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Cas individuel (CAS) - Discussion : 2019, Publication : 108ème session CIT (2019)

 2019-URY-C098-Fr

Discussion par la commission

Représentant gouvernemental – Le gouvernement de l’Uruguay, très serein et très confiant, se présente à cette instance aux fins de l’analyse du cas no 2699. Avant toute chose, nous avons été ouverts au dialogue et à la négociation, nous le sommes et nous le serons, afin d’apporter les modifications adéquates, opportunes et raisonnables au système de négociation collective et de prévenir les conflits, conformément à notre réalité et à notre histoire, à la Constitution et à la législation de notre pays, ainsi qu’aux normes internationales, en réalisant les compromis nécessaires en vue d’accroître et d’améliorer la négociation collective et la prévention des conflits.

Nous résumerons notre présentation en sept points: en premier lieu, nous ferons quelques considérations générales sur la situation du pays; en deuxième lieu, nous présenterons l’historique de l’article 4 de la convention; en troisième lieu, nous parlerons de l’importance de la négociation historique dans le secteur privé; en quatrième lieu, nous nous pencherons en particulier sur la réalité de la loi uruguayenne remise en question (loi no 18566 de 2009); en cinquième lieu nous parlerons de la décentralisation de la négociation tripartite; en sixième lieu, nous évoquerons l’importance du tripartisme en Uruguay, comme c’est le cas à l’OIT; et, en septième lieu, nous parlerons de la prévention des conflits et des conditions relatives à la paix sociale.

S’agissant du premier point, qui porte sur notre pays, nous considérons que chaque thème qui fait l’objet d’une analyse doit être étudié dans le cadre du pays concerné par les activités et les thèmes à l’examen. L’Uruguay est un pays qui, selon des institutions diverses et compétentes, occupe la première position en Amérique latine en ce qui concerne les points suivants: démocratie, état de droit, prospérité, inclusion sociale, progrès social, qualité de vie, faible niveau de corruption, indice de développement des technologies, taux de pénétration du large bande fixe par habitant, débit moyen de connexion et administration électronique. Le pays est deuxième s’agissant de la liberté de presse en Amérique latine et troisième pour ce qui est de la liberté économique. Ces données concernent principalement 2017 et 2018. C’est dans ce contexte national que les relations professionnelles se développent.

Notre pays connaît une croissance économique continue depuis seize ans pour la première fois de son histoire et a surmonté notamment les crises internationales de 2008 et de 2009. Cette situation a aussi un lien avec la négociation collective. C’est un pays où il reste à l’évidence encore beaucoup à faire, mais qui affiche des indicateurs généraux qui favorisent le développement de la négociation collective et des relations professionnelles. L’Uruguay est le quatrième pays au monde à avoir ratifié le plus de conventions internationales de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et à les appliquer.

Pendant les quatorze ans de mandat de notre gouvernement – qui est le tout premier de ce type dans l’histoire du pays –, la négociation collective a été étendue à tous les travailleurs et à toutes les entreprises du secteur privé, y compris, pour la première fois, aux travailleurs ruraux et aux travailleurs domestiques ou de maison rémunérés. Les fonctionnaires sont aussi concernés (police, autorités locales, pouvoir judiciaire, pouvoir électoral et cours d’appel). Cela s’est traduit, pendant ces quatorze années, par une hausse significative du salaire nominal moyen de 55 pour cent au-dessus des prix, ainsi que par une augmentation des départs à la retraite et des pensions dans notre pays.

Cela a conduit en outre une augmentation notable de la formalisation: ces quatorze années, le nombre d’entreprises inscrites à la sécurité sociale a presque doublé, et le nombre de travailleurs inscrits à la sécurité sociale et cotisant a progressé de 60 pour cent.

Cette situation a entraîné une augmentation des recettes, qui a généré une hausse de la consommation, une baisse considérable de la pauvreté et la quasi-éradication de la pauvreté extrême ou de la misère. Nous sommes fiers de pouvoir affirmer que l’Uruguay contribue déjà aujourd’hui à la réalisation de certains des programmes de développement durable à l’horizon 2030 et met tout en œuvre pour atteindre d’autres objectifs.

Il ressort d’une étude menée récemment par des consultants du Fonds monétaire international (FMI), intitulée ¿Más trabajo para hacer? Haciendo un balance de los mercados laborales latinoamericanos, que la négociation collective couvrait environ 28 pour cent de travailleurs en 2000, avant l’entrée en exercice de notre gouvernement, contre 97 pour cent de travailleurs en 2005, et plus. De la même manière, l’étude montre que la négociation collective semble avoir eu des effets positifs sur l’emploi et le chômage, en ce sens qu’elle a permis d’instaurer la stabilité dans les relations professionnelles, de répondre aux demandes de manière ordonnée et de favoriser un cadre propice à la modernisation. Nous soulignons que cette étude n’a pas été réalisée par le gouvernement mais par une institution envers laquelle nous n’avons aucun engagement aujourd’hui, contrairement à la situation auparavant.

De plus, il ressort d’un rapport de 2018 récemment élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) que, grâce aux systèmes de négociation collective régissant l’établissement des salaires dans les différents secteurs, les inégalités ont tendance à diminuer tandis que de meilleurs résultats ont été obtenus en matière d’occupation, y compris pour ce qui concerne les groupes vulnérables.

Selon une autre étude indépendante réalisée par l’Université catholique, et non par l’Université d’Etat, il y avait plus de conflits en Uruguay lorsque les organes de négociation collective ne fonctionnaient pas, ou lorsqu’ils fonctionnaient mal, en comparaison avec la situation aujourd’hui, et ce depuis 2005, quand ces organes ont été rendus opérationnels et que la négociation collective a été élargie.

Par conséquent, il est nécessaire, dans un deuxième temps, d’analyser en particulier l’article 4 de la convention no 98, qui est l’un des principaux éléments de la plainte. Nous avons lu le procès-verbal de 1949 concernant l’examen de l’article 4, lequel dispose que: «Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi.»

Dans cet article, on souligne qu’il faut tenir compte des conditions nationales et on précise «si nécessaire». Dans ce contexte, le représentant des Pays-Bas a signalé – par rapport à la formulation initiale du projet de convention no 98, qui a été par la suite modifiée sur son initiative – que la norme était trop stricte et a donc suggéré d’ajouter «si nécessaire», afin de laisser aux gouvernements suffisamment de latitude pour décider s’ils devaient prendre des mesures appropriées.

Pour cette raison, nous sommes d’avis que le système de négociation collective qui régit les relations professionnelles en Uruguay respecte la convention dont il est question.

En Uruguay, deux modalités principales sont appliquées:

a) la négociation bipartite ou bilatérale, qui concerne uniquement les représentants de travailleurs et les représentants d’employeurs et qui aboutit à la convention collective;

b) la négociation tripartite au sein des conseils salariaux, fondés en 1943 – soit il y a soixante-seize ans de cela– , qui sont habilités à fixer le niveau des salaires minima par catégorie professionnelle et par branche d’activité et qui procèdent à l’ajustement des rémunérations. Sont parties à ce type de négociation trois délégués du gouvernement, deux représentants des travailleurs et deux représentants des employeurs.

La négociation tripartite dans les conseils salariaux est une modalité qui relève de la tradition. Elle est propre au pays et permet aussi de promouvoir, et non d’imposer, la négociation collective dans son ensemble.

Comme l’ont soutenu les Pays-Bas en 1949, il importe de laisser une marge de liberté aux gouvernements dans ce domaine.

En somme, nous comprenons que la loi remise en question est parfaitement alignée sur les dispositions de la convention avant 1943 et, dans la pratique, acceptée de manière pacifique par les employeurs et par tous les gouvernements des différents partis politiques qui se sont succédé au pouvoir durant soixante-six ans. Nous sommes interpellés par le fait que ces remises en question se fassent jour au moment où nous sommes appelés à gouverner pour la toute première fois dans l’histoire de notre pays. Toutefois, nous sommes disposés, et nous serons disposés, moyennant le dialogue et la négociation, à continuer de contribuer en examinant toutes les propositions de modification considérées comme étant appropriées en vue d’accroître et d’améliorer la négociation collective et la prévention des conflits. Nous en voulons pour preuve les diverses propositions que le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a présentées pendant des années et, en particulier, en 2015, 2016, 2017 et 2018, dans le cadre des différents processus de consultation. Des accords tripartites ont été conclus avec la Chambre des industries, la Chambre de commerce et la Centrale syndicale PIT-CNT en mars 2015 et en mai 2016. Dans ce contexte, le gouvernement a proposé des solutions concernant tous les points soulevés par le Comité de la liberté syndicale dans son 356e rapport de mars 2010 (paragr. 1389).

La négociation tripartite est appliquée dans le secteur privé en Uruguay depuis 1943, comme susmentionné, et l’on a toujours négocié, outre les salaires minima par catégorie, d’autres conditions de travail telles que le nombre de fonctionnaires, l’obligation de fonctions déterminées, les congés, les systèmes de recrutement, la création de postes de travail, les régimes d’assurance-chômage, les horaires, les conditions de travail, les régimes de sanctions et de recours contre les conditions de travail, entre autres. Cela a fonctionné quand les conseils salariaux étaient opérationnels de 1944 à 1968, et aussi de 1985 au début des années quatre-vingt-dix, et maintenant. Ces pratiques n’ont jamais été remises en question jusqu’à aujourd’hui. Qui plus est, les chambres patronales participaient et souscrivaient à ces pratiques.

Le point que les employeurs remettent en question n’a pas été établi par la loi de 2009, qui s’est limitée à consacrer dans le droit positif la pratique nationale en vigueur depuis 1943. La loi prévoit expressément ce qui suit: «Les conseils salariaux pourront également établir des conditions de travail telles que convenues par les délégués des employeurs et ceux des travailleurs». Il nous semble donc contradictoire que le problème se pose.

Durant ce cycle de négociation des conseils salariaux, qui trouve son point d’orgue actuellement, et lors duquel 231 unités de négociation ont été opérationnelles, on a également conduit des négociations sur les conditions de travail. A titre d’exemple, on a négocié des dispositions relatives à la paix et à la prévention des conflits dans 80 pour cent des cas; au genre dans 74 pour cent des cas; au multipartisme dans 57 pour cent des cas; au régime de soins dans 44 pour cent des cas; et ainsi de suite. Il en va de même pour la négociation des rémunérations supérieures aux seuils minima, qui constitue une pratique traditionnelle depuis 1943 et dans le cadre de laquelle diverses solutions sont proposées. C’est seulement quand un conseil salarial n’existe pas pour un secteur donné ou quand il est dans l’incapacité de prendre une décision que le pouvoir exécutif formule une décision par décret. Ce cas de figure est absolument exceptionnel et, durant ce cycle de négociations où 231 unités de négociation étaient opérationnelles, le pouvoir exécutif a élaboré un décret pour seulement huit cas, soit 3 pour cent du total des cas.

Que s’est-il passé quand la négociation collective n’était pas mise en valeur? Les travailleurs et les entreprises n’étaient ni couverts ni protégés, sauf pour seulement 10 ou 20 pour cent du total des travailleurs et des entreprises. C’est pourquoi il est nécessaire de promouvoir la négociation collective, afin d’offrir des conditions plus stables aux entreprises ainsi que des garanties juridiques, dans le souci de répondre aux besoins particuliers des entreprises, d’organiser des cadres de négociation et de procéder à la classification des activités, en recourant également au tripartisme, mais pas par décision du gouvernement.

La loi uruguayenne de 2009 remise en question donne la priorité à la négociation bilatérale plutôt qu’à la négociation tripartite, conformément à son article 12, qui dispose clairement ce qui suit: «Il ne sera pas nécessaire de convoquer les conseils salariaux pour les activités ou les secteurs au sein desquels une convention collective, dûment conclue par les organisations représentatives, est en vigueur.» En outre, aux termes de son article 15: «Les parties pourront mener des négociations par branche ou par secteur d’activité, par entreprise ou par établissement, ou selon tout autre niveau estimé pertinent.» Telle est la pratique appliquée dans notre pays.

Il est possible de mener des négociations dans d’autres instances et de présenter simplement un accord pour qu’il soit statué ou voté, ou bien simplement pour qu’il soit enregistré et publié sans intervention du pouvoir exécutif. La plupart des propositions sont adoptées et celles-ci peuvent concerner uniquement les représentants d’employeurs et de travailleurs. C’est le cas, par exemple, lorsque des accords sont négociés indépendamment des lignes directrices. Les lignes directrices données par le pouvoir exécutif ne sont pas contraignantes et, lors des cycles de négociation, le nombre de décisions adoptées majoritairement avec le vote contraire ou l’abstention du pouvoir exécutif a augmenté, ce qui témoigne une fois de plus de l’autonomie des parties.

Que s’est-il passé pendant ce dernier cycle qui arrive à son terme? Sur 231 groupes, seul un groupe doit encore parvenir à une conclusion, dont la signature aura lieu sans doute lundi prochain. Quels en sont les résultats? Quatre-vingt-cinq pour cent d’accords bipartites et tripartites, c’est-à-dire que, dans 85 pour cent des cas, les travailleurs et les employeurs sont tombés sur un accord. Comme nous l’avons dit précédemment, nous avons eu à élaborer seulement huit décrets. Le fonctionnement des conseils salariaux est particulièrement intense, permanent et démocratique. En général, ces conseils sont opérationnels en moyenne pendant quatre mois.

Le tripartisme fait partie de l’histoire et de l’essence de l’Uruguay, comme c’est le cas pour l’OIT, non seulement concernant la négociation collective, mais aussi l’accord-cadre sur le travail que nous avons approuvé il y a deux ans. A cet égard, nous espérons réaliser ces prochains jours le plus grand investissement de l’histoire de l’Uruguay. Cet accord a été conclu avec les chambres des entreprises du secteur de la métallurgie et de la construction, les syndicats respectifs, la centrale syndicale, la société d’investissement et le gouvernement. C’est ainsi que nous travaillons en Uruguay, mais nous travaillons ainsi afin d’élaborer des réformes et de gérer quotidiennement les questions de sécurité sociale et de santé, de formation professionnelle, et afin d’élaborer des projets et des lois. Des employeurs et des travailleurs, ainsi que des retraités et des bénéficiaires, selon le cas, participent à la gestion de ces systèmes importants de protection sociale.

Enfin, concernant la prévention des conflits et les dispositions relatives à la paix, ainsi que l’occupation des lieux de travail, ces éléments sont reconnus par le Comité de la liberté syndicale, par exemple dans son 356e rapport de mars 2010, et par l’Uruguay par l’intermédiaire de la Faculté du droit du travail de l’Université de la République. Nous soulignons que dans le cadre du cycle actuel de négociations, qui est sur le point d’être mené à bien, on a signé dans 80 pour cent des cas des accords qui comportent notamment des dispositions relatives à la prévention des conflits et à la paix, auxquels viennent s’ajouter les accords qui sont déjà en vigueur et qui ont été conclus précédemment.

Notre pays a ratifié le droit de grève, en vertu de l’article 57 de la Constitution de la République, et nous avons ratifié et nous défendons également les droits des entreprises et des employeurs. Le gouvernement met tout en œuvre pour formuler des propositions, et nous soulignons en particulier celles élaborées en septembre 2016 et en mars 2017, avec ratification en mai 2018. Ces propositions n’ont pas été accueillies favorablement par les chambres d’entreprises. Nous pouvons dire qu’un accord a été annoncé publiquement par les présidents d’alors de la Chambre des industries, de la Chambre de commerce, du syndicat PIT-CNT, lors d’une mission officielle du Président de la République en Allemagne et en Russie. Cet accord a été par la suite rejeté par décision des syndicats. Il y a eu un autre préaccord ici à Genève, en 2011, qui n’a ensuite pas été ratifié par les travailleurs. Notre législation n’interdit ni n’encourage les occupations; il s’agit de situations exceptionnelles où il faut sans aucun doute protéger la liberté de travail et la direction des entreprises. En Uruguay, cela se concrétise moyennant un procès rapide d’une durée de trois jours conduit par le pouvoir judiciaire.

Ces derniers jours, des cas ont appelé l’attention, à raison, mais nous sommes absolument sereins quant au fait que c’est le gouvernement lui-même qui s’est exprimé publiquement, contrairement à eux. Par exemple, dans le cas d’une entreprise ayant fait l’objet d’une décision judiciaire interdisant une occupation avec un contrôle des travailleurs désigné, le ministère du Travail s’était prononcé un mois avant le pouvoir judiciaire contre cette décision.

Pour conclure, nous remercions ceux et celles qui nous ont prêté une oreille si attentive. Nous réaffirmons la position du gouvernement de l’Uruguay. En effet, nous avons été ouverts au dialogue et à la négociation, nous le sommes et nous le serons, afin d’apporter les modifications adéquates, opportunes et raisonnables au système de négociation collective et de prévenir les conflits, conformément à notre réalité et à notre histoire, à la Constitution et à la législation de notre pays, ainsi qu’aux normes internationales, en réalisant les compromis nécessaires en vue d’accroître et d’améliorer la négociation collective et la prévention des conflits.

Membres employeurs – Nous souhaitons remercier le représentant du gouvernement de l’Uruguay d’être présent parmi nous ainsi que le reste de la délégation. Nous avons écouté attentivement son intervention et nous le remercions pour ses explications. Ce sujet n’est pas sans importance et porte sur une question de législation que la Commission de la Conférence avait déjà analysée en 2010 et à propos de laquelle la commission d’experts avait formulé des observations en 2010, 2011, 2012, 2015 et 2018, précisément concernant la convention en question. Il s’agit d’une convention fondamentale qui nous intéresse tout particulièrement lorsque nous constatons que la législation nationale n’est pas conforme à l’examen des organes de contrôle de cette maison. En outre, c’est précisément dans le cadre du Comité de la liberté syndicale, comme l’a indiqué le ministre, que nous avons eu la possibilité d’examiner cette situation par le biais du cas no 2699, qui fait encore l’objet d’un suivi. Deux organes de contrôle régulier, auxquels vient s’ajouter le Comité de la liberté syndicale, appellent le gouvernement de l’Uruguay à donner suite à nos différentes observations et recommandations.

En 2010, plusieurs questions ont été abordées, mais les conclusions ont mentionné textuellement ce qui suit. Il avait été apprécié que la Conférence ait poursuivi les négociations tripartites sur les thèmes en question et, en outre, il avait été annoncé qu’une mission se rendrait en Uruguay en août 2011 afin de constater les progrès concrets qui pourraient être réalisés en la matière; enfin, la commission avait exprimé l’espoir que, dans le but de rendre la législation pleinement conforme à la convention, les mesures nécessaires soient prises sans délai en vue d’élaborer un projet de loi qui tienne compte des observations formulées par les organes de contrôle.

Demandées sans délai en 2010, nous sommes en 2019 et les informations contenues dans le rapport actuel de la commission d’experts sont à nouveau exactement les mêmes. De fait, il ne s’agit pas d’une affaire qui est le fruit d’un caprice, mais d’une affaire vieille de dix ans qui n’a pas été résolue. Pour cette raison, nous souhaitons, en toute amabilité, aborder certains des points en question.

Le Comité de la liberté syndicale, dans le paragraphe 1389 de son 356e rapport de mars 2010, a procédé à une analyse détaillée d’une série de points. Si, pour certains, des progrès ont été constatés, la situation est restée inchangée pour d’autres.

Un premier point concerne l’article 4 de la loi no 18566, qui porte sur le droit d’obtenir des informations dans le cadre du processus de négociation collective. Le comité a saisi cette occasion pour mentionner certains éléments, que je ne vais pas répéter. Toutefois, en tant qu’employeurs, nous considérons que seuls les syndicats ayant la personnalité juridique peuvent demander de recevoir des informations. Le comité indique en effet que tous les syndicats sont concernés, qu’ils jouissent ou non de la personnalité juridique, étant donné que la nouvelle loi, susceptible d’être élaborée, devra déterminer quel type d’information pourra être sollicitée par l’organisation syndicale, selon la nécessité et l’importance.

Pourquoi mentionnons-nous cela? Parce que dans le cadre d’une négociation conduite par branche d’activité, qui est menée en priorité en Uruguay, il existe trois niveaux, comme l’a expliqué le gouvernement à d’autres occasions. Toutefois, si l’on procède de préférence et presque exclusivement par branche d’activité, comme l’a indiqué précédemment le ministre, il faut se limiter précisément aux informations de base et non solliciter des informations détaillées en fonction des entreprises. C’est sur ce point que les employeurs uruguayens soulèvent une préoccupation raisonnable et justifiable. Pour quelle raison? Parce que les négociations ont lieu dans le cadre de ce que l’on appelle en Uruguay les «conseils salariaux» et que c’est précisément dans ce cadre que, si des informations précises et détaillées sont données concernant des entreprises qui évoluent dans un environnement concurrentiel, qui domine dans la libre entreprise, alors celles-ci s’exposent à un risque. D’où notre remise en question.

Un deuxième point a trait aux compétences du Conseil supérieur tripartite, qui est l’organe suprême de gouvernance des relations professionnelles dans le secteur privé, précisément en matière de négociation collective. Il s’agit de l’article 10, alinéa d), au sujet duquel les organes de contrôle ont aussi exprimé leur avis. Ils ont demandé au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la modification de la législation en vigueur, pour que le niveau de négociation collective soit établi par les parties et qu’il ne fasse pas l’objet d’un vote dans une entité tripartite. Nous avons clairement demandé que le gouvernement n’intervienne pas dans les négociations par l’intermédiaire de l’organe suprême qu’est le conseil supérieur.

Toujours en ce qui concerne la question des compétences, qui fait l’objet du troisième point portant sur l’article 12 de la loi en question, le Comité de la liberté syndicale a formulé des avis. Toutefois, dans le cadre d’une assistance fournie en 2017, le Bureau a également élaboré une série d’observations. Nous ne comprenons pas que le ministère du Travail campe sur ses positions, en soutenant ce qui suit:

«La loi, telle que formulée actuellement, ne porte pas atteinte à la liberté de négociation ni aux principes consacrés par l’OIT en la matière, c’est pourquoi il n’y a aucune raison de la supprimer. Par ailleurs, en supprimant une telle possibilité, l’éventail d’options dont les acteurs disposent pour prendre des décisions serait considérablement limité. Ils auraient moins d’éléments pour mener des échanges, qui concerneraient seulement les cas relatifs aux salaires minima, compte tenu de la baisse du nombre d’instruments pour mener des négociations.»

Or je tiens à dire de manière respectueuse au gouvernement de l’Uruguay qu’il s’agit uniquement de la question du salaire minimum. Le gouvernement de l’Uruguay a ratifié la convention (nº 131) sur la fixation des salaires minima, 1970, notamment en ce qui concerne les pays en développement. En particulier, c’est dans ce contexte qu’une intervention tripartite peut avoir lieu, et non ailleurs. Ailleurs, c’est la volonté bipartite entre les employeurs et les travailleurs qui prévaut, comme décidé. Le fait d’aller au-delà, pratique qui relève probablement de la tradition uruguayenne, n’est pas compatible avec l’esprit de la convention nº 98 et, en particulier, avec son article 4 cité par le ministre. Ce point soulève nos préoccupations car maintenir cet article suppose de continuer de s’immiscer de manière inappropriée dans la fixation des salaires. Les conseils salariaux se sont transformés, dans la pratique, en une sorte d’instance d’arbitrage obligatoire, où les délégués du pouvoir exécutif identifient et définissent les éléments directeurs de la négociation.

Dans les faits, la convocation systématique et réglementée des conseils salariaux a montré que la négociation tripartite a empiété sur l’espace de la négociation bipartite, libre et volontaire.

La priorité clairement donnée par la loi à la négociation tripartite s’est traduite, dans la pratique, par la quasi-disparition de la négociation bipartite, au motif qu’il s’agit de petites entreprises, raison pour laquelle il est nécessaire de conduire des négociations par branche.

De fait, nous sommes particulièrement inquiets pour trois raisons: premièrement, le ministère est l’organe qui fixe à chaque cycle les éléments directeurs de la négociation; deuxièmement, le mouvement syndical s’est retrouvé, précisément en raison du rôle assumé par le ministère, dans un espace où toutes ses positions générales sont encadrées; et, troisièmement, des propositions concernant les conditions de travail ont été formulées, alors que, comme je l’ai mentionné précédemment, elles ne relèvent pas du tripartisme. Pour ces raisons, nous sommes extrêmement préoccupés par ce sujet et nous considérons qu’il est absolument nécessaire de modifier la législation en la matière.

S’agissant de l’article 14 de la loi, qui concerne les participants à la négociation collective, les organes de contrôle ont aussi apporté des précisions de fond, tout comme le Bureau qui, dans son rapport d’assistance technique, fait une observation à laquelle nous ne souscrivons pas en tant qu’employeurs. Nous pensons que c’est une erreur que de soutenir que la position des employeurs pourrait introduire un changement considérable dans le système uruguayen en matière de relations collectives du travail, alors qu’il s’agit en réalité de retourner à la situation antérieure à l’adoption de la loi dont il est ici question.

Depuis 1966, les dispositions législatives relatives aux congés, étendues à l’unanimité à toutes les conventions collectives, prévoyaient la possibilité que, en l’absence d’une organisation syndicale, les travailleurs soient représentés par des délégués élus à cet effet.

Enfin, je souhaite mentionner la question du maintien en vigueur des conventions collectives (ultra-activité), qui fait l’objet de l’article 17, deuxième paragraphe, de la loi. A cet égard, le comité a rappelé que la durée des conventions collectives était une question relevant au premier chef des parties concernées – je me réfère aux propos du Comité de la liberté syndicale. Toutefois, si une action gouvernementale était envisagée, toute modification devrait refléter un accord tripartite.

Dans ces conditions, et étant donné que les organisations plaignantes avaient exprimé leur désaccord avec l’idée qu’une convention puisse rester automatiquement en vigueur (ultra-activité), le comité avait invité le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux de la modification de la législation en vue d’une solution acceptable pour les deux parties.

C’est pourquoi les employeurs revendiquent la règle de la durée des conventions collectives. Celles-ci n’ont pas une durée indéfinie, elles ont une échéance et, comme tout contrat, elles sont caduques une fois arrivées à terme. En outre, ce sont les parties, et non des tiers, qui décident de la marche à suivre et de la prorogation des conventions. La détermination d’une échéance est l’un des éléments fondamentaux de toute convention collective. Ce qui est inapproprié ou inacceptable c’est que la loi mentionnée régisse cette question. La règle suivante devrait être appliquée: une fois la convention collective arrivée à terme, ses dispositions deviennent caduques et les parties sont libres de négocier une nouvelle convention collective.

Nous considérons que ce dernier élément, ce dernier paragraphe que nous avons mentionné, doit être inscrit comme principe régissant la pratique.

Enfin, il y a des points de la loi susmentionnée qui portent sur le thème de la grève ou des piquets de grève. En tant que membres du groupe des employeurs, nous considérons que ce sujet ne figure ni dans la convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, ni dans la convention no 98. Pour cette raison, nous ne ferons pas référence à ce sujet, mais nous tenons à appeler l’attention sur le fait que l’on a abrogé une loi en vertu de laquelle l’occupation des entreprises génère d’énormes difficultés dans le monde des entreprises et, en particulier, pour les employeurs uruguayens.

Pour ces raisons, nous invitons cordialement le gouvernement à se pencher sur ce sujet, dans le projet de loi qu’il présentera éventuellement pour examen au Parlement.

Voici, dans les grandes lignes, les thèmes généraux qui nous concernent. Nous invitons cordialement le gouvernement de l’Uruguay à envisager sérieusement de présenter au Congrès ou au Parlement une réforme législative concernant les thèmes que nous avons mentionnés.

Membres travailleurs – Tout d’abord, nous remercions le représentant du gouvernement de l’Uruguay pour les nombreuses informations fournies sur cette affaire, sur ce qui est fait et sur ce qui se passe en Uruguay. Nous examinons ici l’application de la convention par l’Uruguay. Depuis que le pays a ratifié cette convention en 1954, la commission d’experts a formulé des observations à dix reprises concernant son application dans la loi et dans la pratique, mais c’est la première fois que la Commission de la Conférence procède à l’analyse de ce cas.

La protection, dans la loi et dans la pratique, du droit d’organisation et de négociation collective constitue l’un des piliers fondamentaux des conventions de l’OIT et de l’ensemble du système normatif. De plus, dans un pays avec une histoire comme celle de l’Uruguay, il est fondamental que le gouvernement supervise de manière juste et équilibrée des questions fondamentales afférentes aux salaires et aux conditions de travail, entre autres, en faveur du dialogue et de la politique de production.

En tant que représentants des travailleurs, nous reconnaissons l’importance du dialogue tripartite et du dialogue bipartite menés de bonne foi, comme fondement de l’équilibre du pouvoir entre les employeurs et les travailleurs. Nous affirmons une nouvelle fois qu’il est crucial de maintenir cet équilibre afin de protéger les droits et les intérêts des travailleurs et de l’économie en général. La négociation collective est un instrument indispensable à l’édification d’une société plus juste et plus équitable et, à cet égard, l’Uruguay affiche des chiffres encourageants en comparaison avec d’autres pays de la région et d’autres régions également.

En Uruguay, le taux de syndicalisation est élevé, en ce sens que 30 pour cent des travailleurs sont syndiqués et que plus de 90 pour cent des travailleurs sont couverts par la négociation collective, comme nous l’avons entendu. Cette situation est comparable à celle observée dans certains des pays les plus avancés d’Europe continentale. Lorsque la négociation collective a été rétablie, par l’intermédiaire des conseils salariaux en 2004, l’Uruguay a connu des changements sociaux et économiques: le taux de pauvreté a baissé de 39 pour cent à 10 pour cent de la population; la croissance du salaire réel a progressé de plus de 55 pour cent; le taux de chômage a aussi diminué pour atteindre 7 pour cent et, comme nous l’avons entendu, l’économie informelle a considérablement reculé. Il est évident que ces indicateurs économiques sont largement supérieurs à ceux de la période 1992-2004, quand le gouvernement de l’époque avait cessé de convoquer les conseils salariaux, en limitant la négociation au niveau des entreprises.

Pour les travailleurs, les résultats concrets qui découlent de la négociation collective en Uruguay sont encourageants. Les statistiques et les faits illustrent le bon fonctionnement de la négociation collective dans la pratique et ses effets considérables sur les conditions de travail. C’est grâce à la négociation collective que l’organisation syndicale et la représentation syndicale revêtent de l’importance pour les travailleurs. Nous observons que cela a été possible parce que le gouvernement de l’Uruguay a mis un point d’honneur à établir des institutions chargées de la négociation collective qui soient solides. Nous devons veiller à ce que ce système ayant fait ses preuves continue de fonctionner, dès lors que toute mesure significative visant à apporter un changement pourrait en déstabiliser le fonctionnement. En effet, la disparition de l’une des composantes du système pourrait conduire à sa perte un modèle qui est actuellement efficace.

Il est clair que les partenaires sociaux jouissent d’une autonomie totale en vue de mener des négociations collectives libres et volontaires, afin d’améliorer les salaires et les conditions de travail. De fait, la négociation collective a précisément cela pour objet, à savoir d’établir de meilleures conditions pour les travailleurs et de garantir l’autonomie.

En Uruguay, il existe des institutions tripartites bien établies, à l’instar des conseils salariaux. En tant que travailleurs, nous sommes partisans du dialogue tripartite, dans le cadre duquel a lieu la fixation des salaires, conformément aux dispositions de la convention no 131. En effet, le gouvernement de l’Uruguay a ratifié cette convention dont l’article 4 dispose que des consultations tripartites doivent être engagées en vue de fixer les salaires minima.

