National Legislation on Labour and Social Rights
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Employment protection legislation database
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Une représentante gouvernementale a déclaré que le gouvernement de son pays s’est montré constamment ouvert au dialogue en vue de trouver une solution aux justes revendications des peuples indigènes, à travers des instances telles que le Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, dans lequel siègent des représentants de l’exécutif, des gouvernements régionaux et les organisations indigènes de l’Amazone. Le Groupe national de coordination a, entre autres missions, celle d’étudier et analyser les événements qui se sont produits dans la zone de Bagua, de revoir et mettre à jour la législation concernant le volet forestier et la faune sylvestre, de concevoir un mécanisme de consultation préalable au titre de l’application de la convention et d’élaborer le Plan national de développement des peuples amazoniens. Le gouvernement a confirmé sa volonté non équivoque de diligenter toutes enquêtes de nature à permettre d’établir les responsabilités politiques et pénales, suite aux événements de Bagua, au cours desquels il y a eu 23 policiers et 10 civils tués, outre la disparition d’un autre policier. Plusieurs procédures d’enquête ont été ouvertes dans le cadre du groupe national susmentionné, du pouvoir exécutif, du Congrès de la République et du ministère public, avec toutes les garanties d’administration régulière de la justice inséparables d’un Etat de droit. De même, le Congrès de la République a créé une commission multipartite pour enquêter sur les incidents de Bagua. Le ministère public et le pouvoir judiciaire ont engagé des actions en justice contre de hauts fonctionnaires de la police nationale et contre des indigènes, sur le chef de plusieurs délits. L’Etat fournit un appui juridictionnel à toutes les personnes qui sont traduites en justice en lien avec les événements de Bagua, de manière à garantir l’intégrité de leurs droits de citoyen. L’Etat garantit que les enquêtes et les poursuites qui concernent des autorités politiques, policières et indigènes soient menées de manière objective et impartiale, suivant les règles d’une bonne administration de la justice, afin que ces regrettables événements ne restent pas impunis.
Le gouvernement a pris un certain nombre d’initiatives en vue d’harmoniser la définition des peuples indigènes par référence à la convention. A cette fin, le 19 mai 2010, le Congrès de la République a approuvé le projet de loi sur «le droit des peuples indigènes et tribaux à la consultation préalable, reconnu par la convention no 169 de l’Organisation internationale du Travail». La loi, désormais approuvée, a été transmise à la présidence de la République pour promulgation. Cette loi tient compte de la proposition normative du Défenseur du peuple ainsi que des accords obtenus par la voie de la consultation avec les représentants des peuples indigènes. La loi approuvée par le Congrès inclut une définition des peuples indigènes qui est conforme à celle de la convention et qui réunit les éléments suivants: les caractéristiques propres des peuples indigènes eu égard à leurs institutions sociales, à leurs schémas culturels et aux coutumes qui les distinguent des autres composantes de la collectivité nationale; l’identification de la descendance directe des peuples originels du territoire national; et la conscience que le groupe a de son identité indigène ou originelle.
La loi prévoit que l’Institut national de développement des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) constitue l’organe technique compétent du pouvoir exécutif en matière indigène. Il s’agit d’une entité de caractère multisectoriel et transversal, et son directeur sera un chef indigène désigné en consultation avec les peuples indigènes.
S’agissant de la conception du mécanisme de dialogue et de consultation, la loi précise qu’il convient de tenir des consultations préalables quant à tout plan, programme ou projet de développement national et régional qui a une incidence sur les droits des peuples indigènes. La loi dispose également que la finalité de la consultation est de trouver un accord entre l’Etat et les peuples indigènes ou bien le consentement de ces peuples à l’égard des mesures législatives ou administratives qui les affectent, à travers un dialogue interculturel qui garantira leur participation dans les procédures de prise de décision de l’Etat et l’adoption de mesures respectueuses de leurs droits collectifs. La loi a été accueillie par des appréciations positives de la part des organisations les plus représentatives des peuples amazoniens du Pérou. En outre, divers secteurs disposent de mécanismes de dialogue et de participation spécifiques, comme c’est le cas du secteur de l’environnement, du secteur minier et du secteur des hydrocarbures. La participation citoyenne dans ces activités s’effectue à travers des mécanismes de consultation pendant l’élaboration et l’évaluation des études environnementales et postérieurement à l’approbation des études environnementales, sous la forme de programmes de surveillance et/ou de vigilance citoyenne.
Le Pérou a remporté d’importants succès sur le plan du développement social et de la lutte contre la pauvreté. Ces succès ont été rendus possibles par des politiques sociales déployées par le gouvernement afin de promouvoir l’emploi productif et le travail décent, dans le droit-fil du Pacte mondial pour l’emploi et de la Déclaration de 2008 sur la justice sociale pour une mondialisation équitable. De ce fait, il s’avère extrêmement difficile d’accepter que la commission d’experts ait recommandé la suspension des activités d’exploration et d’exploitation des ressources naturelles affectant des peuples couverts par la convention, excédant, ce faisant, ses pouvoirs. Les activités extractives ont joué un rôle fondamental dans le progrès réalisé par la société dans le contexte de la crise internationale. Leur apport a été particulièrement important pour le développement des économies locales et pour l’amélioration des conditions de vie des habitants des districts dans lesquels ces industries sont implantées. Suspendre les activités d’exploration et d’exploitation affecterait plus de 120 000 postes de travail, ainsi que les revenus perçus par les gouvernements régionaux et locaux au titre de leur participation aux bénéfices des activités extractives.
Le groupe national de coordination a constitué un bureau, qui a élaboré et approuvé par consensus la proposition de plan national de développement des peuples amazoniens, plan qui prévoit des actions positives pour le développement de ces peuples dans des domaines d’importance vitale pour leur développement, comme: les droits de propriété, l’éducation interculturelle bilingue, l’extension de la couverture de santé publique; la participation des peuples indigènes à la gestion des zones naturelles protégées et la participation aux bénéfices de cette gestion, et l’exploitation des ressources naturelles, le milieu ambiant, le respect de la culture et des connaissances collectives des peuples indigènes, entre autres. Ce plan est en cours de mise en oeuvre.
Conformément à l’article 89 de la Constitution politique du Pérou, le droit de propriété des peuples indigènes est imprescriptible. Les communautés peuvent faire valoir leurs droits de propriété ou de possession devant n’importe quelle instance administrative ou judiciaire s’il y est porté atteinte. Dans ce contexte, il existe toute une série de règles conçues pour déterminer les terres occupées traditionnellement par les communautés natives et les communautés paysannes et pour promouvoir l’officialisation des propriétés des peuples indigènes, avec la participation de ceux-ci, afin qu’ils puissent faire valoir leurs droits de propriété ou de possession devant n’importe quelle instance administrative ou judiciaire, dans le cas où il y serait porté atteinte.
En ce qui concerne l’adoption des mesures éducatives visant à éliminer les préjugés de l’Etat à l’égard des peuples indigènes, des mesures ont été prises afin de garantir que les supports éducatifs soient diffusés à des fins d’éducation, de collecte d’informations suivant des critères d’équité et d’intégration en ce qui concerne les sociétés et cultures propres à ces peuples. Le ministère de l’Education a édité des matériaux éducatifs pour l’éducation initiale et primaire dans non moins de 10 langues indigènes et en espagnol à titre de deuxième langue.
Le gouvernement et la société péruvienne ont déployé des efforts considérables en faveur de la participation des peuples indigènes et de leurs institutions représentatives, en utilisant les mécanismes de participation, la consultation et le dialogue systématique et effectif, et en affirmant son identité propre en tant que nation multiethnique et pluriculturelle.
Les membres employeurs ont déclaré que ce cas est un de ceux qui illustrent ce que devrait être le fonctionnement idéal des mécanismes de contrôle de l’OIT, et qu’il démontre aussi combien la diversité des cas soumis à la commission est importante. Dans les informations qu’il a fournies, le gouvernement a répondu directement à la quasi-totalité des points soulevés par le rapport de la commission d’experts et par les conclusions de la commission de l’année dernière. S’agissant de la loi sur le droit des peuples indigènes et tribaux à une consultation préalable reconnu par la convention no 169 de l’OIT, il convient de noter que: 1) la définition que cette loi donne des peuples indigènes et tribaux est conforme à celle contenue dans la convention; 2) la loi définit le droit des peuples indigènes et tribaux à une consultation préalable sur toute mesure législative ou administrative les affectant; 3) les consultations envisagées par la loi doivent avoir pour objectif de dégager un consensus sur les mesures proposées et, si un accord est introuvable, le gouvernement est tenu de prendre une décision en tenant compte des droits des peuples indigènes; 4) la loi doit être interprétée conformément aux dispositions de la convention no 169; 5) les organisations représentatives des peuples indigènes et tribaux ont été consultées avant l’adoption de la loi de consultation préalable; et 6) pour l’élaboration de la loi, il a été tenu compte de plusieurs documents, dont: les propositions présentées par le Défenseur du Peuple et les groupes parlementaires (Bloque Popular, Nacionalista et Unión por el Perú), les résultats du groupe de travail no 3 du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, dans lequel ont siégé des représentants de l’exécutif et d’organisations indigènes de l’Amazone, et le rapport sur la consultation préalable préparé par la commission spéciale constituée en vue d’étudier et de recommander des solutions sur les questions relatives aux peuples indigènes. Bien que ce soit à la commission d’experts qu’il revient d’évaluer la conformité des dispositions de la loi sur la consultation préalable avec la convention, il est néanmoins important de reconnaître la valeur des mesures prises par le gouvernement et de l’en féliciter. Le gouvernement a largement donné la preuve de sa volonté de donner suite aux conclusions des organes de contrôle de l’OIT.
Les membres employeurs ont noté que plusieurs acteurs et organisations ont remis un avis favorable sur la loi. Plusieurs organisations, dont l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Confédération nationale agraire (CNA), la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI) et la Confédération des nationalités amazoniennes du Pérou (CONAP), voient en elle une réalisation importante. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones s’est félicité de l’adoption de cette loi, considérant qu’elle pourrait constituer un précédent majeur en tant que pratique optimale pour d’autres pays de la région et du monde. S’agissant de la requête de la commission d’experts demandant que l’exploration et l’exploitation de ressources naturelles soient suspendues jusqu’à ce que les populations affectées visées par la convention aient été consultées, ils réaffirment que la convention ne prévoit ni n’envisage un tel pouvoir d’injonction. Faisant valoir que des injonctions de cette nature peuvent avoir des conséquences graves pour l’activité économique d’une nation, en particulier pour sa capacité à attirer les investissements étrangers directs, les membres employeurs ont insisté sur la nécessité de réexaminer cette demande de la commission d’experts. La commission d’experts doit comprendre que ce qui est remis en cause, c’est l’activité économique qui génère des taxes et des revenus en vue de supporter des communautés locales. La conclusion des experts selon laquelle l’activité économique doit être arrêtée n’est pas justifiée par l’histoire législative et met en danger l’investissement direct étranger.
Les membres employeurs ont rappelé que l’article 6 de la convention constitue la disposition principale relative au droit à la consultation, et que la définition de ce terme a été largement débattue au cours des discussions ayant précédé l’adoption de la convention. Il ressort clairement du compte rendu de ces discussions que la consultation ne requiert pas ou n’équivaut pas au consentement des parties consultées. Le compte rendu de la seconde séance de discussions ayant précédé l’adoption de la convention indique que le groupe des employeurs avait la conviction que le terme «consultations» signifiait «dialogue, à tout le moins», et le Bureau avait lui-même déclaré qu’il ne considérait pas que les consultations évoquées requièrent l’accord ou le consentement de ceux qui sont consultés. Or, dans son observation, la commission d’experts semble avoir interprété ce terme dans un sens qui impose une exigence plus rigoureuse au gouvernement et qui va au-delà de celle envisagée par la convention; les conséquences potentielles de cette interprétation seront discutées et examinées bientôt par plusieurs membres employeurs.
Les membres travailleurs ont indiqué que la discussion de ce cas s’inscrit dans le cadre du suivi des débats qui ont déjà eu lieu en 2009 et des graves incidents qui se sont produits à Bagua et fait 33 morts. Ces évènements sont liés à 1’adoption par le gouvernement de décrets affectant les droits des peuples indigènes et tribaux sur les terres et les ressources naturelles et qui ne sont pas en conformité avec les dispositions de la convention no 169 qui prévoient la consultation des peuples intéressés, par des procédures appropriées, notamment à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que des mesures législatives ou administratives sont susceptibles de les affecter directement. Suite à sa visite dans le pays, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de 1’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a également attesté de la gravité de la situation. Suite aux incidents de 2009, une commission d’investigation sur les violences survenues à Bagua a été établie. Néanmoins, la plus grande confusion règne encore sur le fonctionnement de cette commission et surtout sur son impartialité. Bien qu’un rapport ait été publié, il ne fait pas la lumière sur les responsabilités directes et n’a pas été signé par les représentants des peuples indigènes.
Dans ce contexte, les peuples indigènes ont demandé qu’une loi obligeant l’Etat à les consulter soit adoptée. Le 19 mai 2010, le parlement a approuvé un projet de loi de consultation préalable qui, semble-t-il, contient une liste exhaustive de principes à suivre pour réussir une consultation au sens de la convention et pourrait ainsi servir de premier pas dans l’amélioration des relations. Ni la commission d’experts ni la présente commission n’ont cependant jusque-là examiné la loi en question, même si le gouvernement s’était engagé à fournir des informations sur la mise en conformité de la législation nationale avec la convention. La Commission de la Conférence ne peut donc pas se prononcer sur le point de savoir si la loi de mai 2010 respecte ou non la convention, tant en ce qui concerne son champ d’application qu’au niveau des actions de protection, des procédures de consultation ou en ce qui concerne la notion de «terres» visée aux articles 13 et suivants de la convention. La loi doit être en conformité avec la définition des peuples indigènes mais également avec le fait que ces peuples sont en «possession de terres» avec lesquelles ils entretiennent un lien spécial. Le gouvernement s’était également engagé à préparer ou adopter, en consultation avec les organisations indigènes, un plan d’action, comme en témoignent les conclusions de la commission de 2009 évoquant la mise en place d’une table ronde pour le dialogue permanent entre le gouvernement et les peuples indigènes d’Amazonie et d’une commission multisectorielle constitutive d’un autre espace de dialogue. Toutefois, un an plus tard, aucun plan n’a été adopté et 1’instance de dialogue ad hoc n’a pas produit d’effet tangible.
L’INDEPA pose également problème en raison de son manque de connaissance des problèmes et de la non-représentation des peuples indigènes en son sein. En juillet 2009, l’INDEPA, qui a pourtant un rôle essentiel dans l’application de la loi et la promotion des peuples indigènes, a commis des actes d’ingérence politique dans le fonctionnement de 1’organisation amazonienne AIDESEP et visant à en contrecarrer les actions. Ces accusations de partialité sont dommageables à cette institution et ne pourront que nuire à l’application de la loi, une fois celle-ci votée. Il semble également que l’AIDESEP n’ait pas été consulté sur un projet de déplacement des peuples d’Amazone alors que ce projet met en danger l’intégrité sociale, politique et économique des communautés et des peuples de l’Amazonie. Or les questions de déplacement sont couvertes par l’article 16 de la convention. Derrière ces consultations défaillantes se cachent des enjeux économiques majeurs. Le ministre de l’Energie et des Mines continue à attribuer des autorisations d’exploitation d’hydrocarbures sans aucune consultation et en dépit de la loi de consultation préalable. Au cours des dernières semaines, 25 nouvelles zones d’exploitation pétrolière et gazière, ont été octroyées, majoritairement en Amazonie.
Pour conclure, les membres travailleurs ont indiqué que, même si la loi sur le droit de consultation représente une avancée, il convient de rester prudent et la commission ne doit pas relâcher la pression exercée sur le gouvernement. En effet, cette loi doit encore être approuvée par le Président. En outre, elle ne tient pas compte des recommandations de la commission d’experts relatives à la suspension des concessions dans les territoires indigènes, ne traite pas de la question de l’abrogation de la législation antérieure ni de la réparation des conséquences des actes antérieurs contraires à la convention. Il serait donc important que la loi soit revue par le BIT avant sa signature par le Président. Des doutes subsistent quant à la volonté politique réelle du gouvernement de respecter les procédures de consultations préalables, plusieurs accords obtenus entre le pouvoir exécutif et les organisations indigènes d’Amazonie dans le cadre du dialogue n’ayant en effet pas été soutenus par le pouvoir exécutif devant le Congrès. Un cadre de collaboration efficace avec 1’INDEPA serait essentiel pour l’application dans la pratique des obligations de la convention. Pour cela, 1a composition de l’INDEPA devrait être revue afin de représenter effectivement les intérêts des peuples visés par cet instrument. Le gouvernement pourrait, à ce titre, bénéficier de l’assistance technique du Bureau.
Une membre travailleuse du Pérou a fait observer que les événements tragiques survenus à Bagua sont dus au non-respect de la convention, ce dont témoignent les huit points soulevés par la commission d’experts. Aucune enquête véritable et impartiale n’a été réalisée sur ce qui s’est passé à Bagua. L’organisme chargé d’enquêter n’a pas pu rédiger un rapport objectif, les représentants du gouvernement refusant d’admettre une quelconque responsabilité des pouvoirs législatif et exécutif. Le gouvernement n’a conçu aucun plan d’action en consultation avec les organisations représentatives des peuples indigènes. Les discussions mentionnées par le gouvernement dans le cadre de tables rondes ne constituent pas une réponse adaptée. Il s’agit d’un dialogue incomplet qui inclut les peuples amazoniens mais pas les peuples andins.
S’agissant de l’INDEPA, les mesures nécessaires n’ont toujours pas été prises pour réformer cette institution de façon à lui permettre d’élaborer des politiques et des plans d’action à long terme avec la participation des peuples indigènes; n’y participent pas de véritables représentants des peuples indigènes; ses organes demeurent très bureaucratisés et ne comptent aucun mécanisme de consultation; ses fonctionnaires manquent de connaissances sur les peuples indigènes. L’INDEPA a soutenu l’établissement d’un conseil de direction parallèle au sein de l’AIDESEP qui a eu pour but d’affaiblir celle-ci. L’absence d’impartialité de cet organisme aura de graves conséquences sur l’application de la loi.
La loi adoptée par le Congrès le 19 mai 2010 est une mesure positive obtenue grâce à la pression interne et internationale, mais elle n’a pas encore été adoptée officiellement. Il est regrettable que, durant toutes ces années, aucun des mécanismes de consultation préliminaire prévus par la convention n’ait été adopté. On peut fortement douter de la volonté réelle du gouvernement d’appliquer les dispositions de la convention en matière de consultation. Il est fait état également de situations de conflits nombreux et graves imputables à une intensification radicale de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des communautés andines et indigènes, sans consultations de ces dernières. Ainsi, 72 pour cent du territoire de l’Amazonie a fait l’objet de concessions pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures et les mécanismes de participation en vigueur ne constituent pas une véritable consultation. Il faut progresser dans la mise en oeuvre de la récente loi sur le droit à la consultation préliminaire et dans l’application de chacune des étapes de la consultation. En outre, aucune mesure législative visant à garantir la participation des indigènes aux droits d’exploitation des mines, du pétrole et du gaz, ou pour l’indemnisation des dommages causés par ces activités n’a été adoptée. La question de l’absence de titre officiel de propriété des terres en question n’a, elle non plus, pas été réglée. Le gouvernement n’a pas non plus adopté de mesures dans l’éducation afin d’éliminer les préjudices des peuples indigènes, et le manque de professeurs indigènes est préoccupant.
Un autre membre travailleur du Pérou a souligné l’importance de la liberté d’expression et les garanties offertes par un Etat de droit. Il a confirmé que le gouvernement maintient le dialogue avec les apus (chefs de tribus), les organisations non gouvernementales et les paysans. Il est essentiel que le pouvoir judiciaire fasse son travail et enquête sur la mort des indigènes et des policiers ainsi que sur les disparitions et que le pouvoir législatif approuve officiellement la loi sur la consultation préalable. Il conviendrait également de renforcer les actions visant à faire connaître aux communautés paysannes et indigènes leurs droits et obligations de manière à ce qu’elles puissent décider de leur avenir de manière souveraine et démocratique.
Le membre employeur du Pérou a fourni des informations détaillées sur la législation relative au droit de consultation préalable. Bien que ce soit l’Etat qui accorde la concession d’exploitation des ressources naturelles, le titre de concession ne veut pas dire que l’entreprise ou le titulaire est propriétaire des terres, pas plus qu’il ne lui accorde le droit de démarrer l’exploitation. Pour entreprendre toute exploration ou toute exploitation d’un site, le titulaire de la concession doit obtenir l’accord du propriétaire de la terre. Lorsque la concession se trouve dans le secteur d’une communauté, la Constitution prévoit que les communautés paysannes et locales sont autonomes dans l’utilisation de leurs terres, dont elles peuvent disposer librement, dans le cadre prévu par la loi. Il existe diverses lois nationales, qui visent à sauvegarder des droits et coutumes des peuples indigènes ainsi qu’une législation en vigueur en vue de la protection de l’environnement. L’orateur a décrit le système intégré d’évaluation de l’impact sur l’environnement, qui fait appel à des critères et des procédures harmonisés et transparents afin de garantir que ce système fonctionne dans le cadre de processus participatifs appropriés. De plus, grâce à la nouvelle loi sur la consultation préalable des peuples indigènes, il ne fait aucun doute que le pays dispose de normes de haut rang, qui répondent à l’objectif de consultation des peuples indigènes, conformément à la convention. En ce qui concerne le secteur minier et énergétique, les normes en vigueur prévoient qu’avant d’entreprendre ou de réaliser de telles activités il convient de vérifier que les intérêts des peuples indigènes qui habitent dans la zone directement concernée par le projet ne risquent pas d’en être affectés. Il s’agit d’analyser et de prendre en considération les préoccupations exprimées quant aux conséquences éventuelles du projet en termes sociaux, économiques, environnementaux et culturels. D’après l’orateur, les observations formulées par la commission d’experts ne sont pas appropriées et la réglementation nationale répond pleinement aux objectifs fixés par la convention.
Pour conclure, l’orateur a indiqué que les communautés indigènes profitent des avantages économiques tirés de l’exploitation des ressources naturelles par le biais d’une redevance, qui correspond à la participation dont bénéficient les gouvernements locaux et les gouvernements régionaux sur les revenus et rentes touchés par l’Etat pour l’exploitation économique de ces ressources – revenus et rentes qui sont indépendants des compensations et des indemnisations correspondantes que les entreprises offrent aux propriétaires en contrepartie de l’utilisation de leurs terres.
Le membre gouvernemental de la République bolivarienne du Venezuela, intervenant au nom des membres gouvernementaux des Etats membres de la commission, du groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a souligné les progrès réalisés pour assurer l’application de la convention, comme en témoignent l’élaboration d’un plan de développement pour les peuples de l’Amazonie, auquel ont participé les intéressés, ainsi que l’approbation par le Congrès de la loi sur la consultation préalable qui prévoit l’obligation de réaliser des consultations préalables en vue d’obtenir l’accord ou le consentement des peuples indigènes au sujet des plans, programmes et projets de développement national et régional qui affectent leurs droits. L’orateur a exprimé l’espoir que les conclusions qui seront adoptées restent dans le cadre de la discussion et ne négligent pas les nouvelles données, chiffres et arguments exposés par le gouvernement. Pour conclure, l’orateur a réitéré le ferme espoir que la commission d’experts se limite au mandat que le Conseil d’administration lui a confié.
Le membre travailleur du Paraguay a exprimé sa solidarité et son soutien absolu aux peuples indigènes et paysans du Pérou et a fait part de sa profonde préoccupation au sujet des problèmes d’application de la convention. La Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) et les Fédérations des paysans et des indigènes ont dénoncé à plusieurs reprises l’augmentation du nombre de conflits dans les régions où vivent les paysans et les indigènes – conflits étroitement liés à l’accès et au contrôle des ressources naturelles. Le gouvernement impose systématiquement des projets dans les territoires amazoniens et andins, qui ne prévoient aucune garantie en matière de protection de l’environnement. Soixante-douze pour cent de la région amazonienne est dédiée à l’exploitation d’hydrocarbures, de là l’importance stratégique et politique d’un mécanisme de participation active des paysans et des peuples indigènes au sujet de ces activités. Il est regrettable que la loi actuelle ne prévoie que des actions à caractère administratif et informatif, ce qui ne correspond pas à l’obligation de consultation prévue dans la convention. Face au risque de recrudescence des conflits sociaux liés à l’exploitation des ressources naturelles et au manque de consultations préalables, l’orateur a demandé que le droit à la consultation soit rapidement mise en oeuvre.
Le membre employeur du Mexique a soutenu que la commission d’experts avait dépassé son mandat. Il a souligné que, en tant que porte-parole des membres employeurs lors des discussions en vue de l’adoption de la convention no 169, il connaît la lettre et l’esprit de ses dispositions. Ainsi, il n’est pas correct d’affirmer que les consultations doivent aboutir à des accords, de même la demande d’arrêt ou de suspension des activités économiques résulte d’une interprétation erronée de la convention. L’article 6 de la convention ne revêt pas et n’a jamais revêtu un caractère contraignant. La commission d’experts ne devrait pas pouvoir changer le sens des dispositions des conventions. L’orateur a conclu en considérant que le gouvernement procédait à l’adoption de mesures législatives appropriées pour donner effet à la convention.
Le membre travailleur de la République bolivarienne du Venezuela a insisté sur l’importance des droits ancestraux des peuples indigènes en tant que peuples originaires. Il y a lieu de rappeler que 70 pour cent des habitants du Pérou, ou leurs ancêtres, ont des origines indigènes. Il serait souhaitable que le gouvernement comprenne ce que signifie le droit des peuples indigènes à préserver leur culture et leurs traditions. Le gouvernement doit être instamment prié d’approuver la loi sur la consultation préalable, de mettre fin à la surexploitation irraisonnée des ressources naturelles, de mettre un terme à la persécution des dirigeants andins et syndicaux et de garantir le droit des peuples indigènes à être obligatoirement consultés sur les décisions qui les concernent.
Le membre employeur de la Colombie a déclaré que seules cinq dispositions de la convention se réfèrent à des questions de travail et que les autres sujets abordés dans cet instrument ne relèvent pas de la compétence de l’OIT. Il existe de nombreux instruments régionaux et internationaux et des organismes spécialisés qui ont pour objectif de protéger les peuples indigènes, et l’OIT devrait s’en tenir aux questions concernant le monde du travail. En outre, il est inquiétant de voir la commission d’experts affirmer qu’il y a lieu de prendre des mesures conservatoires à travers la suspension des activités alors que cela n’est pas prévu par la convention. Il a également souligné que l’on ne saurait déduire de la convention une quelconque obligation de parvenir à des accords au travers des processus de consultation.
Le membre travailleur de la France a réagi à certaines déclarations des membres employeurs en rappelant que la convention no 169 n’est pas la seule convention dans laquelle l’OIT a abordé des problèmes de civilisation, et cela en étroite liaison avec les Nations Unies. Cette convention a été adoptée par la Conférence, il s’agit donc d’un traité international qui, une fois ratifié par un Etat Membre, doit être mis en oeuvre dans sa totalité. S’agissant de la mise en cause du mandat et de l’objectivité de la commission d’experts, il convient de rappeler que l’interprétation du texte d’une convention est indispensable pour savoir comment atteindre efficacement le but que s’est assigné la convention. Il faut donc réaffirmer que la commission d’experts n’est pas hors sujet. L’orateur a souligné que, si le mot «consultation» a été retenu dans le texte de la convention, cela signifie que des consultations doivent avoir lieu et de bonne foi, c’est-à-dire en tenant compte des avis exprimés. Or, en l’espèce, la commission d’experts considère que le gouvernement n’a pas répondu à l’objectif de la convention. Pour conclure, il y a lieu d’espérer que la loi sur la consultation préalable mentionnée par le gouvernement permettra de résoudre le problème. Toutefois, le fait que les trois quarts du pays soient déjà concédés à l’exploitation est préoccupant. Ces territoires ont une valeur qui va bien au-delà de leur valeur marchande. Au cours de cette discussion, deux philosophies s’affrontent: une philosophie capitaliste et l’autre qui veut le développement durable.
Le membre employeur de l’Equateur s’est déclaré préoccupé par l’interprétation qui a été donnée de l’article 6 de la convention. La convention ne confère pas aux groupes indigènes ou tribaux le pouvoir de créer des organes législatifs parallèles qui auraient la faculté de créer des normes, ou qui auraient un pouvoir de veto contre les actes légitimes du pouvoir national central lorsque celui-ci agit dans le cadre de ses compétences. Lors des discussions préparatoires à l’adoption de la convention, le groupe des travailleurs avait proposé un amendement tendant à remplacer les mots «consulter les» par les mots «obtenir le consentement des», amendement qui n’avait pas été accepté, considérant que par principe les résultats de consultations n’ont pas un caractère contraignant. L’esprit de la convention est de recueillir l’avis des populations indigènes lorsqu’un acte du gouvernement, ou toute autre initiative qui émane des pouvoirs publics, risque de porter atteinte aux traditions et à la culture de ces peuples. Mais on ne saurait en inférer en aucune façon que cela permet à ces peuples d’empêcher ou de s’opposer de manière définitive, sans tenir compte de la volonté de l’ensemble de la société, à un modèle déterminé de développement ou de projets qui dépassent les intérêts propres à ces communautés. Ces consultations doivent également servir à déterminer si les groupes décident de participer aux projets qui se déploient à proximité de leur zone d’influence ou bien si ces groupes décident de s’en tenir à l’écart et, dans le cas où ils décident de participer, sous quelle forme ils le feront. Cependant, on ne saurait déduire de ce qui précède que l’on a conféré à ces peuples la possibilité d’émettre un avis qui l’emporterait sur celui des pouvoirs nationaux habilités à décider. En dernier lieu, il a déploré que la commission d’experts ait excédé son mandat en demandant le gel du projet d’exploitation de ressources naturelles.
Le membre employeur de l’Espagne a relevé les progrès accomplis par le gouvernement, au nombre desquels la loi sur la consultation préalable. S’agissant du débat sur la notion de consultation, il a souligné l’importance qui s’attache au respect des droits des peuples indigènes et tribaux à la terre, au respect de l’environnement, à la recherche d’un développement durable et équilibré et enfin à la responsabilité sociale des entreprises, mais a indiqué que, de la notion de consultation, on ne saurait conduire à celle de veto. De ce fait, il est erroné de considérer que les consultations prévues par la convention no 169 revêtent un caractère contraignant.
La représentante gouvernementale s’est félicitée des opinions et des commentaires qui ont été formulés sur les progrès réalisés. Le rôle de l’INDEPA a été modifié car, à la demande des dirigeants des peuples indigènes, celui-ci a été confié en février 2010 à la présidence du Conseil des ministres. C’est désormais un organisme technique spécialisé qui remplit ses fonctions dans plusieurs secteurs et de manière transversale, à tous les niveaux du gouvernement. Un apu sera désigné pour le diriger et des consultations sont en cours auprès des peuples indigènes en vue de cette désignation. En outre, le Groupe national de coordination a mis au point le Plan national de développement de l’Amazonie, composé de ministres, gouvernements régionaux et de deux organisations représentatives des peuples amazoniens, à savoir l’AIDESEP et le CONAP. L’oratrice a ensuite décrit les mesures actuellement prises pour lutter contre la discrimination et le racisme, ainsi que des nouvelles ressources destinées à l’éducation dans les zones rurales.
Il existe un souci constant d’assurer que les populations et communautés qui vivent sur les terres où sont exploitées les ressources naturelles dérivent un certain bénéfice des activités d’extraction de ces ressources. Ainsi, six types de redevances ont été instaurés en fonction des différentes activités d’extraction. Au cours de l’année 2009, 1,2 milliard de dollars ont été distribués sous forme de redevances. L’oratrice a conclu en réaffirmant la volonté du gouvernement de poursuivre ses efforts pour offrir un autre futur aux membres des communautés indigènes du Pérou.
