de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui s’intitule: «Le travail forcé dans l’extraction du bois en Amazonie péruvienne». Selon cette publication, 33 000 personnes provenant majoritairement des divers groupes ethniques de l’Amazonie péruvienne sont soumises au travail forcé. L’étude signale également le recours au travail forcé dans de nouvelles zones des départements d’Ucayali et de Madre de Dios. Plusieurs communautés indigènes sont affectées en Ucayali, notamment celle de Murunahuas (Chitonahuas), Masco-Pirus, Cashinahuas, Shanarahuas, Amahuakas, Kulinas, Mastinahuas, Chaninahuas, Ashkaninkas, Cashibo-Catataibo, Isconahua, Shibipos, Paratari et Capirushari (Ashaninka), Tahuamanu et d’autres communautés isolées de la région d’Alto Purús, de même que dans la région de Madre de Dios, où le travail forcé affecte la province de Tahuamanu, de la rivière los Amigos à la rivière las Piedras. L’étude soutient que le besoin de développement des compagnies forestières a affecté les groupes isolés, ce qui a souvent généré des épidémies, causant l’extinction des natifs des régions touchées. D’après les sources citées dans ladite étude, 50 à 60 pour cent des Nahuas seraient décédés. Parmi les recommandations, l’on suggère l’élaboration d’un plan d’action visant l’éradication du travail forcé au Pérou. La commission poursuivra son examen de la situation relativement à l’application de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930; cependant, elle demande au gouvernement de la tenir informée sur le plan d’action adopté et sur ses résultats.

5. Articles 13 et 14. Droits fonciers. La commission note que 310 communautés paysannes sont inscrites chaque année au registre et que 1 772 attendent de l’être. Des négociations sont en cours à propos de l’attribution des titres de propriété à 139 communautés autochtones de la forêt, dont 85 pour cent ont demandé une extension de la superficie qui leur est actuellement reconnue. La commission note également que le projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT) a d’ores et déjà permis de régulariser les droits de propriété sur 1 700 000 parcelles, dont 700 000 ont été homologuées dans les registres fonciers. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait fait observer que l’article 11 de la loi no 26505 risquait d’inciter les populations indigènes des régions très pauvres ou riches en ressources minières ou en hydrocarbures à céder aux lois du marché et à renoncer à leurs terres ancestrales. Elle avait également fait observer que l’article 6 de cette loi, en vertu duquel les actions en justice sont régies par le Code de procédure civile, risquait de désavantager certaines communautés indigènes qui connaissent mal les procédures juridiques. La commission prie à nouveau le gouvernement de lui transmettre des informations plus précises sur le fonctionnement concret de la procédure d’attribution des titres fonciers, sur toutes les conditions juridiques à remplir et sur les éventuels frais de procédure. Elle souhaiterait également recevoir des informations sur les conditions requises pour que des communautés obtiennent la reconnaissance et l’inscription qui leur permettra de faire valoir leurs droits.

6. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait pris note du deuxième rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur les droits de l’homme au Pérou (OEA/Ser.L/V/II.106-Doc. 59 rev.) du 2 juin 2000 qui, à propos du PETT, décrivait les difficultés auxquelles se heurtaient les communautés indigènes pour faire valoir leurs droits sur leurs terres. La commission exprime à nouveau l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires, après consultation des peuples intéressés, pour déterminer et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui entravent la protection des droits énoncés à l’article 14 de la convention et que, dans son prochain rapport, il sera en mesure de faire état des progrès réalisés.

7. Dernier point concernant les droits fonciers: la commission renouvelle au gouvernement sa demande d’information sur l’application des recommandations figurant dans le rapport adopté par le Conseil d’administration lors de sa 273e session, tenue en novembre 1998, à propos d’une plainte déposée par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), alléguant que la loi no 26845 sur les titres fonciers des communautés paysannes de la côte permet de vendre des terres communautaires sans solliciter l’autorisation ni l’opinion des communautés indigènes concernées.

8. Article 15Ressources naturelles et consultation. D’une part, la commission relève dans le rapport que l’Etat a le droit souverain d’exploiter les ressources naturelles, y compris sur le territoire de communautés indigènes. D’autre part, elle prend note avec intérêt de l’annexe élaborée par le ministère de l’Energie et des Mines à propos de l’application de la convention. Cette annexe présente des exemples concrets qui permettent de mieux comprendre les activités de prospection et d’exploitation des ressources minières ainsi que les droits des communautés indigènes. En réalité, le paragraphe 2 de l’article 15 de la convention n’exclut pas les ressources naturelles qui appartiennent à l’Etat de l’application de la convention mais, tout en reconnaissant un tel droit à l’Etat, édicte les dispositions applicables en pareil cas. Dans ce contexte, elle note avec intérêt que la résolution ministérielle no 596-2002 EM/DM, de décembre 2002, fixe les modalités de participation des citoyens à l’approbation des études d’impact environnemental et prévoit notamment une consultation préalable. Pour ce qui est du secteur des hydrocarbures, elle prend note avec intérêt de certaines informations concernant le projet Camisea et en particulier le Fonds Camisea, alimenté par le gouvernement et les entreprises dans le but de favoriser le développement des peuples indigènes et des populations touchées par le projet. Elle prend note également de la proposition visant à indemniser les communautés autochtones pour les dommages dus aux activités pétrolières. La commission saurait gré au gouvernement de lui donner des informations précises sur le projet Camisea et de lui faire savoir dans quelle mesure la procédure de consultation prévue à l’article 15, paragraphe 2, est appliquée à la prospection et à l’exploitation d’hydrocarbures et d’autres ressources naturelles, en indiquant les progrès réalisés et les difficultés rencontrées.

9. La commission relève dans le rapport que, de janvier 1999 à novembre 2002, la Direction générale des hydrocarbures, la Direction générale de l’environnement, le Secrétariat technique des affaires indigènes, la Société nationale de l’exploitation pétrolière et de l’énergie ainsi que des organisations indigènes et autres ont participé à la rédaction d’un règlement sur la participation et la consultation des communautés indigènes, mais n’ont pu terminé ce travail en raison du retrait de l’Association interethnique pour la mise en valeur de la forêt péruvienne (AIDESEP) en novembre 2002. La commission considère que la mise en place d’une réglementation générale pour régir la consultation et la participation des peuples indigènes dans le domaine de l’exploitation pétrolière, pourrait contribuer à ce que la prospection et l’exploitation des hydrocarbures bénéficient à toutes les parties intéressées en renforçant le dialogue, le développement durable et intégré ainsi que la sécurité juridique et permettraient également de prévenir les conflits. La commission invite donc le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de l’élaboration du règlement susmentionné en consultation avec les peuples indigènes, elle rappelle que, s’il l’estime nécessaire,  il pourrait demander l’assistance technique du Bureau et lui demande de fournir des informations à ce sujet.