Nous prenons note des commentaires que le gouvernement a adressés à la commission d’experts, indiquant que la négociation collective bipartite a la préséance sur les conseils salariaux. Il convient d’observer que les conseils salariaux ne peuvent même pas être convoqués lorsqu’un accord collectif bipartite existe. La priorité donnée aux conventions collectives qui établissent des dispositifs de protection et définissent de meilleures conditions pour les travailleurs, par rapport à celles définies dans d’autres instances, doit être considérée comme une mesure importante visant à promouvoir la négociation collective. En même temps, nous prenons note du fait que les organisations d’employeurs ont exprimé leur préoccupation quant aux conseils salariaux et à l’autonomie des partenaires sociaux dans le cas no 2699 présenté au Comité de la liberté syndicale. En outre, nous prenons bonne note du fait que le gouvernement a répondu de manière satisfaisante à ces préoccupations en proposant diverses modifications législatives qui font actuellement l’objet d’un examen au niveau national.

Les travailleurs observent que, pour la commission d’experts, plusieurs modifications de la loi no 18566 respectent les obligations énoncées dans l’article 4 de la convention visant à promouvoir la négociation collective libre et volontaire. Nous nous félicitons du fait que le gouvernement ait déjà pris des mesures pour lever les préoccupations des employeurs en examinant au niveau national le cas présenté devant le Comité de la liberté syndicale. Cela témoigne de l’importance accordée aux normes de l’OIT et au système de contrôle, et, de fait, nous nous associons à la commission d’experts afin de noter avec satisfaction que les organisations les plus représentatives ont tiré parti des consultations tripartites et du dialogue social pour examiner les modifications. Nous nourrissons l’espoir que le gouvernement continuera de veiller à ce que des consultations complètes et franches soient menées concernant toutes les questions pertinentes relatives à la promotion de la négociation collective. Le Comité de la liberté syndicale a indiqué clairement qu’il était essentiel, avant de présenter des projets de loi ayant des effets sur la négociation collective ou sur les conditions d’emploi, d’organiser des consultations complètes et détaillées avec les organisations de travailleurs et celles d’employeurs. Cependant, comme nous l’avons mentionné précédemment, il importe que les changements apportés au système de négociation collective soient le fruit d’un consensus tripartite. En outre, tout changement doit être réalisé en poursuivant l’objectif d’améliorer toujours plus la protection des travailleurs au moyen de la négociation collective dans la pratique. Par conséquent, nous espérons que le gouvernement prêtera une oreille attentive aux propos de toutes les parties concernées, afin d’améliorer le recours à la négociation collective. Nous pensons qu’il est particulièrement important que, tout au long de ce processus, le gouvernement continue d’informer la commission d’experts des progrès accomplis dans le cadre des consultations.

Environ 100 000 entreprises privées et un million de travailleurs sont représentés par leurs délégués respectifs, par l’intermédiaire des chambres et des syndicats, dans le cadre de la négociation collective en Uruguay. Il y a lieu de signaler que la catégorie des travailleuses domestiques est aussi concernée par la négociation collective depuis une décennie. Cela a favorisé, durant cette période, l’augmentation du salaire de ces travailleuses ainsi que leur inscription et leur formalisation au sein de la Banque de prévoyance sociale. Une autre catégorie qui participe aux négociations, au niveau des conseils salariaux, est celle des travailleurs ruraux. Pour nous, cela revêt une grande importance, en particulier compte tenu des difficultés rencontrées par ces travailleurs, qui découlent et dérivent d’un faible pouvoir de négociation et de l’absence de cadres propices au dialogue social.

Enfin, les données et les chiffres présentés ici montrent que le système de négociation collective appliqué en Uruguay a favorisé le dialogue social, la coopération entre les partenaires, la stabilité, la cohésion sociale, et a encouragé une répartition plus juste des richesses. La négociation collective en Uruguay se présente comme un modèle fondé sur des droits, qui a permis aux travailleurs syndiqués, au moyen de la négociation collective, de concrétiser la croissance économique, en termes de meilleure distribution, comme le montrent tous les indicateurs.

Membre travailleur, Uruguay – Nous serons absolument sincères, parce que sinon nous donnerions l’impression de dissimuler quelque chose au rassemblement de ce dèmos du monde du travail. Si nous nous penchons sur certaines situations vécues par des mouvements syndicaux persécutés, où non seulement l’exercice de la liberté syndicale est mis en danger, mais aussi la vie de nos camarades qui ont décidé de dédier toute leur vie au combat en faveur des droits des travailleurs, nous pouvons voir comment ils sont quotidiennement mis à mal, dans des situations où les droits de l’homme les plus élémentaires sont violés. Pour être honnête, il me semble immoral de remettre en question le système régissant les relations professionnelles et la négociation collective, que les Uruguayens ont adopté de manière démocratique.

Du point de vue des valeurs universelles, je tiens à dire qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de classe. En effet, si les représentants des employeurs se trouvaient dans les conditions dont nous avons été informés ici, à l’instar par exemple du mouvement syndical colombien, nous nous serions également exprimés ouvertement pour défendre les droits de l’homme.

Je vais développer quatre hypothèses du point de vue des travailleurs uruguayens. Premièrement, la négociation collective en Uruguay a une longue histoire. L’âge d’or de la négociation collective coïncide avec les périodes de renforcement de la démocratie dans notre pays, et, au contraire, l’absence de négociation collective coïncide avec des restrictions de type autoritaire appliquées au cours de la longue histoire de la négociation collective. Deuxièmement, je souhaite signaler que, dans cette longue histoire, certains des éléments qui composent ce que nous appelons dans notre dialecte, dans la langue des travailleurs, la queja empresarial (plainte des entreprises) avaient, à d’autres moments de l’histoire de la négociation collective dans notre pays, beaucoup plus d’épaisseur que les éléments présentés aujourd’hui. Troisièmement, je parlerai de l’association qui existe entre un ensemble d’indicateurs de développement humain en général, s’agissant des capacités de production des travailleurs et des niveaux d’emploi, qui illustrent également une association entre la négociation collective et le niveau de vie de la majorité des habitants de notre pays. Quatrièmement, si des observations sont formulées quant à la situation, observations qui sont dans une certaine mesure pénalisantes, c’est parce qu’il nous est reproché d’avoir des standards de négociation collective supérieurs à la moyenne générale. Voici donc les quatre hypothèses que nous allons développer.

Premièrement, nous parlerons de la corrélation qui existe entre le développement de la négociation collective et le renforcement de la démocratie, ainsi que de la longue tradition de la négociation collective. Comme nous l’avons déjà mentionné, la loi sur les conseils salariaux, qui met en place de nouvelles formes de négociation de type tripartite dans notre pays, remonte à 1943. Il y a eu un développement important des négociations professionnelles, à la lumière desquelles les partenaires sociaux se sont constitués non seulement s’agissant des travailleurs, mais aussi au sein des chambres d’entreprises, à partir de la négociation collective effectuée par branche d’activité, établie conformément à la loi de 1943. Toutefois, cette situation s’est enlisée en 1968 avec la montée d’un régime autoritaire, puis la dictature fasciste, marquant la suspension des conseils salariaux.

Je souhaite signaler, et cela est très important pour que le groupe des délégués le souligne, qu’une fois la démocratie reconquise, entre 1985 et 1992, sous le gouvernement de Julio María Sanguinetti, en particulier, mais aussi en partie au début du gouvernement de Lacalle, les conseils salariaux étaient opérationnels mais sui generis, de manière différente des conseils établis en vertu de la loi de 1943. Par exemple, le vote des délégués des travailleurs et des délégués des employeurs se déroulait dans les lieux de travail et, dans ce cas, le critère relatif à l’organisation la plus représentative était appliqué. Toutefois, entre 1985 et 1990, la négociation tripartite était mise en œuvre mais, là où des éléments directeurs étaient établis, le pouvoir exécutif définissait les critères et les formes applicables à la convention collective. Ce point est crucial, en ce sens qu’il ouvrait la voie à une centralisation autoritaire. Si l’accord signé par les partenaires de manière libre et volontaire dépassait les éléments directeurs en question, le pouvoir exécutif ne procédait à aucune homologation. Par conséquent, l’accord conclu au niveau privé, entre une chambre d’entreprise et les travailleurs représentés par leur syndicat, n’avait aucun effet erga omnes, c’est-à-dire qu’il ne valait pas pour toutes les branches d’activité.

Durant cette période, il n’y avait pas de queja empresarial (plainte des entreprises), ce qui s’est transformé, à mon avis, en mécanismes de concurrence déloyale du point de vue des entreprises. Pendant les années quatre-vingt-dix, sous prétexte de conduire une forme de négociation libre et volontaire, on a pratiquement éliminé et corrompu la négociation collective au moyen de politiques de caractère néolibéral, qui ont dérégulé l’économie, entraîné la libéralisation incontrôlée des échanges et permis le remplacement des travailleurs permanents par des entreprises unipersonnelles. En outre, les entreprises offrant une main-d’œuvre temporaire se sont multipliées, et à peine plus de 20 pour cent de la totalité des travailleurs jouissaient effectivement du droit de négociation collective.

Comme cela a été dit, un système de négociation collective existe depuis 2005 et s’articule autour de deux modalités complémentaires. On peut parvenir à un accord collectif par branche d’activité au niveau bipartite, comme on peut conduire des négociations dans le cadre tripartite des conseils salariaux. Rien n’empêche qu’il y ait un accord bipartite, comme rien n’empêche qu’il y ait, en plus, des accords par entreprises, étant donné que les niveaux de négociation sont établis par les acteurs. D’une certaine manière, cela permet d’assurer que le salaire réel ne diminue pas, car la hausse du salaire des travailleurs est garantie de trois façons: moyennant une convention collective et bipartite, moyennant une décision du conseil salarial compétent, par accord ou par vote, ou, à défaut, moyennant un décret du pouvoir exécutif. Or il s’agissait de la pratique appliquée déjà dans les années quatre-vingt-cinq et quatre-vingt-dix, période pendant laquelle les employeurs n’avaient présenté aucune sorte de plainte.

Il est vrai que tout accord sur les conditions de travail ne peut exister qu’en présence d’un accord entre les travailleurs et les employeurs, et l’Etat ne peut décider par lui-même des changements à apporter aux conditions de travail. Il est vrai que, pour chaque négociation effectuée au sein d’un conseil salarial, par branche d’activité, des milliers de négociations sont menées au niveau de l’entreprise. Le niveau de dialogue social et de négociation collective en Uruguay est particulièrement élevé.

Nous avons effectivement demandé que la loi relative à la négociation collective reconnaisse le droit à obtenir des informations. De quel type d’informations parlons-nous? Sont-ce ces informations qui permettent d’espionner les activités professionnelles? Absolument pas. Il s’agit des informations nécessaires pour savoir quelle est la performance économique d’une branche d’activité et pour négocier de bonne foi, en ayant toutes les informations sur la table. Nous parlons des informations par branche d’activité, différentes de celles par niveau d’entreprise, qui sont nécessaires pour conclure un accord en matière d’organisation du travail ou de productivité. Nous sommes absolument disposés à respecter la confidentialité, tel que demandé par l’autre partie, et d’agir de manière responsable.

S’agissant de l’ultra-activité, nous ne rencontrons généralement pas de problème avec les chambres d’entreprises. A titre d’exemple, dans le secteur de la métallurgie du pays, la chambre des entreprises métallurgiques et nos syndicats sont convenus que le 14 mars est un jour férié payé. Cette décision est gravée dans le marbre.

De fait, si la convention collective établit une prestation avantageuse, celle-ci dure seulement lorsque la convention collective est en vigueur, soit en général pendant deux ou trois ans, ce qui est parfaitement faisable.

Je pense aussi qu’il y a un lien entre la négociation collective et la démocratie, puisque, en l’absence de négociation collective, 40 à 60 pour cent de la population active a subi des restrictions en matière d’emploi. Aujourd’hui, nous affichons des niveaux d’emploi élevés et des niveaux de hausse du salaire, de formalité, de sécurité sociale et de travail décent importants. S’en prendre à ce système de négociation collective, c’est s’en prendre à la vie des gens.

Indépendamment des opinions que nous avons formulées, comme toujours, je conclus en affirmant que notre syndicat est disposé à participer à toutes les discussions nécessaires en vue d’améliorer le système de négociation collective de notre pays.

Membre employeur, Uruguay – Nous allons parler de la plainte qui avait été présentée, en temps voulu, par la Chambre nationale de commerce et des services de l’Uruguay et par la Chambre des industries de l’Uruguay, en tant qu’organisations d’employeurs les plus représentatives, ainsi que par l’Organisation internationale des employeurs (OIE), concernant la loi relative à la négociation collective en Uruguay et le fait qu’elle ne respecte pas la convention.

Il a déjà été dit que ce cas a été présenté en 2009. A cet égard, plusieurs décisions ont été prononcées par les organes de contrôle, tels que la Commission de l’application des normes, au sein de laquelle ce cas a été traité en 2010, qui est composée d’acteurs tripartites et garantit donc une vision en ce sens dans les observations formulées, ainsi que le Comité de la liberté syndicale, qui se compose de la même manière et prévoit les mêmes garanties pour tous les partenaires sociaux. Si nous ajoutons à cela les décisions de la commission d’experts, organe technique et indépendant, nous pouvons être sûrs que la loi uruguayenne ne respecte pas intégralement cette convention, qui est essentielle et fondamentale dans cette enceinte.

Par conséquent, cette plainte n’est pas le fruit d’un caprice des entreprises, mais obéit au principe selon lequel notre pays doit appliquer la convention qu’il a ratifiée à titre volontaire et assumer les obligations correspondantes, afin de mettre en conformité notre législation et notre pratique avec les dispositions de cette convention. Nous n’allons donc pas passer en revue tout le système collectif régissant les relations professionnelles en Uruguay, mais nous mentionnons simplement la loi relative à la négociation collective que notre pays a adoptée en 2008 et qui ne respecte pas la convention. L’idée, et nous remercions le gouvernement uruguayen pour les informations qu’il a présentées aujourd’hui à cette commission, est d’améliorer notre système législatif ainsi que la pratique de la négociation collective dans notre pays. C’est pourquoi nous voulons insister sur ce point.

A ce jour, ce cas a été examiné pendant de nombreuses années par les systèmes de contrôle, et le gouvernement uruguayen n’a pas été en mesure de présenter un projet de loi qui vienne supplanter la loi relative à la négociation collective à l’examen. Il est vrai que plusieurs instances de négociation ont été mises sur pied, dans le respect de la tradition évoquée par le ministre lui-même, et qu’elles sont une réalité dans notre pays. Toutefois, nous ne constatons aucun résultat concret.

Bien qu’il jouisse de la majorité parlementaire, le gouvernement n’a pas présenté de projet de loi portant modification de la loi relative à la négociation collective, qui constitue le fondement du système qui doit être promu dans notre pays. C’est donc ici que réside toute la difficulté. Le dialogue social doit être efficace et productif et ne peut pas être soumis au veto. En définitive, c’est au gouvernement qu’il appartient de prendre la décision finale et d’assumer les obligations vis-à-vis desquelles il a pris un engagement en ratifiant la convention.

Il est grave que ce cas dure depuis toutes ces années, précisément parce qu’il s’agit d’une convention fondamentale, comme cela a été mentionné précédemment. A notre avis, la négociation collective, telle qu’elle est pratiquée dans notre pays, privilégie la négociation tripartite au détriment de la négociation bipartite, ce qui n’est pas conforme aux termes de la convention. Nous en voulons pour preuve, et le ministre l’a déjà dit, le nombre élevé de négociations tripartites qui sont menées en Uruguay. Il faudrait analyser la baisse marquée et significative du nombre de négociations bipartites dans notre pays.

Par ailleurs, nous nous opposons à l’intervention du gouvernement, de l’Etat, dans plusieurs aspects de la négociation, conformément aux observations des organes de contrôle. L’un de ces aspects concerne l’établissement des niveaux de négociation au sein du Conseil supérieur tripartite. Un autre porte sur le fait de ne pas se référer exclusivement à la négociation des salaires minima et des catégories, mais aussi à l’établissement des procédures d’actualisation et des augmentations salariales qui ne relèvent pas des minima. Par conséquent, une intervention marquée du gouvernement, de l’Etat, est inévitablement en décalage avec les principes énoncés dans la convention.

En outre, même si elle ne fait pas l’objet d’un examen dans le présent cas, la question des occupations se pose également et vient compléter le cadre de la négociation collective. Nous refusons de considérer les occupations comme une extension du droit de grève. Depuis 1966, et pendant plus de cinquante ans, les occupations ont été considérées par un décret adopté démocratiquement comme une atteinte au droit de propriété et à l’ordre public. Or, en vertu d’un décret que nous avons rejeté, elles sont désormais considérées comme une extension du droit de grève. Les occupations sont toujours violentes, il n’y a pas d’occupation pacifique, car il s’agit tout au moins de violence morale, qui correspond à l’état dans lequel on se trouve en cas d’occupation des lieux de travail. Il est indéniable que cela compose et complète le cadre pratique de la négociation collective dans notre pays. Pour cette raison, les employeurs sont souvent contraints de trouver un accord au sein des conseils salariaux. De fait, à maintes reprises, les résultats de la négociation ne sont pas obtenus de manière libre et volontaire, mais finissent par être le fruit de négociations imposées.

Pour toutes ces raisons, nous comprenons que l’Uruguay a un problème à cet égard. Les niveaux de développement mis en évidence aujourd’hui dans cette enceinte nous obligent encore plus à améliorer le système. Le secteur des entreprises est engagé à trouver des solutions en vue d’améliorer la loi relative à la négociation collective.

Si tel n’est pas le cas, nous comprenons, de manière indirecte, que le système de contrôle de cette Organisation est remis en question. Des observations concernant une convention fondamentale ont été ratifiées par les différents organes de contrôle de cette Organisation et communiquées au gouvernement concerné, une mission de contacts directs a été déployée, une assistance technique a été fournie et, malgré tout, après dix ans, aucune modification n’a été apportée. Cela peut correspondre, dans les faits, à un mépris à l’égard des observations et du système de contrôle de cette maison. Nous nous présentons aujourd’hui avec les meilleures intentions pour rechercher des solutions, mais nous comprenons que l’heure est venue d’inviter le gouvernement uruguayen, en consultation avec les partenaires sociaux, à présenter à bref délai un projet de loi portant modification de la loi relative à la négociation collective, tenant compte de toutes les observations formulées par les différents organes de contrôle concernant l’application efficace et complète de la convention non seulement dans la loi, mais aussi dans la pratique.

Membre gouvernemental, Mexique – Au nom d’une majorité significative du groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), nous remercions le représentant du gouvernement de l’Uruguay ainsi que les partenaires sociaux qui sont intervenus. Avant toute chose, nous affirmons à nouveau que les principaux critères applicables à l’élaboration de la liste des pays n’ont pas été respectés et qu’un grave déséquilibre géographique subsiste s’agissant de la composition de cette liste, ce qui porte constamment préjudice à notre région. Ce système est loin de s’aligner sur les meilleures pratiques appliquées dans le système multilatéral, en ce sens qu’il n’est ni transparent, ni impartial, ni objectif, ni moins tripartite – dans la maison du tripartisme – et qu’il ne favorise pas le dialogue social – dans la maison du dialogue social.

Nous avons écouté attentivement l’intervention du représentant du gouvernement de l’Uruguay, qui rend compte des nombreuses mesures mises en œuvre afin de résoudre les éléments de la plainte présentée par les entreprises du pays. Nous nous félicitons en particulier des progrès accomplis en matière de protection sociale et de protection du travail en Uruguay, ainsi que des mécanismes de dialogue social et de négociation collective dont le gouvernement uruguayen a fait la promotion à chaque instant, dans le souci de parvenir à un accord tripartite sur les points exposés dans la plainte et conformément aux normes et aux principes de l’OIT. De la même manière, nous reconnaissons la tradition uruguayenne du dialogue et de la négociation, entretenue afin de trouver des solutions qui soient acceptables par toutes les parties, relativement aux différences sociales, qui sont propres à un pays démocratique respectueux de son système juridique et des normes internationales. Nous encourageons donc à poursuivre sur cette voie afin de trouver une solution définitive à ce sujet.

Membre gouvernemental, Espagne – Tout d’abord, nous souhaitons dire que l’Espagne croit fermement au système des normes internationales de l’OIT, ainsi qu’à son système de contrôle. Nous pensons aussi que les normes internationales nécessitent un système de contrôle puissant et indépendant. Le système de contrôle de l’application des normes est crucial pour garantir la mise en œuvre des normes internationales de l’OIT. Compte tenu de ce qui précède, nous souhaitons intervenir pour apporter deux précisions concernant le présent cas. En premier lieu, l’Espagne appuie et accueille avec satisfaction les mesures et les initiatives déployées par le gouvernement de l’Uruguay en vue de modifier la loi no 18566 de 2009, dont certaines ont déjà pris effet, à l’instar de la mise en place du Conseil supérieur tripartite, tandis que d’autres font encore l’objet d’un examen. Ces changements ont été apportés en vue de donner suite aux différentes observations formulées par les organes de contrôle de l’OIT, conformément à la convention, afin de promouvoir la négociation collective libre et volontaire.

En second lieu, l’Espagne accueille avec satisfaction les initiatives que le gouvernement de l’Uruguay a mises en œuvre afin d’engager un dialogue avec les partenaires sociaux, ainsi que les nouvelles mesures législatives visant à promouvoir davantage le dialogue et à réglementer d’autres aspects liés aux grèves dans les lieux de travail. Nous savons que la loi appliquée par l’Uruguay ne s’oppose pas à la négociation collective bilatérale ou tripartite. L’Espagne encourage le gouvernement de l’Uruguay et les partenaires sociaux à redoubler d’efforts en vue de parachever le cadre législatif actuel pour le mettre clairement en conformité avec la convention. A cet égard, l’assistance technique du Bureau sera sans doute d’une grande aide.

Membre travailleur, Portugal – La présente déclaration est appuyée également par la Confédération intersyndicale de Galice (CIG) et l’Organisation de solidarité des travailleurs du Pays basque (ELA). L’Uruguay est connu et reconnu aujourd’hui parce que son système de promotion de la négociation collective et du dialogue social est efficace et parce qu’il respecte les normes et les principes fondamentaux de l’OIT. Le fonctionnement efficace du système de négociation collective et de dialogue social a entraîné une croissance stable de plus de 55 pour cent des salaires par secteur, depuis 2005, ainsi que l’augmentation du salaire minimum de plus de 276 pour cent.

Il y a lieu de souligner que la hausse du rendement professionnel s’accompagne de la croissance de l’économie du pays, avec des taux annuels supérieurs à 4,67 pour cent, ce qui montre que ce système n’est pas incompatible avec le développement du pays et qu’il ne le compromet pas.

L’exercice de la négociation collective fondée sur un système volontaire, soit le système en vigueur, a permis d’atteindre un taux de couverture en la matière de près de 100 pour cent. Ce chiffre montre clairement que tout le monde participe au système et que personne n’est laissé pour compte.

Si nous parlons du système de dialogue social établi en Uruguay, nous devrions examiner les systèmes de dialogue social qui sont en vigueur dans nos pays d’Europe. Nous savons que les systèmes de négociation collective qui ne reposent pas sur la négociation par secteur, dans des pays où la structure d’entreprise est caractérisée par des micro ou des petites entreprises, comme c’est le cas en Uruguay, ont entraîné une diminution du taux de couverture des travailleurs en matière de négociation collective.

Du fait de cette situation, entre 2011 et 2015, le taux de couverture annuelle a chuté de plus de 1 800 000 travailleurs à 250 000 travailleurs, outre une baisse des rendements qui, en 2018, étaient inférieurs aux chiffres de 2009, selon les données tirées d’une étude que l’OIT a menée sur les effets des mesures d’austérité imposées au Portugal.

Les mesures imposées ont eu des répercussions catastrophiques sur la vie des travailleurs et des travailleuses, entraînant une hausse du taux d’exclusion sociale et de pauvreté des travailleurs. En Uruguay, de 2005 à 2018, la mise en place d’un système organisé par secteur a permis d’améliorer les conditions de travail d’un nombre de plus en plus élevé de travailleurs et d’intégrer dans l’économie formelle une partie des travailleurs exerçant une activité dans l’économie informelle.

Le système de dialogue social et de négociation collective de l’Uruguay, qui se fonde sur l’intégration sectorielle de tous et de toutes et qui empêche la concurrence déloyale entre les entreprises, garantit des niveaux de protection aux travailleurs, permet une croissance durable de l’économie et respecte les normes fondamentales de l’OIT, la convention et, dans les faits, son article 4.

Membre employeur, Brésil – Je tiens à dire, dans cette brève intervention, que nous ne nous réjouissons pas de parler de ce cas qui aurait dû être réglé de manière constructive par le gouvernement de l’Uruguay depuis longtemps déjà.

La convention a posé les jalons en vue d’une négociation collective durable, viable et efficace. Cela est possible uniquement si les parties sont indépendantes et autonomes et, conformément au principe de libre volonté de négociation, si les autorités publiques interviennent le moins possible.

Les membres travailleurs ont dit au début de leur intervention que le contrôle exercé par le gouvernement était valide. Pour moi, le contrôle est en effet valide, mais pas l’intervention. Malgré les recommandations formulées par les organes de contrôle de l’OIT, le gouvernement de l’Uruguay s’évertue à maintenir des dispositifs législatifs qui permettent aux autorités de s’immiscer dans le dialogue bipartite, notamment en vue de déterminer les conditions de travail.

Nous savons que, lorsque l’OIT a défini les principes énoncés dans l’article 4 de la convention, ce n’était pas son objectif. Il s’agit d’une recommandation historique de l’OIT et de ses organes de contrôle, qui ont déjà recommandé à l’Uruguay de changer la loi de façon à encourager et à stimuler de nouveau la négociation libre et volontaire. Toutefois, cela fait déjà dix ans que l’on ne garantit pas aux employeurs de ce pays des conditions adéquates pour conduire des négociations dans le droit fil des principes énoncés dans la convention no 98 et la convention (nº 154) sur la négociation collective, 1981.

Dans un cas semblable à celui de l’Uruguay, l’année dernière, la commission avait exprimé sa préoccupation concernant les systèmes d’arbitrage obligatoire appliqués en Grèce. Dans ses conclusions, la commission avait recommandé aux autorités publiques grecques de s’abstenir de commettre des actes d’ingérence restreignant le droit de négociation libre et volontaire. Il ne peut y avoir dans le monde du travail des cas où l’Etat participe au dialogue bipartite. Les systèmes de négociation collective doivent garantir la participation sur un pied d’égalité des travailleurs et des employeurs aux négociations, sans quoi les résultats obtenus ne seront ni justes ni équitables.

Les employeurs du Brésil, par conséquent, se disent préoccupés par la limitation des négociations en Uruguay et les actes d’ingérence à leur égard. Ils demandent à la commission de recommander au gouvernement du pays d’aligner ses pratiques sur les principes directeurs de l’article 4 de la convention.

Membre gouvernementale, Paraguay – Nous remercions le gouvernement uruguayen et nous nous félicitons des efforts qu’il a déployés ces dernières années afin de trouver des solutions qui puissent convenir à toutes les parties, dans le cadre d’un véritable tripartisme conforme aux meilleures traditions de cette Organisation. Nous constatons avec satisfaction que, dans le rapport de cette année de la commission d’experts, il est fait mention des fruits de certains de ces efforts, tels que: l’élaboration et la soumission aux employeurs et aux travailleurs de projets de loi en 2016 et en 2017; ainsi que les consultations de fond qui ont été menées concernant la réforme législative en matière de relations collectives de travail, avec l’échange de critères sur différents projets de texte. Dans ce contexte, nous appuyons le dialogue social tripartite et prions instamment le gouvernement, les employeurs et les travailleurs de continuer d’œuvrer en vue d’élaborer un projet permettant aux parties de tenir compte des intérêts de tous les acteurs concernés.

Membre travailleur, Espagne – Les compétences octroyées aux conseils salariaux en vertu de la loi uruguayenne sur la négociation collective ne transforment pas la négociation collective en une forme d’arbitrage obligatoire ni ne restreignent le nombre de sujets qui peuvent faire l’objet de négociations, ni ne portent atteinte au droit des organisations de travailleurs de négocier en toute liberté les conditions de travail avec les employeurs, ni ne facilitent les actes d’ingérence de la part des autorités dans la négociation collective, loin de là. Pour trois raisons fondamentales: la convocation des conseils salariaux, qui sont un cadre propice au tripartisme et au dialogue social, n’empêche en aucun cas l’employeur et le travailleur, à titre volontaire et libre, d’entamer un processus de négociation collective bipartite au niveau des branches d’activité ou des chaînes de production, tel que prévu expressément par l’article 11 de la loi no 18566; la réglementation des conditions de travail dans le cadre des conseils salariaux est possible uniquement si elle est décidée de manière libre et volontaire et, au préalable, par les délégués des employeurs et ceux des travailleurs, conformément aux dispositions énoncées dans l’article 5 de la loi no 10449; l’action du gouvernement dans les conseils salariaux se limite exclusivement à la fixation des salaires minima et à d’autres ajustements d’ordre général, à moins que, comme nous l’avons déjà mentionné, les parties décident de négocier de manière tripartite dans la branche d’activité.

Nous avons l’impression que ceux qui ont voulu débattre de ce cas devant cette commission souhaitent retourner à l’époque où les conseils salariaux n’étaient pas opérationnels; où la négociation collective s’était tellement dégradée qu’elle avait presque disparu du paysage uruguayen; où les salaires réels avaient chuté, dans certains cas de moitié; où le travail informel avait atteint des sommets dans le pays, s’élevant à 40 pour cent; et où le taux de chômage avait augmenté et les conditions de vie des travailleurs uruguayens avaient empiré.

Compte tenu de ce qui précède, nous nous étonnons du fait que l’on remette en question l’action d’un gouvernement qui œuvre en faveur du dialogue social tripartite, de la fixation des salaires minima et de la négociation collective structurée par secteur, comme moyen le plus approprié pour améliorer de manière réelle les conditions de travail des Uruguayens et des Uruguayennes.

Nous prions instamment cette commission de tenir compte de tous ces éléments eu égard à ce pays qui, dans la région, a ratifié le plus de conventions de l’OIT et, en conséquence, affiche le taux de prospérité et de richesse par habitant le plus élevé d’Amérique latine.

Nous pouvons être sûrs, au vu de l’engagement qu’il a pris de manière évidente vis-à-vis de l’OIT, que le gouvernement uruguayen continuera de déployer des efforts afin d’aligner la loi no 18566 de 2009 sur les dispositions de la convention, pour les points où un tel alignement serait objectivement nécessaire.

Membre employeur, Mexique – Malgré la clarté des explications formulées par mes collègues, je me dois d’intervenir pour exprimer mon véritable étonnement, avant tout à l’égard de la position de méfiance que le gouvernement a adoptée vis-à-vis des avis, des suggestions et, y compris, des décisions définitives des organes de contrôle les plus importants de cette Organisation. Je suis également surpris par la complaisance et la résignation manifestées par cette commission, dont nous tous faisons partie, et je le dis parce que ce n’est pas possible que, pendant près de onze ans, le gouvernement de l’Uruguay résiste, ou plutôt s’oppose ouvertement et clairement, au respect des décisions de cette commission. Même si cela signifie que le gouvernement persiste à ne pas assumer les obligations qui lui incombent et qu’il dessert et remet en question l’efficacité de tout ce en quoi nous croyons.