Les membres employeurs ont remercié le gouvernement pour les informations qu’il a fournies au cours de la séance, tout en notant que la commission d’experts devra évaluer les actions mentionnées par le gouvernement au sujet de la loi sur la consultation préalable et signaler dans son prochain rapport tout manquement ou lacune éventuel. Alors qu’il faut en général des années, voire des décennies, aux gouvernements pour répondre aux observations, le gouvernement du Pérou a pris des mesures rapides en moins d’une année et doit en être félicité. Aucune personne ni aucune institution n’est infaillible et, sur la base des témoignages et des preuves présentées, il serait prudent pour la commission d’experts de reconsidérer ses conclusions au sujet de certaines des dispositions de la convention auxquelles les membres employeurs se sont référés.
Les membres travailleurs ont considéré que les membres employeurs venaient de faire le procès de la convention no 169, et leur cours de droit sur l’interprétation des traités peut laisser croire qu’ils n’avaient rien à dire sur le fond. Pourtant, ce cas est très grave et a valeur d’exemple dans toute la région. La loi sur la consultation préalable récemment adopté pourrait constituer un premier pas en vue de l’amélioration de relations qui sont aujourd’hui caractérisées par la violence. Des questions semblent néanmoins subsister en ce qui concerne: les circonstances ayant entouré les graves incidents de Bagua; la pleine conformité de la loi avec la convention; la composition et le fonctionnement impartial de l’INDEPA; l’abrogation des lois antérieures; le droit à réparation accordée aux victimes de préjudices résultant de l’application de la précédente législation. Le gouvernement vient de faire un premier pas encourageant et, pour prouver sa bonne volonté, il devrait accepter une mission d’assistance technique du Bureau dans les plus brefs délais afin que la commission d’experts dispose d’informations qui permettent de répondre aux questions susmentionnées.
La représentante du Secrétaire général a déclaré qu’elle souhaitait apporter certaines clarifications. Le terme «consultation» figure probablement dans tous les instruments de l’OIT; il est au coeur des normes internationales du travail, car toutes les conventions et toutes les recommandations contiennent une disposition prévoyant la consultation des organisations de travailleurs et d’employeurs, ou l’obligation de consulter «les travailleurs et les employeurs intéressés» ou les groupes de personnes intéressées, tels que les personnes handicapées. Toutefois, ce concept commun, et néanmoins très important, doit être interprété dans le contexte général de l’instrument dans lequel il se trouve. La consultation est une obligation, quel que soit le langage utilisé, par exemple l’expression «doit consulter». L’article 6 de la convention no 169 met cette expression plus en exergue que la plupart des dispositions et, pour l’interpréter correctement, il est nécessaire d’examiner l’article dans son ensemble et pas seulement une partie de cet article. Le paragraphe 2 de l’article 6 prévoit que les consultations doivent être menées de bonne foi et sous une forme appropriée aux circonstances, en vue de parvenir à un accord ou d’obtenir un consentement. Cette disposition n’exige pas que l’on parvienne à un accord mais elle va au-delà du simple échange de points de vue. Il est donc nécessaire de consulter en bonne foi en vue de parvenir à un consensus. Le texte anglais est tout aussi clair. Il n’exige pas que l’on parvienne à un accord ou que l’on obtienne un consensus. C’est également ce qui ressort de l’observation de la commission d’experts actuellement examinée par cette commission.
En tant que convention de l’OIT, la convention no 169 ne peut pas renier sa filiation, il s’agit d’une convention qui révise la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957. L’OIT est la première organisation à avoir adopté une convention sur les peuples indigènes et c’est la seule à avoir un instrument contraignant sur les peuples indigènes. Ces éléments de clarification sont donnés, en sachant qu’il s’agit là d’une question qui demeure sensible et controversée.
Les membres employeurs ont remercié le Bureau pour ces éclaircissements, mais ont indiqué que le mot «consulter» a un sens différent en anglais et en français, car en français le mot a une plus forte connotation. Cette différence mise à part, il est clair que l’absence de consultation ne doit pas être interprétée comme signifiant qu’il faut cesser les activités économiques. Ainsi, lorsqu’ils ont mis en cause la commission d’experts en ce qui concerne la véritable signification de la convention, les membres employeurs se référaient-ils à cette injonction.
Les membres travailleurs ont tenu à préciser qu’ils avaient accepté ces conclusions en faisant preuve d’une grande souplesse. Il s’agit d’une main tendue au gouvernement et il est à espérer que ce dernier acceptera l’assistance technique du Bureau.
Conclusions
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a noté qu’elle avait examiné ce cas en 2009 et que la commission d’experts, se référant aux conclusions de cette commission, avait prié le gouvernement de prendre une série de mesures d’ordre législatif, institutionnel, éducatif et de sensibilisation.
La commission a noté l’indication du gouvernement selon laquelle le Congrès de la République du Pérou avait adopté, le 19 mai 2010, une loi sur le droit des peuples indigènes et tribaux à la consultation préalable reconnu par la convention no 169, qui contient, entre autres, des dispositions relatives à l’identification des peuples concernés. Le gouvernement a également fourni des informations au sujet du décret présidentiel no 022-2010 qui accorde à l’INDEPA le statut d’organe technique spécialisé. Le gouvernement a fourni en outre des informations sur les travaux des quatre tables rondes de dialogue instituées en juin 2009 avec la participation des peuples de l’Amazonie, lesquels ont consisté, notamment, en des enquêtes sur les incidents de Bagua et sur l’élaboration d’un plan de développement pour la région amazonienne. Il a également fait référence à l’accès des peuples indigènes à l’éducation, aux mesures visant à éliminer les préjugés envers les peuples indigènes, ainsi qu’aux initiatives destinées à améliorer leurs conditions.
La commission s’est félicitée de la reconnaissance par le gouvernement de l’importance des consultations, suivies de l’adoption, par le Congrès de la République, de la loi sur la consultation préalable des peuples indigènes ou premiers. Elle veut croire que cette loi sera rapidement promulguée par le Président de la République. La commission a prié instamment le gouvernement de fournir à la commission d’experts des informations complètes sur la promulgation et l’application de la loi, afin que ladite commission puisse en vérifier la conformité avec les dispositions de la convention. Elle a prié instamment le gouvernement de veiller à ce que cette nouvelle loi soit signée et mise en oeuvre, et d’assurer, le cas échéant, l’adoption de mesures transitoires, conformément aux articles 6, 7 et 15 de la convention, comme elle en a discuté. Elle a également rappelé la nécessité de développer une action coordonnée et systématique afin de protéger les droits des peuples indigènes, comme le prévoient les articles 2 et 33 de la convention, ce qui requiert la présence d’institutions étatiques auxquelles les peuples indigènes accordent leur confiance et au sein desquelles ces peuples peuvent participer pleinement. La commission a pris note des informations fournies, selon lesquelles la loi sur la consultation préalable attribue un rôle central à l’INDEPA en tant qu’organe technique spécialisé pour les questions indigènes. En conséquence, elle a estimé que la réforme de cet organe, qui doit se dérouler avec la pleine participation des organisations représentatives des peuples indigènes, est nécessaire pour assurer sa légitimité et sa capacité réelle d’agir et pour garantir l’application de cette importante loi.
La commission a pris note de l’élaboration d’un plan de développement pour la région amazonienne qui ne comprendra cependant pas les peuples indigènes de la région andine. Elle a également noté que des progrès doivent être faits en ce qui concerne l’élaboration et la mise en oeuvre de plans d’action destinés à régler de façon systématique les problèmes en suspens relatifs à la protection des droits des peuples couverts par la convention, conformément à la demande de la Commission de la Conférence et de la commission d’experts. Elle a insisté sur la nécessité de veiller à ce que ces plans d’action soient élaborés et mis en oeuvre avec la participation des organisations représentatives des peuples indigènes, conformément aux articles 2 et 6 de la convention.
La commission a prié le gouvernement de fournir des informations complètes dans un rapport qu’il devra soumettre à l’examen de la prochaine session de la commission d’experts, afin de répondre aux questions qu’elle-même et la commission d’experts ont soulevées. Ce rapport devra fournir, entre autres, des informations détaillées sur la promulgation et la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur la consultation préalable, sur les mesures transitoires s’y rapportant, et sur la mise en oeuvre du plan de développement pour la région amazonienne, ainsi que des informations sur l’effet de la résolution ministérielle no 0017-2007-ED qui définit les critères d’admission pour la formation d’enseignants bilingues. La commission a encouragé le gouvernement à faire appel à l’assistance technique du Bureau afin de garantir que des progrès adéquats soient faits en termes d’application de la convention.
Un représentant gouvernemental, ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi, faisant référence aux observations contenues dans le rapport de la commission d’experts de 2009 sur l’application de la convention no 169, a tout d’abord indiqué qu’en ce qui concerne l’article 1, le Pérou avait ratifié cette convention, présumant de la compatibilité de ses dispositions avec la notion juridique de «communautés paysannes et aborigènes», qui est le terme utilisé dans la Constitution et le système juridique péruvien. Or le Congrès a élaboré un projet de loi intitulé «loi-cadre sur les peuples indigènes ou originels du Pérou», qui inclut les communautés paysannes et aborigènes ainsi que les indigènes vivant en situation d’isolement, et où les termes «peuples indigènes ou originels» sont définis comme étant une transcription exacte de l’article 1 de la convention no 169.
S’agissant de la deuxième observation de la commission d’experts, à propos des articles 2 et 33 de la convention, le gouvernement a créé une série d’institutions chargées de gérer les programmes relatifs aux peuples susmentionnés. En 2005, la loi no 28.495 a créé l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA), organe participatif jouissant d’une autonomie administrative et budgétaire, et dont le mandat est de proposer des politiques et des programmes de développement des peuples indigènes. Dans la mesure où il s’agit d’une entité récente dont les responsabilités doivent être encore consolidées, le gouvernement compte solliciter auprès du bureau sous-régional du BIT pour les pays andins une assistance technique en vue du renforcement institutionnel de cet organisme.
Le Pérou progresse vers la décentralisation et la dévolution des pouvoirs aux gouvernements régionaux et locaux, grâce à des politiques de concertation, de développement et de formation dans les secteurs public et privé, en faveur des peuples andins, des peuples d’Amazone, des peuples afro-péruviens et des peuples asiatico-péruviens. La loi organique sur les municipalités (loi no 27.972) de mai 2003 en est la preuve. Cette loi instaure les conseils de coordination, dont les membres sont des représentants des peuples aborigènes provenant des juridictions correspondantes, et établit des mécanismes de contrôle participatif. Dans ce contexte, il convient de souligner également qu’il existe diverses lois qui ont eu une action positive sur les droits politiques des peuples indigènes, en stipulant par exemple que 15 pour cent au moins des candidats aux assemblées municipales et régionales figurant sur les listes électorales doivent appartenir à un peuple indigène.
Afin de répondre aux revendications des peuples indigènes d’Amazonie et d’ouvrir un espace de dialogue avec leurs représentants, ces questions faisant l’objet de la troisième observation de la commission d’experts concernant les articles 2, 6, 15 et 33 de la convention, plusieurs décrets-lois, qui avaient été cités explicitement dans le rapport de la commission, ont été abrogés, et une commission plurisectorielle a été créée le 20 avril 2009 afin de traiter les points relatifs aux propositions présentées par l’Association inter-ethnique de développement de la forêt amazonienne (AIDESEP), au sujet de l’abrogation de plusieurs décrets-lois. Cette mesure a été exécutée après accord du Congrès.
De même, des conseils de coordination locale ont été instaurés, ainsi que d’autres procédures de consultation destinées à encourager la participation des populations et à inclure les communautés paysannes ou aborigènes dans les processus touchant le milieu dans lequel elles vivent, conformément aux procédures de consultation établies à l’article 6 de la convention no 169 de l’OIT. Pourtant, malgré cette nouvelle législation, il apparaît nécessaire d’établir une norme nationale et plurisectorielle qui garantisse le droit de participation et de consultation à tous les niveaux du gouvernement, norme que le Congrès devrait approuver prochainement. Dans ce contexte, il convient de citer le Plan de participation citoyenne, destiné à faire intervenir de façon organisée les communautés dans les programmes de contrôle et de surveillance des effets sociaux et environnementaux découlant de l’exécution de projets d’exploitation des ressources naturelles, lorsque ces derniers mettent en danger les personnes, les institutions, les biens, le travail, les cultures et l’environnement des populations concernées. A cet égard, l’orateur se réfère aux cas concernant le projet de Rio Blanco, dans la région de Piura, et l’exploitation des gisements miniers des collines de Condohuain.
Enfin, le représentant gouvernemental a fait état des événements qui se sont produits à la fin de la semaine précédente dans la zone de Bagua, dans la région de Cajamarca. Bien que les faits et les responsabilités fassent encore l’objet d’enquêtes, les protestations et les mobilisations qui ont eu lieu ont été, de l’avis du gouvernement, le fruit de l’action de groupes incontrôlés qui ont détourné les revendications des communautés aborigènes dans l’intention d’interrompre l’exploitation du pétrole et de mettre en danger les installations du gazoduc, acte qui aurait pu avoir des conséquences graves pour des millions de Péruviens. Tout en déplorant de tels événements, le gouvernement s’est dit ouvert au dialogue.
Les membres employeurs ont remercié le ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi du Pérou de s’être personnellement présenté à la session de la commission et pour les informations fournies. C’est le 20e anniversaire de l’adoption de la convention no 169, mais c’est la cinquième fois que l’application de cette convention est discutée par cette commission. Les membres employeurs ont souligné l’importance de la discussion pour le Pérou et les 19 autres pays qui ont ratifié la convention, ainsi que pour la région en général. Il s’agit du premier examen dans cette commission de l’application de la convention no 169 par le Pérou, même si la commission d’experts a déjà formulé huit observations depuis la ratification de la convention en 1994. La commission d’experts continue de regretter que le gouvernement n’ait pas transmis les informations demandées. Par ailleurs, le gouvernement ne répond pas aux communications des organisations de travailleurs. Les membres employeurs ont noté les problèmes rencontrés par le gouvernement, et ont cru comprendre que soixante jours d’état d’urgence aient été déclarés en mai 2009 dans les régions de l’Amazonie. Une confrontation a par ailleurs récemment eu lieu à Bagua. La situation paraît très simple sur le terrain mais le but de la commission est d’examiner l’application de la convention en se référant au rapport de la commission d’experts.
Les membres employeurs ont reconnu que le Pérou se heurte à des difficultés pratiques pour appliquer la convention. Le gouvernement est tenu, entre autres, d’établir des mécanismes efficaces et appropriés de consultation et de participation des peuples indigènes et tribaux sur les questions les concernant. Ces mécanismes représentent la pierre angulaire de la convention no 169. La convention prévoit que la consultation et la participation des peuples indigènes et tribaux sont un élément essentiel pour l’équité et la garantie de la paix sociale à travers l’intégration et le dialogue social. Cependant, s’il existe dans un sens un certain degré de participation au Pérou et des consultations ad hoc, cela n’est pas considéré comme suffisant par la commission d’experts pour être conforme avec les exigences de la convention. Des préoccupations et des confusions perdurent sur le critère législatif appliqué pour la détermination de la population péruvienne couverte par la convention. Sans un tel critère, des difficultés dans l’application pratique de la convention persisteront. La commission d’experts a demandé au gouvernement de définir clairement le champ d’application de la convention, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes, et d’assurer que tous les peuples auxquels se réfère l’article 1 de la convention soient couverts. Les membres employeurs considèrent cependant que la convention permet une interprétation de son champ d’application, les peuples «indigènes» ou «tribaux» n’étant jamais définis dans cet instrument. A cet égard, ils ont encouragé le gouvernement à prendre en considération les définitions du Thesaurus du BIT lorsqu’il répondra aux experts. Ils ont souligné également que, sans résolution des problèmes liés au champ d’application, les problèmes d’application des articles 2 et 33 de la convention perdureront. Le gouvernement devrait clairement s’occuper de savoir pourquoi certains peuples restent non couverts et en expliquer les raisons de façon à ce que cette information soit prise en compte par la commission d’experts.
Les membres employeurs ont également noté les problèmes liés à l’application des articles 6 et 17 (consultation et législation) de la convention. Ils ont souligné, une fois encore, le lien évident avec leurs commentaires sur l’article 1, la commission d’experts recommandant instamment au gouvernement de prendre des mesures, avec la participation des peuples indigènes, pour établir des mécanismes de consultation et de participation appropriés et de consulter les peuples indigènes avant d’adopter ces mesures. En ce qui concerne les problèmes d’application des articles 2, 6, 7, 15 et 33, la commission d’experts se réfère aux nombreuses situations sérieuses de conflits, à propos desquelles le gouvernement n’a pas donné de réponse. Les membres employeurs ne peuvent pas examiner les informations législatives fournies par le gouvernement à cette commission, mais encouragent le gouvernement à communiquer chaque année des informations aux experts et à considérer la possibilité de mettre en oeuvre un plan d’action pour s’occuper des problèmes d’application faisant clairement référence aux faits sur le terrain, en identifiant les situations urgentes liées à l’exploitation des ressources naturelles qui pourraient constituer une menace pour les personnes, les institutions, la propriété, le travail, la culture et l’environnement des peuples concernés. Selon les membres employeurs, il s’agit d’un cas de manquement grave de non-soumission de rapports et, de plus, la convention ne semble pas être pleinement mise en oeuvre. Ils aimeraient voir le gouvernement prendre des mesures positives immédiates en communiquant à la commission d’experts les informations qu’elle demande, de manière à permettre une évaluation correcte de ces questions.
Les membres travailleurs ont observé que le Pérou a ratifié la convention no 169 en 1994. L’application de cette convention a fait l’objet de commentaires de la commission d’experts en 2006 et 2008, mais ce pays n’a jamais été appelé devant la Commission de la Conférence au sujet de cette application.
Ils ont évoqué le contexte particulier dans lequel se déroulent les présentes discussions. Suite à un violent conflit dans le nord du pays de Bagua, lié à la répression d’une action menée depuis plusieurs jours par 30 000 autochtones et qui a fait 33 morts le 5 juin 2009, des marches de solidarité avec les peuples autochtones du Pérou ont eu lieu dans de nombreux pays en soutien aux mouvements indigènes. Cette répression a en outre été fermement condamnée par la Commission interaméricaine des droits de l’homme et le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et les libertés fondamentales des peuples indigènes et tribaux qui appellent le gouvernement à éviter à l’avenir toutes les formes de violence et à appliquer ou adopter des mesures pour protéger les droits et les libertés fondamentales des peuples indigènes et tribaux. Les membres travailleurs ont rappelé que la commission d’experts avait déjà mis en évidence en 2008 diverses situations de conflits graves, imputables à une intensification de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes.
Ils ont souligné les problèmes législatifs posés par ce cas. Comme les autres pays andins, le Pérou a une population où les communautés indiennes sont restées importantes. Ces communautés sont toutefois tenues à l’écart du pouvoir et ne sont pas consultées lorsque des droits qui les concernent sont en cause. De plus, même si le Pérou a formellement reconnu dans sa Constitution le caractère multiethnique et multiculturel du pays, il existe un réel décalage entre l’action parlementaire et celle du pouvoir exécutif. Quatre décrets, dont le décret no 1090, dérogent à des lois ayant prévu des restrictions d’ordre social à l’extraction de matières premières, ce qui a amené la Commission interaméricaine des droits de l’homme à rappeler le rôle que devrait jouer le pouvoir judiciaire dans la résolution des conflits et la réparation des dommages causés aux peuples indigènes et tribaux. Le décret législatif no 1090 du 28 juin 2008, connu sous le nom de loi de la forêt, modifie la loi forestière de 2000 en vue de l’adapter à l’Accord de libre-échange signé avec les Etats-Unis. Ce décret a récemment été suspendu par le Congrès du Pérou pour une durée de quatre-vingt-dix jours. Les conclusions de la Commission de la Conférence pourraient donc être de première importance.
Les membres travailleurs se sont ensuite penchés sur l’analyse détaillée de la situation des peuples indigènes du Pérou, réalisée dans le rapport de la commission d’experts. Une des grandes difficultés, source d’insécurité juridique et d’abus, est la question de la définition, par la législation péruvienne, des peuples auxquels la convention devrait s’appliquer. La notion juridique de «peuples indigènes» n’est pas définie dans la Constitution, et plusieurs termes sont utilisés pour se référer aux peuples indigènes, créant ainsi une ambiguïté certaine et préjudiciable. La commission d’experts a plusieurs fois prié sans résultat le gouvernement d’établir, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes, un critère unifié d’appartenance aux peuples susceptibles d’être couverts par la convention.
Dans le cadre de l’application combinée des articles 2 et 33 de la convention, le gouvernement doit établir des institutions ou autres mécanismes, dotés des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions, pour administrer les programmes affectant les peuples intéressés. Les membres travailleurs ont déclaré que la création en 2005 de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA), en tant qu’organisme participatif doté de l’autonomie administrative et budgétaire, ne semble toutefois pas apporter les garanties voulues. La diversité dans la représentation en son sein favorise l’imposition des décisions de l’Etat, et l’INDEPA n’a pas de pouvoirs réels. Par conséquent, ils appuient la demande faite au gouvernement par la commission d’experts de se doter, avec la participation des peuples indigènes, d’institutions réellement efficaces.
Pour conclure, les membres travailleurs ont regretté que le gouvernement ne fasse que très peu d’efforts pour mettre en oeuvre la convention et résoudre, par la consultation des peuples concernés, les nombreuses situations de conflits graves, imputables à une intensification de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes.
Le membre gouvernemental de la Colombie a remercié le ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi du Pérou pour les informations qu’il a fournies. Le gouvernement de la Colombie reconnaît la volonté du gouvernement du Pérou de dialoguer, et encourage les acteurs sociaux à renforcer les espaces de dialogue et à les utiliser de manière efficace afin de parvenir à une meilleure entente et conclure des accords. Le Bureau doit considérer favorablement la demande d’assistance technique formulée par le gouvernement du Pérou.
La membre travailleuse du Pérou a indiqué que le non-respect de la convention no 169 par le gouvernement a eu de graves conséquences pour les peuples indigènes de son pays. Les faits actuels offrent un panorama de violence désolant. Le vendredi 5 juin, la police a violemment réprimé la manifestation menée depuis deux mois par les communautés de la région de Bagua, département d’Amazonas. Les manifestations des communautés indigènes visent à exiger l’abrogation des décrets législatifs qui ont été promulgués par le gouvernement sans consultation préalable, et qui privent les communautés de leurs droits légitimes à l’eau et au territoire, en violation flagrante de la convention no 169 de l’OIT ratifiée par le Pérou. Selon les informations disponibles, l’intervention armée pour mettre fin à la grève indigène aurait coûté la vie à au moins 30 membres des communautés indigènes et 23 membres des forces de police.
Des 55 millions d’hectares qui constituent le territoire de l’Amazonie, 49 millions d’hectares, c’est-à-dire 72 pour cent, ont fait l’objet de concessions octroyées par le gouvernement actuel pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures, alors qu’au Brésil ces concessions ne représentent que 13 pour cent seulement du territoire et 11 pour cent en Equateur. Dans la pratique, les convictions des peuples indigènes péruviens de la nécessité d’un développement intégral n’ont pas été prises en considération. La déforestation d’immenses étendues de forêt vierge, la pollution des rivières au plomb et autres métaux lourds, découlant de l’activité minière et de l’extraction du pétrole en toute irresponsabilité, sont des conséquences qui portent préjudice non seulement au Pérou, mais aussi à des nations et à l’humanité tout entières. Par exemple, entre 2006 et 2009 uniquement, 48 déversements accidentels de pétrole ont eu lieu entre les lots 8 et 1AB de Pluspetrol, entraînant la pollution des rivières Tigres et Corrientes et de leurs affluents ainsi que des conséquences néfastes pour 34 communautés indigènes. Selon les rapports du ministère de la Santé, 98 pour cent des filles et des garçons de ces communautés affichent un taux de métal toxique dans le sang supérieur à la limite acceptable. Alors qu’aujourd’hui le gouvernement est appelé à s’expliquer devant l’OIT sur le non-respect de la convention no 169, au Pérou a lieu une journée d’action nationale contre ces événements, et pour exiger du gouvernement le respect de tous les droits des communautés indigènes.
Un front de solidarité a été formé, composé d’organisations indigènes, syndicales et populaires, pour exiger le respect des 1 400 communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne et de ses 65 groupes ethniques. La commission d’experts a formulé à huit reprises des commentaires sur l’application de la convention no 169, dans lesquels elle a exhorté le gouvernement à adapter la législation et la pratique aux obligations découlant de cette convention. La CGTP, ainsi que des organisations indigènes, paysannes et de défense des droits de l’homme ont présenté un rapport alternatif en 2008. Mais le gouvernement n’a pas donné suite aux observations contenues dans ce rapport. La violation du droit à la consultation préalable a soulevé la préoccupation de la commission d’experts dans son dernier rapport. Alors que, depuis dix ans, des rapports sont publiés par l’OIT, au sujet de la consultation préalable des peuples indigènes sur les mesures ayant un impact sur eux, des plaintes continuent d’être présentées pour le non-respect de cette règle. La convention no 169 énumère une série de droits qui, dans leur ensemble, protègent la vie et le développement des communautés indigènes. Parmi ces droits, figure la consultation préalable de ces communautés au sujet des décisions qui les affectent. Il s’agit d’un droit fondamental d’une importance majeure aux plans historique et politique. Dès lors qu’ils reconnaissent ce droit, les gouvernements ont l’obligation de respecter le droit des peuples indigènes de déterminer leur forme et leur rythme de développement culturel, politique, social et économique.
La crise sociale et politique que connaît actuellement le pays est une source de préoccupation majeure. Hier, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la question des peuples indigènes a appelé le gouvernement à adopter toutes les mesures complémentaires nécessaires pour protéger les droits humains et les libertés fondamentales des personnes concernées. Les interventions publiques du gouvernement ridiculisent la lutte indigène, la défense de son territoire et l’exploitation durable des ressources, faisant fi du débat mondial sur les mesures à prendre pour laisser aux générations futures une planète viable. Tous les pays, dans le contexte des Nations Unies, considèrent que cette question est fondamentale. L’une des mesures les plus importantes prises par l’Assemblée générale des Nations Unies est la nomination du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones. En outre, une instance permanente sur les questions autochtones des Nations Unies a été mise en place. La Déclaration des droits des peuples autochtones a ensuite été adoptée, et le Pérou est l’un des pays ayant activement appuyé l’approbation de cet instrument.
Malgré les discours du gouvernement au niveau international sur l’adoption de ces mécanismes et l’appui à ces derniers, les politiques gouvernementales défendent et encouragent l’enrichissement de quelques-uns au détriment des droits des populations ancestrales, et le gouvernement développe ses activités sans prévenir les conséquences néfastes qu’elles entraînent pour l’environnement. Les travailleuses et les travailleurs du Pérou exigent que le gouvernement maintienne un dialogue social réel et propose des solutions pour surmonter cette crise profonde. Ils rejettent les accusations que le Président porte contre les indigènes, les syndicalistes et les dirigeants populaires, en les stigmatisant comme terroristes opposés au progrès du pays. Ils sont convaincus de la nécessité urgente de se conformer au principe fondamental établi par la Constitution de l’OIT, que le gouvernement péruvien s’est aussi engagé à respecter: une paix durable et universelle ne peut être établie que sur la base de la justice sociale.
L’oratrice, en réponse à la gravité de la situation actuelle des peuples indigènes, a demandé que soit envoyée dès que possible une mission de haut niveau pour évaluer la gravité de la situation relativement au non-respect de la convention no 169, et a prié instamment le gouvernement de protéger la vie des membres des communautés indigènes; de garantir le plein exercice des droits des peuples indigènes; d’abroger les décrets législatifs controversés; de lever l’état d’urgence et le couvre-feu dans la forêt amazonienne; et d’appliquer les mesures urgentes qui s’imposent pour sauvegarder les institutions, les personnes, les biens, la culture, le travail et l’environnement des peuples indigènes. Enfin, elle a estimé qu’il est nécessaire de renforcer les capacités du bureau du BIT à Lima, afin de couvrir les besoins de suivi et d’assistance technique des partenaires sociaux, dans le cadre de l’application de la convention no 169.
Un observateur, s’exprimant au nom de la Fédération syndicale mondiale (FSM), s’est félicité de la préoccupation exprimée par la commission d’experts relativement au non-respect de la convention no 169 de la part du gouvernement et a déclaré que ladite commission avait réalisé un travail professionnel de très haute qualité. Les problèmes des peuples indigènes ne sont pas nouveaux pour les Péruviens. Sur la base des informations communiquées par la présidente de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), l’orateur a déclaré que l’on pouvait conclure que le gouvernement avait contrevenu de manière systématique à la convention no 169. Il a fait référence à un crime de lèse-humanité contre les travailleurs indigènes de l’Amazonie du nord du Pérou, qui doit être examiné dans le contexte politique approprié; il ne s’agit pas d’un acte ponctuel mais d’un acte relevant de politiques néolibérales que le gouvernement actuel continue d’appliquer, malgré des résultats catastrophiques pour le Pérou et pour d’autres pays d’Amérique latine.
L’orateur a déclaré que l’un des objectifs de ces politiques nationales, outre l’anéantissement des mouvements syndicaux, vise à la privatisation d’entreprises stratégiques et des ressources naturelles au profit d’entreprises transnationales. Dans le pays, entre 1990 et 2000, plus de 90 pour cent des entreprises publiques ont été vendues aux enchères. La richesse de l’Amazonie est considérée comme l’un des poumons de la planète, mais ces entreprises, loin de protéger la région, ne font que la polluer et en exploitent ses richesses à grande échelle: pétrole, bois et biodiversité, tout cela avec la complicité des gouvernements. La convention no 169 sert de planche de salut pour empêcher les violations et les abus perpétués contre les peuples indigènes de l’Amazonie et, en même temps, pour défendre l’environnement et la vie de ces peuples, étant donné que la voracité des entreprises transnationales et la complicité des gouvernements néolibéraux sont sans limites.
L’orateur a déclaré que le gouvernement péruvien n’a pas l’intention de se conformer aux dispositions de la convention no 169, malgré les appels répétés de la commission d’experts à cet égard. Le gouvernement a fait usage des «habilitations déléguées» grâce à la majorité parlementaire menée par le gouvernement et ses alliés pour promulguer une série de décrets législatifs, parmi lesquels figure le décret relatif à la vente de territoires amazoniens où vivent des communautés indigènes, lesquelles ont dénoncé ces décrets devant les organismes nationaux et internationaux. La CGTP a été le point de départ de l’action de mobilisation. Les décrets législatifs en question sont inconstitutionnels et constituent une violation de la convention no 169 puisque les populations amazoniennes concernées n’ont pas été préalablement consultées; c’est la raison pour laquelle ces dernières ont exigé l’abrogation immédiate de ces décrets. Un dialogue aurait pu être initié dans le cadre des consultations prévues par la convention, mais le gouvernement a refusé l’abrogation du décret, faisant ainsi étalage de son autoritarisme. Devant cette position intransigeante, les peuples indigènes concernés ont entamé une action de mobilisation et, devant le silence du gouvernement, ils ont déclaré une grève générale dans la région de Bagua-Jaen. Cinquante-cinq jours plus tard, le gouvernement, au lieu d’abroger ces décrets, a entamé une action répressive fortement armée, à l’aide d’hélicoptères d’où les populations ont été mitraillées, entraînant le massacre qui bouleverse aujourd’hui le peuple péruvien et la communauté internationale. La responsabilité est attribuable au pouvoir exécutif et au parlement qui, en démontrant une volonté politique, auraient pu régler le problème et éviter la mort de dizaines d’indigènes et de policiers. Ces meurtres ne sont pas les premiers perpétués par le gouvernement actuel puisque, lors de son premier mandat, entre 1985 et 1990, des centaines de prisonniers politiques et de paysans ont été également massacrés. A cet égard, la lecture du rapport de la Commission pour la vérité et la réconciliation a été recommandée. Il est regrettable que, lors son deuxième mandat, le gouvernement emploie les mêmes méthodes extrêmes qui vont jusqu’à criminaliser les manifestations syndicales et sociales en faisant usage d’armes à feu contre les manifestants. Depuis l’arrivée du gouvernement actuel, il y a trois ans, plus de 27 ouvriers et paysans ont perdu la vie en raison d’interventions répressives armées.