10. Article 20. Recrutement et conditions d’emploi. La commission note que, selon le rapport, il est possible d’analyser les caractéristiques de l’emploi des peuples indigènes au regard de la situation de la population rurale, dont ces peuples feraient partie. Elle note que la loi-cadre pour le développement économique du secteur rural, adoptée le 22 juillet 2004, a pour but de résoudre les problèmes de la pauvreté dans le secteur rural. Plus précisément, cette loi vise à améliorer la qualité de la vie en milieu rural ainsi que le respect de la diversité culturelle. Elle a donné lieu à la création du Système de soutien au secteur rural (SAS RURAL) qui sert à aiguiller et à encadrer la gestion des entreprises et des technologies et dont le comité directeur compte parmi ses membres un représentant des communautés paysannes et autochtones. La commission saurait gré au gouvernement de la tenir informée de l’impact de cette loi et du SAS RURAL sur l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations indigènes et de fournir des informations statistiques actualisées.

11. Inspection du travail. La commission souhaiterait également recevoir des informations détaillées sur les services de santé et de sécurité de l’inspection du travail, et notamment sur la participation de ces services aux inspections réalisées dans les zones rurales où travaillent un grand nombre d’indigènes. En outre, la commission prie le gouvernement de lui faire parvenir des statistiques indiquant le nombre d’inspections effectuées en milieu rural et en particulier de celles qui ont trait au travail des indigènes.

12. Articles 21 et 22. Formation professionnelle. La commission prie le gouvernement de lui faire savoir, au moyen d’informations détaillées, si les peuples indigènes ont accès et participent dans des conditions d’égalité aux programmes de formation professionnelle qui s’adressent à l’ensemble de la population, en indiquant toute mesure particulière prise en faveur de ces peuples. Elle le prie en outre d’indiquer si des programmes de formation professionnelle sont conçus et exécutés en collaboration avec les peuples indigènes concernés, de façon à tenir compte des besoins de formation particuliers de ces peuples.

13. Articles 24 et 25. Santé. La commission relève dans le rapport du gouvernement que les conditions de vie et de santé des peuples indigènes sont très inférieures à la moyenne nationale au point d’être extrêmement préoccupantes. C’est le Bureau général d’épidémiologie (OGE) qui est chargé d’évaluer l’état de santé de la population du pays et de chaque région. Pour pouvoir établir un diagnostic fiable de la situation des peuples indigènes de l’Amazonie, l’OGE a signé avec l’AIDESEP un accord de collaboration interinstitutionnelle, dans le cadre duquel ont été élaborées des procédures de consultation fondées sur une méthodologie interculturelle tenant compte du point de vue de ces peuples qui permettent d’obtenir des informations très utiles. La résolution ministérielle 192-2004/MINSA du 13 février a institué la Commission nationale pour la santé des populations indigènes de l’Amazonie, qui est chargée d’élaborer un vaste plan santé. Le ministère de la Santé a mis en place une série de stratégies sanitaires nationales comportant une stratégie pour la santé des peuples indigènes dont l’application est confiée au Centre national de santé interculturelle de l’Institut national de la santé. Les travaux réalisés en Amazonie ont été intégrés dans cette stratégie. La commission prie le gouvernement de continuer à lui donner des informations sur la stratégie relative à la santé des peuples indigènes ainsi que sur sa mise en pratique et sur les résultats obtenus y compris des informations statistiques actualisées.

14. Articles 26 à 31. Education et moyens de communication. La commission prend note des informations exhaustives fournies par le gouvernement et de la promulgation de la loi générale no 28044 sur l’éducation, qui institue l’enseignement indigène et l’enseignement interculturel bilingue, de la loi no 27818 sur l’enseignement interculturel bilingue et de la loi no 28106 sur la préservation et la diffusion des langues aborigènes. Elle prend note également de la création de la Direction nationale de l’enseignement interculturel bilingue et du Conseil consultatif national pour l’enseignement interculturel bilingue au sein desquels sont représentés les peuples indigènes. Le ministère de l’Education a signé des accords avec l’AIDESEP et le Conseil Aguaruna Huambisa, et a commencé à mettre en œuvre le Programme d’éducation dans les zones rurales (PEAR), dont l’un des volets a trait à la participation communautaire à des projets qui s’adressent aux peuples indigènes de la région andine et de l’Amazonie. La politique nationale en la matière prévoit que les professeurs doivent enseigner à lire et à écrire aux élèves indigènes dans leur propre langue et en espagnol comme deuxième langue. La commission prend également note des activités spécialement organisées par les médias pour promouvoir la pluralité et de l’organisation de rencontres entre des enfants indigènes et des enfants de la ville de Lima. La commission prie le gouvernement de continuer à lui donner des informations sur l’application de ces articles, ses résultats et des informations statistiques actualisées.

15. Article 32. Contacts et coopération à travers les frontières. La commission prie le gouvernement de lui donner des informations sur les mesures prises pour faciliter les contacts et la coopération entre peuples indigènes et tribaux à travers les frontières, y compris dans les domaines économique, social, culturel, spirituel et de l’environnement, en particulier dans l’Amazonie.

16. Partie VIII du formulaire de rapport. La commission rappelle que sous ce point du formulaire de rapport de la convention, approuvé par le Conseil d’administration, il est dit que, même si ce n’est pas obligatoire, le gouvernement pourrait juger utile de consulter les organisations des peuples indigènes et tribaux du pays par le truchement de leurs institutions traditionnelles, lorsqu’elles existent, au sujet des mesures prises pour donner effet à la présente convention et dans le cadre de l’élaboration des rapports sur son application. La commission saurait gré au gouvernement de lui indiquer si de telles consultations ont eu lieu ou s’il prévoit d’entreprendre de telles consultations dans le futur.

Observation (CEACR) - adoptée 2005, publiée 95ème session CIT (2006)

1. Articles 2 et 33 de la convention. Action coordonnée et systématique en vue d’appliquer les dispositions de la convention avec la participation des peuples indigènes. La commission prend note de la création en 2001, par le décret suprême no 111-2001-PCM, de la Commission des peuples andins, amazoniens et afropéruviens (CONAPA) qui relève de la présidence du Conseil des ministres et qui a pour mandat d’approuver, de programmer, de promouvoir, de coordonner, de diriger, de superviser et d’évaluer les politiques, programmes et projets concernant les populations en question. Elle note avec intérêt qu’en 2003 la CONAPA a organisé, avec l’aide de la coopération internationale, une vingtaine de rencontres et ateliers sur les questions de l’identité, de la consultation, de la participation, du développement durable et du renforcement des organisations indigènes. La commission considère que la participation des peuples indigènes aux politiques qui les concernent est fondamentale pour la bonne application des dispositions de la convention. Elle saurait gré au gouvernement de lui faire parvenir des informations sur la manière dont les différentes organisations indigènes seront représentées au sein de la CONAPA, sur leur participation et sur les activités réalisées par cette commission. Notant également que la CONAPA a proposé une réforme de la Constitution du Pérou visant à y insérer un nouveau chapitre sur les droits des peuples indigènes et des populations afropéruviennes, la commission prie le gouvernement de lui faire parvenir une copie de cette proposition et de la tenir informée de tout fait nouveau à ce sujet.

Communauté de Santo Domingo de Olmos

2. Article 14. Depuis l’année 2000, la commission se réfère à une communication de la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) selon laquelle, par le décret suprême no 017-99-AG, le gouvernement a exproprié, sans la dédommager, la communauté indigène de Santo Domingo de Olmos de 111 656 hectares de ses terres ancestrales au profit d’investisseurs privés qui doivent y réaliser un projet hydroélectrique. Le gouvernement avait indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une expropriation et que le droit de propriété des tiers avait été préservé.