Si l’exposé présenté par le gouvernement et appuyé par les travailleurs était valide, nous devrions affirmer que si certains mandants considèrent que les pratiques exercées par leur pays sont efficaces, alors peu importe si ces pratiques respectent ou non la législation ou, en d’autres mots, peu importe si ces pratiques violent les conventions de cette Organisation. Ce raisonnement est inadmissible.

L’intervention du gouvernement dans les négociations collectives a des répercussions sur le dialogue social. Elle le pervertit, génère des tensions entre les travailleurs et les employeurs, y compris entre les membres d’une même catégorie, ce qui est inacceptable. Le contenu de la convention ratifiée par l’Uruguay est clair, tout comme le manque de volonté déplorable de la part du gouvernement d’appliquer cette convention. Nous demandons au représentant du gouvernement de nous excuser, mais son interprétation erronée de l’article 4 de la convention ne suffit pas à justifier le non-respect évident et délibéré de cet article. Cette discussion a déjà eu lieu, et cette Organisation s’est déjà prononcée clairement sur ce sujet et a demandé que l’on garantisse que la fixation des conditions de travail est le fruit d’un accord entre les employeurs et les travailleurs. Cette décision est gravée dans le marbre. Nous demandons au gouvernement de ne pas l’invoquer ni de la remettre en question. Il s’agit d’une décision définitive, qui a été prise par les organes de contrôle, à moins qu’ils entendent également fermer les yeux sur cette situation.

Malgré la clarté des recommandations formulées, le gouvernement continue de faire la sourde oreille, raison pour laquelle j’exhorte cette commission à exiger fermement que le gouvernement de l’Uruguay prenne sans délai les mesures nécessaires afin d’appliquer la convention et de donner suite aux observations mentionnées.

Membre travailleur, Argentine – J’ai l’honneur de m’exprimer au nom des trois centrales de l’Argentine. La commission prend note des propos tenus par les organisations d’employeurs selon lesquels les négociations tripartites effectuées dans le cadre des conseils salariaux équivalent dans la pratique à une forme d’arbitrage obligatoire. Les conseils salariaux ont été créés en tant que mécanisme de travail et d’intégration tripartite en vue de la fixation des salaires minima par catégorie et par branche d’activité. Ce sont des organes chargés de promouvoir le dialogue social, en accordant une attention particulière à la négociation collective et à la prévention et à la résolution des conflits.

Les employeurs signalent de manière confuse que la négociation tripartite effectuée dans le cadre des conseils salariaux équivaut dans la pratique à une forme d’arbitrage obligatoire qui va au-delà de la fixation des salaires. L’article 12 de la loi no 18566, qui porte création des conseils salariaux, dispose que les conseils sont chargés de fixer le montant minimum des salaires par catégorie professionnelle et d’actualiser la rémunération de tous les travailleurs du secteur. Ils peuvent en outre fixer les conditions de travail dans le cas où celles-ci sont décidées d’un commun accord par les délégués des employeurs et des travailleurs du groupe salarial concerné. Il ressort de ces dispositions que, avant toute chose, les conseils salariaux encouragent le recours à la négociation collective en tant que principe et objectif principaux; que la fixation des salaires minima par catégorie et la hausse des salaires sont décidées de façon tripartite uniquement en l’absence d’un accord entre les employeurs et les travailleurs; et que, pour le reste des questions afférentes à la négociation collective, la loi dispose seulement que les conseils salariaux pourront également établir des conditions de travail dans le cas où celles-ci sont décidées d’un commun accord par les délégués des employeurs et des travailleurs du groupe salarial concerné. Ainsi, on ne peut affirmer de quelque manière que ce soit qu’il s’agit d’un arbitrage obligatoire, étant donné que la décision est soumise à un vote des acteurs tripartites après que l’Etat a promu la négociation entre les travailleurs et les employeurs. L’absence des conseils salariaux a entraîné l’affaiblissement de l’activité syndicale, l’individualisation des relations professionnelles et, inévitablement, la chute du salaire réel et la précarisation des conditions de travail.

Je souhaite rappeler aux employeurs que l’article 19, paragraphe 8, de la Constitution de l’OIT, dispose que les normes internationales constituent des conditions minimales et que rien ne doit empêcher les parties de dépasser les normes minimales. Dans le cas de l’Uruguay, on ne s’oppose pas à la convention, mais on va au-delà en appliquant une norme plus favorable.

Nous ne devons pas perdre de vue que le fonctionnement des conseils salariaux a permis d’améliorer de manière significative le revenu des travailleurs, grâce à une hausse considérable des salaires réels et des salaires minima, qui a conduit à la baisse de l’informalité. Ces progrès ont été accomplis à la faveur du système régissant les relations professionnelles en Uruguay, qui sert d’exemple pour les pays de la région et de la Confédération syndicale des Amériques. Nous demandons que les pays adoptent ce système, afin d’accroître la productivité et de réaliser le travail décent et la justice sociale.

Membre gouvernementale, Chine – La délégation de la Chine a écouté attentivement l’intervention du représentant du gouvernement de l’Uruguay. Nous avons noté que, ces dernières années, le gouvernement uruguayen a mené des réformes concernant la législation relative au travail et à la sécurité sociale, afin d’encourager la négociation collective au niveau du pays, des industries et des entreprises; signé des accords collectifs; et accompli des progrès constructifs dans les secteurs de la santé et de l’emploi, moyennant la hausse du salaire des travailleurs et la réduction de l’emploi informel, dans le souci de promouvoir et de protéger les droits des travailleurs.

Nous avons également noté que le gouvernement a manifesté une volonté politique de promouvoir la négociation collective et qu’il a déployé des efforts afin de permettre à différentes parties de conclure des accords, avec l’assistance du BIT.

Nous encourageons le gouvernement de l’Uruguay à continuer d’avoir des échanges approfondis avec les parties concernées afin de parvenir à des solutions de manière conjointe. Nous espérons en outre que le BIT pourra fournir l’assistance technique nécessaire au gouvernement de l’Uruguay de sorte qu’il puisse s’acquitter des obligations qui lui incombent au titre de la convention.

Observateur, Organisation internationale des employeurs (OIE) – J’interviens en tant que secrétaire général de l’OIE, organisation plaignante dans le cadre de la plainte présentée devant les organes de contrôle. Je souhaite souligner que, contrairement à ce que nous avons entendu dans certaines interventions, le cas à l’examen est loin d’être un cas sans importance, fondé sur de petits commentaires concernant des retouches techniques à apporter à la réglementation existante en Uruguay en matière de négociation collective.

Il s’agit d’un cas qui résulte du refus délibéré et réitéré du gouvernement de l’Uruguay de donner suite aux recommandations et aux orientations formulées par les organes de contrôle de cette Organisation. Un cas, selon moi, de mépris à l’égard des organes de contrôle et un non-respect réitéré qui couvre déjà une décennie, malgré les appels lancés par cette commission en 2010 en vue de modifier et de mettre en conformité la réglementation dans la pratique.

La réglementation et l’exercice de la négociation collective en Uruguay sont un exemple clair d’intrusion et d’ingérence dans les activités des entreprises, y compris, de harcèlement à l’égard des employeurs. Cette ingérence oblige les organisations d’employeurs à appuyer des mesures imposées par le gouvernement en matière de fixation des salaires, alors même que ces salaires devraient être négociés librement par les parties, comme c’est le cas dans tous les pays qui respectent pleinement les dispositions, les principes et les droits fondamentaux énoncés par l’OIT, dans le cadre de la négociation collective.

Du fait de cette ingérence, on fixe et on impose bien plus que ce que les parties décident en matière de validité des conventions collectives. Du fait de cette ingérence, on prive les représentants des travailleurs élus librement de leur droit de négocier et on impose de manière indirecte des représentants extérieurs à l’entreprise. Or cette ingérence prolongée a de graves répercussions: 1) la disparition de la négociation collective bilatérale; 2) la dégradation considérable du climat de dialogue social; 3) un climat de conflit de plus en plus marqué qui a de graves répercussions sur la paix sociale, un climat de conflit qui affecte aussi les investissements et la création d’emplois décents; et, surtout et fondamentalement, la liberté d’entreprise.

Cette ingérence prolongée a conduit à l’établissement d’un système de protestation et d’action collective et syndicale absolument inacceptable et radicalisé, qui consiste à autoriser l’occupation systématique des entreprises, en privant les employeurs de leurs capacités de définir et d’organiser leurs propres activités.

C’est donc un cas grave, qui suscite des préoccupations, et dont il faudrait tenir compte lors de la formulation des conclusions. L’OIE sera contrainte de défendre à nouveau l’examen de ce cas dans l’avenir ou dans le cadre d’autres instruments du système de contrôle si des progrès ne sont pas accomplis dans les plus brefs délais.

Membre travailleur, Colombie – Je m’exprime au nom des travailleurs de la Colombie et du Nicaragua. Pour les travailleurs, il est absolument inconcevable que, au moment de la célébration du centenaire de l’OIT, au lieu de citer comme exemple de progrès et de développement, de mise en œuvre des normes internationales et des droits fondamentaux au travail l’un des pays qui est le plus engagé à appliquer les objectifs et les principes de cette maison, on le convoque devant cette commission. Ce pays est jugé alors même qu’il exerce pleinement le droit d’organisation, qu’il affiche l’un des taux de couverture les plus élevés au monde en matière de négociation collective – le meilleur taux en Amérique – et qu’il promeut et garantit la liberté syndicale en soi. C’est comme si on portait plainte contre un pays afin qu’il mette fin au travail forcé ou au travail des enfants. Je ne saurais l’expliquer à mes enfants et encore moins aux travailleurs colombiens qui risquent littéralement leur vie pour défendre les droits du travail et sont durement éprouvés par l’absence de liberté syndicale, compte tenu de la complaisance des autorités étatiques et des entreprises. Cette convocation de l’Uruguay est contraire au principe de tripartisme que l’OIT exalte tant.

Conformément à la convention, les Etats doivent promouvoir et développer des procédures de négociation volontaire. L’Uruguay a accordé une grande importance à ce mandat non seulement en respectant les garanties de la convention, mais aussi en prenant des mesures efficaces pour renforcer les niveaux de la négociation collective. De cette manière, le pays a pu augmenter la couverture de la négociation collective ainsi que les revenus des travailleurs actifs et des retraités, enregistrer le taux d’inégalités sociales le plus faible d’Amérique latine et améliorer les relations entre les syndicats et les employeurs à des niveaux supérieurs de dialogue social, auxquels d’autres pays d’Amérique latine ne peuvent qu’aspirer tant ces niveaux semblent impossibles à atteindre.

Ces éléments reflètent non seulement le bien-être de la population uruguayenne, mais aussi les progrès accomplis au profit des entreprises du pays. La négociation collective en Uruguay n’a pas lieu uniquement au niveau des entreprises, comme dans la plupart des pays, mais aussi au niveau des secteurs de l’économie. Ainsi, contrairement à la situation en Colombie par exemple, où la négociation collective concerne à peine 2 pour cent de la population active, la couverture des travailleurs et des entreprises est quasi totale en Uruguay. Or c’est précisément sur ce point qu’est fondée la plainte des entreprises.

Il est absurde que l’inscription sur la liste de la commission soit le fait d’une plainte de la part des employeurs, alors même que ce sont les employeurs, en coopération avec les syndicats et les entreprises, qui ont négocié les salaires et les conditions de travail en Uruguay durant des décennies. Leur volonté et le fruit du dialogue social ont permis de faire des progrès en matière de négociation collective en Uruguay. Ils ne devraient pas dénoncer aujourd’hui des violations de la convention, étant donné qu’ils sont eux-mêmes intervenus, en participant avec toutes les garanties, et qu’ils ont accompli des progrès dont ils devraient se féliciter.

Nous apprécions que les employeurs exigent devant cette commission que le gouvernement de l’Uruguay mette en œuvre sans délai les recommandations formulées par les organes de contrôle de l’OIT et espérons qu’ils le fassent avec le même entrain pour les gouvernements du Brésil, de l’Argentine ou de la Colombie, qui font l’objet d’une dizaine d’observations, de demandes directes et de conclusions que l’OIT a formulées en matière de liberté syndicale et réitérées pendant des années, sans succès.

Membre gouvernemental, République bolivarienne du Venezuela – Le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela remercie le gouvernement de l’Uruguay pour les informations fournies. Le cas de l’Uruguay est un autre exemple de la surreprésentation des pays d’Amérique latine et des Caraïbes dans les travaux de cette commission: parmi les pays inscrits sur la liste, six proviennent de notre région et près de 60 pour cent d’Amérique du Sud. Comme à d’autres occasions, les critères de sélection des cas de pays ne sont pas clairs, et la distribution géographique équitable n’a pas été respectée dans la composition de la liste.

En particulier, nous soulignons les efforts déployés par le gouvernement de l’Uruguay en vue de promouvoir le dialogue social et la négociation collective, afin de garantir les droits de toutes les parties. Nous saluons en outre les progrès accomplis par le pays dans le domaine de la protection sociale ainsi qu’en matière de relations professionnelles et de protection des droits.

Pour cette raison, nous invitons le gouvernement de l’Uruguay à poursuivre sur la voie du tripartisme, de la négociation collective et du dialogue social, comme il l’a fait par tradition. Je répète, comme il l’a fait par tradition.

Membre employeur, Guatemala – Nous examinons à nouveau le cas de l’Uruguay concernant la convention no 98. Nous le faisons parce que tant la commission d’experts que le groupe des employeurs ont réitéré leur préoccupation à cet égard, et parce que les organes de contrôle de l’OIT demandent à nouveau au pays d’aligner sa législation sur les dispositions de cette convention fondamentale, puisqu’il ne l’a toujours pas fait à ce jour, malgré la mise en place d’un dialogue tripartite qui n’a pas produit les résultats escomptés. Le gouvernement de l’Uruguay est obligé de prendre les décisions nécessaires en vue de concrétiser les observations formulées par les organes de contrôle sous la forme d’une loi positive.

La commission d’experts a souligné la nécessité de mettre en œuvre les dispositions de l’article 4 de la convention, qui vise à promouvoir la négociation collective libre et volontaire. A ce propos, nous sommes particulièrement inquiets du fait qu’en Uruguay la réglementation administrative et la pratique permettent l’occupation des locaux des employeurs à la suite d’un conflit. Il nous semble évident que cela ne favorise nullement la négociation libre et volontaire. Comment pourrait-on avoir une négociation de ce type lorsque l’une des parties est dépouillée de son patrimoine et que l’avenir de son entreprise est mis en danger? A l’évidence, cela génère une pression injuste sur l’une des parties, dans ce cas sur les employeurs, en vue de parvenir à un accord qui devra sûrement répondre à des prétentions qui, en l’absence de pressions de ce type, ne seraient pas admises. Je me demande alors de quel type de liberté nous sommes en train de parler. Nous sommes en train de parler d’une grave violation du droit de propriété et de la liberté de l’une des parties, afin de la contraindre à négocier collectivement. Il ne peut y avoir de violation plus claire de la norme susmentionnée, qui encourage la négociation libre et volontaire. La violation des droits n’affecte pas seulement les employeurs, puisqu’elle affecte aussi gravement les travailleurs qui ne souscrivent pas au mouvement en question et qui souhaitent poursuivre leurs activités. Nous sommes en présence, par conséquent, d’une violation d’une garantie fondamentale dont bénéficie toute personne, à savoir le droit au travail.

En gardant à l’esprit ces préoccupations, nous appelons le gouvernement de l’Uruguay à agir sans délai – puisque de nombreuses années sont passées depuis le premier examen de ce cas par les organes de contrôle – afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en tant que Membre de cette Organisation et en tant que partie à la convention en question, qui est l’une des conventions fondamentales. Nous lui demandons en outre d’aligner pleinement sa législation et sa pratique, afin d’ouvrir la voie à une négociation collective qui soit effectivement volontaire et libre.

Membre travailleur, Brésil – Je m’exprime au nom des membres travailleurs du Brésil, des Etats-Unis, de Cuba et de l’Association des avocats du travail de l’Amérique latine. Le cas à l’examen, contrairement à ce que l’on pourrait penser, est un véritable cas de réussite, que ce soit au regard des progrès accomplis par le gouvernement de l’Uruguay en vue de promouvoir et de diffuser la pratique de la négociation collective dans le pays ou au regard de la manière dont le gouvernement s’est comporté vis-à-vis des observations et des demandes formulées par les organes de contrôle.

Nous devons reconnaître, de la même manière que l’a fait la commission d’experts, le processus intense et constructif de dialogue social et les accords tripartites menés à bien depuis 2015, et nous prions instamment tous les pays à se référer à ce cas.

L’Uruguay a redistribué de manière systématique et élargie sa prospérité croissante depuis 2005 et réduit les inégalités et le travail informel.

Le rétablissement de bonnes pratiques en matière de négociation collective, élargie aux secteurs productifs, et la prise en compte dans la population active de groupes qui étaient auparavant exclus, à l’instar des travailleurs ruraux et des travailleurs domestiques, ont constitué la clé de voûte de ces changements.

Pendant ce temps, un pays comme les Etats-Unis, qui jouit d’une certaine prospérité mais où seulement 7 pour cent des travailleurs du secteur privé sont couverts par la négociation collective et où il n’y a pas de négociation sectorielle, a pris la mauvaise direction en matière de salaires, ce qui a généré des inégalités et l’informalité professionnelle pendant plus de trente ans.

De même, dans beaucoup d’autres pays, les travailleurs ruraux et les travailleurs domestiques sont pour l’essentiel exclus de la négociation collective, que l’Uruguay a en revanche élargie afin de les inclure.

Au moment où nous célébrons le centenaire de l’OIT, nous devons saluer les pays qui ont adopté le dialogue social et les instruments tripartites dans le souci de parvenir à une justice sociale plus accrue.

Nous pourrions réfuter avec véhémence l’argumentation selon laquelle les conseils salariaux sont une forme d’arbitrage obligatoire. A la lecture de la loi no 18566, il n’y a aucune disposition qui oblige à donner la priorité au conseil tripartite par rapport aux négociations bilatérales. Le recours aux conseils relève du choix des parties et n’est en rien obligatoire.

De plus, dans l’article 19, paragraphe 8, de sa Constitution, l’OIT assure que la ratification des normes internationales n’empêche pas le développement d’autres lois, découlant de la coutume ou de décisions judiciaires, qui supposent des conditions plus favorables que celles prévues par la norme internationale. De fait, on ne peut accepter de défendre la suppression de droits et une tentative visant à utiliser la convention comme instrument pour faire pièce à l’application de règles locales plus favorables.

Membre gouvernementale, Costa Rica – Le gouvernement du Costa Rica remercie le gouvernement de l’Uruguay pour les informations détaillées qu’il a fournies concernant l’application de la convention. Nous reconnaissons la volonté affichée par le gouvernement de l’Uruguay d’améliorer les relations entre les travailleurs et les employeurs, par l’intermédiaire du dialogue tripartite. Nous saluons les efforts réalisés afin de parvenir à un accord social qui puisse satisfaire les intérêts des travailleurs et des employeurs. L’Uruguay est l’une des démocraties les plus anciennes du continent et affiche des niveaux records dans les domaines des droits de l’homme, du droit international, du dialogue et du règlement pacifique des conflits.

Récemment, en 2019, l’Uruguay a été soumis à son examen périodique universel en matière de droits de l’homme. A cet égard, nous avons pu apprécier l’existence de politiques publiques et d’un cadre juridique et institutionnel propice à la protection des droits de l’homme, notamment du droit au travail, et nous avons été informés des mesures prises tout récemment en vue de renforcer la politique sociale et le secteur des travailleurs.

Nous espérons que le gouvernement de l’Uruguay continuera de prendre des mesures afin de renforcer la mise en œuvre de ses normes internes ainsi que des principes émanant de la convention et des normes de l’OIT.

Membre employeur, Chili – Le cas de l’Uruguay présente de l’intérêt pour tous les mandants de l’OIT, en ce sens qu’il concerne, notamment, un sujet qui fait partie du noyau dur de cette Organisation internationale, à savoir le dialogue social.

La convention dont il est question est une convention fondamentale de l’OIT, qui promeut et reconnaît la valeur du dialogue social. Toutefois, il ne s’agit pas de n’importe quel type de dialogue social, mais bien du dialogue social qui est mené de manière collective, libre et volontaire.

Depuis 2010, la commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale ont prié le gouvernement de l’Uruguay, malheureusement et sans succès, de réviser la loi no 18566 de 2009, qui établit les principes et droits fondamentaux du système de négociation collective, et de prendre des mesures concrètes afin de garantir la pleine compatibilité de la législation et de la pratique avec la convention, en particulier les dispositions de son article 4.

Surtout, concernant les compétences du Conseil supérieur tripartite en matière de négociation collective, le Comité de la liberté syndicale a prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires «pour que le niveau de négociation collective soit établi par les parties et ne fasse pas l’objet d’un vote dans une entité tripartite».

Par ailleurs, en ce qui concerne les compétences des conseils salariaux en matière de rémunération et de conditions de travail, le Comité de la liberté syndicale a déclaré ce qui suit: «Rappelant qu’il appartient aux autorités législatives de déterminer les minima légaux en matière de conditions de travail et que l’article 4 de la convention no 98 encourage la négociation tripartite en matière de fixation des conditions de travail, le comité s’attend à ce que ces principes soient appliqués et que toute convention collective relative à la définition des conditions d’emploi soit le fruit d’un accord entre les parties.»

Dans les faits, en Uruguay, on constate que les conseils salariaux sont devenus une forme d’arbitrage obligatoire, dans lesquels les représentants du pouvoir exécutif définissent les éléments directeurs de la négociation et formulent des propositions relatives aux conditions de travail, en ne laissant pratiquement plus de place à la négociation libre et volontaire des parties.

En somme, les deux situations susmentionnées dérogent clairement aux dispositions énoncées dans la convention car, outre le fait qu’elles n’encouragent pas la négociation volontaire, libre et bipartite des parties, elles ouvrent la voie à des ingérences injustifiées de la part des gouvernements en fonction.

Enfin, nous nous associons à l’appel lancé à nouveau par la commission d’experts dans ses commentaires de 2018 et nous prions respectueusement le gouvernement de l’Uruguay de présenter au Parlement un projet de loi garantissant la pleine compatibilité de la législation et de la pratique nationales avec les dispositions prévues dans la convention.

Membre gouvernementale, République dominicaine – La République dominicaine s’associe à la déclaration faite par le GRULAC et manifeste son appui au rapport du ministre du Travail de l’Uruguay. Le gouvernement de la République dominicaine reconnaît la volonté affichée par le gouvernement de l’Uruguay ainsi que les mesures prises, par l’intermédiaire de son ministre du Travail. Cela témoigne clairement du fait que le gouvernement est engagé à respecter les dispositions prévues au titre des conventions nos 87 et 98.

Les informations fournies montrent que le gouvernement de l’Uruguay est résolu à appliquer les normes internationales du travail. De fait, nous reconnaissons les efforts que le gouvernement a déployés en procédant à des réformes de la législation nationale et de pratiques administratives visant à promouvoir les principes et droits fondamentaux au travail, afin de renforcer le droits des travailleurs dans différents domaines, en garantissant davantage la promotion du tripartisme, conformément aux dispositions énoncées dans la convention (nº 144) sur les consultations tripartites relatives aux normes internationales du travail, 1976.

Membre employeuse, République bolivarienne du Venezuela – Nous nous félicitons du fait que le dialogue et les accords tripartites soient mis en œuvre en Uruguay, afin de donner suite aux propositions de réformes législatives, dans ce cas concernant l’occupation des lieux de travail et la portée des conseils salariaux, et du fait que le gouvernement ait accepté l’assistance technique du Bureau. Ce sont des situations qui sont étrangères à la réalité vénézuélienne.

Toutefois, nous sommes inquiets de voir que des mécanismes qui devraient poursuivre un objectif sain et légitime de dialogue tripartite, constructif et efficace puissent être utilisés comme un subterfuge permettant au gouvernement, en abusant de ses compétences, de s’immiscer dans les décisions des parties liées par des relations professionnelles. Cela esquisse une forme d’arbitrage obligatoire qui établit les éléments directeurs de la négociation ou qui détermine en définitive les conditions de travail, en violation de la convention.

Le droit d’organisation et la négociation collective libre et volontaire doivent être privilégiés dans tout effort visant le dialogue tripartite. Cela ne peut pas se convertir en autorisation, en homologation ou en ingérence de la part du pouvoir exécutif, qui affaiblit les accords légitimes découlant de la négociation collective. Le gouvernement devrait promouvoir, avant tout, le dialogue bipartite aux fins de fixation des conditions de travail et faciliter le développement harmonieux des relations professionnelles, conformément à l’article 4 de la convention. Bien qu’elle veille à éviter l’ingérence des organisations d’employeurs dans les activités des organisations de travailleurs dans le cadre de l’adoption des accords, la convention ne pourra jamais chercher à promouvoir l’ingérence ou le diktat du gouvernement dans l’établissement des conditions de travail. De cette façon, le dialogue et les accords tripartites ne peuvent pas mettre en danger la négociation collective libre et volontaire.

Ce serait grave et absurde que, sous couvert d’éventuels dialogues tripartites ou d’éventuels mécanismes d’arbitrage, le gouvernement impose des conditions de travail, encore plus si elles sont excessives pour les employeurs, ce qui finit par porter préjudice aux travailleurs. En effet, ce type d’obligation ne fait que limiter la capacité des employeurs à offrir aux travailleurs des conditions de travail meilleures, équitables et durables ou, pire encore, affecter la viabilité des entreprises.

Nous espérons que cela ne se transforme pas en une pratique qui sera reproduite plusieurs fois et qui finira par déformer le fonctionnement des mécanismes tripartites. Au lieu d’être des ressources saines auxquelles faire appel pour garantir l’équilibre des décisions en matière de travail, on les transformerait en modalités novatrices d’ingérence du gouvernement, qui affaiblissent le véritable exercice de la liberté syndicale et du droit à la convention collective libre et volontaire ou le rendent illusoire.

Nous rappelons au gouvernement de l’Uruguay qu’un dialogue tripartite constructif et efficace est nécessaire en vue de l’élaboration de la législation, dans le plein respect de la liberté d’organisation et de la convention collective volontaire, conformément à la convention.

Membre gouvernemental, Argentine – Nous remercions tous les représentants, en particulier le représentant du gouvernement de l’Uruguay, pour les informations fournies, ainsi que tous les représentants gouvernementaux et les partenaires sociaux qui ont pris la parole. Nous souhaitons développer deux points dans le cadre de notre réflexion. D’une part, nous soulignons l’importance du système de contrôle de l’OIT qui vise depuis longtemps à fournir des orientations aux pays afin qu’ils puissent appliquer les normes internationales de manière adéquate. Nous souhaitons faire ressortir les propos du représentant du GRULAC, auxquels nous souscrivons, concernant l’éventuel déséquilibre géographique dans l’établissement de la liste, au détriment en particulier de notre région. Nous souhaitons également qu’à l’avenir des travaux soient réalisés concernant la méthode relative à l’établissement des listes, au moyen du dialogue social tripartite, afin que tous puissent contribuer à explorer toutes les possibilités d’élaborer une méthode assurant la transparence et l’objectivité. De cette façon, nous pourrons garantir, en appliquant ces critères et cette méthode, le traitement des cas les plus urgents, les plus complexes et les plus importants, ce qui aura sans doute des effets bénéfiques pour leur examen.

D’autre part, nous avons écouté attentivement l’intervention faite par le représentant du gouvernement de l’Uruguay, qui a exposé en détail les mesures appliquées, l’accent étant mis également sur la représentation des travailleurs. Un rapport sur les effets positifs produits jusqu’à présent par un modèle de négociation collective bien établi a aussi été élaboré. Le gouvernement de l’Argentine reconnaît et salue en outre les efforts déployés par le gouvernement de l’Uruguay en vue de se conformer aux cadres de discussion et de recommandation, eu égard aux commentaires formulés par l’OIT. Nous pensons que toute modification doit être négociée ou réalisée dans le cadre du dialogue social tripartite, tel qu’exposé ici, afin de pouvoir soutenir les aspects positifs du modèle actuel et employer indubitablement cette méthode pour appliquer les modifications. Nous encourageons de fait le gouvernement de l’Uruguay à continuer de travailler comme il l’a fait jusqu’à présent.

Membre employeuse, Argentine – La négociation collective est un pilier fondamental du travail décent, en ce sens qu’elle permet d’instaurer la confiance et le respect mutuels dans les relations entre les employeurs, les travailleurs et leurs organisations et qu’elle contribue à maintenir des relations professionnelles stables et fructueuses.

Notre intervention porte sur la durée et la validité des conventions collectives. Ces deux éléments sont essentiels et doivent faire l’objet d’un accord entre les parties contractantes. La décision obtenue dans le cadre de ces processus a une légitimité toute particulière et ne saurait en aucun cas être déformée par des normes imposant l’ultra-activité des conventions collectives.

Nous assistons aujourd’hui à l’évolution rapide des diverses formes de travail. Cette réalité renforce la nécessité de disposer de mécanismes de dialogue social efficaces afin de moderniser les relations professionnelles et de garantir le respect des principes et droits fondamentaux dont cette Organisation est la garante, sans nuire à la création d’emplois portée par les nouvelles technologies.

Le Comité de la liberté syndicale a rappelé à ce sujet que «la durée des conventions collectives est une question qui relève au premier chef des parties concernées mais, si une action gouvernementale est envisagée, la législation devrait refléter un accord tripartite». Les propositions de révision de l’article 17 de la loi no 18566 formulées par le gouvernement de l’Uruguay ne découlent pas d’un accord tripartite et ne donnent pas suite aux observations des organes de contrôle, puisqu’il est proposé que l’ultra-activité fasse l’objet d’une négociation dans le cadre de chaque convention. Au contraire, cela peut être interprété comme un autre acte d’ingérence injustifiée dans la négociation collective.

En tant qu’employeurs, nous revendiquons la règle générale de la durée des conventions collectives. En effet, ces contrats doivent présenter une échéance qui a été fixée, ce qui est l’une de leurs caractéristiques fondamentales. Comme chaque contrat, une fois la convention arrivée à échéance, tel que décidé par les parties contractantes, ses dispositions sont caduques et les parties sont libres de négocier une nouvelle convention collective.

En conclusion, nous espérons que la commission exhorte le gouvernement de l’Uruguay à réviser la loi dont il est question, avec le concours des partenaires sociaux, et qu’il tienne compte des commentaires formulés par les organes de contrôle, en garantissant le respect de l’autonomie des parties contractantes ainsi que l’application des principes et des droits énoncés dans la convention.

Membre employeur, Honduras – Nous constatons avec préoccupation que l’Uruguay doit à nouveau faire face à des plaintes relatives au non-respect du gouvernement d’une convention qui fait partie de l’essence même de l’OIT. Cette convention établit en effet les règles et les éléments directeurs applicables à la négociation collective, de sorte qu’elle soit fiable, viable et efficace, en établissant le principe d’indépendance et d’autonomie des parties ainsi que le caractère libre et volontaire des négociations.