L’orateur a demandé à l’OIT d’envoyer une mission de haut niveau au Pérou pour faire cesser immédiatement la répression à l’encontre des peuples indigènes; abroger les décrets législatifs en question; entamer un dialogue avec les populations touchées dans le cadre des consultations prévues par la convention; mettre immédiatement fin à l’état d’urgence et à la suspension des garanties constitutionnelles décrétées par le gouvernement; et faire en sorte que tous les responsables de ces meurtres soient jugés et punis. Les crimes de lèse-humanité ne peuvent être ni oubliés ni pardonnés.
Suite au dépôt de deux motions d’ordre, le Président de la commission a rappelé que, dans l’intérêt des débats, il y a lieu de respecter les règles qui régissent les travaux de la présente commission depuis 1926 et a prié les intervenants de s’en tenir aux commentaires de la commission d’experts qui font l’objet de la discussion.
Le membre employeur du Pérou a déclaré que les questions soulevées par la commission d’experts dans ses observations, concernant la convention no 169 qui a été ratifiée par le biais de la résolution législative no 26.253 du 2 février 1994, ont fait l’objet de commentaires formulés par le porte-parole des membres employeurs. Cependant, étant donné qu’il a été fait mention d’événements survenus récemment auxquels ces observations ne font pas référence, il est pertinent d’indiquer ce qui suit: l’état de droit d’un pays comprend deux piliers fondamentaux. Le premier est la «suprématie de la loi». Personne ne peut être au-dessus de la loi et de la légalité. Le second est la «séparation des pouvoirs». Chacun des pouvoirs de l’Etat dispose d’habilitations, de fonctions et de compétences qui lui sont propres. Les normes de l’OIT font partie du droit péruvien, en vertu de l’article 55 de la Constitution politique de l’Etat et, en tant que telles, ces normes doivent être respectées. Le fait que, pour des raisons d’urgence, il n’a pas été possible de respecter certaines de ces normes ne saurait justifier des actes délictueux, étant donné que des moyens existent pour remédier à cette situation, lorsque cela est nécessaire.
Le décret législatif no 1090, qui unifie les procédures applicables aux communautés paysannes et indigènes des régions montagneuses et de la forêt avec celles applicables aux communautés des régions côtières, afin d’améliorer leur production et leur compétitivité agricole, a été promulgué au titre de «l’habilitation déléguée» au pouvoir exécutif par le Congrès pour la loi no 29157, en vue de légiférer sur diverses questions relatives à l’application de l’Accord de promotion commerciale entre le Pérou et les Etats-Unis. Etant donné que cette norme a été remise en question, le décret suprême no 031-2009 PCM du 20 mai 2009 a créé une Commission multisectorielle pour examiner de manière permanente la problématique des peuples amazoniens. Un accord a été conclu pour analyser point par point le contenu de ce décret législatif. Malgré cet accord, les dirigeants des communautés indigènes ont ensuite changé de position concernant la révision de cette norme pour demander son abrogation immédiate, ce qui a donné lieu à des affrontements violents en dehors des procédures légales, étant donné qu’une loi ne peut être abrogée ou modifiée que par une autre loi.
En sa qualité de représentant de la Confédération nationale des institutions et des entreprises privées (CONFIEP), ainsi que de la Société nationale des industries et de la Chambre de commerce de Lima, l’orateur a fait lecture de la déclaration des employeurs péruviens par laquelle ils condamnent énergiquement les actes de violence survenus ces derniers jours et présentent leurs condoléances aux proches des forces de police et de la population civile. Ils ont appuyé le gouvernement dans les mesures prises pour rétablir le principe d’autorité et de sécurité des citoyens, dans le strict respect des droits humains et, en particulier, de la police nationale et des forces armées qui agissent dans le plein d’exercice des pouvoirs que leur confère la Constitution.
Les citoyens sont appelés à ne pas se laisser manipuler par des groupes qui cherchent à créer des troubles, et l’orateur a lancé un appel au calme pour que cessent les actes de violence et pour que soient respectées la démocratie, les institutions et la législation. Il a appelé les autorités régionales et locales ainsi que les employeurs de toutes les régions du pays, à travailler ensemble pour trouver des mécanismes de concertation et de dialogue qui répondent de la meilleure façon aux aspirations des citoyens.
Enfin, il a réaffirmé l’engagement des employeurs en faveur du développement durable du Pérou. Les activités continueront à se développer dans le cadre d’un calendrier national qui, laissant de côté les intérêts particuliers et à court terme, permettront de bâtir un pays prospère, dans le maintien de son identité et de la paix sociale.
La membre gouvernementale du Danemark, s’exprimant également au nom de la Norvège, a rappelé que le Pérou a ratifié la convention no 169 de l’OIT et qu’il a souscrit à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des populations autochtones, qui impose le respect absolu des droits des populations indigènes, du droit aux terres, territoires et ressources qu’elles possèdent et occupent traditionnellement et du droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. S’agissant des violences survenues depuis le 5 juin à Bagua, l’oratrice a exprimé ses vives préoccupations et fait sienne la déclaration publiée le 5 juin par la présidente du Forum permanent des Nations Unies sur les questions autochtones et celle du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations indigènes du 10 juin 2009. Elle a insisté sur le fait qu’il est important que toutes les parties renoncent à la violence et a présenté ses plus sincères condoléances à toutes les victimes et à leurs familles.
D’après les informations reçues, la mobilisation des populations indigènes d’Amazonie répondait à une série de décrets législatifs facilitant l’octroi de concessions minières dans la région. Ces décrets avaient été pris sans consultation adéquate des populations indigènes et dans le mépris de leur droit à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Compte tenu de la gravité de la situation, elle a appelé le gouvernement à nouer un dialogue sans réserve, par le biais de mécanismes adéquats, avec les organisations représentant les populations indigènes, conformément aux articles 2, 6, 15, 17 et 33 de la convention no 169 et à la Déclaration des Nations Unies, et à ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur les incidents de Bagua avec la participation du médiateur et d’institutions internationales.
Une observatrice représentant l’Internationale des services publics (PSI) a déclaré que, dans le cadre du traité de libre-échange signé par l’Etat péruvien et le gouvernement des Etats-Unis, en décembre 2007, le Congrès de la République a délégué au pouvoir exécutif la faculté de légiférer sur diverses matières touchant à la mise en oeuvre de l’Accord de promotion commerciale Pérou-Etats-Unis d’Amérique, de son protocole d’amendement et des mesures tendant à l’amélioration de la compétitivité de l’économie. Le gouvernement légifère au moyen de décrets législatifs et de décrets suprêmes qui violent non seulement la Constitution politique de l’Etat péruvien, mais principalement la convention no 169 de l’OIT. En juillet 2007, le gouvernement a adopté plusieurs décrets suprêmes ayant pour effet de criminaliser les mouvements pacifiques, la libre expression, la libre association et l’exercice des droits de l’homme fondamentaux. Il a autorisé la police nationale et les forces armées à faire usage de leurs armes dans leur prétendue mission de maintien de l’ordre. Ces décrets suprêmes n’ont pas été avalisés par le Congrès de la République et pourtant, sur leur fondement, 13 dirigeants syndicaux sont actuellement traduits en justice pour terrorisme international. En juin 2008, le gouvernement a adopté 103 décrets législatifs. Deux de ces normes autoritaires modifient le régime juridique actuel de la procédure judiciaire, portant principalement atteinte aux principes fondamentaux de l’administration de la justice que sont la légalité et le droit à la défense. Le plus grave, cependant, qui a provoqué un soulèvement de la société et un massacre d’indigènes, c’est la violation de la convention no 169 de l’OIT, à travers le refus de reconnaître les peuples indigènes en tant que sujets de droit ayant la faculté de préserver leur culture dans leurs territoires respectifs, sans exclusion, discrimination ni contrainte aucune. On a refusé aux peuples indigènes le droit de vivre librement sur leurs terres et territoires en préservant la propriété collective de ses territoires pour les générations futures au moyen de sauvegardes spéciales afin de ne pas laisser se dégrader cet espace vital ni de le perdre, et de pouvoir continuer de jouir de ses ressources.
L’intervenante a souligné que le droit de consultation et de participation des peuples indigènes se trouve violé à travers la loi qui a été adoptée et à travers l’élimination de la participation indigène au sein du Conseil de direction de l’INDEPA, qui n’est plus aujourd’hui qu’un organe d’Etat et non un forum de concertation avec les peuples indigènes, comme le prévoyait la loi au moment de sa création. Le but recherché à travers ces normes autoritaires, c’est la privatisation des forêts exploitables situées sur les territoires des peuples indigènes et des communautés andines et paysannes.
L’intervenante a indiqué que le gouvernement péruvien prétend que ces nouvelles règles n’ont pour but que d’améliorer certains points de la mise en oeuvre de l’Accord de promotion commerciale avec les Etats-Unis, argumentation qui a été rejetée par la porte-parole de l’agence d’étude de l’environnement, Mme Andrea Johnson, qui a exprimé sa préoccupation devant le contenu de la nouvelle loi, tout autant que devant les procédés par lesquels elle a été approuvée, en l’absence de toute consultation des peuples indigènes et de toute transparence de la part du gouvernement péruvien, procédés inacceptables pour un pays qui se considère démocratique. En l’occurrence, c’est le gouvernement péruvien lui-même qui compromet le traité de libre-échange, et non les indigènes ou les citoyens péruviens qui exercent leur droit de protester.
L’intervenante a exposé une série de faits concernant les communautés indigènes. D’après le dernier recensement, il existe 1 786 communautés indigènes, dont 1 183 détiennent des titres de propriété sur leurs terres et 603 sont inscrites aux Registres publics; 65 ethnies, dont 45 sont établies dans la forêt équatoriale péruvienne; et au total, plus de 300 langues. Soixante pour cent du territoire est amazonien; il existe 13 langues ou dialectes et 14 peuples ou segments de peuples alliés concentrés dans la zone frontalière avec le Brésil, 66 millions d’hectares sont des forêts tropicales. Les instances internationales compétentes ont consacré le lien spécial que les peuples indigènes entretiennent avec leurs territoires, leur culture et leur mode de vie. Ces communautés indigènes occupent leurs territoires depuis une époque antérieure à la création même de l’Etat du Pérou en tant que tel. En dépit de cette réalité, la politique actuelle du gouvernement consiste à ignorer les peuples indigènes, à remettre leur existence en question de manière réitérée et publique, et à remettre aussi en question la validité du principe de propriété collective de leurs terres, en incitant à la vente de celles-ci, et en déclarant que la seule alternative de développement, c’est que ces terres soient gérées par les grands capitaux, tant et si bien que plus de 70 pour cent du territoire de l’Amazonie se trouvent aujourd’hui alloués en concessions d’exploitation d’hydrocarbures et en concessions minières, qui se concentrent dans la région andine du pays, précisément dans les régions où il existe le plus grand nombre de communautés paysannes.
L’intervenante a ensuite détaillé les actes de violence commis contre des paysans, des indigènes et des militants pour la protection de l’environnement. Elle a évoqué l’affrontement entre indigènes et militaires qui a fait deux morts en septembre 2007. Au terme d’une consultation populaire dans les districts d’Ayabaca et de Huancab, le projet minier Rio Blanco de l’entreprise chinoise Majaz, que le gouvernement avait cherché à imposer au mépris du droit de libre détermination des peuples prévu par la convention no 169, a été rejeté à 90 pour cent par les 31 000 votants. Pour parvenir à ses fins, le gouvernement a accusé de terrorisme 28 Péruviens, parmi lesquels des membres de conseils municipaux, des défenseurs de l’environnement et des membres d’ONG.
En mars 2008, lorsque 97 pour cent des votants ont rejeté également par consultation populaire dans la région de Loreto Iquitos la politique de privatisation du gouvernement, la répression qui a suivi a fait deux morts chez les indigènes, et les autorités ont arrêté 52 indigènes, encore en prison aujourd’hui. Les plus jeunes ont subi des tortures physiques et mentales, et on en a même pendu plusieurs par le cou à des arbres pour faire un exemple à l’intention des autres indigènes.
L’intervenante a cependant considéré que le plus grave est la présence du groupe paramilitaire Comando Canela, qui infiltre les mouvements pacifiques et répand la violence. Ce groupe paramilitaire compte parmi ses membres un certain nombre de policiers détachés dans les services secrets en application de la résolution directoriale no 2718-2008. Les agissements de ce groupe lors du mouvement de grève des paysans de Barranca et d’Ayacucho les 18 et 19 février 2008 ont fait trois morts chez les paysans.
En dernier lieu, l’intervenante a demandé qu’une mission de haut niveau du BIT soit envoyée au Pérou, étant donné qu’il s’agit d’un cas humanitaire, notamment parce que des indigènes blessés et sans défense sont transférés dans des périmètres militaires où ils sont traduits en justice pour terrorisme sans bénéficier d’une défense appropriée pour des motifs financiers. L’oratrice a également évoqué la vulnérabilité des indigènes et la violence extrême entretenue par le gouvernement.
La membre travailleuse du Royaume-Uni a exprimé sa vive inquiétude à propos des événements survenus la semaine précédente à Bagua. Ces événements font suite à deux mois de protestations pacifiques des peuples indigènes du Pérou et de leurs sympathisants contre une législation imposée par le gouvernement en violation de la convention no 169, qui prévoit le droit des peuples indigènes d’être dûment consultés. Cette convention prévoit la reconnaissance des droits des populations indigènes de vivre sans être l’objet d’exclusions ou de discriminations, à vivre librement sur leurs terres et territoires et à perpétuer la propriété collective pour les générations futures. Elle assure une protection spéciale pour éviter la disparition des moyens de subsistance et le bénéfice de l’utilisation des ressources. Or, l’année précédente, le Pérou a adopté des lois permettant de disposer plus facilement des terres communautaires. Ces lois constituent une violation non seulement des droits constitutionnels des communautés rurales et indigènes en matière de participation et de consultation, mais aussi des droits fondamentaux reconnus par la Constitution péruvienne.
Depuis des décennies, les ressources naturelles sont implacablement exploitées en l’absence de toute participation ou consultation des populations qui occupent ces terres. La politique minière et pétrolière du Pérou n’offre aucune garantie de participation aux peuples indigènes. Des millions d’hectares de gisements pétroliers et gaziers sont exploités, des millions d’hectares de forêt vierge sont abattus pour être replantés, tout cela sans tenir compte des populations dont la convention no 169 garantit les droits. Cela s’est également fait sans offrir de dédommagements justes pour les dégâts provoqués à ces territoires, tandis que les profits tirés de cette exploitation vont à l’Etat et aux entreprises concernées. Au lieu de promouvoir une politique agraire qui réserve un territoire suffisant aux communautés indigènes et protège le pluralisme culturel et ethnique de la nation péruvienne, comme l’exige la convention no 169, le gouvernement favorise plutôt la dissolution de leurs communautés dans l’intérêt et au profit de quelques producteurs.
Se référant au rapport de la commission d’experts, l’oratrice a fait remarquer que la Constitution péruvienne est contradictoire et vague et ne précise pas clairement quelles sont les populations qui peuvent se prévaloir des garanties offertes par la convention. Plutôt que le terme «population indigène», la Constitution péruvienne utilise les expressions «communauté native» ou «communauté rurale», qui sont des vestiges de l’époque coloniale et sèment la confusion quant à la portée des protections légales existantes.
Il n’est pas surprenant que le Pérou n’ait pas répondu à la commission d’experts et n’ait pas harmonisé sa législation avec les requêtes de cette dernière; de précédentes critiques contre ses pratiques de travail n’avaient pas non plus été suivies d’effets, et le fait de ne pas remédier aux infractions à la convention no 169 relève de la même démarche. Actuellement, la politique du gouvernement consiste à nier l’existence des populations indigènes et leurs droits. Le président Garcia a publiquement remis en cause la validité des terres communautaires et déclaré que la seule manière de garantir le développement est de le confier à des grandes entreprises et des multinationales. Il a par ailleurs rejeté les demandes d’organisations de défense des indigènes et de l’environnement en prétendant qu’elles sont uniquement motivées par une idéologie anticapitaliste ou protectionniste et sont opposées au développement du Pérou. Le Président est opposé à la reconnaissance de populations indigènes isolées, considérant que l’existence de tels groupes relève de la fiction, en dépit de leur reconnaissance par de nombreuses institutions et organisations telles que le médiateur du Pérou, le ministère de la Santé et la Commission interaméricaine des droits de l’homme.
Plus de 70 pour cent de l’Amazonie péruvienne sont maintenant grands ouverts au profit privé, et des compagnies pétrolières et gazières géantes, telles que l’anglo-française Perenco, l’américaine Conoco Phillips et Talisman Energy, ont investi des milliards de dollars dans l’extraction des ressources naturelles de cette région. Depuis des décennies, les populations indigènes voient ces industries dévaster la forêt vierge qui est leur refuge, mais aussi un trésor inestimable pour l’humanité. Il est du devoir de cette commission de réagir en affichant sa ferme détermination face à cette violation flagrante de la convention no 169 et aux souffrances qu’elle inflige à des populations qui voulaient défendre leurs droits en s’opposant à l’effroyable et terrifiante destruction de ces terres.
Le membre employeur de la Colombie a déclaré que l’OIT doit aborder uniquement les sujets qui la concernent, c’est-à-dire le monde du travail. Les questions plus générales relatives aux peuples indigènes et tribaux sont de la compétence d’autres organisations des droits de l’homme et de divers pactes internationaux, et seront traitées par les instances correspondantes, par exemple le système interaméricain des droits de l’homme. Seuls les articles 20 et 25 de la convention no 169 concernent les questions de travail. L’examen du projet de loi qui vise à réglementer la question des peuples indigènes du pays et d’autres questions au sein des instances appropriées, avec l’aide des populations touchées, doit être effectué rapidement et le texte adopté. S’agissant de l’INDEPA, les peuples indigènes y participent mais il s’agit d’une procédure en évolution. Le bureau régional du BIT a offert son assistance technique. En outre, des instances de dialogue ont été créées dans la forêt amazonienne et il existe une participation et une consultation au niveau local, avec le secteur pétrolier, pour la prospection et l’exploitation des terres des peuples indigènes, et également avec les secteurs de l’énergie et de l’environnement.
Le nom des entreprises dont il est question ne doit pas figurer dans le rapport de la commission d’experts car il revient à l’Etat de répondre et non pas aux entreprises. Tout en exprimant son regret à l’égard des actes de violence qui ont eu lieu récemment, il a rappelé la volonté du gouvernement du Pérou à dialoguer. Enfin, l’orateur s’est référé à l’article 34 de la convention, qui dispose que la nature et la portée des mesures prises pour donner effet à cet instrument doivent être déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions particulières à chaque pays. Enfin, il a exprimé le souhait que des sanctions soient infligées aux responsables des récents événements.
Le membre gouvernemental de l’Uruguay, s’exprimant au nom du Groupe des Etats d’Amérique latine et des Caraïbes (GRULAC), a souligné les informations fournies par le ministre de l’Emploi et de la Promotion du travail du Pérou relatives aux progrès réalisés pour assurer la mise en oeuvre de la convention no 169, qui se sont traduits par l’établissement de mécanismes régionaux et locaux de dialogue avec les peuples indigènes, la création de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens ainsi que d’un mécanisme de dialogue contenu dans les normes qui réglementent les activités extractives. En outre, il faut souligner l’indication du ministre de l’Emploi et de la Promotion du travail du Pérou selon laquelle le gouvernement de son pays a la volonté politique inébranlable de poursuivre son dialogue avec les peuples indigènes afin de parvenir à un consensus sur les questions qui touchent leurs intérêts. Il faut se féliciter de la reconnaissance par le Pérou des défis auxquels il doit faire face pour parvenir à la pleine application de la convention. Il a demandé au Bureau de fournir l’assistance technique nécessaire comme l’a sollicité le gouvernement. Plusieurs pays de la région ont été appelés à se présenter devant cette commission, même s’ils coopèrent avec les mécanismes de contrôle de l’OIT et déploient des efforts au niveau national afin de mettre pleinement en oeuvre les droits au travail. Il est à craindre que cette situation ne se poursuive indéfiniment, au détriment de l’examen par cette commission de situations graves dans les différentes régions du monde. Finalement, l’orateur a demandé que les conclusions de la commission prennent en compte les progrès importants réalisés par le Pérou dans la mise en oeuvre de la convention.
La membre travailleuse de la République bolivarienne du Venezuela a indiqué que le gouvernement péruvien est obligé de reconnaître, respecter et protéger les peuples indigènes, en tenant compte des dispositions de sa propre Constitution et des traités internationaux, dont la convention no 169, ratifiée il y a quinze ans. Toutefois, il existe une politique établie contre les peuples indigènes, depuis le premier mandat du Président en exercice, en passant par Fujimori et Toledo. Cette politique se développe encore pendant le deuxième mandat du Président. Ceci s’exprime principalement dans les réformes législatives consécutives visant à criminaliser les protestations des indigènes, des organisations populaires, des dirigeants syndicaux et paysans. Tout cela est destiné à limiter, voire réduire à néant, la capacité de défense de ces travailleurs et à confisquer les droits des peuples indigènes que le peuple péruvien leur a toujours reconnus. L’oratrice a souligné qu’en vertu de l’article 3 de la convention no 169, le gouvernement est tenu de garantir aux peuples indigènes la jouissance de toutes les libertés fondamentales, sans entrave ni discrimination. Il ne faut pas faire usage de la force ou de la contrainte en violation de leurs droits et libertés. La caractéristique du modèle de développement de l’Etat péruvien est largement basée sur l’exploitation des ressources naturelles, ce qui entraîne la destruction des conditions de vie des peuples indigènes sans que soit pris en compte l’impact négatif direct de ces politiques sur ces derniers. L’important est de définir le contexte dans lequel ces quatre décrets ont été adoptés. Lesdits décrets ont déclenché les récents événements qui ont été décrits comme étant du terrorisme d’Etat et un génocide. Le contexte est l’imposition par le gouvernement du traité de libre-échange, sans consultation démocratique du peuple péruvien, telle qu’organisée pour la Constitution de l’Union européenne. L’oratrice a souligné le rôle important de l’OIT et a soutenu la demande présentée à la commission concernant l’envoi d’une mission de haut niveau visant à mettre fin aux exécutions, à la violence et, elle a plaidé pour l’abrogation des quatre décrets qui violent les droits des indigènes péruviens.
Un membre du Forum permanent des Nations Unies sur les questions autochtones a remercié l’OIT de lui donner l’opportunité de s’adresser à la Commission de l’application des normes. Il a fait part de sa vive préoccupation concernant les violences qui ont éclaté à Bagua le 5 juin. Il s’est référé aux informations fournies par la mission permanente du Pérou auprès des Nations Unies et communiquées au forum permanent, ainsi qu’à une déclaration dans laquelle la présidente du forum permanent appelle notamment toutes les parties à mettre un terme à ces violences et a exprimé ses plus sincères condoléances à toutes les victimes et à leurs familles.
Les événements du 5 juin faisaient suite à l’état de siège décrété par le gouvernement le 8 mai 2009 en réaction à la mobilisation des populations indigènes de la région de l’Amazone contre une série de décrets législatifs facilitant l’octroi de concessions minières sans consultation adéquate et dans le mépris du droit des peuples indigènes à un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Auparavant, la présidente du forum permanent avait déjà exprimé ses inquiétudes devant les conséquences de l’état de siège qui suspend les libertés individuelles et politiques des populations indigènes de la région de l’Amazone, incrimine les dirigeants indigènes et les défenseurs des droits de l’homme et militarise un peu plus les territoires indigènes.
L’orateur a rappelé que, en tant que partie à la convention no 169 de l’OIT ainsi qu’à d’autres instruments relatifs aux droits de l’homme, le gouvernement est tenu de respecter les droits de l’homme des peuples indigènes. De plus, le Pérou a conduit la négociation de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et a été un des plus ardents partisans de l’adoption de ce texte qui proclame le respect absolu des droits des peuples indigènes, dont le droit à la vie, à l’intégrité physique et mentale, à la liberté et la sécurité de la personne, ainsi que le droit aux terres, territoires et ressources qu’elles possèdent et occupent traditionnellement et le droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, comme le prévoient les articles 26, 29 et 32.
Compte tenu de l’extrême gravité de la situation et de l’urgente nécessité d’éviter que de tels événements se reproduisent, l’orateur a appelé le gouvernement à: collaborer avec les peuples indigènes en vue d’instaurer un dialogue authentique et empreint de respect entre le gouvernement et les organisations représentant ces peuples; ouvrir d’urgence une enquête indépendante et impartiale sur les incidents de Bagua, avec la participation du médiateur et d’institutions internationales; fournir d’urgence des soins médicaux à tous ceux qui ont été blessés et venir en aide aux familles des victimes; et se conformer à ses obligations nationales et internationales s’agissant de la protection de tous les droits de l’homme, y compris les droits des peuples indigènes et des défenseurs des droits de l’homme, et en particulier leur droit à la vie et à la sécurité.
Enfin, l’orateur a indiqué que le forum permanent est prêt à aider le gouvernement ainsi que les peuples indigènes concernés à chercher les moyens de parvenir à un accord fondé sur le dialogue, la compréhension réciproque, la tolérance et le respect des droits de l’homme. Il est urgent que le gouvernement et les peuples indigènes affectés redoublent d’efforts en vue de régler les conflits dans la région d’une manière ouverte et transparente qui favorise le dialogue, évite la violence et respecte les droits de l’homme.
Le représentant gouvernemental du Pérou, ministre du Travail et de la Promotion de l’emploi, après avoir remercié la commission pour l’intérêt qu’elle a manifesté, a déclaré que l’expression de cet intérêt doit s’accompagner d’actions de bonne foi afin que le gouvernement puisse dialoguer avec les communautés concernées, exprimant son désaccord par rapport à certaines interventions, dont il a estimé qu’elles étaient erronées et donnaient une fausse impression de la réalité.
En ce qui concerne les consultations auxquelles se sont référés les divers représentants des travailleurs, il a cité, à titre d’exemple, un site Internet sur lequel il a été récemment affirmé que l’OIT avait mis son pays sur le banc des accusés et a lancé un appel pour un dialogue social de bonne foi, qui a toujours été l’un des piliers de l’OIT. Le dialogue social suppose la recherche, par les interlocuteurs, d’une base d’accords susceptibles de répondre à leurs intérêts communs.
Dans le domaine législatif, le Congrès de la République vient d’approuver la loi no 29 376 en vertu de laquelle le délai de suspension des décrets législatifs est supprimé. Le 24 mars 2009, une instance permanente de dialogue où sont représentés le gouvernement et les communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne a été instaurée par décret. Cela montre la ferme volonté du gouvernement de dialoguer avec les communautés indigènes. Le 31 mars 2009, une commission de travail a été créée. Ces initiatives, qui s’ajoutent à la création de la commission multisectorielle, démontrent le renforcement des institutions indigènes, c’est-à-dire la bonne volonté du gouvernement dans le sens du dialogue social.
S’agissant des décrets législatifs, ceux-ci sont autorisés par la législation, et le pouvoir législatif peut ainsi déléguer au pouvoir exécutif son pouvoir de légiférer. Il existe des tribunaux garantissant le respect des règles constitutionnelles, qui peuvent prononcer l’inapplicabilité d’un instrument s’il excède le cadre légal. Le décret législatif no 1090 a été pris dans le but de mettre de l’ordre dans une législation dispersée. A cet égard, il est important de souligner que plus de 1 250 communautés se sont vu attribuer des terres dans le cadre d’un programme; 240 communautés n’ont pu en bénéficier, du fait que toute la documentation a été détruite dans un incendie. Il convient de souligner que l’Amazonie connaît des pratiques de déforestation illégale et de travail forcé: plus de 10 millions d’hectares de forêt ont été détruits à cause de l’absence de réglementation. A l’heure actuelle, le Congrès est saisi d’un projet de loi visant à l’adoption d’une loi-cadre. On ne saurait admettre que l’on veuille abroger toutes les règles avant de s’asseoir pour dialoguer. Enfin, l’orateur a ajouté que, lorsque le gouvernement actuel est entré en fonctions, plus de 50 pour cent de la population vivait en dessous du seuil de pauvreté. Ce taux est aujourd’hui descendu à 35,8 pour cent, et l’on espère qu’il diminuera encore pour atteindre 30 pour cent à la fin de l’année 2010.
Les membres employeurs ont déclaré qu’il s’agit là d’un cas grave qui cumule la non-soumission de rapports et un défaut d’application de la convention. Etant donné que les peuples indigènes et tribaux figurent souvent parmi les plus désavantagés de la société, ils ont instamment prié le ministre d’envisager l’adoption d’un plan d’action pour régler les problèmes afférents à l’application de la convention no 169. S’agissant de l’article 34 de cette convention, il convient également de souligner que «la nature et la portée des mesures à prendre pour donner effet à la présente convention doivent être déterminées avec souplesse, compte tenu des conditions particulières à chaque pays». Le gouvernement doit prendre immédiatement des mesures positives afin de fournir à la commission d’experts les informations qu’elle demande pour pouvoir analyser correctement la situation. Quant à la requête du gouvernement demandant une assistance technique juridique, ce point devrait figurer dans les conclusions afin d’assurer qu’une assistance constructive soit apportée, particulièrement en ce qui concerne l’interprétation de l’article 1 de la convention no 169. Une explication exhaustive des difficultés rencontrées et des préoccupations exprimées au niveau national, en coopération avec les partenaires sociaux, aiderait la commission d’experts à formuler des solutions en vue d’une application correcte de la convention no 169, en éliminant les obstacles d’ordre juridique et pratique. Les conclusions devraient évoquer l’analyse de la convention no 169 et les commentaires de la commission d’experts. Les membres employeurs ont également ajouté que le gouvernement avait été prié par la commission d’experts de répondre de manière détaillée à ses commentaires en 2009.
Les membres travailleurs ont souligné que les déclarations des différents orateurs ont démontré l’existence d’une situation d’extrême urgence. Les assassinats qui ont été dénoncés sont liés au thème couvert par la convention no 169. Il convient de respecter tout autant la liberté d’expression que le langage parlementaire. En ce qui concerne le décret législatif no 1090, qui est suspendu pendant 90 jours, le temps est compté car il faut faire comprendre au gouvernement que le texte doit en être modifié afin de le mettre en conformité avec les exigences de la convention relatives notamment à la consultation des peuples indigènes. L’article 7 de la convention établit le droit à la participation des peuples indigènes à l’élaboration des plans de développement des régions dans lesquelles ils habitent. Il prévoit par ailleurs que les projets particuliers de ces régions doivent promouvoir l’amélioration de leurs conditions de vie. La convention no 169 ne se limite pas au droit du travail, comme cela a été affirmé à tort. Elle forme un tout, et l’ensemble de ses articles relèvent de la compétence de cette commission. Les membres travailleurs ont demandé l’envoi d’une mission de haut niveau dans les plus brefs délais, comme l’ont suggéré de nombreux gouvernements ainsi que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et les libertés fondamentales des populations autochtones, afin de mettre en place les conditions politiques et juridiques qui permettront de garantir les droits des peuples indigènes au Pérou de la manière prévue par la convention. Le rapport de cette mission devrait être soumis à la commission d’experts lors de sa session de 2009, afin qu’elle puisse déterminer les étapes qui ont été franchies et celles qui doivent encore l’être.
Les membres travailleurs ont déploré que, malgré la gravité du cas examiné, la demande de mission de haut niveau n’ait pas été acceptée, et ce, alors que le gouvernement a invité le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones à se rendre dans le pays.