3. Dans son observation de 2002, la commission avait examiné dans le détail la législation qui définit le régime juridique des terres agricoles, et notamment la loi no 26505 du 17 juillet 1995 sur l’investissement privé dans les activités économiques menées sur le territoire national et sur les terres des communautés paysannes et indigènes et son règlement. Elle avait noté que l’article 4 du décret contesté déclarait en friche («eriazas») 111 656 hectares sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux, et que l’article 5 disposait que cette superficie devait être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial d’irrigation et de production hydroélectrique. Elle avait fait observer que, même si, comme l’indiquait le gouvernement, la procédure d’expropriation n’avait pas été poursuivie, des terres sur lesquelles une communauté indigène revendique des droits ancestraux avaient été annexées au domaine de l’Etat et concédées à des particuliers. Elle avait pris note à ce propos de quatre résolutions démontrant l’existence de l’occupation traditionnelle et de la volonté de la communauté de Olmos de ne pas renoncer à ses droits. En outre, elle s’était déclarée préoccupée par le fait que, selon la CUT, ces 111 656 hectares revêtent une importance stratégique pour les populations concernées et qu’une grande partie de la superficie restante est constituée de collines et présente un problème d’eau, et elle avait rappelé qu’elle avait fait observer dès 1998 que la loi no 26505 était de nature à favoriser la dispersion des terres des communautés indigènes.

4. La commission avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que ce qu’il décrit comme une incorporation au domaine de l’Etat constitue en réalité, dans la mesure où il y a eu occupation traditionnelle, une négation des droits de propriété et de possession établis aux articles 13 à 15 de la convention, quel que soit le procédé utilisé. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, conformément au paragraphe 2 de l’article 14 de la convention, pour déterminer, en consultation avec les peuples intéressés comme le stipule l’article 6 de la convention, les terres traditionnellement occupées par ces peuples, et elle l’avait invité à prendre les mesures adéquates pour garantir la protection effective de leurs droits.

5. Dans son rapport de 2004, le gouvernement répète qu’en vertu de la loi no 26505 et de son règlement les terres en friche qui sont cultivables ou adaptées à l’élevage font partie du domaine de l’Etat et que le droit de propriété des tiers est préservé. Il ajoute que, si la propriété de la communauté paysanne de Santo Domingo de Olmos sur les terres en question était attestée, il serait possible de déclencher une procédure d’expropriation en vertu de la loi générale d’expropriation no 27117, mais que, ce moyen n’ayant pas été utilisé, il est erroné de parler d’expropriation. Il indique, d’une part, que l’article 89 de la Constitution du Pérou reconnaît l’existence légale des communautés paysannes et indigènes, leur confère la personnalité juridique et déclare la propriété de leurs terres imprescriptible et, d’autre part, qu’il existe dans la législation nationale des mécanismes qui peuvent être activés pour faire valoir le droit de propriété. Il signale par ailleurs qu’en 2001 la Cour constitutionnelle a entériné la décision du tribunal qui avait déclaré irrecevable l’action en amparo intentée par la communauté car celle-ci n’était pas inscrite au registre public ou n’avait pas produit le certificat d’inscription. Il ajoute que, selon les dernières informations communiquées par le gouvernement, même si la communauté de Olmos jouit officiellement de la personnalité juridique, elle n’a pas de représentation légitime sur le plan juridique, condition indispensable pour obtenir la régularisation de ses terres auprès de l’organisme compétent, à savoir la Direction des affaires agraires du gouvernement régional de Lambayeque, et qu’il incombe par conséquent à cette communauté de régler la question de sa représentation juridique.

6. Article 14, paragraphe 3. Procédures adéquates pour trancher les revendications relatives à des terres. La commission rappelle que, même si le décret contesté préserve le droit de propriété de tiers, la convention ne protège pas seulement le droit de propriété mais aussi l’occupation traditionnelle. Elle rappelle également qu’en vertu de la convention les gouvernements:

-         doivent en tant que de besoin prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession (article 14, paragraphe 2);

-         doivent instituer des procédures adéquates dans le cadre du système juridique national en vue de trancher les revendications relatives à des terres émanant des peuples intéressés (article 14, paragraphe 3).

La commission souligne que l’article 14 de la convention protège non seulement les terres pour lesquelles les populations intéressées détiennent déjà un titre de propriété mais aussi celles qu’elles occupent traditionnellement. Pour déterminer l’existence de l’occupation traditionnelle, il faut des procédures adéquates. La commission constate que, dans ce cas, l’affaire n’a pas été examinée sur le fond et que le tribunal a considéré irrecevable l’action en recours pour des questions de forme. La commission invite par conséquent le gouvernement à prendre les mesures adéquates, après consultation de la communauté concernée, pour déterminer et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui empêchent la communauté de Olmos de faire valoir effectivement sa revendication des terres qu’elle considère comme ancestrales afin qu’elle puisse intenter le recours prévu à l’article 14, paragraphe 3, de la convention et, le cas échéant, obtenir la protection effective de ses droits. La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement sera en mesure de faire état des progrès réalisés sur ce point.

La commission adresse une demande directe au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

La commission note que le rapport du gouvernement est arrivé pendant la session actuelle. Par conséquent, elle examinera ce rapport à sa prochaine session, en même temps que les réponses que le gouvernement aura éventuellement apportées à l’observation et à la demande directe établies en 2002.

Demande directe (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

1. La commission se réfère à son observation et prie le gouvernement de répondre, dans le rapport qu’il doit lui transmettre en 2003, aux commentaires formulés tant dans l’observation que dans la demande directe de 1998. En outre, elle note que dans son rapport de juillet 2001, le gouvernement n’indique pas qu’il a communiqué aux organisations d’employeurs et de travailleurs, comme le requièrent le paragraphe 2 de l’article 23 de la Constitution de l’OIT et la partie 7 du formulaire de rapport. Elle espère que le gouvernement transmettra une copie de son prochain rapport aux organisations susmentionnées.

2. Articles 6 et 15 de la convention. La commission avait demandé des informations sur l’application de cet article dans le cadre de l’affaire examinée. Elle note que, selon les indications transmises par le gouvernement, la commission des affaires indigènes, créée en vertu du décret suprême no 012-98-PROMUDEH, est un organe multisectoriel chargé de faciliter les relations entre les communautés indigènes et l’Etat, et que le règlement d’application de ce décret a été approuvé par le biais de la résolution ministérielle no 104-2001-PROMUDEH. La commission susmentionnée doit, entre autres attributions, veiller à l’harmonisation des politiques et des normes avec les initiatives et exigences des indigènes; elle doit aussi  déterminer les procédures de consultation que devront observer les divers services de l’Etat en ce qui concerne les mesures législatives et administratives qui pourraient avoir des conséquences pour les populations indigènes. La commission note que cette législation constitue un progrès, de nature à faciliter l’application de la convention. Elle note cependant que les informations requises en ce qui concerne l’application de ces articles de la convention dans le cas à l’étude n’ont pas été transmises.