Plus de dix ans après la présentation de cette plainte contre le gouvernement de l’Uruguay, ce cas est à nouveau analysé, en l’absence d’action de la part du gouvernement. Cette plainte découle du fait qu’en Uruguay la négociation des salaires par branche d’activité économique ne respecte pas les principes de la convention, étant donné qu’il n’y a pas de liberté de négociation. Ce droit fondamental est mis à mal par le gouvernement, qui s’est emparé du droit des employeurs et des travailleurs de conclure des accords en conduisant des négociations collectives entre eux. Cela a été accepté par l’administration du travail.

En ce qui concerne la portée des conseils salariaux en matière de rémunération et de conditions de travail, le gouvernement n’a proposé aucune modification de la législation et persiste à ne pas reconnaître que les négociations tripartites qui sont effectuées dans le cadre des conseils salariaux équivalent dans la pratique à une forme d’arbitrage obligatoire, dans lequel les délégués du ministère du Travail et de la Sécurité sociale identifient et définissent le déroulement des négociations.

Le gouvernement n’a pas été en mesure de parvenir à un accord tripartite au sujet des réformes demandées depuis huit ans par le Comité de la liberté syndicale et par la commission d’experts. Il doit maintenant satisfaire à son obligation de soumettre au Parlement un projet de loi qui mette un terme à l’inobservation des principes découlant des conventions internationales ratifiées par le gouvernement de l’Uruguay en matière de négociation collective.

Malgré les recommandations que la commission d’experts lui a adressées, le gouvernement de l’Uruguay continue de faire la sourde oreille et de maintenir en vigueur les normes remises en question. Pour ces raisons, nous formulons les demandes suivantes à la Commission de la Conférence: premièrement, d’exhorter le gouvernement de l’Uruguay à adopter sans délai les mesures nécessaires afin de donner suite aux commentaires formulés par la commission d’experts; deuxièmement, que le gouvernement de l’Uruguay organise les réunions tripartites qui aboutiront au projet de loi garantissant la pleine compatibilité de la législation et de la pratique nationales avec la convention; et, troisièmement, que le gouvernement de l’Uruguay indique les progrès accomplis à l’égard de ce cas avant la prochaine session du Conseil d’administration du BIT, prévue en novembre 2019.

Membre gouvernemental, Fédération de Russie – Nous remercions le représentant du gouvernement de l’Uruguay pour les informations fournies concernant les mesures que le gouvernement a prises afin de s’acquitter des obligations qui lui incombent en vertu de la convention. Nous avons écouté attentivement les explications relatives aux réformes du travail qui ont été menées en Uruguay pendant de nombreuses années. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Des efforts considérables ont été déployés afin de rétablir les droits des travailleurs, d’améliorer la sécurité sociale et de réduire le nombre d’emplois dans le secteur informel. Nous notons avec intérêt l’expérience de l’Uruguay en matière de promotion de la négociation collective à trois niveaux au sein du Conseil supérieur tripartite, au niveau des branches et des secteurs d’activité, et des activités indépendantes et des entreprises. De ce que nous comprenons, la législation du pays garantit le droit de négociation collective. En outre, la conduite de négociations collectives semble être une tradition perpétuée dans le pays. Nous sommes d’accord avec les délégations qui ont affirmé que, lors de l’examen des questions relatives au respect des conventions de l’OIT, nous devons tenir compte de la loi et de la pratique du pays concerné, ainsi que des caractéristiques spécifiques du système juridique de ce pays.

Il importe de noter que le gouvernement se montre disposé à coopérer avec l’OIT, qu’il adopte une approche constructive en ce sens et qu’il s’emploie à mettre en œuvre les recommandations formulées lors du dernier examen de ce cas. Nous devons l’encourager à poursuivre sur cette voie. Nous demandons instamment que des efforts soient sans cesse déployés en vue de consolider le dialogue social en Uruguay, en coopération avec l’OIT.

Membre employeur, Etat plurinational de Bolivie – Pour commencer, je dois signaler qu’il ne s’agit pas de remettre en question la négociation collective ni de s’opposer à la négociation collective comme moyen approprié pour régler les conflits. En effet, nous sommes convaincus que, si les acteurs directement concernés par un conflit ont la capacité de prendre des décisions librement, cela facilitera logiquement la conclusion d’accords réfléchis, appropriés et conformes à la réalité de chaque entreprise. Cette situation n’est pas étrangère à la réalité uruguayenne.

Cependant, il convient de souligner que, dans le cas à l’examen aujourd’hui, le concept de conciliation a été malheureusement remplacé, de manière évidente, par celui d’imposition. Cela est grave et devrait donner matière à réflexion, en ce sens qu’il s’agit de la modalité appliquée pour parvenir à un accord. A l’évidence, les employeurs se retrouvent sans défense et sont exposés à différents niveaux de pression, moyennant des grèves et d’autres moyens qui, au lieu de faciliter la conclusion d’accords, ne font que motiver une atteinte à l’intégrité des entreprises et, partant, aux sources mêmes d’emploi.

Les employeurs de l’Etat plurinational de Bolivie manifestent pleinement leur empathie vis-à-vis des employeurs de l’Uruguay. En effet, nous sommes dans la même situation car, chaque année, on nous impose la signature de conventions collectives soumises à échéance, afin d’accorder des augmentations selon la base annuelle fixée par le gouvernement national. C’est précisément du fait de cette expérience négative que nous savons ce que cela signifie de subir des pressions, y compris des extorsions, de la part des représentants syndicaux, qui s’éloignent de la nature juridique du concept de négociation libre et volontaire.

C’est précisément pour cette raison que nous sommes convaincus que les gouvernements ne peuvent pas ignorer le fait que les employeurs sont indispensables à toute relation professionnelle. En conséquence, même si nous savons tous que la législation du travail est de caractère protectionniste, cela ne doit pas empêcher les gouvernements d’offrir aux employeurs les mêmes marges de sécurité juridique et les mêmes garanties qui sont nécessaires afin de pouvoir prendre des décisions en toute liberté dans les limites de chaque législation et d’établir les conditions applicables aux relations professionnelles par l’intermédiaire de la négociation libre.

Du moment qu’on impose la signature de conventions en ayant recours à la coercition, y compris simulée, à l’instar de la présentation à titre discrétionnaire et unilatéral à un arbitrage du travail, on dénaturalise assurément l’objet et la finalité de la convention, en partant du principe que toute législation doit respecter les aspects qui sont régis par cet instrument. C’est précisément pour cela que, depuis 2010, la commission d’experts formule de manière récurrente des commentaires à l’égard du cas de l’Uruguay. Ce n’est pas pour autant que le gouvernement a pris, à ce jour, les mesures nécessaires pour mettre en conformité sa législation.

Membre gouvernemental, Panama – La délégation gouvernementale du Panama remercie le représentant gouvernemental pour les explications fournies. Nous considérons que le présent cas est un exemple qui reflète de manière fidèle le non-respect de la distribution géographique équitable dans la sélection des cas que la commission doit examiner. En effet, dans la liste longue des cas à présenter devant la Commission de l’application des normes, 5 pays sur 11 sont des pays d’Amérique du Sud, soit près de la moitié, et 3 d’entre eux ont été inclus dans la liste restreinte, soit 60 pour cent des pays concernés. En comparaison avec d’autres régions ou d’autres sous-régions, on observe une surreprésentation de la zone latino-américaine ou de la zone sud-américaine. Il n’y a pas non plus d’autres éléments de sélection indiquant que ce cas nécessite un examen immédiat compte tenu de sa gravité. De surcroît, nous soulignons les efforts réalisés par le gouvernement en vue de promouvoir la négociation collective et le dialogue social, et en vue d’accomplir à terme des progrès en matière de protection sociale.

Nous encourageons le gouvernement de l’Uruguay à poursuivre sur la voie du tripartisme, afin de mener des consultations et de recourir à d’autres mécanismes de dialogue.

Membre gouvernemental, Etat plurinational de Bolivie – L’Etat plurinational de Bolivie remercie le gouvernement de l’Uruguay pour les informations fournies concernant la convention. Nous saluons en outre les efforts déployés par le pays afin d’étendre les droits des travailleurs dans divers domaines, notamment la liberté syndicale, la négociation collective, les contrats de sous-traitance, les procédures de travail, entre autres. Nous soulignons également la hausse continue du salaire réel des travailleurs, ainsi que la création d’emplois et les améliorations apportées en matière de sécurité sociale. Ces progrès importants se reflètent dans la baisse du niveau de pauvreté en Uruguay.

A la lumière des informations fournies par le gouvernement de l’Uruguay, nous considérons que l’examen du présent cas devant cette commission est injustifié. De fait, nous encourageons le gouvernement de l’Uruguay à continuer de prendre des mesures en faveur de la promotion et de la protection du droit d’organisation et de négociation collective dans le pays.

Représentant gouvernemental – Nous remercions les différents délégués pour l’attention qu’ils ont accordée à ce cas qui concerne l’Uruguay. Avant toute chose, nous souhaitons affirmer à nouveau, selon la pratique, la conviction et la décision politique de notre gouvernement que nous sommes engagés en faveur du dialogue et de la négociation, en vue d’apporter les modifications nécessaires et raisonnables, par consensus social comme exprimé par les organismes de l’OIT, pour accroître et améliorer la négociation collective et la prévention des conflits.

Nous appuyons les propos formulés par les organismes de contrôle de l’OIT, à savoir la commission d’experts, le Comité de la liberté syndicale et la Commission de l’application des normes, et nous apportons notre contribution en écoutant, en répondant et en faisant ce qui est demandé. Nous avons agi en conséquence. Toutefois, nous avons précisé expressément que, pour qu’il y ait un consensus social, il faut que les parties se mettent d’accord. Dans notre premier exposé, nous avons montré comment les diverses propositions présentées par notre gouvernement ont été rejetées, ce qui a empêché de parvenir au consensus social en vue d’apporter des modifications. Comme il a été dit, nous avons formulé pendant ces années des propositions de solution à chacune des recommandations que le Comité de la liberté syndicale a faites dans son rapport de mars 2010, en particulier en 2015, 2016, 2017 et 2018.

Nous ne pensions pas, en toute sincérité, que la quasi-totalité des gouvernements d’Amérique latine et des Caraïbes nous manifesteraient leur appui si important durant cette séance. Nous les remercions tout particulièrement. Nous sommes honorés, satisfaits et orgueilleux du fait que les gouvernements de notre région aient appuyé nos décisions et nos actions.

De plus, nous souhaitons remercier de manière particulière les pays d’autres régions, à l’instar de l’Espagne, de la Chine et de la Fédération de Russie, pour leur appui et leur intervention. En effet, nous ne nous attendions pas non plus à leur soutien et nous en sommes honorés et émus. Nous nous réjouissons en particulier du fait que ces pays d’envergure aient consacré une partie de leur temps si précieux à ce petit pays qui est aujourd’hui, à notre avis, injustement inscrit dans cette liste de cas à examiner. Nous nous sommes néanmoins présentés en toute sérénité, avec une conviction absolue et la conscience tranquille, afin de saisir cette occasion pour que l’on sache ce que l’Uruguay a fait et ce que le pays est en train de faire.

Nous nous félicitons en outre, tout particulièrement, de l’appui unanime des travailleurs du monde à l’égard de l’Uruguay. Sincèrement, chers travailleurs, je vous remercie parce que vous soutenez un pays qui compte poursuivre sur la voie du progrès, malgré ses erreurs, ses lacunes et les progrès qu’il lui reste à accomplir. Ils soutiennent les systèmes de négociation collective, de protection du travail et de protection sociale que nous développons dans notre pays et qui sont aujourd’hui injustement la cible de certains.

Nous souhaitons souligner en outre, et je l’affirme avec sincérité et conviction, l’intervention de la délégation des employeurs de l’Uruguay. Nous sommes d’avis que l’intervention des employeurs de l’Uruguay ouvre à nouveau des possibilités d’aller de l’avant et, de la même manière et avec la même conviction, nous regrettons et réfutons les interventions d’autres représentants d’employeurs, qui ont parlé en méconnaissance de la réalité de l’Uruguay. Ils ont dit des choses qui ne sont pas prouvées, ils n’ont pas lu les documents que nous avons présentés et ils ont fondé leurs propos simplement sur des questions idéologiques, afin de s’en prendre à un système de protection sociale et de relations professionnelles qui offre et qui continuera d’offrir de meilleures conditions aux travailleurs de l’Uruguay, ainsi qu’aux entreprises du pays, comme cela a été démontré.

Si ce système qui régit les relations professionnelles avait échoué, alors l’enregistrement des entreprises au système de sécurité sociale n’aurait pas doublé en Uruguay et nous n’aurions pas connu une croissance économique continue pendant seize ans pour la première fois de l’histoire de notre pays, qui plus est supérieure pendant la majorité des années de croissance en Amérique latine.

Nous souhaitons poursuivre sur cette voie. Nous sommes disposés à le faire, car nous savons qu’il est nécessaire d’apporter des modifications. Nous avons apporté des modifications. Nous avons formulé des propositions, qui ont rencontré des obstacles ici et là. Des choses qui sont infondées ont été dites dans cette enceinte, par exemple que les conditions de travail sont imposées par le gouvernement, alors qu’en Uruguay seuls les représentants des travailleurs et ceux des employeurs peuvent décider des conditions de travail.

Il a été dit ici, à tort, que le gouvernement impose ses lignes directrices en matière d’augmentation salariale. Le gouvernement propose des lignes directrices qui sont examinées, et les parties sont entendues au préalable. Ces lignes directrices ne sont pas obligatoires. Qu’est-ce qui prouve qu’elles ne le sont pas? Le résultat du cycle actuel de négociation collective et celui des cycles précédents. Qu’est-ce qui s’est passé pendant le cycle actuel de négociation collective? Quatre-vingt-cinq pour cent des accords ont été conclus entre employeurs et travailleurs, ce qui est très important. Toutefois, analysons de manière plus détaillée ces chiffres. Ce pourcentage se compose de 47 pour cent d’accords tripartites et de 38 pour cent d’accords bipartites dans le cadre desquels les employeurs et les travailleurs, sur un pied d’égalité, ont souhaité négocier de manière tripartite tout en sachant que le gouvernement voterait contre ou s’abstiendrait de voter. Cela montre le caractère libre de la négociation collective en Uruguay.

En ce qui concerne l’impartialité du gouvernement, lorsque nous avons dû voter en faveur ou contre une des parties, lors de ce cycle de négociation collective, nous avons voté sans le savoir, mais pas par hasard, en faveur des employeurs dans 5 pour cent des cas et en faveur des travailleurs dans 5 pour cent des cas. Voici ce qui se passe vraiment en Uruguay.

On a parlé ici de pressions. Or il n’y a pas une seule allégation de pression exercée contre les employeurs dans tous les comptes rendus des conseils salariaux et des réunions. Nous l’avons dit et, par exemple, dans une déclaration de mars 2018 des représentants des employeurs uruguayens, déclaration à laquelle nous attachons une grande valeur, ceux-ci affirment avoir reçu les lignes directrices du gouvernement mais vouloir débattre au sein des conseils salariaux. Si tels ont été les propos des employeurs, ils sont consignés dans le compte rendu de la réunion du Conseil supérieur tripartite des conseils salariaux de mars 2018.

A cet égard, nous souhaitons souligner, enfin, le sens des propositions que nous avons formulées. Nous avons fait constamment des propositions en vue d’aller de l’avant et nous continuerons d’en faire. Pour cette raison, nous apprécions les propos du représentant des employeurs de l’Uruguay, qui a affirmé que les employeurs étaient disposés à nouveau, en consultation avec les partenaires sociaux, à promouvoir ensemble de nouvelles mesures visant à modifier le système de négociation collective et de prévention des conflits – je le répète, afin d’accroître et d’améliorer la négociation collective et la prévention des conflits.

Par ailleurs, nous sommes heureux de voir que, en Uruguay et devant cette commission, on souhaite débattre du droit de grève, car nous savons que les employeurs ne souhaitent pas en parler au sein de l’OIT ni ne souhaitent le reconnaître. Lorsqu’ils parlent d’occupation, nous parlons du droit de grève, ce dont nous nous réjouissons aussi.

Pour ces raisons, nous rappelons qu’en Uruguay la priorité est donnée à la négociation bipartite, comme l’indiquent clairement la loi no 18566 et ses articles. Preuve en est que, quand nous nous réunissons, nous voyons comment cela fonctionne.

Nous sommes et nous serons disposés, moyennant le dialogue et la négociation, à apporter des modifications et à aller de l’avant, et à continuer d’agir en ce sens, avec l’assistance du BIT, à laquelle nous attachons une grande importance et que nous apprécions particulièrement lorsque nécessaire et fondamentale, dans le respect de la réalité et de l’histoire de notre pays.

Membres travailleurs – L’Uruguay occupe, avec la Norvège, la quatrième place du classement des pays Membres ayant ratifié le plus de conventions internationales de l’OIT. Le pays a en outre été cité maintes et maintes fois comme exemple pour d’autres pays lorsqu’il s’agit de pratiquer le dialogue social.

Nous comprenons que, au sein du système en vigueur, l’Etat n’impose en aucun cas la négociation dans les conseils salariaux ni ce que l’on appelle un arbitrage obligatoire. Nous notons avec satisfaction que, dans ses commentaires, le gouvernement a montré la priorité et l’importance données à la négociation collective bipartite, et principalement à la convention. En outre, les parties ont la possibilité de négocier de manière bilatérale en dehors des conseils salariaux et de présenter ensuite, devant cette instance, l’accord qu’elles ont signé au préalable, sans que les autorités gouvernementales ne puissent en modifier le contenu. Par ailleurs, dans le cas où ils seraient convoqués par les conseils salariaux, les interlocuteurs en question peuvent refuser une telle convocation, en exprimant leur volonté de négocier collectivement de manière bilatérale ou en indiquant être couverts par une autre convention collective en vigueur. De surcroît, même si les conseils salariaux adressent une convocation, le seul fait qu’une des parties refuse de participer empêche le représentant du gouvernement de voter. Il serait de fait impossible d’alimenter une décision sur l’unité de négociation ayant fait l’objet de cet appel.

Ce système a eu pour effet, entre autres, de relancer considérablement l’ensemble de la négociation collective, au-delà des conseils salariaux; de multiplier de manière exponentielle les unités de négociation et le contenu des conventions collectives; et de permettre à d’autres secteurs de jouir du droit de négociation collective, des secteurs qui n’y avaient pas accès auparavant, comme nous l’avons déjà dit, et nous le répétons, compte tenu de l’importance que cela revêt pour les travailleurs ruraux et les travailleurs domestiques.

Comme nous l’avons entendu dans l’intervention du gouvernement, on a pu également augmenter le pouvoir d’achat des rémunérations et des salaires, ce qui, grâce au système de l’Uruguay, a tiré vers le haut l’ajustement périodique des prestations et des pensions et a entraîné une hausse considérable du niveau d’emploi et de la formalisation du travail, ce qui a eu des effets absolument positifs sur l’économie du pays.

Compte tenu des observations susmentionnées, le groupe des travailleurs demande au gouvernement de la République de l’Uruguay de redoubler d’efforts afin d’encourager la tenue de consultations tripartites pour parvenir à un consensus. J’insiste sur ce dernier point. Nous avons néanmoins entendu que le gouvernement était disposé à agir en ce sens. Le groupe des travailleurs observe par ailleurs que la commission d’experts peut tirer parti d’explications plus détaillées sur le fonctionnement du système de négociation collective de l’Uruguay dans la loi et dans la pratique, c’est pourquoi nous souhaitons encourager le gouvernement a présenter à la commission les informations qui ont été fournies ici et de la tenir informée de tout progrès accompli dans le cadre des consultations tripartites relatives aux éventuelles modifications dans la législation.

Enfin, nous prenons bonne note des commentaires formulés par le porte-parole des employeurs, qui soulèvent des questions relatives à l’exercice du droit de grève régi par la législation nationale. Au moment où ils l’ont fait, et c’est bien ainsi, les employeurs ont confirmé que les discussions et que les faits afférents au droit de grève revêtent une importance particulière au sein de la Commission de l’application des normes. Toutefois, en tant que travailleurs, nous exprimons notre avis sur cette question, à savoir que la grève pacifique est protégée par la convention nº 87, y compris toutes les autres pratiques syndicales qui sont exercées de manière pacifique, à l’instar des occupations.

Membres employeurs – Nous remercions énormément tous les intervenants à ce débat qui a suscité beaucoup d’intérêt, ce qui ne fait que confirmer l’importance de ce cas. S’il s’agissait d’une affaire simple, comme c’est parfois le cas, la séance aurait été relativement rapide. Les nombreuses interventions montrent clairement le message lié à l’application des conventions et l’intérêt que présente pour cette commission le suivi, par les gouvernements, des recommandations formulées par ses organes de contrôle.

Peut-être que, parce qu’il n’a pas pour habitude d’assister à ces séances, le ministre comprendra que nous véhiculons des messages de ce type précisément dans l’espoir que des modifications de fond seront apportées.

Dix ans se sont écoulés et, même si des propositions ont été faites, nous ne constatons aucun résultat. Je souhaite également dire au ministre qu’il faut interpréter le silence de ceux qui n’interviennent pas. De nombreux représentants de gouvernements partageant d’autres opinions ne sont pas intervenus, alors qu’ils ont l’habitude de le faire devant cette commission. Leur silence en dit long. Il est nécessaire de mettre en œuvre les changements, parce que nous attendons depuis très longtemps et parce qu’il est inacceptable qu’aucun progrès notable n’ait eu lieu.

Nous aurions aussi apprécié que le gouvernement de l’Uruguay nous donne des informations détaillées sur chacun des points que nous avons présentés, et non qu’il se contente de nous présenter des statistiques générales sur les progrès accomplis par le pays. Nous ne les nions pas, mais ces statistiques n’indiquent pas que le pays respecte la convention. La convention n’est pas appliquée en Uruguay, et cette commission, dans ses conclusions, doit insister sur l’application à bref délai de la convention.

Par ailleurs, les discours ne sont pas faits uniquement de mots mais aussi de gestes. Nous avons observé, dans le cadre de ce débat, que les regards et les messages adressés au porte-parole de l’OIE, lorsqu’il prononçait son discours, le discréditaient. De plus, dans sa réponse, le ministre nous a clairement qualifiés de menteurs. Je souhaite rappeler que cela est inquiétant pour nos représentants uruguayens au sein de cette commission qui rentreront au pays. Nous avons l’impression qu’ils pourraient subir le même traitement que notre porte-parole une fois de retour au pays. Il est évident que, au moyen de l’instrument législatif mis en place, on ne fait qu’inhiber le dialogue social et la cohésion. Les accords qu’on nous présente dans les statistiques peuvent susciter une crainte désagréable chez les employeurs de l’Uruguay, en ce sens qu’ils se sentent obligés de se mettre d’accord par peur de représailles diverses et variées.

Pour cette raison, nous réitérons chaque phrase que le porte-parole de l’OIE a prononcée. Nous sommes face à un refus répété, l’année de la célébration du centenaire, qui dure depuis une décennie déjà. La réglementation dans la pratique de la négociation collective en Uruguay est un exemple clair d’ingérence et d’intrusion dans les affaires des entreprises, ainsi que de harcèlement à l’égard des employeurs.

Les actes d’ingérence obligent les organisations d’employeurs à donner suite aux décisions imposées par le gouvernement en matière de fixation des salaires, alors que ceux-ci devraient être négociés librement par les parties, comme c’est le cas dans tous les pays qui respectent pleinement les dispositions relatives aux principes et aux droits fondamentaux de l’OIT et à la négociation collective, qui fait l’objet d’une convention fondamentale.

De fait, nous souhaitons, de manière aimable mais avec force, demander au gouvernement de l’Uruguay de prendre des dispositions claires et précises. A cette fin, nous appelons instamment la commission, dans ses conclusions, à exhorter le gouvernement, avant la tenue de la prochaine session du Conseil d’administration prévue en novembre 2019 et après avoir consulté, de manière efficace et de bonne foi, les partenaires sociaux les plus représentatifs, à élaborer un projet de loi garantissant la pleine compatibilité de la loi no 18566 et des pratiques nationales avec la convention et d’autres normes fondamentales, et à présenter ce projet au Parlement, en tenant compte de toutes les décisions des différents organes de contrôle.

Nous demandons également qu’avant le 1er septembre 2019 un rapport rendant compte de toutes les activités mises en œuvre soit transmis, afin que la commission d’experts puisse examiner ce cas cette année.

Nous sommes animés des meilleures intentions et nous agissons toujours dans le sens de l’entente, ce qui constitue le fondement de cette maison, à savoir le dialogue social. Le dialogue social qui aboutit en fin de compte à des relations sereines et plus pacifiques. Néanmoins, nous serons contraints de défendre les principes dont nous faisons l’article, dans quelque espace que ce soit à l’avenir et dans le cadre de l’instrument qui sera indispensable, conformément aux lignes directrices de la Constitution de cette Organisation, afin que les organismes du système de contrôle de l’OIT puissent accomplir des progrès sans délai, comme nous l’avons demandé.

J’ai déjà mentionné la question de la grève, qui ne figure pas dans les normes de l’OIT. Cela ne veut pas dire que le droit de grève n’existe pas. A l’échelle de l’Uruguay, ils pourront effectivement faire ce qu’ils veulent, mais cette commission n’est pas réunie pour se prononcer sur cette question. En tant qu’employeurs, nous reconnaissons le droit de grève réglementé au niveau de chaque pays, mais nous ne reconnaissons pas le droit de grève dans le cadre de la convention no 87 ni de la convention no 98. Nous n’avons pas changé d’avis et nous bénéficions de l’assentiment de la majorité des gouvernements qui considèrent que les modalités et les pratiques applicables à l’exercice du droit de grève doivent être réglementées par chaque juridiction. Dans ce contexte, le contenu de la loi uruguayenne sur ce sujet devra fait l’objet d’une analyse au niveau du pays et ne devra pas être soumis à l’examen du système de contrôle de la Commission de l’application des normes et, encore moins selon moi, à celui de la commission d’experts.

Pour conclure, je souhaite dire que, malgré nous, nous sommes obligés, compte tenu de la position adoptée aujourd’hui par le gouvernement de l’Uruguay à l’égard du groupe des employeurs, de demander que les conclusions relatives à ce cas figurent dans un paragraphe spécial.

Conclusions de la commission

La commission a pris note des informations fournies par le représentant du gouvernement et de la discussion qui a suivi.

Prenant en compte la discussion qui a suivi, la commission prie instamment le gouvernement:

- d’entreprendre des mesures législatives d’ici au 1er novembre 2019, après avoir pleinement consulté les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, en prenant en considération la recommandation des organes de contrôle de l’OIT, pour garantir la pleine conformité de la législation et de la pratique nationales avec la convention; et

- de préparer, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, un rapport à soumettre à la commission d’experts avant le 1er septembre 2019, afin de l’informer en détail des initiatives prises pour progresser dans le sens de la pleine application de la convention en droit et dans la pratique.

Représentant gouvernemental – Le gouvernement uruguayen tient à remercier les partenaires sociaux pour les discussions riches et intéressantes qui ont eu lieu dans cette salle concernant notre cas. Nous souhaitons toutefois faire ressortir trois aspects essentiels. Premièrement, notre pays est actuellement en période d’élections nationales, ce qui suppose certaines restrictions en ce qui concerne les dates proposées par le Parlement. En cette période électorale, les activités parlementaires sont suspendues; par conséquent, une instance nous posera peut-être des difficultés en ce qui concerne les délais indiqués, dans la mesure où, j’insiste, les activités parlementaires sont suspendues pendant la période électorale que connaît le Parlement, et il sera donc quelque peu difficile de régler ces questions.

Deuxièmement, nous tenons à informer la commission que nous avons convoqué la première réunion, le 26 de ce mois, pour poursuivre le dialogue social, et que nous avons convoqué les interlocuteurs des deux parties. Enfin, nous remercions la commission pour les conclusions.

Cas individuel (CAS) - Discussion : 2011, Publication : 100ème session CIT (2011)

Un représentant gouvernemental a indiqué que la plupart des personnes présentes ne connaissaient sans doute pas la réalité de l’Uruguay, petit pays qui existe depuis 200 ans et qui, aux yeux du monde, respecte et encourage la démocratie, laquelle n’a été interrompue que par deux dictatures militaires, la dernière ayant duré de 1973 à 1984. Aujourd’hui, d’après l’indicateur international «Latinbarómetro», l’Uruguay est le pays dont la population est la plus confiante dans son système démocratique au niveau régional, et l’une des premières au niveau mondial. De même d’après l’indicateur de développement humain de l’Organisation des Nations Unies, c’est l’un des premiers pays de la région. Depuis toujours, l’Uruguay est un pays respectueux des droits de l’homme, en particulier des droits du travail, et les partenaires sociaux – tant les syndicats que le patronat – y jouissent d’une indépendance totale visàvis du pouvoir politique. S’agissant du présent cas, lorsque l’on examine la loi no 18566 sur la négociation collective, ce qui est en fait en jeu n’est pas la loi, mais le modèle de dialogue social utilisé en Uruguay depuis 1943, date de l’adoption de la loi sur les conseils des salaires (loi no 10449). Pendant la période d’application de la loi, le salaire réel, le pays et les entreprises se sont développés de manière durable. En 1968, lorsque son application a été suspendue en raison de l’apparition de mouvements dictatoriaux, la croissance a cessé. De 1990 à 2004, la suspension de l’application de la loi a eu pour effet une diminution du salaire réel de 23 pour cent et le recul systématique de la négociation collective, laquelle a été réduite à sa plus simple expression.

A partir de 2005, les gouvernements qui se sont succédé ont favorisé une politique de dialogue social approfondi, qualifiée d’exemplaire par le Directeur du BIT. Cela a notamment permis au pays de ne pas entrer en récession au moment de la crise mondiale récente, puisque l’économie a connu une croissance modérée en 2009-10, et qu’elle redémarre actuellement. La négociation collective telle qu’elle se pratique dans le pays inclut pratiquement tous les travailleurs du secteur privé. Le modèle uruguayen des relations de travail se caractérise historiquement par une négociation collective par branche d’activité et non par entreprise. Néanmoins, la loi qui fait l’objet du cas n’empêche pas la négociation collective bilatérale. Les commentaires n’indiquent nullement que les principes essentiels de la convention sont en jeu ni qu’il est porté atteinte à des droits de l’homme fondamentaux comme cela peut être le cas dans d’autres cas à l’examen. L’examen des accords conclus dans le cadre des quatre cycles de négociation du Conseil des salaires montre que ces accords ont été adoptés à une très large majorité: 90 pour cent des décisions ont été prises à la majorité des votants et 80 pour cent à l’unanimité. De manière générale, au cours du dernier quinquennat, la hausse du salaire réel a avoisiné 24 pour cent. Le Rapport mondial sur les salaires de l’OIT de 2010 cite même le système de l’Uruguay comme modèle de négociation collective.