La commission a pris note de la déclaration du représentant gouvernemental et de la discussion qui a suivi. Elle a noté que la commission d’experts formule des commentaires depuis un certain nombre d’années et qu’elle se dit préoccupée par les problèmes persistants rencontrés dans l’application de la convention dans plusieurs domaines, en particulier en ce qui concerne la nécessité d’établir des critères harmonisés pour identifier les peuples indigènes (article 1), la nécessité de développer une action coordonnée et systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité (articles 2 et 33), et la nécessité d’établir des mécanismes appropriés de consultation et de participation, disposant des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions, y compris en ce qui concerne l’adoption de mesures législatives et l’exploitation des ressources naturelles (articles 2, 6, 7, 15, 17, paragraphe 2, et 33). La commission se dit préoccupée par le fait que le gouvernement, comme cela a été le cas à maintes reprises, n’a pas répondu aux demandes d’informations formulées spécifiquement par la commission d’experts.
La commission a noté les informations communiquées par le gouvernement selon lesquelles un projet de loi-cadre sur les peuples indigènes a été élaboré. Ce projet, entre autres, définit les «peuples indigènes et aborigènes» au sens de l’article 1 de la convention. En ce qui concerne les articles 2 et 33, le gouvernement a fait référence à l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) qui a été créé en 2005. En ce qui concerne les articles 6 et 17, le gouvernement a déclaré que les décrets législatifs nos 1015 et 1073 sur les conditions d’aliénation d’un territoire communal ont été abrogés par la loi no 2926 de 2008. En ce qui concerne la consultation et la participation, le gouvernement a mis en place en mars 2009 une table ronde pour le dialogue permanent entre l’Etat du Pérou et les peuples indigènes de l’Amazonie péruvienne et, en avril 2009, il a institué une commission multisectorielle qui constitue un autre espace de dialogue pour répondre aux préoccupations des peuples indigènes de l’Amazonie.
La commission a pris note de la déclaration du gouvernement selon laquelle plusieurs décrets législatifs sur l’exploitation des ressources naturelles ont été publiés en 2008, dont les décrets législatifs nos 1064 et 1090, et les mécanismes de dialogue en place risquent de ne pas permettre de résoudre les divergences de vues entre le gouvernement et les peuples indigènes sur ces décrets. Le gouvernement a aussi informé la commission au sujet de la mobilisation des peuples indigènes qui est intervenue par la suite et des incidents qui ont eu lieu à Bagua le 5 juin 2009 et se sont soldés par des morts et des blessés, tant parmi les peuples indigènes que la police.
La commission s’est déclarée gravement préoccupée par ces actes de violence qui ont fait des morts et des blessés et a demandé instamment à toutes les parties de ne pas recourir à la violence. La commission a demandé au gouvernement de déployer davantage d’efforts pour garantir les droits de l’homme et les libertés fondamentales des peuples indigènes, sans discrimination, conformément à ses obligations au titre de la convention (article 3). La commission a noté que la situation actuelle dans le pays a été provoquée par l’adoption de décrets législatifs relatifs à l’exploitation des ressources naturelles sur des terres traditionnellement occupées par des peuples indigènes. La commission a noté que, depuis un certain nombre d’années, la commission d’experts formule des commentaires sur l’adoption, sans consultation des peuples indigènes intéressés, d’une législation réglementant ces questions, ce qui est contraire à la convention.
La commission s’est félicitée que le gouvernement ait déclaré qu’il s’engageait à rétablir le dialogue et à mettre en place un cadre législatif cohérent tenant compte des droits et des préoccupations des peuples indigènes. La commission a souligné qu’un dialogue véritable doit se fonder sur le respect des droits et de l’intégrité des peuples indigènes. La commission s’est félicitée de la suspension récente par le Congrès des décrets législatifs nos 1064 et 1090, et de l’établissement, le 10 juin 2009, d’un Groupe national de coordination pour le développement des peuples indigènes de l’Amazonie, afin de faciliter la recherche de solutions aux revendications de ces peuples. La commission a demandé au gouvernement de s’efforcer davantage de veiller à ce qu’aucune législation sur l’exploration ou l’exploitation des ressources naturelles ne soit appliquée ou adoptée sans consultation préalable des peuples indigènes qui sont concernés par ces mesures, afin de satisfaire pleinement aux exigences de la convention.
La commission a insisté sur l’obligation qu’a le gouvernement de mettre en place des mécanismes appropriés et efficaces pour la consultation et la participation des peuples indigènes, mécanismes qui sont la pierre angulaire de la convention. Les peuples indigènes ont le droit de décider de leurs propres priorités et de participer à l’élaboration, à la mise en oeuvre et à l’évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement, comme le prévoit l’article 7, paragraphe 1, de la convention. Cette question restera un sujet de préoccupation tant que les organes et mécanismes de consultation et de participation des peuples indigènes ne disposeront pas de véritables moyens humains et financiers, qu’ils ne seront pas indépendants et qu’ils n’exerceront pas d’influence dans les processus de décision pertinents. A cet égard, la commission a prié instamment le gouvernement d’entamer immédiatement un dialogue avec les institutions représentatives des peuples indigènes, dans un climat de confiance et de respect mutuels. Elle a appelé le gouvernement à mettre en place les mécanismes de dialogue requis par la convention afin de garantir une consultation et une participation systématiques et efficaces des peuples indigènes. De plus, la commission a appelé le gouvernement à lever les ambiguïtés de la législation en ce qui concerne l’identification des peuples auxquels elle s’applique en vertu de l’article 1; ce point est également essentiel pour progresser durablement dans l’application de la convention.
La commission a prié instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mettre, sans plus tarder, la loi et la pratique nationales en conformité avec la convention. La commission a demandé au gouvernement d’élaborer un plan d’action à cette fin, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes. La commission s’est félicitée de la demande d’assistance technique formulée par le gouvernement et a estimé que l’OIT peut apporter une précieuse contribution en la matière, notamment par le biais du programme pour la promotion de la convention no 169 de l’OIT (PRO169). La commission a demandé au gouvernement de fournir des informations complètes dans le rapport qu’il soumettra en 2009 au titre de l’article 22 de la Constitution de l’OIT, afin de répondre à toutes les questions soulevées, d’une part, dans l’observation de la commission d’experts et, d’autre part, dans les communications reçues par la commission d’experts et émanant de différentes organisations de travailleurs, communications qui ont été préparées en collaboration avec des organisations de peuples indigènes.
En conclusion, la commission a noté avec intérêt les informations fournies par le gouvernement selon lesquelles le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones a été invité à se rendre dans le pays.
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Article 14 de la convention. Communauté de Santo Domingo de Olmos. Dans ses précédents commentaires, la commission avait mentionné le cas de la communauté de Santo Domingo de Olmos. La commission rappelle que, en vertu du décret suprême no 017-99-AG, ont été déclarés en friche 111 656 hectares sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux, et que cette superficie devait être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial Olmos d’irrigation et de production hydroélectrique. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures adéquates, après consultation de la communauté concernée, pour identifier et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui empêchent la communauté de Santo Domingo de Olmos de revendiquer effectivement des terres qui, selon elle, sont occupées traditionnellement, afin qu’elles puissent intenter le recours prévu à l’article 14, paragraphe 3, de la convention. La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles le projet d’irrigation vise à améliorer l’irrigation, à élargir le secteur agricole et à produire de l’électricité. Les terrains incorporés au domaine de l’Etat ne sont enregistrés au nom d’aucune personne physique ou morale, et le projet spécial Olmos Tinajones en dispose depuis plus de dix ans. En vertu d’une entente avec la communauté paysanne de Olmos, 5 500 hectares vont bénéficier d’infrastructures d’irrigation; l’utilisation optimale de l’eau et l’association d’agriculteurs pour réaliser des économies d’échelle vont être encouragées. Un processus de participation a été mis en œuvre en collaboration avec la communauté paysanne de Santo Domingo de Olmos concernant leur déplacement. Les questions concernant le déplacement et l’indemnisation ont été confiées à une équipe de spécialistes. Le président de la communauté paysanne de Santo Domingo de Olmos siège au conseil de direction du projet spécial Olmos Tinajones, à savoir à l’organe suprême de cette entité. Enfin, le gouvernement indique que, en octobre 2009, la communauté de Santo Domingo de Olmos et le projet ont passé un accord spécifique en vertu duquel le projet prend en charge les coûts qu’entraînent les démarches administratives liées à l’octroi de titres de propriété sur les terres de la communauté, afin que celle-ci puisse participer au développement que permet le projet d’irrigation et de production d’énergie. La commission prie le gouvernement de continuer à fournir des informations sur les effets des accords conclus entre la communauté de Santo Domingo de Olmos et l’Etat, notamment sur le processus participatif qui concerne le déplacement et l’indemnisation, et sur le processus d’octroi de titres de propriété sur les terres.
Article 25. Santé. La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles un projet est mis en œuvre depuis 2002 pour s’intéresser à l’état de santé des populations autochtones. Dans le cadre de ce projet, des informations sont recueillies sur les principaux problèmes de santé de ces populations. Une étude de surveillance épidémiologique sur les maladies sexuellement transmissibles, le VIH/sida et l’hépatite B a été réalisée en 2008 et 2009. De plus, dans plusieurs régions, une campagne a été menée pour accorder une plus grande attention aux questions sanitaires. La commission prie le gouvernement de continuer à communiquer des informations à jour sur les mesures adoptées en application de l’article 25 de la convention.
Article 31. Mesures éducatives. Dans ses précédents commentaires, la commission avait prié le gouvernement d’adopter sans tarder des mesures d’ordre éducatif dans tous les secteurs de la communauté nationale afin d’éliminer les préjugés pouvant exister à l’égard des peuples couverts par la convention. A cet égard, la commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles: 1) la culture des peuples indigènes est prise en considération dans l’ensemble des organismes éducatifs, bilingues ou non; 2) le programme de formation des enseignants assure la formation initiale et continue d’enseignants dans les organismes éducatifs, bilingues ou non; 3) l’utilisation et la réhabilitation de langues autochtones sont encouragées dans tout le pays, et l’utilisation des diverses langues nationales est standardisée; 4) des campagnes ont été menées pour promouvoir les liens interculturels, et du matériel pédagogique a été publié pour s’assurer que les informations présentées tiennent compte de critères d’équité et de l’inclusion; du matériel a également été imprimé dans les langues originaires; et 5) des formations universitaires s’adressant aux fonctionnaires ont été organisées afin de les sensibiliser à la question de l’adoption et de la mise en œuvre de politiques publiques interculturelles. La commission demande au gouvernement de continuer à prendre des mesures pour éliminer les préjugés dont sont victimes les peuples visés par la convention, et le prie de fournir des informations sur toute évolution en la matière.
La commission prend note de la discussion qui a eu lieu à la Commission de la Conférence en juin 2010 et de ses conclusions. La commission prend également note des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) formulées avec la collaboration de l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), de la Confédération nationale des communautés du Pérou affectées par les mines (CONACAMI), de la Confédération nationale agraire (CNA), de la Confédération paysanne du Pérou (CCP), de l’Association Paz y Esperanza, du Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique (CAAP), de CARE Perú, de l’organisation Droit, environnement et ressources naturelles (DAR), de l’Institut du bien commun (IBC) et du Service d’information autochtone (SERVINDI) du 27 juillet 2010. Ces observations concernent les questions en suspens, notamment la non‑promulgation de la loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable, l’existence d’un projet de loi qui permet des déplacements de populations en cas de projet de grande envergure ainsi que l’existence de nombreux décrets qui tendent à diviser et à réduire les territoires communautaires. La commission prend également note des observations de la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) du 25 août 2010, qui concernent la non-reconnaissance des peuples autochtones du Pérou, le non-respect du droit des peuples autochtones à être consultés, des problèmes pour identifier les terres que les peuples autochtones occupent traditionnellement, l’absence, dans le pays, d’organismes compétents pour s’occuper des questions des peuples autochtones, puisque l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA) ne remplit pas ses fonctions et que les peuples autochtones ne sont pas représentés à son conseil de direction. Selon la CUT, pour cette raison, le gouvernement a dû organiser des tables rondes pour résoudre les conflits avec les peuples autochtones d’Amazonie. La commission note que, dans la communication du 7 octobre 2010, le gouvernement formule des observations pour répondre à celles de la CGTP. La commission souligne que certaines des questions posées par les organisations syndicales font l’objet d’une réclamation en vertu de l’article 24 de la Constitution et que, en conséquence, elles seront examinées dans le cadre de cette réclamation.
Suivi des conclusions de la Commission de la Conférence. En 2009, la Commission de la Conférence avait soulevé plusieurs questions, y compris les incidents à Bagua qui ont entraîné la mort de nombreuses personnes et fait des blessés parmi les membres des communautés autochtones et au sein de la police. En 2010, la Commission de la Conférence a demandé instamment au gouvernement de donner des informations concernant la promulgation et l’application de la loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable, adoptée le 19 mai 2010 par le Congrès, et concernant les mesures provisoires y afférentes afin d’apprécier si les dispositions de la convention sont respectées. La Commission de la Conférence a également estimé que l’INDEPA devait faire l’objet d’une réforme avec la pleine participation des organisations représentatives des peuples autochtones pour garantir la légitimité et la réelle capacité d’action de cet organe, et pour assurer l’application de la loi sur la consultation. La Commission de la Conférence a demandé des informations sur l’application du plan de développement pour la région amazonienne. Elle a également estimé que des progrès devaient être faits concernant l’élaboration et la mise en œuvre de plans d’action qui traitent de façon systématique les problèmes à l’examen relatifs à la protection des droits des peuples couverts par la convention. Enfin, elle a souligné qu’il fallait garantir que ces plans d’action soient élaborés et mis en œuvre avec la participation des organisations représentatives des peuples autochtones, conformément aux articles 2 et 6 de la convention. Enfin, la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement de communiquer des informations concernant les effets, sur la formation d’enseignants bilingues, de la résolution ministérielle no 0017-2007-ED, qui définit des critères d’admission à la formation d’enseignants. Elle a incité le gouvernement à recourir à l’assistance technique du BIT pour s’assurer que des progrès suffisants sont réalisés en vue d’appliquer la convention.
Enquête sur les événements de Bagua. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait instamment demandé au gouvernement de prendre sans tarder les mesures nécessaires pour que les événements de Bagua de juin 2009, qui avaient coûté la vie à 23 policiers et 10 civils, fassent l’objet d’enquêtes efficaces et impartiales, et de fournir des informations précises sur cette question. La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles, dans le cadre du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, la table ronde no 1, composée de trois représentants du pouvoir exécutif, trois représentants des peuples autochtones et un représentant des gouvernements régionaux, a été mise en place. Cette table ronde a établi deux rapports, l’un élaboré par la majorité de ses membres, et l’autre par une minorité. D’après le gouvernement, ces rapports ont été adoptés par la présidence du Conseil des ministres et transmis aux instances compétentes du pouvoir exécutif, du ministère public et du pouvoir judiciaire. La commission note également que le pouvoir législatif a mis sur pied une commission multipartite chargée d’enquêter sur les événements survenus dans la ville de Bagua et aux alentours. Cette commission a élaboré des rapports présentés au Congrès siégeant en séance plénière. Par ailleurs, le parquet provincial d’Utcubamba a engagé des poursuites judiciaires pour homicide, violence, non-respect de l’autorité et détention d’armes à feu. La commission prend note des informations communiquées par la CGTP selon lesquelles le rapport élaboré par la majorité par la table ronde no 1 ne fait pas la lumière sur les événements et n’établit pas les responsabilités. Ce rapport n’a pas été approuvé par les peuples autochtones. La CGTP souligne également que, d’après les conclusions du rapport du Congrès, ces événements sont dus à la violation des droits fondamentaux des peuples autochtones. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées suite aux différents rapports élaborés dans le cadre de la table ronde no 1 du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, aux conclusions formulées par le Congrès et aux rapports élaborés par la commission d’enquête multipartite, et d’indiquer l’issue des poursuites judiciaires en cours concernant les événements de Bagua.
Article 6. Consultation. La commission rappelle que la Commission de la Conférence s’est félicitée de l’adoption, par le Congrès de la République, de la loi sur la consultation préalable, et a indiqué qu’elle voulait croire que cette loi serait promulguée rapidement par le Président de la République. La commission rappelle aussi que cette loi résulte des négociations menées avec le pouvoir exécutif et les organisations amazoniennes dans le cadre de la table ronde no 3, qui avait pour objet de parvenir à un accord sur une loi relative à la consultation. A cet égard, la commission prend note avec regret de l’information du gouvernement selon laquelle la loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable a été adoptée par le Parlement mais n’a pas été promulguée par le pouvoir exécutif, lequel a formulé des observations sur ce texte (communication no 142-2010-DP/SCM). Le gouvernement ajoute que la loi a été renvoyée au Congrès en vue d’être révisée, que la Commission constitutionnelle et réglementaire et la Commission des peuples andins, amazoniens, afropéruviens, de l’écologie et de l’environnement se sont déjà prononcées et que le Congrès siégeant en séance plénière examinera la loi et les observations sous peu. La commission note que, dans ses observations concernant la loi adoptée par le Congrès, le pouvoir exécutif: 1) a relevé qu’il convenait de préciser, dans la loi, que les peuples autochtones n’ont pas le droit de véto dans le processus de consultation sur les projets de prospection et d’exploitation des ressources naturelles lorsque ces projets ont fait l’objet d’une information et d’une analyse assurées en bonne et due forme avec les peuples autochtones situés de la zone où ils doivent être mis en œuvre (observation no 1); 2) a estimé que la possibilité pour les peuples autochtones de contester en justice les décisions du pouvoir exécutif concernant la participation de certains peuples autochtones, prévue à l’article 9 de la loi, existait déjà, puisque toute personne ou organisme peut désormais former des recours en justice en vue d’obtenir une garantie, une annulation ou une indemnisation (observation no 5); et 3) a estimé que la loi devait établir une différence claire entre les territoires d’Amazonie dont la propriété est publique et les zones dont les communautés d’origine sont propriétaires […]. C’est dans ces zones que le droit de consultation doit s’exercer (observation no 6).
Dans ce contexte, la commission rappelle l’observation générale qu’elle formule cette année sur l’obligation de «consulter» dans le contexte de la convention qui conclut que: «1) les consultations doivent être menées en bonne et due forme et de bonne foi et doivent être exhaustives; un dialogue authentique doit s’instaurer entre les gouvernements et les peuples autochtones et tribaux, caractérisé par la communication et la compréhension, le respect mutuel, la bonne foi et la volonté sincère de parvenir à un accord; 2) des procédures appropriées doivent être mises en place au niveau national et revêtir une forme appropriée aux circonstances; 3) des consultations doivent être menées à travers des institutions représentatives des peuples autochtones et tribaux en ce qui concerne les mesures législatives et administratives; 4) des consultations doivent être menées avec comme objectif de parvenir à un accord sur les mesures envisagées ou à un consentement à l’égard de ces mesures». Dans ces conditions, la commission souligne que le droit de consultation des peuples autochtones ne peut se limiter exclusivement aux mesures concernant les terres autochtones ayant fait l’objet de titres de propriété, comme semble l’indiquer l’observation no 6 du pouvoir exécutif, mais qu’il concerne toutes les mesures administratives ou législatives susceptibles de les toucher directement, même les mesures relatives à des terres ou des territoires autochtones traditionnellement occupés ou utilisés qu’ils aient ou non fait l’objet de titres. Les peuples autochtones doivent également être en mesure, conformément à l’article 12 de la convention, de pouvoir engager une procédure légale, individuellement ou collectivement, pour protéger de manière effective leurs droits, notamment leur droit à la consultation. La commission espère vivement que la loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable sera adoptée prochainement par le Congrès, qu’elle sera le fruit d’un processus de consultations continues menées avec les institutions représentatives des peuples autochtones, y compris pour ce qui est des observations du pouvoir exécutif, et qu’elle sera pleinement conforme aux dispositions de la convention. De plus, la commission demande au gouvernement d’assurer le respect du droit de participation et de consultation des peuples autochtones et tribaux avant d’adopter des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. La commission prie également le gouvernement de veiller à ce que la loi contienne des dispositions spécifiques permettant aux peuples autochtones d’agir en justice, individuellement ou par le biais de leurs représentants, s’ils estiment que leur droit d’être consultés sur les mesures qui les touchent directement n’a pas été respecté. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur toute évolution en la matière.
La commission prend également note de la décision explicative du Tribunal constitutionnel du 24 août 2010 (dans l’affaire no 06316-2008-PA/TC) selon laquelle il faut considérer que l’obligation de respecter le droit de consultation s’impose dès la publication de la décision no 022-2009-PI/TC selon les éléments qu’elle énumère. La commission souligne que la décision no 022-2009-PI/TC est datée du 9 juin 2010, par conséquent, le droit d’être consulté n’était pas considéré comme étant obligatoire avant cette date. A cet égard, la commission rappelle que, conformément à l’article 38 de la convention, cette convention entrera en vigueur pour chaque Membre de l’OIT douze mois après la date où sa ratification aura été enregistrée. Compte tenu du fait que le Pérou a ratifié la convention le 2 février 1994, la commission rappelle que toutes ses dispositions, y compris les dispositions relatives à l’obligation de consultation, sont obligatoires à son égard depuis le 2 février 1995. En vertu de l’article 38 de la convention, et compte tenu de l’article 12 de la convention concernant la protection judiciaire des droits reconnus dans la convention, la commission prie le gouvernement d’indiquer de quelle manière il s’assure que les peuples autochtones peuvent faire valoir efficacement, devant les tribunaux, le droit à la consultation depuis l’entrée en vigueur de la convention.
Articles 2 et 33. Plan d’action coordonnée et systématique. Dans ses précédents commentaires, la commission avait instamment prié le gouvernement de garantir la participation pleine et effective des peuples autochtones et la consultation de ces derniers, par l’intermédiaire de leurs institutions représentatives, dans l’élaboration du plan d’action, afin d’aborder de manière coordonnée et systématique les problèmes restant à régler concernant la protection des droits de peuples couverts par les dispositions de la convention, et de mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec la convention. La commission avait également demandé au gouvernement de fournir des informations sur cette question et sur les activités des différents organes mentionnés, en indiquant comment sont garanties la participation des peuples intéressés et la coordination des activités de ces organes, et comment est assuré un lien entre leurs activités et l’élaboration du plan d’action. La commission prend note de l’indication de la CGTP selon laquelle il n’existe toujours pas de plan d’action concerté ni de dialogue ou de consultation sur sa future mise en œuvre, et que les différentes entités publiques poursuivent leurs politiques sectorielles sans participation réelle des peuples autochtones. A cet égard, la commission note que le gouvernement indique que, dans le cadre du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, a eu lieu la table ronde no 4 intitulée «Plan national de développement de l’Amazonie». Dans ce cadre, 82 réunions de travail ont eu lieu, et un plan national de développement des peuples amazoniens a été élaboré grâce à un accord entre les représentants du gouvernement national, des gouvernements régionaux et des deux organisations autochtones les plus représentatives (l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP) et la Confédération des nationalités autochtones du Pérou (CONAP)). Ce plan prévoit des mesures, dont certaines étaient demandées par la commission, dans les domaines suivants: droit de propriété et sécurité juridique, éducation interculturelle bilingue, système de santé interculturel, participation des peuples autochtones à l’exploitation des ressources naturelles, politiques de développement et projets productifs, entre autres. La commission exprime à nouveau sa préoccupation par le fait que la multiplication d’organes compétents – dont les prérogatives sont parfois les mêmes – peut empêcher l’élaboration d’une réponse coordonnée et systématique aux problèmes de protection et de garantie des droits des peuples autochtones, et rappelle que les articles 2 et 33 de la convention prévoient une action coordonnée et systématique, ainsi que la participation des peuples autochtones depuis l’élaboration des mesures prévues dans la convention jusqu’à l’évaluation de celles-ci. La commission demande au gouvernement:
i) d’indiquer si le plan national de développement des peuples amazoniens est appliqué, en indiquant les résultats obtenus;
ii) d’indiquer s’il existe un autre plan élaboré en consultation avec les peuples autochtones au niveau national ou au niveau régional qui concerne les peuples autochtones en général ou les communautés andines en particulier;
iii) de communiquer des informations supplémentaires sur les fonctions exercées par les diverses entités mentionnées par le gouvernement et d’indiquer si elles sont toujours en fonctionnement, en précisant comment leur action est coordonnée.
Institut national des peuples andins, amazoniens et afropéruviens (INDEPA). La commission souligne que la Commission de la Conférence a pris note des informations du gouvernement selon lesquelles la loi sur le droit à la consultation préalable des peuples autochtones et d’origine confère un rôle central à l’INDEPA; elle a considéré qu’il était nécessaire de le réformer avec la pleine participation des organisations représentatives des peuples autochtones, pour assurer sa légitimité et sa réelle capacité d’action. La commission note que la CGTP indique, une fois de plus, que la réforme institutionnelle de l’INDEPA n’a pas fait l’objet d’une consultation des peuples autochtones. A cet égard, elle note que le gouvernement indique que, pour faire suite aux conclusions auxquelles sont parvenues les tables rondes organisées dans le cadre du Groupe national de coordination et auxquelles ont participé des représentants des organisations des peuples autochtones, l’INDEPA a été transféré à la présidence du Conseil des ministres et a été reconnu comme organisme public technique spécialisé (décrets suprêmes no 022-2010-PCM et no 048‑2010-PCM). Le gouvernement indique également qu’il a été prévu de constituer un conseil de direction de l’INDEPA comprenant des représentants des peuples andins, amazoniens et afropéruviens. Le gouvernement indique que l’INDEPA est doté de quatre centres de coordination au niveau national, lesquels ont été créés depuis peu et comprennent des représentants autochtones. Ils permettent d’établir des liens entre les peuples andins, amazoniens et afropéruviens et les gouvernements régionaux et locaux, de prévenir les conflits, d’encourager la participation et de créer un espace de participation permanente. En fait, le règlement relatif à l’organisation des fonctions de l’INDEPA fait actuellement l’objet d’une révision par le Conseil des ministres. Depuis l’adoption de la loi no 29565 du 22 juillet 2010, l’INDEPA ne relève désormais plus de la présidence du Conseil des ministres mais des services du ministre adjoint chargé des questions interculturelles, qui dépendent du ministère de la Culture. La commission relève que, depuis plusieurs années, l’INDEPA subit une instabilité institutionnelle: sa hiérarchie a changé plusieurs fois, et il a relevé de ministères et d’autorités divers. La commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour assurer la participation effective des institutions représentatives des peuples autochtones à la réforme institutionnelle de l’INDEPA, à la constitution de son conseil de direction et à la révision du règlement relatif à l’organisation de ses fonctions, afin d’assurer sa légitimité et sa réelle capacité d’action. La commission demande au gouvernement de fournir des informations sur ce point, en ce qui concerne les effets de la création récente des quatre centres de l’INDEPA sur le dialogue entre les gouvernements régionaux et locaux et les peuples autochtones intéressés, et la participation de ces peuples aux activités de l’INDEPA ainsi qu’à la prévention des conflits.
Suivi des commentaires de la commission. Article 1. Peuples couverts par la convention. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait pris note d’un projet de loi-cadre sur les peuples autochtones et originaires du Pérou, qui donne une définition des peuples autochtones et originaires afin d’éliminer les ambiguïtés de la législation nationale quant à l’identification des peuples qu’elle vise. A cette occasion, la commission avait prié le gouvernement d’harmoniser, en consultation avec les peuples autochtones, la définition du projet de loi-cadre avec la convention. La commission avait également demandé au gouvernement d’indiquer comment la consultation et la participation effectives des peuples autochtones à l’élaboration du projet de loi avaient été garanties, et de fournir des informations sur les mesures adoptées pour assurer que tous les peuples visés à l’article 1 de la convention soient couverts par toutes les dispositions de la convention, et qu’ils bénéficient des droits prévus par la convention sur un pied d’égalité. La commission prend note des observations de la CUT selon lesquelles il n’existe pas de volonté politique de consulter les peuples autochtones afin d’unifier les critères d’identification de ces peuples. La commission note également que la CGTP indique que les communautés de la zone andine et côtière ne bénéficient pas de la protection prévue par la loi sur le droit à la consultation préalable.
A cet égard, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle, dans le cadre du Groupe national de coordination, un processus de participation et de consultation des représentants des peuples autochtones a été mis en œuvre pour harmoniser les dispositions de la législation nationale concernant la définition des peuples autochtones (table ronde no 3). Les avis exprimés ont été analysés par la Commission spéciale multipartite chargée d’étudier les problèmes des peuples autochtones, andins, amazoniens et afropéruviens, ainsi que les questions d’écologie et d’environnement, et de recommander des solutions. Cette commission a élaboré un avis préalable concernant le projet de loi sur le droit à la consultation. La commission note que les articles 5 à 7 du projet concernent les personnes couvertes par la loi, et que l’article 7 précise les critères d’identification: descendance directe de peuples originaires, style de vie, liens spirituels et historiques avec le territoire occupé; institutions sociales et coutumes propres, modèles culturels et modes de vie distincts de ceux des autres groupes de la population. La commission note que le gouvernement, dans ses commentaires sur le projet de loi sur le droit à la consultation (no 142-2010-DP/SCM), s’oppose à l’inclusion de la communauté paysanne andine et côtière dans la définition des peuples autochtones (observation no 6). A cet égard, la commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait pris note des informations du gouvernement selon lesquelles l’article 2 de la loi relative à l’INDEPA (no 28495) mentionne les peuples andins, amazoniens et afropéruviens et reconnaît les droits ethniques et culturels des communautés paysannes et des communautés d’origine qui sont assimilées aux peuples autochtones, en mettant l’accent sur les aspects sociaux, politiques et culturels, ce qui va dans le même sens que les dispositions des articles 89 et 149 de la Constitution de la République. La commission rappelle qu’elle avait souligné que la convention devait s’appliquer aux communautés autochtones, quelle que soit la manière de les désigner. La commission note également que l’article 1 de la convention se réfère «au fait qu’ils descendent des populations» et craint que la référence à l’expression «descendance directe» ne soit trop restrictive. Rappelant la nécessité d’assurer que les critères d’identification soient unifiés, en consultation avec les peuples autochtones, la commission demande au gouvernement de faire en sorte que le projet de loi sur le droit des peuples autochtones et d’origine à la consultation préalable assure qu’ils bénéficient pleinement de la protection prévue dans la convention, quelle que soit la manière de les désigner; elle lui demande de fournir des informations sur toute évolution en la matière. Elle prie également le gouvernement d’indiquer l’état d’avancement, au Congrès, du projet de loi-cadre sur les peuples autochtones et originaires du Pérou.
Article 7. Participation. Dans sa précédente observation, la commission avait instamment prié le gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec les articles 2, 6, 7 et 15 de la convention, compte tenu du droit des peuples visés par la convention de définir leurs propres priorités et de participer aux plans et programmes de développement national et régional. La commission note que la CGTP indique qu’aucune norme n’a été élaborée et qu’aucune institution permettant aux peuples autochtones d’exercer leur droit de définir leurs priorités de développement n’a été créée, et ajoute qu’aucun espace de concertation n’a été créé en la matière. La commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le dialogue mené dans le cadre du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, auquel les communautés amazoniennes ont largement pris part, est la mesure la plus importante. La commission prie le gouvernement de continuer à donner des informations sur les mesures adoptées suite au dialogue mené dans le cadre du Groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, sur leur mise en œuvre et leurs effets. Elle le prie également de donner des informations sur tous les autres plans ou programmes adoptés en faveur des autres communautés ou peuples autochtones. Elle lui demande aussi d’indiquer les mesures adoptées pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec la convention afin de garantir aux peuples autochtones le droit de définir leurs propres priorités, et de participer aux plans et aux programmes de développement national et régional.
Plans, programmes et projets de développement national. La commission relève que le pouvoir exécutif, dans ses observations concernant le projet de loi sur le droit à la consultation préalable (communication no 142-2010-DP/SCM), s’oppose au fait que l’article 2 du projet prévoit que des consultations doivent être également effectuées sur les plans, les programmes et les projets de développement national et régional qui touchent directement les droits collectifs des peuples autochtones. Le pouvoir exécutif affirme que «la convention n’impose pas de consultation concernant les plans, programmes et projets de développement national et régional, car cela reviendrait à élargir la portée de la convention, ce qui n’est pas nécessaire et pourrait entraver la réalisation de travaux d’infrastructures importants pour le pays». A cet égard, faisant observer qu’en vertu de l’article 7 les peuples intéressés doivent participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans et programmes de développement national et régional susceptibles de les toucher directement, la commission demande au gouvernement d’indiquer les modalités selon lesquelles la participation prévue dans la convention est assurée.