3. La commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que le rattachement des terres en question au domaine de l’Etat ne le dispense pas de l’application de l’article 15 de la convention. Elle prie instamment le gouvernement de consulter la communauté de Olmos afin de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de cette communauté sont menacés par le projet, avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources que renferment ses terres, comme le stipule le paragraphe 2 de l’article 15 de la convention. De même, elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les peuples intéressés, et dans le cas présent la communauté de Olmos, participent, chaque fois que cela est possible, aux avantages découlant de telles activités et reçoivent une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de ces activités, conformément au paragraphe 2 de cet article. Prière de transmettre des informations sur les mesures prises à cette fin et sur les progrès réalisés.

4. La commission note qu’au chapitre X (Droits des communautés indigènes) du deuxième Rapport sur les droits de l’homme au Pérou de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (OEA/Ser.L/V/II.106-doc. 59 rev.) du 2 juin 2000, il est indiqué que: le projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT), alléguant des problèmes budgétaires ne délivre pas de titres de propriété aux communautés indigènes qui en font la demande, et que la priorité a été accordée à la régularisation de la propriété des petits agriculteurs et non des communautés paysannes et indigènes, et que les droits de propriété des peuples indigènes ont gravement pâti de la réforme agraire. Ce rapport indique également qu’environ 300 communautés ne sont pas reconnues et ne détiennent aucun titre de propriété, et qu’environ 3 431 communautés paysannes ne disposent d’aucun dossier sur leurs terres traditionnelles et ne peuvent donc faire inscrire leurs titres dans les registres publics. Ces informations correspondent à celles qu’a transmises le gouvernement à propos de la communauté de Olmos, selon lesquelles cette communauté n’étant pas inscrite en tant que personne juridique dans les registres publics, l’inscription de ses terres est impossible. La commission exprime sa préoccupation face aux difficultés auxquelles se heurtent les communautés indigènes pour faire valoir leurs droits de propriété sur leurs terres. Elle réaffirme les commentaires qu’elle avait formulés au paragraphe 14 de son observation de 1998, dans lesquels elle rappelait que les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection effective des droits de propriété et de possession de ces peuples, ou leur assurer une réelle possibilité de faire valoir leurs revendications sur la terre. La commission espère que le gouvernement prendra des mesures appropriées, en consultation avec les peuples intéressés comme le stipule la convention, pour déterminer et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui entravent la protection effective des droits susmentionnés et que, dans son prochain rapport, il sera en mesure de faire état des progrès réalisés.

Observation (CEACR) - adoptée 2002, publiée 91ème session CIT (2003)

1. La commission prend note du rapport transmis par le gouvernement en réponse à son observation de 2000 qui portait uniquement sur la communication envoyée le 3 août 1999 par une organisation de travailleurs, en vertu de l’article 23 de la Constitution, ainsi que du rapport envoyé par le gouvernement le 9 mai 2000, en réponse à la communication susmentionnée. La commission, rappelant que les commentaires formulés sur des questions d’une plus vaste portée dans son observation et sa demande directe de 1998 demeurent valables, saurait gré au gouvernement de répondre, dans son prochain rapport, qui est dû en 2003, non seulement à la présente observation mais également à ses commentaires de 1998.

2. Dans sa communication, la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) indiquait que, par le décret suprême no 017-99-AG du 3 juin 1999, le gouvernement a exproprié la communauté indigène de Santo Domingo de Olmos de 111 656 hectares des terres ancestrales, dans la province de Lambayeque, pour les attribuer à des investisseurs privés intéressés par un projet hydroélectrique. Selon la CUT, ni la communauté dans son ensemble ni ses membres n’ont été dédommagés de la confiscation de ces terres. La commission avait noté que, dans sa réponse à la communication de la CUT, le gouvernement indiquait que l’inclusion des 111 656 hectares dans le projet ne constituait pas une expropriation et que, si la propriété de la communauté sur ces terres était confirmée, cette communauté ne perdrait pas ses droits puisque l’article 5 du décret préserve le droit de propriété des tiers.

3. La commission note qu’en réponse à la question posée dans son observation de 2000 sur les mesures prises pour délimiter les terres ancestrales de la communauté, le gouvernement indique que le projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT), mis en place en vertu de la loi organique du ministère de l’Agriculture (décret-loi no 25 902) et régi par le décret suprême no 064-2000, encadre, au niveau national, la clarification sur les plans matériel et légal du statut des terres rurales expropriées et concédées aux fins de la réforme agraire, qui appartiennent à des particuliers, ainsi que des terres en friche («eriazas») qui sont à la libre disposition de l’Etat, en vue de leur transfert au secteur privé. Selon le rapport, la clarification du statut des biens ruraux consiste à régulariser, sur le plan légal, les terres rurales, les communautés paysannes et autochtones ainsi que les terres en friche, en établissant un cadastre rural au niveau national. Le gouvernement indique en outre que la communauté indigène de Santo Domingo de Olmos dispose de tous les éléments techniques nécessaires à son enregistrement et pourrait déjà faire enregistrer les 360 808 hectares qui ne sont pas contestés, mais qu’il manque un élément juridique, à savoir l’inscription de cette communauté dans les registres publics en tant que personne juridique.

4. Dans son rapport de 2001, le gouvernement réaffirme que cette affaire ne constitue pas une expropriation et que le droit de propriété de la communauté restera, sauf si la communauté en fait la preuve.

5. Afin d’examiner ces questions, la commission prend note de la législation qui réglemente le régime juridique des terres agricoles, à savoir: le Code civil, la loi no 26 505 du 17 juillet 1995, sur l’investissement privé dans les activités économiques menées sur le territoire national et sur les terres des communautés paysannes et indigènes et son règlement, approuvé par le décret no 011-97-AG du 12 juin 1997. Elle note que l’article 7 du règlement dispose que sont considérées comme terres en friche («eriazas») les terres cultivables ou adaptées à l’élevage qui ne sont pas exploitées en raison d’un manque ou d’un excès d’eau, et que l’article 9 dispose que lesdites «eriazas» cultivables ou adaptées à l’élevage font partie du domaine de l’Etat, à l’exception de celles pour lesquelles il existe des titres de propriété privée ou communale. La commission note également que le ministère de l’Agriculture tient le registre des terres en friche visées à l’article 7 et vérifie l’exécution des contrats d’adjudication de ces terres. En outre, le même décret (art. 4) déclare en friche («eriazas») 111 656 hectares sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux et dispose (art. 5) que cette superficie doit être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique. La commission note que, selon le gouvernement, la procédure d’expropriation n’a pas été poursuivie, mais fait observer que des terres sur lesquelles une communauté indigène revendique des droits ancestraux ont été incorporées au domaine de l’Etat et concédées à des particuliers sans qu’aucun dédommagement ne soit accordé.

6. La commission indique que le rattachement au domaine de l’Etat et la concession ultérieure au secteur privé de terres sur lesquelles les indigènes revendiquent des droits ancestraux posent des questions quant à la conformité de telles mesures avec les articles 13 et 14 de la convention. En conséquence, elle examinera la revendication des droits ancestraux de la communauté de Olmos sur les terres contestées à la lumière de ces articles de la convention.