Le gouvernement a adopté des mesures pour modifier la législation nationale en tenant compte de l’ensemble des observations du Comité de la liberté syndicale. Il convient de prendre en considération le fait que toute réforme suppose l’accord des partenaires sociaux, mais qu’elle doit également être présentée au Parlement national pour examen et adoption. Les mesures sont les suivantes: 1) en juillet 2010, les secteurs sociaux ont été invités à entamer un cycle de négociations afin d’examiner les observations du Comité de la liberté syndicale; les employeurs ont indiqué qu’ils n’étaient pas en mesure de s’y rendre car un cycle de négociations collectives commençait au même moment; l’orateur a rappelé que les employeurs avaient encouragé la présentation de la plainte; 2) fin 2010, une commission tripartite a été formée pour étudier les réformes éventuelles de la loi no 18566; elle s’est réunie pour la dernière fois le 26 mai 2011; 3) dans ce cadre, un ordre du jour comportant huit points a été adopté; à ce jour, il existerait un accord préalable pour deux d’entre eux; et 4) cette commission tripartite s’est rendue au Parlement en expliquant sa composition, son mandat et son fonctionnement, et a prié le Parlement de considérer le résultat de ses travaux comme une contribution essentielle en cas de réforme de la loi no 18566. Le Comité de la liberté syndicale, la commission d’experts et la directrice du Département des normes internationales du travail ont été informés de toutes ces activités. Enfin, pendant la session de la commission, un cadre tripartite de haut niveau a été mis en place à Genève, sous les auspices de l’OIT, lequel a permis, par d’intenses négociations, d’instaurer un climat de dialogue suffisant pour restaurer la confiance entre partenaires sociaux. L’accord définitif qui était sur le point d’être conclu sera utile pour poursuivre les négociations au niveau national. Compte tenu de ce qui précède, la commission devrait mettre un terme à l’examen de ce cas ou du moins attendre que les mesures en cours portent leurs fruits.

Les membres travailleurs ont indiqué que le présent cas de l’Uruguay à l’examen devant la commission n’est pas en discussion à leur initiative. Ils ont rappelé que, selon les informations fournies par le gouvernement à la commission d’experts, ce dernier a initié des contacts et des consultations avec les organisations d’employeurs et de travailleurs afin d’examiner les recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale à propos de la législation. Ils ont aussi rappelé que l’Organisation internationale des employeurs, la Chambre des industries de l’Uruguay et la Chambre nationale de commerce et de services de l’Uruguay ont présenté, en février 2009, une plainte devant le Comité de la liberté syndicale contre le gouvernement pour manquement à ses obligations au titre des conventions sur la liberté syndicale et la négociation collective. Ils notent cependant que le Comité de la liberté syndicale indique dans son 356e rapport (mars 2010) avoir accueilli favorablement l’objectif du gouvernement de promouvoir les négociations collectives ainsi que l’évolution de la couverture des conventions collectives et de leur nombre, et formule certains commentaires concernant des articles qui pourraient soulever des difficultés s’agissant de leur conformité avec les principes relatifs à la négociation collective ou qui méritent d’être interprétés à la lumière de ces principes. Le gouvernement a suivi les conclusions du Comité de la liberté syndicale en réformant récemment une commission tripartite chargée d’examiner les conclusions du comité. Les membres travailleurs considèrent que le dialogue social et la négociation collective fonctionnent en Uruguay et rappellent que la commission d’experts ne demande au gouvernement de répondre aux quelques questions que dans son prochain rapport dû en 2012.

Les membres employeurs ont indiqué que les organisations d’employeurs ont présenté ce cas devant les différents organes de contrôle de l’OIT en raison de l’absence totale d’action de la part du gouvernement. C’est une question très importante dans la mesure où cela est étroitement lié à la liberté de conclure des négociations libres et volontaires qui respectent pleinement la volonté indépendante des parties, conformément à l’article 4 de la convention. La loi sur la négociation collective en Uruguay, approuvée en 2009, ne respecte pas cette indépendance et permet un degré d’ingérence tout à fait inacceptable, qu’il s’agisse de la volonté des parties concernant la détermination du contenu des négociations, la structure des négociations, la légitimité relative à la conduite des négociations, la validité des conventions collectives ou du libre exercice de l’activité entrepreneuriale. Cette ingérence injustifiée est préjudiciable à toutes les parties, et pas seulement aux organisations d’employeurs. La plainte de l’organisation des employeurs a d’abord été présentée sous forme préventive pour contester le projet de loi, et elles ont ensuite été maintenues face à l’absence d’action du gouvernement. La plainte a été présentée conjointement par l’Organisation internationale des employeurs, la Chambre nationale de commerce et de services de l’Uruguay et la Chambre des industries de l’Uruguay. Les conclusions du Comité de la liberté syndicale ont été reprises par la commission d’experts et portent sur les éléments suivants: la réforme de la négociation collective s’est faite en l’absence de consultations pleines et sincères et ne résulte pas de solutions mises au point collectivement ni même de points de vue rapprochés. Ce point, qui pourrait entrer dans le champ d’application d’une autre convention, a une signification particulière s’agissant de la réforme de la négociation collective, étant donné l’exigence de l’article 4 de la convention de promouvoir une négociation volontaire. Le respect de l’autonomie collective aurait dû être démontré depuis le début de la réforme du système. Cela n’a pas été le cas, et les consultations ont été effectuées comme de simples procédures, de façon hâtive.

En ce qui concerne le contenu de la loi sur la négociation collective de 2009, ils ont indiqué que, entre autres choses, le nouveau système nuit aux accords conclus par les parties lors de négociations car il permet à un conseil tripartite (conseil des salaires), au sein duquel sont adoptées des décisions à la majorité simple, d’orienter la négociation collective dans différents secteurs à la demande d’une partie et, par conséquent, même si cela se fait indirectement, de fixer les salaires et autres conditions de travail au niveau de la branche. Le problème est, d’une part, qu’une tierce partie apparaît dans la négociation, le gouvernement en l’occurrence, lequel devrait rester extérieur aux questions relevant essentiellement de la négociation bipartite et qui peuvent avoir des répercussions non seulement sur les salaires, mais aussi sur d’autres conditions de travail relevant généralement du domaine de la négociation collective. En outre, cette majorité peut être obtenue par le total des voix des représentants du gouvernement et de toute autre partie et il est possible que l’une des parties signataires d’une convention collective constate que le contenu d’une convention collective a été modifié ou ajusté sans son accord. L’authenticité d’une convention perd de son essence lorsqu’elle est modifiée ou limitée unilatéralement par l’une des parties, avec l’appui d’une partie tierce. Dans ces conditions, la négociation n’est plus bipartite, ni libre, ni volontaire. D’autre part, le Conseil supérieur tripartite a été créé, avec la composition précédemment mentionnée, celui-ci pouvant envisager de statuer sur des questions relatives au niveau de la négociation tripartite et bipartite. Autrement dit, la structure de la négociation collective est subordonnée non pas aux parties, mais dans la pratique au gouvernement qui peut en prédéterminer la structure avec l’appui d’une seule d’entre elles. Il est non seulement possible d’imposer la présence de parties tierces, mais également de limiter ou de modifier la structure et en grande partie le contenu de la négociation collective d’une branche ou d’un accord sans l’accord de l’une des parties. Le Comité de la liberté syndicale et la commission d’experts ont dû rappeler au gouvernement que le niveau de la négociation collective est «établi par les parties» et ne doit pas être l’objet d’un vote au sein d’une entité tripartite où, par ailleurs, il n’y a pas de représentation équilibrée. Le gouvernement se transforme ainsi en arbitre quasi obligatoire. Cela repose sur les conclusions des organes de contrôle qui ont examiné le cas et recommandé que le nombre de membres soit le même et que, dans tous les cas, le partage des voix soit réalisé non pas en présence du gouvernement, mais d’une tierce partie indépendante choisie de préférence par les employeurs et les syndicats.

Un autre point particulièrement préoccupant est l’obligation d’une légitimation externe pour la négociation des conventions collectives dans l’entreprise. Cette situation s’avère particulièrement lourde de conséquences dans un pays où les petites et moyennes entreprises sont particulièrement nombreuses. Dans le cadre de l’entreprise, les travailleurs devraient avoir la liberté de désigner leurs représentants, y compris de désigner des représentants non syndiqués à défaut de représentants qui le sont. Ce qui va à l’encontre de la convention, c’est qu’en l’absence de représentants syndiqués, légalement on doit s’adresser à l’organisation syndicale de niveau immédiatement supérieur. Or le Comité de la liberté syndicale n’admet le recours à une représentation syndicale de niveau supérieur que si cette représentation syndicale existe déjà dans l’entreprise considérée. Un autre aspect particulièrement préjudiciable de la réglementation uruguayenne consiste dans l’imposition légale de l’extension automatique de la durée de l’effet des conventions collectives lorsque le terme de ces conventions est échu, ce que l’on appelle l’«ultra-activité» des conventions collectives. Une décision aussi lourde de conséquences peut affecter la capacité de concurrence d’une économie; elle devrait donc être l’objet d’un accord entre les partenaires sociaux et, à défaut, d’un accord tripartite. Malheureusement, un tel accord tripartite n’a jamais été envisagé. Il existe encore d’autres points particulièrement importants, comme l’absence de garanties quant au respect de la confidentialité ou encore le contrôle de l’enregistrement des conventions collectives et leur publication, formalité qui, en réalité, répond aux intérêts d’un contrôle allant bien au-delà de celui du respect des dispositions légales minimales. Enfin, l’une des questions les plus préoccupantes – sinon la plus préoccupante – est un décret, qui consacre un «droit à l’occupation» des entreprises par les travailleurs et instaure en outre une procédure ou un mécanisme pour l’«occupation» légitime des entreprises. Ce droit nouveau interfère de manière inacceptable avec la possibilité de négocier volontairement, et elle a pour effet de vicier ou de déformer toute négociation puisque, dans la pratique, elle oblige les entreprises à fermer leurs portes dès qu’un conflit éclate, et c’est ce qui s’est produit récemment en Uruguay.

Si le groupe employeur a demandé que ce cas soit inscrit dans la liste des cas individuels, ce n’est pas pour satisfaire un caprice mais parce que la situation est réellement préoccupante. La manière dont la question a été traitée, et l’impact négatif que cela aura sur le développement économique et social, de même que sur le bon fonctionnement du système de négociation collective, devrait être l’objet de préoccupations pour l’ensemble des partenaires sociaux, et non simplement pour les employeurs. Malgré tout, le gouvernement n’a émis aucune proposition en vue de modifier la loi. Le seul point sur lequel il a exprimé son intention de la modifier concerne la non-utilisation du système de vote pour fixer, au niveau de la Commission des salaires, les conditions de travail, et cette déclaration d’intention ne s’est pour le moment pas traduite par des propositions concrètes. Il faut espérer que le gouvernement fera preuve de la volonté nécessaire pour convaincre les employeurs que les observations des organes de contrôle seront prises sérieusement en considération.

Le membre travailleur de l’Uruguay a indiqué que, même si tous les orateurs se sont déclarés étonnés de voir l’Uruguay figurer sur la liste, lui-même n’était pas surpris car tout pays qui fait des progrès en matière de droit du travail et de protection des travailleurs et renforce la démocratie suscite presque toujours des réactions de la part des organisations patronales nationales et de l’Organisation internationale des employeurs. Les instances qui restent silencieuses dans des cas de violations caractérisées du droit du travail et des droits de l’homme sont celles-là mêmes qui s’inquiètent que les travailleurs d’un petit pays parviennent à l’équilibre qu’ils ont toujours eu du mal à trouver. Jusqu’en 2005, aucun gouvernement uruguayen n’avait cherché à tenir compte des demandes de la classe ouvrière et travailleuse, et à l’heure actuelle, six ans après, l’Uruguay dispose de plus de 40 lois sur le travail qui dotent les travailleurs d’outils les plaçant presque sur un pied d’égalité avec les autres acteurs du monde du travail. Il s’agit notamment des lois sur la négociation collective pour les travailleurs des secteurs privé et public, de la loi sur la liberté syndicale, de la fixation d’une durée de travail de huit heures dans le secteur agricole, de la loi sur la protection des droits des personnes travaillant dans le cadre d’un contrat de sous-traitance, d’une loi progressiste pour les travailleurs domestiques. Les droits de négociation collective sont reconnus, et la convention (nº 155) sur la sécurité et la santé des travailleurs, 1981, a été approuvée. Tout est perfectible, même les lois, les décrets et les normes; l’Uruguay n’est pas le pays le plus avancé; ainsi, les travailleurs des secteurs public et privé demandent que le gouvernement applique la loi sur la négociation et qu’il respecte les cadres existants dans le secteur public. C’est peut-être pour cette raison que, en 2010, le Directeur général de l’OIT a déclaré que l’Uruguay était un exemple à suivre en matière de tripartisme, de dialogue et de relations du travail. Les travailleurs ne sont pas venus défendre un gouvernement qui dispose de ses propres éléments pour ce faire, mais pour faire connaître le résultat de leurs nombreuses luttes, de leur cohésion et de leur constance, et montrer que si le gouvernement est en outre attentif aux demandes de la majorité il est possible d’atteindre les objectifs de justice sociale et de progresser vers une meilleure répartition des richesses. En Uruguay, des dispositions sont déjà prises pour tenir compte des observations des organes de contrôle, et il existe une commission tripartite dont les mandants sont représentés sur un pied d’égalité. Cette dernière a élaboré un ordre du jour sur la base d’un consensus et oeuvre dans la direction proposée au sein des enceintes mentionnées. En outre, une mission de haut niveau se rendra en Uruguay le 28 août et pourra constater sur place le fonctionnement des relations du travail et les résultats de la négociation collective. Lors du dernier cycle de négociations, 80 pour cent des conventions ont été adoptées à l’unanimité. Quelques heures auparavant à Genève, une initiative avait été menée pour parvenir à un accord tripartite; cette initiative n’a pas entièrement abouti faute de temps, mais sa teneur conserve son intérêt. L’orateur s’est demandé pourquoi cette initiative n’avait pas été prise plus tôt. Enfin, il a remis en cause avec fermeté le fait que l’Uruguay figure sur la liste des cas individuels.

Le membre gouvernemental de l’Argentine, au nom des membres gouvernementaux de la commission qui sont membres du Groupe de pays d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a déclaré que, après avoir écouté avec attention le rapport du gouvernement sur les mesures prises pour maintenir une culture de dialogue social et de négociation collective, le GRULAC apprécie les efforts accomplis par l’Uruguay et l’invite à poursuivre les actions qui ont été entreprises pour aboutir à une solution tripartite satisfaisante, gardant à l’esprit qu’une Commission nationale tripartite a été chargée d’examiner l’application de la loi sur la négociation collective (loi no 18566) et qu’elle a demandé à une mission de l’OIT de venir fin août lui apporter son assistance et parler avec le gouvernement et les partenaires sociaux. De même, le GRULAC a pris note des efforts déployés par le gouvernement durant la 100e Conférence internationale du Travail pour parvenir à un accord entre les parties.

Le membre employeur de la Colombie a indiqué, en sa qualité de membre du Comité de la liberté syndicale, qu’il avait examiné le cas de l’Uruguay et que les questions présentées préoccupent le groupe employeur en raison de la façon dont la législation a été adoptée. Depuis mars 2010, date à laquelle le comité a présenté ses conclusions, les employeurs ont constaté peu de progrès. C’est à cause de l’insistance des employeurs que le gouvernement a commencé à prendre des mesures. L’orateur a cité la recommandation (no 113) sur la consultation aux échelons industriel et national, 1960, et en particulier à l’alinéa a) du paragraphe 5 de ladite recommandation, ainsi que le paragraphe 1071 du Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, selon lequel «il est important que les consultations se déroulent dans la bonne foi, la confiance et le respect mutuel, et que les parties aient suffisamment de temps pour exprimer leurs points de vue et en discuter largement, afin de pouvoir parvenir à un compromis adapté. Le gouvernement doit veiller à donner le poids nécessaire aux accords auxquels les organisations de travailleurs et d’employeurs sont parvenues.» Les principes de la recommandation et du paragraphe cité ne sont pas respectés en raison de la composition de la commission, qui est tripartite et non bipartite. En conclusion, il faut mentionner l’importance de la mission de haut niveau qui se rendra dans le pays en août 2011.

Le membre travailleur de la France a rappelé que la convention vise plusieurs objectifs essentiels en vue d’aboutir à des négociations collectives libres qui règlent les conditions d’emplois des travailleurs à différents niveaux, entre les syndicats de travailleurs, d’une part, et les organisations d’employeurs, d’autre part, sans ingérence d’une organisation dans les affaires d’une autre et sans que les employeurs puissent subordonner l’emploi d’un travailleur au renoncement à son affiliation syndicale. La convention protège ainsi la liberté d’affiliation des travailleurs et l’indépendance et l’autonomie des deux parties à la négociation. Les droits d’organisation et de négociation des conditions d’emploi ne sont visiblement pas remis en cause fondamentalement en Uruguay, mais la bilatéralité ne serait pas totalement respectée. Cela semble être l’élément central de la plainte de l’OIE et des employeurs du pays, or ce qui pose problème est que cela ne semble pas être la seule raison. Les autorités publiques compétentes peuvent, notamment par voie législative, étendre l’application des conventions collectives à l’ensemble d’une branche, d’une région ou au plan national; les clauses de telles conventions s’imposent alors à tous les employeurs concernés et à tous les travailleurs. De telles dispositions existent dans de nombreux pays démocratiques et sont conformes à la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, qui n’est pas un instrument qui impose des obligations. Il faut ajouter que la convention n’entre pas dans des détails de procédures ou de systèmes de négociation, ce qui laisse une large marge de liberté d’adaptation aux pratiques nationales et à la jurisprudence, qui sont d’une grande variété.

Les observations des organisations d’employeurs portent ici sur les compétences, à leurs yeux trop étendues, du Conseil des salaires, de nature tripartite, qui peut convoquer les organisations des employeurs et de travailleurs à des négociations, notamment sur les salaires minima, ce qui n’est pas – en soi – contraire à la convention pertinente ratifiée par l’Uruguay, à savoir la convention (nº 131) sur la fixation des salaires minima, 1970. De même, les minima légaux en matière de salaires et de conditions d’emploi peuvent faire l’objet de négociations tripartites au sein du Conseil des salaires si les partenaires en sont d’accord, cela ne viole ni la convention no 98 ni la convention no 131. Le rapport de la commission d’experts cite essentiellement des conclusions du Comité de la liberté syndicale sur deux plaintes des employeurs. Or il est quelque peu difficile de comprendre exactement les griefs des plaignants en dehors des limitations apportées au bipartisme intégral, bien qu’ils puissent s’opposer à ce que le Conseil des salaires traite de conditions d’emploi, un fait établi que l’on retrouve aussi dans les conclusions du Comité de la liberté syndicale. En premier lieu, la commission d’experts demande au gouvernement de modifier les lois pour permettre aux travailleurs non organisés, en l’absence de syndicats, d’élire des négociateurs pour négocier les conditions d’emploi dans l’entreprise; ce n’est pas une prescription de la convention, mais de la recommandation no 91, une norme non obligatoire, d’ultime ressort quand un syndicat ne peut s’organiser, mais il faut relever que, dans un contexte de pressions de l’employeur contre l’organisation de ses salariés, la capacité de négociation autonome des travailleurs se trouve singulièrement réduite, voire totalement absente. Il serait préférable que des syndicats de niveau supérieur, comme les syndicats de branche, soient compétents pour négocier à un niveau d’entreprise ou de groupe, ce qui offrirait des garanties réelles d’indépendance vis-à-vis de l’employeur et peut aider les travailleurs à s’organiser. Il semble que les plaignants souhaitent que les conventions collectives étendues aient un contenu limitatif, réduit au contrôle de l’application des minima légaux et au règlement de questions de forme. Cela reviendrait à remettre en cause le principe de l’extension des conventions, dont le but est d’améliorer les conditions d’emploi dans la branche ou le pays, ce qui est, de l’avis de l’orateur, conforme aux intérêts des salariés et cette pratique, qui existe dans son pays, n’a jamais été critiquée en tant que telle par la commission d’experts. Par ailleurs, les employeurs sont en désaccord avec le fait que les conventions arrivées à échéance sont maintenues tant qu’elles ne sont pas remplacées par de nouvelles conventions. Le principe d’extension de validité semble juste, en vue d’empêcher la possible dégradation des conditions d’emploi en cas d’expiration d’une convention et de refus d’en négocier une nouvelle de la part de l’employeur. La commission d’experts conclut en demandant que les recommandations du Comité de la liberté syndicale soient examinées de manière tripartite. Or on peut s’interroger sur les arrières pensées politiques des organisations d’employeurs plaignantes, dont il apparaît, au delà d’une apparente défense de la convention, qu’elles voudraient réduire le pouvoir protecteur des conventions étendues par branches ou nationalement, ou qu’elles pourraient se refuser à négocier des conventions plus favorables aux travailleurs à échéance. Il faut souhaiter que la commission d’experts, sur la base de la réponse attendue dans le prochain rapport du gouvernement, normalement prévu en 2012, procède alors à une analyse autonome de la législation et de la pratique effectivement en vigueur, pour en tirer ses propres conclusions.

Le membre employeur du Mexique s’est dit très préoccupé par le rapport de la commission d'experts sur ce cas: l’ingérence du gouvernement n’est pas acceptable car il s’agit d’une limitation de l’un des droits les plus importants des parties liées par des relations professionnelles. Il y a une intention d’ingérence. Il s’agit d’une affaire de principe. L’information du gouvernement selon laquelle «il a engagé une série de négociations» n’est pas satisfaisante. Cela ne suffit pas. La législation viole la convention, et il est nécessaire de la modifier. La négociation collective tend à trouver l’équilibre entre deux parties. Il n’est pas question de déroger au principe et encore moins d’ignorer l’opinion des organes de contrôle. Il est incroyable que les travailleurs ne se manifestent pas d’une autre manière, peut-être parce qu’ils ne se sont pas rendus compte que, à travers cette figure singulière et invasive, et par la décision d’un tiers extérieur aux parties liées par des relations professionnelles, pourrait porter atteinte à leurs droits acquis.

La membre travailleuse de la République bolivarienne du Venezuela, s’exprimant également au nom de la Confédération syndicale des travailleurs et travailleuses des Amériques, de la Confédération syndicale internationale et de la Fédération syndicale mondiale, a expliqué que l’Uruguay est un pays qui a subi une des dictatures militaires les plus sanglantes sous laquelle il était impensable de parler de liberté syndicale et encore moins de négociation collective, et que l’organisation syndicale, autrefois clandestine, dont est issue l’Assemblée intersyndicale des travailleurs – Convention nationale des travailleurs (PIT-CNT), qui a pris son nom actuel à l’époque de la dictature, défendait les travailleurs dans un climat de profonde répression antisyndicale. La composition actuelle du Conseil consultatif tripartite est conforme à la convention, avec deux représentants de chacun des trois secteurs représentés, précisément pour répondre à la demande du Comité de la liberté syndicale. Lors de la dernière Réunion régionale des Amériques de l’OIT, qui s’est tenue en décembre 2010 au Chili, l’Uruguay a été cité en exemple pour son dialogue social et pour ses avancées en matière de justice sociale. Comment peut-on dès lors concevoir qu’aujourd’hui son cas soit examiné par la commission? La réalité de la situation en Uruguay est que, depuis l’arrivée au pouvoir de gouvernements progressistes, en 2005, les travailleurs ont vu leur situation s’améliorer sensiblement, jusqu’à dépasser les critères des conventions de l’OIT. Concrètement, l’Uruguay est le seul pays au monde où les travailleurs domestiques sont couverts par des conventions collectives; on y a adopté de nombreux textes de loi sur le travail, comme la loi sur la liberté syndicale, la loi sur la journée de huit heures, la loi sur la négociation collective dans les secteurs public et privé. On accorde aux travailleurs des droits que leur refusaient la dictature ainsi que des gouvernements de droite soutenus par certains chefs d’entreprises qui réclament maintenant le respect du droit d’organisation et de négociation collective. La démocratie est l’un des trésors du peuple uruguayen. Celui qui dénonce aujourd’hui devant cette commission est celui-là même qui a foulé au pied la démocratie et le dialogue social après être sorti à deux reprises de l’instance tripartite. Son absence est le résultat de la volonté des employeurs. Le rapport des experts signale que la plupart des points repris dans la plainte ont été corrigés et exprime en outre sa satisfaction devant l’adoption de la loi sur la négociation collective dans le secteur public. Certains pays d’Amérique latine connaissent des avancées sociales en dépit des intentions de certains secteurs patronaux qui s’adressent aux instances internationales afin d’obtenir des mécanismes qui les freineraient. Ceci explique peut-être pourquoi ce cas est discuté plutôt que d’autres qui ont été cités.

Le membre employeur de l’Uruguay, déclarant que la négociation collective constitue la pierre angulaire des relations collectives du travail, a déploré que le processus de dialogue n’ait pas été effectif dans le cas de l’adoption de la loi en question. Les recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts, ainsi que l’analyse réalisée par le Conseil d’administration doivent être respectées. Il n’est donc pas d’autre voie que de modifier la loi no 18566, en particulier dans le cadre tripartite qui a été établi à la suite des observations de la commission d’experts. Ce cas doit rester à l’ordre du jour tant que le gouvernement n’aura pas intégré les recommandations du Comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts.

Une observatrice représentant l’Organisation internationale des employeurs (OIE) a indiqué que le cadre législatif pour la négociation collective volontaire des conventions collectives et, plus particulièrement, l’indépendance des partenaires sociaux dans la négociation est un aspect fondamental des principes de la liberté syndicale prévus par les conventions (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948, no 98 et (no 154) sur la négociation collective, 1981, en particulier lorsque, comme c’est le cas, elles ont été ratifiées. Lors du processus visant à légiférer sur le système de négociation collective, les préoccupations de tous les partenaires sociaux doivent être prises en compte, y compris celles des employeurs. La loi sur la négociation collective, plus que toute autre, doit être le fruit d’un consensus tripartite car cet outil permettra fondamentalement d’assurer la légitimité sociale des accords conclus. L’oratrice a exprimé la profonde préoccupation de la communauté internationale des entreprises face à la récente adoption de la loi no 18566 qui renforce l’intervention des pouvoirs publics et affaiblit l’indépendance collective dans les relations professionnelles. Il est préoccupant de constater que le gouvernement ne tient pas compte des recommandations du Comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts concernant l’absence de conformité de la loi susmentionnée avec les dispositions de la convention. Il faut espérer que les consultations entamées avec les partenaires sociaux pour examiner les recommandations des organes de contrôle seront menées en toute bonne foi et avec la volonté de parvenir à des solutions acceptables pour toutes les parties, et noter avec satisfaction les informations selon lesquelles une mission de contacts directs se rendra en Uruguay en août prochain. Le gouvernement doit dès lors: appliquer sans délai les principes de la liberté syndicale et de la négociation collective; analyser de manière détaillée les dispositions de la loi no 18566 à la lumière des recommandations du Comité de la liberté syndicale et de la commission d’experts; élaborer, avec l’assistance technique du BIT, un projet de loi reflétant ces recommandations; envoyer ledit projet au Parlement et demander qu’il soit traité de manière prioritaire; analyser les questions soulevées dans la demande directe de la commission d’experts sous la convention no 87, dans le but d’arriver à une solution acceptable pour toutes les parties.

Le représentant gouvernemental a regretté la méconnaissance qu’ont les membres employeurs de la situation. Les partenaires sociaux ont toujours été consultés, et la loi n’a été imposée à aucune des parties. Dans cette affaire, ce sont les employeurs qui se sont retirés, ce qui a contraint le gouvernement à intervenir et il y a eu, depuis, plusieurs réunions car il existe dans le pays une abondance d’espaces tripartites permettant de poursuivre le dialogue. S’agissant de la nécessité de l’aval du gouvernement pour les décisions prises au sein des conseils des salaires, le nouvel article 5 de la loi sur lesdits conseils de salaires prévoit que ces institutions pourront fixer les conditions de travail dans le cas où celles-ci font l’objet d’un accord entre les employeurs et les travailleurs. Cela a été largement expliqué devant le Comité de la liberté syndicale. Malheureusement, l’arrangement en question reposait sur le projet de loi et non sur la loi qui a été adoptée. S’agissant du Conseil supérieur tripartite, désormais neuf représentants du gouvernement et six représentants de chacun des partenaires sociaux siègent dans cette instance, suivant le système en usage à l’OIT. S’agissant de la prorogation de la durée d’effet des conventions collectives, il convient de noter que celle-ci est décidée d’un commun accord entre les parties et que, à défaut d’un tel accord, la prorogation est alors décidée conformément à des dispositions de loi qui existent dans beaucoup d’autres Etats membres. L’orateur a rejeté l’idée selon laquelle son gouvernement aurait approuvé un décret qui autorise l’occupation des lieux de travail. Le projet originel comportait certes une disposition à ce sujet, disposition qui a été retirée suite à l’engagement pris par le précédent Président de la nation devant les employeurs de l’Uruguay. Ce que le décret prévoit, en réalité, c’est un mécanisme relatif à l’évacuation des lieux de travail dans le cas de leur occupation. En effet, comme l’a reconnu le Comité de la liberté syndicale, l’occupation d’un lieu de travail constitue une forme de lutte pour les travailleurs. Le décret autorise l’évacuation de lieux de travail ainsi occupés lorsque cette occupation porte atteinte à des droits fondamentaux. En conclusion, les questions abordées dans ce cas ne mettent en jeu ni la vie des habitants ni leurs droits fondamentaux et doivent être résolues au niveau interne.

Les membres travailleurs ont pris acte des informations fournies par le gouvernement, et notamment de sa volonté de mettre en place un système de relations collectives articulé autour des niveaux national et sectoriel garantissant une solidarité entre les entreprises et les travailleurs. Outre la bonne disposition du gouvernement de se conformer aux recommandations des organes de contrôle, il convient de noter également le déroulement prochain d’une mission du BIT et l’organisation pendant les travaux de la Conférence d’une réunion tripartite visant à rétablir la confiance entre les partenaires sociaux. La future mission du BIT devrait soigneusement analyser les remarques des membres employeurs, et le gouvernement devrait les réétudier et tenir la commission d’experts informée.

Les membres employeurs ont indiqué qu’ils préféraient croire que la référence du gouvernement à la méconnaissance de la situation de la part des employeurs n’est pas symptomatique de sa façon d’appréhender le dialogue. Ils ont indiqué que les questions examinées sont celles qui ont été traitées par la commission d’experts et le Comité de la liberté syndicale. Alors que le gouvernement se réfère à un accord concernant la modification du conseil tripartite, il ne s’agit, jusqu’à présent, que d’une déclaration suivie d’aucune proposition concrète d’amendement. Par conséquent, le conseil tripartite est toujours régi par le décret. En ce qui concerne la portée des conventions collectives, le Comité de la liberté syndicale a déclaré que l’extension automatique de ces dernières doit faire l’objet d’un accord tripartite. Il est exact que le chapitre qui énonce le droit d’occupation du lieu de travail a été retiré du projet d’instrument. Par ailleurs, en dépit du fait que le pays enregistre de bons résultats économiques, la question examinée ici est une question juridique et représente un cas grave aux yeux des membres employeurs – toute intervention extérieure, sans le consentement des parties, constituant, en effet, une ingérence inacceptable. En effet, la subsidiarité sert de moyen pour légitimer des entités externes, modifier la structure de la négociation collective, affecter la validité des conventions collectives et établir le droit d’occupation du lieu de travail qui débouche sur la fermeture des entreprises. Il existe un manque de volonté pour modifier la loi, mais le gouvernement doit être instamment prié de procéder à des consultations sincères et ouvertes à tous dans le but de mener à bien cette modification, en élaborant un projet avec l’assistance du Bureau. A cet égard, les membres employeurs ont salué la réalisation d’une mission et espéré que tous les problèmes soulevés seront traités.

Le représentant gouvernemental a souligné qu’il n’a, à aucun moment, été évoqué une mission de contacts directs, la seule chose ayant été convenue est une mission.

Conclusions

La commission a noté les déclarations du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a noté les conclusions et les recommandations relatives au cas no 2699 qui a été examiné par le Comité de la liberté syndicale.