Etudes d’impact et protection de l’environnement. Dans ses précédents commentaires, la commission avait demandé au gouvernement de donner des informations sur les mesures prises, en coopération avec les peuples autochtones, pour protéger et préserver l’environnement dans les territoires qu’ils habitent, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de la convention. Elle avait notamment demandé des informations sur la coordination entre l’Organisme de contrôle des investissements dans le secteur énergétique et minier (OSINERGMIN) du ministère de l’Energie et des Mines et l’Organisme d’évaluation et de contrôle environnemental (OEFA) du ministère de l’Environnement. A cet égard, le gouvernement indique que le ministère de l’Energie et des Mines est chargé de promouvoir les investissements, et que le contrôle des projets miniers et énergétiques relève du ministère de l’Environnement, qui a délégué les fonctions de contrôle à l’OEFA.
La commission prend note des informations du gouvernement selon lesquelles: 1) le règlement concernant la consultation et la participation des citoyens pour les activités liées aux hydrocarbures et à l’électricité (décret suprême no 012-2008-EM et résolution ministérielle no 223-2010-MEM/DM) prévoit la consultation et la participation des citoyens pour l’élaboration d’études sur l’environnement, ainsi que des mécanismes de suivi et de surveillance des citoyens après l’approbation de ces études, afin que les peuples autochtones et la population participent à la protection de l’environnement; 2) le régime spécial d’administration des réserves communautaires approuvé par la résolution administrative no 019-2005-INRENA-IANP prévoit un mécanisme de coordination avec les peuples autochtones pour préserver les zones naturelles protégées; 3) un dialogue tripartite concernant les activités liées aux hydrocarbures dans la forêt péruvienne a été mené pour protéger l’environnement du département de Madre de Dios; 4) l’élaboration d’un programme national de préservation des forêts a été approuvée; dans le cadre de ce programme, 67 consultations ont été menées avec les communautés d’origine à Ashaninkas dans la forêt centrale; et 5) le projet visant à limiter les effets de changements climatiques et à s’y adapter, axé sur les zones protégées de la forêt centrale, a été adopté, un programme sur les activités économiques durables associant les peuples autochtones de cette zone ayant été financé. La commission note aussi que le décret suprême no 002-2009-MINAN approuve le règlement sur la transparence, l’accès aux informations publiques sur l’environnement et la participation et la consultation des citoyens en matière d’environnement. Ce règlement prévoit un mécanisme de participation des citoyens à la définition et à l’application de politiques relatives à l’environnement dans le cadre du processus de prise de décisions publiques sur les questions environnementales, leur mise en œuvre et leur contrôle. Il prévoit aussi que les décisions et les mesures concernant la gestion de l’environnement devraient être prises en concertation avec la société civile (art. 21). En vertu de ce règlement, les mécanismes de consultation peuvent revêtir diverses formes: ateliers participatifs, audiences publiques, enquêtes d’opinions, présentation de propositions, commissions régionales et locales sur l’environnement, groupes techniques et comités de gestion, et doivent être mis en œuvre en espagnol et dans la langue prédominante du lieu en question (art. 29). Le projet concernant les études sur l’environnement doit être élaboré en espagnol ou dans la langue du lieu, dans un langage simple, et doit mentionner les effets identifiés et les mesures prévues pour les atténuer ou accorder une indemnisation (art. 34). La commission se félicite de ces informations, car la convention impose l’instauration, entre les parties intéressées, d’un dialogue véritable qui permette de rechercher des solutions concertées et que, si elles remplissent ces conditions, les consultations peuvent jouer un rôle décisif pour prévenir et régler les conflits. La commission demande au gouvernement de continuer à communiquer des informations sur toutes les mesures adoptées en collaboration avec les peuples autochtones pour protéger et préserver l’environnement dans les territoires qu’ils habitent. La commission demande également au gouvernement de fournir des informations sur l’application pratique, aux peuples autochtones, du décret suprême no 002-2009-MINAM sur la participation et la consultation des citoyens en matière d’environnement, et sur l’application de la législation sectorielle concernant la participation des citoyens. Elle lui demande d’indiquer si les études d’impact sur l’environnement évaluent également l’impact social, spirituel et culturel des activités de développement sur les peuples autochtones, conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la convention.
Article 14. La commission rappelle que, dans ses précédents commentaires, elle avait mentionné le décret législatif no 994 de 2008, qui prévoit un régime spécial permettant de promouvoir l’investissement privé dans des projets d’irrigation de terres en friche pouvant être exploitées et appartenant à l’Etat. Selon l’article 3 du décret, appartiennent à l’Etat toutes les terres en friche pouvant être exploitées, à l’exception des terres pour lesquelles il existe un titre de propriété privé ou communautaire inscrit dans les registres publics. Elle avait noté que le décret n’accorde pas aux peuples autochtones le droit de posséder les terres qu’ils occupent traditionnellement lorsqu’ils ne disposent pas de titres de propriété officiels. La commission avait prié le gouvernement de fournir des informations sur les mesures adoptées pour identifier les terres traditionnellement occupées par les peuples intéressés, et garantir la protection effective des droits de propriété et de possession de ces peuples, notamment par le biais de l’accès à des procédures adéquates leur permettant de faire valoir leurs revendications concernant ces terres. A cet égard, la commission note que la CGTP et la CUT mentionnent cette question en faisant référence au décret législatif no 1089 sur l’occupation et la propriété rurales. La commission prend également note des informations du gouvernement selon lesquelles les différents projets sur l’octroi de titres et l’enregistrement des terres réalisés entre 2002 et 2006 ont bénéficié à 550 communautés paysannes et 55 communautés d’origine de la forêt amazonienne. Fin 2009, 84 pour cent de l’ensemble des communautés paysannes et 87,42 pour cent des communautés d’origine s’étaient vues octroyer des titres de propriété. Le gouvernement ajoute que, entre 1975 et 2009, 1 447 communautés d’origine ont été reconnues, et que 1 265 d’entre elles se sont vues octroyer des titres de propriété. Il déclare aussi que les processus de délimitation et d’octroi de titres sont régis par la loi sur les communautés d’origine et le développement agraire des régions forestières (décret-loi no 22175) et par son règlement (décret suprême no 003-79-AA). De plus, la loi no 24657 sur la délimitation du territoire des communautés paysannes et l’octroi de titres prévoit la reconnaissance officielle du droit de propriété des communautés d’origine sur les territoires qu’elles occupent. Le gouvernement indique aussi que le décret législatif no 1089 et son règlement d’application (décret suprême no 032-2008-VIVIENDA) prévoient un régime spécial temporaire de reconnaissance officielle et d’octroi de titres sur les propriétés rurales et que ce mécanisme d’octroi de titres ne s’applique pas aux terres situées sur le territoire des communautés paysannes et d’origine. La commission note que le Tribunal constitutionnel a estimé que le décret législatif no 1089 et son règlement d’application ne s’appliquent pas aux territoires des peuples autochtones, qu’ils soient reconnus ou pas, conformément aux articles 3, paragraphe 1, et 15 du règlement (affaire no 0022-2009-PI/TC, décision du 9 juin 2010). La commission prie le gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour assurer la protection des droits des peuples autochtones sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. Notant que le décret législatif no 1089 n’est pas applicable aux territoires des peuples autochtones qu’ils occupent traditionnellement, la commission prie le gouvernement de fournir des informations sur la manière dont il est donné pleinement effet à l’article 14 de la convention, en donnant notamment des informations sur les procédures d’octroi de titres et d’enregistrement des terres en cours, la surface des terres sur lesquelles des titres de propriété ont été octroyés, les communautés qui en ont bénéficié. Elle lui demande de préciser la législation applicable à ces procédures. La commission demande au gouvernement de veiller à ce que l’article 12 du décret législatif no 994 de 2008, qui prévoit la possibilité d’évacuer les terres en friche en cas d’invasion ou d’usurpation, ne s’applique pas aux peuples autochtones occupant ces terres traditionnellement, même s’ils n’ont pas de titre de propriété officiel.
Article 15. Consultation concernant les ressources naturelles. La commission note qu’il existe un avant-projet de règlement sur la consultation des peuples autochtones pour les activités liées aux mines et à l’énergie. Ce projet a été élaboré par le ministère de l’Energie et des Mines suite à la décision du Tribunal constitutionnel du 30 juin 2010 dans laquelle ce ministère était prié d’élaborer un règlement spécial sur le droit des peuples autochtones à la consultation, conformément aux principes et règles prévus par la convention (décision no 05427-2009-PC/TC). La commission prend également note du projet de loi (no 4335/2010-PE) transmis par le pouvoir exécutif au Congrès, qui modifie le cadre juridique sur les activités de production d’électricité et autorise l’élaboration d’un texte qui réglemente ces activités. Enfin, elle prend note du projet de loi forestière, en cours d’examen au Congrès, au sujet duquel le Défenseur du peuple a demandé la tenue de consultations. La commission prie le gouvernement de transmettre des informations complémentaires sur ces projets et leur état d’avancement au Congrès, et d’indiquer les mesures adoptées pour qu’ils fassent l’objet de consultations avec les organisations représentatives des peuples autochtones.
La commission renvoie à ses précédents commentaires concernant des activités de prospection et d’exploitation de ressources naturelles qui touchent les peuples couverts par la convention et la nécessité d’assurer la participation et la consultation des peuples intéressés via leurs institutions représentatives dans un climat de respect et de confiance. La commission note que le gouvernement souligne l’importance du secteur minier pour développer les économies locales et améliorer les conditions de vie des habitants des districts où sont menées des activités minières. Le gouvernement indique qu’il encourage la responsabilité sociale des entreprises et qu’il n’est octroyé aucune concession minière dans les zones naturelles protégées ni dans les réserves autochtones reconnues. Il indique aussi que les concessions minières donnent uniquement un droit préférentiel pour la prospection ou l’exploitation et que, pour entreprendre des activités, il faut obtenir une autorisation environnementale et mener des négociations avec le propriétaire. Le gouvernement ajoute que, lorsque le titulaire des droits décide de mener des activités de prospection ou d’exploitation, il convient de mettre en œuvre la procédure de consultation et de participation des citoyens prévue dans le règlement sur la participation des citoyens (décret suprême no 28-2008-EM). La commission prend note de ces informations et fait observer que le gouvernement ne fournit aucune information sur les activités de prospection et d’exploitation de ressources naturelles qui touchent les peuples autochtones, mentionnées dans les précédents commentaires et signalées par la CGTP (peuple autochtone Cacataibo vivant volontairement en isolement, peuples Awajun et Wampis et communautés de la province de Chumbivilcas). La commission note que, dans ses dernières observations, la CGTP indique que des activités d’exploitation minière sont menées dans le hameau de San Antonio de Juprog (communauté de langue quechua) et dans le district de San Marcos (province de Huaria), et que ces activités sont polluantes et nocives pour la santé de la population (contamination par le plomb, le cadmium, le zinc et l’arsenic). D’après ces observations, il serait prévu de déplacer cette communauté, mais aucune des mesures adoptées à ce jour n’a fait l’objet de consultations avec les peuples autochtones intéressés. La CGTP indique également que des concessions ont été octroyées pour mener des activités liées aux hydrocarbures sur le territoire du peuple Matses, sans que celui-ci n’ait été consulté au préalable. La commission souligne qu’il importe que l’Etat mène les consultations préalables sur toute mesure susceptible de toucher directement les peuples autochtones. La commission demande au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour mener, avec les peuples autochtones susmentionnés, des consultations sur les activités de prospection et d’exploitation des ressources naturelles sur les terres qu’ils occupent ou utilisent (article 13 de la convention) avant d’entreprendre ou d’autoriser de telles activités, et de déterminer si, et dans quelle mesure, les intérêts de ces peuples sont menacés, et d’adopter les mesures nécessaires pour atténuer les effets de ces activités et de prévoir une indemnisation appropriée. La commission demande également au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que soient instruites les plaintes concernant la pollution des territoires occupés par les peuples autochtones, en précisant si cette pollution est avérée, et de ne ménager aucun effort pour protéger la vie et l’intégrité des membres de ces communautés.
Participation aux avantages. S’agissant des mesures adoptées pour s’assurer que les peuples intéressés participent aux avantages qui découlent de l’exploitation des ressources naturelles dont sont dotées leurs terres, et qu’ils reçoivent une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de ces activités, la commission prend note de l’indication du gouvernement selon laquelle le décret d’urgence no 028-2006 prévoit que les gouvernements régionaux et locaux doivent investir 5 pour cent des crédits alloués au titre de la redevance pour financer des projets d’investissement public et de dépenses sociales en faveur des communautés qui se trouvent sur les zones d’exploitation. Elle note également que le décret d’urgence no 026-2010 prévoit une augmentation de ces crédits (10 pour cent pour les gouvernements régionaux et 5 pour cent pour les gouvernements locaux). La commission note que ce décret prévoit la participation des représentants des communautés paysannes et d’origine au suivi des décisions concernant l’allocation de ces crédits. Le gouvernement mentionne également des initiatives privées qui assurent la participation des peuples autochtones aux avantages et garantissent les indemnisations prévues dans la législation du secteur concerné. Le gouvernement indique que, entre 2007 et 2009, les transferts vers les régions au titre des redevances minières se sont élevés à 13 300 millions de soles, et les transferts au titre des redevances liées aux hydrocarbures à 3,9 millions de soles. Rappelant que, en vertu de l’article 15 de la convention, les peuples autochtones doivent, chaque fois que c’est possible, participer aux avantages découlant des activités d’exploitation des ressources dont sont dotées leurs terres, la commission demande au gouvernement de s’assurer que les redevances prévues permettent cette participation en pratique, et de fournir des informations sur les mesures adoptées en la matière, et sur leurs effets réels sur la vie des peuples autochtones, sur leur développement, et les zones dans lesquelles ils vivent.
Articles 26 à 29. Education. La Commission de la Conférence avait demandé des informations concernant les effets, sur la formation d’enseignants bilingues, de la résolution ministérielle no 0017-2007-ED, qui impose une note minimale de 14 sur 20 pour avoir accès à la formation d’enseignant bilingue, ce qui risquait d’exclure les candidats autochtones de cette formation. La commission prend note des informations du gouvernement sur les dispositions légales qui réglementent le secteur de l’éducation. Le gouvernement indique que la Direction de l’enseignement supérieur (DESP) établit des règlements concernant les instituts et les écoles de l’enseignement supérieur pour qu’ils puissent offrir une formation d’enseignant bilingue, et qu’elle approuve les programmes de formation d’enseignants proposés par les institutions des communautés elles-mêmes afin qu’ils répondent aux besoins de formation de ces communautés. La direction réglemente l’élaboration et l’adoption des programmes d’études de l’enseignement supérieur. Cinq instituts de la région andine proposent des formations d’enseignants au niveau primaire. S’agissant des conditions d’accès à la formation d’enseignant, le gouvernement indique que, d’après les statistiques, l’accès en a été élargi, et que les étudiants qui ont obtenu entre 11 et 13,99 sur 20 peuvent y accéder. La commission demande au gouvernement de continuer à communiquer des informations sur les mesures adoptées et sur leur effet sur le nombre d’enseignants autochtones bilingues.
Enfin, prenant note de la suggestion de la Commission d’application des normes de la Conférence, la commission rappelle au gouvernement qu’il peut faire appel à l’assistance technique du BIT.
La commission soulève d’autres points dans une demande qu’elle adresse directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2011.]
Article 14 de la convention. Communauté de Santo Domingo de Olmos. La commission se réfère à ses observations précédentes, dans lesquelles elle avait examiné le cas de la communauté de Santo Domingo de Olmos. La commission rappelle que, par le décret suprême no 017-99-AG, ont été déclarés en friche 111 656 hectares (non productifs) sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux, et que cette superficie devait être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial d’irrigation et de production hydroélectrique. Elle rappelle également que l’action en amparo intentée par la communauté a été déclarée irrecevable car celle-ci n’était pas inscrite au registre public ou n’avait pas produit le certificat d’inscription. La commission note que, dans son rapport de 2008, le gouvernement réaffirme que, même si la communauté de Olmos jouit officiellement de la personnalité juridique, elle n’a pas de représentation légitime sur le plan juridique, condition indispensable pour obtenir la régularisation de ses terres auprès de l’organisme compétent, à savoir la Direction des affaires agraires du gouvernement régional de Lambayeque, et qu’il incombe par conséquent à cette communauté de régler la question de sa représentation juridique. La commission prie une fois encore le gouvernement de prendre les mesures adéquates, après consultation de la communauté concernée, pour identifier et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui empêchent la communauté de Santo Domingo de Olmos de faire valoir effectivement sa revendication des terres qu’elle allègue comme étant des terres occupées traditionnellement, afin qu’elle puisse intenter le recours prévu à l’article 14, paragraphe 3, de la convention et, le cas échéant, obtenir la protection effective de ses droits. La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement communiquera des informations sur les progrès réalisés à cet égard.
Article 25. Santé. La commission prend note des observations de la CGTP relatives à l’article 25 de la convention. Elle rappelle que dans ses commentaires de 2005 elle avait noté que, selon le rapport du gouvernement, les conditions de vie et de santé des peuples indigènes étaient très inférieures à la moyenne nationale au point d’être extrêmement préoccupantes. La commission demande au gouvernement de communiquer des informations à jour sur les mesures prises pour donner effet à l’article 25 de la convention.
Articles 26 à 29. Education. Dans sa communication de 2009, la CGTP se réfère à l’Enquête nationale des foyers de 2007, conduite par l’Institut national des données statistiques et informatiques (INEI), qui indique que le pourcentage d’apprentissage du quechua a baissé de 3,3 pour cent et celui de l’apprentissage de l’aymara de 0,5 pour cent, par rapport au recensement de 1993. Elle indique que, selon ces pourcentages, il y aurait environ 20 pour cent de la population quechua et aymara qui aurait abandonné l’apprentissage de leur langue. Elle indique aussi que la résolution ministérielle no 0017-2007-ED du ministère de l’Education a imposé l’obtention d’une note de 14 sur 20 au moins pour que les indigènes puissent prétendre à une formation d’enseignants bilingues. Selon la CGTP, cette réglementation pourrait conduire à exclure les indigènes du système éducatif. Elle indique que les examens d’entrée aux institutions de formation ont été mis au point sans tenir compte des différences culturelles et que les connaissances interculturelles des professeurs indigènes n’ont pas été valorisées dans la notation. Elle indique, concernant l’éducation interculturelle bilingue, selon les résultats des examens d’entrée aux institutions de formation des professeurs en 2009, que, sur les 477 candidats à l’éducation primaire bilingue, quatre professeurs bilingues seulement ont été admis. La commission rappelle que, selon les dispositions des articles 26 et 27 de la convention, les Etats doivent assurer aux membres des peuples intéressés la possibilité d’acquérir une éducation à tous les niveaux au moins sur un pied d’égalité avec le reste de la communauté nationale, et en même temps de développer des programmes d’éducation, en coopération avec les peuples intéressés, qui couvrent leur histoire, leurs connaissances et leurs techniques, leurs systèmes de valeurs et les autres aspirations sociales, économiques et culturelles. L’article 27, paragraphe 2, de la convention dispose, en outre, que l’autorité compétente doit assurer la formation des membres des peuples intéressés et leur participation à la formulation et à l’exécution des programmes d’éducation. La commission demande au gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour donner effet aux articles 26 et 27 de la convention dans la pratique et l’invite à répondre aux observations formulées par la CGTP.
La commission prend note de la discussion qui a eu lieu en juin 2009 à la Commission de l’application des normes de la Conférence et des conclusions émises par celle-ci. La commission prend note également des observations de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) du 23 juillet 2009 qui ont été communiquées au gouvernement le 31 août 2009. Ces observations ont été formulées avec la participation de l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI), la Confédération nationale agraire (CNA) et des organisations non gouvernementales qui font partie du Groupe de travail des peuples indigènes relevant de la Commission nationale des droits de l’homme. La commission rappelle également que, dans son observation précédente, elle n’avait pas examiné le rapport du gouvernement dans son intégralité étant donné sa réception tardive et, par conséquent, elle examinera la présente observation conjointement avec le dernier rapport.
La commission note que la Commission de la Conférence, après avoir indiqué qu’elle formulait des commentaires depuis un certain nombre d’années pour exprimer sa préoccupation devant la persistance de problèmes dans l’application de la convention dans certains domaines, s’est dite profondément préoccupée par les incidents de Bagua et a prié instamment toutes les parties aux conflits de mettre un terme à la violence. Elle a observé que la situation actuelle dans le pays était due à la promulgation de décrets législatifs relatifs à l’exploitation de ressources naturelles sur des terres traditionnellement occupées par des peuples indigènes et a prié le gouvernement d’ouvrir immédiatement un dialogue avec les institutions représentatives des peuples indigènes, dans un climat de confiance et de respect mutuel. Elle a également demandé au gouvernement de mettre en place les mécanismes de dialogue imposés par la convention de manière à garantir la consultation et la participation systématiques et efficaces des peuples indigènes. En outre, elle a demandé au gouvernement de supprimer les dispositions législatives ambiguës à propos de la détermination des peuples couverts par la législation et l’a prié de prendre sans délai les mesures nécessaires pour mettre la législation et les pratiques nationales en conformité avec la convention. A cet égard, la Commission de la Conférence a demandé au gouvernement d’élaborer un plan d’action en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes.
La commission partage la préoccupation profonde de la Commission de la Conférence au sujet des incidents de Bagua de juin 2009, et considère que ces événements sont dus à l’adoption de décrets affectant les droits concernant les terres et les ressources naturelles des peuples couverts par la convention, décrets dont le processus d’élaboration a été réalisé sans la consultation ni la participation des peuples intéressés. La commission note que le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des populations autochtones ainsi que le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination raciale se sont dits préoccupés par la situation des peuples indigènes dans le pays (voir respectivement les documents A/HRC/12/34/Add.8 du 18 août 2009, et CERD/C/PER/CO/14-17, du 31 août 2009). La commission rappelle que la Commission de la Conférence avait demandé au gouvernement d’intensifier ses efforts pour garantir sans discrimination les droits de l’homme et les libertés fondamentales aux peuples indigènes conformément aux obligations lui incombant dans le cadre de la convention. La commission estime qu’il est indispensable de conduire une investigation immédiate et impartiale sur les faits survenus à Bagua pour créer un climat de confiance et de respect mutuel entre les parties afin de jeter les bases incontournables d’un dialogue sincère dans la recherche de solutions concertées, comme le prévoit la convention. La commission demande par conséquent au gouvernement de prendre sans délai les mesures nécessaires pour ouvrir une enquête efficace et impartiale sur les événements de Bagua, survenus en juin 2009, et de communiquer des informations spécifiques à cet égard.
Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. La commission note que, dans son rapport, le gouvernement indique, comme il l’avait fait à la Commission de la Conférence, qu’un projet de loi-cadre sur les peuples indigènes et originaires du Pérou, qui donne une définition de ces peuples, a été élaboré pour éliminer toute ambiguïté sur la détermination des peuples indigènes prévue par la législation. La commission note que l’article 3 de ce projet de loi contient cette définition et que l’article 2 dispose que les peuples indigènes ou originaires du Pérou comprennent «les communautés paysannes et les communautés aborigènes désignées; les indigènes vivant en isolement ou en situation de contact initial; et toutes personnes s’auto-identifiant comme descendants de peuples ancestraux installés sur les côtes, dans les régions forestières et montagneuses du Pérou». La commission note que si la définition de l’article 3 du projet de loi reprend les éléments objectifs de la définition de la convention, le critère fondamental d’auto-identification n’est pas contenu dans cet article, contrairement à l’article 2. La commission note également que l’un des éléments objectifs de la définition prévue par le projet de loi est l’élément selon lequel «les peuples sont en possession de terres», qui ne figure pas dans la convention. A cet égard, la commission souligne que l’article 13 de la convention met l’accent sur l’importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés «la relation qu’ils entretiennent avec les terres ou territoires qu’ils occupent ou utilisent d’une autre manière». La commission attire également l’attention du gouvernement sur le fait que l’article 14, paragraphe 1, de la convention et, en particulier, l’expression «les terres qu’ils occupent traditionnellement» utilisée dans cet article doit être lue conjointement avec l’article 14, paragraphe 3, sur les revendications relatives à des terres, dans la mesure où la convention recouvre également des situations dans lesquelles les peuples indigènes et tribaux ont récemment perdu l’occupation de leurs terres ou en ont été expulsés récemment. Par conséquent, la commission prie instamment le gouvernement d’harmoniser, en consultation avec les peuples indigènes, la définition contenue dans le projet de loi sur la détermination des peuples indigènes ou originaires du Pérou avec la convention. Prière également de communiquer des informations sur la façon de garantir la consultation et la participation effective des peuples indigènes dans l’élaboration dudit projet. La commission demande aussi une fois encore au gouvernement de communiquer des informations sur les mesures prises pour garantir que tous les peuples relevant de l’article 1 de la convention sont couverts par toutes ces dispositions, et jouissent des droits prévus par cet article aux mêmes conditions.
Articles 2 et 6. Action coordonnée et systématique et consultation. Plan d’action. Eu égard à la demande de la Commission de la Conférence sur l’élaboration d’un plan d’action en collaboration avec les institutions représentatives des peuples indigènes, la commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles une proposition a présenté les grandes lignes d’un plan d’action pour donner suite aux observations formulées par les organes de contrôle de l’OIT. Bien qu’il soit affirmé dans le rapport que le plan d’action sera élaboré en collaboration avec les représentants des peuples indigènes, la commission note qu’il n’y a pas d’information sur la façon dont aura lieu la participation des peuples indigènes à ce processus; elle note aussi qu’une «réunion avec les représentants des organisations indigènes» est envisagée concernant la phase d’exécution de ce plan.
De même, la commission prend note, d’après le rapport du gouvernement, de la création de plusieurs organes dans l’objectif d’entamer le dialogue avec les peuples indigènes amazoniens et andins. La commission prend note également de la mise en place, en mars 2009, d’une table de négociation permanente entre l’Etat et les peuples indigènes de l’Amazonie péruvienne qui, en vertu des dispositions de l’article 2 du décret suprême no 002-2009-MIMDES ayant porté sa création, «pourra» compter sur la participation des représentants des peuples indigènes. De même, elle note que la commission multisectorielle chargée de la problématique indigène de l’Amazonie a été créée (décret suprême no 031-2009-PCM, du 19 mai 2009) et note qu’à la lecture des minutes de la première session ordinaire de la commission susmentionnée il ne semblait pas y avoir de représentants indigènes à cette réunion. Elle prend également note de la table ronde pour le développement intégral des peuples andins (RS 133-2009-PCM, du 24 juin 2009), de la table de dialogue pour le développement intégral des peuples andins en situation d’extrême pauvreté (RS 135-2009-PCM, du 26 juin 2009) et du groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens qui est chargé d’élaborer un plan intégral de développement durable pour lesdits peuples (résolution suprême no 117-2009-PCM, du 26 juin 2009). En ce qui concerne ce dernier organe, la commission note que le groupe susmentionné a créé quatre groupes de travail sur la formation de la commission d’enquête sur les événements de Bagua, la révision des décrets législatifs, les mécanismes de consultation et le Plan national pour le développement de l’Amazonie. La commission prend également note des préoccupations exprimées par le défenseur du peuple quant à l’état du processus de dialogue mis en place dans le cadre de ce groupe.
La commission ne dispose pas d’information suffisante pour évaluer le niveau de participation garanti aux peuples indigènes dans le cadre des différents organes susmentionnés. Néanmoins, il semblerait, d’après les éléments indiqués, que dans certains cas au moins la participation des peuples indigènes au dialogue entre les parties, par l’intermédiaire de leurs représentants légitimes, ne soit pas effective. La commission exprime sa préoccupation concernant la prolifération d’organes ayant des compétences qui se recoupent parfois et qui pourraient nuire à l’élaboration de mesures coordonnées et systématiques pour répondre aux problèmes liés à la protection et à la garantie des droits des peuples indigènes prévus par la convention. La commission prie instamment le gouvernement de garantir la participation pleine et efficace des peuples indigènes et la consultation de ces derniers, par l’intermédiaire de leurs institutions représentatives, dans l’élaboration du plan d’action susmentionné, telles que prévues aux articles 2 et 6 de la convention, afin d’aborder de manière coordonnée et systématique les problèmes restant à régler concernant la protection des droits des peuples couverts par la convention et de mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec la convention. La commission demande également au gouvernement de communiquer des informations à cet égard et sur les activités des différents organes susmentionnés, en indiquant la façon dont sont garanties la participation des peuples intéressés et la coordination des activités de ces organes, ainsi qu’entre les activités de ces organes et l’élaboration du plan d’action. Prière de communiquer copie du plan d’action susmentionné dès qu’il aura été finalisé.
Articles 2 et 33. INDEPA. La commission se réfère à ses précédents commentaires dans lesquels elle avait pris note des allégations de la CGTP concernant le manque de pouvoir réel de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA). La commission note, d’après la communication de la CGTP de 2009, que malgré le rétablissement de l’autonomie administrative de la INDEPA, la participation des indigènes n’a pas été rétablie au Conseil exécutif et qu’aucune politique concertée n’a été élaborée sur les thèmes qui touchent les peuples indigènes. La CGTP indique également qu’il n’existe pas d’espaces dédiés à la concertation de telles politiques. La commission prend note, d’après les informations du gouvernement, de la création par la résolution ministérielle no 277-2009-MIMDES d’une commission sectorielle chargée d’élaborer un nouveau projet pour «réglementer l’organisation et le fonctionnement de la INDEPA». La commission note que cette commission est composée du vice-ministre pour le Développement social du ministère de la Femme et du Développement social (MIMDES), du président exécutif de la INDEPA et du directeur général du bureau général de planification et du budget de MIMDES, et qu’elle est habilitée à inviter des spécialistes des représentants de diverses institutions du secteur public et privé. La commission note que la résolution susmentionnée ne mentionne pas explicitement la participation des peuples indigènes. La commission note également que la réforme de l’INDEPA est prévue par le plan d’action cité précédemment. La commission rappelle au gouvernement que les peuples indigènes doivent participer à la conception des mécanismes de dialogue et rappelle également les préoccupations exprimées précédemment concernant la coordination entre les différents organes et activités. La commission prie instamment le gouvernement de garantir la participation effective des institutions représentatives des peuples indigènes à la conception et à la mise en œuvre des mécanismes de dialogue et des autres mécanismes nécessaires à la gestion coordonnée et systématique des programmes touchant les peuples indigènes, y compris en ce qui concerne la réforme de la INDEPA. La commission demande également au gouvernement de veiller à ce que ces mécanismes disposent des moyens nécessaires à leur fonctionnement, en toute indépendance et sans influence pour ce qui est des processus décisionnels. Prière de communiquer également les mesures prises à cet égard.