7. La commission note que le paragraphe 1 de l’article 13 de la convention porte sur les terres que les peuples intéressés occupent ou utilisent d’une autre manière, tandis que le paragraphe 1 de l’article 14 stipule que «les droits de propriété et de possession sur les terres qu’ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés» et que le paragraphe 2 de ce même article dispose que les gouvernements doivent, en tant que de besoin, prendre des mesures pour identifier ces terres. Dans un commentaire de 1988 relatif à l’application de la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, la commission avait déjàétabli que l’occupation traditionnelle confère le droit sur la terre en vertu de la convention, que ce droit ait été reconnu ou non. En cherchant à déterminer si les terres contestées étaient auparavant occupées traditionnellement par des populations indigènes, la commission a constaté que la communauté paysanne de Olmos justifie de quatre résolutions de reconnaissance des terres, à savoir: résolution du 9 mai 1544, délivrée par Blasco Núñez de Vela, Vice-roi du Pérou; résolution du 22 avril 1550, délivrée par Pedro de la Gasca, président de la «Audiencia de los Reyes»; résolution du 13 avril 1578, délivrée par Francisco Toledo, Vice-roi du Pérou; et résolution suprême no 086 du 4 août 1931, délivrée par le ministère des Travaux publics, qui reconnaît les communautés paysannes de Olmos comme populations indigènes. Les trois premières résolutions attestent des droits de la communauté sur les terres et ont été enregistrées par-devant notaire en 1847, en 1948 et en 1974. La commission n’entrera pas en matière sur la validité juridique de ces résolutions en tant que titres de propriété, mais en prend note dans la mesure où elles démontrent l’existence de l’occupation traditionnelle et de la volonté de la communauté de Olmos de ne pas renoncer à ses droits sur les terres en question puisqu’elle a tenté de les faire reconnaître tout au long des siècles. De plus, la commission prend note de la plainte déposée le 24 juillet 1999 par le président de la communauté paysanne de Olmos, que lui a transmise la CUT.

8. Sur la base de l’ensemble des informations dont elle dispose, la commission note qu’il y a eu occupation traditionnelle, même s’il n’est pas possible de déterminer si cette occupation porte sur toute la superficie des terres contestées. Elle fait observer que, selon la carte transmise par la CUT, ces terres seraient situées au centre de terres traditionnellement occupées par la communauté de Olmos et note avec préoccupation que, selon la CUT, ces 111 656 hectares revêtent une importance stratégique pour les communautés et qu’une grande partie de la superficie restante est constituée de collines et présente un problème d’eau. La commission rappelle que la convention était déjà en vigueur en 1999, lors de la promulgation du décret susmentionné et que, dans son observation de 1998 (paragraphes 14 et 15), elle avait déjà exprimé l’inquiétude que la loi no 26 505 favorise la dispersion des terres communales.

9. En conséquence, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que ce qu’il décrit comme une incorporation au domaine de l’Etat constitue en réalité, dans la mesure où il y a eu occupation traditionnelle, une négation des droits de propriété et de possession établis aux articles 13 et 15 de la convention, quel que soit le procédé utilisé. La commission note que la communauté indigène de Olmos demande que ses terres finissent par lui être restituées, même dans un avenir lointain. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, conformément au paragraphe 2 de l’article 14 de la convention, pour déterminer, en consultation avec les peuples intéressés comme le stipule l’article 6 de la convention, les terres traditionnellement occupées par les peuples concernés et espère que, une fois ces terres délimitées, il prendra les mesures adéquates pour garantir, comme le stipule le paragraphe 2 de l’article 14 de la convention, la protection effective des droits de propriété et de possession des peuples intéressés, y compris, le cas échéant, sur les 111 656 hectares en question.

10. D’une manière plus générale, la commission craint que la loi no 26 505, son règlement d’application et la législation connexe ne portent atteinte aux droits des peuples indigènes sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour empêcher le rattachement des terres occupées traditionnellement par les indigènes au domaine public et veiller à ce que les titres fonciers correspondants soient rapidement délivrés. La commission espère que le gouvernement lui transmettra dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises et les progrès réalisés.

La commission adresse une demande directe au gouvernement.

Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

1. La commission indique que le présent commentaire porte uniquement sur les observations formulées par une organisation de travailleurs en vertu de l’article 23 de la Constitution, et non sur l’application générale de la convention. Les questions plus larges qui font l’objet de l’observation et de la demande directe de 1998 demeurent valables, et la commission rappelle au gouvernement qu’il est prié d’y répondre dans son prochain rapport, conformément à l’article 22 de la Constitution.

2. La commission prend note de la communication datée du 3 août 2000, dans laquelle la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) allègue l’inexécution de la convention par le gouvernement. La commission prend également note de la réponse du gouvernement, datée du 9 mai 2000, aux commentaires de la CUT.

3. La CUT indique que, par le décret suprême no017-99-AG du 3 juin 1999, le gouvernement péruvien a exproprié 111 656 hectares des terres ancestrales de la communauté paysanne Santo Domingo de Olmos (ci-après dénommée «la communauté»), qui est une communauté indigène du département et de la province de Lambayeque. Elle signale que cette communauté se compose de 18 000 membres et qu’elle a à sa tête une assemblée élue par 118 représentants.

4. La CUT déclare qu’à l’origine le gouvernement avait l’intention d’exproprier 46 000 hectares mais que, face à l’opposition des membres de la communauté, la Commission de promotion des investissements privés (COPRI) et le ministère de l’Agriculture décidèrent d’exproprier en tout 111 656 hectares. Selon la CUT, les terres expropriées seront concédées à des investisseurs étrangers qui souhaitent les utiliser pour la production d’hydroélectricité.

5. La commission prend note des dispositions contenues dans le décret suprême no017-99-AG ainsi que de la résolution no86 du 4 août 1931 qui reconnaît «la communauté des indigènes d’Olmos» et prévoit l’inscription de celle-ci au Registre officiel du Département des affaires indigènes du ministère du Développement. Elle note en outre que, selon les informations transmises par la CUT, ni la communauté dans son ensemble ni ses membres n’ont été dédommagés de la confiscation des terres en question.

6. La commission prend note de la réponse du gouvernement, datée du 9 mai 2000, à la communication de la CUT. Le gouvernement indique qu’en vertu de la loi no16101 d’avril 1966 l’exécution de travaux d’irrigation dans les plaines d’Olmos, dans le département de Lambayeque, a été déclarée nécessaire et d’utilité publique et que, par la suite, le projet d’irrigation d’Olmos a été déclaré«Projet spécial» par le décret suprême no907-74-AG de septembre 1974. C’est pourquoi, selon le gouvernement, ce projet a été inclus, en vertu de la loi no 26440, dans le processus de promotion des investissements privés, régi par le décret-loi no674. Le gouvernement indique qu’une superficie de 111 656 hectares de terres en friche a ensuite été localisée dans la zone du projet, ce qui a donné lieu à la promulgation, en juin 1999, du décret suprême no17-99-AG. Selon ce décret, «l’étude du Projet spécial d’irrigation d’Olmos est actuellement dans sa phase finale … elle prévoit, outre les travaux d’irrigation, des systèmes d’énergie hydroélectrique consistant à détourner les eaux du bassin de l’Atlantique vers le bassin du Pacifique, à les recueillir et à les utiliser pour la production d’énergie et l’arrosage des vallées environnantes». L’article 1 du décret remplace la dénomination antérieure du projet par celle de Projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique d’Olmos. L’article 2 du décret stipule que les plans et la description de la zone sur laquelle sera déployé le projet, y compris les 111 656 hectares en question, sont approuvés. L’article 5 dispose que la direction du Projet spécial Olmos-Tinajones inscrira les terres sous référence dans les registres publics correspondants comme étant à la disposition du Projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique d’Olmos sans préjudice du droit de propriété de tiers.