La commission a observé que la commission d’experts, tout comme le Comité de la liberté syndicale, a formulé des commentaires sur certaines dispositions de la loi no 18566 de 2009 sur la négociation collective concernant, entre autres: i) l’échange des informations nécessaires pour permettre le déroulement normal du processus de négociation collective; ii) la composition et les attributions du Conseil supérieur tripartite; iii) la possibilité pour les conseils des salaires de déterminer les conditions de travail; iv) les parties engagées dans la négociation collective bipartite; et v) les effets et la durée des conventions collectives.

La commission a noté les déclarations du représentant gouvernemental selon lesquelles, à partir de 2005, les gouvernements successifs ont favorisé une politique de dialogue social en profondeur. Il a rappelé que, selon le modèle des relations professionnelles en Uruguay, traditionnellement, la négociation collective a lieu au niveau de la branche d’activités et non à celui de l’entreprise mais que, néanmoins, la loi qui avait fait l’objet de la plainte n’empêche pas la négociation collective bilatérale. Il a souligné que toute réforme de la législation devrait avoir non seulement l’accord des partenaires sociaux mais aussi l’approbation du Parlement national, qui est souverain et indépendant du pouvoir exécutif. Le représentant gouvernemental a indiqué qu’à la fin de l’année 2010 une commission tripartite avait été créée pour examiner d’éventuelles réformes de la loi no 18566 et qu’un ordre du jour avait été convenu pour ses travaux. Une mission du BIT, dirigée par la directrice du Département des normes internationales du travail, a été organisée et se rendra dans le pays en août. Enfin, il a indiqué que, conformément aux recommandations de l’OIT, une instance tripartite de haut niveau a été établie au cours de la présente session de la Conférence internationale du Travail et que d’intenses négociations ont été menées qui ont abouti, à son avis, à un climat de confiance suffisant pour rétablir la confiance entre les partenaires sociaux, à tel point qu’un accord définitif a presque été conclu.

La commission a noté l’exercice très étendu des droits syndicaux dans le pays et le respect des droits de l’homme ainsi que l’indication du gouvernement de sa volonté de se conformer aux dispositions de la convention. La commission a accueilli favorablement le fait que les négociations tripartites sur les sujets à l’examen se sont poursuivies au cours de la présente Conférence et qu’une mission du BIT se rendra en Uruguay pour discuter de ces questions à la fin du mois d’août 2011. La commission a voulu croire que la mission serait en mesure de constater des avancées concrètes. La commission a voulu croire que, en vue de mettre la législation en pleine conformité avec la convention, les mesures nécessaires seraient prises sans délai pour préparer un projet de loi qui reflète les observations des organes de contrôle.

La commission a prié le gouvernement de soumettre cette année à la commission d’experts un rapport contenant des informations sur toute avancée en ce qui concerne les questions soulevées et a exprimé l’espoir de pouvoir constater des progrès dans un avenir très proche.

Observation (CEACR) - adoptée 2022, publiée 111ème session CIT (2023)

La commission prend note des observations conjointes de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), de la Chambre nationale du commerce et des services de l’Uruguay (CNCS) et de la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU), reçues le 31 août 2021 et le 31 août 2022, qui traitent des questions que la commission aborde dans le présent commentaire. Elle prend également note de la réponse du gouvernement à cet égard. La commission note que l’OIE, la CNCS et la CIU indiquent qu’en juillet 2022, le gouvernement a présenté publiquement un avantprojet de loi sur la réforme de la sécurité sociale qui permettrait d’instituer un dispositif de contributions volontaires au système de sécurité sociale sur la base de la négociation collective et prévient que ce type de mesure pourrait éventuellement être approuvé par les Conseils des salaires, qui sont des organes tripartites. La commission note que, à cet égard, le gouvernement indique que l’avant-projet prévoit la possibilité de mettre en place un dispositif de contributions volontaires à la sécurité sociale uniquement par le biais de la négociation collective bipartite, sans aucunement promouvoir l’action des conseils salariaux en la matière.
La commission prend également note des observations de l’Assemblée intersyndicale des travailleurs – Congrès national des travailleurs (PIT-CNT) reçues le 31 août 2022 concernant les questions abordées par la commission dans le présent commentaire et dénonçant des actes de discrimination antisyndicale, notamment la suspension pendant 14 jours d’un délégué syndical pour de prétendues déclarations dans la presse qui, selon l’entreprise, auraient porté atteinte à son image. La commission prend note de la réponse du gouvernement aux observations de la PITCNT. Constatant que, dans sa réponse, le gouvernement ne fait pas référence à la suspension présumée du délégué syndical, la commission prie le gouvernement de l’informer du résultat de tout recours présenté à cet égard.
Article 4 de la convention. Promotion de la négociation collective libre et volontaire. Depuis plusieurs années, la commission, ainsi que le Comité de la liberté syndicale (cas no 2699) et la Commission de l’application des normes de la Conférence, demandent au gouvernement de revoir la loi no 18566 de 2009 (loi établissant les principes et droits fondamentaux du système de négociation collective, ci-après dénommée «loi no 18566») en vue de garantir sa pleine conformité avec les principes de la négociation collective et les conventions pertinentes ratifiées par l’Uruguay. En 2015, 2016 et 2017, le gouvernement a soumis plusieurs propositions de modification de la réglementation aux partenaires sociaux sans parvenir à un consensus, et en 2019, il a soumis au Parlement un projet de loi qui répondait partiellement aux commentaires de la commission et qui a finalement été mis de côté en 2020. La commission rappelle que, si l’OIE, la CNCS et la CIU considéraient que les amendements proposés dans le projet de loi étaient insuffisants, la PIT-CNT a quant à elle estimé que rien ne justifiait la modification de la loi no 18566. La commission rappelle que le projet de loi de 2019 proposait les mesures suivantes:
  • –insérer une phrase à la fin de l’article 4 de la loi no 18566 pour exiger des syndicats qu’ils aient la personnalité juridique pour pouvoir recevoir des informations des entreprises dans le cadre de la négociation collective, afin de faciliter la possibilité d’intenter une action en responsabilité en cas de violation du devoir de confidentialité;
  • –supprimer l’article 10(d) de la loi susmentionnée qui établit la compétence du Conseil supérieur tripartite pour définir le niveau des négociations bipartites ou tripartites;
  • –supprimer la partie finale de l’article 14 de la loi qui attribue, en l’absence de syndicat dans l’entreprise, la capacité de négociation aux syndicats de niveau supérieur;
  • –modifier l’article 17(2) de la loi afin que la question des clauses de maintien des effets d’une convention en cas de non-renouvellement (ultra-activité) fasse l’objet d’une négociation lors de l’élaboration d’une convention;
  • –préciser qu’il n’est pas obligatoire que les résolutions des conseils salariaux et des conventions collectives soient enregistrées et rendues publiques pour qu’elles soient autorisées, homologuées ou approuvées par le pouvoir exécutif
Dans ses derniers commentaires, la commission avait noté que ces propositions d’amendements étaient conformes à l’obligation, prévue à l’article 4 de la convention, de promouvoir la négociation collective libre et volontaire et avait constaté avec regret que, malgré ses commentaires répétés, le projet de loi n’apportait aucune modification ou clarification concernant la compétence des conseils salariaux tripartites pour procéder à des ajustements de la rémunération au-delà des taux minima et des conditions de travail (art. 12 de la loi no 18566). La commission avait rappelé que, si la fixation des salaires minima peut faire l’objet de décisions tripartites, l’article 4 de la convention vise à promouvoir la négociation bipartite pour la fixation des conditions de travail, en vertu de laquelle toute convention collective portant sur la fixation des conditions d’emploi devrait résulter d’un accord entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part. La commission avait rappelé que des mécanismes peuvent être mis en place pour garantir à la fois le caractère libre et volontaire de la négociation collective et la promotion efficace de la négociation collective, tout en veillant à maintenir un niveau élevé de couverture des conventions collectives dans le pays.
La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle: i) le 27 octobre 2020, lors d’une réunion du Conseil supérieur tripartite, le pouvoir exécutif a évoqué la nécessité de travailler sur les observations formulées par les organes de contrôle de l’OIT en ce qui concerne la loi no 18566 et a proposé la création d’une commission tripartite spéciale chargée d’évaluer et d’examiner un nouveau projet d’amendement à ladite loi, ce qui avait été approuvé à l’unanimité; ii) la commission tripartite spéciale s’est réunie plusieurs fois entre mai 2021 et février 2022, et le 3 mai 2022, le gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi inspiré de celui qui avait été présenté au Parlement en 2019 par le gouvernement précédent, lequel est actuellement examiné par la Commission de la législation du travail de la Chambre des représentants du Parlement; et iii) entre juin et août 2022, des représentants du ministère du Travail et de la Sécurité sociale et des délégations de travailleurs et d’employeurs ont siégé à la Commission de la législation du travail pour donner leur avis sur le projet de loi. Le gouvernement indique qu’il continuera à travailler au sein d’organes tripartites pour parvenir à une réforme de la négociation collective dans les conseils salariaux, qui prévoie la mise en œuvre de l’article 12 de la loi no 18566 et que, dans l’intervalle, des mesures concrètes sont à l’étude pour que l’action de tous les délégués désignés pour agir dans les conseils salariaux aboutisse à des accords ou des décisions qui permettent expressément la négociation bipartite dans les situations où cela est justifié.
La commission note que, dans leurs observations, l’OIE, la CNCS et la CIU indiquent que si le projet de loi soumis au Parlement le 3 mai 2022 contient un certain nombre d’avancées et constitue une initiative législative qu’ils apprécient, ce projet n’aborde pas un aspect important aux yeux des employeurs, à savoir l’intervention de l’État dans la négociation de questions relevant exclusivement de la négociation bipartite. Ces organisations indiquent qu’elles ont proposé des ajustements à leur texte et préviennent que le texte actuel pourrait être modifié de manière substantielle lors des débats parlementaires. La commission note que, selon les déclarations publiques de la PIT-CNT, jointes aux documents fournis par le gouvernement, la centrale syndicale rejette catégoriquement le projet de loi, qui constitue à ses yeux un recul des droits des travailleurs, et porte en outre atteinte à la négociation collective.
La commission prend bonne note de la création, en 2020, de la commission tripartite spéciale chargée de traiter les observations des organes de contrôle de l’OIT sur la loi no 18566 et du dialogue tripartite qui s’y est déroulé. La commission note que le projet de loi soumis par le gouvernement au Parlement le 3 mai 2022 propose les mêmes amendements que le projet de loi envoyé au Parlement en 2019. La commission regrette que le projet de loi n’aborde pas un élément essentiel qu’elle souligne depuis des années, à savoir la réforme de l’article 12 de la loi pour garantir le caractère bipartite de la négociation collective. Espérant que les avancées partielles contenues dans le projet de loi soumis au Parlement le 3 mai 2022 seront intégrés dans la législation en vigueur dans les meilleurs délais, la commission encourage vivement le gouvernement à continuer de travailler au sein des organes tripartites et à prendre les mesures supplémentaires nécessaires pour réviser l’article 12 de la loi no 18566 afin que, conformément à la convention, la loi garantisse pleinement le caractère libre et volontaire de la négociation collective et la promotion efficace de la négociation collective, tout en maintenant un haut degré de couverture des conventions collectives existant dans le pays. La commission prie le gouvernement de rendre compte de tout progrès accompli à cet égard et rappelle qu’il peut continuer de compter sur l’assistance technique du Bureau.
Projet de loi sur la personnalité juridique. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, suite aux échanges qui ont eu lieu au sein de la Commission tripartite spéciale, le gouvernement a élaboré un projet de loi sur la personnalité juridique des organisations de travailleurs et d’employeurs, qu’il a soumis au Parlement le 3 août 2021 et qui est actuellement examiné par le Sénat. Le gouvernement note que le projet de loi porte sur la modification proposée de l’article 4 de la loi no 18566 et que le secteur des employeurs a fait savoir que, si le fait d’exiger l’octroi de la personnalité juridique était une évolution souhaitable, la procédure pour l’obtenir devait être légère et simple. La commission note que le projet de loi prévoit la création d’un registre au ministère du Travail, que l’inscription au registre, qui est facultative, aura pour effet de reconnaître la personnalité juridique des organisations enregistrées et que seuls les syndicats dotés de la personnalité juridique pourront recevoir des informations des entreprises dans le cadre du processus de négociation collective.
La commission note que l’OIE, la CNCS et la CIU indiquent que, bien qu’elles considèrent que cette démarche pourrait constituer un progrès, elles n’estiment pas nécessaire d’établir un régime spécial tel que celui envisagé, étant donné que le pays dispose d’une législation spécifique pour l’obtention de la personnalité juridique des organisations à but non lucratif, que personne ne conteste. La commission note que, dans des déclarations publiques, la PIT-CNT a estimé que le fait que les syndicats doivent avoir une personnalité juridique pour avoir accès aux informations nécessaires à une négociation solide et de bonne foi va au-delà de ce que demandent les organes de contrôle de l’OIT. La commission note que le projet de loi prévoit que les informations contenues dans le registre seront accessibles au public et rappelle à cet égard que la confidentialité des informations relatives à l’appartenance syndicale doit être garantie dans la procédure d’enregistrement, non seulement parce que ces informations concernent la vie privée des travailleurs, mais aussi parce que leur divulgation pourrait les exposer à d’éventuelles représailles.
La commission prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les préoccupations des organisations de travailleurs et d’employeurs concernant le projet de loi soient dûment prises en compte dans le cadre du dialogue social tripartite et au cours du débat parlementaire. Elle le prie également de veiller à ce que, quel que soit le système retenu pour l’octroi de la personnalité juridique aux organisations, ce dernier n’ait pas pour effet d’entraver le développement de leurs activités et donc la négociation collective. La commission prie en outre le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, en consultation avec les partenaires sociaux, pour réviser le projet de loi de manière à garantir la confidentialité des informations relatives à l’appartenance syndicale et elle espère que, si le projet de loi est adopté tel qu’il est soumis au Parlement, il sera mis en œuvre de manière à contribuer à la promotion efficace et continue de la négociation collective. La commission prie le gouvernement de la tenir informée de toute évolution en la matière.

Observation (CEACR) - adoptée 2020, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission prend note des informations supplémentaires communiquées par le gouvernement au vu de la décision adoptée par le Conseil d’administration à sa 338e session (juin 2020). Elle a procédé à l’examen de l’application de la convention sur la base des informations supplémentaires reçues du gouvernement et des partenaires sociaux cette année et de celles dont elle disposait en 2019.
La commission note les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2019. Elle prend également note des observations conjointes de la Chambre nationale de commerce et des services de l’Uruguay (CNCS), de la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) et de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) reçues le 1er septembre et le 22 novembre de 2019, ainsi que le 30 septembre 2020, lesquelles, comme les observations de la CSI, portent sur les questions examinées par la commission dans le présent commentaire. De même, la commission prend note de la réponse du gouvernement aux observations des organisations d’employeurs de 2019 et 2020.

Suivi des conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 108e session, juin 2019)

La commission note la discussion qui s’est tenue à la Commission d’application des normes de la Conférence (ci-après la Commission de la Conférence) en juin 2019, sur l’application de la convention par l’Uruguay. La commission note que la Commission de la Conférence priait le gouvernement: i) d’entreprendre des mesures législatives d’ici au 1er novembre 2019, après avoir pleinement consulté les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, en prenant en considération la recommandation des organes de contrôle de l’OIT, pour garantir la pleine conformité de la législation et de la pratique nationales avec la convention; et ii) de préparer, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, un rapport à soumettre à la commission d’experts avant le 1er septembre 2019, afin de l’informer en détail des initiatives prises pour progresser dans le sens de la pleine application de la convention en droit et dans la pratique.
Article 4 de la convention. Promotion de la négociation collective libre et volontaire. Depuis plusieurs années, la commission demande au gouvernement, avec le Comité de la liberté syndicale (cas no 2699), qu’il révise la loi no 18566 de 2009 (loi qui consacre les principes et les droits fondamentaux du système de négociation collective, ci-après la loi no 18566) afin d’en garantir la pleine conformité avec les principes de la négociation collective et les conventions ratifiées par l’Uruguay dans ce domaine. Dans des commentaires antérieurs, la commission notait que, en 2015, 2016 et 2017, le gouvernement avait soumis aux partenaires sociaux plusieurs propositions de modifications législatives, lesquelles, selon les indications du gouvernement, n’avaient pas réuni le consensus nécessaire entre les parties.
Dans son dernier commentaire, la commission a noté que, comme l’avait indiqué le gouvernement : i) le 29 octobre 2019, le gouvernement, après plusieurs réunions tripartites, a soumis au Parlement un projet de loi modifiant certaines dispositions de la loi n 18566 en date du 11 septembre 2009; et ii) le projet constituait une synthèse des propositions que le gouvernement formule depuis 2015.
La commission avait pris note que, dans leurs observations de 2019, la CNCS, la CIU et l’OIE déclaraient que les propositions de modification contenues dans le projet de loi étaient insuffisantes et que certaines d’entre elles auraient dû être rédigées de manière différente. Elles déclaraient en outre que lors des réunions tripartites, le gouvernement avait indiqué qu’un projet de loi serait élaboré si l’on parvenait à un consensus. La commission observait, d’autre part, que selon ce qu’indiquait le gouvernement, dans le cadre des réunions tripartites qui ont eu lieu, l’Assemblée intersyndicale des travailleurs – Convention nationale des travailleurs PIT-CNT avait déclaré que, si elle était disposée à discuter, d’après elle, il n’était pas nécessaire de modifier la loi no 18566. La CSI, quant à elle, indiquait que plus de 90 pour cent des travailleurs étaient protégés par des conventions collectives et qu’il convenait d’être prudent au moment de prendre des mesures susceptibles de déstabiliser ce mécanisme efficace.
La commission faisait observer que les modifications proposées prévues dans le projet de loi avaient déjà été portées à son attention dans le précédent rapport du gouvernement. Tout en rappelant qu’elle avait estimé que ces modifications étaient conformes à l’obligation, découlant de l’article 4 de la convention, de promouvoir la négociation collective libre et volontaire, la commission avait notait avec regret que, malgré ses commentaires répétés, le projet de loi ne contenait pas de modifications ni de précisions au sujet de la compétence des conseils salariaux pour apporter des ajustements aux rémunérations qui dépassent les seuils minimaux par catégorie et pour fixer les conditions de travail (article 12 de la loi no 18566). La commission relevait également que, dans leurs observations, la CNCS, la CIU et l’OIE se déclaraient préoccupées à ce sujet.
La commission a rappelé une fois encore à cette occasion que si la fixation du salaire minimum peut faire l’objet de décisions d’instances tripartites, l’article 4 de la convention a pour but de promouvoir la négociation bipartite pour la fixation des conditions de travail, toute convention collective sur la fixation des conditions de travail devant donc être le fruit d’un accord entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part. La commission a rappelé en outre que des mécanismes peuvent être établis pour garantir le caractère libre et volontaire de la négociation collective et une réelle promotion de cette dernière, assurant le maintien d’un haut niveau de couverture des conventions collectives en vigueur dans le pays.
La commission note que, dans leurs observations de 2020, après avoir rappelé leurs critiques envers le projet de loi, la CIU, l’OIE et la CNCS indiquent qu’en mars de cette année, un nouveau gouvernement est entré en fonction et que, à la fin de la législature, le projet de loi a été archivé sans qu’aucune de ses dispositions n’ait été adoptée ni même examinée. Les organisations d’employeurs se disent préoccupées par les carences continuelles du gouvernement eu égard aux les recommandations que la commission lui adresse depuis de nombreuses années et elles soulignent la nécessité pour le gouvernement de déposer un nouveau projet de loi, lequel pourrait ou non reprendre les propositions antérieures.
La commission note que, dans son rapport supplémentaire, le gouvernement indique que, treize jours après son entrée en fonction, il a décrété l’état d’urgence sanitaire en raison de la pandémie de Covid-19, ce qui a entrainé une limitation des activités et des réunions et entravé tout progrès sur la question objet du présent commentaire. La commission note que, en réponse aux observations des organisations d’employeurs, le gouvernement, réaffirme son attachement aux normes internationales en la matière en indiquant qu’en novembre 2019, il a esquissé son programme de gouvernement dans un document intitulé "Engagement pour le pays" dans lequel il s’engage à modifier la loi sur la négociation collective en tenant compte des observations de l’OIT. La commission prend également note du fait que, comme l’indique le gouvernement: i) il est proposé d’entamer une nouvelle étape de dialogue, sans écarter la possibilité de solliciter l’assistance technique du BIT; ii) dans la nouvelle étape de dialogue, le gouvernement présenterait un nouveau projet de loi qui s’inspirerait du projet qui avait été présenté et qui a été archivé, ainsi que des commentaires formulés par les partenaires sociaux sur le texte; iii) il prépare actuellement un projet de loi relatif à la personnalité juridique des organisations patronales qui sera lui aussi présenté sous peu aux partenaires sociaux et dont le thème s’inscrit dans les aspects observés.
Tout en reconnaissant pleinement les difficultés particulières rencontrées par le gouvernement depuis son entrée en fonction du fait de la pandémie, la commission a le regret de constater qu’à ce jour aucun progrès n’a été accompli s’agissant de la prise en compte de ses recommandations dans la législation. Prenant toutefois dument note de l’engagement pris par le gouvernement à propos de la mise en conformité de la législation à la lumière de ses commentaires, la commission exprime le ferme espoir que, après avoir consulté les partenaires sociaux, le gouvernement déposera dans les plus brefs délais devant le parlement, un projet de loi qui, en accord avec orientations données dans son dernier commentaire, garantisse pleinement le caractère libre et volontaire de la négociation collective tout en continuant de la promouvoir de manière efficace, conformément à la Convention. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur tout progrès accompli à ce sujet et lui rappelle qu’il peut continuer à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau. De même, elle le prie de fournir des informations quant au projet de loi relatif à la personnalité juridique des organisations syndicales.

Observation (CEACR) - adoptée 2019, publiée 109ème session CIT (2021)

La commission note les observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) reçues le 1er septembre 2019. Elle prend également note des observations conjointes de la Chambre nationale de commerce et des services de l’Uruguay (CNCS), de la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) et de l’Organisation internationale des employeurs (OIE) reçues le 1er septembre et le 22 novembre de 2019, lesquelles, comme les observations de la CSI, portent sur les questions examinées par la commission dans le présent commentaire.

Suivi des conclusions de la Commission d’application des normes (Conférence internationale du Travail, 108e session, juin 2019)

La commission note la discussion qui s’est tenue à la Commission d’application des normes de la Conférence (ci-après la Commission de la Conférence) en juin 2019, sur l’application de la convention par l’Uruguay. La commission note que la Commission de la Conférence priait le gouvernement: i) d’entreprendre des mesures législatives d’ici au 1er novembre 2019, après avoir pleinement consulté les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, en prenant en considération la recommandation des organes de contrôle de l’OIT, pour garantir la pleine conformité de la législation et de la pratique nationales avec la convention; et ii) de préparer, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, un rapport à soumettre à la commission d’experts avant le 1er septembre 2019, afin de l’informer en détail des initiatives prises pour progresser dans le sens de la pleine application de la convention en droit et dans la pratique.
Article 4 de la convention. Promotion de la négociation collective libre et volontaire. Depuis plusieurs années, la commission demande au gouvernement, avec le Comité de la liberté syndicale (cas no 2699), qu’il révise la loi no 18566 de 2009 (loi qui consacre les principes et les droits fondamentaux du système de négociation collective, ci-après la loi no 18566) afin d’en garantir la pleine conformité avec les principes de la négociation collective et les conventions ratifiées par l’Uruguay dans ce domaine. Dans son dernier commentaire, la commission notait que, en 2015, 2016 et 2017, le gouvernement avait soumis aux partenaires sociaux plusieurs propositions de modifications législatives, lesquelles, selon les indications du gouvernement, n’avaient pas réuni le consensus nécessaire entre les parties. La commission avait estimé que, si les propositions du gouvernement ne contenaient pas de modifications ni de précisions au sujet de la compétence des conseils salariaux pour apporter des ajustements aux rémunérations qui dépassent les seuils minimaux par catégorie et pour fixer les conditions de travail, plusieurs des modifications envisagées étaient conformes à l’obligation, découlant de l’article 4 de la convention, de promouvoir la négociation collective libre et volontaire. Soulignant que ces modifications pouvaient contribuer à mettre la loi no 18566 en conformité avec la convention, la commission avait prié le gouvernement, après avoir soumis le texte aux partenaires sociaux pour consultation, de présenter au Parlement le projet de loi garantissant la pleine compatibilité de la législation et de la pratique nationales avec la convention.
La commission fait observer que le gouvernement a présenté un rapport dans lequel il donne des informations détaillées sur les mesures adoptées pour faire avancer l’application de la convention dans la législation et dans la pratique. La commission note que le gouvernement informe que: i) après la discussion devant la Commission de la Conférence, cinq réunions tripartites ont eu lieu, et il a soumis aux partenaires sociaux, dans le cadre de ces réunions, deux propositions de modifications de la loi no 18566; ii) le 29 octobre 2019, le gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi qui modifie certains aspects de la loi n 18566 en date du 11 septembre 2009; et iii) le projet est une synthèse des propositions que le gouvernement formule depuis 2015 jusqu’à ce jour. La commission note que le gouvernement a communiqué copie dudit projet de loi et fait observer que, dans l’exposé des motifs du projet, il est indiqué que ce dernier reprend certaines des principales observations de la commission et que le thème général dont traite le projet avait déjà été soumis pour consultation à l’Intersyndicale plénière des travailleurs-Convention nationale des travailleurs (PIT-CNT), à la CNCS et à la CIU au sein de diverses instances tripartites. La commission fait observer que le projet de loi prévoit:
  • -d’insérer une phrase à la fin de l’article 4 de la loi no 18566 pour exiger des syndicats qu’ils aient la personnalité juridique pour pouvoir recevoir des informations des entreprises dans le cadre de la négociation collective, afin de faciliter la possibilité d’intenter une action en responsabilité en cas de violation du devoir de confidentialité;
  • -de supprimer l’article 10(d) de la loi susmentionnée qui établit la compétence du Conseil supérieur tripartite pour définir le niveau des négociations bipartites ou tripartites;
  • -de supprimer la partie finale de l’article 14 de la loi qui attribue, en l’absence de syndicat dans l’entreprise, la capacité de négociation aux syndicats de niveau supérieur;
  • -de modifier l’article 17(2) de la loi afin que la question des clauses d’ultra-activité fasse l’objet d’une négociation lors de l’élaboration de la convention;
  • -de préciser que l’enregistrement et la publication des résolutions des conseils salariaux et des conventions collectives ne sont pas obligatoires pour qu’elles soient autorisées, homologuées ou approuvées par le pouvoir exécutif.
La commission note que, dans leurs observations, la CNCS, la CIU et l’OIE déclarent que ces propositions de modification sont insuffisantes et que certaines d’entre elles auraient dû être rédigées de manière différente. Elles déclarent en outre que lors des réunions tripartites qui ont eu lieu, le gouvernement avait proposé de discuter de plusieurs thèmes, et avait indiqué qu’un projet de loi serait élaboré si l’on parvenait à un consensus. A cet égard, elles affirment que, jusqu’à la date à laquelle le gouvernement a présenté son rapport, aucun accord n’existait sur la méthodologie, ce qui rendait quasiment impossible l’examen d’un éventuel projet de loi prescrit par la Commission de la Conférence. La commission observe, d’autre part, que selon ce qu’indique le gouvernement dans son rapport, dans le cadre des réunions tripartites qui ont eu lieu, le PIT-CNT a déclaré que, s’il était disposé à discuter, d’après lui, il n’était pas nécessaire de modifier la loi no 18566. La CSI, quant à elle, dans ses observations, indique que plus de 90 pour cent des travailleurs de l’Uruguay sont protégés par des conventions collectives et qu’il convient d’être prudent au moment de prendre des mesures qui peuvent déstabiliser ce mécanisme efficace.
La commission fait observer que les modifications proposées prévues dans le projet de loi mentionné avaient déjà été portées à son attention dans le précédent rapport du gouvernement. Dans ses derniers commentaires, la commission avait estimé que ces modifications étaient conformes à l’obligation, découlant de l’article 4 de la convention, de promouvoir la négociation collective libre et volontaire. La commission reconnaît les efforts accomplis par le gouvernement pour répondre à la demande de la Commission de la Conférence, ayant engagé des modifications normatives avant le 1er novembre 2019 et ayant soumis au Parlement un projet de loi qui contient des modifications répondant à plusieurs observations que formule, depuis plusieurs années, la commission.
La commission note avec regret toutefois que, malgré ses commentaires répétés, et les recommandations du Comité de la liberté syndicale, le projet de loi ne contient pas de modifications ni de précisions au sujet de la compétence des conseils salariaux pour apporter des ajustements aux rémunérations qui dépassent les seuils minimaux par catégorie et pour fixer les conditions de travail (article 12 de la loi no 18566). La commission note que, dans l’exposé des motifs du projet de loi, le gouvernement explique que ledit article n’a pas été modifié car dans les conseils salariaux les conditions de travail doivent être fixées sur la base d’un accord entre les représentants des travailleurs et des employeurs et que la fonction du pouvoir exécutif se limite à déterminer les contenus salariaux. La commission observe en outre que, selon l’indication du gouvernement, dans les réunions tripartites qui ont eu lieu avant la soumission du projet de loi, le PIT-CNT s’opposait à la modification de l’article 12 de la loi no 18566.
La commission note que, dans leurs observations, la CNCS, la CIU et l’OIE se déclarent préoccupées par l’absence dans le projet de toute référence à la modification de la compétence des conseils salariaux (article 12 de la loi no 18566). A cet égard, entre autres points, la CNCS, la CIU et l’OIE font observer que le pouvoir d’intervention que détient le ministère du Travail et de la Sécurité sociale (MTSS) dans les conseils salariaux en matière d’augmentation des salaires dans le secteur privé constitue une véritable ingérence; que la décision finale de l’augmentation revient, quoi qu’il arrive, au MTSS, car en l’absence d’accord entre les trois parties, le MTSS, en collaboration avec le ministère de l’Economie et des Finances, fixe l’augmentation par décret et que, dans la pratique, avant chaque convocation du Conseil salarial, le MTSS participe à la négociation de tous les contenus (y compris les conditions de travail) et pas seulement les salaires.
La commission rappelle une fois de plus à ce sujet que si la fixation du salaire minimum peut faire l’objet de décisions d’instances tripartites, l’article 4 de la convention a pour but de promouvoir la négociation bipartite pour la fixation des conditions de travail, toute convention collective sur la fixation des conditions de travail devant donc être le fruit d’un accord entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part. La commission rappelle en outre que des mécanismes peuvent être établis pour garantir le caractère libre et volontaire de la négociation collective et une réelle promotion de cette dernière, assurant le maintien d’un haut niveau de couverture des conventions collectives en vigueur dans le pays. Espérant que les avancées que renferme le projet de loi présenté par le gouvernement seront intégrées sans tarder dans la législation en vigueur, la commission prie le gouvernement, en consultation avec les partenaires sociaux, de prendre les mesures complémentaires nécessaires pour garantir pleinement le caractère libre et volontaire de la négociation collective, tout en la promouvant de manière efficace. La commission prie le gouvernement de l’informer sur tout progrès accompli à ce sujet et lui rappelle qu’il peut continuer à se prévaloir de l’assistance technique du Bureau.