Articles 6 et 17. Consultation et législation. Dans ses précédents commentaires sur l’adoption sans consultation des décrets législatifs nos 1015 et 1073, la commission avait exprimé sa préoccupation en constatant que des communications continuaient à dénoncer l’absence de consultation préalable dans les circonstances prévues aux articles 6 et 17, paragraphe 2, de la convention. La commission avait prié instamment le gouvernement de s’engager immédiatement, avec la participation des peuples indigènes, dans la conception de mécanismes de consultation appropriée. La commission note que, dans sa communication de 2009, la CGTP indique qu’aucun mécanisme de consultation appropriée n’a été établi et qu’en conséquence les peuples indigènes n’ont pas la possibilité d’influencer les décisions spécifiques les concernant. La commission note que la loi no 29261 de septembre 2008 a abrogé les décrets législatifs nos 1015 et 1073 sur les conditions à remplir pour disposer de terrains communautaires, et que la loi no 29382 de juin 2009 a abrogé les décrets législatifs nos 1090 et 1064 approuvant respectivement la loi forestière et sur la faune des forêts et la législation sur l’utilisation de terres à des fins agricoles. La commission prend note des indications du gouvernement selon lesquelles des groupes de travail, qui ont été créés dans le cadre du groupe national de coordination pour le développement des peuples amazoniens, sont chargés, entre autres, de la révision des décrets législatifs et de la question de la consultation préalable. Néanmoins, la commission croit comprendre que la question de la consultation est également abordée dans le cadre du projet de loi-cadre sur les peuples indigènes ou originaires du Pérou. La commission prend également note du projet de loi no 3370/2008-DP du 6 juillet 2009 concernant la consultation, présenté par le défenseur du peuple devant le congrès. La commission insiste sur la nécessité de faire participer et de consulter les peuples indigènes et tribaux avant l’adoption de mesures législatives ou administratives susceptibles de les affecter directement, notamment concernant l’élaboration de dispositions sur les processus de consultations et la nécessité de faire refléter, en particulier dans la réglementation sur les consultations, les points prévus par les articles 6, 7, 15 et 17, paragraphe 2, de la convention. Elle se réfère également à ses commentaires précédents sur la nécessité d’adopter une approche coordonnée et systématique. La commission prie instamment le gouvernement de mettre en place, avec la participation des peuples intéressés, les mécanismes de participation et de consultation prévus par la convention. Elle demande aussi au gouvernement de communiquer des informations sur la façon dont sont garanties la participation et la consultation des peuples susmentionnés dans l’élaboration de la réglementation concernant les consultations. La commission demande au gouvernement de l’informer sur tout progrès réalisé à cet égard. Rappelant que la Commission de la Conférence s’est félicitée de la demande d’assistance technique du gouvernement, la commission l’encourage à avancer dans ce sens.
Articles 2, 6, 7, 15 et 33. Dans ses commentaires précédents, la commission avait pris note des communications reçues, faisant état de situations de conflits nombreuses et graves imputables à une intensification radicale de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes, sans participation ni consultation de ceux-ci. La commission note que, dans sa communication de 2009, la CGTP se réfère à l’indication du défenseur du peuple selon laquelle les conflits sociaux environnementaux dans le pays sont en augmentation, ceux-ci étant concentrés dans les zones indigènes et étant liés à l’accès et au contrôle des ressources naturelles. La CGTP affirme que l’Etat péruvien maintient une logique d’imposition verticale de ses projets sur les territoires amazoniens et andins. Elle indique que les politiques de développement ne prévoient pas les garanties appropriées pour protéger l’environnement des peuples indigènes, et que le ministère de l’Environnement n’a pas la compétence d’intervenir dans les secteurs énergétiques et miniers. Elle se réfère à la décision du Tribunal constitutionnel (no 03343-2007-PA-TC), sur la procédure entamée par le gouvernement régional de San Martín qui oppose différentes entreprises et le ministère de l’Energie et des Mines à propos d’activités liées aux hydrocarbures dans une zone de conservation régionale. Cette décision réaffirme le droit des peuples indigènes à être consultés avant le lancement de tout projet pouvant les affecter directement, conformément aux dispositions de la convention et fait également référence à l’article 2, paragraphe 19, de la Constitution qui impose à l’Etat de protéger la pluralité ethnique et culturelle de la nation (paragr. 28). La CGTP se réfère également à différents cas emblématiques concernant des activités d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles affectant les peuples indigènes, comme le peuple indigène cacataibo vivant volontairement en isolement, les peuples ayjun et wampís et la communauté de la province de Chumbivilcas.
La commission prend note, d’après les indications du gouvernement, que l’Etat péruvien entend la consultation au sens du «processus permettant d’échanger des points de vue», et qu’il a organisé une série d’ateliers de socialisation. La commission note également que le gouvernement se réfère au décret no 012-2008-MEM (règlement de participation citoyenne aux activités concernant les hydrocarbures) selon lequel la finalité de la consultation est de «parvenir à une meilleure compréhension de la portée du projet et de ses bénéfices», cette expression étant beaucoup plus limitée que ce que prévoit la convention.
La commission souligne que l’article 6 de la convention dispose que les consultations doivent être menées en vue de parvenir à un accord ou d’obtenir un consentement au sujet des mesures envisagées. Bien que l’article 6 de la convention n’impose pas de parvenir à un consensus lors du processus de consultation préalable, il impose en revanche, comme le souligne la commission dans son observation générale de 2008 sur la convention, que la forme et le contenu des procédures et mécanismes de consultation permettent la pleine expression des points de vue des peuples intéressés «afin de leur permettre d’influencer les résultats et de parvenir à un consensus». La commission rappelle que la convention prévoit l’ouverture d’un dialogue sincère entre les parties intéressées, en vue de rechercher des solutions concertées, et que le respect de cette disposition permettra aux consultations de jouer un rôle décisif dans la prévention et la résolution des conflits. De même, la commission souligne que de simples réunions d’information ou de socialisation ne satisfont pas aux conditions posées par la convention.
La commission considère que le décret suprême no 020-2008-EM, qui réglemente la participation des citoyens dans le sous-secteur minier, pose les mêmes limites. La commission note en outre que ce décret prévoit une participation des citoyens après conclusion de l’accord relatif aux concessions minières, et considère qu’il ne satisfait pas aux conditions posées par la convention. La commission prie instamment le gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour mettre la législation et la pratique nationales en conformité avec les articles 2, 6, 7 et 15 de la convention, en tenant compte du droit des peuples couverts par la convention de décider de leurs propres priorités et de participer aux plans et aux programmes de développement régional et national. Rappelant que la Commission de la Conférence s’est félicitée de la demande d’assistance technique du gouvernement, la commission l’encourage à avancer dans ce sens. Elle lui demande également de:
i) suspendre les activités d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles qui affectent les peuples couverts par la convention, tant que ne seront pas garanties la participation et la consultation des peuples intéressés par l’intermédiaire de leur organisations représentatives, dans un climat de respect et de confiance mutuelle, en application des articles 6, 7 et 15 de la convention;
ii) communiquer des informations plus détaillées sur les mesures prises, en coopération avec les peuples indigènes, pour protéger et préserver l’environnement des territoires qu’ils occupent, conformément à l’article 7, paragraphe 4, de la convention, et notamment des informations sur la coordination entre l’organisme de contrôle des investissements dans le secteur énergétique et minier (OSINERGMIN) du ministère de l’Energie et des Mines et l’Organisme d’évaluation et de fiscalisation environnementale (OEFA) du ministère de l’Environnement; et
iii) communiquer copie du décret suprême no 002-2009-MINAM, du 26 janvier 2009, qui réglemente la participation et la consultation des citoyens concernant des questions environnementales.
En ce qui concerne les bénéfices des activités d’extraction, la commission prend note des informations communiquées par le gouvernement sur le système des droits et des redevances miniers. La commission note également que, dans sa communication de 2009, la CGTP indique que ce système permet de redistribuer des bénéfices au sein de l’appareil de l’Etat et qu’aucun bénéfice ne parvient directement aux communautés touchées. La commission demande au gouvernement de communiquer des informations sur les mesures spécifiques prises pour garantir aux peuples intéressés la participation aux avantages émanant des activités d’exploitation des ressources naturelles sur les terres qu’ils occupent, et la perception d’une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de telles activités.
Article 14. Décret législatif no 994. La commission prend note des observations formulées par la CGTP dans une communication de 2009 concernant le décret législatif no 994 «qui promeut l’investissement privé dans des projets d’irrigation pour élargir le secteur agricole». La commission note, en particulier, que ce décret prévoit un régime spécial permettant de promouvoir l’investissement privé dans des projets d’irrigation de terres en friches pouvant être exploitées et appartenant à l’Etat. La commission note que, selon l’article 3 du décret, appartiennent à l’Etat toutes les terres en friches pouvant être exploitées, à l’exception des terres pour lesquelles il existe un titre de propriété privé ou communautaire inscrit dans les registres publics. La commission note avec préoccupation que cette disposition n’accorde pas aux peuples indigènes le droit de posséder les terres qu’ils occupent traditionnellement, lorsqu’ils ne disposent pas de titre de propriété officiel. La commission rappelle que, en vertu de la convention, les peuples indigènes ont un droit de propriété sur les terres qu’ils occupent traditionnellement, indépendamment de la reconnaissance ou non de ce droit, et qu’en conséquence l’article 14 de la convention protège non seulement les terres pour lesquelles les peuples intéressés ont un titre de propriété, mais aussi celles qu’ils occupent traditionnellement. La commission prie instamment le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour déterminer les terres occupées traditionnellement par les peuples intéressés et garantir la protection effective des droits de propriété et de possession de ces peuples, notamment par le biais de l’accès à des procédures adéquates leur permettant de faire valoir les revendications relativement à ces terres. Prière de communiquer également des informations sur les mesures prises à cet égard.
Article 31. Mesures éducatives. Dans ses commentaires précédents, la commission avait exprimé sa préoccupation face aux déclarations pouvant comporter des préjugés ou étant inexactes concernant les peuples indigènes. La commission exprime la même préoccupation concernant les indications de la CGTP contenues dans sa communication de 2009, selon lesquelles on constate toujours une attitude discriminatoire et agressive à l’égard des peuples indigènes de la part de l’autorité publique. La commission prie instamment le gouvernement d’adopter des mesures urgentes à caractère éducatif dans tous les secteurs de la communauté nationale, afin d’éliminer les préjugés pouvant exister à l’égard des peuples couverts par la convention, en application de son article 31.
La commission soulève d’autres points dans une demande adressée directement au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2010.]
La commission prend note d’une communication de la Confédération générale du Pérou (CGTP) relative à l’application de la présente convention par ce pays, contenant le «rapport alternatif 2008» sur l’application de la convention au Pérou, reçue le 5 août 2008 et transmise au gouvernement le 1er septembre 2008. Le rapport en question a été élaboré avec la participation de l’Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Confédération nationale agraire (CNA) et la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI), l’Association régionale des peuples indigènes de la forêt centrale (ARPI), l’Organisation régionale AIDESEP Ucayali (ORAU) et des organisations non gouvernementales qui font partie du Groupe de travail des peuples indigènes de la coordination nationale des droits de l’homme. En outre, dans son observation de 2007, la commission avait pris note d’une autre communication de la CGTP, qui a été, elle aussi, transmise en temps utile au gouvernement. Ce dernier n’a pas fait tenir de commentaires sur ces diverses communications.
Article 31 de la convention. Peuples avec lesquels il n’y a eu aucun contact. La commission note que, selon la communication de la CGTP, le gouvernement s’est engagé dans une politique et un discours qui méconnaissent et désinforment l’opinion publique sur la nature des peuples indigènes, leurs droits et leurs revendications, en ridiculisant ces peuples. Cette communication inclut diverses citations du Président, notamment celle d’une déclaration selon laquelle «[…] et contre le pétrole, on a inventé le concept de l’indigène sauvage ‘non connecté’, c’est-à-dire inconnu mais dont on peut présumer l’existence […]». Cette même communication fait valoir que ce ne sont pas les organisations indigènes qui ont inventé le concept de population amazonienne non contactée mais que l’Etat péruvien lui-même en a reconnu l’existence et s’est engagé, dans divers instruments légaux qui sont cités, à défendre leurs droits. La commission se déclare préoccupée par les déclarations qui auraient pu donner lieu à des préjugés ou des inexactitudes en ce qui concerne les peuples indigènes. Elle rappelle que l’article 31 de la convention dispose que «des mesures de caractère éducatif doivent être prises dans tous les secteurs de la communauté nationale (…), afin d’éliminer les préjugés qu’ils pourraient nourrir à l’égard [des peuples indigènes et tribaux]. A cette fin, des efforts doivent être faits pour assurer que les livres d’histoire et autres matériels pédagogiques fournissent une description équitable, exacte et documentée des sociétés et cultures des peuples intéressés.» La commission demande au gouvernement d’appliquer pleinement cette disposition et de fournir des informations sur les mesures adoptées en la matière.
Point VIII du formulaire de rapport. La commission note que, selon la CGTP, le rapport alternatif a été élaboré avec la participation des organisations indigènes mentionnées, participation dont le point culminant a été les trois réunions qui se sont tenues à Lima les 30 juin, 21 juillet et 4 août 2008; que le ministère du Travail avait reçu une proposition de participation le 19 mai 2008 et avait été invité aux réunions de juillet et d’août mais n’y avait pas participé. Le gouvernement indique qu’il avait prévu d’organiser, la troisième semaine d’août 2008, un atelier de présentation du projet de rapport avec les organisations d’indigènes les plus représentatives, avec l’appui technique et financier de l’OIT, mais que cela n’a pas pu se faire pour des raisons indépendantes de sa volonté. Il précise que les raisons en question étaient des manifestations de protestation qui avaient lieu dans la région amazonienne, en relation avec les décrets relatifs aux terres et aussi au transfert de l’Institut national des peuples andin, amazonien et afro-péruvien (INDEPA) sous l’autorité d’un autre ministère. Notant que la perception que les diverses organisations peuvent avoir quant à l’application de la convention diverge radicalement par rapport à celle du gouvernement, la commission considère qu’il serait hautement profitable que le gouvernement consulte assez longtemps à l’avance les principales organisations indigènes en vue de l’établissement de son prochain rapport et elle prie le gouvernement de fournir des informations à ce sujet.
La commission prend note d’une communication de la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) relative à l’application de cette convention dans ce pays et incluant le rapport alternatif 2008 sur l’application de la convention au Pérou, communication qui a été reçue le 5 août 2008 et qui a été transmise au gouvernement le 1er septembre 2008. Ce rapport alternatif a été établi avec la participation de l’Association interethnique du développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), la Confédération paysanne du Pérou (CCP), la Confédération nationale agraire (CNA) et la Coordination nationale des communautés affectées par les minières (CONACAMI), l’Association régionale des peuples indigènes de la forêt centrale (ARPI), l’Organisation régionale AIDESEP Ucayali (ORAU) et des organisations non gouvernementales qui font partie du Groupe de travail des peuples indigènes de la Coordination nationale des droits de l’homme. La commission a également pris note des deux communications du Syndicat général des commerçants en gros et au détail du centre commercial Grau Tacna (SIGECOMGT), du 17 septembre 2007, communiquées par le gouvernement le 27 septembre 2007, et de celle du 28 mars 2008, communiquée par le gouvernement le 2 mai 2008. Dans son observation de 2007, la commission avait pris note d’une autre communication de la CGTP et d’une communication du SIGECOMGT, transmises en temps opportun au gouvernement, qu’elle n’avait pas examinées suite aux difficultés évoquées par le gouvernement en raison du séisme qui a frappé le Pérou le 15 août 2007. Elle prend note du rapport du gouvernement reçu le 17 octobre 2008, dans lequel celui-ci déclare avoir reçu directement le 5 août dernier de la CGTP le rapport alternatif, mais ne fait pas de commentaires à ce sujet. En raison de cette réception tardive, la commission prendra en considération certains éléments qui portent sur des questions soulevées dans les communications et examinera le rapport de manière plus détaillée en 2009, en même temps que la réponse aux présents commentaires.
Article 1 de la convention. Peuples couverts par la convention. Il est indiqué dans les communications susmentionnées que l’on utilise au Pérou plusieurs catégories pour se référer aux peuples indigènes, si bien que l’on ne sait pas clairement quels sont ceux auxquels la convention s’applique. Ainsi, la catégorie juridique des «peuples indigènes» n’est pas mentionnée dans la Constitution, et la notion juridique issue de la colonisation et admise par la Constitution et dans la plus grande partie de la législation est celle de la «communauté». Il existe dans le pays des communautés paysannes et des communautés aborigènes. Il y en a ainsi 6 000 à être enregistrées. Un certain nombre de lois utilisent les termes de «communautés aborigènes», «communautés paysannes» ou «peuples indigènes», de manière parallèle et parfois de manière différenciée; en outre, il existe une différence de degrés dans l’application de la convention, par exemple dans le cas des «communautés aborigènes», qui ont bénéficié d’une série de mesures volontaristes, tendant à mieux garantir leurs droits à la consultation, mais bien peu de progrès auraient été enregistrés par rapport à l’application de la convention en ce qui concerne les communautés paysannes de la côte et de la région montagneuse du pays.
La commission note que le gouvernement indique que le règlement d’application de la loi no 28.945 portant création de l’Institut national des peuples andins mentionne sous son article 2 les définitions qui correspondraient aux peuples andins, aux peuples de l’Amazone et aux peuples afro-péruviens. La commission note que, selon le gouvernement, les communautés paysannes et les communautés aborigènes bénéficient de la reconnaissance de leurs droits ethniques et culturels en tant que collectivités assimilées aux peuples indigènes, eu égard aux aspects sociaux, politiques et culturels. Cette phrase semble être positive, dans le sens où elle confirme de précédents rapports du gouvernement et commentaires de la commission tendant à ce que les communautés indigènes soient couvertes par la convention quelle que soit leur dénomination. Il semble cependant qu’il y ait des différences dans l’application des dispositions de la convention, particulièrement quant à leur portée. La commission considère que, dans la mesure où les communautés paysannes satisfont aux conditions posées par l’article 1, paragraphe 1, de la convention, elles doivent jouir de la protection intégrale de la convention, sans considération des différences ou similitudes qu’elles peuvent avoir avec d’autres communautés, ou encore de leur dénomination.
La commission se réfère à cette question depuis un certain nombre d’années. Dans une demande directe de 1998, «elle [s’était permise de] suggérer au gouvernement d’appliquer un critère homogène aux populations susceptibles d’être couvertes par la convention, étant donné que les différents termes et définitions employés peuvent prêter à confusion entre les différentes populations: paysannes, indigènes, ‘natives’, montagnardes, forestières ou de la lisière de la forêt». D’après les communications reçues, plusieurs gradations seraient faites dans l’application de la convention, en fonction de la dénomination de la communauté concernée. De plus, la terminologie utilisée dans les différentes lois génère une confusion et la dénomination ou les caractéristiques respectives des peuples n’entrent pas en considération quant à l’application de la convention à leur égard, dès lors que ceux-ci répondent aux critères fixés à l’article 1, paragraphe 1, de la convention. La commission répète que le concept de peuple est plus large que celui de communauté qu’il englobe et que, quelle que soit la dénomination de chacun, aucune différence ne doit être faite entre eux quant aux effets de la convention, tant qu’il s’agit des communautés désignées comme «natives», «paysannes» ou autres qui répondent aux critères de l’article 1, paragraphe 1 a) ou b), de la convention, et les dispositions de la convention doivent leur être appliquées d’une manière égale pour tous. Cela ne veut pas dire que des actions différenciées ne peuvent pas être envisagées pour répondre aux nécessités spécifiques de certains groupes, comme les communautés non contactées ou qui vivent volontairement en isolement, par exemple. La commission signale une fois de plus à l’attention du gouvernement que la diversité des dénominations et des traitements dans la loi engendre la confusion et rend l’application de la convention plus difficile. En conséquence, la commission prie à nouveau le gouvernement d’établir, en consultation avec les institutions représentatives des peuples indigènes, un critère unifié d’appartenance aux peuples susceptibles d’être couverts par la convention, de manière à mettre fin à la confusion créée par la diversité des définitions et des termes, et de fournir des informations sur ce point. En outre, elle demande que le gouvernement prenne les mesures nécessaires pour garantir que tous les peuples qui rentrent dans la définition de l’article 1 de la convention soient couverts par toutes les dispositions de celle-ci et jouissent de manière égale entre eux des droits qui y sont garantis et de fournir des informations à cet égard.
Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique. La CGTP dénonce une inapplication flagrante et systématique de l’article 33 de la convention, en vertu duquel l’autorité gouvernementale doit s’assurer que des institutions ou autres mécanismes appropriés existent pour administrer les programmes affectant les peuples intéressés et qu’ils disposent des moyens nécessaires à l’accomplissement de leurs fonctions. La CGTP évoque à ce propos la création, en 2005, de l’Institut national des peuples andins, amazoniens et afro-péruviens (INDEPA), à travers la loi no 28.495, en tant qu’organisme participatif doté de l’autonomie administrative et budgétaire ayant pour principale mission de proposer des politiques nationales de promotion et de défense des peuples indigènes et afro-péruviens, de superviser ces politiques et de veiller à leur mise en œuvre. La CGTP déclare, à propos de cette institution que, si son conseil de direction comporte des représentants indigènes, la disparité de représentation en son sein favorise l’imposition des décisions de l’Etat; qu’en tout état de cause la grande majorité des décisions y sont prises sans la participation de ce conseil et, fondamentalement, l’INDEPA n’a pas de pouvoirs réels et constitue une structure intégrante du ministère de la Femme et du Développement social, au sein duquel sa mission se trouve dénaturée et sa participation étouffée. La CGTP préconise un renforcement de l’INDEPA. Comme elle l’a fait précédemment, la commission rappelle que les articles 2 et 33 de la convention sont complémentaires et que, pour une application correcte de l’article 2, en vertu duquel «il incombe aux gouvernements, avec la participation des peuples intéressés, de développer une action coordonnée systématique en vue de protéger les droits de ces peuples et de garantir le respect de leur intégrité», les institutions ou autres mécanismes envisagés à l’article 33 étant indispensables à cette fin. La convention prévoit que l’application de ses dispositions doit s’effectuer de manière systématique et coordonnée, en coopération avec les peuples indigènes. Cela suppose un processus graduel de création d’organes et de mécanismes adéquats. La commission demande que le gouvernement entreprenne, avec la participation des peuples indigènes, et en consultation avec ceux-ci, de se doter des institutions et mécanismes prévus à l’article 33 de la convention, et veille à ce que ces institutions ou mécanismes disposent des moyens nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. Elle demande également que le gouvernement indique les mesures prises.
Articles 6 et 17. Consultation et législation. La commission prend note de l’adoption, le 19 mai 2008, du décret législatif no 1015, qui a pour effet de modifier le nombre des votants requis pour statuer sur l’aliénation d’un terrain communal. La CGTP indique que, devant une levée de protestations, cette norme a été modifiée le 28 juin 2008 avec le décret législatif no 1073, qui assouplit lui aussi les conditions d’aliénation d’un terrain communal. La CGTP ajoute qu’aucune consultation n’a précédé l’adoption de cette législation. La commission appelle l’attention du gouvernement sur l’article 6, paragraphe 1 a), de la convention, en vertu duquel les gouvernements s’obligent à consulter les peuples intéressés par des procédures appropriées et, en particulier, à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que l’on envisage des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement et, par ailleurs, qu’en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la convention les peuples intéressés doivent être consultés lorsque l’on examine leur capacité d’aliéner leurs terres ou de transmettre d’une autre manière leurs droits sur ces terres, en dehors de leur communauté. La commission rappelle que le Conseil d’administration, abordant une question similaire en 1998 à propos de la loi no 26.845 (document GB273/14/4), a déclaré qu’«en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la convention chaque fois que les gouvernements envisagent d’adopter des mesures qui touchent à la capacité des peuples indigènes ou tribaux d’aliéner leurs terres ou de transmettre d’une autre manière leurs droits sur ces terres en dehors de leur communauté, ces peuples doivent être consultés préalablement. Dans le cas d’espèce, aucun élément n’indique que des consultations sur les conséquences de telles mesures d’aliénation ont eu lieu avec les peuples concernés, comme le prévoit pourtant la convention.» Ce même document rappelait au gouvernement l’obligation qui lui est faite sous cet article 17, paragraphe 2, de mener des consultations qui s’étendent aussi à la portée et aux implications des mesures envisagées. La commission exprime sa préoccupation en constatant que, dix ans après la publication de ce rapport du Conseil d’administration, des communications dénoncent l’absence de consultation préalable dans les circonstances prévues aux articles 6 et 17, paragraphe 2, de la convention. La commission prie instamment le gouvernement de s’engager immédiatement, avec la participation des peuples indigènes, dans la conception de mécanismes de consultation appropriés, et de consulter les peuples indigènes avant l’adoption de mesures dans les circonstances visées aux articles 6 et 17, paragraphe 2, de la convention, et le prie de fournir des informations à cet égard.
La commission note que, d’après le SIGECOMGT, le Congrès va être saisi des projets de lois nos 690 et 840, tendant à promouvoir l’investissement privé dans les territoires des peuples indigènes amazones, sans consultation aucune de ces peuples. La commission prie le gouvernement d’assurer que les peuples concernés soient consultés à propos de ces projets et elle le prie de fournir des informations sur les consultations ainsi menées.
Articles 2, 6, 7, 15 et 33. Participation, consultation et ressources naturelles. Les diverses communications font état de situations de conflits nombreuses et graves, décrites dans le détail, imputables à une intensification radicale de l’exploitation des ressources naturelles dans les terres occupées traditionnellement par des peuples indigènes, sans participation ni consultation de ceux-ci. Les activités minières, qui occupaient 3 millions d’hectares en 1992, en occupaient 22 millions en 2000, ce qui affectait 3 326 des 5 818 communautés reconnues au Pérou. Parmi les diverses affaires qu’elles considèrent comme emblématiques, elles évoquent le projet minier Río Blanco. La CGTP déclare que, dans cette affaire, le débat de fond concerne le type de développement auquel la population aspire, et elle signale l’existence d’une proposition alternative faite par la région, intitulée «Vision pour un avenir commun et durable» que l’industrie minière n’a pas prise en considération et à laquelle le gouvernement n’accorde aucune attention. Des 75 millions d’hectares que couvre l’Amazonie péruvienne, plus des trois quarts sont couverts par des concessions d’exploitations d’hydrocarbures, occupant des territoires indigènes. Les diverses communications décrivent de manière détaillée les nombreuses affaires d’exploitation de ressources naturelles sans participation ni consultation des populations, et s’appuient sur un rapport du Défenseur du peuple de décembre 2006, intitulé «Los conflictos socioambientales por actividades extractivas en el Perú», qui alerte sur la gravité de la situation et signale que les peuples indigènes et paysans en sont les plus gravement affectés et, sans être opposés par principe à l’exploitation de ces ressources, voudraient avoir leur part de retombées bénéfiques.
La communication de la CGTP se réfère au décret no 012-2008-EM, portant règlement de la participation citoyenne aux activités concernant les hydrocarbures. La CGTP argue que ce décret procure une base légale aux activités de suivi promues par les entreprises, mais ne procure pas les mêmes bases pour un suivi communautaire, créant ainsi des conditions propices à la manipulation et à la cooptation. S’agissant des exploitations forestières, bien que la loi no 27308 protège de manière formelle les droits des peuples indigènes, il n’y a eu dans la pratique aucune mesure d’accompagnement technique ou économique, les contrôles ne sont pas effectifs et, en outre, les concessions d’exploitation sont prises sur des territoires communaux, comme en attestent 18 affaires dans la province d’Ucayali. Dans sa communication, le SIGECOMGT évoque de nombreuses affaires de violations présumées de la convention touchant à l’extraction de ressources naturelles, à la consultation et au droit foncier et aux graves conséquences de pollution du milieu, en particulier de l’eau, par les activités minières. Sont notamment évoquées, entre autres, les activités de l’entreprise Barrick Misquichilca, dans la province Huaraz de Ancash, et les activités de l’exploitation Newmont, dans le Tacna. En matière d’exploitation forestière, 53 000 hectares de la forêt de Loreto, qui est une forêt vierge, auraient été concédés, sans participation ni consultation des communautés indigènes concernées.
Le gouvernement n’apporte pas de réponse à ces commentaires, mais communique les informations suivantes: en mai 2008, il a adopté par voie de décret suprême no 020-2008-EM de la Direction générale des affaires sociales du ministère de l’Energie et des Mines, le règlement de participation citoyenne dans les activités minières qui, de son point de vue, donne effet aux articles 2, 7, 13, 15 et 33 de la convention et qui aurait été adopté avec une vaste participation citoyenne. En outre, les autres instruments suivants ont été adoptés dans ce sens: le décret suprême no 012-2008-EM, portant règlement de participation citoyenne dans le sous-secteur des hydrocarbures; le décret suprême no 015-2006-EM, portant règlement de protection de l’environnement pour le développement de l’exploitation des hydrocarbures; et le décret suprême no 020-2008-EM, portant règlement environnemental des activités d’exploitation minière. Le gouvernement ajoute que, depuis janvier 2008, le ministère de l’Energie et des Mines multiplie les réunions de dialogue, qu’il appelle «dialogue tripartite» entre le gouvernement, le secteur privé et les dirigeants indigènes dans les régions de Madre de Dios, Loreto et Ucayali, où des comités de coordination ont été formés. Le Programme national d’études hydrographiques de préservation des sols (PRONAMACHS) du ministère de l’Agriculture intègre la participation des populations comme élément central de sa stratégie.
La commission note que, d’après son rapport, le gouvernement a déployé un certain nombre d’efforts en matière de consultation et de participation. Cependant, elle ne peut que constater que les communications, établies avec une vaste participation indigène et qui incluent le rapport du Défenseur du peuple, font valoir que ces efforts sont ponctuels et isolés et ne répondent pas à la convention (réunions d’information et non de consultation, par exemple), et qu’il n’y a pas de participation ni de consultation pour répondre aux nombreuses situations de conflits posées par l’exploitation de ressources dans des terres occupées traditionnellement par les peuples indigènes. La commission se déclare préoccupée par les faits allégués et aussi par l’absence de commentaires à ce sujet de la part du gouvernement. La commission prie instamment le gouvernement d’adopter très rapidement, avec la participation des peuples indigènes et en consultation avec ceux-ci, les mesures nécessaires pour garantir: 1) la participation et la consultation des peuples indigènes d’une manière coordonnée et systématique, conformément aux articles 2, 6, 7, 15 et 33 de la convention; 2) l’identification des situations qui nécessitent des mesures spéciales d’urgence en rapport avec l’exploitation de ressources naturelles qui mettent en péril les personnes, les institutions, les biens, le travail, la culture et l’environnement des peuples intéressés, et que des mesures spéciales soient rapidement prises pour assurer leur sauvegarde. La commission prie le gouvernement de fournir des informations sur ces mesures, en même temps que ses propres commentaires sur les communications reçues.
La commission adresse par ailleurs une demande directe au gouvernement.
[Le gouvernement est prié de répondre en détail aux présents commentaires en 2009.]
1. La commission prend note du rapport alternatif de 2006 adressé par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) au sujet de l’application de la convention au Pérou. Ce rapport, reçu le 17 octobre 2006, a été adressé au gouvernement le 17 novembre 2006. Il a été élaboré avec la participation du groupe de travail sur les peuples indigènes de l’entité de coordination nationale des droits de l’homme et des organisations suivantes: Association interethnique de développement de la forêt péruvienne (AIDESEP), Confédération paysanne du Pérou (CCP), Confédération nationale agraire (CNA) et Coordination nationale des communautés touchées par les activités minières (CONACAMI). La commission prend aussi note d’une communication du Syndicat général des commerçants grossistes et de détail du centre commercial Grau Tacna (SIGECOMGT) reçue le 30 juillet 2007 et communiquée au gouvernement le 20 août 2007.
2. La commission note que le gouvernement a adressé une lettre en date du 20 août 2007 dans laquelle il indique que les séismes qui ont eu lieu au Pérou le 15 août 2007 ont endommagé gravement les installations du siège central du ministère du Travail et paralysé ses activités, ce qui l’empêche de répondre comme il convient aux demandes de la commission. La commission comprend les raisons évoquées par le gouvernement et exprime sa solidarité envers les personnes affectées par cette catastrophe naturelle. Elle analysera en détail ses communications avec le prochain rapport du gouvernement et les commentaires que celui-ci jugera utiles de formuler.