7. Le gouvernement indique que l’article 70 de la Constitution du Pérou consacre le droit de propriété et que, conformément à cet article, «personne ne peut être privé de sa propriété sauf et exclusivement pour des raisons de sécurité nationale et d’intérêt public proclamées par voie législative et contre le versement d’une indemnisation dûment évaluée comprenant le dédommagement d’un éventuel préjudice». Le gouvernement indique en outre que, si la propriété de la communauté sur les terres comprises dans le projet avait été confirmée, une procédure d’expropriation aurait pu être déclenchée. Il précise toutefois que tel n’a pas été le cas et que l’utilisation des 111 656 hectares aux fins du projet ne constitue pas une expropriation. Il ajoute que l’article 5 du décret préservant le droit de propriété des tiers, la communauté ne perdrait pas son droit de propriété sur ses terres même si celle-ci était confirmée.

8. La commission prie le gouvernement de lui transmettre des informations sur les mesures prises pour délimiter les terres ancestrales de la communauté, y compris les 111 656 hectares mentionnés dans le décret suprême no17-99-AG, et de lui faire parvenir des copies de tout titre de propriété concernant les terres susmentionnées. Elle demande également au gouvernement de lui indiquer toute modification de l’inscription de ces terres au cadastre, survenue dans le cadre du projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT). Enfin, elle demande au gouvernement de lui transmettre des informations sur toute démarche effectuée par la communauté ou l’un quelconque de ses membres pour faire valoir son titre de propriété sur les 111 656 hectares en question ou enregistrer un tel titre.

9. Articles 6 et 7 de la convention. La commission rappelle que, en appliquant les dispositions de la convention, le gouvernement doit consulter les peuples intéressés par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que sont envisagées des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. Ces peuples doivent participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans de développement national et régional susceptibles de les toucher directement. La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations sur les consultations qui ont eu lieu avec la communauté avant la promulgation du décret en question. Elle lui demande également des informations sur les mécanismes permettant la participation de la communauté aux plans de développement qui la concernent, y compris au projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique d’Olmos.

10. Article 15. La commission rappelle que les droits des peuples indigènes sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardés et que ces peuples doivent participer à l’utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources, ainsi qu’aux avantages découlant de tout programme de prospection ou d’exploitation de celles-ci. En conséquence, elle demande au gouvernement de l’informer de toute mesure prise ou envisagée pour garantir la participation de la communautéà l’utilisation, la gestion et la conservation des ressources qui se trouvent sur ses terres ainsi qu’aux avantages découlant du projet, et pour indemniser la communauté de tout préjudice causé par les activités envisagées dans le cadre du projet spécial.

Demande directe (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

1. La commission prend note du premier rapport détaillé du gouvernement et des conclusions adoptées par le Conseil d'administration, à sa 273e session, sur la réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution, et concernant l'application de certains articles de la convention. La commission prie le gouvernement de lui apporter un complément d'informations sur les points suivants.

2. Article 1 de la convention. La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations plus précises sur le nombre de personnes classées comme indigènes et de personnes classées comme paysans dans le cadre du recensement de 1993, étant donné qu'il ne ressort pas des textes disponibles qu'une distinction soit faite. D'autre part, le nombre de personnes appartenant aux communautés paysannes et "natives" semble plutôt bas par rapport au nombre d'habitants en général. La commission se permet de suggérer au gouvernement d'appliquer un critère homogène aux populations susceptibles d'être couvertes par la convention, étant donné que les différents termes et définitions employés peuvent prêter à confusion entre les différentes populations: paysannes, indigènes, "natives", montagnardes, forestières ou de lisière de forêt. La commission souhaite recevoir des informations précises concernant les critères pris en considération lors du recensement de 1993 pour déterminer l'origine indigène ou non des personnes recensées et si le critère d'"auto-identité" a été pris en compte pour déterminer les groupes couverts par la convention, comme requis au paragraphe 2 de cet article.

3. Article 2. La commission prie le gouvernement de fournir un complément d'informations sur les programmes destinés spécifiquement aux communautés indigènes et, le cas échéant, sur leur participation à l'élaboration de ces programmes.

4. La commission note que le gouvernement indique dans son premier rapport que l'Institut indigène péruvien (IIP) est l'organe central de coordination de l'action gouvernementale avec les peuples indigènes du pays. En observant que l'institut a cessé d'exister depuis que le rapport a été envoyé et que son personnel a été transféré à une "unité indigène" du ministère de la Promotion de la femme et du Développement humain, elle prie le gouvernement d'indiquer si l'unité indigène a repris toutes les fonctions de l'IIP et, dans la négative, quelle est l'instance gouvernementale qui mène actuellement une "action coordonnée et systématique", conformément à cet article.

5. En ce qui concerne la loi sur l'investissement privé dans le développement des activités économiques sur les terres du territoire national et sur les terres des communautés paysannes et indigènes, promulguée après la ratification de la convention, la commission prie le gouvernement d'indiquer si les communautés intéressées ont participé à son élaboration, comme le prévoit l'article 2. Elle souhaiterait en outre être informée des activités de l'Institut national du développement paysan (INDEC). De même, dans le cadre d'une demande directe de 1992, concernant la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, elle avait rappelé que le gouvernement proposait de mener une étude sur l'adoption éventuelle de mesures destinées à améliorer la situation des peuples indigènes dans des agglomérations de la périphérie des centres urbains. Le présent rapport ne contenant aucune nouvelle information concernant cette étude, la commission prie le gouvernement de fournir des indications sur toute nouvelle mesure prise à cet égard.

6. Article 3. La commission prie le gouvernement de fournir des informations concernant les droits des personnes qui, bien que se considérant indigènes, ne sont pas recensées en tant que telles parce qu'elles ne portent pas de nom d'origine indigène, de même que sur l'existence de mécanismes appropriés d'application de la législation dans les cas de plainte pour discrimination fondée sur l'origine ethnique.

7. Article 4. La commission souhaite recevoir de plus amples informations sur les programmes spécifiques destinés à résoudre les difficultés éventuellement rencontrées par les peuples indigènes dans le cadre de la transition économique et sociale.

8. Article 6. La commission rappelle que l'absence manifeste de consultations avait été l'une des bases des conclusions auxquelles le comité tripartite constitué par le Conseil d'administration était parvenu pour examiner la réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution. En conséquence, elle prie le gouvernement d'apporter des informations spécifiques sur la mise en oeuvre pratique des procédures de consultation des communautés indigènes, les moyens mis en place pour que ces consultations aient lieu, et si, tel est le cas, de préciser si elles sont menées de telle sorte que ces communautés puissent exprimer leur avis lorsque leurs intérêts sont en jeu. En outre, la commission prie le gouvernement d'indiquer si les fonctions de l'ancien Institut indigène péruvien consistant à promouvoir la participation des peuples indigènes à tous les stades de "la définition de leurs problèmes", de planifier leurs activités de développement et tout programme ayant une incidence sur leur sort ou dans lequel ils seraient englobés ont été transférées à l'Unité indigène du ministère de la Promotion de la femme et du Développement humain.