Observation (CEACR) - adoptée 2018, publiée 108ème session CIT (2019)

La commission prend note des observations conjointes de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), de la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) et de la Chambre nationale de commerce et des services de l’Uruguay (CNCS), reçues les 31 août 2016, 31 août 2017 et 31 août 2018, qui portent sur les questions examinées par la commission dans le cadre du présent commentaire. La commission prend note des observations conjointes additionnelles de l’OIE, de la CIU et de la CNCS reçues le 28 novembre 2018. La commission prie le gouvernement de fournir ses commentaires à cet égard.
Article 4 de la convention. Promotion de la négociation collective libre et volontaire. En ce qui concerne la révision de la loi no 18566 de 2009 (loi qui consacre les principes et droits fondamentaux du système de négociation collective) demandée par le Comité de la liberté syndicale (cas no 2699) et par la commission afin d’en garantir la pleine conformité avec les principes de la négociation collective et des conventions ratifiées par l’Uruguay dans ce domaine, la commission rappelle que, dans ses commentaires précédents, elle avait: i) accueilli favorablement l’accord tripartite de mars 2015 en vue d’entamer un dialogue tripartite à ce sujet; ii) pris note de la préoccupation exprimée par les organisations d’employeurs en raison de l’absence de progrès dans ce dialogue; et iii) exprimé le ferme espoir que le dialogue permettrait de prendre des mesures concrètes afin de rendre la législation et la pratique pleinement conformes à la convention. A ce sujet, la commission note que, dans leurs observations, les organisations d’employeurs: i) mentionnent les propositions normatives échangées en 2016 et 2017 par le gouvernement et le secteur des employeurs, dans le cadre du dialogue tripartite susmentionné, ainsi que l’assistance technique fournie à ce sujet par le Bureau au moyen d’une note technique d’octobre 2017; ii) précisent leurs propositions qui constituent une alternative à celles du gouvernement au sujet de plusieurs aspects de la révision de la loi no 18566; iii) déclarent, en ce qui concerne les compétences des conseils salariaux en matière de rémunération et de conditions de travail, que le gouvernement n’a pas proposé de modification législative et continue de ne pas reconnaître le fait que les négociations tripartites effectuées dans le cadre des conseils salariaux équivalent dans la pratique à une forme d’arbitrage obligatoire dans lequel les délégués du ministère du Travail et de la Sécurité sociale identifient et définissent les éléments directeurs de la négociation; et iv) affirment que, dans la mesure où le gouvernement n’est pas parvenu à un accord tripartite au sujet des réformes demandées depuis huit ans par le Comité de la liberté syndicale et la commission, il doit maintenant satisfaire à son obligation de soumettre au Parlement un projet de loi qui mette un terme à l’inobservation des principes découlant des conventions internationales ratifiées par l’Uruguay en matière de négociation collective.
La commission prend dûment note du fait que, dans le cadre des discussions tripartites qui ont suivi l’accord de mars 2015, le gouvernement a soumis aux partenaires sociaux plusieurs propositions de modifications normatives en décembre 2015, septembre 2016 et mars 2017. La commission considère que plusieurs modifications de la loi no 18566 proposées par le gouvernement et destinées à répondre aux commentaires des organes de contrôle de l’OIT sont conformes à l’obligation, découlant de l’article 4 de la convention, de promouvoir la négociation collective libre et volontaire. La commission se réfère en particulier à la proposition suivante: i) insérer une phrase à la fin de l’article 4 de la loi no 18566 pour exiger des syndicats qu’ils aient la personnalité juridique pour pouvoir recevoir des informations des entreprises dans le cadre de la négociation collective, afin de faciliter la possibilité d’intenter une action en responsabilité en cas de violation du devoir de confidentialité; ii) supprimer l’article 10(d) de la loi susmentionnée qui établit la compétence du Conseil supérieur tripartite pour définir le niveau des négociations bipartites ou tripartites; iii) supprimer la partie finale de l’article 14 de la loi qui attribue, en l’absence de syndicat dans l’entreprise, la capacité de négociation aux syndicats de niveau supérieur; iv) modifier l’article 17(2) de la loi afin que la question des clauses de maintien des effets d’une convention en cas de non-renouvellement (ultra-activité) fasse l’objet d’une négociation lors de l’élaboration de la convention, dans le but d’établir l’ultra-activité totale, l’ultra-activité partielle ou un délai pour étendre la période où la convention produit ses effets et en permettre la renégociation; et v) préciser que l’enregistrement et la publication des résolutions des conseils salariaux et des conventions collectives ne sont pas obligatoires pour qu’elles soient autorisées, homologuées ou approuvées par le pouvoir exécutif.
Tout en constatant que certaines de ces propositions font l’objet d’un accord tripartite ou de compromis partiels, et que d’autres continuent de ne pas réunir de consensus, la commission accueille favorablement l’élaboration de ces propositions et souligne la contribution qu’elles peuvent apporter à l’harmonisation de la loi no 18566 avec la convention. Néanmoins, la commission note avec regret que les propositions normatives du gouvernement ne contiennent toujours pas de modifications et de précisions au sujet de la compétence des conseils salariaux, qui sont des organes tripartites, pour apporter des ajustements aux rémunérations qui dépassent les seuils minimaux par catégorie et pour fixer les conditions de travail. La commission note à cet égard: i) la déclaration du gouvernement selon laquelle la loi no 18566 donne la priorité absolue à la négociation bipartite puisque les conseils salariaux ne peuvent être convoqués que s’il existe une convention collective de même niveau en vigueur dans la même branche d’activité; et ii) l’indication susmentionnée des organisations d’employeurs selon laquelle les négociations tripartites effectuées dans le cadre des conseils salariaux équivalent dans la pratique à une forme d’arbitrage obligatoire qui va au-delà de la fixation des salaires minima. La commission rappelle à nouveau à ce sujet que, si la fixation des salaires minima peut être l’objet de décisions d’instances tripartites, l’article 4 de la convention cherche à promouvoir la négociation bipartite pour la fixation des conditions de travail. Par conséquent, toute convention collective sur la fixation des conditions du travail devrait découler d’un accord entre les employeurs ou les organisations d’employeurs, d’une part, et les organisations de travailleurs, d’autre part. La commission souligne en outre que des mécanismes peuvent être établis pour garantir le caractère libre et volontaire de la négociation collective, tout en la promouvant de manière efficace et en assurant le maintien du haut degré de couverture des conventions collectives.
Compte tenu de ce qui précède et prenant dûment compte du dialogue tripartite mené à bien depuis la signature de l’accord de mars 2015, ainsi que de l’élaboration de propositions normatives qui tiennent compte d’une partie de ses commentaires, la commission prie le gouvernement, après avoir soumis pour consultation le texte aux partenaires sociaux, de présenter au Parlement un projet de loi garantissant la pleine compatibilité de la législation et de la pratique nationales avec la convention. Rappelant qu’il peut se prévaloir de l’assistance technique du Bureau, la commission exprime le ferme espoir que le gouvernement sera en mesure de faire état prochainement de progrès concrets à ce sujet.

Observation (CEACR) - adoptée 2015, publiée 105ème session CIT (2016)

La commission prend note de deux observations reçues en mars et novembre 2013 par lesquelles le Syndicat national des gardiennes d’enfants de l’Uruguay fournit des informations sur la situation de l’emploi des gardiennes d’enfants en milieu familial pour des mineurs en situation d’abandon. Le syndicat indique que, bien que les gardiennes d’enfants soient liées par une relation de travail avec l’Etat uruguayen, étant donné qu’elles sont au service de l’Institut de l’enfance et de l’adolescence (INAU), lequel est un organisme public uruguayen, l’Etat ne reconnaît pas le caractère professionnel de la relation, niant par là même une série de droits fondamentaux des travailleurs, en prenant pour argument que la relation entre la «gardienne d’enfants» et l’Etat relève du volontariat. Le syndicat souligne que, bien que les gardiennes d’enfants n’aient pas de contrat de travail écrit, elles bénéficient d’une série de prestations propres à la relation de travail comme le traitement ou la rémunération, le traitement annuel complémentaire (aguinaldo), la prime d’ancienneté. Elles sont également couvertes par le système de santé et leur rémunération est soumise à des prélèvements de sécurité sociale. Cependant, d’autres droits ne leur sont pas reconnus, comme les congés payés annuels, l’assurance pour les accidents du travail ou les maladies professionnelles. A cet égard, le syndicat réclame principalement une régularisation des conditions d’emploi des gardiennes d’enfants. La commission prend note de la réponse du gouvernement du 27 février 2015 dans laquelle il indique que les gardiennes d’enfants de famille de substitution ne sont pas des fonctionnaires publiques dans la mesure où elles n’ont suivi aucune des procédures requises par la loi pour intégrer la fonction publique et que la nature des tâches qu’elles effectuent ne correspond pas non plus à une relation de travail typique. La commission considère que, même si les gardiennes d’enfants en milieu familial n’ont pas de contrat de travail écrit avec l’INAU et qu’elles n’ont suivi aucune des procédures requises par la loi pour intégrer la fonction publique, il existe entre les gardiennes d’enfants et l’INAU un lien plus ou moins stable caractérisé par la prestation d’un service de garde transitoire à des enfants et adolescents en échange d’une contribution économique de la part de l’organisme étatique. La commission rappelle que tous les travailleurs doivent pouvoir constituer des syndicats et s’y affilier et négocier collectivement les conditions dans lesquelles ils effectuent leur travail. A cet égard, la commission prie le gouvernement de prendre, en consultation avec le Syndicat national des gardiennes d’enfants de l’Uruguay, les mesures nécessaires afin de veiller à ce que les droits de ces dernières soient dûment garantis dans le cadre des conventions relatives aux droits syndicaux ratifiées par l’Uruguay.
Par ailleurs, la commission prend note des observations de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), de la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) et de la Chambre nationale de commerce et des services de l’Uruguay (CNCS), reçues le 1er septembre et le 1er décembre 2015, se rapportant principalement à la loi no 18566 (loi définissant les principes et droits fondamentaux du système de négociation collective) de septembre 2009. Les organisations d’employeurs rappellent particulièrement que, dans le cadre du cas no 2699, le Comité de la liberté syndicale avait demandé au gouvernement de prendre, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, des mesures pour modifier ladite loi afin d’assurer la pleine conformité de cette dernière avec les principes de la négociation collective et les conventions ratifiées par l’Uruguay en la matière. Les organisations d’employeurs rappellent que la législation n’a pas été modifiée mais indiquent que, en mars 2015, à l’initiative du nouveau gouvernement, a été signé un accord tripartite entre le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et des représentants des travailleurs (Assemblée intersyndicale des travailleurs – Convention nationale des travailleurs, PIT-CNT) et des employeurs (CNCS et CIU) en vue d’entamer un dialogue tripartite qui permette de surmonter les divergences d’opinions vis-à-vis de la loi no 18566. L’OIE, la CIU et la CNCS indiquent également que, bien que deux réunions tripartites aient été organisées et qu’elles sont dans l’attente des résultats de cette négociation, aucun progrès n’a été accompli et la violation des normes fondamentales du travail persiste.
Article 4 de la convention. Négociation collective. Concernant les observations des organisations d’employeurs, la commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait pris note avec intérêt de la décision du gouvernement de soumettre au Parlement national un projet de loi modifiant la loi no 18566. Elle note que le gouvernement indique que: i) le pouvoir exécutif a soumis le 4 mars 2013 au Parlement national un projet de loi portant modification de la loi no 18566 relative à la négociation collective mais, finalement, ce projet n’a pas été examiné par le Parlement; ii) en mars 2015, quelques jours après son entrée en fonction, le nouveau gouvernement a signé un accord avec les représentants des travailleurs (PIT-CNT) et des employeurs (CNCS et CIU) en vue d’entamer un dialogue constructif qui permette de surmonter les divergences d’opinions vis-à-vis de la loi no 18566; iii) par cet accord, le gouvernement s’est engagé à rédiger un nouveau projet de loi modifiant la loi no 18566; iv) à la suite de cet accord ont eu lieu des réunions tripartites au cours desquelles il a été reconnu que les thèmes fondamentaux appelant une solution sont les mêmes que ceux figurant dans le rapport du Comité de la liberté syndicale relatif au cas no 2699; et v) sur proposition du gouvernement, il a été fait appel à un consultant extérieur qui a tenu plusieurs réunions avec les représentants des partenaires sociaux afin de recueillir leurs points de vue respectifs sur les différentes formules qu’il pourrait présenter dans les conclusions de sa mission. La commission prend note avec intérêt de cet accord tripartite et du processus de dialogue que celui-ci a permis d’entamer. De même, la commission note que le gouvernement se réfère à une demande d’assistance technique adressée au Bureau afin de contribuer au travail prévu pour les mois à venir dans le cadre tripartite. Enfin, la commission prend note des informations fournies par le gouvernement à propos des thèmes abordés dans les réunions du Conseil supérieur tripartite et de l’état d’avancement de la négociation collective dans les conseils salariaux.
La commission accueille favorablement l’accord tripartite signé en mars 2015 et espère fermement qu’il constitue l’amorce d’un processus de dialogue tripartite fructueux à l’occasion duquel seront prises, en tenant compte des commentaires du Comité de la liberté syndicale et de la commission, des mesures concrètes afin de mettre la législation et la pratique en pleine conformité avec la convention. La commission insiste sur l’importance que les parties arrivent dès que possible à un accord sur les questions en suspens, dans la mesure où il est essentiel que les règles régissant les relations de travail soient appuyées par tous les partenaires sociaux. Notant avec préoccupation que les organisations d’employeurs indiquent qu’il n’y a pas eu de progrès depuis la signature de l’accord tripartite, la commission prie le gouvernement de l’informer de manière détaillée sur l’évolution du dialogue tripartite qui a été entamé concernant la loi no 18566 relative à la négociation collective et sur le projet de loi en cours d’élaboration à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2012, publiée 102ème session CIT (2013)

La commission prend note de la réponse du gouvernement aux commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 4 août 2011, qui font état d’actes de discrimination antisyndicale et d’obstacles à la négociation collective. En particulier, la commission note que le gouvernement indique ce qui suit: 1) les différends ponctuels au sujet d’obstacles à la négociation collective ont été surmontés au moyen de conventions collectives qui ont renforcé le dialogue social et maintenu les accords sur les salaires minima qui avaient été conclus dans le cadre des conseils salariaux; et 2) en ce qui concerne l’une des allégations de discrimination antisyndicale, l’autorité administrative est intervenue et, à ce jour, le cas a été soumis à la Division juridique pour examen; à propos des allégations relatives à l’usine de cellulose UPM, le gouvernement indique que, pour pouvoir répondre, il a besoin de connaître le nom de l’entreprise de sous-traitance dans laquelle les actes syndicaux en question auraient été commis. Enfin, la commission prend note des commentaires de la CSI du 31 juillet 2012 qui font état d’obstacles à la négociation collective et de l’inobservation d’accords collectifs dans le secteur de la santé. La commission prie le gouvernement de communiquer ses observations à ce sujet.
La commission prend note aussi des commentaires de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), de la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) et de la Chambre nationale de commerce et de services de l’Uruguay (CNCS), qui portent principalement sur la loi no 18566 de septembre 2009 sur la négociation collective. Concrètement, ces entités rappellent que le Comité de la liberté syndicale a demandé au gouvernement de prendre des mesures, en consultation avec les organisations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, pour modifier la loi susmentionnée afin de donner suite aux conclusions qui ont été formulées et de garantir la pleine conformité avec les principes de la négociation collective et les conventions ratifiées par l’Uruguay dans ce domaine. Les organisations d’employeurs ajoutent que: 1) consulter les organisations n’est pas un obstacle au respect des normes internationales du travail; si c’était le cas, il serait très facile pour un gouvernement d’éviter de donner suite aux observations des organes de contrôle; 2) en réponse à un projet présenté par le gouvernement dans lequel il proposait des modifications de la loi, le secteur employeur en a présenté un autre qui rend compte des sept points signalés par les organes de contrôle; 3) l’OIE, la CIU et la CNCS font observer avec préoccupation que le fait qu’un secteur donné prend telle ou telle position ne constitue pas un obstacle à la stricte observation des obligations que le gouvernement a acceptées en ratifiant une convention internationale du travail, et affirment que, en réalisant des consultations en vue de modifier la loi, on cherche à trouver un consensus entre les parties; cela ne constitue nullement une négociation sine die et, si le consensus est impossible, le gouvernement doit donner suite aux instructions de l’OIT; 4) le fait que le temps passe sans que des progrès ne soient enregistrés ne peut pas servir de prétexte pour ne pas respecter une convention, et la négociation ne peut être ni stérile ni éternelle; si on conclut des conventions, il faut les respecter, et les recommandations des organes de contrôle doivent l’être aussi; 5) les principes de l’OIT doivent s’appliquer immédiatement et rien ne justifie que la recherche de consensus retarde l’alignement d’une loi sur une convention internationale; les autres résultats qu’un gouvernement a pu obtenir dans le domaine macroéconomique ou de la pleine démocratie ne suffisent pas si le prix à payer est la violation des conventions internationales; et 6) le gouvernement a eu depuis un certain temps beaucoup de possibilités pour modifier la loi conformément aux observations des organes de contrôle mais, de façon discrétionnaire et arbitraire, il a décidé de ne pas le faire; il lui incombe de respecter ce que demande l’OIT. La commission note la réponse du gouvernement à ces questions.
Article 4 de la convention. Négociation collective. La commission rappelle que, dans ses commentaires précédents, elle avait pris note de l’approbation de la loi no 18566 de septembre 2009 sur la négociation collective et des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2699, dans le cadre duquel avait été allégué le manque de conformité de la loi susmentionnée avec la convention (voir 356e rapport, paragr. 1389). Il s’agit des conclusions suivantes:
  • I. Concernant l’échange des renseignements nécessaires pour faciliter le déroulement normal du processus de négociation collective et le fait que, en ce qui concerne les renseignements confidentiels, l’obligation de réserve est implicite dans les communications et son non-respect donnera lieu à des sanctions à l’égard du contrevenant (art. 4), le comité avait noté que, selon les organisations plaignantes, cette disposition ne garantissait pas des sanctions en cas d’éventuels excès des représentants syndicaux et a considéré que toutes les parties à la négociation, qu’elles jouissent ou non de la personnalité juridique, doivent être responsables en cas de violation du droit de réserve à l’égard de l’information qu’elles reçoivent dans le cadre des négociations collectives. Le comité demande au gouvernement de veiller au respect de ce principe.
  • II. Concernant la composition du Conseil supérieur tripartite (art. 8), le comité considère que l’on pourrait prévoir un nombre égal de membres pour chacun des trois secteurs et la présence d’un président indépendant, de préférence nommé conjointement par les organisations de travailleurs et d’employeurs, qui pourrait départager les votes. Le comité prie le gouvernement d’engager des discussions avec les partenaires sociaux sur la modification de la loi afin de trouver une solution concertée sur le nombre de représentants au conseil.
  • III. Concernant les compétences du Conseil supérieur tripartite en général et celle qui consiste à examiner les questions liées aux niveaux de négociation tripartite et bipartite et à se prononcer dessus en particulier (art. 10, D), le comité a souligné à plusieurs reprises que «la détermination du niveau de négociation (collective bipartite) devrait dépendre de la volonté des parties». Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la modification de la législation en vigueur, pour que le niveau de négociation collective soit établi par les parties et ne fasse pas l’objet d’un vote dans une entité tripartite.
  • IV. Concernant la possibilité que les conseils salariaux établissent les conditions de travail dans les cas où elles sont définies d’un commun accord par les délégués des employeurs et des travailleurs du groupe salarial concerné (art. 12), le comité rappelle tout d’abord que, conformément aux normes de l’OIT, la fixation des salaires minima peut faire l’objet d’une décision d’instances tripartites. En outre, rappelant qu’il appartient aux autorités législatives de déterminer les minima légaux en matière de conditions de travail et que l’article 4 de la convention encourage la négociation tripartite en matière de fixation des conditions de travail, le comité s’attend à ce que ces principes soient appliqués et que toute convention collective relative à la définition des conditions d’emploi soit le fruit d’un accord entre les parties, conformément aux dispositions de l’article en question.
A cet égard, la commission avait noté que le gouvernement avait indiqué dans son rapport que la compétence des conseils des salaires correspond à ce qui est prévu à l’article 83 de la loi no 16002 du 25 novembre 1988, les conditions de travail y étant incluses, mais que l’ouverture de négociations est subordonnée à l’existence d’un accord entre les partenaires sociaux, ce qui signifie que l’organe tripartite ne pourra procéder à un vote lorsqu’il s’agira de questions touchant aux conditions de travail et que le principe du vote est maintenu s’agissant de la détermination des salaires minima par catégorie. (La commission croit comprendre que ces questions ont déjà été clarifiées par les parties.)
  • V. Concernant les personnes ou entités habilitées à effectuer des négociations collectives et en particulier la disposition selon laquelle, dans le cadre des négociations collectives par entreprise, lorsqu’il n’existe pas d’organisation de travailleurs, c’est à l’organisation la plus représentative du niveau supérieur qu’il appartient de négocier (art. 14, dernière phrase), le comité observe que les organisations plaignantes estiment que l’inexistence d’un syndicat n’est pas synonyme d’inexistence de relations collectives au sein de l’entreprise. Le comité estime, d’une part, que des négociations avec l’organisation la plus représentative du niveau supérieur ne devraient être menées que si, dans l’entreprise, il existe une représentation syndicale conforme à la législation nationale. D’autre part, il rappelle que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, privilégie, s’agissant des parties à la négociation collective, les organisations de travailleurs et ne mentionne les représentants des travailleurs non organisés qu’en l’absence de telles organisations. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la future réglementation tienne pleinement compte de ces principes.
  • VI. Concernant les effets des conventions collectives par secteur d’activité (dont l’application n’est obligatoire qu’une fois qu’elles ont été enregistrées et publiées par le pouvoir exécutif (art. 16)), le comité demande au gouvernement de s’assurer que le processus d’enregistrement et de publication de la convention collective sert uniquement à contrôler l’application des minima légaux et à régler les questions de forme.
  • VII. Concernant la validité des conventions collectives, et en particulier le fait que toutes les clauses de la convention arrivées à échéance restent pleinement en vigueur jusqu’à ce qu’un nouvel accord les remplace, sauf si les parties en ont décidé autrement (art. 17, deuxième paragraphe), le comité rappelle que la durée des conventions collectives est une question qui relève au premier chef des parties concernées mais, si une action gouvernementale est envisagée, la législation devrait refléter un accord tripartite. Dans ces conditions et étant donné que les organisations plaignantes ont exprimé leur désaccord avec l’idée qu’une convention puisse rester automatiquement en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une autre, le comité invite le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux sur la modification de la législation en vue d’une solution acceptable pour les deux parties.
La commission rappelle que, dans son observation précédente, elle avait noté que, dans le cadre de la mission du BIT qui s’est rendue dans le pays en août 2011, un accord tripartite a été conclu entre le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et les représentants des travailleurs (Assemblée intersyndicale des travailleurs-Convention nationale des travailleurs – PIT-CNT) et des employeurs (Chambre nationale de commerce et de services et Chambre d’industrie de l’Uruguay), et que cet accord représentait l’engagement d’une nouvelle étape du dialogue sur les commentaires du Comité de la liberté syndicale, de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et de la Commission d’application des normes de la Conférence.
La commission prend note des informations suivantes du gouvernement: 1) fidèle à sa pratique de respect des décisions des organes de contrôle, le gouvernement a redoublé d’efforts pendant plus de deux ans et demi pour trouver un consensus avec les secteurs professionnels et répondre aux commentaires qui avaient été formulés au sujet de divers aspects de la loi no 18566; 2) il y a eu d’innombrables réunions, formelles ou non, pour essayer d’envisager différentes techniques de conciliation; de plus, une mission du BIT a été reçue; 3) étant donné que ces efforts n’ont pas abouti et le refus continuel de rechercher une solution découlant du dialogue social, le gouvernement estime avoir fait suffisamment preuve de patience et d’initiative dans cette situation et qu’il a épuisé tous les mécanismes à sa disposition pour trouver un accord; 4) par conséquent, conscient de ses obligations et responsabilités, il estime qu’est arrivé à son terme le processus de consultation préalable avec les partenaires sociaux, et il se propose de soumettre pour examen au Parlement national un projet de loi qui vise à régler définitivement ce différend; 5) ces informations et le projet de loi en question ont été communiqués aux partenaires sociaux dans des communications en date du 8 novembre 2012. La commission prend note avec intérêt de la décision d’adresser un projet au Parlement national en ce qui concerne les questions en suspens afin de surmonter les problèmes constatés. La commission se félicite de l’information selon laquelle ce projet sera soumis au Parlement en novembre.
La commission exprime l’espoir que la nouvelle loi qui sera adoptée tiendra pleinement compte de l’ensemble des principes et commentaires qui ont été formulés. La commission prie le gouvernement de fournir des informations dans son prochain rapport sur tout fait nouveau à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 2011, publiée 101ème session CIT (2012)

Suivi donné aux conclusions de la Commission de l’application des normes (Conférence internationale du Travail, 100e session, juin 2011)

La commission prend note des commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) datés du 4 août 2011, contenant des allégations d’actes de discrimination antisyndicale et d’obstacle à la négociation collective. La commission prie le gouvernement de fournir ses observations à cet égard.
La commission prend note des discussions qui ont eu lieu au sein de la Commission de l’application des normes de la Conférence internationale du Travail lors de sa réunion de juin 2011, et en particulier du fait que cette commission, dans ses conclusions: 1) a pris note de l’exercice intensif des droits syndicaux dans le pays et du respect des droits de l’homme; 2) s’est félicitée de la poursuite, durant la Conférence, des négociations sur les questions encore pendantes, et du fait qu’une mission du BIT se rendra en Uruguay pour y traiter de ces questions; 3) a exprimé l’espoir que cette mission pourra constater des progrès concrets et que, pour mettre la législation en pleine conformité avec la convention, les mesures nécessaires seront prises sans délai pour élaborer un projet de loi reflétant les commentaires des organes de contrôle.
La commission prend note du fait qu’une mission du BIT s’est rendue dans le pays en août 2011 et que, durant cette mission, le gouvernement et les partenaires sociaux sont parvenus à un accord débouchant sur une nouvelle étape du dialogue sur les questions encore non résolues.
Article 4 de la convention. La commission rappelle que, dans ses commentaires précédents, elle avait pris note de l’approbation de la loi no 18566 de septembre 2009 sur la négociation collective et des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2699, dans le cadre duquel avait été allégué le manque de conformité de la loi susmentionnée avec la convention (voir 356e rapport, paragr. 1389). Il s’agit des conclusions suivantes:
  • I. Concernant l’échange des renseignements nécessaires pour faciliter le déroulement normal du processus de négociation collective et le fait que, en ce qui concerne les renseignements confidentiels, l’obligation de réserve est implicite dans les communications et son non-respect donnera lieu à des sanctions à l’égard du contrevenant (art. 4), le comité considère que toutes les parties à la négociation, qu’elles jouissent ou non de la personnalité juridique, doivent être responsables en cas de violation du droit de réserve à l’égard de l’information qu’elles reçoivent dans le cadre des négociations collectives. Le comité demande au gouvernement de veiller au respect de ce principe.
  • II. Concernant la composition du Conseil supérieur tripartite (art. 8), le comité considère que l’on pourrait prévoir un nombre égal de membres pour chacun des trois secteurs et la présence d’un président indépendant, de préférence nommé conjointement par les organisations de travailleurs et d’employeurs, qui pourrait départager les votes. Le comité prie le gouvernement d’engager des discussions avec les partenaires sociaux sur la modification de la loi afin de trouver une solution concertée sur le nombre de représentants au conseil.
  • III. Concernant les compétences du Conseil supérieur tripartite en général et celle qui consiste à examiner les questions liées aux niveaux de négociation tripartite et bipartite et à se prononcer dessus en particulier (art. 10, D), le comité a souligné à plusieurs reprises que la détermination du niveau de négociation (collective bipartite) devrait dépendre de la volonté des parties. (Voir Recueil de décisions et de principes du Comité de la liberté syndicale, cinquième édition, 2006, paragr. 989.) Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la modification de la législation en vigueur, pour que le niveau de négociation collective soit établi par les parties et ne fasse pas l’objet d’un vote dans une entité tripartite.
  • IV. Concernant la possibilité que les conseils salariaux établissent les conditions de travail dans les cas où elles sont définies d’un commun accord par les délégués des employeurs et des travailleurs du groupe salarial concerné (art. 12), le comité rappelle tout d’abord que, conformément aux normes de l’OIT, la fixation des salaires minima peut faire l’objet d’une décision d’instances tripartites. En outre, rappelant qu’il appartient aux autorités législatives de déterminer les minima légaux en matière de conditions de travail et que l’article 4 de la convention no 98 encourage la négociation tripartite en matière de fixation des conditions de travail, le comité s’attend à ce que ces principes soient appliqués et que toute convention collective relative à la définition des conditions d’emploi soit le fruit d’un accord entre les parties, conformément aux dispositions de l’article en question.
  • A cet égard, la commission avait noté que le gouvernement avait indiqué dans son rapport que la compétence des conseils des salaires correspond à ce qui est prévu à l’article 83 de la loi no 16002 du 25 novembre 1988, les conditions de travail y étant incluses, mais que l’ouverture de négociations est subordonnée à l’existence d’un accord entre les partenaires sociaux, ce qui signifie que l’organe tripartite ne pourra procéder à un vote lorsqu’il s’agira de questions touchant aux conditions de travail et que le principe du vote est maintenu s’agissant de la détermination des salaires minima par catégorie. (La commission croit comprendre que ces questions ont déjà été clarifiées par les parties.)
  • V. Concernant les personnes ou entités habilitées à effectuer des négociations collectives et en particulier la disposition selon laquelle, dans le cadre des négociations collectives par entreprise, lorsqu’il n’existe pas d’organisation de travailleurs, c’est à l’organisation la plus représentative du niveau supérieur qu’il appartient de négocier (art. 14, dernière partie), le comité observe que les organisations plaignantes estiment que l’inexistence d’un syndicat n’est pas synonyme d’inexistence de relations collectives au sein de l’entreprise. Le comité estime, d’une part, que des négociations avec l’organisation la plus représentative du niveau supérieur ne devraient être menées que si, dans l’entreprise, il existe une représentation syndicale conforme à la législation nationale. D’autre part, il rappelle que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, privilégie, s’agissant des parties à la négociation collective, les organisations de travailleurs et ne mentionne les représentants des travailleurs non organisés qu’en l’absence de telles organisations. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la future réglementation tienne pleinement compte de ces principes.
  • VI. Concernant les effets des conventions collectives, et en particulier le fait que l’application des conventions collectives par secteur d’activité conclues par les organisations les plus représentatives est obligatoire pour tous les employeurs et travailleurs du niveau de négociation concerné une fois qu’elles ont été enregistrées et publiées par le pouvoir exécutif (art. 16), le comité, tenant compte des préoccupations exprimées par les organisations plaignantes, demande au gouvernement de s’assurer que le processus d’enregistrement et de publication de la convention collective sert uniquement à contrôler l’application des minima légaux et à régler les questions de forme, comme déterminer les parties à la convention et ses destinataires de manière suffisamment précise, ainsi que la durée de sa validité.
  • VII. Concernant la validité des conventions collectives, et en particulier le fait que toutes les clauses de la convention arrivées à échéance restent pleinement en vigueur jusqu’à ce qu’un nouvel accord les remplace, sauf si les parties en ont décidé autrement (art. 17, deuxième paragraphe), le comité rappelle que la durée des conventions collectives est une question qui relève au premier chef des parties concernées mais, si une action gouvernementale est envisagée, la législation devrait refléter un accord tripartite. (Voir Recueil, op. cit., paragr. 1047.) Dans ces conditions et étant donné que les organisations plaignantes ont exprimé leur désaccord avec l’idée qu’une convention puisse rester automatiquement en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une autre, le comité invite le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux sur la modification de la législation en vue d’une solution acceptable pour les deux parties.
La commission se félicite de pouvoir prendre note de l’indication du gouvernement dans son rapport selon laquelle: 1) dans le cadre de la mission du BIT qui s’est rendue dans le pays en août 2011, un accord tripartite a été conclu entre le ministère du Travail et de la Sécurité sociale et les représentants des travailleurs (Assemblée intersyndicale des travailleurs-Convention nationale des travailleurs – PIT-CNT) et des employeurs (Chambre nationale du commerce et des services et Chambre d’industrie de l’Uruguay); cet accord représente l’engagement d’une nouvelle étape du dialogue sur les commentaires du Comité de la liberté syndicale, de la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations et de la Commission d’application des normes de la Conférence; et 2) l’étape de dialogue qui a fait l’objet d’un accord tripartite débutera le 10 octobre 2011, et le gouvernement enverra au Département des normes internationales du travail, afin que celui-ci fasse des commentaires, un rapport sur l’état d’avancement de ce dialogue ou un projet de loi prévoyant d’éventuelles modifications à la loi no 18566. La commission note avec intérêt que le gouvernement indique dans une communication récente que, suite aux stipulations contenues dans l’accord tripartite mentionné, les partenaires sociaux ont été convoqués à une réunion tenue le 28 octobre pour continuer à travailler conformément à ce qui est prévu dans l’accord tripartite et à présenter aux partenaires sociaux une proposition de modification de la loi no 18566 conformément aux observations du Comité de la liberté syndicale (le gouvernement a également envoyé la contribution du patronat et les commentaires du mouvement syndical en ce qui concerne ladite proposition). La commission veut croire que, dans le cadre du processus de dialogue tripartite qui a été initié, les mesures nécessaires seront prises pour que, en tenant compte des commentaires du Comité de la liberté syndicale et de cette commission sur la loi no 18566 et sur la question relative à l’occupation des lieux de travail, la législation et la pratique soient mises en pleine conformité avec la convention. La commission souligne l’importance qu’elle attache à ce que les parties parviennent le plus tôt possible à un accord sur les questions encore pendantes, car il est essentiel que les instruments qui régissent les relations professionnelles soient partagés par les partenaires sociaux afin qu’ils puissent en connaître les implications futures. La commission prie le gouvernement de fournir des informations à cet égard dans son prochain rapport.