3. La commission invite le gouvernement à fournir des informations détaillées sur les points suivants:
a) Article 1 de la convention. Peuples protégés par la convention. Prière d’indiquer les mesures prises, y compris les mesures législatives, pour que tous les peuples visés à l’article 1 de la convention soient couverts par la convention, quelle que soit leur dénomination, en prenant en compte le fait que la notion de peuples indigènes contenue dans la convention est plus ample que celle de communauté, et qu’elle englobe cette notion.
b) Articles 13, paragraphe 2, et 15. Consultation et ressources naturelles. Prière d’indiquer les mesures prises en consultation avec les peuples indigènes et avec leur participation, en particulier par le biais de leurs institutions représentatives, pour établir ou maintenir des procédures appropriées de consultation des peuples indigènes afin de déterminer si leurs intérêts sont menacés, et dans quelle mesure ils le sont, avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation de ressources naturelles, dans le cas de ressources du sous-sol qui est propriété de l’Etat ou d’autres ressources sur lesquelles l’Etat a des droits, et qui se trouvent sur les terres et territoires définis à l’article 13, paragraphe 2, de la convention.
c) Articles 2, 7 et 33. Action coordonnée et systématique avec la participation des peuples indigènes. Prière d’indiquer les mesures prises pour institutionnaliser de plus en plus la participation indigène aux politiques publiques qui les concernent, conformément aux dispositions des articles 2, 7 et 33 de la convention. La commission demande aussi au gouvernement de la tenir informée sur les progrès accomplis.
4. La commission demande au gouvernement de communiquer les informations requises avec son prochain rapport, ainsi que les informations qu’elle a demandées en 2005, qui portent en particulier sur l’application de l’article 14 de la convention (terres).
1. Article 1 de la convention. Identité et sentiment d’appartenance. La commission relève dans le rapport du gouvernement que la population du Pérou, estimée à environ 24 millions d’habitants, se compose en majorité de métis et que plus de 9 millions de Péruviens sont des indigènes, pour la plupart quechuas et aymaras, qui résident dans la région andine. En Amazonie péruvienne, soit sur 62 pour cent du territoire national, vivent 42 groupes ethnolinguistiques qui présentent des caractéristiques culturelles, économiques et politiques différentes du reste de la population nationale. Les populations indigènes ne sont pas uniquement constituées de communautés paysannes et autochtones mais aussi de colonies éloignées dont certaines vivent dans un isolement volontaire et d’autres entrent sporadiquement en contact avec le monde extérieur. Les langues officielles sont l’espagnol, le quechua parlé par plus de 3 millions de personnes et l’aymara parlé par 350 000 personnes. En Amazonie, on dénombre 40 langues appartenant à 16 familles linguistiques. Le rapport indique que le droit à leur identité propre de tous les peuples, qui ne se définissent pas clairement comme autochtones, indigènes ou membres d’un groupe linguistique déterminé et qui ne font pas partie des 1 265 communautés paysannes et autochtones inscrites dans les registres de l’Etat péruvien, est insuffisamment reconnu. A ce propos, la commission avait précédemment fait état des difficultés que posent les différentes définitions et termes utilisés pour identifier les peuples auxquels s’appliquent les dispositions de la convention: populations paysannes, indigènes, autochtones, montagnarde, forestière ou de lisière de forêts. La commission se permet de suggérer à nouveau au gouvernement de dégager quelques critères fondamentaux communs à toutes les populations auxquelles pourrait s’appliquer la convention, en indiquant par exemple les critères utilisés lors du dernier recensement, et le prie de lui indiquer la manière dont est appliqué le critère d’auto-identité établi au paragraphe 2 de cet article.
2. Articles 2 et 33. Action coordonnée et systématique en vue d’appliquer les dispositions de la convention avec la participation des peuples indigènes. La commission prend note des différents programmes cités dans le rapport, comme ceux de la Commission des peuples andins, amazoniens et afropéruviens (CONAPA), le programme des communautés autochtones du Défenseur du peuple, qui s’adresse aux communautés autochtones de l’Amazonie, et ceux du Service des zones naturelles protégées (IANP) de l’Institut national des ressources naturelles. Elle prend également note des activités d’autres institutions et notamment du ministère de l’Energie et des Mines. La commission fait observer que, conformément à l’article 2 de la convention, une action coordonnée et systématique menée avec la participation des peuples indigènes est fondamentale pour la bonne application de la convention et souhaiterait par conséquent recevoir des informations sur les mesures prises pour coordonner les programmes existants et associer les peuples indigènes à toutes les phases de leur réalisation, de la planification à l’évaluation. Indiquer, par exemple, si les peuples indigènes de la côte sont représentés au sein de la CONAPA et si cet organisme ou un autre est habilité à élaborer des propositions de portée générale et à en assurer la coordination.
3. Articles 6 et 7. Consultation et participation. La commission note que la procédure de consultation suppose que les organisations indigènes nationales, régionales et locales concernées par le thème traité soient préalablement recensées. Cette procédure est prévue dans le Règlement de la loi sur les zones naturelles protégées (ANP). La désignation d’une ANP garantit l’intangibilité de la zone et des droits coutumiers de la population qui l’habite. La commission note avec intérêt que les ANP invitent la population à faire partie du comité de gestion et que, si plusieurs ethnies sont concernées, toutes sont placées sur un pied d’égalité et bénéficient des services d’un traducteur. Dans le cas particulier des réserves communautaires, des modalités spéciales de participation sont en cours d’élaboration. Le gouvernement indique que l’inconvénient de cette manière de procéder tient aux frais élevés d’organisation qui sont nécessaires pour que la population générale et les peuples indigènes en particulier puissent participer en connaissance de cause. La commission prend note avec intérêt des efforts accomplis et, considérant que la consultation et la participation sont des mécanismes fondamentaux sur lesquels s’appuient les autres dispositions de la convention, elle espère que le gouvernement continuera à œuvrer pour élargir la procédure de consultation et de participation aux autres mesures administratives et législatives susceptibles de toucher directement les peuples indigènes. Elle serait reconnaissante au gouvernement de joindre à son prochain rapport des informations sur les progrès réalisés, les résultats obtenus et les difficultés rencontrées dans ce contexte.
4. Article 11. Travail forcé. La commission prend note de la publication, établie en 2004, par le Programme sur la promotion de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui s’intitule: «Le travail forcé dans l’extraction du bois en Amazonie péruvienne». Selon cette publication, 33 000 personnes provenant majoritairement des divers groupes ethniques de l’Amazonie péruvienne sont soumises au travail forcé. L’étude signale également le recours au travail forcé dans de nouvelles zones des départements d’Ucayali et de Madre de Dios. Plusieurs communautés indigènes sont affectées en Ucayali, notamment celle de Murunahuas (Chitonahuas), Masco-Pirus, Cashinahuas, Shanarahuas, Amahuakas, Kulinas, Mastinahuas, Chaninahuas, Ashkaninkas, Cashibo-Catataibo, Isconahua, Shibipos, Paratari et Capirushari (Ashaninka), Tahuamanu et d’autres communautés isolées de la région d’Alto Purús, de même que dans la région de Madre de Dios, où le travail forcé affecte la province de Tahuamanu, de la rivière los Amigos à la rivière las Piedras. L’étude soutient que le besoin de développement des compagnies forestières a affecté les groupes isolés, ce qui a souvent généré des épidémies, causant l’extinction des natifs des régions touchées. D’après les sources citées dans ladite étude, 50 à 60 pour cent des Nahuas seraient décédés. Parmi les recommandations, l’on suggère l’élaboration d’un plan d’action visant l’éradication du travail forcé au Pérou. La commission poursuivra son examen de la situation relativement à l’application de la convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930; cependant, elle demande au gouvernement de la tenir informée sur le plan d’action adopté et sur ses résultats.
5. Articles 13 et 14. Droits fonciers. La commission note que 310 communautés paysannes sont inscrites chaque année au registre et que 1 772 attendent de l’être. Des négociations sont en cours à propos de l’attribution des titres de propriété à 139 communautés autochtones de la forêt, dont 85 pour cent ont demandé une extension de la superficie qui leur est actuellement reconnue. La commission note également que le projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT) a d’ores et déjà permis de régulariser les droits de propriété sur 1 700 000 parcelles, dont 700 000 ont été homologuées dans les registres fonciers. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait fait observer que l’article 11 de la loi no 26505 risquait d’inciter les populations indigènes des régions très pauvres ou riches en ressources minières ou en hydrocarbures à céder aux lois du marché et à renoncer à leurs terres ancestrales. Elle avait également fait observer que l’article 6 de cette loi, en vertu duquel les actions en justice sont régies par le Code de procédure civile, risquait de désavantager certaines communautés indigènes qui connaissent mal les procédures juridiques. La commission prie à nouveau le gouvernement de lui transmettre des informations plus précises sur le fonctionnement concret de la procédure d’attribution des titres fonciers, sur toutes les conditions juridiques à remplir et sur les éventuels frais de procédure. Elle souhaiterait également recevoir des informations sur les conditions requises pour que des communautés obtiennent la reconnaissance et l’inscription qui leur permettra de faire valoir leurs droits.
6. Dans ses commentaires antérieurs, la commission avait pris note du deuxième rapport de la Commission interaméricaine des droits de l’homme sur les droits de l’homme au Pérou (OEA/Ser.L/V/II.106-Doc. 59 rev.) du 2 juin 2000 qui, à propos du PETT, décrivait les difficultés auxquelles se heurtaient les communautés indigènes pour faire valoir leurs droits sur leurs terres. La commission exprime à nouveau l’espoir que le gouvernement prendra les mesures nécessaires, après consultation des peuples intéressés, pour déterminer et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui entravent la protection des droits énoncés à l’article 14 de la convention et que, dans son prochain rapport, il sera en mesure de faire état des progrès réalisés.
7. Dernier point concernant les droits fonciers: la commission renouvelle au gouvernement sa demande d’information sur l’application des recommandations figurant dans le rapport adopté par le Conseil d’administration lors de sa 273e session, tenue en novembre 1998, à propos d’une plainte déposée par la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP), alléguant que la loi no 26845 sur les titres fonciers des communautés paysannes de la côte permet de vendre des terres communautaires sans solliciter l’autorisation ni l’opinion des communautés indigènes concernées.
8. Article 15. Ressources naturelles et consultation. D’une part, la commission relève dans le rapport que l’Etat a le droit souverain d’exploiter les ressources naturelles, y compris sur le territoire de communautés indigènes. D’autre part, elle prend note avec intérêt de l’annexe élaborée par le ministère de l’Energie et des Mines à propos de l’application de la convention. Cette annexe présente des exemples concrets qui permettent de mieux comprendre les activités de prospection et d’exploitation des ressources minières ainsi que les droits des communautés indigènes. En réalité, le paragraphe 2 de l’article 15 de la convention n’exclut pas les ressources naturelles qui appartiennent à l’Etat de l’application de la convention mais, tout en reconnaissant un tel droit à l’Etat, édicte les dispositions applicables en pareil cas. Dans ce contexte, elle note avec intérêt que la résolution ministérielle no 596-2002 EM/DM, de décembre 2002, fixe les modalités de participation des citoyens à l’approbation des études d’impact environnemental et prévoit notamment une consultation préalable. Pour ce qui est du secteur des hydrocarbures, elle prend note avec intérêt de certaines informations concernant le projet Camisea et en particulier le Fonds Camisea, alimenté par le gouvernement et les entreprises dans le but de favoriser le développement des peuples indigènes et des populations touchées par le projet. Elle prend note également de la proposition visant à indemniser les communautés autochtones pour les dommages dus aux activités pétrolières. La commission saurait gré au gouvernement de lui donner des informations précises sur le projet Camisea et de lui faire savoir dans quelle mesure la procédure de consultation prévue à l’article 15, paragraphe 2, est appliquée à la prospection et à l’exploitation d’hydrocarbures et d’autres ressources naturelles, en indiquant les progrès réalisés et les difficultés rencontrées.
9. La commission relève dans le rapport que, de janvier 1999 à novembre 2002, la Direction générale des hydrocarbures, la Direction générale de l’environnement, le Secrétariat technique des affaires indigènes, la Société nationale de l’exploitation pétrolière et de l’énergie ainsi que des organisations indigènes et autres ont participé à la rédaction d’un règlement sur la participation et la consultation des communautés indigènes, mais n’ont pu terminé ce travail en raison du retrait de l’Association interethnique pour la mise en valeur de la forêt péruvienne (AIDESEP) en novembre 2002. La commission considère que la mise en place d’une réglementation générale pour régir la consultation et la participation des peuples indigènes dans le domaine de l’exploitation pétrolière, pourrait contribuer à ce que la prospection et l’exploitation des hydrocarbures bénéficient à toutes les parties intéressées en renforçant le dialogue, le développement durable et intégré ainsi que la sécurité juridique et permettraient également de prévenir les conflits. La commission invite donc le gouvernement à poursuivre ses efforts en vue de l’élaboration du règlement susmentionné en consultation avec les peuples indigènes, elle rappelle que, s’il l’estime nécessaire, il pourrait demander l’assistance technique du Bureau et lui demande de fournir des informations à ce sujet.
10. Article 20. Recrutement et conditions d’emploi. La commission note que, selon le rapport, il est possible d’analyser les caractéristiques de l’emploi des peuples indigènes au regard de la situation de la population rurale, dont ces peuples feraient partie. Elle note que la loi-cadre pour le développement économique du secteur rural, adoptée le 22 juillet 2004, a pour but de résoudre les problèmes de la pauvreté dans le secteur rural. Plus précisément, cette loi vise à améliorer la qualité de la vie en milieu rural ainsi que le respect de la diversité culturelle. Elle a donné lieu à la création du Système de soutien au secteur rural (SAS RURAL) qui sert à aiguiller et à encadrer la gestion des entreprises et des technologies et dont le comité directeur compte parmi ses membres un représentant des communautés paysannes et autochtones. La commission saurait gré au gouvernement de la tenir informée de l’impact de cette loi et du SAS RURAL sur l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations indigènes et de fournir des informations statistiques actualisées.
11. Inspection du travail. La commission souhaiterait également recevoir des informations détaillées sur les services de santé et de sécurité de l’inspection du travail, et notamment sur la participation de ces services aux inspections réalisées dans les zones rurales où travaillent un grand nombre d’indigènes. En outre, la commission prie le gouvernement de lui faire parvenir des statistiques indiquant le nombre d’inspections effectuées en milieu rural et en particulier de celles qui ont trait au travail des indigènes.
12. Articles 21 et 22. Formation professionnelle. La commission prie le gouvernement de lui faire savoir, au moyen d’informations détaillées, si les peuples indigènes ont accès et participent dans des conditions d’égalité aux programmes de formation professionnelle qui s’adressent à l’ensemble de la population, en indiquant toute mesure particulière prise en faveur de ces peuples. Elle le prie en outre d’indiquer si des programmes de formation professionnelle sont conçus et exécutés en collaboration avec les peuples indigènes concernés, de façon à tenir compte des besoins de formation particuliers de ces peuples.
13. Articles 24 et 25. Santé. La commission relève dans le rapport du gouvernement que les conditions de vie et de santé des peuples indigènes sont très inférieures à la moyenne nationale au point d’être extrêmement préoccupantes. C’est le Bureau général d’épidémiologie (OGE) qui est chargé d’évaluer l’état de santé de la population du pays et de chaque région. Pour pouvoir établir un diagnostic fiable de la situation des peuples indigènes de l’Amazonie, l’OGE a signé avec l’AIDESEP un accord de collaboration interinstitutionnelle, dans le cadre duquel ont été élaborées des procédures de consultation fondées sur une méthodologie interculturelle tenant compte du point de vue de ces peuples qui permettent d’obtenir des informations très utiles. La résolution ministérielle 192-2004/MINSA du 13 février a institué la Commission nationale pour la santé des populations indigènes de l’Amazonie, qui est chargée d’élaborer un vaste plan santé. Le ministère de la Santé a mis en place une série de stratégies sanitaires nationales comportant une stratégie pour la santé des peuples indigènes dont l’application est confiée au Centre national de santé interculturelle de l’Institut national de la santé. Les travaux réalisés en Amazonie ont été intégrés dans cette stratégie. La commission prie le gouvernement de continuer à lui donner des informations sur la stratégie relative à la santé des peuples indigènes ainsi que sur sa mise en pratique et sur les résultats obtenus y compris des informations statistiques actualisées.
14. Articles 26 à 31. Education et moyens de communication. La commission prend note des informations exhaustives fournies par le gouvernement et de la promulgation de la loi générale no 28044 sur l’éducation, qui institue l’enseignement indigène et l’enseignement interculturel bilingue, de la loi no 27818 sur l’enseignement interculturel bilingue et de la loi no 28106 sur la préservation et la diffusion des langues aborigènes. Elle prend note également de la création de la Direction nationale de l’enseignement interculturel bilingue et du Conseil consultatif national pour l’enseignement interculturel bilingue au sein desquels sont représentés les peuples indigènes. Le ministère de l’Education a signé des accords avec l’AIDESEP et le Conseil Aguaruna Huambisa, et a commencé à mettre en œuvre le Programme d’éducation dans les zones rurales (PEAR), dont l’un des volets a trait à la participation communautaire à des projets qui s’adressent aux peuples indigènes de la région andine et de l’Amazonie. La politique nationale en la matière prévoit que les professeurs doivent enseigner à lire et à écrire aux élèves indigènes dans leur propre langue et en espagnol comme deuxième langue. La commission prend également note des activités spécialement organisées par les médias pour promouvoir la pluralité et de l’organisation de rencontres entre des enfants indigènes et des enfants de la ville de Lima. La commission prie le gouvernement de continuer à lui donner des informations sur l’application de ces articles, ses résultats et des informations statistiques actualisées.
15. Article 32. Contacts et coopération à travers les frontières. La commission prie le gouvernement de lui donner des informations sur les mesures prises pour faciliter les contacts et la coopération entre peuples indigènes et tribaux à travers les frontières, y compris dans les domaines économique, social, culturel, spirituel et de l’environnement, en particulier dans l’Amazonie.
16. Partie VIII du formulaire de rapport. La commission rappelle que sous ce point du formulaire de rapport de la convention, approuvé par le Conseil d’administration, il est dit que, même si ce n’est pas obligatoire, le gouvernement pourrait juger utile de consulter les organisations des peuples indigènes et tribaux du pays par le truchement de leurs institutions traditionnelles, lorsqu’elles existent, au sujet des mesures prises pour donner effet à la présente convention et dans le cadre de l’élaboration des rapports sur son application. La commission saurait gré au gouvernement de lui indiquer si de telles consultations ont eu lieu ou s’il prévoit d’entreprendre de telles consultations dans le futur.
1. Articles 2 et 33 de la convention. Action coordonnée et systématique en vue d’appliquer les dispositions de la convention avec la participation des peuples indigènes. La commission prend note de la création en 2001, par le décret suprême no 111-2001-PCM, de la Commission des peuples andins, amazoniens et afropéruviens (CONAPA) qui relève de la présidence du Conseil des ministres et qui a pour mandat d’approuver, de programmer, de promouvoir, de coordonner, de diriger, de superviser et d’évaluer les politiques, programmes et projets concernant les populations en question. Elle note avec intérêt qu’en 2003 la CONAPA a organisé, avec l’aide de la coopération internationale, une vingtaine de rencontres et ateliers sur les questions de l’identité, de la consultation, de la participation, du développement durable et du renforcement des organisations indigènes. La commission considère que la participation des peuples indigènes aux politiques qui les concernent est fondamentale pour la bonne application des dispositions de la convention. Elle saurait gré au gouvernement de lui faire parvenir des informations sur la manière dont les différentes organisations indigènes seront représentées au sein de la CONAPA, sur leur participation et sur les activités réalisées par cette commission. Notant également que la CONAPA a proposé une réforme de la Constitution du Pérou visant à y insérer un nouveau chapitre sur les droits des peuples indigènes et des populations afropéruviennes, la commission prie le gouvernement de lui faire parvenir une copie de cette proposition et de la tenir informée de tout fait nouveau à ce sujet.
Communauté de Santo Domingo de Olmos
2. Article 14. Depuis l’année 2000, la commission se réfère à une communication de la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) selon laquelle, par le décret suprême no 017-99-AG, le gouvernement a exproprié, sans la dédommager, la communauté indigène de Santo Domingo de Olmos de 111 656 hectares de ses terres ancestrales au profit d’investisseurs privés qui doivent y réaliser un projet hydroélectrique. Le gouvernement avait indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une expropriation et que le droit de propriété des tiers avait été préservé.
3. Dans son observation de 2002, la commission avait examiné dans le détail la législation qui définit le régime juridique des terres agricoles, et notamment la loi no 26505 du 17 juillet 1995 sur l’investissement privé dans les activités économiques menées sur le territoire national et sur les terres des communautés paysannes et indigènes et son règlement. Elle avait noté que l’article 4 du décret contesté déclarait en friche («eriazas») 111 656 hectares sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux, et que l’article 5 disposait que cette superficie devait être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial d’irrigation et de production hydroélectrique. Elle avait fait observer que, même si, comme l’indiquait le gouvernement, la procédure d’expropriation n’avait pas été poursuivie, des terres sur lesquelles une communauté indigène revendique des droits ancestraux avaient été annexées au domaine de l’Etat et concédées à des particuliers. Elle avait pris note à ce propos de quatre résolutions démontrant l’existence de l’occupation traditionnelle et de la volonté de la communauté de Olmos de ne pas renoncer à ses droits. En outre, elle s’était déclarée préoccupée par le fait que, selon la CUT, ces 111 656 hectares revêtent une importance stratégique pour les populations concernées et qu’une grande partie de la superficie restante est constituée de collines et présente un problème d’eau, et elle avait rappelé qu’elle avait fait observer dès 1998 que la loi no 26505 était de nature à favoriser la dispersion des terres des communautés indigènes.
4. La commission avait attiré l’attention du gouvernement sur le fait que ce qu’il décrit comme une incorporation au domaine de l’Etat constitue en réalité, dans la mesure où il y a eu occupation traditionnelle, une négation des droits de propriété et de possession établis aux articles 13 à 15 de la convention, quel que soit le procédé utilisé. La commission avait prié le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, conformément au paragraphe 2 de l’article 14 de la convention, pour déterminer, en consultation avec les peuples intéressés comme le stipule l’article 6 de la convention, les terres traditionnellement occupées par ces peuples, et elle l’avait invité à prendre les mesures adéquates pour garantir la protection effective de leurs droits.
5. Dans son rapport de 2004, le gouvernement répète qu’en vertu de la loi no 26505 et de son règlement les terres en friche qui sont cultivables ou adaptées à l’élevage font partie du domaine de l’Etat et que le droit de propriété des tiers est préservé. Il ajoute que, si la propriété de la communauté paysanne de Santo Domingo de Olmos sur les terres en question était attestée, il serait possible de déclencher une procédure d’expropriation en vertu de la loi générale d’expropriation no 27117, mais que, ce moyen n’ayant pas été utilisé, il est erroné de parler d’expropriation. Il indique, d’une part, que l’article 89 de la Constitution du Pérou reconnaît l’existence légale des communautés paysannes et indigènes, leur confère la personnalité juridique et déclare la propriété de leurs terres imprescriptible et, d’autre part, qu’il existe dans la législation nationale des mécanismes qui peuvent être activés pour faire valoir le droit de propriété. Il signale par ailleurs qu’en 2001 la Cour constitutionnelle a entériné la décision du tribunal qui avait déclaré irrecevable l’action en amparo intentée par la communauté car celle-ci n’était pas inscrite au registre public ou n’avait pas produit le certificat d’inscription. Il ajoute que, selon les dernières informations communiquées par le gouvernement, même si la communauté de Olmos jouit officiellement de la personnalité juridique, elle n’a pas de représentation légitime sur le plan juridique, condition indispensable pour obtenir la régularisation de ses terres auprès de l’organisme compétent, à savoir la Direction des affaires agraires du gouvernement régional de Lambayeque, et qu’il incombe par conséquent à cette communauté de régler la question de sa représentation juridique.
6. Article 14, paragraphe 3. Procédures adéquates pour trancher les revendications relatives à des terres. La commission rappelle que, même si le décret contesté préserve le droit de propriété de tiers, la convention ne protège pas seulement le droit de propriété mais aussi l’occupation traditionnelle. Elle rappelle également qu’en vertu de la convention les gouvernements:
- doivent en tant que de besoin prendre des mesures pour identifier les terres que les peuples intéressés occupent traditionnellement et pour garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession (article 14, paragraphe 2);
- doivent instituer des procédures adéquates dans le cadre du système juridique national en vue de trancher les revendications relatives à des terres émanant des peuples intéressés (article 14, paragraphe 3).
La commission souligne que l’article 14 de la convention protège non seulement les terres pour lesquelles les populations intéressées détiennent déjà un titre de propriété mais aussi celles qu’elles occupent traditionnellement. Pour déterminer l’existence de l’occupation traditionnelle, il faut des procédures adéquates. La commission constate que, dans ce cas, l’affaire n’a pas été examinée sur le fond et que le tribunal a considéré irrecevable l’action en recours pour des questions de forme. La commission invite par conséquent le gouvernement à prendre les mesures adéquates, après consultation de la communauté concernée, pour déterminer et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui empêchent la communauté de Olmos de faire valoir effectivement sa revendication des terres qu’elle considère comme ancestrales afin qu’elle puisse intenter le recours prévu à l’article 14, paragraphe 3, de la convention et, le cas échéant, obtenir la protection effective de ses droits. La commission espère que, dans son prochain rapport, le gouvernement sera en mesure de faire état des progrès réalisés sur ce point.
La commission adresse une demande directe au gouvernement.
La commission note que le rapport du gouvernement est arrivé pendant la session actuelle. Par conséquent, elle examinera ce rapport à sa prochaine session, en même temps que les réponses que le gouvernement aura éventuellement apportées à l’observation et à la demande directe établies en 2002.
1. La commission se réfère à son observation et prie le gouvernement de répondre, dans le rapport qu’il doit lui transmettre en 2003, aux commentaires formulés tant dans l’observation que dans la demande directe de 1998. En outre, elle note que dans son rapport de juillet 2001, le gouvernement n’indique pas qu’il a communiqué aux organisations d’employeurs et de travailleurs, comme le requièrent le paragraphe 2 de l’article 23 de la Constitution de l’OIT et la partie 7 du formulaire de rapport. Elle espère que le gouvernement transmettra une copie de son prochain rapport aux organisations susmentionnées.
2. Articles 6 et 15 de la convention. La commission avait demandé des informations sur l’application de cet article dans le cadre de l’affaire examinée. Elle note que, selon les indications transmises par le gouvernement, la commission des affaires indigènes, créée en vertu du décret suprême no 012-98-PROMUDEH, est un organe multisectoriel chargé de faciliter les relations entre les communautés indigènes et l’Etat, et que le règlement d’application de ce décret a été approuvé par le biais de la résolution ministérielle no 104-2001-PROMUDEH. La commission susmentionnée doit, entre autres attributions, veiller à l’harmonisation des politiques et des normes avec les initiatives et exigences des indigènes; elle doit aussi déterminer les procédures de consultation que devront observer les divers services de l’Etat en ce qui concerne les mesures législatives et administratives qui pourraient avoir des conséquences pour les populations indigènes. La commission note que cette législation constitue un progrès, de nature à faciliter l’application de la convention. Elle note cependant que les informations requises en ce qui concerne l’application de ces articles de la convention dans le cas à l’étude n’ont pas été transmises.
3. La commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que le rattachement des terres en question au domaine de l’Etat ne le dispense pas de l’application de l’article 15 de la convention. Elle prie instamment le gouvernement de consulter la communauté de Olmos afin de déterminer si et dans quelle mesure les intérêts de cette communauté sont menacés par le projet, avant d’entreprendre ou d’autoriser tout programme de prospection ou d’exploitation des ressources que renferment ses terres, comme le stipule le paragraphe 2 de l’article 15 de la convention. De même, elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour que les peuples intéressés, et dans le cas présent la communauté de Olmos, participent, chaque fois que cela est possible, aux avantages découlant de telles activités et reçoivent une indemnisation équitable pour tout dommage qu’ils pourraient subir en raison de ces activités, conformément au paragraphe 2 de cet article. Prière de transmettre des informations sur les mesures prises à cette fin et sur les progrès réalisés.
4. La commission note qu’au chapitre X (Droits des communautés indigènes) du deuxième Rapport sur les droits de l’homme au Pérou de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (OEA/Ser.L/V/II.106-doc. 59 rev.) du 2 juin 2000, il est indiqué que: le projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT), alléguant des problèmes budgétaires ne délivre pas de titres de propriété aux communautés indigènes qui en font la demande, et que la priorité a été accordée à la régularisation de la propriété des petits agriculteurs et non des communautés paysannes et indigènes, et que les droits de propriété des peuples indigènes ont gravement pâti de la réforme agraire. Ce rapport indique également qu’environ 300 communautés ne sont pas reconnues et ne détiennent aucun titre de propriété, et qu’environ 3 431 communautés paysannes ne disposent d’aucun dossier sur leurs terres traditionnelles et ne peuvent donc faire inscrire leurs titres dans les registres publics. Ces informations correspondent à celles qu’a transmises le gouvernement à propos de la communauté de Olmos, selon lesquelles cette communauté n’étant pas inscrite en tant que personne juridique dans les registres publics, l’inscription de ses terres est impossible. La commission exprime sa préoccupation face aux difficultés auxquelles se heurtent les communautés indigènes pour faire valoir leurs droits de propriété sur leurs terres. Elle réaffirme les commentaires qu’elle avait formulés au paragraphe 14 de son observation de 1998, dans lesquels elle rappelait que les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection effective des droits de propriété et de possession de ces peuples, ou leur assurer une réelle possibilité de faire valoir leurs revendications sur la terre. La commission espère que le gouvernement prendra des mesures appropriées, en consultation avec les peuples intéressés comme le stipule la convention, pour déterminer et éliminer les obstacles, y compris sur le plan de la procédure, qui entravent la protection effective des droits susmentionnés et que, dans son prochain rapport, il sera en mesure de faire état des progrès réalisés.
1. La commission prend note du rapport transmis par le gouvernement en réponse à son observation de 2000 qui portait uniquement sur la communication envoyée le 3 août 1999 par une organisation de travailleurs, en vertu de l’article 23 de la Constitution, ainsi que du rapport envoyé par le gouvernement le 9 mai 2000, en réponse à la communication susmentionnée. La commission, rappelant que les commentaires formulés sur des questions d’une plus vaste portée dans son observation et sa demande directe de 1998 demeurent valables, saurait gré au gouvernement de répondre, dans son prochain rapport, qui est dû en 2003, non seulement à la présente observation mais également à ses commentaires de 1998.
2. Dans sa communication, la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) indiquait que, par le décret suprême no 017-99-AG du 3 juin 1999, le gouvernement a exproprié la communauté indigène de Santo Domingo de Olmos de 111 656 hectares des terres ancestrales, dans la province de Lambayeque, pour les attribuer à des investisseurs privés intéressés par un projet hydroélectrique. Selon la CUT, ni la communauté dans son ensemble ni ses membres n’ont été dédommagés de la confiscation de ces terres. La commission avait noté que, dans sa réponse à la communication de la CUT, le gouvernement indiquait que l’inclusion des 111 656 hectares dans le projet ne constituait pas une expropriation et que, si la propriété de la communauté sur ces terres était confirmée, cette communauté ne perdrait pas ses droits puisque l’article 5 du décret préserve le droit de propriété des tiers.
3. La commission note qu’en réponse à la question posée dans son observation de 2000 sur les mesures prises pour délimiter les terres ancestrales de la communauté, le gouvernement indique que le projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT), mis en place en vertu de la loi organique du ministère de l’Agriculture (décret-loi no 25 902) et régi par le décret suprême no 064-2000, encadre, au niveau national, la clarification sur les plans matériel et légal du statut des terres rurales expropriées et concédées aux fins de la réforme agraire, qui appartiennent à des particuliers, ainsi que des terres en friche («eriazas») qui sont à la libre disposition de l’Etat, en vue de leur transfert au secteur privé. Selon le rapport, la clarification du statut des biens ruraux consiste à régulariser, sur le plan légal, les terres rurales, les communautés paysannes et autochtones ainsi que les terres en friche, en établissant un cadastre rural au niveau national. Le gouvernement indique en outre que la communauté indigène de Santo Domingo de Olmos dispose de tous les éléments techniques nécessaires à son enregistrement et pourrait déjà faire enregistrer les 360 808 hectares qui ne sont pas contestés, mais qu’il manque un élément juridique, à savoir l’inscription de cette communauté dans les registres publics en tant que personne juridique.