9. Article 7. La commission prie le gouvernement de lui faire parvenir des informations détaillées sur les activités de l'Unité indigène du ministère de la Promotion de la femme et du Développement humain, ayant remplacé l'Institut indigène péruvien, à propos des études menées ultérieurement sur l'incidence de certains programmes de développement sur la vie, l'environnement et la culture des peuples indigènes affectés, et en particulier les conséquences de l'installation d'exploitation d'hydrocarbures dans les régions traditionnellement occupées par les peuples indigènes.

10. Article 8. La commission prie le gouvernement de fournir des exemples concrets de l'application de cet article, et en particulier des décisions de justice dans le cadre desquelles les coutumes ou le droit coutumier des peuples indigènes auraient été pris en considération.

11. Article 9. La commission demande au gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur la situation pratique des rondes paysannes et leur rôle dans la répression des délits commis par des membres des communautés indigènes et sur l'application pratique de l'article 149 de la Constitution. Elle prie encore le gouvernement de communiquer copie de toutes décisions judiciaires en application de l'article 15 du Code pénal.

12. Article 12. La commission demande des informations sur les modalités selon lesquelles s'appliquent, dans la pratique, les dispositions constitutionnelles et la loi organique du pouvoir judiciaire concernant le droit de s'exprimer dans sa langue devant l'autorité judiciaire et de préciser si chaque tribunal compte des interprètes en titre ou si des crédits budgétaires sont prévus pour donner effet à cette disposition légale.

13. Article 14. La commission constate que l'article 11 de la loi no 26505 n'empêche aucunement que, dans les régions où la population est très pauvre et qui sont riches en ressources minières ou en hydrocarbures, les lois du marché incitent ces populations à céder leurs terres ancestrales, ce qui, à son avis, risque de favoriser la dispersion des terres communales. De même, l'article 6 de cette loi soumet toute action judiciaire portant sur des droits sur des terres à vocation agricole, ou destinées à l'élevage ou à la foresterie, à la procédure établie par le Code de procédure civile, ce qui peut constituer un désavantage pour les peuples indigènes dans les régions éloignées ou connaissant mal les procédures juridiques concernant leurs droits sur la terre.

14. La commission souhaite rappeler que la convention dispose que les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection effective des droits de propriété et de possession de ces peuples, ou leur assurer une réelle possibilité de faire valoir leurs revendications sur la terre. Cela signifie également que les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires pour identifier les terres traditionnellement occupées par ces peuples et garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession. La commission demande des informations plus détaillées sur le fonctionnement pratique du projet spécial d'attribution de titres fonciers et de cadastre rural, notamment sur les surfaces qui ont été attribuées à des peuples indigènes et à des personnes non indigènes, les frais de procédures, le coût en termes financiers de cette opération, les formalités à remplir pour obtenir ces titres et les textes légaux régissant ces procédures. La commission prie le gouvernement de communiquer copie du décret législatif no 838, du 15 août 1996, sur les attributions à titre gratuit dans la forêt en faveur d'indigènes et de non-indigènes.

15. Article 15. La commission rappelle que les dispositions de cet article doivent être lues conjointement avec celles des articles 6 et 7, qui concernent la tenue effective de consultations efficaces permettant aux peuples intéressés de prendre activement part aux décisions les concernant. En outre, il convient de prendre en considération l'impact social, spirituel, culturel et environnemental de toute activité déployée et de garantir que les peuples intéressés puissent participer efficacement aux décisions susceptibles de les affecter. A cet effet, la commission prie le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur les modalités de mise en oeuvre de cet article de la convention, particulièrement en ce qui concerne les consultations avec les peuples intéressés dans les cas de prospection et d'exploitation de ressources naturelles dans les régions indigènes. Elle demande également au gouvernement de fournir des informations détaillées sur l'impact environnemental et culturel des activités de prospection et d'exploitation, notamment sur les activités menées par des compagnies pétrolières multinationales dans les régions de l'Amazonie où se trouvent des populations isolées ou n'ayant pas de contact avec le monde extérieur. Elle souhaiterait également des informations sur la possibilité de promulguer des dispositions légales établissant clairement les procédures de consultation garantissant la participation effective des peuples intéressés. Elle demande encore des informations sur les conclusions de l'étude générale réalisée à la demande de la Défense du Peuple en septembre 1998, à la suite d'une plainte du Centre pour le développement des indigènes d'Amazonie (CEDIA) contre l'Institut national de ressources naturelles (INRENA), portant sur la situation des communautés indigènes établies dans les zones naturelles protégées. La commission souhaiterait recevoir le texte intégral de la loi no 26631 du 12 juin 1996 qui établit les règles d'instruction des plaintes pour infractions à la législation sur l'environnement.

16. Article 16. La commission souhaiterait obtenir des informations sur les dispositions applicables à l'expropriation des terres occupées par les différentes communautés indigènes du pays ou leur appartenant, et sur la manière dont cet article est appliqué dans la pratique, de même que l'existence éventuelle de programmes d'appui au retour des peuples indigènes en général, qui avaient été déplacés en raison de la violence ou pour raison étrangère à leur volonté et, le cas échéant, sur le nombre d'indigènes revenus sur leurs terres ancestrales et de ceux qui n'ont pu le faire. Elle le prie enfin d'indiquer s'il existe une protection prévoyant de leur rendre des terres de qualité égale et de statut juridique comparable à celles qu'ils occupaient auparavant.

17. Article 17. La commission renvoie à son observation au sujet de la réclamation qui a été examinée par le Conseil d'administration. Elle demande également au gouvernement de lui apporter des informations spécifiques sur l'application du décret no 838 de 1996, et sur la possibilité de promulguer des textes législatifs qui protègent les peuples indigènes de manière claire et efficace contre l'acquisition, la possession ou l'usage de leurs terres par des tiers.

18. Article 18. La commission prie le gouvernement de l'informer de toutes sanctions prises à l'égard de tiers ayant envahi ou occupé frauduleusement des territoires appartenant aux peuples indigènes et de la procédure prévue dans de tels cas.

19. Article 19. La commission prie le gouvernement de lui envoyer des informations sur tous programmes agraires concernant spécifiquement les peuples indigènes dans leur ensemble, tant dans les régions des Andes et de l'Amazonie que dans les régions côtières. Elle demande, en outre, de préciser si les moyens nécessaires ont été accordés à ces peuples pour le développement de leurs terres, après l'attribution ou la délivrance de titres fonciers.

20. Article 20. La commission prie le gouvernement d'indiquer les prestations médicales de la sécurité sociale auxquelles les travailleurs indigènes ont accès, et si ce sont les mêmes pour les travailleurs non indigènes; de l'informer des résultats des inspections du travail en précisant si ces inspections révèlent des différences marquantes de traitement et de salaire entre les travailleurs indigènes et non indigènes et, dans l'affirmative, dans quelle région ce type de discrimination est la plus fréquente.

21. La commission demande également des informations détaillées sur les services de santé et de sécurité de l'inspection du travail, en particulier pour pouvoir participer efficacement aux inspections dans les régions rurales où travaillent un grand nombre d'indigènes. D'autre part, la commission demande au gouvernement de lui envoyer des données statistiques sur le nombre d'inspections réalisées dans les régions rurales, en particulier les données qui se réfèrent directement au travail des indigènes. Voir à ce sujet l'observation de 1997 de la commission sur la convention no 81.