Observation (CEACR) - adoptée 2010, publiée 100ème session CIT (2011)

La commission prend note de la réponse détaillée du gouvernement aux commentaires de la Confédération syndicale internationale (CSI) de 2008. Elle prend également note des commentaires de l’Organisation internationale des employeurs (OIE), la Chambre des industries de l’Uruguay (CIU) et la Chambre nationale du commerce et des services de l’Uruguay (CNCS) du 30 août 2010 critiquant notamment certaines dispositions de la loi no 18566 sur la négociation collective.

La commission prend note des conclusions et recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2699, dans lequel était alléguée la non-conformité de la loi susvisée à la convention.

Article 4 de la convention. Dans ses précédents commentaires, la commission avait pris note des indications du gouvernement selon lesquelles la législation nationale ne comporte pas de texte unique et exhaustif réglementant la négociation collective, si bien que, du point de vue d’une partie de la doctrine, il existe dans le pays deux modèles de négociation collective: d’une part, la négociation classique et, d’autre part, celle qui est engagée sur convocation des conseils des salaires. La commission avait rappelé à cet égard que la fixation des salaires minima peut être l’objet de décisions d’instance tripartite, mais qu’en ce qui concerne les autres conditions de travail, conformément aux principes d’une négociation collective libre et volontaire entre les parties telle que prévue par l’article 4 de la convention, ces conditions doivent être déterminées par les organisations de travailleurs et d’employeurs sans intervention de la part des autorités publiques.

La commission note que le gouvernement signale dans son rapport que l’approbation de la loi no 18566 de septembre 2009 abroge la restriction évoquée dans le précédent rapport et réalise l’obligation d’encourager et promouvoir la négociation que prévoit cet article de la convention.

A cet égard, la commission prend note des conclusions suivantes formulées par le Comité de la liberté syndicale à propos de la loi no 18566 [voir 356e rapport du comité, cas no 2699, paragr. 1389]:

I.      concernant l’échange des renseignements nécessaires pour faciliter le déroulement normal du processus de négociation collective et le fait que, en ce qui concerne les renseignements confidentiels, l’obligation de réserve est implicite dans les communications et son non-respect donnera lieu à des sanctions à l’égard du contrevenant (art. 4), le comité considère que toutes les parties à la négociation, qu’elles jouissent ou non de la personnalité juridique, doivent être responsables en cas de violation du droit de réserve à l’égard de l’information qu’elles reçoivent dans le cadre des négociations collectives. Le comité demande au gouvernement de veiller au respect de ce principe;

II.    concernant la composition du Conseil supérieur tripartite (art. 8), le comité considère que l’on pourrait prévoir un nombre égal de membres pour chacun des trois secteurs et la présence d’un président indépendant, de préférence nommé conjointement par les organisations de travailleurs et d’employeurs, qui pourrait départager les votes. Le comité prie le gouvernement d’engager des discussions avec les partenaires sociaux sur la modification de la loi afin de trouver une solution concertée sur le nombre de représentants au conseil;

III.   concernant les compétences du Conseil supérieur tripartite en général et celle qui consiste à examiner les questions liées aux niveaux de négociation tripartite et bipartite et à se prononcer dessus en particulier (art. 10, D), le comité a souligné à plusieurs reprises que la détermination du niveau de négociation (collective bipartite) devrait dépendre de la volonté des parties. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 989.] Le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires, y compris la modification de la législation en vigueur, pour que le niveau de négociation collective soit établi par les parties et ne fasse pas l’objet d’un vote dans une entité tripartite;

IV.   concernant la possibilité que les conseils salariaux établissent les conditions de travail dans les cas où elles sont définies d’un commun accord par les délégués des employeurs et des travailleurs du groupe salarial concerné (art. 12), le comité rappelle tout d’abord que, conformément aux normes de l’OIT, la fixation des salaires minima peut faire l’objet d’une décision d’instances tripartites. En outre, rappelant qu’il appartient aux autorités législatives de déterminer les minima légaux en matière de conditions de travail et que l’article 4 de la convention no 98 encourage la négociation tripartite en matière de fixation des conditions de travail, le comité s’attend à ce que ces principes soient appliqués et que toute convention collective relative à la définition des conditions d’emploi soit le fruit d’un accord entre les parties, conformément aux dispositions de l’article en question;

A cet égard, la commission note que le gouvernement indique dans son rapport que la compétence des conseils des salaires correspond à ce qui est prévu à l’article 83 de la loi no 16002 du 25 novembre 1988, les conditions de travail y étant incluses, mais que l’ouverture de négociations est subordonnée à l’existence d’un accord entre les partenaires sociaux, ce qui signifie que l’organe tripartite ne pourra procéder à un vote lorsqu’il s’agira de questions touchant aux conditions de travail et que le principe du vote est maintenu s’agissant de la détermination des salaires minima par catégorie. Les conclusions du comité se poursuivent comme suit:

V.    concernant les personnes ou entités habilitées à effectuer des négociations collectives et en particulier la disposition selon laquelle, dans le cadre des négociations collectives par entreprise, lorsqu’il n’existe pas d’organisation de travailleurs, c’est à l’organisation la plus représentative du niveau supérieur qu’il appartient de négocier (art. 14, dernière partie), le comité observe que les organisations plaignantes estiment que l’inexistence d’un syndicat n’est pas synonyme d’inexistence de relations collectives au sein de l’entreprise. Le comité estime, d’une part, que des négociations avec l’organisation la plus représentative du niveau supérieur ne devraient être menées si dans l’entreprise il existe une représentation syndicale conforme à la législation nationale. D’autre part, il rappelle que la recommandation (no 91) sur les conventions collectives, 1951, privilégie, s’agissant des parties à la négociation collective, les organisations de travailleurs et ne mentionne les représentants des travailleurs non organisés qu’en l’absence de telles organisations. Compte tenu de ce qui précède, le comité demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que la future réglementation tienne pleinement compte de ces principes;

VI.   concernant les effets des conventions collectives, et en particulier le fait que l’application des conventions collectives par secteur d’activité conclues par les organisations les plus représentatives est obligatoire pour tous les employeurs et travailleurs du niveau de négociation concerné une fois qu’elles ont été enregistrées et publiées par le pouvoir exécutif (art. 16), le comité, tenant compte des préoccupations exprimées par les organisations plaignantes, demande au gouvernement de s’assurer que le processus d’enregistrement et de publication de la convention collective sert uniquement à contrôler l’application des minima légaux et à régler les questions de forme, comme déterminer les parties à la convention et ses destinataires de manière suffisamment précise, ainsi que la durée de sa validité;

VII.  concernant la validité des conventions collectives et en particulier le fait que toutes les clauses de la convention arrivées à échéance restent pleinement en vigueur jusqu’à ce qu’un nouvel accord les remplace, sauf si les parties en ont décidé autrement (art. 17, deuxième paragraphe), le comité rappelle que la durée des conventions collectives est une question qui relève au premier chef des parties concernées mais, si une action gouvernementale est envisagée, la législation devrait refléter un accord tripartite. [Voir Recueil, op. cit., paragr. 1047.] Dans ces conditions et étant donné que les organisations plaignantes ont exprimé leur désaccord avec l’idée qu’une convention puisse rester automatiquement en vigueur jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une autre, le comité invite le gouvernement à discuter avec les partenaires sociaux sur la modification de la législation en vue d’une solution acceptable pour les deux parties.

La commission note que le gouvernement indique que des contacts et des consultations sont engagés actuellement avec les organisations de travailleurs et d’employeurs pour étudier les recommandations formulées par le Comité de la liberté syndicale à propos de la loi, et que des entretiens tripartites auront lieu prochainement pour traiter en profondeur de ces recommandations. La commission exprime le ferme espoir que la législation sera rendue pleinement conforme à la convention sur ce point après consultation des partenaires sociaux, et que le gouvernement en fera état dans son prochain rapport.

Secteur public

La commission note à ce propos l’information transmise par le gouvernement concernant la convocation pour le lancement des discussions tripartites. La commission rappelle qu’elle avait pris note, dans son observation précédente, d’indications du gouvernement relatives à l’élaboration d’un projet de loi sur la négociation collective pour le secteur public, et qu’elle avait demandé au gouvernement de la tenir informée de l’avancement de ce projet. La commission prend note avec satisfaction de l’annonce faite par le gouvernement de l’adoption de la loi no 18508 relative à la négociation collective dans le secteur public, qui correspond à l’accord-cadre sur la négociation collective dans le secteur public conclu le 22 juillet 2005 entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée intersyndicale des travailleurs-Convention nationale des travailleurs (PIT-CNT).

Observation (CEACR) - adoptée 2008, publiée 98ème session CIT (2009)

La commission prend note des observations de la Confédération syndicale internationale (CSI) du 29 août 2008, qui portent sur des licenciements de syndicalistes ainsi que sur un acte de violence visant un dirigeant de la Fédération des employés du commerce et de l’industrie (FUECI). La commission prie le gouvernement de joindre à son prochain rapport les commentaires qu’il souhaiterait faire sur ce point.

Article 4 de la convention. La commission prend note de l’information du gouvernement selon laquelle: 1) la législation nationale ne comprend pas de texte unique et complet qui réglemente la négociation collective et, en conséquence, une partie de la doctrine soutient qu’il existe en Uruguay deux modèles de négociation collective, la négociation collective classique et la négociation collective qui s’engage après convocation des conseils des salaires; 2) le rétablissement des conseils des salaires en 2005 a redynamisé l’activité syndicale et la négociation collective; 3) les conseils des salaires sont des organes tripartites chargés de fixer les salaires minima par catégorie et branche d’activité. S’ils ont pour principale compétence de fixer les salaires minima et déterminer les catégories concernées, du fait de l’application d’autres articles de la loi no 10449 (qui prévoit un système de négociation collective complet pour les conseils des salaires) et de la pratique, leurs compétences se sont élargies et ils jouent un rôle en matière de règlement des conflits collectifs, de négociation des conditions de travail, de réglementation du congé syndical, etc.; 4) en 2005, trois cadres de négociation ont été créés au niveau général: le Conseil supérieur tripartite, le Conseil supérieur rural et le Conseil supérieur du secteur public. En conséquence, 20 groupes des conseils des salaires ont été mis sur pied et ont servi à près de 200 cadres de négociation; 5) les résultats ont été très satisfaisants et, dans plus de 95 pour cent des cas, un accord a été conclu; dans les autres cas, une solution a été trouvée par vote. Un accord-cadre a été conclu dans le secteur public, et plusieurs accords-cadres l’ont été dans le secteur rural. Un troisième cycle de négociation est prévu pour l’année en cours.

A cet égard, la commission observe que, si les conseils des salaires jouaient auparavant un rôle de promotion de la négociation collective, la possibilité de définir les conditions d’emploi en votant au sein des conseils tripartites porte atteinte au principe de négociation libre et volontaire, principe essentiel de la liberté syndicale. La commission rappelle que la fixation des salaires minima peut faire l’objet de décisions d’instances tripartites. Toutefois, en ce qui concerne les autres conditions de travail, la commission souligne que, conformément au principe de négociation libre et volontaire entre les parties, prévu à l’article 4 de la convention, les conditions de travail devraient être déterminées par les organisations de travailleurs et les employeurs ou leurs organisations sans ingérence des pouvoirs publics. Dans ces conditions, la commission prie le gouvernement d’adopter des mesures pour promouvoir la négociation collective comme indiqué.

Enfin, la commission prend note de l’information du gouvernement selon laquelle le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, le Bureau de la planification et du budget et le PIT-CNT ont élaboré un projet de loi sur la négociation collective dans le secteur public qui est en cours d’examen par le Parlement national. La commission prie le gouvernement de communiquer des informations sur l’état d’avancement du projet de loi en question.

Observation (CEACR) - adoptée 2006, publiée 96ème session CIT (2007)

La commission prend note du rapport du gouvernement.

1. Commentaires de la Centrale syndicale PIT-CNT. La commission rappelle que, suite aux commentaires de la PIT-CNT, elle a demandé au gouvernement dans sa précédente observation: 1) d’indiquer le délai moyen qui s’écoule en cas de plainte pour discrimination antisyndicale entre le début de l’enquête et l’imposition de sanctions ou le classement de l’affaire, et de préciser combien de plaintes pour discrimination antisyndicale ont été déposées au cours des deux dernières années; et 2) d’indiquer le nombre de conventions collectives conclues, par entreprise et par branche, y compris dans le secteur public et dans l’administration publique, en précisant les secteurs et le nombre de travailleurs couverts et en joignant, dans la mesure du possible, la liste complète des conventions collectives conclues dans le pays.

La commission note que le gouvernement informe que: 1) des mesures ont été prises pour que les plaintes concernant le non-respect des droits syndicaux soient examinées le plus rapidement possible (plus de fonctionnaires ont été désignés, ils ont reçu une formation et des lieux de consultation et de réception des plaintes ont été installés au sein de l’inspection générale du travail, et une base de données a été créée); ainsi, le traitement de ce type de plaintes s’effectue dans un délai moyen de quatre mois; 2) en 2005, 36 plaintes ont été présentées, dont 25 ont été résolues, une plainte a donné lieu à des sanctions et 11 plaintes sont encore en suspens. En 2006, 15 plaintes ont été présentées jusqu’à la date du 6 juin; sept d’entre elles ont été résolues, aucune n’a donné lieu à des sanctions et huit d’entre elles sont encore en suspens; et 3) pour ce qui est de la négociation collective, les conseils des salaires ont été convoqués, englobant l’ensemble des secteurs (industrie, commerce et services), et les secteurs rural et public.

2. Article 1 de la convention. Protection contre la discrimination antisyndicale. La commission rappelle que, dans sa précédente observation, elle avait pris note du décret no 186/004, dont l’article 6 assimile les actes de discrimination antisyndicale à des infractions particulièrement graves et dont les articles 13 à 16 prévoient dans cette éventualité des sanctions assez lourdes, qui peuvent aller jusqu’à la fermeture temporaire de l’entreprise en cas de récidive. La commission avait noté également qu’il n’existe pas de procédure particulière pour les cas de répression antisyndicale et que, dans ce contexte, les plaintes sont examinées comme prévu par le décret no 500/91, lequel traite de manière générique de toutes les procédures administratives. La commission priait le gouvernement de prendre des dispositions afin que les plaintes portant sur le non-respect des droits syndicaux soient examinées dans un délai aussi court que possible. Elle note avec intérêt l’adoption de la loi no 17940 selon laquelle est considérée comme nulle toute action ou omission ayant pour objet de subordonner l’emploi d’un travailleur à sa non-adhésion à un syndicat ou à sa désaffiliation, ou encore de licencier un travailleur ou de lui porter préjudice sous quelque autre forme que ce soit au motif de son adhésion syndicale ou de sa participation à des activités syndicales. En outre, la commission prend note avec un intérêt tout particulier du fait que la loi en question prévoit également la possibilité de réintégrer au moyen d’une procédure extraordinaire le travailleur ayant subi un préjudice.

Article 4. Promotion de la négociation collective. Dans sa précédente observation, la commission a demandé au gouvernement de l’informer sur le nombre de conventions collectives ou d’autres accords conclus dans le secteur public, et d’indiquer les organismes concernés. La commission observe avec intérêt que le gouvernement indique dans son rapport que trois cadres de négociation ont été créés au niveau général: le Conseil supérieur tripartite, le Conseil supérieur rural et le Conseil supérieur du secteur public; ainsi, 20 groupes de conseils des salaires ont servi à plus de 180 cadres de négociation et, dans environ 85 pour cent de ces cadres, un accord a été conclu. De plus, un accord-cadre a été conclu dans le secteur public.

Observation (CEACR) - adoptée 2004, publiée 93ème session CIT (2005)

La commission prend note du rapport du gouvernement.

La commission rappelle avoir pris note, dans son observation antérieure, de la communication de la centrale syndicale PIT-CNT dénonçant l’absence de voies de recours rapides et efficaces contre les actes de discrimination antisyndicale et l’impossibilité de recourir à la négociation collective dans d’importants secteurs d’activités, principalement ceux des services et du commerce. La commission avait alors demandé au gouvernement: 1) d’indiquer le délai moyen qui s’écoule en cas de plainte pour discrimination antisyndicale entre le début de l’enquête et l’imposition de sanctions ou le classement de l’affaire, et de préciser combien de plaintes pour discrimination antisyndicale ont été déposées au cours des deux dernières années; et 2) d’indiquer le nombre de conventions collectives conclues, par entreprise et par branche, y compris dans le secteur public et dans l’administration publique, en précisant les secteurs et le nombre de travailleurs couverts et en joignant, dans la mesure du possible, la liste complète des conventions collectives conclues dans le pays.

Article 1 de la convention. S’agissant des questions soulevées à propos des actes de discrimination antisyndicale, la commission prend note avec intérêt du décret no 186/004, dont l’article 6 assimile les actes de discrimination antisyndicale à des infractions particulièrement graves et dont les articles 13 à 16 prévoient dans cette éventualité des sanctions assez lourdes, qui peuvent aller jusqu’à la fermeture temporaire de l’entreprise en cas de récidive. La commission note également que le gouvernement fait savoir: 1) qu’il n’existe pas de procédure particulière pour les cas de répression antisyndicale et que, dans ce contexte, les plaintes sont examinées comme prévu par le décret no 500/91, lequel traite de manière générique de toutes les procédures administratives (le gouvernement ajoute que, compte tenu de la diversité des modes de preuve pouvant être articulés, il est difficile d’évaluer le délai moyen de traitement des affaires); et 2) que dix plaintes ont été déposées auprès de l’Inspection générale du travail en 2002, neuf en 2003 et quatre au premier semestre de 2004 (il précise que les dix plaintes déposées en 2002 ont été résolues, cinq déposées en 2003 sont en cours d’examen et quatre résolues et que, sur les quatre déposées en 2004, trois sont en cours d’examen et une a été résolue). La commission constate à ce propos que les délais administratifs peuvent prendre plus de douze mois. Elle considère qu’une plainte en violation de droits syndicaux devrait être examinée rapidement pour que les mesures correctrices nécessaires puissent être réellement efficaces. En conséquence, la commission prie le gouvernement de prendre des dispositions afin que les plaintes en violation de droits syndicaux soient examinées dans un délai aussi court que possible et de l’informer dans son prochain rapport des mesures prises en ce sens.

Article 4. La commission note que le gouvernement fait savoir: 1) qu’entre le 1er janvier 2003 et le 21 juillet 2004 il a été conclu non moins de 155 conventions, couvrant diverses entreprises et branches d’activité (concernant les travailleurs de la métallurgie et ceux des transports); et 2) qu’il n’a pas d’élément concernant le nombre total de travailleurs couverts par chacun de ces instruments. La commission prie le gouvernement d’indiquer dans son prochain rapport le nombre de conventions collectives ou autres accords conclus dans le secteur public, en précisant les institutions concernées.

Observation (CEACR) - adoptée 2003, publiée 92ème session CIT (2004)

La commission prend note de la communication que la centrale syndicale PIT-CNT a présentée en mai 2003 et qui contient des commentaires que cette centrale avait précédemment soumis. La commission prend aussi note des conclusions et recommandations du Comité de la liberté syndicale dans le cas no 2087 (voir 328e rapport, paragr. 606 à 616) qui portent en particulier sur le retard de la procédure administrative dans des cas de plaintes pour discrimination antisyndicale.

La commission note que la PIT-CNT fait état de l’absence de mécanismes rapides et efficaces de lutte contre les actes de discrimination antisyndicale, et de l’impossibilité de recourir à la négociation collective dans d’importants secteurs d’activité, principalement dans ceux des services et du commerce. Par ailleurs, dans son observation précédente, la commission avait demandé des précisions sur la négociation collective dans le secteur public.

Comme elle l’a fait à sa session précédente, la commission demande au gouvernement de fournir des précisions sur le temps qui s’écoule en moyenne entre le début de l’examen d’une plainte pour discrimination antisyndicale et l’imposition de sanctions ou le classement de l’affaire. La commission demande aussi au gouvernement d’indiquer le nombre total de plaintes pour discrimination antisyndicale qui ont été déposées ces deux dernières années.

De plus, la commission demande au gouvernement d’indiquer le nombre de conventions collectives conclues, par entreprise et par branche, y compris dans le secteur public et dans l’administration publique, en précisant les secteurs et le nombre de travailleurs couverts et, dans la mesure du possible, en joignant la liste complète des conventions collectives conclues dans le pays.

Observation (CEACR) - adoptée 2001, publiée 90ème session CIT (2002)

La commission prend note du rapport du gouvernement et rappelle avoir pris note, dans sa précédente observation, des commentaires de la Centrale des travailleurs uruguayens (PIT-CNT) concernant l’application de la convention.

Articles 1 et 3 de la convention. La PIT-CNT déclare que les licenciements antisyndicaux sont monnaie courante en Uruguay et qu’il n’existe pas de recours efficaces permettant aux dirigeants syndicaux et aux travailleurs ayant été licenciés en raison de leur appartenance ou de leur activité syndicale d’obtenir leur réintégration ni pour parvenir à constituer des organisations syndicales. La PIT-CNT déclare en outre qu’il n’a pas été mis en place de mécanismes rapides et efficaces pour protéger les organisations syndicales et les travailleurs dans l’exercice d’activités syndicales licites.

De son côté, le gouvernement fait savoir que l’Uruguay s’acquitte des obligations découlant de la convention et que la réintégration n’est pas appliquée en tant que sanction dans les cas de licenciements antisyndicaux parce qu’il n’existe pas de base normative permettant de l’exiger. Il ajoute que l’interdiction du licenciement n’implique pas nécessairement que ce dernier soit nul. Le licenciement entraîne des sanctions pour l’employeur et, lorsqu’il a des motivations antisyndicales, ces sanctions sont aggravées de manière à décourager cette pratique et assurer une plus grande protection des travailleurs par rapport à une situation très délicate. Le gouvernement déclare en outre que des facteurs d’ordre pratique empêchent la réintégration, plus particulièrement dans le cas des entreprises uruguayennes, qui sont en général petites. Il avait signalé qu’une seule plainte pour agissements antisyndicaux avait été enregistrée en 1999, et qu’elle avait d’ailleurs été rejetée.

Prenant note de ces déclarations, la commission prie le gouvernement de fournir des précisions sur les délais compris entre le début de l’examen d’une plainte pour discrimination antisyndicale et l’imposition de sanctions ou le classement de l’affaire.

Article 4. La PIT-CNT déclare qu’en fait la négociation collective est impossible dans les grands secteurs d’activité en Uruguay. En lieu et place de véritables conventions collectives, il est devenu de pratique générale, chez les employeurs, d’obliger tous les travailleurs à signer un document établissant les conditions de travail.

La PIT-CNT ajoute que, depuis 1992, les conseils tripartites convoqués par le pouvoir exécutif et dont la fonction consistait à approuver les accords négociés entre employeurs et travailleurs avant qu’ils ne deviennent obligatoires pour toute la branche d’activité ne siègent plus du tout, tant et si bien que la conclusion de conventions collectives par branche d’activité est devenue impossible. A partir de là, la négociation n’est devenue possible qu’au niveau des entreprises. Enfin, toujours selon la PIT-CNT, les agents de la fonction publique, instituteurs et professeurs de l’enseignement public n’ont pas le droit de négocier collectivement.

A cet égard, le gouvernement déclare qu’il n’existe aucune autre sorte de restrictions légales à la négociation collective. S’agissant de la non-convocation des conseils tripartites, il reconnaît que depuis l’institutionnalisation de la démocratie il a mis en place un système de négociation des salaires de caractère trimestriel mais qu’il s’agit d’une étape transitoire conçue pour favoriser la négociation collective au bout d’un certain temps. Avec le rétablissement des libertés individuelles et collectives, il est devenu implicite que ladite étape a été franchie. De son point de vue, cela n’implique pas que le droit à la négociation collective soit restreint. Enfin, s’agissant de la négociation collective dans le secteur public, le gouvernement déclare que non seulement elle n’est pas interdite mais encore qu’elle a lieu.

La commission prend note de ces informations et prie le gouvernement de fournir des informations quant au nombre de conventions collectives conclues par entreprise et par branche, y compris dans le secteur public, en spécifiant les secteurs et le nombre de travailleurs ainsi couverts.

Observation (CEACR) - adoptée 2000, publiée 89ème session CIT (2001)

La commission prend note du rapport du gouvernement.

La commission note que l’Assemblée intersyndicale des travailleurs
- Congrès national des travailleurs (PIT-CNT) a fait parvenir des commentaires sur l’application de la convention, conjointement au rapport du gouvernement et séparément. Elle prie le gouvernement de faire tenir ses commentaires à cet égard.

Observation (CEACR) - adoptée 1994, publiée 81ème session CIT (1994)

La commission prend note avec intérêt des informations communiquées par le gouvernement dans son rapport, selon lesquelles l'Administration nationale de l'enseignement public (ANEP) et le pouvoir exécutif ont pris des mesures relatives à l'augmentation des salaires et autres prestations des universitaires et autres fonctionnaires.

Observation (CEACR) - adoptée 1991, publiée 78ème session CIT (1991)

La commission a pris note du rapport du gouvernement et regrette de constater que celui-ci ne répond pas à la communication du 15 août 1989 adressée par l'Association des enseignants de l'éducation secondaire (ADES) faisant état des conditions salariales difficiles du personnel de l'instruction publique dont la rémunération, selon cette organisation, est fixée par l'Etat en l'absence de cadre légal pour la négociation collective.

Depuis plusieurs années, la commission insiste pour que soient adoptées des mesures pour encourager et promouvoir entre employeurs et organisations de fonctionnaires qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat des procédures de négociation volontaire de conventions collectives en vue de régler par ce moyen les conditions d'emploi de ce personnel, cela afin d'appliquer pleinement les articles 4 et 6 de la convention. La commission prend note avec intérêt que, selon les indications contenues dans le rapport du gouvernement, des représentants du gouvernement et de la Plénière intersyndicale des travailleurs (PIT-CNT) ont maintenu des conversations afin de trouver des mécanismes permettant aux fonctionnaires publics qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat de négocier collectivement leurs conditions de travail. La commission prend note que, selon le rapport du gouvernement, des progrès ont été enregistrés à cet égard et qu'une convention collective pour le secteur bancaire, qui comprend la banque officielle dont les employés sont des fonctionnaires d'organismes commerciaux de l'Etat, a été élaborée.

La commission exprime l'espoir que l'on continuera à faire des progrès et que, dans un proche avenir, les organisations de fonctionnaires des établissements autonomes et des services décentralisés (entreprises publiques), y compris ceux de l'enseignement et, de manière générale, les organisations de fonctionnaires qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat pourront compter sur une législation qui consacre leur droit de négociation collective.

Observation (CEACR) - adoptée 1990, publiée 77ème session CIT (1990)

La commission a pris note de la communication adressée par l'Association des enseignants de l'éducation secondaire (ADES) le 15 août 1989 faisant état des conditions salariales difficiles des enseignants dont la rémunération est fixée par l'Etat en l'absence de cadre légal pour la négociation collective, contrairement à la convention no 98.

Etant donné que le gouvernement n'a pas encore répondu aux commentaires de l'ADES, la commission considère qu'il serait plus approprié de traiter la question après avoir pris connaissance des observations du gouvernement à ce sujet à sa session de l'an prochain.

La commission rappelle par ailleurs que, depuis plusieurs années, ses commentaires portent sur le déni du droit de négociation collective des fonctionnaires publics autres que ceux commis à l'administration de l'Etat (articles 4 et 6 de la convention).

La commission souligne à nouveau que les fonctionnaires publics lorsqu'ils ne sont pas commis à l'administration de l'Etat devraient avoir le droit de négocier collectivement leurs conditions d'emploi, y compris salariales; or il s'avère qu'aux termes de la Constitution, du décret-loi no 10388 de 1943 portant statut de la fonction publique et des statuts particuliers pris en application de l'article 40 du décret-loi no 10388, le statut de fonctionnaire s'applique non seulement aux fonctionnaires au sens strict du terme mais également aux employés des établissements autonomes et des services décentralisés, y compris les enseignants, les employés des établissements commerciaux et industriels et les employés de banques, et que ces travailleurs se voient privés du droit de négocier collectivement.

Dans son observation précédente, la commission avait noté qu'un projet de loi réglementant l'article 65 de la Constitution avait été élaboré portant création de commissions représentatives dans les établissements autonomes mais qu'il ne traitait pas de la négociation collective.

La commission veut croire que le gouvernement prendra les mesures nécessaires afin de reconnaître aux fonctionnaires publics qui ne sont pas commis à l'administration de l'Etat le droit de négocier collectivement leurs conditions d'emploi, conformément à l'article 4 de la convention et le prie de fournir des informations dans son prochain rapport sur tous développements à cet égard afin d'assurer le respect de la convention.

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