4. Dans son rapport de 2001, le gouvernement réaffirme que cette affaire ne constitue pas une expropriation et que le droit de propriété de la communauté restera, sauf si la communauté en fait la preuve.
5. Afin d’examiner ces questions, la commission prend note de la législation qui réglemente le régime juridique des terres agricoles, à savoir: le Code civil, la loi no 26 505 du 17 juillet 1995, sur l’investissement privé dans les activités économiques menées sur le territoire national et sur les terres des communautés paysannes et indigènes et son règlement, approuvé par le décret no 011-97-AG du 12 juin 1997. Elle note que l’article 7 du règlement dispose que sont considérées comme terres en friche («eriazas») les terres cultivables ou adaptées à l’élevage qui ne sont pas exploitées en raison d’un manque ou d’un excès d’eau, et que l’article 9 dispose que lesdites «eriazas» cultivables ou adaptées à l’élevage font partie du domaine de l’Etat, à l’exception de celles pour lesquelles il existe des titres de propriété privée ou communale. La commission note également que le ministère de l’Agriculture tient le registre des terres en friche visées à l’article 7 et vérifie l’exécution des contrats d’adjudication de ces terres. En outre, le même décret (art. 4) déclare en friche («eriazas») 111 656 hectares sur lesquels la communauté de Olmos revendique des droits ancestraux et dispose (art. 5) que cette superficie doit être enregistrée comme étant à la disposition du projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique. La commission note que, selon le gouvernement, la procédure d’expropriation n’a pas été poursuivie, mais fait observer que des terres sur lesquelles une communauté indigène revendique des droits ancestraux ont été incorporées au domaine de l’Etat et concédées à des particuliers sans qu’aucun dédommagement ne soit accordé.
6. La commission indique que le rattachement au domaine de l’Etat et la concession ultérieure au secteur privé de terres sur lesquelles les indigènes revendiquent des droits ancestraux posent des questions quant à la conformité de telles mesures avec les articles 13 et 14 de la convention. En conséquence, elle examinera la revendication des droits ancestraux de la communauté de Olmos sur les terres contestées à la lumière de ces articles de la convention.
7. La commission note que le paragraphe 1 de l’article 13 de la convention porte sur les terres que les peuples intéressés occupent ou utilisent d’une autre manière, tandis que le paragraphe 1 de l’article 14 stipule que «les droits de propriété et de possession sur les terres qu’ils occupent traditionnellement doivent être reconnus aux peuples intéressés» et que le paragraphe 2 de ce même article dispose que les gouvernements doivent, en tant que de besoin, prendre des mesures pour identifier ces terres. Dans un commentaire de 1988 relatif à l’application de la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, la commission avait déjàétabli que l’occupation traditionnelle confère le droit sur la terre en vertu de la convention, que ce droit ait été reconnu ou non. En cherchant à déterminer si les terres contestées étaient auparavant occupées traditionnellement par des populations indigènes, la commission a constaté que la communauté paysanne de Olmos justifie de quatre résolutions de reconnaissance des terres, à savoir: résolution du 9 mai 1544, délivrée par Blasco Núñez de Vela, Vice-roi du Pérou; résolution du 22 avril 1550, délivrée par Pedro de la Gasca, président de la «Audiencia de los Reyes»; résolution du 13 avril 1578, délivrée par Francisco Toledo, Vice-roi du Pérou; et résolution suprême no 086 du 4 août 1931, délivrée par le ministère des Travaux publics, qui reconnaît les communautés paysannes de Olmos comme populations indigènes. Les trois premières résolutions attestent des droits de la communauté sur les terres et ont été enregistrées par-devant notaire en 1847, en 1948 et en 1974. La commission n’entrera pas en matière sur la validité juridique de ces résolutions en tant que titres de propriété, mais en prend note dans la mesure où elles démontrent l’existence de l’occupation traditionnelle et de la volonté de la communauté de Olmos de ne pas renoncer à ses droits sur les terres en question puisqu’elle a tenté de les faire reconnaître tout au long des siècles. De plus, la commission prend note de la plainte déposée le 24 juillet 1999 par le président de la communauté paysanne de Olmos, que lui a transmise la CUT.
8. Sur la base de l’ensemble des informations dont elle dispose, la commission note qu’il y a eu occupation traditionnelle, même s’il n’est pas possible de déterminer si cette occupation porte sur toute la superficie des terres contestées. Elle fait observer que, selon la carte transmise par la CUT, ces terres seraient situées au centre de terres traditionnellement occupées par la communauté de Olmos et note avec préoccupation que, selon la CUT, ces 111 656 hectares revêtent une importance stratégique pour les communautés et qu’une grande partie de la superficie restante est constituée de collines et présente un problème d’eau. La commission rappelle que la convention était déjà en vigueur en 1999, lors de la promulgation du décret susmentionné et que, dans son observation de 1998 (paragraphes 14 et 15), elle avait déjà exprimé l’inquiétude que la loi no 26 505 favorise la dispersion des terres communales.
9. En conséquence, la commission attire l’attention du gouvernement sur le fait que ce qu’il décrit comme une incorporation au domaine de l’Etat constitue en réalité, dans la mesure où il y a eu occupation traditionnelle, une négation des droits de propriété et de possession établis aux articles 13 et 15 de la convention, quel que soit le procédé utilisé. La commission note que la communauté indigène de Olmos demande que ses terres finissent par lui être restituées, même dans un avenir lointain. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires, conformément au paragraphe 2 de l’article 14 de la convention, pour déterminer, en consultation avec les peuples intéressés comme le stipule l’article 6 de la convention, les terres traditionnellement occupées par les peuples concernés et espère que, une fois ces terres délimitées, il prendra les mesures adéquates pour garantir, comme le stipule le paragraphe 2 de l’article 14 de la convention, la protection effective des droits de propriété et de possession des peuples intéressés, y compris, le cas échéant, sur les 111 656 hectares en question.
10. D’une manière plus générale, la commission craint que la loi no 26 505, son règlement d’application et la législation connexe ne portent atteinte aux droits des peuples indigènes sur les terres qu’ils occupent traditionnellement. Elle prie le gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour empêcher le rattachement des terres occupées traditionnellement par les indigènes au domaine public et veiller à ce que les titres fonciers correspondants soient rapidement délivrés. La commission espère que le gouvernement lui transmettra dans son prochain rapport des informations sur les mesures prises et les progrès réalisés.
1. La commission indique que le présent commentaire porte uniquement sur les observations formulées par une organisation de travailleurs en vertu de l’article 23 de la Constitution, et non sur l’application générale de la convention. Les questions plus larges qui font l’objet de l’observation et de la demande directe de 1998 demeurent valables, et la commission rappelle au gouvernement qu’il est prié d’y répondre dans son prochain rapport, conformément à l’article 22 de la Constitution.
2. La commission prend note de la communication datée du 3 août 2000, dans laquelle la Centrale unitaire des travailleurs du Pérou (CUT) allègue l’inexécution de la convention par le gouvernement. La commission prend également note de la réponse du gouvernement, datée du 9 mai 2000, aux commentaires de la CUT.
3. La CUT indique que, par le décret suprême no017-99-AG du 3 juin 1999, le gouvernement péruvien a exproprié 111 656 hectares des terres ancestrales de la communauté paysanne Santo Domingo de Olmos (ci-après dénommée «la communauté»), qui est une communauté indigène du département et de la province de Lambayeque. Elle signale que cette communauté se compose de 18 000 membres et qu’elle a à sa tête une assemblée élue par 118 représentants.
4. La CUT déclare qu’à l’origine le gouvernement avait l’intention d’exproprier 46 000 hectares mais que, face à l’opposition des membres de la communauté, la Commission de promotion des investissements privés (COPRI) et le ministère de l’Agriculture décidèrent d’exproprier en tout 111 656 hectares. Selon la CUT, les terres expropriées seront concédées à des investisseurs étrangers qui souhaitent les utiliser pour la production d’hydroélectricité.
5. La commission prend note des dispositions contenues dans le décret suprême no017-99-AG ainsi que de la résolution no86 du 4 août 1931 qui reconnaît «la communauté des indigènes d’Olmos» et prévoit l’inscription de celle-ci au Registre officiel du Département des affaires indigènes du ministère du Développement. Elle note en outre que, selon les informations transmises par la CUT, ni la communauté dans son ensemble ni ses membres n’ont été dédommagés de la confiscation des terres en question.
6. La commission prend note de la réponse du gouvernement, datée du 9 mai 2000, à la communication de la CUT. Le gouvernement indique qu’en vertu de la loi no16101 d’avril 1966 l’exécution de travaux d’irrigation dans les plaines d’Olmos, dans le département de Lambayeque, a été déclarée nécessaire et d’utilité publique et que, par la suite, le projet d’irrigation d’Olmos a été déclaré«Projet spécial» par le décret suprême no907-74-AG de septembre 1974. C’est pourquoi, selon le gouvernement, ce projet a été inclus, en vertu de la loi no 26440, dans le processus de promotion des investissements privés, régi par le décret-loi no674. Le gouvernement indique qu’une superficie de 111 656 hectares de terres en friche a ensuite été localisée dans la zone du projet, ce qui a donné lieu à la promulgation, en juin 1999, du décret suprême no17-99-AG. Selon ce décret, «l’étude du Projet spécial d’irrigation d’Olmos est actuellement dans sa phase finale … elle prévoit, outre les travaux d’irrigation, des systèmes d’énergie hydroélectrique consistant à détourner les eaux du bassin de l’Atlantique vers le bassin du Pacifique, à les recueillir et à les utiliser pour la production d’énergie et l’arrosage des vallées environnantes». L’article 1 du décret remplace la dénomination antérieure du projet par celle de Projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique d’Olmos. L’article 2 du décret stipule que les plans et la description de la zone sur laquelle sera déployé le projet, y compris les 111 656 hectares en question, sont approuvés. L’article 5 dispose que la direction du Projet spécial Olmos-Tinajones inscrira les terres sous référence dans les registres publics correspondants comme étant à la disposition du Projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique d’Olmos sans préjudice du droit de propriété de tiers.
7. Le gouvernement indique que l’article 70 de la Constitution du Pérou consacre le droit de propriété et que, conformément à cet article, «personne ne peut être privé de sa propriété sauf et exclusivement pour des raisons de sécurité nationale et d’intérêt public proclamées par voie législative et contre le versement d’une indemnisation dûment évaluée comprenant le dédommagement d’un éventuel préjudice». Le gouvernement indique en outre que, si la propriété de la communauté sur les terres comprises dans le projet avait été confirmée, une procédure d’expropriation aurait pu être déclenchée. Il précise toutefois que tel n’a pas été le cas et que l’utilisation des 111 656 hectares aux fins du projet ne constitue pas une expropriation. Il ajoute que l’article 5 du décret préservant le droit de propriété des tiers, la communauté ne perdrait pas son droit de propriété sur ses terres même si celle-ci était confirmée.
8. La commission prie le gouvernement de lui transmettre des informations sur les mesures prises pour délimiter les terres ancestrales de la communauté, y compris les 111 656 hectares mentionnés dans le décret suprême no17-99-AG, et de lui faire parvenir des copies de tout titre de propriété concernant les terres susmentionnées. Elle demande également au gouvernement de lui indiquer toute modification de l’inscription de ces terres au cadastre, survenue dans le cadre du projet spécial d’attribution des titres de propriété (PETT). Enfin, elle demande au gouvernement de lui transmettre des informations sur toute démarche effectuée par la communauté ou l’un quelconque de ses membres pour faire valoir son titre de propriété sur les 111 656 hectares en question ou enregistrer un tel titre.
9. Articles 6 et 7 de la convention. La commission rappelle que, en appliquant les dispositions de la convention, le gouvernement doit consulter les peuples intéressés par des procédures appropriées, et en particulier à travers leurs institutions représentatives, chaque fois que sont envisagées des mesures législatives ou administratives susceptibles de les toucher directement. Ces peuples doivent participer à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des plans de développement national et régional susceptibles de les toucher directement. La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations sur les consultations qui ont eu lieu avec la communauté avant la promulgation du décret en question. Elle lui demande également des informations sur les mécanismes permettant la participation de la communauté aux plans de développement qui la concernent, y compris au projet spécial d’irrigation et de production d’énergie hydroélectrique d’Olmos.
10. Article 15. La commission rappelle que les droits des peuples indigènes sur les ressources naturelles dont sont dotées leurs terres doivent être spécialement sauvegardés et que ces peuples doivent participer à l’utilisation, à la gestion et à la conservation de ces ressources, ainsi qu’aux avantages découlant de tout programme de prospection ou d’exploitation de celles-ci. En conséquence, elle demande au gouvernement de l’informer de toute mesure prise ou envisagée pour garantir la participation de la communautéà l’utilisation, la gestion et la conservation des ressources qui se trouvent sur ses terres ainsi qu’aux avantages découlant du projet, et pour indemniser la communauté de tout préjudice causé par les activités envisagées dans le cadre du projet spécial.
1. La commission prend note du premier rapport détaillé du gouvernement et des conclusions adoptées par le Conseil d'administration, à sa 273e session, sur la réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution, et concernant l'application de certains articles de la convention. La commission prie le gouvernement de lui apporter un complément d'informations sur les points suivants.
2. Article 1 de la convention. La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations plus précises sur le nombre de personnes classées comme indigènes et de personnes classées comme paysans dans le cadre du recensement de 1993, étant donné qu'il ne ressort pas des textes disponibles qu'une distinction soit faite. D'autre part, le nombre de personnes appartenant aux communautés paysannes et "natives" semble plutôt bas par rapport au nombre d'habitants en général. La commission se permet de suggérer au gouvernement d'appliquer un critère homogène aux populations susceptibles d'être couvertes par la convention, étant donné que les différents termes et définitions employés peuvent prêter à confusion entre les différentes populations: paysannes, indigènes, "natives", montagnardes, forestières ou de lisière de forêt. La commission souhaite recevoir des informations précises concernant les critères pris en considération lors du recensement de 1993 pour déterminer l'origine indigène ou non des personnes recensées et si le critère d'"auto-identité" a été pris en compte pour déterminer les groupes couverts par la convention, comme requis au paragraphe 2 de cet article.
3. Article 2. La commission prie le gouvernement de fournir un complément d'informations sur les programmes destinés spécifiquement aux communautés indigènes et, le cas échéant, sur leur participation à l'élaboration de ces programmes.
4. La commission note que le gouvernement indique dans son premier rapport que l'Institut indigène péruvien (IIP) est l'organe central de coordination de l'action gouvernementale avec les peuples indigènes du pays. En observant que l'institut a cessé d'exister depuis que le rapport a été envoyé et que son personnel a été transféré à une "unité indigène" du ministère de la Promotion de la femme et du Développement humain, elle prie le gouvernement d'indiquer si l'unité indigène a repris toutes les fonctions de l'IIP et, dans la négative, quelle est l'instance gouvernementale qui mène actuellement une "action coordonnée et systématique", conformément à cet article.
5. En ce qui concerne la loi sur l'investissement privé dans le développement des activités économiques sur les terres du territoire national et sur les terres des communautés paysannes et indigènes, promulguée après la ratification de la convention, la commission prie le gouvernement d'indiquer si les communautés intéressées ont participé à son élaboration, comme le prévoit l'article 2. Elle souhaiterait en outre être informée des activités de l'Institut national du développement paysan (INDEC). De même, dans le cadre d'une demande directe de 1992, concernant la convention (no 107) relative aux populations aborigènes et tribales, 1957, elle avait rappelé que le gouvernement proposait de mener une étude sur l'adoption éventuelle de mesures destinées à améliorer la situation des peuples indigènes dans des agglomérations de la périphérie des centres urbains. Le présent rapport ne contenant aucune nouvelle information concernant cette étude, la commission prie le gouvernement de fournir des indications sur toute nouvelle mesure prise à cet égard.
6. Article 3. La commission prie le gouvernement de fournir des informations concernant les droits des personnes qui, bien que se considérant indigènes, ne sont pas recensées en tant que telles parce qu'elles ne portent pas de nom d'origine indigène, de même que sur l'existence de mécanismes appropriés d'application de la législation dans les cas de plainte pour discrimination fondée sur l'origine ethnique.
7. Article 4. La commission souhaite recevoir de plus amples informations sur les programmes spécifiques destinés à résoudre les difficultés éventuellement rencontrées par les peuples indigènes dans le cadre de la transition économique et sociale.
8. Article 6. La commission rappelle que l'absence manifeste de consultations avait été l'une des bases des conclusions auxquelles le comité tripartite constitué par le Conseil d'administration était parvenu pour examiner la réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution. En conséquence, elle prie le gouvernement d'apporter des informations spécifiques sur la mise en oeuvre pratique des procédures de consultation des communautés indigènes, les moyens mis en place pour que ces consultations aient lieu, et si, tel est le cas, de préciser si elles sont menées de telle sorte que ces communautés puissent exprimer leur avis lorsque leurs intérêts sont en jeu. En outre, la commission prie le gouvernement d'indiquer si les fonctions de l'ancien Institut indigène péruvien consistant à promouvoir la participation des peuples indigènes à tous les stades de "la définition de leurs problèmes", de planifier leurs activités de développement et tout programme ayant une incidence sur leur sort ou dans lequel ils seraient englobés ont été transférées à l'Unité indigène du ministère de la Promotion de la femme et du Développement humain.
9. Article 7. La commission prie le gouvernement de lui faire parvenir des informations détaillées sur les activités de l'Unité indigène du ministère de la Promotion de la femme et du Développement humain, ayant remplacé l'Institut indigène péruvien, à propos des études menées ultérieurement sur l'incidence de certains programmes de développement sur la vie, l'environnement et la culture des peuples indigènes affectés, et en particulier les conséquences de l'installation d'exploitation d'hydrocarbures dans les régions traditionnellement occupées par les peuples indigènes.
10. Article 8. La commission prie le gouvernement de fournir des exemples concrets de l'application de cet article, et en particulier des décisions de justice dans le cadre desquelles les coutumes ou le droit coutumier des peuples indigènes auraient été pris en considération.
11. Article 9. La commission demande au gouvernement de fournir des informations plus détaillées sur la situation pratique des rondes paysannes et leur rôle dans la répression des délits commis par des membres des communautés indigènes et sur l'application pratique de l'article 149 de la Constitution. Elle prie encore le gouvernement de communiquer copie de toutes décisions judiciaires en application de l'article 15 du Code pénal.
12. Article 12. La commission demande des informations sur les modalités selon lesquelles s'appliquent, dans la pratique, les dispositions constitutionnelles et la loi organique du pouvoir judiciaire concernant le droit de s'exprimer dans sa langue devant l'autorité judiciaire et de préciser si chaque tribunal compte des interprètes en titre ou si des crédits budgétaires sont prévus pour donner effet à cette disposition légale.
13. Article 14. La commission constate que l'article 11 de la loi no 26505 n'empêche aucunement que, dans les régions où la population est très pauvre et qui sont riches en ressources minières ou en hydrocarbures, les lois du marché incitent ces populations à céder leurs terres ancestrales, ce qui, à son avis, risque de favoriser la dispersion des terres communales. De même, l'article 6 de cette loi soumet toute action judiciaire portant sur des droits sur des terres à vocation agricole, ou destinées à l'élevage ou à la foresterie, à la procédure établie par le Code de procédure civile, ce qui peut constituer un désavantage pour les peuples indigènes dans les régions éloignées ou connaissant mal les procédures juridiques concernant leurs droits sur la terre.
14. La commission souhaite rappeler que la convention dispose que les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires pour garantir la protection effective des droits de propriété et de possession de ces peuples, ou leur assurer une réelle possibilité de faire valoir leurs revendications sur la terre. Cela signifie également que les gouvernements doivent prendre les mesures nécessaires pour identifier les terres traditionnellement occupées par ces peuples et garantir la protection effective de leurs droits de propriété et de possession. La commission demande des informations plus détaillées sur le fonctionnement pratique du projet spécial d'attribution de titres fonciers et de cadastre rural, notamment sur les surfaces qui ont été attribuées à des peuples indigènes et à des personnes non indigènes, les frais de procédures, le coût en termes financiers de cette opération, les formalités à remplir pour obtenir ces titres et les textes légaux régissant ces procédures. La commission prie le gouvernement de communiquer copie du décret législatif no 838, du 15 août 1996, sur les attributions à titre gratuit dans la forêt en faveur d'indigènes et de non-indigènes.
15. Article 15. La commission rappelle que les dispositions de cet article doivent être lues conjointement avec celles des articles 6 et 7, qui concernent la tenue effective de consultations efficaces permettant aux peuples intéressés de prendre activement part aux décisions les concernant. En outre, il convient de prendre en considération l'impact social, spirituel, culturel et environnemental de toute activité déployée et de garantir que les peuples intéressés puissent participer efficacement aux décisions susceptibles de les affecter. A cet effet, la commission prie le gouvernement de fournir des informations spécifiques sur les modalités de mise en oeuvre de cet article de la convention, particulièrement en ce qui concerne les consultations avec les peuples intéressés dans les cas de prospection et d'exploitation de ressources naturelles dans les régions indigènes. Elle demande également au gouvernement de fournir des informations détaillées sur l'impact environnemental et culturel des activités de prospection et d'exploitation, notamment sur les activités menées par des compagnies pétrolières multinationales dans les régions de l'Amazonie où se trouvent des populations isolées ou n'ayant pas de contact avec le monde extérieur. Elle souhaiterait également des informations sur la possibilité de promulguer des dispositions légales établissant clairement les procédures de consultation garantissant la participation effective des peuples intéressés. Elle demande encore des informations sur les conclusions de l'étude générale réalisée à la demande de la Défense du Peuple en septembre 1998, à la suite d'une plainte du Centre pour le développement des indigènes d'Amazonie (CEDIA) contre l'Institut national de ressources naturelles (INRENA), portant sur la situation des communautés indigènes établies dans les zones naturelles protégées. La commission souhaiterait recevoir le texte intégral de la loi no 26631 du 12 juin 1996 qui établit les règles d'instruction des plaintes pour infractions à la législation sur l'environnement.
16. Article 16. La commission souhaiterait obtenir des informations sur les dispositions applicables à l'expropriation des terres occupées par les différentes communautés indigènes du pays ou leur appartenant, et sur la manière dont cet article est appliqué dans la pratique, de même que l'existence éventuelle de programmes d'appui au retour des peuples indigènes en général, qui avaient été déplacés en raison de la violence ou pour raison étrangère à leur volonté et, le cas échéant, sur le nombre d'indigènes revenus sur leurs terres ancestrales et de ceux qui n'ont pu le faire. Elle le prie enfin d'indiquer s'il existe une protection prévoyant de leur rendre des terres de qualité égale et de statut juridique comparable à celles qu'ils occupaient auparavant.
17. Article 17. La commission renvoie à son observation au sujet de la réclamation qui a été examinée par le Conseil d'administration. Elle demande également au gouvernement de lui apporter des informations spécifiques sur l'application du décret no 838 de 1996, et sur la possibilité de promulguer des textes législatifs qui protègent les peuples indigènes de manière claire et efficace contre l'acquisition, la possession ou l'usage de leurs terres par des tiers.
18. Article 18. La commission prie le gouvernement de l'informer de toutes sanctions prises à l'égard de tiers ayant envahi ou occupé frauduleusement des territoires appartenant aux peuples indigènes et de la procédure prévue dans de tels cas.
19. Article 19. La commission prie le gouvernement de lui envoyer des informations sur tous programmes agraires concernant spécifiquement les peuples indigènes dans leur ensemble, tant dans les régions des Andes et de l'Amazonie que dans les régions côtières. Elle demande, en outre, de préciser si les moyens nécessaires ont été accordés à ces peuples pour le développement de leurs terres, après l'attribution ou la délivrance de titres fonciers.
20. Article 20. La commission prie le gouvernement d'indiquer les prestations médicales de la sécurité sociale auxquelles les travailleurs indigènes ont accès, et si ce sont les mêmes pour les travailleurs non indigènes; de l'informer des résultats des inspections du travail en précisant si ces inspections révèlent des différences marquantes de traitement et de salaire entre les travailleurs indigènes et non indigènes et, dans l'affirmative, dans quelle région ce type de discrimination est la plus fréquente.
21. La commission demande également des informations détaillées sur les services de santé et de sécurité de l'inspection du travail, en particulier pour pouvoir participer efficacement aux inspections dans les régions rurales où travaillent un grand nombre d'indigènes. D'autre part, la commission demande au gouvernement de lui envoyer des données statistiques sur le nombre d'inspections réalisées dans les régions rurales, en particulier les données qui se réfèrent directement au travail des indigènes. Voir à ce sujet l'observation de 1997 de la commission sur la convention no 81.
22. Article 21. La commission prie le gouvernement d'envoyer des informations détaillées sur l'accès des peuples indigènes à des conditions égales et sur leur participation aux programmes de formation professionnelle destinés à la population en général, ainsi que toutes mesures spécifiques prises au bénéfice de ces peuples.
23. Article 22. La commission prie instamment le gouvernement de mettre en place des programmes de formation professionnelle élaborés conjointement avec les peuples indigènes intéressés et tendant à ce que les nécessités spécifiques de formation de ces peuples soient prises en compte et afin que ceux-ci puissent, à un moment donné, gérer et élaborer eux-mêmes les programmes de formation destinés à leurs communautés et à d'autres communautés indigènes. A cet égard, le Bureau pourrait fournir initialement son concours sous la forme d'une assistance technique en matière de formation professionnelle.
24. Articles 23 à 25. La partie du rapport qui comprend ces articles n'est pas parvenue. La commission prie le gouvernement de lui envoyer des informations sur l'application de ces articles de la convention, tant par les textes législatifs que dans la pratique.
25. Articles 26 à 30. La commission prie le gouvernement de lui fournir des informations détaillées sur les activités pratiques menées par le gouvernement pour donner effet à ces articles et sur le matériel pédagogique utilisé pour la formation du corps enseignant, ainsi que tout autre matériel utilisé pour faire connaître les droits et obligations des peuples indigènes.
26. Article 33. La commission prie le gouvernement d'indiquer par quel organisme il est actuellement donné effet à cet article de la convention, compte tenu de la disparition de l'Institut indigène, et en particulier quels sont les entités ou les organes gouvernementaux chargés de proposer des mesures législatives, ou encore toute autre autorité compétente.
27. Point VIII du formulaire de rapport. La commission souhaite rappeler au gouvernement que ce point du formulaire de rapport de la convention, approuvé par le Conseil d'administration, indique que, même si ce n'est pas indispensable, il est utile de consulter les organisations des peuples indigènes et tribaux du pays, à travers leurs institutions traditionnelles, lorsqu'elles existent, au sujet des mesures prises pour donner effet à la présente convention dans le cadre de l'élaboration des rapports sur son application. Comme ladite information n'a pas été apportée par le gouvernement dans son premier rapport, prière d'indiquer si de telles consultations ont eu lieu.
1. La commission prend note avec intérêt du premier rapport du gouvernement concernant l'application de la convention, qui fait l'objet d'un examen détaillé dans une demande directe adressée au gouvernement. Elle espère que le gouvernement fournira des informations complètes sur les questions qui y sont soulevées, compte tenu de la situation fort complexe des peuples indigènes au Pérou.
2. Article 11 de la convention. La commission renvoie également à son observation faite cette année sur la convention (no 29) sur le travail forcé, 1930, concernant des allégations de travail forcé imposé aux peuples indigènes du pays.
3. Droits sur la terre en vertu de la convention. La commission note que le Conseil d'administration a achevé d'examiner, à sa 273e session (novembre 1998), une réclamation soumise en vertu de l'article 24 de la Constitution au sujet de l'application de cette convention. Cette réclamation, émanant de la Confédération générale des travailleurs au Pérou (CGTP), a été soumise et examinée avant que la commission n'ait pu étudier le premier rapport du gouvernement faisant suite à la ratification de la convention.
4. Selon cette réclamation, en résumé, la loi no 26845 du 26 juillet 1997 sur les titres fonciers des communautés paysannes de la côte ("Ley de Titulación de las Tierras de las Comunidades Campesinas de la Costa") contreviendrait tant à la lettre et à l'esprit de la convention qu'à la Constitution du Pérou et à d'autres textes législatifs, en ce qu'elle autorise une partie des habitants de ces communautés rurales -- pour la plupart composées de peuples indigènes couverts par la convention -- à vendre à des personnes privées des terres qui sont en fait propriété de la communauté dans son ensemble. Cette situation violerait l'essence même de la convention et serait contraire à ses principes de base: respect de ces populations, garantie de leur droit de participer au processus de décision pour les questions les intéressant, nécessité de sauvegarder leur identité culturelle. Le gouvernement a répondu que cette législation ne fait que consacrer en droit une situation de fait, que ces terres sont déjà des parcelles individuelles, et que la propriété privée est le meilleur garant du développement économique de ces régions.
5. Le Conseil d'administration a conclu à l'existence d'une situation particulière dans le pays résultant des différentes manières dont les peuples couverts par la convention sont définis et des différents droits dont ils bénéficient les uns comparés aux autres. Il a rappelé que l'article 13 de la convention prévoit que "les gouvernements doivent respecter l'importance spéciale que revêt pour la culture et les valeurs spirituelles des peuples intéressés la relation qu'ils entretiennent avec les terres ou les territoires, ... qu'ils occupent ou utilisent d'une autre manière, et en particulier des aspects collectifs de cette relation". Il a rappelé également que l'article 17, paragraphe 2, de la convention énonce que ces peuples "doivent être consultés lorsque l'on examine leur capacité d'aliéner leurs terres ou de transmettre d'une autre manière leurs droits sur ces terres en dehors de leur communauté", et a constaté qu'aucun élément ne permettait de conclure que de telles consultations avaient eu lieu. Il a rappelé que l'expérience de l'OIT montre que, lorsque des terres gérées collectivement par des peuples indigènes et tribaux sont divisées et attribuées à des individus ou à des tiers, l'exercice des droits des communautés indigènes tend à s'affaiblir et, de manière générale, elles risquent de finir par perdre toutes leurs terres ou une grande partie d'entre elles. Le Conseil d'administration a conclu, alors qu'il ne lui appartient pas de déterminer quelle forme de propriété, collective ou individuelle, est la mieux adaptée aux populations indigènes ou tribales dans une situation donnée, que la Conférence avait décidé, lors de l'adoption de la convention, que la participation de ces peuples au processus de décision concernant le changement éventuel de cette forme de propriété revêt une importance particulière. Il a prié le gouvernement d'inclure dans son rapport à soumettre en vertu de l'article 22 de la Constitution des informations détaillées sur les mesures prises pour appliquer ces articles de la convention.
6. La commission fait siennes les conclusions et recommandations du Conseil d'administration (qui sont plus détaillées que la présente observation). Elle demande au gouvernement d'examiner les conclusions de cette réclamation et de fournir, dans son prochain rapport, des informations détaillées sur la mise en oeuvre des conclusions du Conseil d'administration.
7. Exploitation minière -- article 15. La commission croit comprendre qu'un nombre important d'autorisations pour la prospection et l'exploitation minières dans des régions occupées par des peuples indigènes ont été accordées ces dernières années. Prière de fournir des informations détaillées sur les consultations qui ont eu lieu avec ces peuples à ce sujet, la législation et les règles régissant ces consultations, les études effectuées concernant l'impact de cette prospection et de cette exploitation sur ces communautés, et les dispositions prises pour que les communautés intéressées participent à la gestion et aux bénéfices de ces activités, comme le requiert cet article.
1. La commission prend note que le premier rapport du gouvernement a été reçu. Elle prend note également que la Confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP) a présenté une réclamation en vertu de l'article 24 de la Constitution de l'OIT alléguant le non-respect de la convention par le gouvernement et que ladite réclamation a été jugée recevable par le Conseil d'administration lors de sa 270e session (novembre 1997).
2. Dans de telles circonstances, et compte tenu de la pratique habituelle, la commission suspend l'examen du premier rapport en attendant le résultat de la réclamation.