22. Article 21. La commission prie le gouvernement d'envoyer des informations détaillées sur l'accès des peuples indigènes à des conditions égales et sur leur participation aux programmes de formation professionnelle destinés à la population en général, ainsi que toutes mesures spécifiques prises au bénéfice de ces peuples.

23. Article 22. La commission prie instamment le gouvernement de mettre en place des programmes de formation professionnelle élaborés conjointement avec les peuples indigènes intéressés et tendant à ce que les nécessités spécifiques de formation de ces peuples soient prises en compte et afin que ceux-ci puissent, à un moment donné, gérer et élaborer eux-mêmes les programmes de formation destinés à leurs communautés et à d'autres communautés indigènes. A cet égard, le Bureau pourrait fournir initialement son concours sous la forme d'une assistance technique en matière de formation professionnelle.

24. Articles 23 à 25. La partie du rapport qui comprend ces articles n'est pas parvenue. La commission prie le gouvernement de lui envoyer des informations sur l'application de ces articles de la convention, tant par les textes législatifs que dans la pratique.

25. Articles 26 à 30. La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur les activités pratiques menées par le gouvernement pour donner effet à ces articles et sur le matériel pédagogique utilisé pour la formation du corps enseignant, ainsi que tout autre matériel utilisé pour faire connaître les droits et obligations des peuples indigènes.

26. Article 33. La commission prie le gouvernement d'indiquer par quel organisme il est actuellement donné effet à cet article de la convention, compte tenu de la disparition de l'Institut indigène, et en particulier quels sont les entités ou les organes gouvernementaux chargés de proposer des mesures législatives, ou encore toute autre autorité compétente.

27. Point VIII du formulaire de rapport. La commission souhaite rappeler au gouvernement que ce point du formulaire de rapport de la convention, approuvé par le Conseil d'administration, indique que, même si ce n'est pas indispensable, il est utile de consulter les organisations des peuples indigènes et tribaux du pays, à travers leurs institutions traditionnelles, lorsqu'elles existent, au sujet des mesures prises pour donner effet à la présente convention dans le cadre de l'élaboration des rapports sur son application. Comme ladite information n'a pas été apportée par le gouvernement dans son premier rapport, prière d'indiquer si de telles consultations ont eu lieu.

Observation (CEACR) - adoptée 1998, publiée 87ème session CIT (1999)

1. La commission prend note avec intérêt du premier rapport du gouvernement concernant l'application de la convention, qui fait l'objet d'un examen détaillé dans une demande directe adressée au gouvernement. Elle espère que le gouvernement fournira des informations complètes sur les questions qui y sont soulevées, compte tenu de la situation fort complexe des peuples indigènes au Pérou.

2. Article 11 de la convention. La commission renvoie également à son observation faite cette année sur la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, concernant des allégations de travail forcé imposé aux peuples indigènes du pays.

3. Droits sur la terre en vertu de la convention. La commission note que le Conseil d'administration a achevé d'examiner, à sa 273e session (novembre 1998), une réclamation soumise en vertu de l'article 24 de la Constitution au sujet de l'application de cette convention. Cette réclamation, émanant de la Confédération générale des travailleurs au Pérou (CGTP), a été soumise et examinée avant que la commission n'ait pu étudier le premier rapport du gouvernement faisant suite à la ratification de la convention.

4. Selon cette réclamation, en résumé, la loi no 26845 du 26 juillet 1997 sur les titres fonciers des communautés paysannes de la côte ("Ley de Titulación de las Tierras de las Comunidades Campesinas de la Costa") contreviendrait tant à la lettre et à l'esprit de la convention qu'à la Constitution du Pérou et à d'autres textes législatifs, en ce qu'elle autorise une partie des habitants de ces communautés rurales -- pour la plupart composées de peuples indigènes couverts par la convention -- à vendre à des personnes privées des terres qui sont en fait propriété de la communauté dans son ensemble. Cette situation violerait l'essence même de la convention et serait contraire à ses principes de base: respect de ces populations, garantie de leur droit de participer au processus de décision pour les questions les intéressant, nécessité de sauvegarder leur identité culturelle. Le gouvernement a répondu que cette législation ne fait que consacrer en droit une situation de fait, que ces terres sont déjà des parcelles individuelles, et que la propriété privée est le meilleur garant du développement économique de ces régions.

5. Le Conseil d'administration a conclu à l'existence d'une situation particulière dans le pays résultant des différentes manières dont les peuples couverts par la convention sont définis et des différents droits dont ils bénéficient les uns comparés aux autres. Il a rappelé que l'article 13 de la convention prévoit que "les gouvernements doivent respecter l'importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés la relation qu'ils entretiennent avec les terres ou les territoires, ... qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette relation". Il a rappelé également que l'article 17, paragraphe 2, de la convention énonce que ces peuples "doivent être consultés lorsque l'on examine leur capacité d'aliéner leurs terres ou de transmettre d'une autre manière leurs droits sur ces terres en dehors de leur communauté", et a constaté qu'aucun élément ne permettait de conclure que de telles consultations avaient eu lieu. Il a rappelé que l'expérience de l'OIT montre que, lorsque des terres gérées collectivement par des peuples indigènes et tribaux sont divisées et attribuées à des individus ou à des tiers, l'exercice des droits des communautés indigènes tend à s'affaiblir et, de manière générale, elles risquent de finir par perdre toutes leurs terres ou une grande partie d'entre elles. Le Conseil d'administration a conclu, alors qu'il ne lui appartient pas de déterminer quelle forme de propriété, collective ou individuelle, est la mieux adaptée aux populations indigènes ou tribales dans une situation donnée, que la Conférence avait décidé, lors de l'adoption de la convention, que la participation de ces peuples au processus de décision concernant le changement éventuel de cette forme de propriété revêt une importance particulière. Il a prié le gouvernement d'inclure dans son rapport à soumettre en vertu de l'article 22 de la Constitution des informations détaillées sur les mesures prises pour appliquer ces articles de la convention.

6. La commission fait siennes les conclusions et recommandations du Conseil d'administration (qui sont plus détaillées que la présente observation). Elle demande au gouvernement d'examiner les conclusions de cette réclamation et de fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur la mise en oeuvre des conclusions du Conseil d'administration.

7. Exploitation minière -- article 15. La commission croit comprendre qu'un nombre important d'autorisations pour la prospection et l'exploitation minières dans des régions occupées par des peuples indigènes ont été accordées ces dernières années. Prière de fournir des informations détaillées sur les consultations qui ont eu lieu avec ces peuples à ce sujet, la législation et les règles régissant ces consultations, les études effectuées concernant l'impact de cette prospection et de cette exploitation sur ces communautés, et les dispositions prises pour que les communautés intéressées participent à la gestion et aux bénéfices de ces activités, comme le requiert cet article.

Observation (CEACR) - adoptée 1997, publiée 86ème session CIT (1998)

1. La commission prend note que le premier rapport du gouvernement a été reçu. Elle prend note également que la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a présenté une réclamation en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT alléguant le non-respect de la convention par le gouvernement et que ladite réclamation a été jugée recevable par le Conseil d'administration lors de sa 270e session (novembre 1997).

2. Dans de telles circonstances, et compte tenu de la pratique habituelle, la commission suspend l'examen du premier rapport en attendant le résultat de la réclamation.

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